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Date : 06/12 MAI 15 Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Paris OJD : 405431 Page de l'article : p.34,36,38,...,48 Journaliste : Estelle Saget / Delphine Saubaber / Sandrine Chesnel Page 1/11 NUTRIVITALITE 1734983400524 Tous droits réservés à l'éditeur Comment rendre nds enfants heureux Au moment où le « métier rie parent a semble plus difficile que jamais, les découvertes sur le cerveau ouvrent de nouvelles pistes. Avec les bébés c«mme avec les ados, elles montrent que, sans renoncer à l'autorité, une éducation bienveillante favorise une relation de confiance. Une mode de plus? Non, l'espoir de pouvoir enfin s'inventer une pédagogie sur mesure. - — — -—- I// •m-.

Comment rendre heureux nos enfants

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Comment rendrends enfantsheureux

Au moment où le « métier rie parent a semble plus difficile quejamais, les découvertes sur le cerveau ouvrent de nouvellespistes. Avec les bébés c«mme avec les ados, elles montrent que,sans renoncer à l'autorité, une éducation bienveillante favoriseune relation de confiance. Une mode de plus? Non, l'espoir depouvoir enfin s'inventer une pédagogie sur mesure. - — — -—-

I//•m-.

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TENDRESSECertains gestesactiventla productionde l'hormonedu bien-êtrechez l'enfant.

AILLEURS,UNE AUTRE ÉDUCATION

onjour, vous êtes bien la mère deChloé P.? » Téléphone à l'oreille, Frédériqueconfirme. « Je suis la responsable du Monoprix,poursuit la voix, froide et mécanique. Votre fillea volé des tubes de rouge à lèvres, je n'ai pas appeléla police, mais il va falloir venir la chercher etrégler la marchandise. » Frédérique se fige. Depuisson entrée au lycée, sa fille lui en fait voir de toutesles couleurs. Elle s'enferme dans sa chambre avecson copain à l'heure du dîner ; le week-end, ellesort jusqu'à 3 heures du matin. Plus la mèremenace, plus la fille rentre tard. « Chloé défiemon autorité, et maintenant voilà qu'elle voledans les magasins ! » rumine Frédérique, sepromettant « de la sermonner ». Elle fait les centpas, remâchant ses griefs : « II serait temps queChloé mesure les conséquences de ses actes. »Quand elle raccroche, sa tirade est prête : « Si turecommences, tu vas te retrouver chez les flics.C'est ça que tu cherches ? »Frédérique roule en direction du centre-

ville et, peu à peu, l'exaspération retombe.Elle réalise soudain qu'elle a peur poursa gamine. Elle se figure la scène, uneheure plus tôt au rayon maquillage. Levigile qui pousse Chloé dans l'arrière-boutique, les mains sur ses épaules pour ^ *^«t| Bannir menaces et humiliationsla forcer à s'asseoir sur la chaise. Son ton *^L ^ ~ ^ En France,les principes de la parentalitésarcastique, tandis qu'il la toise : « Tu fais —5^** . « positive sont popularisés par des pé-moins la maligne, maintenant... «Alors. , diatres, comme Catherine Gueguenquand Frédérique retrouve sa fille, elle ^" POLYNESIE, les enfants s'amusent (voir l'interview page 46), ou des psy-ne la sermonne pas. Elle lui prend les sans Parents dans les P,ara9es- chothérapeutes, telle Isabelle Filliozat.mains et lui dit, encore remuée : « Pro- Les plus .petlts ?ont co"|iesaux plus Que disent ces professionnels ? D'abordmets-moi de ne plus jamais te mettre dans i ' 'ii ' r i ' t ils insistent sur la nécessité,pour les parents,une situation pareille, Chloé. Je ne voudrais ' ' d'identifier correctement les émotions depas qu'un jour tu te retrouves à la merci de leurs enfants, mais aussi les leurs. A l'imagequelqu'un de brutal. » de Frédérique, lors de l'épisode du Mono-

Frédérique termine son récit, s'excuse ^^^^^^^^^T^l^l prix. Ensuite, les spécialistes invitentd'avoir été si longue. A 40 ans passés, elle B^^^Bf* *" 331 ces mêmes parents à bannir de leur ar-vient de découvrir le pouvoir de la bien- H^flW* .ZHI senal les menaces, les humiliations etveillance,àlafaveurdelacrised'adoles- f^^ ^ï^^U^J^^M la fameuse fessée, pour laquelle lacence de son aînée. Pour cette femme * •Li ^Bi ^^B France vient d'être tancée par le Conseil« trop rigide », de son propre aveu, la tfÉ.<tfâJ^^E^^^I^ de l'Europe. Le 15 avril, cette instanceremise en question a été dure mais « salu- ^BPÉ^^S^I^I a adopté une résolution enjoignant àtaire ». Elle a retrouvé la complicité avec ^^B^^^^^^^^H notre pays d'interdire les punitions cor-sa fille et leurs conflits, désormais,ne tour- EN ARGENTINE, l'été, les enfants porelles. Ces procédés, dommageablesnent plus au drame. Comme beaucoup sortent le soir avec leurs parents pour le cerveau de l'enfant, compro-de mères ou de pères,Frédérique se tourne et peuvent se coucher très tard. mettent aussi bien ses apprentissagesvers la parentalité positive, ce courant d'édu- Une habitude héritée de leurs ancêtres que sa sociabilité. Il ne s'agit pas, bien sûr,cation issu des nouvelles connaissances sur venus d'Espagne ou d'Italie. de renoncer à l'autorité, mais de l'exercer

le cerveau. En seulement dix ans, les scientifiquessont parvenus à expliquer de quelle manière lesneurones se développent et se connectent entreeux durant l'enfance, en fonction de la qualité desrelations entretenues avec l'entourage. Des travauxmenés dans le monde entier, aussi bien au labo-ratoire de neurosciences sociales et affectives de

l'Université de Californie, à Los Angeles (Etats-Unis), que dans des centres de recherche

au Japon ou aux Pays-Bas. Médecins, psy-chologues et pédagogues s'en emparent,pour donner de nouvelles clefs aux pa-rents et rendre les enfants plus heureux.

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avec empathie, en tenant compte des besoins etdes limites de l'enfant, clairement identifiés selonl'âge grâce aux études sur le cerveau.

Plus facile à dire qu'à faire. Dans la tête dcs pa-rents, ces avancées scientifiques font mauvais mé-nage avec un héritage culturel dans lequel uneclaque ou une fessée « n'ont jamais fait dè mal àpersonne ». 4 Français sur 5 affirment y avoir eurecours au moins une fois, selon un sondage réalisépour l'Union des familles en Europe. Malgré tout,la génération actuelle s'approprie les méthodesde parentalité positive, considérées comme unjuste milieu entre l'autoritarisme à l'ancienne etla permissivité de la période Dolto. Elles offrentdes pistes à des familles qui sont plus que jamaisdemandeuses, tant le monde change, et avec luile « métier » de parent. Nouvelles technologies,

DILEMMEPréparer son adoà la vie d'adulteou le laisserprofiter encoreun peu de sonenfance? Souvent,les parentshésitent.

mondialisation des idées et des pratiques, dur-cissement du marché de l'emploi : impossible dese contenter de reproduire ce que l'on a connugamin. Aujourd'hui, les bébés ne sont plus gardespar le grand frère ou la tante, mais par des pro-fessionnels de la petite enfance, si bien qu'àl'âgede devenir parent on a rarement eu l'occasionde changer une couche. De plus, notre société,sophistiquée, produit d'innombrables question-nements d'ordre existentiel, comme le soulignela journaliste Guillemette Faure dans son livreLe Meilleur pour mon enfant (Les Arènes) :« Faut-il faire des projets d'avenir pour son enfantou le laisser libre ? Faut-il le préparer à la vied'adulte ou lui laisser sa vie d'enfant ? »

Les parents modernes, désemparés, sont avidesde savoirs. Ils exhument des figures oubliées,

QUELLE PARADE À LA FESSÉE?Isabelle Filliozat,psychologue,auteurde best-sellers sur la parentalité positive.« Quand le parent, excédé, finit par donner une

. claque à son gamin, c'est parce qu'il n'a pastrouvé d'autre façon de se faire obéir. Pour pouvoirimaginer d'autres stratégies, il faut d'abord savoirce qu'il se passe vraiment dans la tête de l'enfant.

Prenons une situation banale : le petit regarde son dessin animépréféré, son père lui demande d'éteindre la télévision pour venir àtable. Lenfant ne bouge pas. Alors le père coupe ls télé, provoquantdes hurlements. C'est une réaction normale, liée au fonctionnementdu cerveau de l'enfant Face à l'écran, il se retrouve dans un étatsemblable à l'hypnose, raison pour laquelle il ne répond pas àl'injonction de l'adulte. Pour qu'il se lève, il faut l'aider à sortir decet état Par exemple, le père peut s'approcher de lui et engager laconversation au sujet du dessin animé, l'inciter à parler du hérosde la série. On peut aussi attirer son attention sur le repas : "Dis

donc, c'est l'heure de quoi à ton avis ? Tu n'aurais pas un peu faim ?"A chaque parent d'inventer sa propre recette en tenant compte descapacités de son enfant, qui varient selon l'âge. »

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BOUDERIEEn manifestantleur empathie,les parents évitentd'entrer dans unrapport de forceavec leur enfant.

dévorant par exemple les ouvrages deJanusz Korczak, un pédiatre polonais mortdans les camps nazis. Au début du siècledernier, ce médecin préconisait déjà lerespect de l'enfant, prônant une péda-gogie proche de celles, plus connues,des écoles Montessori et Freinet. Ilsdécouvrent John Bowlby, psychiatrebritannique dont la pensée originales'est développée dans les années 1970,anticipant les découvertes des neuro-sciences. Sa théorie de l'attachements'est imposée, dans l'éducation, avecune force comparable à la théorie de révo-lution de Darwin pour la biologie. Méconnu

AILLEURS,

Visionnaire, John Bowlby a, le premier, rangéla sécurité affective parmi les besoins primairesdu petit d'homme, aussi essentiels à sa survie quela chaleur et la nourriture. Sa théorie clôt d'ailleursun vieux débat : si je prends mon bébé dans lesbras chaque fois qu'il le réclame, va-t-il devenircapricieux ? En réalité, cette attitude produitexactement... l'effet inverse. Rassuré par larelation de confiance nouée avec une ou plusieurs« figures d'attachement » qui peuvent être lamère, le père ou encore la nounou, le bébé osepeu à peu s'en éloigner pour explorer son envi-ronnement. Un processus que les scientifiquessavent désormais décrire à l'échelle des neurones.Les gestes de tendresse déclenchent en effet chezl'enfant la production d'ocytocine, l'hormone dubien-être, qui permet un développement optimal

des fonctions cérébrales.UNE AUTRE ÉDUCATION

CHEZ LES PYGMÉES AKA, les pèresgardent les bébés pendant

que les mères partent à la chasse.Les tâches sont interchangeables

entre hommes et femmes.en France, son modèle est aujourd'hui enseignedans les universités du monde entier et inspirenombre de politiques de protection de l'enfance,des Etats-Unis à la Suède.

Partager les connaissancesDes données scientifiques, des péda-

gogues inspirés, des exemples étran-gers (I) et de l'expérience tirée de lavraie vie de vrais parents : voilà ce queréclame la génération actuelle, à la foisanxieuse de mal s'y prendre et décidéeà tracer son propre chemin. En 2011, lalyonnaise Béatrice Kammerer a créé lesite participatif les Vendredis intellos.Vendredis, en référence au jour retenu

pour que les pères et (surtout) les mèrespostent leurs contributions. Et intellos par

« provocation », explique Béatrice, « pour contrerl'idée que la connaissance en matière d'éducationserait réservée aux universitaires, aux psycho-logues et aux médecins ». En ce lieu

FAUT-IL LES PRIVER DE TABLETTES?Daniel Marcelli, pédopsychiatre,chef de service du centre hospitalier de Poitiers.« Je vois des parents qui mettent l'iPad sousclef, ajoutent un code d'accès à l'ordinateur, cou-pent le WiFi avant de partir au travail. Ces mesuresont un intérêt : elles posent des limites Maîselles poussent à la surenchère, les enfants trou

vant toujours moyen, en grandissant, de contourner les interdits.Dès 12 ans, ils vont emprunter l'appareil d'un copain, ou bien ilsdeviendront, à force, d'excellents hackeurs! Il vaut mieux leurapprendre à se détourner des écrans d'eux-mêmes, et, pour com-mencer, donner l'exemple Les adultes qui s'abstiennent de répondreà leurs textes pendant le repas sont plus crédibles quand ilsdemandent à leurs préados d'en faire autant. Concrètement, pourl'ordinateur notamment, il faut fixer un temps maximal d'utilisation.Et, les premiers temps, avertir l'enfant un quart d'heure avant lacoupure On peut poser à côté de lui un minuteur cfe cuisine - lasonnerie d'une tomate en plastique est mieux vécue que l'irruption

du parent dans la pièce La première fois, l'enfant va dépasser letemps imparti et l'adulte se contentera de dire, sur un ton neutre :"J'aurais préféré que tu t'arrêtes spontanément." La deuxièmeou troisième fois, le pli sera pris. Vers 16 ans, il saura gérer sontemps d'écran de lui-même. »

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DIALOGUEPour un parent,se remettreen question lorsd'une disputepeut être difficilemais salutaire.

d'échanges très vifs, pas de dogme. « Chacuntente d'inventer la solution unique quiconviendra à sa famille unique », affirmeBéatrice. Sous le pseudo Mauvais Père,un internaute donne le ton : « Mes en-fants me bouffent tout cru. Et si j'appe-lais la police ? »

Ces parents émancipés frappent àtoutes les portes. Celles des mairies oudes médiathèques qui, depuis une di-zaine d'années, organisent le soir desgroupes de parole autour de la vie defamille, partout en France. On s'inter-roge : « Quand les enfants sont-ils prêtsà enlever la couche ? » (Maison d'éduca-teurs de jeunes enfants de Perpignan). On

AILLEURS,UNE AUTRE EDUCATION

•k

réfléchit : « Parents, ados, comment garder ledialogue? » (espace culturel d'Herblay, dans leVal-d'Oise). Des parents montent même leur

AU MEXIQUE, les Mayas confientà leurs enfants des tâches domestiques,comme nourrir les poules ou participer

à la lessive. Lesquels en tirentde la fierté, au lieu de rechigner.

propre cercle, comme cette mère de trois enfantsqui a créé l'an dernier, à Carnac, Parents ensem-ble 56 (le département du Morbihan). Les plusmotivés vont jusqu'à payer de leur poche descoachs en éducation (entre 50 et 100 euros l'heure)ou s'engagent dans des formations sur plusieursmois (voir le reportage page 42). « Attention à nepas laisser croire aux parents qu'il existe dessolutions toutes faites, avertit toutefois la psy-chanalyste Elisabeth Roudinesco. On élèved'abord les enfants avec ce qu'on est. »

« Cette génération fait preuve d'initiative et d'unculot certain », relève le Dr Xavier Pommereau.La notoriété - et la page Facebook - de ce spé-cialiste des conduites suicidaires à l'adolescencelui valent de nombreux e-mails de parents qui

lui posent des questions aussi banales que...l'heure à laquelle un garçon de 15 ans doit

rentrer d'une fête d'anniversaire. « Je ré-ponds, assure le psychiatre. J'animemême, depuis 2010, un groupe de parolepour aborder ces problèmes du quoti-dien. » Les réunions attirent des pèreset des mères sans histoires, alors qu'ellesse tiennent au CHU de Bordeaux, dansl'unité même où sont hospitalisés lesjeunes anorexiques... Preuve, s'il en fal-lait, que les parents d'aujourd'hui pren-nent au sérieux la plus petite difficulté

rencontrée avec leur progéniture. Un peutrop, parfois ? A vouloir si bien faire, on en

oublie parfois de se fier à son instinct. • E. S.

( I ) A lire, a ce su] et, Comment les Eskimos gardent les bebesait chaud, de Mel Ling Hopgood (Lattes)

COMMENT LEUR APPRENDRE À SE DÉFENDRE?Emmanuelle Piquet,psychologue,auteur de Te laisse pas faire ! (Payot)« ll n'est jamais trop tard pour apprendre à nosenfants a avoir de la repartie. Et toutes les occa-sions sont bonnes pour déjà /es y entraîner enfamille. L'autre jour, une de mes filles est rentréea la maison dépitée. Ses copines avaient dit que

sa jupe était moche La solution de facilité aurait été de ranger lajupe dans le placard, avec le risque qu'une autre tenue, le lendemain,suscite les mêmes critiques. J'ai posé le problème autrement : quepourrais-tu leur répondre la prochaine fois 7 Et nous avons cherchédes répliques ensemble. Je recommande de faire participer aussiles frères et soeurs, qui ont souvent beaucoup d'imagination 'Si notre enfant, à un moment, se retrouve harcelé par des camaradesd'école, nous pouvons l'aider en appliquant le même principe : luifournir des armes pour qu'il se défende seul L'autodérision, parexemple, fonctionne très bien. J'ai reçu en consultation une jeunefille de 15 ans qui s'était vue affublée du surnom de Z/atan, allusionà son prétendu grand nez. Je lui ai proposé de changer sa photode profil sur Facebook pour mettre celle du joueur de foot. Ça a

coupé l'herbe sous le pied des ricaneurs, qui ont lâché l'affaire.L'autre option, c'est ce que j'appelle le judo verbal. A un collégienqui se faisait traiter de "pédale" et de "tafiole"par un grand balèze,j'ai suggéré de rentrer dans son jeu Dans la cour, devant ses copains,il lui a lancé bien fort : "Ça va, chéri7" Lautre n'est plus revenu. »

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EXPÉRIMENTATION Afin d'aider les mères à adopter Jun autre point de vue, des jeux de rôles sont organisés.Ils leur permettent de se glisser dans la peau de leurs rejetons.

Quand l'adulte apprend à écouterLa méthode Gordon fait des émules chez les parents qui souhaitentrétablir le dialogue avec leurs enfants. Travaux pratiques à Rumegies (Nord),où des mères de famille s'entraînent à la « résolution des conflits ».Par Delphine Saubaber - Reportage photo : Aimée Thirion/Diverqence pour L'Express

Quand, le vendredi soir, Géraldinerentre de son atelier de parentalité àRumegies (Nord), à quarante-cinqminutes de voiture de chez elle, ses sixenfants, de 2 à 16 ans, ne cachent pasleur soulagement. « Ils aiment vraimentbien le week-end qui suit mon coursGordon », relate, avec un immensesourire, cette jolie rousse de 38 ans. Il ya encore six mois, personne dans la fratrien'avait jamais entendu parler de ThomasGordon, un psychologue américain.Depuis, à la maison, Géraldine a apprisà choisir ses batailles, cessé de couriraprès un paradis perdu, celui de la mère

idéale, et les décibels grimpent nette-ment moins dans les étages. L'« écouteactive », fondée sur l'empathie, et la« relation win-win » (gagnant-gagnant)dispenseraient-elles leurs bienfaits ?

Prendre en compte l'enfantdans sa globalitéA première vue, la terminologiegordonnienne puise beaucoup dans lemanagement « fondé sur la collabora-tion ». Exit le modèle pyramidal, lesrapports traditionnels dè dominationoù l'on manie récompenses et puni-tions comme autant d'instruments de

contrôle du comportement. Son expé-rience de consultant et sa pratique depsychologue ont permis à ThomasGordon d'établir des liens entre lesrelations managers-collaborateurs etparents-enfants. Dès 1962, cet ancienélève du psychologue Carl Rogers aainsi l'idée de développer un pro-gramme de formation à l'attention desparents, histoire de leur transmettreles « compétences » requises pour unemeilleure communication en famille.A partir de là, il publie, en 1970, unmanifeste, Parents efficaces. Tout unprogramme.

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C'est après avoir lu cet ouvrage queSandra, jeune mère de trois bambinstout emmitouflée de timidité, a décidéde venir ce vendredi soir, comme Géral-dine, à Rumegies. La nuit enveloppe lamaison dAmandine Duffée, la forma-trice, qui accueille dans son salon unepetite dizaine de mamans. Chips etapéro autour de la table basse, tableaupaperboard au coin de la cheminée. Onvient ici quand on ne sait plus que direà sa pétroleuse de 17 ans qui confondle salon avec un souk et qui vit grefféeà son smartphone. Ou lorsque Maia,3 ans, rechigne chaque soir à aller aulit. Entre autoritarisme etlaxisme, il y a bien une troi-sième voie, oui, mais laquelle ?

Un temps, Amandine Duf-fée a elle-même été désarméeface au « burn-out » scolairede sa grande. Cette ancienneenseignante a fui les mé-thodes formatées de l'Edu-cation nationale, « où les pro-fesseurs sont là avant toutpour évaluer et sanctionner »,pour aborder les rivages deMontessori et de Gordon,« qui prennent beaucoup plusen compte l'enfant dans saglobalité ». Aux mères (oncherche les pères) qui viennent poserleur désarroi ou simplement leurs ques-tions sur un coin de table, elle ne prometpas de « clefs en main » ni de thérapiecollective, mais simplement la possibi-lité, avec le temps, d'instaurer unerelation différente avec leurs enfants.Et de déplacer certains angles de vue.« Je me suis appliqué à moi-même laméthode Gordon, dit-elle. J'ai décou-vert que, quand ma fille pleurait, jevoulais juste qu'elle arrête. J'ai comprisensuite seulement ce qui se cachaitderrière cela. Une fois qu'on a déceléle besoin et le problème réel, il est plusfacile de mettre en place des solutionspour y répondre. »

En dix « ateliers parents » de deuxheures et demie à Rumegies (ou deuxweek-ends pleins), tout peut changer.Grâce à des principes simples (enapparence), qui reprennent, notam-ment, ceux dAbraham Maslow, le pèrede l'approche humaniste sur la satis-faction des besoins, et qui ouvrent surune « résolution des conflits ». L'enfant

a un problème ? L'« écoute active » per-mettra de l'entendre avec attention, enaccueillant non seulement ce qu'il dit,mais aussi ce qu'il ressent et ses besoins.Et cela sans chercher immédiatementà lui imposer une solution. « Le parentreformule ce qu'il entend, ou ce quel'enfant pense, sa réponse est simple-ment un reflet du message transmis »,explique Amandine Duffée. Exemple :un gamin refuse d'aller à l'école. « Ons'imagine que le problème se joue surle terrain scolaire. Mais cela peut aussivouloir dire, si l'on pratique l'écouteactive, en épluchant les réponses

COMPRÉHENSION La formatriceAmandine Duffée, s'est autoappliquéla méthode Gordon.

successives, un peu comme un oignon,que le cœur du souci réside dans le faitque l'enfant, sachant que sa mère neva pas bien, ne veut pas la laisser seule. »

Expliquer la situation telle qu'onla ressent, sans blâmer ni juqerL'atelier Gordon aide l'adulte à s'af-firmer, à substituer au « message-tu »- prescriptif, qui agresse et consisteavant tout à vider son sac (« Tu devraisfaire ceci ou cela ») - le « message-je » ;on décrit les faits puis on explique àl'enfant ce que l'on ressent, mais sansle blâmer ni le juger. Cela permet d'af-firmer ses besoins de parent tout enresponsabilisant sa progéniture. Et deposer des règles, si nécessaire.

Voici justement l'heure des jeux derôle, dans le salon dAmandine. Vautréesur le canapé, Géraldine imite son adoaffalé au retour du lycée, tandis queSylvie, elle, mime la mère. L'idée estd'apprendre, pour l'une, à quitter lechamp de l'émotionnel et à « envoyerun message-je en tant que parent », et

pour l'autre, à se glisser, une fois n'estpas coutume, dans la peau de son reje-ton. Grand moment de jouissance pourGéraldine, qui envoie allègrement paî-tre sa mère de substitution. Puis se rendpeu à peu à ses arguments, quand lescris tombent : « D'un côté, je ne me ren-dais pas compte que mon fils pouvaitse comporter ainsi parce qu'il est justefatigué, en poussée de croissance, et del'autre, j'ai moi aussi appris à poser deslimites, tout en formulant les chosesdifféremment afin qu'il ne soit pas ac-culé aune attitude d'opposition, confie-t-elle, en aparté. C'est autrement plus

compliqué de chercher à en-tendre le message de l'autreet son besoin, plutôt que departir en vrille. » Bilan : Gé-raldine va relever son « seuilde tolérance », qui commen-çait à friser dangereusementle plancher. Claire, quant àelle, raconte qu'au retour desateliers elle dort mal, après ceremue-méninges qui remeten question toute sa commu-nication, y compris avec lesadultes. Son mari, lui, s'enfélicite : « Quand on se dis-pute, on voit que tu as apprisde Gordon. »

En attendant, la pièce s'est transfor-mée en gueuloir. Amandine Dufféecircule, pointe les contradictions, lesdiscours trop permissif s, lève des lièvres.Et, quand les problèmes persistent(Claire,jouant son fils : « OK,j'ai écoutéma mère mais je n'ai toujours pas enviede ranger ma chambre... »), on enarrive à un autre principe : « la résolu-tion des conflits sans perdants ». Unethéorie plus complexe qu'il n'y paraît,comme le reste dè la méthode, d'ail-leurs. L'adulte ne « cède » pas et obtientau final ce qu'il voulait, mais fait ensorte que l'enfant aussi s'y retrouve.Comment apprendre à un bambin àmanger des légumes qu'il crache àchaque repas ? Comment négocier unesortie de crise permanente avec sonado qui veut aller en soirée jusqu'aupetit matin ? Explications au prochainatelier. Gordon n'est pas gratuit. Tarifpour un atelier de niveau I : de 300 à410 euros par personne pour un stagede quatre jours. Devenir parent n'a pasde prix. •

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John Bowlbyou l'art d'être parentParYvane Wiart

La chercheuse en psychologie (1), thérapeute, rappelle l'apportdu psychiatre britannique, père de la « théorie de l'attachement ».

Rien ne prédisposait John Bowlby àdevenir pionnier dans l'art d'être pa-rent, avec sa découverte de l'instinctd'attachement, aussi fondamental pourla survie que de se nourrir. Né en 1907dans la haute bourgeoisie london-nienne d'un père médecin des armées,chirurgien privé du roi George V, ilbifurque vers la médecine, après avoirétudié la psychologie et enseigne dansdes écoles pour enfants en difficulté.

Il y remarque des pensionnaires im-perméables aux louanges comme auxcritiques et aux punitions, en apparenceindifférents aux liens avec autrui.Convaincu qu'une telle attitude se rap-porte à un manque affectif familial, ildécide de s'intéresser à l'abandon, tantpsychique que physique, et aux consé-quences de la violencepsychologique enversl'enfant.

Ses recherches, qui com-mencent par une enquêtepour l'Organisation mon-diale de la santé sur lesjeunes privés de foyerdans l'Europe et les Etats-unis de l'après-guerre,l'amènent à concevoirqu'un besoin d'attache-ment non satisfait conduità des problèmes relation-nels, dè comportement et de personna-lité, chez les enfants comme chez lesadultes. Ce besoin correspond à celuid'être écouté, entendu, compris etsoutenu. Il se manifeste tout au longde la vie, du « berceau à la tombe »,comme le disait Bowlby.

Cette conception contraste avec l'idée,courante à l'époque, qu'un enfant nes'attache à sa mère que parce qu'elle lenourrit. Bowlby récuse aussi la notiond'une agressivité innée et préfère inter-roger ses patients, petits et grands, surleur vécu plutôt que sur leurs fantasmes.

VITAL Pour l'être humain,être compris et soutenu est aussi

essentiel que de se nourrir.

NIE Un pionnieraux conceptionsvalidées par la science.

Il s'oppose ainsi à ses col-lègues psychanalystes,qui ne lui pardonnentpas davantage de vouloirfaire la preuve scienti-fique de son approche dudéveloppement du psy-chisme humain, quitte às'inspirer de l'éthologie,qui étudie le comporte-ment animal.

Autant chercheur queclinicien, Bowlby souhaiteaider les gens à aller mieux

en s'appuyant sur des éléments démon-trés, comme en médecine organique. Ils'empare ainsi des premiers travauxsur la mémoire (1972) pour expliquercomment des expériences affectives nonreconnues par les proches dans l'enfancerestent bloquées dans une partie ducerveau, pour resurgir des années plustard. Et deviennent causes de malaise ycompris sur le plan physique. Il expliqueencore comment les relations des parentsà l'enfant construisent chez lui desreprésentations de soi, d'autrui et dumonde qui filtrent ensuite sa perception

de la réalité et conditionnent ses émo-tions. Il apporte enfin, sur ces bases, uneapproche thérapeutique efficace.Tout ceci a été validé depuis par des

milliers de recherches dans le monde,et les nouvelles techniques commel'imagerie qui ont permis l'essor de laneurobiologie développementale oudes neurosciences affectives, donnentraison à ce clinicien de génie. Bowlby aconsacré sa vie à diffuser des informa-tions sur la meilleure manière d'éleverles enfants et sur le type d'amour à leurapporter pour qu'ils deviennent desadultes bien dans leur peau ; équilibrequ'ils transmettront ensuite à leurs des-cendants. Il s'est exprimé pour les spé-cialistes et pour le grand public, à laradio. On retrouve aujourd'hui dansdeux recueils (2) ses conférences pas-sionnantes, qui détaillent son approcherévolutionnaire des rapports humains. •

(1) A l'université Pans-DescartesAuteur de LAttachement, un instinct oublie(Albin Michel), et traductrice de John Bowlby(2) Amour et Rupture Les destins du lien affectif(Albin Michel) Et Le Lien, la psychanalyseeli art d'être parent (Albin Michel)

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Date : 06/12 MAI 15

Pays : FrancePériodicité : Hebdomadaire ParisOJD : 405431

Page de l'article : p.34,36,38,...,48Journaliste : Estelle Saget /Delphine Saubaber / SandrineChesnel

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cc Les paroles humiliantesdétruisent des neurones »La pédiatre Catherine Gueguen (1) explique ce que la sciencea découvert sur le cerveau des enfants. Et en quoi ces travaux validentles principes de l'éducation bienveillante, propos reclams Par Estelle saget

Pourquoi les nouvellesconnaissances sur le cerveaudevraient-elles changerla manière d'éduquernotre progéniture?h—> Les chercheurs du xxie siècle nousdisent ce qui favorise le bon dévelop-pement de l'enfant : une relation bien-veillante, empathique, soutenante. Carcette attitude permet à son cerveau, trèsfragile, d'évoluer de façon optimale.Les liens affectifs influencent à la foisles capacités de mémoire, d'apprentis-sage, de réflexion,mais aussi les capaci-tés relationnelles, les émotions, les sen-timents. Ils modifient la sécrétion demolécules cérébrales, le développementdes neurones. Ils modifient égalementla régulation du stress, et même la facultéd'agir de certains gènes. Le psychiatreJohn Bowlby, décédé en 1990, postulaitdéjà que le besoin d'attachement étaitvital pour l'enfant ; les neurosciencesl'ont confirmé ces dix dernières années.

En quoi est-ce une révolution?h—> La grande majorité des parents ontété élevés avec des menaces, sommésd'obéir sous la pression du fameux « Jecompte jusqu'à trois :un,deux... » Alorsils banalisent cette forme de violence,sans imaginer qu'elle a des consé-quences psychologiques mais aussiphysiologiques. « Qu'est-ce que tu esmaladroit ! », « Tu es infernal ! » : cesparoles humiliantes, répétées, peuventdétruire des neurones dans des struc-tures essentielles du cerveau.

Pourtant, ces parents ont grandià l'époque Dolto...I—> Françoise Dolto a eu le mérite dedemander aux adultes de considérerles enfants comme des personnes. Cequ'elle ne pouvait pas savoir, à l'époque,c'est à quel point le cerveau d'un petitest immature. Son intellect est incapable

de traiter les longs discours des adultes.Dolto a recommandé aux parents des'expliquer sur leur attitude. Or leursraisonnements ne sont pas à la portéedes enfants. Ces paroles les angoissentau lieu de les rassurer.

question est tout autre. Il s'agit de setenir aux côtés de l'enfant pour mettredes mots sur ce qu'il ressent, le sécu-riser, le consoler. Sans pour autantcéder à ses désirs quand ceux-ci nesont pas justifiés.

Qu'a-t-on appris, encore,en observant la manièredont fonctionne le cerveaudes enfants?h-» La science nous montre qu'ilfaut cesser de voir un comportementintentionnel dans les colères des tout-petits. Les « caprices », ça n'existepas ! On qualifie ces enfants de « ty-rans », alors qu'ils ne sont simplementpas capables de gérer leurs émotionsavant 5 ou 7 ans. L'une des grandesdécouvertes des neurosciences, c'estque le tout-petit ne peut pas s'apaiserseul. Quand un bambin de 18 mois seroule par terre, ce n'est pas pour ma-nipuler ses parents, arriver à ses fins.Il vit une tempête émotionnelle quile dépasse. Son père ou sa mère se di-sent « II faut rester ferme ! » commes'ils étaient dans un rapport de forceoù il faudrait avoir le dessus. Or la

RECHERCHE Létude de l'activité neuronaledu bébé a confirmé l'importance de la qualité

des liens affectifs pour son développement.

Où les parents peuvent-ils puiserleur bienveillance, quandle monde se fait si rude?I—» Ils doivent s'entourer d'un cercleamical et familial lui-même bienveil-lant. Il faut s'éloigner des personnestoxiques, à commencer par le conjoint,s'il est maltraitant. Ne pas « rester en-semble pour les enfants », comme onl'entendait à la génération précédente.Je recommande aussi aux parents dese former par des stages ou des livresà la communication non violente[NDLR : voir le site Nvc-europe.org],une méthode qui permet de nouer desrelations plus harmonieuses. Et surtout,je conseille de ne pas s'oublier. Sur mesordonnances, je prescris des dîners entête à tête. •(I) Medecin a I Institut hospitalierfranco britannique de Levallois Perret Auteur dePour une enfance heureuse (Robert Laffont)

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ÉQUILIBRE Entre efforts, confianceet bons moments, la scolarité

n'implique pas que des devoirs.

Ecole : savoir doser la pressionDans une société où le système scolaire ne jure que par les notes, comment aiderson enfant à réussir ses études sans nuire à son épanouissement ?Expériences de parents et réponses de spécialistes. Par Sandrine Chesnel

Apprendre à lâcher priseC'est dans un village côtier, près deLa Rochelle, que Laurence et YannJuin, tous deux ensei gn an Is, on t ch oi sid'élever leurs quatre enfants, âgés de9 à 15 ans Deux garçons, deux filles, etun principe : pas de parcours d'orien-tation tout tracé vers les grandes écoles,comme il s'en trouve souvent chez lesenfants d'enseignants

Laurence, professeur dc lettres ct d'his-toire-géographie en lycée professionnel,regrette que trop dc parents ne jurentque par la filière générale C'est pour-quoi elle et son mari ont accepté sansdifficulté le choix de leur fils aîné, « pastrès scolaire », d'intégrer, après la troi-sième, un lycée hôtelier. En revanche,elle a eu plus de mal à acceptei l'idée

qu'Erwann quitte la maison pour de-venir interne dans ce même lycée • « J'aipassé toutes ses années de collège der-rière lui. pour qu'il fasse ses devoirs et

apprenne ses leçons, souligne Laurence.Ce n'était pas évident de fléchir, maîson a décidé de lui faire confiance C'estsa vie qu'il construit, pas la nôtre. »

Lavis du docteur Patrice Huerre,psychiatre spécialiste des adolescents* :I—> « Certains parents hypermvestis dans la scolarité de leur enfant finissent paren attendre un retour sur investissement gratifiant, c'est-a dire de bonnes noteset un diplôme prestigieux. C'est souvent sur les choix d'orientation ou d'établissementque ces projections parentales se cristallisent Maîs les parents gui souhaitent guéleur enfant soit heureux doivent prendre conscience qu'il n'est pas la pour comblerleurs ambitions Pour aider un adolescente choisir ses etudes et un métier, il fautlâcher prise et lui permettre de discuter avec d'autres adultes de modes de viedifférents de ceux de ses parents. Oublier l'enfant idéal et ouvrir son ado au monde,pour qu'il fasse ses choix de vie en ayant conscience de tous les possibles »Auteur de Faut tl plaindre les bons élevés ? Lepn\ de I excellence (Hachette)

et de Place au jeu 'Jouer pour apprendre a vivre (Nathan)

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Miser sur l'autonomieLa pédagogie, Yannig Raffenel s'y estfrotté très tôt, lorsqu'il était élève d'uneécole Freinet. Responsable (pédago-gique) de cours en ligne, ce père divorceprend grand soin de responsabiliser safille, Aziliz, 14 ans, en troisième dansun collège public de Rennes : « Récem-ment, je lui ai proposé de suivre deuxséances avec un coach, pour identifierquelle était la méthode d'apprentissagequi lui conviendrait le mieux. Elle aadoré ! » Pour le Breton, son rôle depère consiste à doter sa fille d'outilslui permettant d'étudier en toute auto-nomie. C'est pourquoi il ne contrôleplus ses devoirs depuis quèlques années

déjà, et ne va jamais voir ses notes surInternet sans elle.

Une organisation qui convient bienà la demoiselle, même si son pèrenote qu'elle est parfois un peu trop

perfectionniste. Côté autonomie, Azilizn'a plus rien à prouver : elle vient dedécider de partir étudier seule troismois dans un lycée de Vancouver.Quand l'élève dépasse le maître...

L'avis d'Aurélie Crétin, psychologue et psychothérapeute* :h-> « L'image qu'un enfant a de lui-même se construit directement a partirdes remarques de ses parents. Pour être confiant, un enfant doit entendreque ses parents croient en lui Parfois, quand les résultats scolaires ne sont pasbons, les parents sont tentés d'imposer leurs propres méthodes de travailC'est une erreur : mieux vaut réfléchir ensemble aux solutions qui pourraientêtre efficaces. De même, dès la fm du primaire, on peut proposer à son enfant decommencer à faire ses devoirs seul, s'il en est d'accord, bien évidemment. C'estainsi, que, petit à petit, se construisent l'autonomie et la confiance réciproque. »* Auteur de Vivre mieux avec les emotions de son enfant (Odile Jacob)

Faire preuve de bienveillanceGilles et Sylvie Meyer vivent avec leurstrois enfants - Romain, 17 ans, Clément,15 ans, et Louise, 10 ans - dans le trèsbourgeois VIe arrondissement de Lyon.Un détail qui, pour Gilles, a son impor-tance : « Ici, à la pression scolaire, déjàtrès répandue ailleurs, s'ajoute uneforme de pression sociale. Les habitantscomparent en permanence les notes etles études de leurs enfants, surtout ceuxqui les scolarisent dans le privé. C'estassez pénible. » Mais il en faut plus pourébranler ce chef d'entreprise, adepte dudéveloppement personnel : « En tra-vaillant sur moi, j'ai appris à mieux meconnaître, explique-t-il. Et mieux seconnaître permet d'être plus serein, face

à l'avenir et face à celui de ses enfants.Du coup, je leur mets moins la pressionqu'avant sur les notes et les résultatsscolaires. » CQFD ? Pas si simple, carSylvie, la maman, est plutôt d'une naturestressée... « Ma femme se montre plusferme que moi, plus exigeante sur lesefforts à fournir, explique Gilles. Moi,

je suis plus "coulant''du genre à direqu'il faut prendre du recul par rapportaux notes... Mais à nous deux, je croisque nous avons réussi à trouver un cer-tain équilibre, qui combine une approchebienveillante, une pression saine, avecjuste pour objectif dè révéler la person-nalité et les capacités de nos enfants. »

L'avis d'Aurélie Crétin:I—> « Parent bienveillant, c'est une question de posture : il faut essayer de voirles choses du point de vue de son enfant, l'accompagner, maîs ne surtoutpas tout faire à sa place. Même dans une fratrie, il est nécessaire de s'adapterà chaque individualité. Et quand un enfant se trouve dans un établissementtrès exigeant, on ne doit pas hésiter à "faire tampon" entre les professeurset lui Sans remettre en cause l'autorité des enseignants, bien sûr, il convientde dédramatiser les mauvaises notes et de se focaliser plutôt sur les réussites »

Cultiver le plaisir d'être ensembleLorsque l'on demande à Hélène Gou-rio ce que son mari et elle souhaitenttransmettre à leurs deux garçons dell et 9 ans, la jeune femme répondsans hésiter : « Le goût de l'effort. »De fait, la vie de cette famille pa-risienne semble réglée comme dupapier à musique : tous les jours, Igoret Dimitri, scolarisés dans une écoleprivée du XVe arrondissement, ren-trent seuls à la maison, en bus. Ensuite,ils prennent leur goûter puis se mettentà leurs devoirs. En toute autonomie.Un régime à la dure ? Hélène et sonmari s'en défendent. S'ils se montrentexigeants avec Igor et Dimitri, ils sonttout aussi intransigeants sur le temps

consacré à la détente et à la vie defamille, loin des préoccupationsscolaires. « Nos week-ends sont remplisde parties de jeux de société, car monmari adore ces moments avec lesenfants, raconte Hélène. Nous jouonsau tennis ensemble, et puis il y a aussi

les sorties, le cinéma, les petits "apéros"entre nous... » Hélène et son mari ensont persuadés : ces bons moments etces fous rires partagés sont plus im-portants que le temps passé sur lesdevoirs. « Des liens pour la vie »,résume-t-elle Hélène.

L'avis de Patrice Huerre :h-> « Les parents doivent absolument veiller à ce que la scolarité ne prenne pastoute la place dans la vie de leurs enfants Le temps passé ensemble ne doitpas se résumer à une relation parent-élève. Faute de quoi, l'enfant se construitavec l'idée qu'il n'est qu'un élève, et que la scolarité est une fm en soi Au contraire,il faut partager avec lui ses passions, s'intéresser aux siennes. Jouer, enfin,car développer ce type de capacité, c'est lui donner plus de force pour affronterun monde en constant mouvement, plein de surprises Le plus beau cadeauà faire à son enfant, c'est de partager avec lui ses bons moments. »