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16-r:-3+ SAINT DENYS L'AREOPAGITE PREMIER EYbJQUE DE PARIS P,UI. L',\nnf: I.-E. D.\nn,\5 CllANOINE JlONORAIRE D'AJACCIOET DE QUDIPER « Je vou. bCniJ, il Seigneur, de ce que VOu! D elcitAtes saint Pierre et scs 50ccesSelll'9 h. J) eou! envoy er , des lelll premiers temps, les qui ont ronde no! Egli.e•. » DOS.iUET. Di5cours sur J'lulite de I'Bgli.e. r--., ........... ( 'T -.--) .. PARIS LOUIS VIVES, LIBRAIRE-ED1TEUR RUE DEL.uDlRE, 5 1863 .M

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Dionysius the Areopagite : our Genuine Tradition... the tradition of the Primitive Christian Church. ... / The "Lost Apostolic Church" (up to 325) is to be searched in Western Christianity... [scan from photocopies made in library]

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  • 1. ~ SAINT 16-r:-3+DENYS LAREOPAGITE PREMIER EYbJQUE DE PARIS P,UI. L,nnf: I.-E. D.nn,5 CllANOINE JlONORAIRE DAJACCIOET DE QUDIPER Je vou. bCniJ, il Seigneur, de ce que VOu! D elcitAtes saint Pierre et scs 50ccesSelll9 h. J) eou! envoyer , des lelll premiers temps, les c,~que. qui ont ronde no! Egli.e. DOS.iUET. Di5cours sur Jlulite de IBgli.e. r--.,.. . . . . ( T -.--) ~--=: ~ . PARIS LOUIS VIVES, LIBRAIRE-ED1TEUR RUE DEL.uDlRE, 5 1863 ,.~ .M
  • 2. PREFACE. La predication de lEvangile dans les Gaules date-t-eUe de lCre apostoliqne? Avons-nons le droit deredire avcc un sentiment de fierte cluetienne et na-tionale ces vels que FOltnnat, lillustre eveque dePoitiers, ecrivait en 1)50 : Gullia, plaudc, libcns, millil tibi noma sallllcm; Flllgor aposlolicus visilal Allobrogas I?Ou bien rant-il reculcl au troisicme siccle, sous lem-pire de Dcce, lan 2tiO, loligine de nos Egliscs, etnous incliner devant un texte isole de saint Glcgoilede Tours, contledit par dautles passages du memeauteur, et par limmense majorite des Peres et deshistoriens qui lont precede et suivi jusquau dix-septieme siccle? La mission de saint Denys lAleopagite aParis est-eUe environnee dassez de preuves et de tcmoignagespour que la" plus grande somme ~e probabilites lui I cc Terre des Guules, applaudis a ta gloire : Rome fenvoie le salut, la splendenr aposlolique visilc les Allobroges. )) (Fortunal, Oper.- Patrol. lat., t. LXXXVlII, col. 127.)
  • 3. f VI PREFACE. soit historiqueItlent acquise? Ou bien faut-il la con sidcrer comme unc Iegende pieuse du moyen-flge, sans autre valeur que le suave palfum des vieilles et romanesques traditions populaires {? Revenir apres un siecle et demi doubli et dindif ferenee sur une question que la critique antitradi~io~- - nelle avait cru tranchee definitivement en sa faveur; saisir de nouveau lopinion dune discussion qui paraissait terminec, pourrait semblcr inutile ou inop portun. Lcpoque contcmporainc ne nollS foumit que trop de sujets de luttcs obligces, sans cmpruntel au passe des contlOVClSCS etcintcs et ramassel, sur les champs de bataille de lhistoirc, les armes que vain queurs et vaincus ont laissees a terre. Cependant il importe de dire pourquoi lEglise Ro maine, mere et maUresse de tolttes les aut1es, centre de la science ccclesiastique et gardienne prudente des traditions, na point consacle par son autorite ce quon setait habitue aconsiderer comme la conquetc Ie.gitime de la critique du dix-septieme siecle. En France, lopinion qui fixe au regne de pece la mission de nos premiers apotres, a plevalu. Son triompne fut tel que lenseignement classique, la croyance com mune aussi bien que le sentiment des juges plus eclai t LabM Pascal. Discussion histo1ique et impartiale sur lipolJue de letaOlissemenl de la Foi dans les Gaules, p. ~2.
  • 4. PREFACE. VIIres et plus instruits, qui exelcent en quelque sorte lamugistrature de lesprit public, et dont le devoir est dese tenir SUI les huutcurs et comme aux avant-postesde la science, sont restes presquc unanimes SUI cepoint. On ne semble meme plus se doutel que la tradition contrairc a - ere celle de touLe notlc hisLoiIe; - -~ ..- - --que lUniversite de Paris, lcs Parlements, les EglisesparLiculieres, les rois et les sujets, lcs doctcUls et leslegistes, la France entiere lavaient conscrvee, main --tenue, promulguee et universellcment professee jus-qua.!L.d~ptieme siecle : ainsi sest verificc la plOphcLie de Louis Scrvin, au Parlement dc Paris, quandcet avocat gencral, poursuivanL la condamnation dunouveau 13rcviaire dAngers, sccriaiL en :l.G03 : Si nous endurons que les suincts dc nos Guuics soient) ates de noLre ealendrier, quelque prcuvc quc nous) puissions avoir de MiehaCl Syngelus, de leschole)) grecquc ordonnee par le saint apostre de la France t;)) quoiquen disent les vieux. livles, le plivilegc de)) saint Landeric, eveque de Paris, octroye ala priere)) du roy Clovis, et les anciennes chartes ; quoiquait)) rapporte ce docte Hilduein des anciens ecrits; quoi) quen ait ecrit Hincmarus, archevesque de Reims; bref quoique nous lisions .dans les histoires de nos 1 Saint Denys !Areopagite.
  • 5. -~ -I VIII PREFACE. rois ..... a la fin on nous en fera perdre la me moire {. Cependant les travaux recents dun ecri vain aussi erudit que modeste sur lapostolat de la Provence!, accueillis pal ladmiration generale POll. la science vraiment prodigieuse quits reyetent. dans leur auteur, sont venus, de nos jours, protester contre cet oubli trop complet du passe. Sous lin- fluence de la parole autorisee et grave:~~u dotteCl SulpiCien, une reaction sest operee dans les esprits, et un mouvement prononce de retoll aux traditions antiques de la France sest ploduit au sein de la generation actuelle a. La prescription, qui commen ~ait en faveur de lecole antitraditionnelle, a done I Servin, avocat general au parlement de Paris, et conseiller detat sous Benr~ Ill, Bend IV et Louis XIII. Voir ses Plaidoyers, in-4 o, 1631.. - cr. Dussaussay. De Mysticis Gallice scriptoribus, p. 793, in4 0 , 1639. ~ ,lfonuments inedits sur lapostolat de sainte ltlarie-ltladeleine en Provence, et sur les autres ap6tres de cet te contree , par M. Faillon, de la societe de Sainl-Sulpice, ~ vol. in-40, Migne. a Voyez Histoile de lEglise du Mans, par D. Piolin; - de lEglise de -/etz, par M. rabbe Chaussier; - de Reims, C!ldlons et Soissons, par M. Ravenetz; - Saint Ursin, apOtre:du BerM), par :M. lahbe de Lutho; - Documents inedifs sur lapostolat de saint Martial, par M. labbe Arbellol; - Vie de saint paul-Serge, fondl1.teulde /Eglise de Narbonne, par M. labbe Robitaille; - Recherches sur lanciennete de IEglise dArras, par le meme; - Origine et histoire abregee de lEglise de Mende, par M. labbe Charbonnel; - Apostolat de saint Front au premier siecle, par M. Iabbe Dion; - Tout! et Ahun. Le chlistianisme dans lAquitaille, par M. COllderl de Lavillate; - Etude historique et critique sur la mission, les actes et le culte de saint Belligne, apdtre de la Bourgogne, par M. Iabbe Bougaud, etc.
  • 6. PREFACE. IXete interrompue; et les historicns futurs en tlouve ront, dans lcs ecrits de notre epoquc, de nombreuxet eloqucnts temoignnges. Mais il y a loin de ceselTorts isolCs, de ces rccherches individuelles, de celeveil dune opinion hesitante et emuc, qui se chercheelle-meme, it un ensemble de croyance compacte etuniverselle. La revolution opel(~c pm la critique dudix-seplieme siecle est encore officiellcment; si lonpeut parler ainsi, maintenue et PlOtegec; et, par unsingulier rcnverscment didecs, ceux qui lattaquentpassent pour des novatcurs; tant une duree dunsiecle et demi a pu lui donncl unc apparcncc supcrficiclle dantiquite ! Cependant lEglisc nornainc a conserve, dans saliturgic catholiql1c, la tradition rcpudicc par la Francc.Des lannee i 602, lcs legcndcs du Breviairc Romainfment soumiscs, par ordrc de Clemcnt VllI, it uncrevision minutieuse, que la critique du protestantismeavait rendue necessaire . Celait le siecle des cardinaux Baronius, Bellarmin, Tolet, dOssat, Duperron t.Jamais peut-etre reunion plus illustle de vertus etderudition navait brille it la fois au sein du collegeapostoliquc. On sait, dailleurs, que les Congregations I Voir la bull.. Cum in Ecclesici. 10 mai 1602. t Baronills (1538-1607); Ilellarlllin (1542-1621); Tolct (1532-1610);dOssat (1536-1604; Dupcrron (1556-1618).
  • 7. -~ -.x I PREFACE,Romairies, chargees de l examen des questions theologiques, pourraient servir de modele aux tribunauxles plus eclaires et les plus impartiaux du monde.Apres cette revision scrupuleuse, Clement VIII, dunsla buIle : Cum in Ecclesia (!O mai f602), promulguait le nouveau Breviaire, oil nos traditions apostoliques etaient maintenues, T.ente ans plus tard, quandles discussions ardentes soulevees par les docteursfram;ais, au sujet des origines chJ(~tiennes des Gaules,triomphaient si facilement dans notre pays, U.bain VIIIordonna une nouveUe revision du Brcviaire Romain.Les textes des legendes des saints Curent encorc soumises a un examen approfondi et severe. Ce Cut doncavec pleine connaissancc de cause, ap.cs une discussion solenneIle, et quand toutes les pieces du procesavaient passe successivement sous les yeux du publicet des juges, qllUrbain VIII promulguait la bulle :Divinam psalmodiam i, oil il declare que les Histoires des saints, contenues duns la nouveIIe edition du Breviaire Romain ont ete verifiees, et lesanciens rrianuscrits, d oil eUes sont tirees, 50igneusement coIIationnes. Sanetorum historias, eollatisveteribus manuscriptis, recognovisse 2. Lapostoli . ~~!cite des E-glises des Gaules eta.it de nouveau mainte~ I i5 Janvier 1631, t Breviarium Romanum, },{echlini(J!.
  • 8. PREFACE. XlDue et solennellemcnt professee: Ainsi Rome, spectatrice et juge du debat, ne tlouyait pas, dans lespreuves it lappui de lopinion nouvelle, une Iaisonsuffisante pour reformcr sa croyance sur la datc apostolique de la predication dc la foi dans les Gaules,LEglise de Palis ccssa dinvoqucr commc son fondateur saint Dcnys l Areopagilc, pendant que toutcs lcsEglises de lunivcrs, qui ont conscrY(~ Oll rcpris depuis cc temps la liturgic romaine, aJrcsscnt chaqucallnce l~urs hommages et lcurs priercs asaint Denysl Areopagite, fondatcur dc lEglisc dc Paris. Le fait de CCltc divclgencc implique dcux difficultes, lunc thCologiqllc, laulrc historiquc, La prcmierca ete tranchCc pal nClIoit XIV, dans son livrc immortel: De Canonizatione sanelOlunt, dc manielc itprevenir ou a dissipCI tOllS les scrupules, Cc glandpape, apres avoir etabli cn prineipc quc le nrcviaircRomain, soumis a divelses Ieprises pal1cs Souvc1UinsPontifes it une revision minutieuse et severe, nepresente en gene1Ul dans ses offices que des le~onsquon peut acceptel sans erainte, ajoute : Cepen) dant, on ne saurait regarder comme interdit dex) poser, avec la rescrve que compoJte une pareille_) matiere, et en sappuyant sur des raisons glaves, I S. Pie V, en 1568; ClEhlleut Ill, en 1602; Ur1Jain VIII, en 1631.
  • 9. :.XII PREFACE. I les difficultes qui peuvent se rencontrer au sujet des faits historiques, et de les soumettre au juge ment du Siege Apostolique, qui en pesera la valeur et la lCgitimite, si 1on procMe de nouveau a une correction du Brcviaire Romain t. Ainsi, la pOltenest point fermeeaux progres de la science histo rique dans lavenir. On nimpose point de force it laconscience une opinion quelle repousserait par des motifs serieux et pJausibles. On demande seulementle respect et la moderation qui conviennent en pareillematicle, et on reserve au Saint-Siege le jugcment detinitif. En sorte que le P. Silmond, pal exemple,qui croyait de bonne Voi avoil demontrc peremptoirement que saint Denys 1Arcopagitenavait jamaismis le pied sur le sol dc.s Gaules, pouvait reciterla leion du Brcviaile Romain, qui fait mourir cc saintit Paris, sans que sa conscience flIt violentee; laveritc quil croyait avoir decouverte devant tot outard, par sa seule force, obtenir la sanction du SaintSiege. Cette premiere difficulle rcsolue, en ce qui tient it 2 AttalUcn ita ut vctitlllllexialimari nOD poaait, debita cum reve.renlia, et gr-avi fUDdamento, qUal oCcurruDt iD factia historicia, dim cultatea expoDere, easque judicio Sedia Apostolical SuppoDcre, ut corum verilatem et robllr perpendat, si quando manus itcrum admo veatllr ad Ilrcviarii Romani correctionem. (Bened. XIV, De Can. Sanet., lib. IV, p. II, c. XIII, no 8.)
  • 10. . PREFACE. XIU la question pratique, il reste a exposer, au point de vue des preuves et des arguments histol"iques, pour quoi IEglise Romaine na pas admis la date du troi sieme siecle pour l origine de la foi dans les Gaules. Tel est lobjet du travail que nous entreprenons, avee la ferme volonte de degager cette etude de tout ee qui pourrait ressembler alamertume des premiers debats. Nous ninsisterons donc point sur la valeur personnelle du fameux docteur Launoy, qui, le pre mier, souleva ccs discussions irritantes. Nous ne vou Ions point faire asa JIlemoire un ploces de tendanee,; et, sous ee rapport, nous souscrivons volontiers it. ees paroles dun ecrivain, dont nous combattons dailleurs les doetrines : Ceei, quon le remarque bien, disait labbe Pascal, nest pas une qucstiondejansenisme, ni de molinisme, ni de gallicanisme : cest tout 11 simplement un fait de chronologie hagiographique, 11 rien de plus, rien de moins i. 1 Dissertation historique et critique sur Npoque de la mission de saint Denys, premier ev~que de Paris. Preface. - Cet ouvrage manuscrit, le dernier quait compose labbe Pascal, na pas ete publie. nest tombe entre nos mains. Lauteur y soulient la thege dll Launoy et de Sirmond sur la date du troi:;ieme siecle pour nos origines chretiennes, et combat lareopagilisme. Cependant sa COll.viction setait ebranlee, et louvrage de M. Faillon avait evidemment agi sur son esprit, sans le convaincre entierement. Les dernieres paroles du manuscrit trahissent cette preoccupation. Nous les dtons id, parce quelles honorent le caractere et la bonne foi dun auteur qui avait jusque-lil ardemment soutenu la doctrine contraire.
  • 11. -. XIV PREFACE. I Exposer consciencieusement, et dans toute leur force, les arguments des adversaires, sans aucunereticence comme sans preoccupation de personnalite;developper les moyens de dMense; presenter les solutions ; citeI les temoignages; pour arriver apouvoirconclure Iegitimement que, malgre deux siecles deperseverants efforts, on nest point arrive afaire passeIla plus grande somme de probabilites historiques ducOte de ceux qui combattent l oligine apostolique denos Eglises et lareopagitisme de saint Denys de Paris;rlemontrer ainsi que Rome ne pouvait pas et ne devait pas sacrificr une tradition immemoriale a uneopinion qui, loin dt~tre parvenue it une certitude historique, natteint meme pas la probabilite proprement Enfin, (lit il en terminant, si, apres avoir consciencieusClnent etudie les monuments de notre histoire ecclesillStique de France, nous etions invinciblement convamcu quavant le deuxieme siecle la foi a ele precMe dans les Gaules, nous serions porll! a reconnattre cette haute antiquill! pour ies Egiises dA,ies et de Vienne, ou lEvangile aurait ell! annonce aLant saint Pot/tin a Lyon..... Nous respecterons tant qUon voudra les tradilions de Marseille, dAh, de Limoges, etc., mms uniquement comme traditions populaires,) que leur antiquite environne dune certaine aureole de veneration. ))Cest la un aveu precieux dans la bouche dun auteur grave et instruitqui avait, en 1857, publie une brochure tres-vive contre la traditionde LiLOoges, pOUf laquelle il ne professait pas alors le moindre .respect, nest vrai que, dans le manuscrit, le passage que nOlls venons ~{Z:de citer se trouve entre deux parentheses, avec cette note: Cl Ce qui ..... ~.;.. Iest entre deux parentheses est supprime dans ie cahier de lAcademie, )mais il nen revele pas moins la veritable pensee de lecrivain, et lasuppres::;ion faite pour Ilnstitut ne Ia pas ell! dans la conscience.
  • 12. PREFACE .. xv dite, voila tout le dessein de cc livle. Son auteur fait appel it la bonne foi et it limpaltialite de ceux qui prcndront la peine de le lire. La velite nest point dans les extremes; les passions, les plejugcs etoufient sa voix. Elle a besoin, POl1l eclatel, du calmc de letude, et sappuie sur le temps, qui la venge t6t ou tard des aITets precipites des sectes et des partis.~~}
  • 13. ~ SAINT DENYS, LAREOPAGITE. CHAPITRE PREMIER, UNlVERSALlTE DE LA PREDICATION DE LtVANGILE AU PRElIIIER SIECLE. i. Rapide et universelle propagation de IEvangile d~s les temps Suramllird. apostoliques. Temoignages de Pline -le - Jeune, Hegesippe, saint Justin, Tertullien, Eus~bc de Cesaree, saint Hilaire. - i. Preuve . de presomption en faveur de Iapostolicile des egliscs dc Gaulc . quil est permis den tirer. - 3. Temoigna.gcs explicites en faveur .de cette apo.tolicile. Texles formels de Tertlll1icn. - 4. De saint lrenee. - 5. Concile de trci.2e evelues des Gaules preside par saint Irenee (180), - 6, Lcttre dc saint Cyprien au papc saint Etiennc (251.). - 7. Admettre Iepolue de Dcce pour cclle des origincs chretiennr.s des Gaules serait sacrificr la lradition toul enticre. - 8. Lettrc dll concile dArles au pape safnt Leon-Ie-Grand, en 440, etnblissant la croyance generale il. cette epoque de la mission de saint Trophime a ArIes, par Iapolre saint Pierre. - Temoignnges du papp. saint Zozime, dAdon de Vienne, dUsuard, de Pierre-IeVenerablc, en . conformife avec la lettre dll concile dArles. - 10. Temoignages . explicites dE us~be de Cesaree, de Sophrone, de la Chronique dAlexandrie, de saint Epiphane, en faveur de lapostolicite des eglises de Gaule. - 11. Accord des traditions de Ioccident avec celles de Iorient ll. ce sujet. - U. Pourquoi, dans la controverse du dix-huilieme si~ce, la date fi:tee par saint Gregoire de Tours futi: .:. si Cacilement adoptee. Un nouveau temoignage. lIanuscrit syriaque. . . du sixieme siccle. . ; .....". . ._~.> :1. Le caractere propre de la predication evangelique, ft,vide et UDt"erselle propagation..;:fconstate par la tradition des premiers siecles, fut celui de lI! ngil., :-::aun~ rapide universalite ~iMonna Je monde palen, et . :~(fui fut, des lorigine, largument le plus concluant em- ~ ~ploye par les apologisies-.~Pline-le-JeuIle ecrit a Trajan 4
  • 14. .". ~2( ~M~l. p.~~Y~ LjrtEOPAQITE . 10 I. (100-110). La contagion de cette superstition chre tienne a infest~ !.loq.-~e~l~ment les villes, mais les bourgs et les campagnes t. 11 se plaint queiIe met en peril une multitude de tout age, de tout sexe et de toute condition 2, que les temples ont ete un instant presque abandonnes, et que les viclimes ne trouvaierit . plus dacheteurs. -:- Quels rapides et etonnants " progres! dit a ce sujet M. de Chateal,lbriand. Les temples abandonnes I on ne trouve deja plus a vendre des victimes! et levangeliste saint Jean venait a peine de mourir 3! Des son aurore, dit Hegesippe, le christianisme penetra parmi toutes les tribus de la race humaine; aucune nation de lempire romain ne resta etrangere a son cnlte/J.. Vels lan 140, saint Justin, qui portale premier le nom de philosophe ehretien, titre quilillustra par son martyre, en diseutant avec le juif Tryphon, insistait sur ee fait, et y trouvait une preuve irrefutable de la divinite du ehristianisme, qui seul avait I Neque enim civitates tantum, sed vicos elium atque agros superslilionis istius contagio pervagata est. (PHn., lib. X, epist. XCVII,XCVIll.) IlIIultos esse omnis relalis, omnis conditionis ulriusque sexus. (Ibid.) ~I. de Chateaubriand. Etudes historiques, edit. de Firmin Didot, 1845, in-l2, p. 147. Ex quo creptt congregnlio chrisliallorum, in olDJli hominum pe- ....... nelravit genus, ncc ulla nafio Romani orbif remansit, qure cultus ejus expers relinqucretur. (Hegcsippus, libro Il, de Excidio HielOso lymitallo. - Patrol. lat., t. XV, col. 2056.) Hegesippe vivait de 150 II 180 de rere chrelieune. Quelques auteUrs :; .J~~ ont pense que le livre qui porte son nom fut compose uo siecle et . :"; qemi plus lard par un autre Hegesippe; enfin duutres 10nt ll.llribue a saint Ambroise. Quoi quil en soit, la tradition-de la rapide et universelle propagation delEvangile dans le monde, ny est pas moiils , c~)lllta~ee. :.
  • 15. 11:. CHAPITRE I. ~ ... 3 . ...realise la prophetie de David, promettant a la loi deDieu lempire du monde. La loi mosaique, disait-il, est si loin de setre etenclue de lOrient alOccident, quil y a main tenant encore des nations entieres parmi lesquelles jamais Ull homme de race juive na penetre. Or il nest pas une seule race de mortels grecs ou barbarcs, ou de quelque nom quon puisse les appel~r, soit des peuplades scythes qui haLitent leurs chars enants, soit des tribus nomades qui nont point de demeures fixes, soit des peuples pasteurs qui vivent sous la tente, il nen est pas une au sein de laquelle des prieres et des actions de graces ne soient adresses au Pere et createnr de toutes choses, au nom du crucifie Jesus t. Soixante ans plus tardTertullien, dans son Apologetique, en appelle auxpalens eux-memes pour constater, par un seul coupdreil jete sur le monde, cette merveilleuse propagationde la foi : Nous sommcs dhier, secrie-t-il, et nous avons rempli tout ce qui vous appartient, vas cites,I) vos iles, vas chateaux forts, vas municipes, vos conseils, les camps eux-memes, les tribus, les de curies, le palais, le senat, le forum; vas temples seuls nous vous les abandonnons. , IIpwlo~ I-t~ ~uOt vO~ ckr.o ~"Iol.w~ >Hou w, oual-w~ 10 "t~o.,n taet 10. la~71 &~ oI, o,)O&7rw ouoll, Ul-W~ 100 "t la cite reine de toutes les aUtres cites; parcourtlnt les royaumes des Perses et des Armeniens, les coutrees des Parthes, penetrant chez les Scythes, et jusquaux confins de lunivers, dans les regions de lIude; tra- versant IOcean, et abordant jusquci ces Ues quon appelle B1itanniques I. 2. Ainsi le fait de la propagation mpide et simul- ppun lie pr~ ~flill,lilll r~~ultanee de la predication apostolique dans le monde est lan~ de (~ r.lit fH 1".. "(u r de- IA-acquis a lhistoire et illumine la premiere page de la I~tnlkit,~ Eg!isc~ t1{~ d.s fiau- Ics-.tradition chretienne. La predication du royaume de Dieu, pour nous servir des paroles memes de saint Hilaire, ne seffectua point pal un progres lent, mais eUe parcourut toute la terre, avec une prompte et in- fatigable activite 2. Il semble que cel eclair de la foibrillant tout-a-coup sur le monde, elllpruntat un nou-vel eclat aux tenebres profondes du paganisme commcletinceUe eleetrique detache plus vigoureuscment salumiere dans les ombres de la nuit. Il irnportait dtHa-hlir dabord ce fait general, dont la portee, on le con-(foit, doit exercer une certaine influence sur la questionpalticuliele qui nous occupe. Les textes qui precedent Kilpv-rt~l.Y 0;.) trcXY:t1:S 10 -roV !7jao::i OYop.~, ;ty x?:i rou;I~b
  • 18. .~6 SAINT DENYS LAROPAGITE.ne laissent pas de doute sur luniverselle apparition dela foi -dans le monde, aux temps apostoliques. Entrecetle lumire porte en mme temps par les voyageursde lEvangile sur tous les points de la terre, et la fondation rgulire dEglises durables, ayant une succession non interrompue de pasteurs, il y a la mme diff rence quon peut observer, dans le monde physique,~ntre le premier rayon de laurore, et linvasion lente de la lumire du soleil arrivant graduellement la pleine conqute du ciel. Des Eglises fondes par les premiers messagers de la bonne nouvelle, toutes nesubsistrent pas avec leur hirarchie et leur succession dvques; la Grande-Bretagne, visite par la foi ds le premier sicle, comme Eusbe vient de nous lap prendre, et comme nous le verrons plus bas par un texte clbre de Tertullien, eut besoin de saint Gr goire-Ie-Grand et de saint Augustin, pour que le flam beau de la foi, reprenant plus tard son premier sillon, vint sy fixer dune manire constante et durahle. Ce serait donc une erreur dinfirmer lauthenticit de lori gine apostolique de certaines Eglises par le seul fait de limpossibilit o elles se trouveraient de prsenter une succession non interrompue dvques depuis le pre mier sicle, de mme que ce serait au moins une tm rit bistqrique de rejeter cl pli07i les dyptiques de celles qui offrent cette succession, quand, en thse gnrale, le fait merveilleux de luniversalit de la prdication apostolique dans le monde est tabli. Les citations que nous venons de reproduire, et quil eut t facile de multiplier, ne forment encore quun argument implicite en faveur de lapostolicit de nos origines chrtiennes; les Gaules ny sont pas formelle
  • 19. CHAPITRE 1. 7ment nommes. On pourrait, il est vrai, se deniandetcomment, lan 140, saint Justin; Rome, aurait os seprvaloir de luniversalit de lEglise vis--vis de Try-phon; comment il se fut hasard le mettre au dfi deciter une seule peuplade: ne unum qudem,o le nomde Jsus-Christ nent point l invoqu, si ce juif, dunmot, avait pu lui fermer la houche en lui rpondant:Les Gaules, qui sont nos port~s, les Gaules, la plusbelle conqute de Jules Csar et lune des plus richesprovinces romaines nont jamais entendu prononcer lenom du Jsus que vous prchez! 3. Quoi quil en soit, nous avons des tmoignages T ~moignLlgc~ clplictl" cu fu-positifs, prcis, irrcusables qui dmontrent que la veur de 1;]p05to- licil des .Hg!iS~Gaule ne demeura pas trangre au grand mouvement de. Gaules,de la prdication apostolique. Ecoulons encore llo-quente parole de Tertullien: (( Les rameaux de la race)) des Gtules, dit-il, les nomhreux pays habits par les)) Maures, tontes les contres des Espagnes, les diverses)) nations des Gaules : Gallialllm divels nationes, la)) Bretagne, inaccessible aux nomains, mais soumise)) au Christ, la lllultitude des Sarmates, des Daces, des)) Germains, des Scythes, les nations les plus recules,)) les provinces et les les dont le nom mme nous est)) inconnu, adorent le crucifi 1. )) Ainsi parlait, verslan 200, ce grand homme. Et certes, on n~ le soup-onnera pas davoir ignor ce qui tait alors de no- 1 Getulorum varietates, et Maurorum mu1ti tines, Hispaniarumomnes termini, et Gallialum dhers nationes, et Britannorum inac-cessa Romanis loca Christo vero subdita, et Sarm:ltarUID, et Dacorum,et Germanornm, et Scytharum, et abditallIm rnll1tarum gentium, etprovinciarum, et inslllarllm Ill11HalU1ll nabis ignotalum, et qUle enll-merare non POSSUInus. (Tertull., Adrelsus Judos, c. YII. - Pa/rot.,t. [[, col. 610.)
  • 20. 8 SAINT DENYS LAROPAGITE. torit vulgaire, que la Gaule comprenait autre chose que la Province romaine (Provence) voisiue de la lI diterrane j que la Gaule avait t divise, sous Au guste, en quatre grandes rgions administratives et politiques: la Narbonnaise, la Lyonnaise, la Helgique et lAquitaine. Lexpression mme dont il se sert : Galliarum divers nationes, enlve toute espce de doute ce sujet. Sil tait possible de sy mprendre, la mention quil fait, immdiatement aprs, de la Grande-Bretagne inaccessi,ble aux Romains, et nan moins ouverte aux messagers du Christ, dtruirait toute illusion. Par quel chemin, en effet, sinon pal le nord de la Gaule, les envoys de la parole vanglique avaient-ils pu pntrer jusque chez les Bretons, spars du reste de lunivers t. T~lle 4. Vingt-cinq ou trente ans avant Tertullien, vers 170,1e nint Irne. saint Irne, successeur de saint Pothin sur le sige Je Lyon, au milieu mme de ces Gaules, dont lorjgine chrtienne pour leurs autres Eglises ne remonterait, dit-on, qu lan 2.50 de notre re, crivait les paroles suivantes: Au milieu de la diver~t des idi6mes (lui se partagent le monde, la tradition chrtienue a cou serv son unit. Les Eglises qui ont t fondes en Ge~manie nont pas une cr;;yance ni une tradition diffrentes de celles qui existent chez les Ibres, de celles qui existent chez les Celtes, de cellea quiexistent en Orient, de celles qui existent en Egypte, de celles qui existent en Lyhie, de celles qui existent en Italie, le centre du monde ~. De bonne foi, ces paroles 1 . penitus toto divisos orbe Britannos. : K"" p ",1 >.":"" :"oy XOIJP.OY o",),.x:"o, ?;.yop.o,o" ",n 1; 6no:p."
  • 21. CIIAPl71 1 . 9signifient-elles quau telllp~ de saint Irne, if nexistaitchez les Celtes ou Gaulois lluune seule Eglise, celle deLyon; et que, des rives du Rhne celles du Rhin, lafoi, laissant dans lombre tutes les contres comprisesdans cet intervalle, se fut ~tablie chez les Germains,nayant fait quune seule conqute sur notre territoire,celle de Lyon sans plus? Restreindre ainsi le sens de cepassage pour les besoins dun systme prconu noussemblerait une drogation au moins insolite aux rglesde la saine critique, qui preud les textes selon leur valeur naturelle, sans rien retrancher ni ajouter leurnergie ou leur simplicit. fi Les Celtes, dit Csar, sont le peuple que nous appelous Gaulois. Le fleuve de la)) Garonne les spare des Aquitains, la ~Iarne et la)) Seinc les sparent des Belt5es!. )) Nous sommes dom:fixs sur le sens vrai de lexpression employe pal saintIrne : Les Eglises fondes chez les Celtes; )) et ilnous parat impossible de prcndre au srieux linter prtation trange quon a voulu lui donner cn lappliquant aux Gabtes de lAsie-lIineUle, ou aux racesdorigine gauloise fixes sur les ctes dIllyrie; demme quil nous semble impossible de resserrer cettednomination gnrique dans les bornes troites de laseule Eglise de Lyon. La simple inspection du texte rpugne galement ces deux hypothses. 5. Voici dailleurs un fait positif qui dmontre in- Cum:ile e trize vque. dO1"y; Ttap~o"~w) pl ;(~l or, (7.~T~. K2, lS55. 1 Cresar., Comment. de Bell. Gallico, lib. l, cap.!.
  • 22. 10 1 SAINT DENYS LAROPAGITE.Gaule. pr.id vinciblement lexistence de plusieurs Eglises dans lespar saint lrne (188). Gaules, lpoque de saint Irne. On sait que ce grand vque prit une part active la discussion"souleve, sous le pontificat du pape saint Victor 1er , relativement au jour ou lon devait clbrer la fte de Pques. Eu sbe nous a transmis lhistoire de ce dbat solennel, o la tradition du sige apostolique saffirma avec tant de nettet au milieu des divergences particulires, et finit par triompher des pIns vives rsistances. Dans toutes les provinces de lempire romain, les conciles sassem blrent ce sujet. Leurs lettres synodales adresses au Souverain-Pontife existaient encore au temps dEu sbe. Outre celle des vques de Palestine prsids par Thophile de Csare et Narcisse de Jrusalem; du synode romain , prsid par Victor, nous avons en core, dit-il, les lettres des vques du Pont, dont la prsidence fut dfre Palma, le plus g dentre eux; et la lett1e des Eglises de Gaule, p1sides par )) lrne t. Et pour quil ne puisse rester mme lombre dun doute sur ce point, Eusbe y revient en core quelques pages plus loin, et donne lanalyse et un extrait assez tendu de cette dernire lettre 2. Irne, ./ lV, &s Eipr,votios 1ltaxor..t. (Euseb.,Jlist. eccles., lib. V, cap. XXIlI. - Pettral. grc., t. XX, col. 1>92, 495.) "Ev OlS x",i Erpllv",ro, x 1lpoawr.ou W~ ~ytr:"o X".,.r. prsence dun texte contemporain, tir dune lettre de saint Cyprien au pape saint Etienne, crite en 254. Voici les paroles de lillustre vque de Carlhage : (( Faustin, vque de Lyon, notre collgue, ma crit denT- 1eplises pour me faire des communications qui vous ont t en mme Lemps adresses vous- / mme, je le sais, et par lui et par les autres vques. nos collgues, tablis dans cette province, au sujet 1 ron eram nescius anliquiores alias Galli sYllodos llIemorllri, alque in his Lugdullellses duns S. Ircni episcpi ; quarulD in allera,
  • 25. CHAPITRE 1. ~3 de Marcien, vque dArles, qui sest jet dans le schisme de Novatien ... Il vous faut donc adresser les lettres les plus explicites aux vques, nos collgues tablis dans les Gaules, pour quils ne laissent pas plus longtemps insultel lhonneur de lpiscopat,) par Marcien, cet esprit obstin et superbe, ennemi de la divine pit et du salut de ses frres. Il ne conviendrait pas quil fut support davantage par nous, quand, dans son orgueil, il se vante, depuis longtemps, de son adhsion la secte de Novatien, et de sa rupture ouverte avec notre comglUnion ..... Adressez donc la province et au rpeuple dArles dcs lettres o vous ordonnerez de dposer Marcien, et dlire un vque sa place, afin que le troupeau du Christ, aujourdhui scandalis et dispers par lui, soit de nouveau runi au bercail. Cest dj trop que dans les annes qui viennent de scquler, un si oo-rand nombre de nos frres sojent morts sans avoir cs 6. Sil pouvait rester un doute cet o-ard , lexamen . 0erreur. hi.tori-que. re proches plus approfondi de son erreur relative la vritableau pre.mier livrede l IllS/otre des date de lhrsie de Valentin suffirait le dissiper.Frallc,:pa.. saint GregOire Nous venons de voir que saint GrO"oire de Tours fait 0 de Tours . cl ogmatIser cet h , . ereslarque sous l e regne de D ece en 250. Or, trente lignes plus haut, dans le cha pitre XXVII, il avait crit ces paroles: Sous le rgne dAntonin-le-Pieux t (cest--dire en 161) lhrsie insense de Valentin prend naissance.) nest ici dans le vrai. lIais, comme sa. chronologie tait dfectueuse, il donne lempereur Dce pour successeur immdiat A.ntonin-le-Pieux, et il suppose que Valentin, com menant dogmatiser sous Antonin, dut naturellement rpandre ses fausses doctrines sous le rgne de Dce quil croit son successeur. Sub AntOlni imperio Va lentiniana insana hresis surrexit... Sub Decio vero imperatore Valentinianus et Novatianlts maximi tune hreticorum principes, contra (idem nostram grassan tllr. Lhrsie Valentinienne p.rend naissance sous An tonin... et sous lempereur Dce Valentinien et No vatien, les hrsiarques de cette poque, propagent leurs erreurs. La corrlation de ces deux passages est vidente, et prouve galement lerreur et la bonne foi de saint Grgoire de Tours; son erreur : elle est suffisamment constate par une lacune de prs de cent ans couls dans lintervalle du rgne dAntonin-Ie Pieux (161) celui de Dce (250), et par le plus com plet silence gard sur les noms de Marc-Aurle, Com mode, Pertinax, Didius Julianus, Svre, Pescennius Niger, Caracalla, Manin, Hliogabale, Alexandre S 1 1 5ub Antonini iOlperio Valeoliniaoa insaoa hresis surrexit.
  • 55. CIIAPITll.E Il. 43 1vre, Maximin, Maxime, Puppien et Babbin, Gordienet Philippe qui passent successivement, dans ce laps detemps, sur le trne du monde; sa bonne foi: elle estavre puisque saint Grgoire de Tours fait prosprersous Dce (250) un hrsiarque qui, daprs lui, avaitcommenc dogmatisel sous Antonin (161). Sil eutsouponn la distance qui spara rellement ces deuxrgnes, il eut parfaitement compris limpossibilit deson hrsiarque presque centenaire. Nous avons ainsi, je crois, la clef des nombreuseserreurs quon sest plu signaler dans le premierlivrede l Hisloe des Francs de saint Grgoire de Tours.Car elles lont t avec une svrit parfois cruelle partous les clvains. On ne lui a fait grce que pour celle,bien autrement grave nos yeux, o il recule au-delde toute vraisemblance nos origines chrtiennes. Cestainsi que, dans le chapitre XXVI, il affirme que (( le phi- losophe Justin, illustre par ses ouvrages en faveur de lEglise calholique, souffrit le martyre pour la foi du) Christ sous Anlonin ;)) fluand tout le monde sait quesaint Justin fut martyris il Rome sous llare-Aurle. Ilplace galement sous le rgne dAntonin le martyre desaint Polycarpe et de saint Pothin, qui eut lieu gaIe-ment sous Marc-Aurle, en 179. Dans la pense desaint Grgoire de Tours, cesl toujours le rgne dAn-tonin qui continue; et voil pourquoi il nhsile pas ilattribuer encore cet empereur le martyre de saintIrne, qui neut lieu quen 205, sous Septime Svre,pendant la cinquime perscution gnrale. Le nomgnrique des Antonins, donn Adrien, Antonin-le-Pieux, Marc-Aurle et Commode, aiu"si quil lavaitt prcdemment Nerva el il Trajan, peut expliquer
  • 56. i- il SAI~T L>E~iS LAHEOPAGITE. jusqu un certain point la confusion que saint Grgoire de Tours a faite de ces divers princes, au sixime sicle, cest--dire dans un temps o linvasion des barbares avait dispers les monuments historiques et recouvert le monde dune paisse couche de tnbres. Avons-nous bien le droit, au nom de la science mo derne, si lentement et si pniblement reconquise, de reprocher trop amrement de pareilles erreurs un illustre vque qui, dans la prface mme de son E!is taire des Francs, crivait ces paroles empreintes de la tristesse la plus touchante: Au moment o je trace ces lignes, la culture des lettres est en pleine dca dence, ou plutt elle a pri, au milieu des cits de la Gaule, clans le tumulte des vnements bons ou mau vais, parmi les invasions des barbares et les fureurs des rois. On ne trouverait plus, parmi nous, un seul crivain capable de transmettre, en prose ou en vers, un rcit la postrit. La foule scrie en gmissant: Malheur nos jours! Ltude des lettres a pri parmi nous t! Cln>:;.)logic 7. A Dieu ne plaise quune parole injurieuse tombe t1rCCtllCII~~de ::saint Gnigvirc jamais de notre plume ladresse dune si auguste ue Tcur$-. des Sa liste ~mp"rcurs mmoire! Mais, puisquon a voulu appuyer sur un seul romains passage de saint Grgoire de Tours, mal interprt et incomplte. faussement suivi la lettre, un systme qui combat la 1 Decede.ote at,que immo potiu. pereunte ab urbibus Gallicanis liberalium cultura liUerarum, curn nonnull res gererelltur vel recte, vel improbe, ac feritas genturn desviret, regllm furor acueretur..... nec reperiri pooset quisqnam peritus in arte dialectica gramrnaticus, qui hc aut stylo prosaico, aut rnetrico depillgeret versu. Ingemioce bant spius plerique dicentes: V diebus nostris, quia periit studium lilterarum a nobis. (8. Greg. Turon., Historia Franco,.., prfatio. - Pa/roI. lat., t. LXXI, p. 159.)
  • 57. CHAPITRE Il. 4.5 1tradition ecclsiastique toul entire, ruine tous lesautres tmoignages de lapostolicit de nos Eglises, etcondamne la foi que lEglise de France a conservependant seize cents ans, force est bien la critique laplus modre dlever la voix, de discuter les textes etde rtablir la vrit. Quon veuille donc prendre acte de cette lacune decent cinquante ans, dans la liste des empereurs ro mains fournie par saint Grgoire de Tours. Quelqueincroyable quelle puisse nous paratre dans ltat actuelde la science, elle nexiste pas moins, et il est indis pensable de la constater pour lintelligence de ce quiva suivre. Du rgne de Claude 1er celui de Dce(54-251), saint Grgoirp. de Tours ne compte quesix empereurs: Nron, Vespasien, Domitien, Trajan,Adrien et Antonin. Ne?o ille, luxwiosust. .. AdvenienteVespasiano 2 ... Dorrzitianus mltern se~~ndlls post Ne?onem 3... Teltius post Ne?onem ... Trajanus 4 ... Posthune alius Adlianl.ls 5... Sub Antonini impelio 6 Sub Deeio ve?o impemtole 7 .. , Dans la ralit, vingthuit empereurs se succdrent dans cet intervalle; t Greg. Turon., HistOl. Franco"., lib. l, cap. XXIV. - Patrol. lat.,t. LXXI, col. 173. 1 Greg. Turon" Hist. Franco,., lib. J, cap. XXIV. - Patrol. lat.,t. LXXI, col. 173. S Greg. TuroD., Hist. Francor. 4 Greg. Turon., Hist. Francor., lib. l, cap. XXV. - Patrol. lat"t. LX.I, col. 174. G Greg. Turon., Rist. F,ancor., lib. l, cap. XXVI. - Patrol. lai.,t. LXXI, col. 174. G Greg. TurOD., Hist. Franco,., lib. l, cap. XXVI. -Patrol. lai.,t. LXXI, col. 174, 7 Greg. Turon., Hisl. Francor., lib. J, cap. XXVIII. - Patrol. lat.,t. LXXI, col. 175. .
  • 58. ~46 SAI:iT DENYS LAROPAGITE.et la preuve que saint Grgoire de Tours lignoraitcompltement, cest quil affirme que Diocltien taitle trente-troisime empereur depuis Auguste, pendant que ce prince tait le soixante-dix:::huitime quisasseyait sur le trne imprial. Sub Diocletiano, quitricesimo tertio loco romanum lexit imperium i. li estdonc incontestable quaux yeux de saint Grgoire deTours, Dce ntait spar de Claude 1er que par sixempereurs 2. Or, Claude 1er avait vu terminer son rgneet sa,vie par le poison dAgrippine, lan 54 de lrechrtienne. Les six empereurs que Grgoire de Tourslui donne pour successeurs rgnrent pendant cent ans,par consquent, dans la pense de saint Grgoire deTours (en supposant quil st exactement la dure dechacun de ces rgnes), lempire de Dce se rapportaitnon pas lanne 250 de notre re, mais lanne 155;en sorte que si le pre de notre histoire nationale pouvait rpondre lui-mme ceux qui ahusent de son autorit pour reculer lan 250 lpoque de nos origineschrtiennes, il sinscrirait en faux contre cette datequi ntait pas plus dans sa pense quelle ne ressort deson texte mme. Cette observation, que nous croyonsdcisive, et que nous avons environne dassez d,epreuves pour qne le lecteur pui$se laontrler luimme sur les textes, avait jusquici chapp aux critiques qui nous ont prcd. Elle est cependant duneimpoItance extrme, et peut seule expliquer les contradictions quon a signales dans le rcit de Grgoire 1 Greg. Tmon., Hist. FranCOl"., lib. l, cap. XXXIII. - Patrol. lat.,t. LXXI, col. t 78. ! Nron, Hans. - Vespasien, 10 ans. - Domitien, 15 ans. Trajan, 19 ans. - Adrien, 20 ans. - Antonin, 23 ans. - :-p () ..
  • 59. CHAPITRE II. !}7de Tours, et que nous aurons dans la suite loccasiondindiquer. 8. (( Sous le rgne de lemperew Dce, continue le Discus~iol1 du possage dechroniqw3ur, dans ce XXVIII" chapi.t~e que nous exami Hrgoire de Toursnons, sept vques furent envoys dans les Gaules, relatif la mis sion des sept rcomme atteste lhistoe de la Passion de saint Sa ovques dC"! GDules.turnin, mmtyr. Il y est dit, en effet, que: (( Sous leconsulat de Dce et de Gratlls, comme on le sait pmune tradition fidle, la ville de Toulouse reut pourpremier vque saint Satumin.) Voici donc ceux quifurent envoys : Tows, lvque Gatien,. Arles,lvque Trophime,. Narbonne, lvque Paul; cl rToulouse, saint Saturnin,. Paris, vque Denys,.aux Arvernes, lvque Austremoine,. Limoges,lvque Martial. Dans les divers passages de saint Grgoire de Tours,qui nous sont jusquici passs sous les yeux, lhistorien navait appuy daucune citation les dates ou lesfai ts quil indiquait traditionnellement, selon que sammoire ou des lenseignements pIns ou moins dignesde foi les lui avaient transmis. )Iais cette fois il nousdsigne lautorit sur laquelle il va sappuyer. ( La) Passion de saint Saturnin, dit-il, nous atteste que,~sous le rgne de lempereur Dce, sept vques) furent envoys dans les Gaules. ) Or, les actes de ;aint Saturnin, dont parle saint Grgoire de Tours,nons les avons encore. Ils ont t publis par DomRuinait, dans ses Acta sincera ma1tyrum, p. 109.Ils sont les mmes que ceux. dont parle Grgoire deTours; on y lit en effet mot pour mot les expressionsque cet historien emploie propos de saint Saturnin: Sub Decio et Grato consulibus, sicut felici (alias .:~ .:
  • 60. ~ 4.8 SAINT DENYS LAROPAGITE. fideli) recordatione retinetur, primum ac summum Tolosana civitas sanctum Saturninwn habere cperat sacerdotem. Cest exactement la phrase employe par saint Grgoire de Tonrs, et cette identit prouve celle des actes eux-mmes. Cependant les actes de saint Sa turnin ne parlent en aucune sorte des sept vques en voys dans les Gaules sous lempereur Dce; ils ny font pas la moindre allusion: Les actes de saint Sa turnin, dit ce sujet Dom Ruinart, ne parlent nulle ment des vques nomms ici par saint Grgoire de Tours, et dont larrive dans les Gaules est rapporte des poques diffreMes, selon les di vers historiens. Grgoire de Tours, croyant que la mission des sept vques dans les Gaules avait t simultane, aura pens quil tait en droit de conclure la date de cette mission gnrale, de la date particulire indique pour celle de saint Saturnin dans ses actes i. Ce sentiment., expos avec la concision et la nettet hahi- . tuelle au savant bndictin, nen est plus maintenant ltat de simple conjecture. Il a t de nos jours levb au rang des vrits historiques les mieux constates par le savant auteur des Monuments indits, dont on peut lire ce sujet la dmonstration triomphante. La daLe de 250 9. Si maintenant nous ajoutons que saint Grgoirenest point celleque Grgoire e de Tours ne voyait dans lempereur Dce que le siximeTours entendait lui-mme ans successeur de Nron, il nous sera facile de comprendre ce passagl". 1 Acta S. SaturniDi ejus in Gallias missionis tempus exhibent: sed nihil habent de cteris hic recensitis, quorum in Gallias adventum alii aliis temporibus assignant. Gregoriu3 tamen qui eos putavit simul iD Gallias accessisse, ex cert epoch qu iD actis S. Saturnini ha betur, cterolum etiam tempora dedllxit. (D. Ruinart., edit. oper. S. Greg. Turon. lib. l, Hist. Francor., not ad cap. XXVIII. - Patrol. lat., t. LXXI, col. 175, nota E.)
  • 61. CHAPITRE II. 49 comment il pouvait, dans sa pense, ajuster la date de ce rgne avec celle dune m~ssion donne par les suc- cesseurs des aptres saint Denys et ses compagnons, et comment il est lun des tmoins de lapostolicit de nos Eglises, pendant que son texte, mal interprt, fournit, depuis deux cents ans, des armes aux adver- saires les plus vigoureux de cette apostolicit. Telle est au fond, et rduite sa plus simple expression, la va- leur de ce fameux passage de saint Grgoire de Tours, sur la foi duquel lcole franaise du dix-septime sicle a abjur la croyance de nos pres, et fix lan 250 lorigine de nos principales Eglises, sans plu~ tenir compte de la tradition, des monuments historiques antrieurs, .des invraisemblances, des contradictions mmes que le nouveau systme entranait aprs lui. Maintenant encore, une partie du monde savant se tient en suspicion contre les dcouvertes les plus incontes- tables de la critique moderne, qui viennent patiem- ment et nergiquement ragir contre le mouvement an ti-national de Launoy et de ses partisans. De temps en temps, des paroles svres tombent des rgions officielles de la science, ladresse de ces courageux investigateurs du pass. Cependant la vrit, qui nest daucun temps ni daucune cole, la vrit qui nest, en histoire, que la lahorieuse et impartiale recherche des monuments, se fait jour malgr les obstacles. La France tout entire a tressailli, au ressouvenir de ses antiques et chres traditions, en lisant lhistoire de. lapostolat de sainte Marie-Madeleine en Provence {, 1 Monuments indits sur lapostolat de sainte Marie-Madeleine en Provence, par M. labb Faillon. - Suinteltlarie-MadeleiTI.e, par le R. P. Lacordaire. 4
  • 62. :sa SAINT DENYS LAROPAGITE. et en assistant la solennit de rhabilitation de la Sainte-Baume. Le temps nest pas loign ou elle re ... merciera lEglise romaine, mre et matresse de toutes les Eglises, davoir rsist un mouvement qui d pouillait notre patrie de ses gloires chrtiennes les plus pures. 1lonurnenL de 10. Ce ne serait point assez davoir prouv que leslEglise dArles,contemporain de assertions de saint Grgoire de Tours sont inexactes,soinL Grgoire deTours contredi que les derniers chapitres du premier livre de son His nL la dole de250. toe des F1ancs sont remplis derreurs; que sa chro nologie des empereurs romains est dfectueuse; que cet historien, en fixant lempire de Dce la mission des sept premiers vques des Gaules, navait nulle ment la pense de la reculer ainsi lan 250 de notle re; que linduction vague et hasarde pal laquelle il avait gnralis cette poque de Dce ne reposait que sur la seule indication particulire dun documept qui pouvait tre fautif; il nous faul maintenant faire con natre les autorits prcises, les textes formels, les tra ditions authentiques qui concourent renverser son tmoignage, et dmontrent lapostolicit de nos Eglises. La contre-partie du texte de saint Grgoire de Tours est prcisment un monument du sixime sicle, con temporain de cet auteur, et que M. Faillon vient de d rober lobscurit dans laquelle il tait rest tant de sicles, pour le faire connatre au monde savant. Dans .le manuscrit de la bibliothque impriale portant le n 5537, on lit les paroles suivantes: t Le monument dont il est ici questi~n
  • 63. CHAPITRE JI. !st ( De septem vilis a beato Petro apostolo in Galliis ad p1dicandum missis, tempore Neronis. SUD Claudio igitU1, Petrus apostolus quosdam dis cipulos misit in Gallias, ad pldicandam genti1;us /idem Trinitatis,. quos discipulos singulis woious delegavit. Fuelunt hi : Trophimus, Paulus, Mm cialis, Austlemonius, G1acianus, Satuminus, Va lerius et plures alii, qui comites a oeato apostolo illes pldestinati fuerant i. ( Des sept personnages envoys par saint Pierre dans les Gaules, pour y prcher la foi, au temps de Nron 2. Acte. au sujet de saint Deny., que le monument de lEglise dArles Il ne compte pa. en effct parmi les sept. Le manuscrit o celte pice Il Importante est consigne appartenait autrefoi. lEglise dArles. Cest un recueil de tons les titres relatif. il la prilD:ltie de ce sige )) fondt sur lapostolat de saint Trophime, envoy par s:lint Picrre. II 1 a servi il Saxi, pour III composition du Pontificale Arelalcnu. et Il au eardinul Daronius 1 pour sc. Ann:lles, cOlume lassure Daluze, dans une note crite de sa main sur le premier feuillet du mme manuscrit. Des hriticrs de S;ui, il passa, en 1GB!, daus la biblio Il thque de Colbert, et il se trouve aujourdhui dans- celle du roi, o )) il est dsign sous le U. 5537. Ce Ilwnu.crit, peint nu onzime sicle,- Il p:lrait avoir t transcrit sur un :lutrc plu. ancien, et il est re " marqucr que le monument dont il est que.tion sy trouve plac " cntre les lettres du pape Plage il Sapaudus, vque dArles, et celles de saint Grgoire-le-Grand il Virgile, ct que ces dernires )) ont t ajoutes au m:luuscrit par une autre main. On peut donc Il penser avec beaucoup de vraisemblance que celles-ci ne se trou vaient pas dans le m:lnuscrit plus ancien, et quainsi la pice dont )) nous parlons aura t insre dans ce recueil avant la rception des )) lettres de saint Grgoire, cest--dire vcrs la fin du sixime sicle, puisque Sapaudus mourut cn 586. Il (Jl[Ollum. ind., 1. Il, p. 373-374.) 1 Monuments indits, t. 11, p. 375. M. Faillon a reproduit un tac simile exact de ce prcieux monument. 1 Le titre porte le nom de Nron et le texte mme de la pice celui de Claude; soit quc le copiste ait confondu ces deux empe reurs, parce que Nron portait aussi le prnom de Claude (Claudius Nelo). soit quil ait voulu faire entendre que les sept vques cnvoys
  • 64. 52 SAIl"T DENYS LAROPAGITE. SOUS Claude, laptre Pierre envoya dans les Gaules, pour prcher aux Gentils la foi de la Tri nit, quelques disciples, auxquels il assigna des villes particulires. Ce furent Trophime, Paul, lIar tia], Austremoine, Gatien, Saturnin, Valre, et plu sieurs autres que le bienheureux aptre leur avait d~signs pour compagnons.. Ce monument delEglise dArles est clair et prcis; lapostolicit de nosEglises y est nettement affirme, sans aucune des hsitations que nous avons signales dans le dnomhrement de saint Grgoire de Tours. Le nom de saintDenys de Paris, qui ne fut en effet envoy dans lesGaules que par le pape saint Clment, ne figure pointparmi ceux des vques envoys par saint Pierre. Ilest remplac par celui de Valre, de Trves, qui fitrellement partie de cette mission. Le rgne de Claude,dsign comme lpoque de cette mission, concorde avecle tmoignage d~ Raban-Maur, qui la dtermine expressment la quatorzime anne apr::; lascensionde Notre-Seigneur (, une poque o saint Pierre taitencore en Orient, et rpond ainsi davance aux objections du P. Sirmond et de Launoy, qui prtendans les derni~res annes de lempereur Claude [er (41-54), vanglisrent la Gaule sous le r.gne de Nron, son successeur (54-68); onsait du reste que les titres des manusaits taient peints aprs coup,et ntaient que des sommaires indpendants du corps mme de louvrage, dont la plus ou moins grande exactitude dpendait de lrudition et du soin de chaque copiste. 1 Anno vero quarto decimo Cacta est divisio apostolorum ... et PetrusOrientem relicturus, Romamque iturus, designavit regionibus Occi-..denlis quas ip.e ndire non poterat, Evungelii prdicatores, de nohilioribus in Christo, et anliquc,ribus discip.llis Christi; in regionemGalliarum, etc. (Raban-Maur, De vila iJeal Mari Magdall!l,cap. XXXVI. - JlIonum. ild., t. n, p. 537. - E manuscript. Oxon.Collegio Magdalenensi, no 166.
  • 65. CHAPITRE II. 153daient dun ct quune telle mission envoye de Romepar saint Pierre eut t impossible; de lautre que lesmonuments les plus anciens fixaient cette mission lan 34 de notre re, un an seulement aprs lascension, ce qui eut t une impossibilit non moins avre.Enfin le monument dArles ne limite point au nombrede sept exclusivement les prdicateurs de la foi dansles Gaules. Il affirme que plusieurs autres leur (urentadjoints pour compagnons, ce qui est en effet constantdaprs toutes les traditions et les tmoignages de lantiquit ecclsiastique 1. Voil donc ct de saint Grgoire de Tours, et desa date du rgne de Dce, signifiant daprs lui lan 150,et dans la ralit chronologique lan 250 de notre re,nn tmoin galement du sixime sicle qui tablitlapostolicit. De quel ct est la vrit, de quel cotest la tradition authentique? Un rapide coup dil jetsur lhistoiro de qudques-uns des premiers vques denotre patrie nous permettra de rpondre. Saint Trollhinlc il :rlcs. i 1. Lvque Trophime fut envoy Arles sous I::I0quo fie la prdir.1tion)) lempereur Dce, )) nous dit saint Grgoire de Tours. de S. T,ophim. .rle.Or saint Cyprien nous apprend que, sous lempereurDce, lvque dArles sappelait Marcien. Nous avonscit, ce sujet, la lettre de lvque de Carthage aupape saint Etienne 10 , et saint Cyprien qui lcrivaitlan 254 ne pouvait confondre saint Trophime aveclvque hrtique dArles, Marcien. Les plus anciens 1 Cest ainsi que S. Crescent, par exemple, et son apostolat dan>lEglise de Vienne ne sont point indiqus. nominativement dan.1:numration des sept vques.
  • 66. 1!)4 SAINT DNYS LAROPAGITE.diptYllues de lEglise dArles, ceux qua publis Mabillon, dans ses Analecta, aussi bien que ceux dontM. Faillon a nrichi ses monuments indits, daprsun manuscrit de la bibliothque impriale t, donnenttoute une srie de successeurs saint Trophime jusqu Marcien, savoir : Rgulus, Marinus, Martinus,Nicasius, Crescentius, Concordius, etc., etc. Il taitdonc impossible quen 254, date de la lettre de saintCyprien, lvque dArles qui tait Marcien, eut eupour prdcesseur immdiat en 250 saint Trophime.On se rappelle la letttre du concile dArles saintLon-le-Grand en 440, un sicle avant saint Grgoirede Tours, affirmant que la premire sur le sol Gau)) lois, la cit dArlfls a eu lhonneur de recevoir dans)) ses murs le prtre saint Trophime, envoy par le)) bienheU1eux Pierre, aptre . )) Nous avons reproduitles paroles du pape saint Zozime, en 417, cent cinquanteans avant saint Grgoire de Tours, confirmant le mmefait; et celles des martyrologes enregistraI~t aussi cette(Iale apostolique. Parmi les disciples de Jsus-Christ) que Pierre euvoya dans les contres de lOccident ) quil ne pouvait visiter lui-mme, dit Raban-Maur, ) se trouvait saint Trophime, vque dArles, alors )) mtropole de la province de Vienne . A tous ces tmoignages quon veuille hien ajouter: le sceau des anciens archevques dArles (1193) portant leffigie de 1 Manuscrit de la Bibl. imp. de Paris, renfermant les Vies de sailItTrophime, saint Rgulus, saint Honorat, 6aint Hilaire, saint Csaire,et Virgile. (Monum. ind., t. Il, col. 359.) J Voir chap. 1 de cet ouvrage, nos 6, 7, 8, 9. er 3 Trophimus Arelatem, tune metropolim provincil Viennen6is. (Raban-Maur, Vila sancl Magdalen, cap. XXXVII. - Monllm.ind., t. XI, p. 537,539.)
  • 67. 11." CHAPITRE Il.
  • 68. 1)6 SAINT DENYS LAROPAGITE. la fois par des tmoins antrieurs, et par la Croyance des sicles subsquents. La tradition vritable, la tra dition authentique est donc celle qui dit: Sous Claude, laptre Pierre envoya dans les Gaules pour prcher aux Gen#ls la foi de la Trinit, Trophime. Saint Paul Xalbonne. Epoque 12. Lvque.Paul, nous dit encore saint Grgoirede la prMieation de .aint raul Narbonne. de Tours, fut envoy Narbonne sous lempereur Dce. Quon cherche, si lon veut, concilier cette assertion avec celle du Petit Martyrologe romain, dont lautorit nest conteste pur personne, et qui porte en termes exprs: (( Le II des kalendes d avril, Nar bonne, fte de saint Paul, vque, disciple des apdtres 1. Quon la compare avec celle du vn rable Bde, qui sexprime ainsi: A Na1bonne, dans les Gaules, fte de saint Pul, ordonn vque par les aptres, et envoy par eu:r dans cette ville, La tradition nous enseigne quil est le mme que le pro consul Sergius Paulus, homme dune sagesse remar quable, qui saint Paul donna son nom en le convertissant la foi du Christ, Le saint apdtre tant pass en Espagne POll1 y prcher lEvangile, laissa Paul Narbonne. Cet vque prcha r Evan gile avec zle, et, aprs une vie illustre par des miracles, il reut en ce lieu la couronne du ciel et la spultu1e chrtienne t. Le Martyrologe dAdon Tl Kalendas aprilis. Narbon, S. Pauli, episcopi, discipuli 1 ,~postolorum, (Martyrol. Rom. vetus. Mense aprilis.) 1 In Galliis, eivitate Narbon, natalis S. Pauli quem beati Apostoli ordinatum urbi Narbon episcopum miserunt. Quem tradunt eum dem fuisse Sergium Paulum, proconsulem, virum prudentem, a quo ipse Paulus sortitus est nomen, quia euro fidei subegerat; quique ab
  • 69. CHAPITRE II. vi 1nest pas moins explicite. A Narbonne, dans les Gaules, dit-il, (te de saint Paul, vque et con(es- sew, disciple des aptres i. Dans son livre De (es-tivitatibus apostololum, le saint vque de Vienne re-produit les paroles que nous venons de citer daprs levnrable Bde; Notker, dans son 3Iartyrologe tient lemme langage. Encore une fois, faudra-t-il fouler auxpieds la tradition tout entire, les tmoignages les plusauthentiques, man.s des sources les plus pures delantiquit ecclsiastique, et sacrifier tout cela pour unparole de saint Grgoire de Tours, dont nous avonsfait voir les incohrences, les incertitudes et leserreurs. Mais enfin, si ce tmoignage unique avait eula valeur que lui supposent les adversaires de laposto-licit de nos Eglises, Bde, Adon, Notker et tantautres, qui avaient son ouvrage entre leurs mains,qui taient mieux placs que nous pour apprcier savritable porte chronologique, puisquils vcurent peine un sicle aprs lui, auraient certainement profitde sa dcouverte pour en enrichir leurs ouvrages. Ilsneussent pas attendu que, dix ou onze sic1esaprs,Launoy ft venu leur apprendre quune parole de saintGrgoire de Tours suffit pour renverser les traditionsles plus solidement tablies, et les plus universellementadoptes. Nous avons encore les Actes de saint Paul de Nar-bonne. De laveu de tous les critiques, ils sont ant-eodem sancto llpostolo, cum ad HiSPllUias prdiclludi caus per-geret, apud prfatam urbem Narhouam relidus, prdicatiouis offieioIj.on segniter impleto 1 clams miraculis, coronatus sepelitur. (Ven.Bed Martyrol., - Palrot. tal., 1. XCXIV, p. 864.) 1 In Galliis, civiIllle Narbon, naiaie S. Pauli, episcopi et confes-soris l discipuli apostolormn. (J/wI!Jlol. AJou. XI K,eudas lIprili)
  • 70. 58 SAINT DENYS LAROPAGITE. rieurs, dun sicle au moins, saint Grgoire de Tours. Or, ces Actes attribuent formellement saint Pierre la n:!ission du premier vque de Narbonne dans les Gaules. Et ce nest pas seulement lanLique tradition de la ville de Narbonue, qui constate ici le fait: les villes dAvignon et de Toulouse conservent saint Paul un souvenir de vnration filiale. Une vie manuscrite du saint vque, conserve au couvent de la Daurade, . Toulouse, et lue par le bndictin Eudes Mot.h, dans les premires annes du dix-septime sicle, portait les paroles suivantes quil nous a conserves: cc Saint Paul, vque de Narbonne, connu dabord sous le nom de Sergius, tait de l11e de Paphos. Vainqueur du dmon, il rigea un grand nombre dglises quil confia aux soins de son diacre Etienne. Puis, envoyant Rufus Avignon, il vint lui-mme jus qu Toulouse, o il bnit plusieurs glises au nom du Christ, mit leur tte des prtres ct des diacres, et retourna Narbonne. Plus tanl, il vanglisa lEspagne, et revint encore Narbonne, o il moulUt plein de jours et de mrites, et fut enseveli par son diacre Etienne 1. Sur la tombe du saint vque, lors. de la translation de ses reliques, on lisait cette inscrip tion : (c Ici repose saint Paul, vque de lEglise de 1 Sanclus Paulus Narboneusis episcopus, Sergius diclus, ex Papho iosul, dmouiorum curalor el eeelesiaruUl slruclor, Slephallo prlfl cipuo diaeollo, viro sallelssiUlo, oumes ecelesias eommillens, Rufum Aveuiollc prlixil, el Tolosam peliil, ubi verbum Domioi prdicans, plurimas ccelesias benedixil lilulo Christi, el plesbyleris ne diaeonis ibi ordwalis, Narbonam rediil, le Hispallias prlfldieando peragravil, landemquc Narbonam repelens, plenus diebus el meritis, a Slephano diaeono sepullus esl. (De myst. Galli scriptoribus. p. 947.)
  • 71. CHAPITRE Il. 1 59 Narbonne, disciple de Taptre Paul t. Aprs tantde tmoignages, la Chronique dAuxerre se fait sontour lcho de la croyance des sicles. Lan 93, dit elle, Paul fut envoy Narbonne. Ici encore noussommes bien forcs de convenir que la tradition proteste unanimement contre le tmoignage de saint Grgoire de Tours; et que toutes ses voix redisent avec lemonument de lEglise dArles: Sous Claude, laptre) Pierre envoya dans les Gaules, pour prcher auxTl Gentils la foi de la Trinit, Paul. Sni ... Uar(nl Limoges. 13. Sons le rgne de Dce, continue toujours saint Epnqll(, de la prdirann Grgoire de Tours, lvque Martial fut envoy c saint llartial LimltS(s. Limoges. Comparons cette affirmation avec lesbeaux vers que Fortunat, vque de Poitiers, contemporain de lvque de Tours, composait, en 570, enlhonneur de saint Martial. Ici, dit Fortunat, se lisent les Actes authentiques de Martial... Rome et la Gaule vous honorent, vnrable pre, au second rang aprs Pierre, comme plus jeune que lui, et son infrieur en dignit, et simultanment avec Pierre, comme son gal dans la prrogative de lapostolat. La tribu de Benjamin vous vit natre dun sang illustre; la ville de Limoges conserve maintenant votre corps sacr 3. t Hic requiescit S. Paulus, discipnlus apostoli Pailli, episcopusNarbonensis ecclesi. (De myst. Galli scriptoribus.) , Inter quos Olissus est Paulus Narbonam. (Chronic. Autissiodor.,ad ann. 93.) 1 Martialis resouant hic veracissima gesta. Tellus te Romana..... te Gallica tellus Post Petrum, recolunt juniorem l parte seclInd,
  • 72. 60 SAINT DENYS LAROPAGITE. Nous demanderons pourquoi Rome et la Gaulehonoreraient Martial, aprs saint Pierre, et commeson qal dans la prroqative de lapostolat, si Martialntait venu Limoges quen 250, sous lempire deDce? II est vrai que les Actes de saInt Martial nousapprennent que ce saint fut lun des soixante-douzedisciples de Jsus-Christ; quil fut lun des compagnonsde saint Pierre, et que, fils de la tribu de Benjamin, ilquitta la Jude, sa patrie, pour venir vangliser lesGaules t. Mais ces dtails, qui saccordent si merveilleusement a,:ec les vers de Fortunat, comment lesconcilier avec la parole de saint Glgoire de Tours;comment reculer jllSf!UaU rgne de Dce, en 250, laprdication dun des soixante-douze disciples de JsusChrist, et compagnon de saint Pierre? Cum Petro recolunt qualem sorte priori. Benjamita tribus te gessit sanguine claro ; Urbs te nunc letinet Lemovica corpore sancto. (Patrol. lat., t, LXXXV III , p. 115.) M. labb Arbellot, dans une savantc dissertation sur lapostolatde saiut Martial, Il, le premier signal ce tmoignage dc Fortunat lrudition moderne. 1 Le Actes de saint Martial, connus sous le nOlll dAurlien, ne remontcnt pas au-del de la premire priode du sixime sicle. Ce sontces Actes que Launoy, Sir-mond et autres accusaient dinterpolations,danachronismes, dinvraisemblance de tout genre. M. labb Arhe Ilot a cu la bonne fortune de retrouver dans le manuscrit no 3851de la Bibliothque impriale de Paris, une copie des Actes primitifs desaint Martial, Actes que Benoit de Cluse, au onzime sicle, croyaitIl perdus depuis lincendie du monastre de Saint-Sauveur (858) etIl que Pierre le Scolastique (Xe sicle), appelle le petit livre ~e la)l vie de saint Martial. )l Nous avons soigneusement tudi ces Actes,qui occupent les folios 30, 31 .et 32 du manuscrit. Ils prsentent tousles caractres dauthenticit dsirables, et M. labb Arbellot, qui sepropose de les publier, a le droit de dire quc la critique la plusIl svre ne trouvera rien reprendre dans ce texte prcieux. Il(Lettre de M. labb Ar-bellot publie dans le CoulIier de Limoges,20 dcembre 1855. )
  • 73. 1 CIJAP1THE Il. 6i Il nest gure plus facile a;accolllmoder au tmoignagede saint Grgoire de Tours ce que saint Priest, vquede Clermont, crit en 670, dans la vie de saint Austremoine: Le bienheureux Pie11e, plince des aptres, dit-il, fort/fia de sa bndiction les sept ,j~ques illustres, assigns aux villes de la Gaule, et [en par ticulier] saint Martial Limoges 1. lIme difficult pour ce texte de la Lgende de saint Ausone,crile au septime sicle: Saint Pierre envoya la cit des Gaules, quon appelle Limoges, ville alors trs-florissante, le bienheureux .Martial~; pour celuide Florus (760), dans ses additions au Martyrologe deBde: Martial fut lun des soixante-douze disciples de Jsus-Christ envoy de Rome dans les Gaules pm le bienheureux Pierre,. il commena ses prdications dans la ville de Limoges, et ne termina sa vie qua prs avoir ruin le culte des idoles, et rempli la cit de la fui de Jsus-Christ 3. Enfin mme difficultpour lassertion de Raban-Maur, dont nous avons dj 1 Bcatissimus Pctru., prillccp. apostolorum, ... advocans ipsesanctissirnos discipulos, .. su ollllliumque apostolorum belledictioneroboravit; quorulll videlicet virornm illustrium, qui singulis urbibuserant delegandi, hc fuere nomina..... Lemovicas Marlialis. (ActaS. Austremonii. - Labbe, Nov. Bibl. Mss., t. Il, p. 48~. - Dissert.SUI lapostol. de S. Mart., p. 67,68, 69.) t Accidit Beatum Petrum apostoQrum principem, dive lsis Italiatque Galli urbiblls diversos destinasse antistites ..... Inter cterosvero... Galliarum urbi fiorentissilll t.unc temporis, qu didtur Ltlmovicas, primum mi.it antistitem egregium pel omnia MarLiaem.(Bolland., Vetus Legenda S. Ausonii, 1. V, p. l37. Dissert. S. Mari.;p. 67.) 3 Lemovicas ci vitale depositio Martialis episcopi, qui fuit unus exseptuaginta duobu., qui a Roman urbe a B. Petro in Gallias missus,in urbe Lemovicin prdicare exorsus est; eversisque simulacrorumritibus, repet jam urbe creduitatis migravil a sculo. ( Patrolog.~lartyrol. Vener. Bed, t. XCXIV, p. 961.)
  • 74. 62 SAINT DENYS LAROPAGITE.cit les paroles, et qui nous enseigne que saint Pierre,en quittant (Orient, envoya aux contres de r Occidentquil ne pouvait visiter lui-mme, et notamment enGaule, divCts prdicateurs, parmi lesquels Martial, Limoges. Mais ici nous anivons un fait considrable, quioccupe dans lhistoire de notre Eglise gallicane uneplace importante, et qui va condenser, en quelque sorte,dans un seul foyer de lumire tous les rayons pars delantique tradition au sujet de lapostolat de saint Martial. Dans lintervalle de lan 1023 1031, deux assemhles de princes et de prlats, lune Paris (1023),prside par le roi Robert-le-Pieux; lautre Poitiers(1024), prside pal Guillaume IV, duc dAquitaine;et trois conciles provinciaux, deux Limoges (10281031), et un Bourges (1031), se runirent successivement pour claircir la question de savoir sil fallaitdonner saint Martial le titre daptre, ou seulementcelui de confesseur. Si jamais lopinion de saint Grgoire de Tours pt se dveloppAr sur un thtre illustre,ce fut dans ces runions solennelles o rois et peuplesattendaient avec anxit une solution sur des matiressi controverses. Chose remarquable pourtant! il nevint la pense daucun des vques qui sigeaientdans ces assembles; daucun des clercs, qui apportaient la discussion les lumires de leur critique etde leur rudition; daucun des princes qui assistaient e grand dbat, dinvoquer le fameux passage du eUVIli chapitre de lHistoire des Francs, qui eut termin dun seul coup toute la controverse. Tout lemonde au contraire convenait que saint Martial avaitt envoy par laptre saint Pierre dans les Gaules; la
  • 75. CHAPITRE 11. 63 1difficult roulait exclusivement sur le titre daptre quedanciens monuments liturgiques attribuaient au saintvque de Limoges, pendant que dautres traditionslocales le lui refusaient. Cette mmorable discussion,dont les pices les plus importantes nous ont t conserves t, fut soumise au jugement du Souverain-Pontife. Le pape Jean XIX, dans un dcret adress Jourdain, vque de Limoges (1031), pronona la dcisionen ces termes: Appuy, dit-il, sur la pielre inbran)) lable de r Eglise, conS1l1t swla question de savoir si)) saint Martial est compt au rang des con(esseuls ou)) au lallg des aptles, pm J51ls-Christ Fils de Dieu,)) auquel il a t personnellement attach, dont il a vu la gloe, dont il a reu les bndictions; Nous dfinissons quon peut lui donner le titre daptle;)) et,pm consquent, Nous pel/sons quon peut, dans la clbration des divin~ mystres, se selV7, pour sa)) (te, de loffice des aptres. A huit cents ans dintervalle, la chaire apostoliqueinterroge de nonveau porte la mme sentence, etPie IX, en 1854, a parl comme Jean XIX en 1031. LEgli~c de Limoges (cest la t~neur mme du d ) cret), depuis les temps les plus reculs, honore saint ) Martial, son premier vque, du titre et du culte 1 On peut consulter il ce sujet les vol. CXLl et CXLIl de Ja. Patrol. lat., o les principaux monuments dc cctte grandc discussion sont reproduits. Voir aussi Dissertat. SUI lapostolat de saint }lartial, p. 35-49. ! Nos aulem, in firma petra dificati, hune de quo loquimur Mar tinlem, utrum inter confcssores, an inler apo.tolos, Jesus Christus, Dei filius, cui corporaliter a.dhresil, et cujus gloriam vidil, et bene dictione est usus, annumeret : apostolum nominari posse definimus et que apostolica officia in divinis mysleriis exhiberi sihi censemus. (Patrol. lat., t. CXLI, col. IlI.9.)
  • 76. 6~ S~INT DENYS LAROPAGITE. )1 daptre. Doit - on confirmer cet usage? - Sa 1) Saintet le pape Pie IX. a rpondu affirmative ment. )1 Nous voil bien loin du tmoignage de saint Gr goire de Tours et du rgne de Dce, assign comme date la prdication de saint Martial. La tradition, par ses organes les plus solennels, par les dcisions des Souverains-Pontifes, par les chos les plus accrdits de la Gaule, de lAquitaine, de la Germanie, rpte la mme parole: Sous Claude, laptre Pierre envoya )1 dans les Gaules, pour prcher aux Gentils la foi de la Trinit, Martial. )1 Couclusion.Le p.s ge de 14. Nous ne poursuivrons pas davantage cet exasaint Grpguire de men. Il nous parat impossible de ne pas reconnatre,Tours na IIRS lavaleur historiqueque les udytrsai par tout ce qui prcde: 1 que le tmoignage de saintrel de la tradilion lui Illlri Grgoire de Tours, pour les faits antrieurs la fonbuenl. dation de la monarchie, ne saurait tre considr comme une autorit chronologique; les erreurs que nous avons releves dans ce XXVlIl e chapitre ltablissent nette ment; 2 que dans la pense du saint vque le rgne de Dce ne se rapportait poiut lan 250, mais la premire moiti du deuxime sicle; 3 quil na eu sous les yeux pour fixer cette date que la Passion de saint Saturnin qui ne parle nullement des six autres vques; 4 que les traditions les plus solides, les au torits les plus prcises le contredisent formellement pour saint Trophime, Arles; saint Paul, Narbonne; saint Martial Limoges. Il eut t facile dajouter que saint Grgoire de Tours, lui-mme, attachait telle ment peu la date du consulat de Dce lide du troi sime sicle, quen parlant de saint Ursin de Bourges, il affirme quil avait t ordonn par les disciples des
  • 77. CHAPITRE Il. 65ap6tres t; il dit de mme de saint Eutrope quil fut,daprs la tradition, envoy dans les Gaules par lepape saint Clment ~ ; et, comme pour mieux confirmerle fait, en parlant de ce mme saint Saturnin, dont ilavait lu les Actes, dont il rapporte si exactement ladate, il dit: Le martyr Satu1llin, ordonn rI aprsla tradition, pm les disciples des aptres, fut envoy la ville de Toulouse 3, Les critiques navaient vu l.quune contradiction inexplicable du saint vque deTours: les lacunes qui existent dans sa liste desempe-rems romains en donnent, selon nous, le vritable sens. Quelle est donc, en dernire analyse, la valeur de cefameux passage? Le lecteur a maintenant sous les yeuxtous les lments qui laideront rsoudre cette ques-tion : et il peut formuler lui-mme la rponse, Unsavant critique du dernier sicle, avec autant de finesse que de sagacit, avait pris plaisir faire donner cette rponse par les partisans les plus avous de la date de saint Grgoire de Tours. M. Dupin nie lapostolicit de nos Eglises, dit le P. Honor de Sainte-Marie, parce que s.aint G1goire de Tows, sw la foi dun ancien autew de la Passion de saint Saturnin, rap- porte que saint Denys et ses compagnons, aptJt1es de la France, y vinrent du temps de t empereur Dce, vers tan 250. 1 Biluriga urbs primum Il S. Ursino, qui a discipulis apostolorumepiscopus ordinalus, in Gallias destinatus est, verbum salutis acce-pit. (Greg. Tur., De glori confessol., c. 80.) - Patrol. lat., col. 886,887, t. LXXI. t Eullopius quOqllC martyr Santonic urbis, a beato Clemente epi-scopo fertur directlls in Gallias, ab eodem etiaw pontificalis ordinisgrali consecratus est. (Greg. Turon. De glorid martyrum., lib. I.Miracul., cap. LVI. - Patro/. lat., t. LXXI, col. 756-757.) a Saturninuii vero martyr, ut fertur, ab apostolorum discipulis or. 5
  • 78. 66 SAINT DENYS L.lIOPAGITE. l( Mais quand M. Dupin se trouve en face de la lettre de saint Cyprien au pape Etienne, tahlissant quen)250 Arles avait Marcien et non pas saint Trophime pour vque, il change de langage. Cette difficult) est grande, dit-il; cependant on peut y rpond~ en admettant que Trophime est venu avant Dce, el que ce nest pas i autew de la Vie de saint Saturnin, mais Grgoe de Tours, qui, i occasion de ce que cet autell1 fixe la11ive de Saturnin Toulouse,)1 sous lempereur Dce, y ajoute les aut,es sept vques de France, entre lesquels tait T,ophime i Voil,ajoutait le P. Honor de Sainte-~larie, comment unhabile homme se dhalrusse dun passage difficile!inatus, in urbcm Tolosntinm est directus. (Greg. Tur., MiIac., iiI>. I. De gloria marly/., cap. XLVIII. - Patlol. lat., t. LXXI, col. 749.) t Rflexio.ns sur les ,-gles de la critique, par le P. Honor deSainte-Marie. Dissertai. Il, p. 165. ,,11. Baillet fa.it de mme, ajutaitli le P. Honor de Sainte-Marie. Aprs avoir admis la dnte de Dce, pour celle de larrive des sept vques en Frunce, snI la foi de lali passion de saint Saturnin cite par Grgoire de Tours; dans un autre endroit il reprend : Il (aul avouel quc lpoque marque1) par saint Glgole de Tours pour tous Ics sept ul!ques ne regalde1) prcisment que saint Satlll"1lin de Toulouu, dans les .Actes duquel il la trOutte.
  • 79. CHAPITRE III. POQUE DE LA mSSION DE SAINT DENYS A PARIS.1. Ordre suivi dans celte discussion. - 2. Epoque de la mission de Sommllir". saint Denys il Paris, daprs les tmoignages de la tradition. 3. Tmoignage du cinquime sicle (421-502) antrieur il Grgoire de Tours. - Te~te de III vie de .aiute Genevive. - 4. Authenticit de ce te~te. - 5. Valeur de ce tmoignage. - 6. Antre tmoignage du cilnime sicle, antrieur 11 Grgoire de Tours. Actes au thentiques de saint Denys. Recherche e la vritable date de ces Actes. - 7. Rponse 11 lobjection de Launoy. - 8. Tmoignage du sixime sicle (530-609) contemporain de Grgoire de Tours. Hymne de Fortunat. - 9. Objection de Launoy contre lanthenticit de celte hymne. -10. Rpon.e celle objection. -.11. Tmoignage du septime sicle. Tcxte des Ces/il Domni Dngolkr/i. - 12. Di~ cussion de ce texte. - 13. Deux tmoignages du huitime sicle. DiplU1e de Thierry de Chelles (723). Dipl~me de Ppin-Ie-Drel (768). - 110. Tmoignage u Concile de Pari. (825) antrieur il Hilduin. - 15. Di.cus.ion de ce tmoigllage. - 1 G. Rpollse il uue objection gnrale de Launoy. - 17. Pourqnoi on doit arrter lan 825 ln li:.te es tmoignages. Laropagitisme admis gn ralement, en 837, prouve la prexistence de la tradition au sujet de la mission e saillt Denys par saint Clment. 1. Avant de fixer notre attention sur lapostolat du Ordre suivi dan