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Les radeaux de feu Diriger par émergence Robert Branche Peut-on comprendre ce qui émerge et diriger sans décider ? Peut-on comprendre ce qui émerge et diriger sans décider ? SORTIE OCTOBRE 201 3

Extrait des "Radeaux de feu"

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Extrait de mon nouveau livre "Les Radeaux de feu" qui sera publié en octobre 2013

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Les radeaux de feu Diriger par émergence

Robert Branche

Peut-on comprendre ce qui émerge et diriger sans décider ?

Peut-on comprendre ce qui émerge et diriger sans décider ?

SORTIE OCTOBRE 201 3

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2 Les radeaux de feu – Robert Branche

« Savoir accepter ce qui nous dépasse pour en tirer parti »

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3 Les radeaux de feu – Robert Branche

AVANT-PROPOS

22 décembre 2011, 15 heures, place de l'Hôtel de ville. Que faire ? Rentrer à pied à la Croix Rousse ou prendre le métro ? Plus très envie de marcher, voilà déjà plus de deux heures que je suis parti et que je sil-lonne les rues de Lyon. La bouche d'entrée est là, tentante. Je m'en approche, mais au dernier moment, change d'avis et décide de profiter encore un peu plus de la chaleur inhabituelle. Une décision sans importance, banale, comme nous en prenons sans arrêt, à chaque instant, tous les jours. Est-ce que l'on va à droite ou à gauche ? Est-ce que l'on fait cela tout de suite, ou est-ce qu'on le reporte un peu plus ? Le plus souvent, nous ne percevons pas les conséquences de nos choix. Trop d'aiguillages à venir, trop d'aléas, trop d'incertitudes. Et pourtant, notre vie et celles des autres se font de ces choix mul-tiples, de ces microdécisions prises à la va-vite, et des enchaînements qu'elles provoquent. Ce 22 décembre 2011 à 15 heures, place de l'Hôtel de ville, si j'avais pris le métro, je serais mort quelques jours après, et ce livre n'existerait pas. Fatalité, destin, grâce immanente ? Non, juste un hasard favorable et palpable, une vie sauvée, la mienne, pour rien, à partir de rien. Quinze minutes plus tard, une douleur dans la poitrine gauche pendant l'effort associé à la montée des pentes de la Croix Rousse. Quatre heures plus tard, sur un coup de tête, la décision de parler de cette dou-leur à ma nièce qui allait venir dîner. Sept heures plus tard, cette nièce qui a réalisé que je risquais à tout moment un accident cardiaque, et a appelé immédiatement un ami cardiologue. Le 23 décembre à 8h du matin, ce cardiologue qui a décidé de me faire une coronarographie. À 10h du matin, la découverte d'une artère bouchée à quatre-vingt quinze pour cent. À 10 heures 30, la pose d'un stent et la réparation de l'ar-tère. Ainsi va le monde… Ce 22 décembre 2011, j'avais déjà commencé à travailler à la réalisation de ce livre. Mes idées étaient claires sur ce que je voulais écrire, même si je n'en étais encore qu'à la phase préparatoire, au rassemblement de tout ce que j'avais pu écrire autour du thème de l’incertitude, de l'emboîtement, et de l’émergence. Ce n'est donc pas ce flirt avec la mort qui est le déclencheur de ce projet. Il a juste eu lieu au moment charnière où, du magma informe du patchwork accumulé, j'allais chercher à faire émerger un livre. Il m'est alors apparu évident que ce dernier devait commencer par l'évocation de mon quasi-décès, à la fois virtuel et si réel. Comment mieux, en effet, introduire à ce réel qui nous échappe, nous dépasse, émerge brutalement, et que nous voulons quand même diriger, qu’en vous relatant cette anecdote ?

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4 Les radeaux de feu – Robert Branche

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 5  UNE HISTOIRE D’INCERTITUDE, D’EMBOÎTEMENTS ET D’ÉMERGENCES ........................... 6  

1.   LES POUPÉES MINÉRALES : L’EXPANSION IMPRÉVISIBLE ................................................................. 7  1.1. Une histoire de colle et de graisse ............................................................................................................................................... 7  1.2. Vers un monde complexe, irréversible et résilient ................................................................................................................... 9  1.3. Ce n’est pas le désordre qui croît, mais l’imprévisibilité ........................................................................................................ 10  

2.   LA VIE VÉGÉTALE : L’ART DU BRICOLAGE ............................................................................................ 14  2.1. La vie ne veut pas mourir ........................................................................................................................................................... 14  2.2. Toutes les collections ne sont pas des poupées russes .......................................................................................................... 17  2.3. La vie dérive au hasard des possibles ....................................................................................................................................... 19  

3.   LES TRIBUS ANIMALES : L’ACTION INCERTAINE ................................................................................ 22  3.1. Partir à droite ou à gauche… selon son propre choix ........................................................................................................... 22  3.2. L’insecte est petit, mais la tribu est grande .............................................................................................................................. 25  3.3. Le principe de la compréhension limitée ................................................................................................................................. 27  

4.   L‘INDIVIDU HUMAIN : LE FUTUR ANTICIPÉ ........................................................................................ 31  4.1. Des jeux de mots qui n’en sont pas .......................................................................................................................................... 31  4.2. L’extraction des régularités du monde .................................................................................................................................... 35  4.3. L’iceberg de l’inconscient ........................................................................................................................................................... 38  

5.   VERS UN NEUROMONDE : LA CONNEXION GLOBALE ...................................................................... 42  5.1. L’incertitude globale .................................................................................................................................................................... 42  5.2. Vers un homme élargi ou un nouvel homme ? ...................................................................................................................... 45  5.3. Les nouvelles connexions et émergences collectives ............................................................................................................. 49  

LE MANAGEMENT PAR ÉMERGENCE ............................................................................................... 52  6.   L’ENTREPRISE AU CŒUR DE L’INCERTITUDE ET DES ÉMERGENCES ......................................... 53  

6.1. Des emboîtements sociaux de proximité aux méta-entreprises ........................................................................................... 53  6.2. Vers quelle entreprise ? ............................................................................................................................................................... 56  6.3. De la décision à l’émergence ...................................................................................................................................................... 58  6.4. La rationalité limitée de la décision émergente ....................................................................................................................... 60  

7.   LES MATRIOCHKAS D’UNE STRATÉGIE RÉSILIENTE ......................................................................... 64  7.1. La mer, ce point fixe choisi pour la vie .................................................................................................................................... 65  7.2. Le cadre stratégique et les principes d’action, les guides vers la mer .................................................................................. 67  7.3. Le dessin dynamique des chemins stratégiques ...................................................................................................................... 69  7.4. Être un paranoïaque optimiste pour avancer vers sa mer ..................................................................................................... 71  

8.   POUR UNE ERGONOMIE DES ACTIONS ÉMERGENTES ..................................................................... 75  8.1. Lâcher-prise et action locale ...................................................................................................................................................... 76  8.2. Vision commune, communication et culture .......................................................................................................................... 78  8.3. Facilité, geste naturel et calme ................................................................................................................................................... 80  8.4. Confiance et confrontation ........................................................................................................................................................ 83  

9.   POUR UN DIRIGEANT PORTEUR DE SENS ET DE COMPRÉHENSION ........................................... 86  9.1. Décider des chemins stratégiques et laisser l’entreprise y trouver sa voie .......................................................................... 86  9.2. Stabilité et unicité émotionnelle : plus philosophe et historien que mathématicien ......................................................... 88  9.3. Ne pas confondre changement et transformation, savoir prendre son temps .................................................................. 90  9.4. Piloter dans des jardins à l’anglaise ........................................................................................................................................... 92  

ÉPILOGUE ................................................................................................................................................. 96  ANNEXE ..................................................................................................................................................... 97  

A.   LES POUPÉES MINÉRALES : L’EXPANSION IMPRÉVISIBLE ............................................................................. 97  B.   LE VÉGÉTAL : L’ART DU BRICOLAGE ........................................................................................................................ 99  C.   LES TRIBUS ANIMALES : L’ACTION INCERTAINE .............................................................................................. 102  D.   L ‘INDIVIDU HUMAIN : LE FUTUR ANTICIPÉ ...................................................................................................... 105  

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5 Les radeaux de feu – Robert Branche

INTRODUCTION

Quand je lis des traités sur le management des entreprises, j’ai souvent l’impression que leurs auteurs con-sidèrent que l’entreprise est une entité tombée du ciel, née pour toujours et qu’émettre des critiques la con-cernant est un crime de lèse-majesté. A croire que les penseurs du management sont créationnistes, et nient l’évolution ! Penseraient-ils qu’un Deus ex-machina est venu déposer une entité parfaite au milieu des hommes ? Car enfin, l’entreprise n’est née qu’il n’y a que quelques centaines d’années, et moins de deux cents ans pour sa forme actuelle, c’est-à-dire rien au regard de l’histoire du monde qui se compte en milliards d’années pour les temps du minéral et végétal, et en centaines de milliers pour l’homme. Pour ma part, ne croyant pas que l’entreprise soit un produit hors-sol ou qu’elle ait surgi du néant, je la vois comme une construction contingente, issue d’un passé dont on ne peut faire table rase. Elle n’est pas réellement un construit des hommes, elle est un construit du monde. Donc pour comprendre l’entreprise, il faut comprendre le monde. Voilà pourquoi mon livre accorde une place importante au récit de ces presque quinze milliards d’années qui ont vu naître successivement le minéral, le végétal, l’animal, l’homme, et tout récemment notre neuro-monde, ce monde de l’interdépendance et de la connexion. Je ne vais pas y prendre parti quant au caractère originel ou non du Big Bang. Je laisserai ce point aux ex-perts, me contentant d’un récit depuis cette origine. Je ne chercherai pas non plus à y être exhaustif, mais m’arrêterai sur les points saillants, soit parce qu’ils sont les témoins des lignes de force de l’évolution, celles que l’on retrouve dans les entreprises, soit parce qu’ils sont des ruptures signifiantes. J’y montrerai que ce qui tisse et dirige cette évolution est le trépied de la croissance de l’incertitude, de la multiplication des emboîtements, et des émergences de nouvelles propriétés. Afin de faciliter la lecture et de préparer le passage à l’entreprise, j’ai choisi d’émailler ce récit d’une série de commentaires sur l’entreprise, commentaires qui sont des embryons de ce qui sera repris et détaillé dans la deuxième partie. Au cœur du monde animal, vous y découvrirez les fourmis de feu, ces êtres apparemment si minuscules, et pourtant capables de se transformer en radeau vivant, ces représentantes de la puissance d’une énergie col-lective, et de la petitesse d’un individu face à elle. Un appel à la modestie face à la force du groupe. Certes nous ne sommes pas des fourmis, mais, comme une fourmi de feu peut, tout en ne sachant toujours pas elle-même nager, constater qu’elle participe à créer un radeau qui flotte, le dirigeant d’une entreprise ne devrait-il pas admettre que la puissance de celle-ci le dépasse et qu’il ne sert à rien de la contrôler ou de prétendre la comprendre ? Cette modestie et cette lucidité ne sont pas du tout un abandon. Elles sont acceptation des limites, et le préalable à une action réelle et mature : le management par émergence est un levier puissant pour ap-prendre à utiliser et orienter ce que l’on constate et que l’on ne comprend pas. C’est se croire tout puissant tant dans la compréhension que dans l’action, qui conduit à l’inverse à l’impuissance réelle… C’est à l’explicitation de cette nouvelle façon d’aborder le management que je consacrerai la deuxième par-tie de cet ouvrage, en abordant successivement l’élaboration de la stratégie et sa traduction en chemins stratégiques, l’ergonomie des actions émergentes, pour finir sur le profil du dirigeant et son mode d’engagement. En route donc à la suite des radeaux de feu…

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DEUXIÈME PARTIE

LE MANAGEMENT PAR ÉMERGENCE

« Comment existerait-il une théorie et une science là où les conditions et les circonstances restent inconnues et où les forces agissantes ne sauraient être déterminées avec précision ? Quelqu'un peut-il deviner quelle se-ra la position de notre armée et celle de l'ennemi dans vingt-quatre heures d’ici ? (…) Où peut donc être la

science là où tout est vague, où tout dépend de circonstances innombrables, dont la valeur ne saurait être calculée en vue d'une certaine minute, puisque l'instant précis de cette minute est inconnu ? » 1

Notre monde est habité d’experts de tous poils qui, doctement, nous assènent des prévisions qui sont sans cesse démenties. Si certaines se révèlent exactes, ce n’est que le fruit de leur grand nombre : à force de tout dire et son contraire, certaines se trouvent a posteriori valides, mais comment les repérer a priori, noyées qu’elles sont dans la horde des projections de ces cartomanciens modernes. Je vois aussi des dirigeants qui imaginent que l’incertitude qui les environnent peut être réduite, que les erreurs faites dans les business plan témoignent de l’incurie de leurs collaborateurs, et que, face aux aléas et aux exigences sans fin croissantes des financiers, c’est dans le renforcement du contrôle et de leur pouvoir qu’ils trouveront le salut. Voilà donc les deux soi-disant sauveurs de l’économie contemporaine et mondiale, d’un côté les gourous de la macro-économie qui, du sommet de leurs tours d’ivoire, sauraient ce qui va arriver, de l’autre, les ca-pitaines d’industrie qui, cabrant leur monture et jouant des muscles, pourraient dompter l’immensité de leur entreprise. Comment le croire sérieusement, quand notre monde est tissé d’emboîtements se propageant sans cesse, d’incertitudes accélérant continûment, et d’émergences de propriétés nouvelles, jugées la veille inimagi-nables ? Comment, alors que les mailles du Neuromonde vibrent de plus en plus globalement sous les chocs im-prévus des aléas locaux, que les hommes et les femmes qui les peuplent ont des capacités élargies, et que chacun devient tête d’un réseau et générateur d’ondes nouvelles se propageant immédiatement sur toute la planète, ces entreprises pourraient-elles dirigées comme on résout une équation mathématique ou on cons-truit une maison ? Comment ne pas être pris de vertige devant les dimensions infinies de la bibliothèque de Babel qui nous fait face ? Comment ne pas se voir de plus en plus comme des fourmis de feu dépassées par la puissance de ce qu’elles ont construit, et qui, tout en les renforçant, les emporte vers des horizons inconnus ? Aussi plutôt que de vouloir modéliser ce qui émerge, acceptons-le et apprenons à tirer parti de ces radeaux qui se construisent sans que nous sachions bien comment. Comprenons que l’ambition suppose d’abord un regard réaliste sur nos capacités, et donc la modestie d’admettre que la solution n’est ni dans la crispa-tion, ni dans la mathématisation de ce qui ne peut pas l’être. Voilà le défi moderne du management : dans ce monde en création et transformation perpétuelles, où des propriétés collectives s’inventent continûment, il faut passer au management par émergence, et donner un sens collectif en mélangeant anticipation et acceptation, leadership et lâcher-prise, soutien et découverte. Telles les fourmis de feu qui, ayant construit un radeau qu’elles n’ont pas modélisé, ne sont pas arrêtées par les inondations, et acceptent que leur survie passe par une dérive temporaire avant de pouvoir reprendre leur marche en avant, apprenons à nous appuyer sur ce qui nous ne comprenons pas, mais peut nous sau-ver.

1 Léon Tolstoï, La Guerre et La Paix, Tome II, Chapitre IV, XI

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8. POUR UNE ERGONOMIE DES ACTIONS ÉMERGENTES

Léon Tolstoï, dans Guerre et Paix, dresse un tableau de la campagne de Russie de Napoléon, bien éloigné de ce que j’avais retenu de mes cours d’histoire : le déroulement y est d’abord le fruit de hasards, de malen-tendus, de chances et malheurs. Napoléon se croyait, selon lui, aux commandes, alors que, dans la réalité, sa Grande Armée agissait d’elle-même : « A la suite de ces rapports, faux par la force même des circonstances, Napo-léon faisait des dispositions qui, si elles n’avaient pas déjà été prises par d’autres d’une manière plus opportune, auraient été inexécutables. Les maréchaux et les généraux, plus rapprochés que lui du champ de bataille et ne s’exposant aux balles que de temps à autre, prenaient leurs mesures sans en référer à Napoléon, dirigeaient le feu, faisaient avancer la cavalerie d’un côté et courir l’infanterie d’un autre. Mais leurs ordres n’étaient le plus souvent exécutés qu’à moitié, de travers ou pas du tout. »1

Pourquoi diable certains dirigeants d’entreprises se croient-il plus fort que Napoléon et que les plus grands chefs de guerre ? Pourquoi n’admettent-ils pas que l’art du management est souvent, certes d’aller vers l’objectif que l’on s’est fixé, vers cette mer qui, à l’horizon, attire le cours du fleuve de l’entreprise, mais sans suivre des plans détaillés, des business plans ciselés, ou des tableurs excel prétendant modéliser le fu-tur ?

Il est temps de comprendre que si la Direction Générale élabore une pensée théorique détaillée et se raidit dans la volonté de la mettre en œuvre telle quelle, alors la réalité de ce qui advient et l’action de tous ceux qui composent l’entreprise seront découplées et non pilotées.

Car l’art du management est comme l’art militaire, celui de savoir réellement tirer parti de l’énergie locale, et de la compréhension dynamique et décentralisée, c’est-à-dire de faire de l’entreprise un corps vivant, réactif alliant souplesse et cohésion. Et comprenons comme le prince André Bolkonsky, héros de Guerre et Paix, que c’est cette incertitude qui donne tout son poids et son intérêt à ceux qui sont en première ligne.2

La construction stratégique telle que nous venons de la voir, une mer visée dans un cadre stratégique et des principes d’actions qui se traduisent par des chemins stratégiques, autorise le lâcher-prise en lui donnant la direction et la stabilité qui fédèrent les initiatives et construisent dans la durée. Les actes quotidiens et con-crets mettennt en œuvre effectivement cette stratégie, développent des produits et des services, et les amè-nent jusqu’aux clients.

On aboutit de la sorte à un emboîtement de matriochkas : des actions immédiates qui réalisent des pro-duits, emboîtées dans des marques qu’elles contribuent à construire, elles-mêmes donnant naissance à l’expansion mondiale de l’entreprise dans les marchés qu’elle a choisis, ceci la rapprochant chaque jour un peu plus de sa mer, et donnant corps et réalité à sa méta-stratégie. In fine l’entreprise est structurellement stable dans la direction qu’elle vise, et sans cesse changeante au quotidien : le chaos des initiatives apporte la résilience globale.

Pour réussir ceci, faut-il encore que toutes les actions émergentes s’inscrivent effectivement dans ce cadre et s’y emboîtent dynamiquement. C’est une ergonomie des actions émergentes qui est nécessaire.

1 Léon Tolstoï, La Guerre et La Paix, Tome III, Chapitre Premier, XV 2 « Le rapport des forces de deux armées, reste toujours inconnu. Crois-moi : si le résultat dépendait toujours des ordres donnés par les états-majors, j'y serais resté, et j'aurais donné des ordres tout comme les autres; mais, au lieu de cela, tu le vois, j'ai l'honneur de servir avec ces messieurs, de com-mander un régiment, et je suis persuadé que la journée de demain dépendra plutôt de nous que d'eux! Le succès ne saurait être et n'a jamais été la conséquence, ni de la position, ni des armes, ni du nombre ! » (Ibid., Tome III, Chapitre Premier, VII)

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Prises dans la tourmente du Neuromonde, les entreprises, ces matriochkas nées il y a environ deux siècles, seront donc d’autant plus puissantes que leurs dirigeants seront à la fois visionnaires, déterminés et mo-destes : - Visionnaires, c’est-à-dire capables de rêver un futur qui n’est pas encore là, mais qui, à l’instar des mers pour les fleuves, attirera le cours de leur entreprise. Ce point fixe décliné en cadre stratégique et principes d’actions servira d’enveloppe structurellement stable, apportant force, sens et direction aux actions locales et immédiates. - Déterminés, c’est-à-dire sachant ne pas se laisser distraire par les aléas, et rester confiant en eux et dans les autres. Cette détermination positive étant indissociable de la stabilité, il est vain d’imaginer que la per-formance viendra d’un zapping managérial et d’une approche court terme de son actionnariat. - Modestes, c’est-à-dire imprégnés de la puissance de leurs mécanismes inconscients, ainsi que de tout ce qui leur échappe venant de l’entreprise et de son environnement. Cette connaissance les amène à privilé-gier le lâcher-prise et le non-agir, en se situant en recours et en veillant à la performance des organisations collectives. Alors, comme les radeaux des fourmis de feu, les entreprises sauront s’adapter à ce qui advient et avance-ront, chaque jour un peu plus fortes, vers leur futur, cette mer dont elles ne se cesseront de se rapprocher, sans jamais l’atteindre.