Kurt SALMON Entreprendre et investir dans la culture
Text of Kurt Salmon Entreprendre et investir dans la culture Forum d'Avignon 2011
1. Entreprendre et investir dans la culture : de lintuition la
dcision
2. Remerciements Nous tenons remercier les personnes suivantes
qui ont accept de rpondre nos questions: nPeter Aalbaek JENSEN,
Producteur de film, Zentropa, Danemark nAlain ABECASSIS, Dlgu gnral
de la Confrence des Prsidents dUniversits, France nHammou ALLALI,
Directeur du dpartement Investissement Immobilier et Logement,
Caisse des Dpts et Consignation, France nS. ANAND, Directeur de la
maison ddition Navayana, Inde nIbon ARESO, Premier adjoint au
Maire, Bilbao, Espagne nChristine de BAAN, Directrice du Programme,
DUTCH Design Fashion Architecture, Pays-Bas nLaurent BIZOT,
Directeur gnral, Label No Format!, France nValrie BOAGNO,
Directrice gnrale, Journal Le Temps, Suisse nEric COMPTE, Directeur
administratif et financier, Culturespaces, France nRenaud DONNEDIEU
de VABRES, Conseiller pour la stratgie, le dveloppement et la
culture, Groupe Allard, ancien Ministre de la Culture, France nKurt
EICHLER, Kulturbetriebe Dortmund, Allemagne nHamza FASSI-FIHRI,
Echevin de la Culture et de lEmploiFormation, Bruxelles, Belgique
nBernd FESEL, Directeur dlgu, European Center for Creative Economy
(ECCE), Allemagne nBernard FOCCROULLE, Directeur gnral, Festival
dart lyrique dAix-en-Provence, France nXavier FOURNEYRON, Directeur
gnral adjoint en charge de la Culture, Communaut urbaine du Grand
Lyon, France nDivina FRAU MEIGS, Professeur agrge, Sociologue des
mdias, Universit Sorbonne Nouvelle, France nDidier FUSILLIER,
Directeur de Lille 3000 et de la Maison de la Culture de Crteil,
France nAntoine GOSSET-GRAINVILLE, Directeur gnral adjoint, Caisse
des Dpts et Consignation, France nJrme GOUADAIN, Secrtaire gnral de
lassociation Diversum, France nXavier GREFFE, Professeur de
Sciences conomiques et Directeur du Mastre Produits Culturels,
Universit de Paris I Panthon-Sorbonne, France nNizan GUANAES,
Prsident, Group ABC, Brsil nFlorence et Daniel GUERLAIN, Fondateurs
de la Fondation Guerlain, France nScott HUTCHESON, Conseiller auprs
du Maire pour lEconomie culturelle, Nouvelle-Orlans, Etats-Unis
nSteve INCH, ancien Directeur Excutif pour le dveloppement de la
ville de Glasgow, Royaume-Uni nJos Ramn INSA ALBA, co-prsident du
rseau INTERLOCAL: rseau sud-amricain des villes pour la culture,
Saragosse, Espagne nThierry JEAN, Prsident de Metz Mtropole
Dveloppement, Adjoint au Maire, Metz, France nMichael KOH, PDG,
National Heritage Board, Singapour nAmit KHANNA, PDG, Reliance
Entertainment, Inde nReihnard KRAEMER, Directeur adjoint du
dpartement de la Culture, Gouvernement du Land de Nord-Rhnanie de
Westphalie, Allemagne nAlexandra LAFERRIERE, Directrice des
Relations institutionnelles, Google, France nBernard LANDRY, ancien
Premier ministre du Qubec, Canada nComte Jean-Pierre de LAUNOIT,
Prsident, Concours Reine Elisabeth, Belgique nLaurent LEBON,
Secrtaire gnral du Centre Pompidou-Metz, France nJacques LEGENDRE,
Snateur et Prsident, Commission de la culture, de lducation et de
la communication, France nJean-Bernard LEVY, Prsident du
Directoire, Vivendi, France nMichel MAIGRET, Chef de la Mission
Renaissance, Communaut urbaine du Grand Nancy, France nEmmanuel
MARTINEZ, Secrtaire gnral du Centre PompidouMetz, France nBndicte
MENANTEAU, Dlgue gnrale, Admical, France nPhilippe METTENS,
Prsident du Comit de Direction de la Politique Scientifique et
Culturelle Fdrale de Belgique (BELSPO), Belgique nBaudouin
MICHIELS, Prsident et Administrateur dlgu de la Fondation, Belgacom
Art Foundation asbl, Belgique nMarc MOSSE, Directeur des Affaires
Publiques et Juridiques, Microsoft, France nMichel OUEDRAOGO, Dlgu
gnral, Festival Panafricain du cinma (FESPACO), Burkina Faso
nRobert PALMER, Chef de la Division Culture, Conseil de lEurope
nMarie-Pierre PEILLON, Directrice de lAnalyse financire et
extra-financire, Groupama Asset Management, France nPhilippe
PEYRAT, Directeur du mcnat, GDF-Suez, France nJean-Paul PHILIPPOT,
Administrateur gnral RTBF, Belgique nLydie POLFER, Echevin de la
Culture, Luxembourg, Luxembourg nAline PUJO, Conservatrice de la
Fondation de la Banque Neuflize OBC, France nJacek PURCHLA,
Directeur, International Cultural Centre, Cracovie, Pologne
nPhilippe REYNAERT, Journaliste et Directeur de Wallimage, Belgique
nJean-Michel ROSENFELD, Conseiller de Pierre MAUROY (ancien Maire
de Lille), France nOliver SCHEYTT, Directeur gnral, Ruhr 2010,
Allemagne nAmit SOOD, Chef de projet Google Art, Google, Etats-Unis
nAlain STEINHOFF, Prsident, Fdration des commerants de Metz, France
nKjetil THORSEN, Architecte, Norvge nBarthlmy TOGUO, Artiste
plasticien, Cameroun nDavid THROSBY, Professeur, University
Macquarie, Australie nXavier TROUSSARD, Chef dunit, Unit Politique
culturelle, Diversit et dialogue interculturel , Direction Gnrale
Education & Culture, Commission europenne nAndroulla VASSILIOU,
Commissaire europenne pour lEducation, la Culture, le
Multilinguisme, le Sport, les Mdias et la Jeunesse, Commission
europenne nPhilippe VAYSSETTES, Prsident du Directoire, Banque
Neuflize OBC, France nProf. Peter VERMEULEN, Chef du Dpartement
Culture, Mlheim, Allemagne nAline VIDAL, Galeriste dart
contemporain Paris, France nChristian WULFING, E.ON Ruhrgas AG,
Allemagne nPatrick ZELNIK, PDG, Label Nave, France Et les personnes
suivantes qui ont uvr la ralisation de cette tude: nLe Conseil
dAdministration et le Conseil dOrientation du Forum dAvignon et en
particulier Axel GANZ, Vice-Prsident duForum dAvignon nLquipe du
ForumdAvignon : Rebecca AMSELLEM, charge de mission, Alexandre
JOUX, directeur au Forum dAvignon, Laure KALTENBACH, Directeur
gnral du Forum dAvignon nClaudia AMBRUOSI, Dveloppement durable,
Vivendi, France nLaurent BENZONI, professeur lUniversit Paris 2
PanthonAssas, France, nIrne BRAAM, Vice President Government
Relations, Bertelsmann Brussels Liaison Office, Bertelsmann,
Belgique nAnne FLAMANT, directeur, Banque Neuflize-OBC, France
nCarolina LORENZON, Directrice des Affaires internationales,
Mediaset, Italie nEmmanuel MAHE, Responsable projets digital et
culturel, Orange - France Tlcom, France nStphane MATHELIN-MOREAU,
directeur de la Banque Neuflize-OBCEntreprises, France nMarie
SELLIER, Responsable Affaires Publiques Corporate & Proprit
Intellectuelle, Vivendi, France nPascale THUMERELLE, Directrice du
Dveloppement durable, Vivendi, France Et les consultants Kurt
Salmon ayant particip aux entretiens et la rdaction de ltude:
nMonica BOSI, Arnaud BRETON, Anne MAGNUS, Alexandre MOENS.
3. Avant-propos Crise financire, socitale, rigueur budgtaire
partout dans le monde rarement un environnement aura t aussi
fortement tendu, impactant lensemble des activits conomiques. Et
pourtant, dans ce contexte morose, la consommation culturelle
augmente, loffre culturelle disponible grce Internet explose Comme
si la culture pouvait devenir un lment de rponse aux interrogations
et attentes des citoyens ou des consommateurs, plus encore dans ce
contexte de crise. Mais ce climat oblige les investisseurs
culturels se poser, de plus en plus, de nouvelles questions: Jeff
Wall, Children, 1988, of the artist. n Dans quel projet investir? n
Quels sont les critres qualitatifs et quantitatifs dvaluation dun
investissement dans la culture? n Comment valoriser les projets
immatriels? n En quoi ces investissements sont-ils porteurs pour
lavenir? Le tout, dans un contexte o, mme si linvestissement
sinscrit dans le long terme, les cycles dinnovation et de dcisions
se raccourcissent sans cesse, et o de nouveaux modles daffaires et
de nouvelles offres culturelles apparaissent, notamment grce aux
nouvelles technologies. Cest condition de relever ces dfis que les
investisseurs ou entrepreneurs culturels, quils soient dans la
sphre publique ou prive, pourront bnficier de cette priode
charnire: celle o la culture change de statut, et est amene tre
considre comme un investissement rentable ou gnrateur de retombes
positives tant pour lentreprise que pour lconomie et lensemble de
la socit. En 2009 et 2010, nous avions tudi les liens entre culture
et attractivit des territoires. Pour cette dition 2011, nous avons
choisi dinvestiguer les modles de dcision lis linvestissement dans
un projet culturel. Notre objectif: dfinir un cadre de rfrence
utile aux dcideurs, montrer les diffrents indicateurs - conomiques
et qualitatifs - prendre en compte, et comment les utiliser. Notre
ambition ici nest pas dtablir une matrice dcisionnelle stricto
sensu. Il sagit plus de tracer un cadre gnral daide la dcision,
chaque situation restant au final unique puisque lie une structure,
un territoire, un contexte et la nature mme du projet. Pour la
ralisation de cette tude internationale, nous nous sommes appuys
sur les interviews de prs de soixante dcideurs publics et privs, de
porteurs de projet, dartistes et de crateurs, mais aussi dexperts,
mobiliss autour dun investissement de nature culturelle
(infrastructure, vnements, industries) et confronts un moment ou un
autre cette prise de dcision. Bonne lecture. Vincent FOSTY, Marco
LOPINTO, Marie-Jolle THENOZ, Jean-Pascal VENDEVILLE Crdits photos :
Fotolia - p. 1: Dora Percherancier - p. 4-6: Virtua73 - p. 4-16:
Minerva Studio - p. 5-22: Denis Babenko - p. 5-30: Jose Alves - p.
5-36: gemini62 - p. 8 : Mike Thomas - p. 11: HaywireMedia - p. 13:
AlcelVision - p. 14a: Andy - p. 14b: Julien Tromeur - p. 15:
PinkShot - p. 18: Sashkin - p. 20a: Giordano Aita - p. 20b: Beboy -
p. 25: Surub - p. 27: Barbara Helgason - p. 29: Artcop - p. 32:
i3alda - p. 33: Jeancliclac - p. 34: Lvnel - p. 35: N-MediaImages -
p. 45: Sgursozlu - p. 47: Pei Ling Hoo. 3
4. Sommaire 6 Toujours plus de culture! Vivante et ancre dans
son poque, la culture accueille sans cesse de nouvelles
disciplines. Cette ouverture est indispensable au maintien du
contact avec les publics. 7 Tout devient culture 8 Un impact
conomique majeur 10 ouveaux investisseurs et nouveaux projets N 12
Industrialisation, professionnalisation: les exigences de la
culture moderne 14 Comment la technologie a tout chang, y compris
dans la culture classique 16 Investir dans la culture : un
investissement comme les autres? Comment se prend la dcision dun
investissement culturel? Pour bon nombre des acteurs interrogs, le
processus de dcision dbute comme pour nimporte quel autre type
dinvestissement. 17 part de risque, durabilit de linvestissement:
ROI, quand les rgles classiques de la finance sappliquent aussi, en
partie, aux projets culturels 18Les nouveaux mcnes de la culture ou
comment trouver des financements indits 19 Imprimer sa marque:
comment entreprises ou collectivits cherchent sduire leurs publics
grce la culture 21Les salaris plus motivs grce la culture?
Lexprience de grands groupes privs 4
5. Comment investit-on dans la culture? De lintuition la prise
de dcision: cycle et cadre de rfrence des projets de nature
culturelle Les projets culturels voient le jour dans une tension
bnfique entre passion et rationalit, objectifs socitaux et
conomiques, cration et gestion. 22 rtiste/gestionnaire: le dialogue
permanent A et obligatoire 22 24 uand le secteur public se soucie
de rentabilit, que le priv sattache Q au non-conomique les lignes
bougent 25 lheure des valuations: comment mesurer limpact
non-conomique? A 27 e la crativit dans les modles de financement D
28Limpratif commun: une gouvernance exemplaire 30 Annexes 36 Axes
de rflexion et objectifs de ltude 2011 37 D finitions et primtre de
ltude 2011 39 thodologie retenue M pour ltude 2011 40 Etudes de
cas: des exemples suivre? 40 Le Centre Pompidou-Metz: un exemple
dinvestissement dans la cration dun quipement culturel Entreprendre
et investir dans la culture: et demain? La crise financire npargne
pas la culture : mcnes et donateurs rduisent leurs apports, tout
comme de nombreux pays engags dans des politiques dassainissement
de leurs finances publiques. Notre conviction : cest le moment
dinvestir. 42Le Festival dAix-en-Provence: un exemple
dinvestissement dans un vnement culturel 44 rojet de numrisation de
la P bibliothque royale de Belgique: un exemple dinvestissement
dans la production de contenus numriques 46 UTCH Design Fashion D
Architecture: un exemple dinvestissement dans la mise en place des
conditions dinstallation des industries culturelles et cratives aux
Pays-Bas 5 36
6. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision Toujours plus de culture! Vivante et ancre dans son poque,
la culture accueille sans cesse de nouvelles disciplines: derniers
entrants en date dans ce champ culturel, les jeux vido ou la
gastronomie. Tous nos experts soulignent limportance de cette
ouverture, indispensable pour garder le contact avec les publics.
Cette culture au sens large dmontre, en outre, son intrt conomique,
direct et indirect : si tant de nouveaux projets se dveloppent,
cest parce que les investisseurs, publics comme privs, savent quun
projet culturel bien men peut non seulement dgager des bnfices,
mais permet galement de dvelopper lensemble dun systme conomique et
dun territoire. Dans ce contexte porteur de valeurs positives, la
culture voit apparatre de nouveaux investisseurs, tourns vers de
nouveaux types de projets ; en particulier, les actions visant
attirer les industries cratives sur un territoire se multiplient.
Des partenariats public-priv se crent, pour des projets dune
ampleur indite. Dans le mme temps, travailler dans le domaine
culturel est de facto une affaire de professionnels : la ncessaire
sensibilit artistique sajoutent des capacits de gestion et de
management qui savrent indispensables Autres nouvelles comptences
requises par cette volution : toutes celles qui touchent au
numrique. Bon nombre dacteurs de la scne culturelle ont plac le
numrique au cur de leur stratgie de dveloppement, et obtiennent dj
des rsultats remarquables. Mme si, bien sr, le talent est toujours
lingrdient le plus essentiel
7. l out devient culture T Quest-ce que la culture? La rponse
cette question nest pas la mme aujourdhui quau sicle dernier, et
voluera encore sans doute en profondeur lavenir. Sans renier
limportance des disciplines classiques (peinture, musique,
littrature, thtre), tous les experts notent que de nouvelles
disciplines se voient rgulirement attribuer le label culture . Un
exemple rcent ? Le secteur du jeu vido, qui dindustrie du
divertissement a progressivement acquis le statut dindustrie
culturelle, partir de la moiti des annes 2000. La conscration est
venue en 2009, lorsque lUnesco a inscrit cette activit dans le
primtre de ses statistiques culturelles. Ainsi, en Allemagne, Bernd
FESEL, Directeur dlgu de lAgence rgionale de soutien aux industries
cratives (ECCE1), sappuie sur une tude de 2009 mene par le
gouvernement fdral allemand pour dlimiter le primtre dintervention
de sa structure. Cette tude dfinit aujourdhui 11 branches dans
lconomie crative : disques, livres, arts, films, radio, spectacle
vivant, design, architecture, presse, publicit et jeux vido/
multimdia. Pour lui, cette liste pourrait encore sallonger:
notamment, parce quelle nintgre pas la gastronomie, alors que pour
bon nombre dacteurs, elle appartient dj au secteur culturel. En
effet, depuis novembre 2010, le repas gastronomique franais et le
rgime mditerranen figurent sur la liste reprsentative du patrimoine
culturel immatriel de lHumanit de lUnesco: preuve sil en tait
besoin que la notion mme de champ culturel na pas fini dvoluer.
Cest cette capacit intgrer la nouveaut qui rend la culture vivante
et assure sa prennit. La frise chronologique ci- dessous illustre
comment ce champ culturel a su souvrir en permanence de nouvelles
activits. Cet largissement est vcu au quotidien par les acteurs que
nous avons interviews. 1- European Centre for Creative Economy.
Llargissement du champ culturel par lintgration des industries
culturelles et cratives l Stylisme l Jeux vido l Cinma l
Gastronomie l adio, TV et vido R l Photographie l Publicit l Design
et graphisme Arts visuels (peinture, sculpture) - Artisanat dart -
Arts du spectacle Architecture - Patrimoine - Edition et livres
XIXe sicle 1959 Cration du ministre de la Culture en France 1986
Premire nomenclature statistique Unesco 2007 Premires statistiques
culturelles Eurostat 7 2009 Rvision du cadre statistique Unesco fin
2011 Approfondissement des statistiques culturelles de lUE27
ESSnet/Eurostat
8. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision l Un impact conomique majeur Economiquement, le poids de la
culture samplifie partout dans le monde. de la population active
soit 11,32 millions demplois et contribue au PIB hauteur de 2,45%,
soit un chiffre daffaires de 47,6milliards deuros. Au sein de
lUnion europenne, le secteur culturel employait, en 2005, 3,1 % de
la population active totale de lUnion. Soit environ 7,2 millions de
personnes, cest-dire plus que les populations actives runies de
lAutriche et du Danemark ! Et le mouvement va en samplifiant: alors
que lemploi total diminuait dans lUnion europenne entre 2002 et
2004, lemploi dans le secteur augmentait de 1,85 % durant la mme
priode. Ces chiffres, logiquement, inspirent les dcideurs du
secteur public et du secteur priv: pour bon nombre de ceux que nous
avons interviews, investir dans la culture constitue un moyen
efficace datteindre des objectifs de dveloppement ou de relance
conomique. Car il ne sagit pas seulement de crer des emplois
directs : la culture engendre aussi des effets de levier
considrables. La production du secteur prend aussi de lampleur: il
reprsentait, en 2005 toujours, 2,6 % du PIB de lUnion europenne,
soit plus de 654milliards deuros. Cest plus que lindustrie des
produits chimiques, du caoutchouc et du plastique (2,3% du PIB).
Cest ce que souligne par exemple lanalyse conomtrique mene cette
anne pour le Forum dAvignon, par le cabinet Tera Consultants partir
de la base de donnes constitue en 2009 et 2010 par Kurt Salmon pour
un panel international de 47 villes de 21 pays. Cette analyse
montre que si les dpenses culturelles publiques des villes ne
reprsentent en moyenne que 0,7 % du PIB par habitant, pourtant ces
seules dpenses sont statistiquement corrles environ 9% du PIB par
habitant, cette corrlation ne signifiant pas, bien videmment, quil
sagit dun strict lien de cause effet, de multiples autres facteurs
tant prendre en compte pour expliquer la performance de
linvestissement culturel. Reste que lanalyse conomtrique rvle sans
aucun doute leffet de levier de linvestissement culturel sur la
hausse du PIB. Pour une ville, investir dans la culture ne sert
donc pas uniquement amliorer le bien-tre de ses habitants, ou
dvelopper la vie sociale : cest aussi un moyen de dynamiser son
conomie. Et ce phnomne se ressent encore davantage dans le reste du
monde ; aux EtatsUnis, les industries culturelles occupaient 8,41 %
des actifs en 2002, et produisaient la mme anne 12% du PIB soit
1,25trillions de dollars. Tandis quau Canada, elles contribuaient
3,8 % du PIB en gnrant 40millions de dollars de chiffre daffaires
en 2002, soit davantage que le secteur minier, du gaz et du ptrole
ou encore celui de lagriculture et de la fort. En Chine enfin, le
secteur culturel occupe, en 2006, 1,48% Lexemple bien connu de
Bilbao, avec son Muse Guggenheim, illustre bien cet effet de
levier. En effet, les 132 millions deuros investis dans le projet
ont t entirement amortis ds la premire anne, puisque les dpenses
directes ralises par les visiteurs ont permis daugmenter le PIB de
la ville de 144 millions deuros. 10ans aprs, leffet de levier
samplifie. Cest dsormais 210 millions deuros que le Muse Guggenheim
apporte chaque anne la ville. 8
9. Ce cas nest pas isol. La ville de Metz est en train de
connatre la mme dynamique suite louverture du Centre Pompidou-Metz.
Les cots dinvestissement (achat du terrain, construction) se sont
chiffrs 70 millions deuros, co-financs par des acteurs publics (10
millions par le Dpartement, 10 par la Rgion, 4 par lEtat, 2 par
lEurope et le reste par Metz Mtropole), tandis que le budget de
fonctionnement de lanne 2009 sest mont 12 millions (9 financs par
des subventions et 3 par des recettes propres). Un an aprs
louverture, les premires retombes du Centre Pompidou-Metz sont:
Pilier tulipe Centre Pompidou-Metz. n le dveloppement du tourisme
qui se traduit par une progression importante des nuites et de
lhtellerie; (restauration, htellerie, parking), et ont, ds
lorigine, pens ces projets comme des leviers de dveloppement,
intgrs une stratgie conomique plus globale. n les commerants de
Metz estiment par ailleurs que 35 40 % des visiteurs du muse sont
venus ensuite visiter la ville au profit donc des commerces mais
surtout des restaurateurs; Mais les effets positifs de ces
investissements culturels dpassent largement la sphre conomique ;
ils deviennent aussi, frquemment, de vrais catalyseurs de crativit.
Ce qui influe sur lensemble de la socit, tous secteurs confondus. n
lacclration de lamnagement urbain avec notamment la rhabilitation
du quartier de lAmphithtre qui comptera 1 600 logements et 40
commerces pour des investissements privs dun montant de 460
millions deuros et publics de 160millions; La crativit est
indispensable la promotion de linnovation au sein du secteur
conomique, relve David THROSBY, Professeur dEconomie lUniversit
Macquarie (Australie). Les ides cratives sont un ingrdient
essentiel de linnovation, quelle sapplique un produit ou un
processus. Ces innovations conduisent un changement technologique,
qui, son tour, alimente la croissance conomique. Il existe un lien
indniable entre la crativit et la performance conomique des
entreprises, et des conomies en gnral. A un niveau plus
institutionnel, la stratgie de la Commission europenne pour la
priode 2010-2020, intitule Europe 2020: une stratgie pour une
croissance intelligente, durable et inclusive dveloppe cette mme
ide et se donne pour objectif de promouvoir la culture comme levier
de linnovation, sur le plan technologique, societal et
organisationnel. n le changement dimage de la ville, plus difficile
valuer court terme, mais nanmoins ressenti par les habitants et les
acteurs conomiques de la ville et qui se traduit dores et dj par
une augmentation de la demande de locaux professionnels et de
permis de construire. Leffet Bilbao na donc rien dune exception. Il
prsente mme bon nombre de similitudes avec Metz : dans les deux
cas, on parle de villes de taille moyenne, qui ne possdaient
jusqualors aucune institution culturelle de renom. Toutes deux,
pour accompagner ces projets culturels, ont dvelopp des
infrastructures annexes 9
10. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision l ouveaux investisseurs et nouveaux projets N contact entre
la riche culture traditionnelle de la rgion et lart contemporain,
conserver sur le territoire africain cette culture et permettre sa
rencontre avec des artistes venus du monde entier. Mais il sagit
avant tout dun lieu de vie, dexpression et dchange, visant
accueillir la population locale dans un cadre culturel. Les
entretiens mens nous ont permis didentifier plusieurs natures
dinvestissement: Quatre natures dinvestissement culturel Les
investissements dans les quipements culturels et le patrimoine bti
Les investissements dans les vnements culturels, le soutien la
cration et aux collections Les investissements dans la mise en
place de conditions dattractivit et dinstallation des acteurs des
industries culturelles Les investissements dans les industries
culturelles et la production de contenus A une autre chelle, ce
type dinvestissement dans les vnements culturels attire de plus en
plus les initiatives. Didier FUSILLIER, Directeur en charge du
projet de Lille Capitale Europenne de la Culture en 2004, remarque
ainsi que cet vnement attirait assez peu de candidats avant les
annes 2000. Aujourdhui, au contraire, lengouement est tel que les
villes sont de plus en plus nombreuses faire acte de candidature
pour organiser cet vnement. Les investissements dans les quipements
culturels et le bti Les investissements dans les industries
culturelles et la production de contenus Il sagit ici de prserver
et de mettre en valeur le patrimoine et les quipements culturels
existants (muses, monuments) mais aussi construire de nouveaux
lieux. Le secteur public garde un rle important dans ce domaine,
mais le priv sempare lui aussi de ces sujets. Ainsi, Culturespaces,
filiale de GDF-Suez, anime et gre les monuments et muses qui lui
sont confis via des dlgations de service public, en France et en
Europe. La socit a dcid fin 2010 de se diversifier et de se lancer,
pour la premire fois dans lacquisition dun patrimoine class, en
rachetant lHtel de Caumont, conservatoire actuel dAix-en-Provence.
Lobjectif est de transformer le lieu en un espace dexpositions
temporaires ds 2014, ce qui satisfait aussi aux exigences de la
ville puisque le lieu restera ouvert au public, et enrichira loffre
culturelle. Les industries culturelles et cratives connaissent un
foisonnement important ces 20 dernires annes et investissent
principalement les filires production de contenus via les
technologies et le numrique. Le secteur du disque est ainsi une
activit emblmatique de cette production, dans lequel se ctoient des
socits de grande envergure internationale des producteurs De plus
en plus dartistes ou de porteurs de projet se lancent dans la
cration dentreprises individuelles. Ainsi, Barthlmy TOGUO, artiste
plasticien, a choisi de crer une Maison des Artistes Bandjoun
Station, lOuest du Cameroun. Son ide: tablir le Forum dAvignon Les
investissements dans les vnements culturels, le soutien la cration
et aux collections 10
11. Les investissements dans la mise en place de conditions
dattractivit et dinstallation des acteurs des industries
culturelles de taille plus modeste. Ces derniers cherchent se
dmarquer par la production dun contenu moins commercial mais misant
davantage sur la diversit culturelle des artistes. Ce type
dinvestissement connat une approche nouvelle. Des structures,
publiques, prives ou mixtes, se crent, afin dapporter aux acteurs
des industries culturelles laccompagnement, le soutien, voire des
espaces et infrastructures adapts leur dveloppement. Cest lambition
par exemple de lAgence rgionale de soutien aux industries cratives
(ECCE), en Allemagne, suite au projet Ruhr, capitale europenne de
la culture en 2010. Cest la mission que sest donn le label No
Format! , explique Laurent BIZOT, son Directeur et fondateur. Cre
en 2004, cette maison de production se positionne en dcouvreur de
talents et pilier de la diversit musicale. A lorigine du projet, le
choix dun refus du conformisme dans lindustrie du disque. No
Format! donne ainsi une place aux artistes proposant des uvres
atypiques, mtisses, ne sinscrivant pas dans les formats des grandes
socits de production. Depuis 2004, 18 albums ont t produits avec 15
artistes diffrents. Lenjeu pour ce type de structure est dassurer
une viabilit conomique. Cest pourquoi No Format! a mis sur un modle
minimisant les frais de production. En complment, elle propose
galement des prestations de conseil en matire juridique des
producteurs et artistes (ce qui reprsente 30% de son chiffre
daffaires). Pour soutenir ainsi les industries culturelles et
cratives de la rgion, lagence a articul ses activits autour de
quatre grandes orientations: n le dveloppement des lieux de cration
existants et la cration de nouveaux espaces; n lintensification et
la structuration des changes entre les acteurs, leur mise en rseau;
11
12. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision et financ essentiellement par des subventions publiques,
affiche le mme type dambition : renforcer la position
internationale de trois secteurs dactivit (design, mode,
architecture) grce des partenariats avec les acteurs nationaux
(organisations, associations professionnelles, entreprises) et
internationaux. Parmi la multitude de projets initis, louverture en
septembre 2010 dun incubateur dentreprises, le DUTCH Design
Workspace Shangha, est lun des plus significatifs. Le but: aider
les entrepreneurs hollandais issus de lune de ces trois disciplines
sinstaller en Chine ou y tendre leurs activits. Au programme,
valuation de business plan, conseil pour linstallation dune
entreprise, information lgale et administrative, introduction dans
des rseaux de haut niveau n lorganisation dvnements annuels
rsonance internationale; n le dveloppement dune forte commu
nication. Avant de soutenir ou de financer un projet, ECCE attend
des entrepreneurs llaboration dune stratgie rgionale moyen terme
pour leur secteur, dans laquelle le projet doit constituer la
pierre angulaire. Le rle dECCE est danimer et de faciliter le
processus de construction de la stratgie avec lensemble des parties
prenantes du projet et par la suite de son excution, mais non de
mener les projets directement. De son ct, aux Pays-Bas, le
programme interministriel, DUTCH Design Fashion Architecture (DUTCH
DFA), cr en 2009 l ndustrialisation, professionnalisation: les
exigences I de la culture moderne Au final, le degr
dindustrialisation varie fortement selon les filires: n certaines
restent encore relativement peu structures ou avec une multitude
dacteurs en prsence (ex. : spectacle vivant); n dautres en revanche
se concentrent autour de conglomrats industriels (ex.: les majors
de lindustrie cinmatographique). Le secteur de la culture reste trs
atomis, les petites et moyennes entreprises y sont surreprsentes. A
noter, une forte dynamique entrepreneuriale avec un nombre
important de PME se lanant en mode start up . Lentrepreneuriat
culturel cherche innover aussi bien en termes de cration de
produits ou duvres, quen termes de processus de cration. Taille des
entreprises des industries culturelles et cratives (ICC) par filire
% 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Pu Nombre de salaris 250 et plus
50 249 10 49 49 bl i cit ec hit rc A t e ur Ed i n tio De n sig e
od M id /V ilm F o e qu si Mu ts Ar e ts c pe ta cle o/ di Ra TV Lo
g el ici ts Ar 13 els u vis Source: tude La dimension
entrepreneuriale des industries culturelles et cratives en Europe
(2010), Ecole des Arts dUtrecht pour la Commission europenne
12
13. Pour russir son volution, le secteur a besoin de recruter
de nouveaux talents, aux profils polyvalents. Au-del des comptences
artistiques traditionnellement attendues, de nouvelles exigences
apparaissent: Lorsquelles se concentrent, les industries
culturelles et cratives mettent en uvre une dynamique industrielle
de plus en plus structure. On voit par exemple merger des
concentrations gographiques et/ou des ples dexcellence sous forme
de clusters. Le but: atteindre une taille critique en termes de
moyens, mais aussi crer des synergies en matire de comptences et
savoir-faire, notamment, en matire de capitalisation sur des
marques ou la cration de produits drivs. Cest ainsi que sest
constitu titre dexemple le cluster Imaginove en RhneAlpes (France),
autour du cinma, de laudiovisuel, des jeux vido et de lanimation,
du multimdia. Il fdre aujourdhui plus de 200 entreprises
rhne-alpines autour dun objectif commun: dvelopper les synergies
entre ces filires en favorisant lanticipation et en stimulant
linnovation des professionnels. n plus le secteur sindustrialise et
attire des entrepreneurs, plus il a besoin de comptences
conomiques. Dabord pour mener bien les projets, en termes de
gestion, commerce, marketing, management Mais aussi pour grer les
partenariats, financiers notamment, lis aux projets culturels : ce
qui suppose de matriser les mcanismes de financement (banques et
institutions financires, mcnat et donations); n de leur ct, les
avances technologiques continues ncessitent de recruter et de
former en permanence des spcialistes techniques, en matire numrique
notamment. Ce dernier domaine de comptences devient crucial pour
bon nombre de projets. Autre volution majeure: n la
professionnalisation des acteurs de la culture. Avec, pour
corollaire, lapparition de nouveaux mtiers et de nouvelles filires
de formation. l omment la technologie a tout chang, y compris C
dans la culture classique Le numrique investit lensemble de la
culture, au fur et mesure des progrs technologiques, notamment
travers deux objectifs: Le Chteau de Versailles a galement investi
dans les rseaux sociaux et la blogosphre pour toucher un public
plus jeune et conduit une politique offensive de valorisation de
ses actifs immatriels, notamment la marque Chteau de Versailles
grce de multiples partenariats. Le numrique, moyen de valoriser le
patrimoine Le Chteau de Versailles : un exemple de valorisation du
patrimoine et de dveloppement de marque grce au numrique.
Ltablissement a fait des nouvelles technologies un axe majeur de sa
stratgie de dveloppement. Outre un site Internet qui attire quelque
cinq millions de visiteurs virtuels par an, le Chteau de Versailles
se prsente comme un vritable laboratoire dinnovation:
golocalisation, visite virtuelle et ralit augmente avec Versailles
en direct , ralis avec Orange, reconnaissance dimages, vidos 3D de
nouvelles ides sont sans cesse exprimentes. 13
14. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision Lobjectif initial du projet du Grand Versailles numrique,
lanc en 2005, tait trs pragmatique: tester puis dployer des
applications numriques utiles la visite et la diffusion des
connaissances, dans un enjeu global damlioration de laccueil du
public. Mais aujourdhui, avec le renforcement du numrique en tant
quaxe majeur de son dveloppement, le Chteau se positionne en
vritable laboratoire de lutilisation des nouvelles technologies. En
outre, le Chteau de Versailles est le premier muse franais avoir
rejoint le Google Art project , un rseau de 17 muses dans le monde
qui propose une visite virtuelle de salles dexpositions, avec accs
aux uvres en trs haute dfinition et dont la phase deux devrait tre
lance au printemps 2012. Ce projet a t, pour le muse, une source de
visibilit importante grce aux retombes dans les mdias. Pas moins
dun million de visiteurs, le premier mois, ont ainsi visit le
Chteau de Versailles virtuellement. modle incontournable
dindustrialisation du cinma. Nanmoins, face au dveloppement de
nouveaux schmas de production (en particulier avec le cinma
indpendant), la baisse de la frquentation dans les salles et
lmergence de nouveaux modes de consommation (tels que DVD, VOD,
tlchargement sur Internet), cette filire doit se rinventer pour
rpondre ces enjeux et assurer son avenir. Enfin, le muse a
fortement investi dans la mobilit, aspect essentiel des nouveaux
usages. Le site mobile du Chteau de Versailles accueille lui seul
prs de 15% de la frquentation globale des outils en ligne. Pour ce
faire, Hollywood mise dsormais sur les technologies numriques, avec
le dveloppement de la 3D, afin de faire face au piratage et
proposer des contenus culturels enrichis et de nouvelles expriences
visuelles aux spectateurs. Lapplication Orange daide la visite des
jardins propose au visiteur un outil de golocalisation, qui
sapplique galement aux contenus. A la pointe de linnovation, elle
se fonde sur la technologie de ralit augmente, avec la mise en
valeur despaces cachs. Ainsi, partir de ces jardins prsentant un
dfi en termes de mdiation, le muse et Orange ont conu ensemble un
outil interactif, allant jusqu offrir au visiteur des contenus
exclusifs tels que des interviews vidos des conservateurs,
architectes, fontainiers et jardiniers. La nouvelle technologie en
trois dimensions bouleverse ainsi les donnes de la filire
cinmatographique: n les entres pour les films en 3D proposs en
Amrique du Nord ont permis elles seules de gnrer 11 % de la
croissance ces dernires annes; n le nombre de salles projection
numrique dans le monde a augment de 86% sur la seule anne 2009 (16
000 salles quipes en 2010). Le numrique, outil de dveloppement de
produits et services culturels En parallle, on assiste galement un
dcloisonnement entre les filires du cinma et des jeux vido vers un
ple dexcellence largi visant profiter des technologies et des
comptences rciproques. Pour Hollywood, une alliance plus forte avec
les jeux vido est source dinnovation Los Angeles: une rorganisation
de la filire cinma misant sur les technologies numriques comme
levier de stratgie culturelle. Lindustrie cinmatographique
amricaine est un exemple emblmatique dindustrie culturelle et
crative, qui a dvelopp un 14
15. n daccompagner les nouveaux usages (mobilit, accs
linformation, dveloppement du web 2.0, 3.0, golocalisation,
services valeur ajoute); technologique, notamment dans les arts
graphiques. Tandis que les jeux vido profitent du style visuel
dvelopp par le cinma. De nouvelles stratgies commerciales et
marketing sont ainsi dveloppes afin dacclrer le transfert dun film
populaire en jeu vido ou inversement produire un film partir du
scnario dun jeu, lobjectif tant de pouvoir proposer une gamme de
produits plus qualitative et complte un public de masse fidlis.
Exemple de mise en uvre de cette stratgie: ladaptation de Harry
Potter en jeu vido par Electronic Arts, qui a enregistr plus de 9
millions de copies du jeu vendues en 5 mois. n de prenniser les
effets dune initiative culturelle (faire vivre un vnement au-del de
lvnement lui-mme par de la captation vido, permettre aux
internautes de sexprimer son propos); n de faire voluer les
pratiques professionnelles (par exemple, la restauration des uvres
dart Florence utilise dsormais le laser); n de crer de nouveaux
biens culturels (introduction de la 3D au cinma, dans les jeux
vido, arts visuels). Si, plus globalement, le numrique permet de
renouveler les pratiques culturelles et les manires de concevoir de
nouvelles uvres, et en particulier: Il nen demeure pas moins que le
talent des artistes et des crateurs reste toujours lorigine des
innovations culturelles. 15
16. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision I nvestir dans la culture : un investissement comme les
autres ? Comment se prend la dcision dun investissement culturel ?
Pour bon nombre des acteurs interrogs, le processus de dcision
dbute comme pour nimporte quel autre type dinvestissement ; tudes
pralables, ralisation de business plan, objectifs chiffrs,
valuation du risque, mise en place de systmes de pilotage et de
suivi On passe ainsi dune logique de moyens investir dans la
Culture par passion et intuition plus que par stratgie une logique
dobjectifs atteindre. Cette premire tape savre indispensable afin
de convaincre les investisseurs et de pouvoir ensuite rendre
concret le projet. Cest grce cette approche que les porteurs de
projets parviennent trouver, de plus en plus, de nouveaux
partenaires. Car, mme si lEtat ou les grandes entreprises,
conservent un rle de mcnes culturels prpondrant, leur apport tend
diminuer, ce qui contraint les porteurs de projets diversifier
leurs sources de revenus. De leur ct, les entreprises prives
cherchent de plus en plus estimer limpact indirect de leurs
investissements culturels, que ce soit sur leurs clients, sur leurs
partenaires, sur leurs actionnaires ou sur leurs salaris et cadres
dirigeants. Public comme priv voluent donc dans leur mode de
dcision, chacun intgrant des lments nouveaux dans leur rflexion.
16
17. lR OI, part de risque, durabilit de linvestissement: quand
les rgles classiques de la finance sappliquent aussi, en partie,
aux projets culturels n la crdibilit du producteur et de son quipe
; Rflchir dabord en termes conomiques, trouver des arguments
chiffrs : tel est aujourdhui, dans le public comme dans le priv, le
mode de dcision dominant en matire dinvestissement culturel. Cest
la dmarche qua suivi, par exemple, la ville de Glasgow. Au cours
des annes 80, cette cit a subi de plein fouet le dclin de ses
industries traditionnelles (acier, textile), et le chmage de masse
qui sen est ensuivi. Nous nous sommes alors lancs dans lanalyse des
opportunits de dveloppement qui pouvaient exister afin de
redynamiser lconomie , explique Steve INCH, ancien Directeur
Excutif pour le dveloppement de la ville de Glasgow. Les tudes
pralables menes lpoque ont montr que la ville avait un intrt
dvelopper, entre autres, la culture sur son territoire. Un
programme de dveloppement a t tabli, dotant la ville dobjectifs
mesurables (le plus souvent dordre conomique) et une feuille de
route fixant les rsultats atteindre . Cest grce cette mthode
objective que les dcideurs ont pu tre convaincus de lancer ces
investissements, et que les projets ont pu tre efficacement pilots
et suivis dans le temps. n les crdits budgtaires disponibles. Une
gouvernance structure a galement t mise en place afin danalyser les
candidatures et de choisir les projets financer, en cohrence avec
les objectifs du Fonds. Les candidats viennent dfendre leur projet
devant un comit qui lui-mme rapporte au conseil dadministration.
Enfin, chaque projet est not, sur la base des critres de slection
lists ci-dessus, afin daboutir un choix rationnel. Cette approche a
galement t poursuivie en Belgique par Wallimage, fonds public,
agissant par dlgation de service public pour structurer lindustrie
de laudiovisuel en Rgion Wallonne. Philippe REYNAERT, son
Directeur, nous indiquait que pour slectionner les projets
financer, linstitution vrifiait2: Guillaume Canet et Marion
Cotillard Lige pour le tournage de Jeux dEnfants Wallimage n son
effet structurant sur le secteur audiovisuel en Rgion(s) ; Dans le
secteur priv, Renaud DONNEDIEU DE VABRES, conseiller pour la
stratgie, le dveloppement et la culture du Groupe Allard affirme
que les projets culturels dans lesquels le groupe a investi ont t
monts, non pas par simple got artistique ou esthtique mais avec une
vraie conviction n la viabilit du projet et le retour sur
investissement pour Wallimage ; 2- Source: brochure du rglement
2010 de Wallimage, approuv en dcembre 2009 n le caractre culturel
de luvre ; 17
18. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision quexiste un nouveau modle conomique o la cration de valeur
se fonde sur lexcellence culturelle. Cest une logique
dentrepreneur, qui essaie de dvelopper une activit dans les lieux
emblmatiques du patrimoine en recherchant une stratgie de
valorisation fonde sur la culture. Tout en devant ncessairement
trouver un modle conomique rentable, ce qui sera lapport dun
partenariat priv supplmentaire. Cest donc la rencontre du projet
culturel associ des objectifs conomiques qui draine linvestissement
du groupe. rencontr des dcideurs ou porteurs de projets
saffranchissant de toute logique de rsultats et restant dans un
engagement purement li leurs convictions et sensibilits
culturelles. Par ailleurs, et mme pour ceux qui mentionnent
explicitement le besoin dobjectivation de leurs investissements par
des critres conomiques, une grande majorit dentre eux voquent
galement des critres qualitatifs, fonds pour certains sur leur
sensibilit, pour voquer les investissements dans la culture.
Porteurs de valeurs positives et de liens entre les individus, ces
investissements ne sauraient, en effet, sanalyser selon les seuls
indices conomiques. Bien sr, il existe des exceptions cette
exigence en voie de gnralisation de rationalit conomique ; nous
avons aussi l es nouveaux mcnes de la culture ou comment L trouver
des financements indits Investir dans la culture constitue une
pratique courante pour les banques, les financeurs publics et bon
nombre de grandes entreprises. classique, qui trouve ses ressources
essentiellement auprs de mcnes et donateurs privs (Belgacom,
Delhaize, BNP, Loterie nationale). La fidlit de ces investisseurs a
garanti la prennit du concours et son indpendance vis--vis de
subventions publiques. Le mcnat culturel, avec ce quil implique en
termes de stratgie dentreprise (image de marque, cohsion des
salaris, fiscalit) reste une source importante de financement de
projets culturels. Parmi les trs nombreux exemples de recours au
mcnat, on peut citer, en Belgique, le Concours Reine Elisabeth, cr
en 1937 et visant rcompenser les jeunes talents de la musique Mais
cette situation volue : en France par exemple, le mcnat soriente
aujourdhui bien davantage vers lducation ou la sant. Cest ce que
rvle la dernire enqute de lAdmical CSA Le mcnat dentreprise en
France . La culture et le patrimoine ne reprsentent plus que 380
millions deuros en 2010 contre 975 en 2008. Et perdent ainsi leur
3e place de secteur financ par le mcnat. Les Etats et les
collectivits territoriales, eux aussi, rduisent leurs engagements
financiers. Aux porteurs de projets culturels de trouver de
nouveaux investisseurs et de dvelopper des modles conomiques
innovants. Cest par exemple ce quont russi les organisateurs du
Festival dAix-en-Provence : lvnement a su diversifier ses sources
de financement en misant fortement sur un mcnat de particuliers et
dentreprises nationales et locales. Les recettes de mcnat
reprsentent ainsi plus de 17% du budget global, soit 3,35 Me sur un
budget global de 19,3 M. Cela reprsente autant que lapport de lEtat
(17,4%) et des 18
19. collectivits publiques locales (16,6%). 85% des recettes de
mcnat proviennent des entreprises nationales et rgionales, 15 % du
mcnat individuel. Le Festival compte ainsi une communaut de 260
mcnes individuels dont 120 franais, 90 amricains et 50 dautres
nationalits. Pour parvenir ce rsultat, le Festival a cr un club
dentreprises, afin de mobiliser les entreprises rgionales, pour des
montants allant de 6 500 50 000 euros. Malgr le recul du mcnat
culturel, lvnement a su prserver son apport en recettes de mcnat
grce une animation trs forte de ce rseau et un ancrage local
important. Cet exemple vient montrer quil existe, dans le spectacle
vivant, des voies permettant daccompagner le soutien des
collectivits publiques par dautres sources de financement. Pour
certains acteurs, la difficult auour j dhui rside donc dans le fait
de trouver des financements, et de rassurer/convaincre les
investisseurs/mcnes. l mprimer sa marque: comment entreprises I ou
collectivits cherchent sduire leurs publics grce la culture Pour
bon nombre dacteurs, la culture devient de plus en plus un moyen de
se diffrencier en rpondant des besoins nouveaux du consommateur, du
client ou du citoyen. Territoires comme entreprises privilgient
volontiers la culture comme vecteur de communication et de
valorisation de leur image. Dans un contexte de sortie du
communisme, le nouveau gouvernement dmocratique polonais a dcid, en
1990-1991, de crer une institution culturelle Cracovie, le Centre
Culturel International (ICC), rattach au Ministre de la Culture et
du Patrimoine, explique Jacek PURCHLA, Directeur du Centre.
Lactivit de lICC est axe sur une approche multidimensionnelle du
patrimoine culturel. Ses centres dintrts sont : lhritage de la
civilisation europenne, le multiculturalisme en Europe centrale, la
mmoire et lidentit, le dialogue entre les cultures et les socits,
la prservation des sites historiques, les politiques culturelles,
la dynamique dune ville historique, mais aussi les origines et le
dveloppement de lart moderne. Son objectif est de renouveler limage
de la Pologne sur la scne internationale et de fournir un espace de
rencontre culturelle entre lEst et lOuest dans le domaine du
patrimoine. Le Centre accueille ainsi des reprsentants de la
culture, de la politique, de lconomie, et des mdias du monde
entier. Il organise des confrences et sminaires et joue un rle
ducatif auprs des experts en patrimoine, Adrian SCHIESS, Malerei,
2005 @ SABAM Belgium 2011; Ann Veronica JANSSENS, Yellow yellow
skyblue, 2005 des chercheurs et de la jeunesse en proposant des
bourses de recherche, des sminaires, des cours de 3e cycle, des
stages dt, et des programmes lis aux expositions pour les enfants
et les jeunes. Des ouvrages en plusieurs langues sont publis par
lICC pour toucher le lectorat international. La programmation
dexpositions dans la galerie du Centre permet de familiariser le
19
20. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision central de cette stratgie : soutenir les entrepreneurs,
dans le cadre de leur activit professionnelle, qui seront demain,
la vente de leurs entreprises ou par la cession de leurs
catalogues, les clients privs de la banque. Cest notamment pour
cette raison q u e N e u f l i ze O B C e st devenue le premier
financeur du cinma franais avec 8 films sur 10 financs par la
banque et 70 % de parts de march dans ce secteur. La banque a
galement fait valoir son engagement dans le monde de la culture
auprs de ses clients, pour lessentiel des particuliers souvent
amateurs dart. Notre rle aujourdhui, en tant que banquier et
entreprise citoyenne, est daider protger lhritage construit dans le
pass et dvelopper la richesse de demain. La culture, sur les
aspects patrimoniaux ou de cration de richesse, est fortement
associe ces objectifs, do notre volont dassocier limage de la
culture la banque, notamment vis vis de nos clients explique
Philippe VAYSSETTES, Prsident du Directoire de la Banque Neuflize
OBC. Une offre spcifique existe aussi, depuis 2001, pour soutenir
les vendeurs dart (galeries, antiquaires, maisons de vente) dans
leurs projets entrepreneuriaux. Les clients privs sont galement
accompagns dans leurs achats dart. Neuflize OBC leur propose des
financements adosss sur leur patrimoine artistique, et non
immobilier, ce qui reprsente une rupture par rapport aux pratiques
habituelles du secteur. La banque a dvelopp un marketing clients
original, orient autour de leurs centres dintrt culturels au
travers dvnements culturels ou en adossant la reprsentation dune
uvre dart photographique aux chquiers de leurs clients. public aux
derniers dveloppements de lart et de larchitecture.
Linterdisciplinarit est donc le maitre mot des activits de lICC. Ct
priv, la banque Neuflize OBC a opt pour un positionnement
transversal dans le monde de la culture parce quelle vise une
clientle qui investit dans lart, mais galement parce quelle
accompagne les entrepreneurs du secteur culturel, une spcialit qui
lui permet de se distinguer des grandes banques dinvestissement ou
de dtail. Point Dans un autre domaine Google a imagin le projet Art
Project pour tmoigner de son attachement la culture et des
possibilits offertes par la technologie, qui permet de renforcer le
lien entre les uvres et leur public. Linvestissement repose ici
20
21. sur des considrations lies tant aux affaires publiques qu
la marque Google, aux performances attendues de ses ingnieurs et la
cohrence de son management. En effet, le projet a t initialement
pens sur les priodes de temps libre cratif autorises pour les
salaris de lentreprise. Avec Google Art Project, il sagit de
dmontrer que la technologie peut tre au service de lart, mais
surtout de donner un accs la culture ceux qui en sont privs ,
explique Amit SOOD, Directeur du projet. Art Project prsente en
effet en ligne les uvres slectionnes par les muses en trs haute
rsolution, et cre un espace virtuel de visite, sappuyant sur la
technologie Google. Chacun peut crer sa propre galerie virtuelle.
Une initiative grand public, dans un contexte o le numrique
investit toujours plus le domaine de la culture, et o les
internautes sont toujours plus enclins de nouvelles expriences
culturelles. l es salaris plus motivs grce la culture? L Lexprience
de grands groupes privs Pour un nombre croissant dentreprises, la
culture peut aussi servir de support de communication interne ; il
sagit ici de fdrer les salaris, et de dvelopper leur fiert
dappartenance. (photos, peintures, sculptures, vidos, impressions)
rparties dans les divers btiments du groupe. Belgacom a souhait
rendre ce lieu plus humain et proposer tous ses collaborateurs de
vivre au quotidien entours duvres dart, et de se familiariser ainsi
la cration artistique contemporaine , explique Baudouin MICHIELS,
Prsident et Administrateur dlgu de la Fondation. Des visites
guides, suivies dateliers cratifs, sont galement proposes aux
enfants des collaborateurs pendant lt. Francesco CLEMENTE, By fire
or by water, 1990 En Belgique, le groupe de tlcommunications
Belgacom a ainsi cr, en 1996, une fondation : Belgacom Art. Sa
mission ? Intgrer lart contemporain, sous toutes ses formes,
lenvironnement de travail des salaris du groupe. Aujourdhui, la
fondation prsente 450 uvres dart contemporain 21
22. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision Comment investit-on dans la culture? De lintuition la prise
de dcision: cycle et cadre de rfrence des projets de nature
culturelle l rtiste/gestionnaire: le dialogue permanent A et
obligatoire Pour dcider dinvestir dans un projet li la culture, les
acteurs que nous avons interrogs procdent, en gnral, comme pour
tout projet innovant : en suivant le cycle
ideconcept-faisabilit-ralisation-valuation. Mais, comme il sagit
dun projet culturel, un autre lment joue un rle majeur :
lintuition, voire la passion que provoque lide initiale chez le
dcideur, en fonction de sa sensibilit. Par la suite, celui-ci doit
ressentir la conviction que linvestissement aura des consquences
positives, et pas uniquement sur le plan financier: il peut sagir
dattractivit ou de notorit, de cohsion sociale ou de dveloppement
humain Le dcideur doit donc, outre la rationalit conomique, prendre
en compte dautres signaux. Cest cette condition que son
investissement pourra avoir des effets positifs sur lensemble de
lcosystme, au-del dune logique purement lie au march. 22
23. investissements ne sont pas uniquement soumis la loi de
loffre et de la demande. Cycle de dveloppement des projets
innovants Evaluation Distribution Ralisation Faisabilit En effet,
valuer les retombes dun projet culturel reste difficile car il
sinscrit toujours dans un logique de prototype : Didier FUSILLIER,
Directeur en charge du projet de Lille Capitale Europenne de la
Culture en 2004, raconte ainsi quune fte inaugurale avait t
organise pour lancer lvnement. La frquentation attendue devait tre
faible, de lordre de 40000 personnes. Au final, 700 000 personnes
ont particip cette manifestation. Les organisateurs et partenaires
navaient simplement pas su ou pu estimer lengouement des habitants
et leur envie de clbrer la ville ensemble. De mme, lors de la
llaboration budgtaire de lvnement, les pouvoirs publics avaient mis
sur un bilan dficitaire. Et pourtant, linvestissement (74 millions
deuros, dont 20 % financs par le priv) sest avr rentable: il a dgag
2,5millions deuros de bnfices aprs impts. Concept Ide Intuition
Cette protection partielle nempche pas les projets culturels dtre
encore perus par les dcideurs comme plus risqus que des
investissements classiques. dcision Compte tenu du caractre de plus
en plus innovant des projets de nature culturelle, notamment ceux
faisant appel la R&D, le cycle de dcision et le cycle de
dveloppement (du concept la ralisation) tendent se raccourcir. Ceci
est notamment avr dans le cadre de projets technologiques, o les
risques dobsolescence restreignent le cycle de vie du
service/produit. Do la mise en place de processus de
co-construction des projets, mixant les quipes et les comptences,
pour acclrer la mise en uvre de ces projets. Cette spcificit de
lobjet culturel, sa fonction de porteur dun message identit,
culture, valeurs est largement reconnue. Cest dailleurs pourquoi
ces investissements bnficient parfois dun cadre lgislatif
particulier : cest par exemple le cas pour certains pays, avec le
principe dexception culturelle, dbattu dans le cadre des accords de
libre change sous lgide de lOrganisation Mondiale du Commerce. Ce
principe permet de protger les industries culturelles en leur
appliquant des obligations et protections spcifiques. Ainsi, ces
Autre impratif, soulign par nos experts : prendre en compte le long
terme. En effet, un projet culturel sinscrit gnralement dans la
dure, car: n il requiert un temps long, de lide la livraison du
projet. Celui dun quipement culturel, par exemple, prend 8 10 ans.
Le Centre Pompidou de Metz a t construit en 7 ans, du choix de Metz
en 2003 pour accueillir un nouveau Centre Pompidou louverture au
public en mai 2010, 23
24. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision comme le rappelle Emmanuel MARTINEZ, Secrtaire Gnral de
ltablissement; la candidature ses retombes, sinscrit sur plus de 10
ans. n il sinscrit dans une logique de ritration. Prendre en compte
cette dimension ds le dpart est essentiel, pour aborder la question
de la prennit, et prvoir comment les ressources et lorganisation
devront voluer dans le futur; Notre conviction aujourdhui - et
celle des interviews - est quil est ncessaire de favoriser le
dialogue permanent entre toutes les parties prenantes dun projet
dinvestissement plutt que de mettre en opposition la dimension
culturelle des projets et leur apprciation conomique. n il sinscrit
dans un programme de dveloppement de plus grande envergure et de
plus longue dure. Dans ce sens, Aline VIDAL, galeriste dart
contemporain Paris, constate que le rapport entre les artistes et
les autres acteurs a considrablement volu en 25ans. Avec le
dveloppement dun monde plus global, et des outils de communication,
une nouvelle gnration dartistes, trs informs, ayant acquis des
habitudes dentrepreneur, est apparue. Les retombes ne seront
mesurables qu moyen ou long terme. En particulier sil sagit dun
projet fortement innovant, qui peut mettre du temps susciter
ladhsion des publics. Ainsi, le projet de Capitale Europenne de la
Culture, de llaboration de l uand le secteur public se soucie de
rentabilit, Q que le priv sattache au non-conomique les lignes
bougent des industries culturelles et de lconomie crative (par
exemple par la cration de ples dexcellence, comme Lille, le ple
image-culture-mdia, port par le biais de Ple image et Plaine image
dveloppement), et une approche beaucoup plus transversale de la
Culture avec les autres politiques ou volets de lentreprise; Chacun
de leur ct, dcideurs publics et privs ont chang de posture face aux
investissements culturels. Le terrain de jeu volue, et les intrts
de ces deux mondes peuvent converger, notamment en rponse lvolution
des modes de consommation de la culture par les publics. Un certain
nombre de tendances mergent: n la ncessit de prendre en compte la
dimension conomique des investissements culturels est de plus de
plus en plus affirme, notamment par les acteurs publics. Ceux-ci
recherchent galement un quilibre financier leurs projets, via
dautres sources que les subventions; n les stratgies mises en place
dans le secteur culturel sinscrivent au sein dune stratgie plus
globale. Ainsi, on constate un accroissement des initiatives en
faveur Convergence des intrts Acteurs publics Zone de convergence
Donateurs et mcnes Evaluation qualitative Collectifs dinvestisseurs
Evaluation conomique Acteurs privs 24 n la cohsion sociale et la
cration du lien social (au s e i n d u n e co m m u n a u t ) sont
mises en exergue dans les projets, y compris par les acteurs privs;
n limportance de la culture dans lenvironnement est reconnue tant
par le priv qui lutilise comme levier pour recruter et fidliser ses
collaborateurs que
25. dans le public pour proposer un cadre de vie agrable aux
habitants dun territoire; projets dinvestissement culturel. Dans ce
contexte, leurs intrts peuvent converger. n les nouvelles pratiques
et le besoin de culturel par les clients/usagers sont pleinement
ressentis par les diffrents acteurs. Une meilleure comprhension
entre public et priv apparat, permettant de mieux coordonner
comptences et moyens pour atteindre les objectifs de chacun.
Lexemple de DUTCH Design Fashion Architecture, programme de soutien
aux acteurs des trois branches, cit prcdemment, illustre ce
changement de posture des acteurs publics. Cette initiative a t
conue davantage dans une logique de mise en capacit et dincubateur
de projets et moins dans une logique de guichet de subventions.
Elle illustre le fait quune stratgie concerte entre les diffrents
acteurs concerns, sur un march cible et avec des objectifs communs,
fonctionne dans lintrt de tous. Globalement, les acteurs publics et
privs voluent vers des modes de fonctionnement analogues. Tous deux
doivent investir de nouveaux territoires, et rechercher de nouveaux
partenaires pour mener bien leurs l lheure des valuations: comment
mesurer limpact A non-conomique? Les retombes qualitatives dun
projet, y compris pour les acteurs privs, prennent une importance
croissante. En complment de ses dmarches culturelles destination de
ses clients, la banque Neuflize OBC a cr en 1997 une Fondation pour
la Photographie. Chaque anne, un comit de slection propose aux 1
000 collaborateurs de la banque une srie duvres de photographes
contemporains. Les collaborateurs sont invits lire leur prfr, dont
les uvres seront ensuite achetes par la Fondation. Un systme
original, la fois lment de cohsion sociale pour les salaris et
moyen de promouvoir des artistes peu connus. conception du projet,
dfinir ce que doivent tre ces retombes qualitatives ? Et, dans
certains cas, puisquon ne peut pas les quantifier, comment
dterminer si elles ont t atteintes, lors de lvaluation et du bilan?
Il nexiste aucune grille danalyse universelle qui permettrait de
synthtiser ce type dinformations et les standardiser. Ce qui est
ressenti comme un manque par les acteurs confronts la dcision
dinvestissement. Dans le secteur public, la ville de Bruxelles a cr
NO KAO, festival des Cultures Urbaines. Il sagit la fois doffrir
une scne la culture urbaine musicale, et de renforcer la cohsion
sociale, notamment grce la reconnaissance des expressions musicales
issues des importantes communauts congolaises et marocaines, qui
trouvent ainsi une scne dans le cadre de la programmation du
festival. Sans prtendre lexhaustivit, nos entretiens nous ont
permis didentifier de grandes typologies denjeux auxquels les
projets culturels permettent de rpondre et didentifier des critres
dvaluation. Pour chacun de ces thmes, nous avons formul des
propositions de critres permettant dvaluer leur atteinte. Il est
donc entendu, pour la majorit des acteurs, que les investissements
culturels doivent galement produire des rsultats autres
quconomiques. Reste une vraie difficult : comment, au moment de la
25
26. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision Types denjeux et exemples de critres dvaluation Dimension
conomique RAYONNEMENT ET NOTORIT DVELOPPEMENT CONOMIQUE CONOMIE DE
LA CONNAISSANCE VALORISATION PATRIMONIALE D veloppement de limage
de marque n veloppement du tourisme D culturel n isibilit nationale
V et internationale n D ynamique entrepreneuriale (cration,
installation et dveloppement des entreprises) n Emploi n
onsolidation C de filires n D veloppement dun enseignement suprieur
qualifi n outien la recherche/ S innovation n veloppement de la
qualifiD cation du capital humain et valorisation des savoir-faire
n ccs la culture A n COHSION SOCIALE/ CULTURE DENTREPRISE
RESPONSABILIT SOCITALE DVELOPPEMENT DACTIVITS CULTURELLES P
romotion de la fiert dappartenance n dhsion aux valeurs A
identitaires n romotion de la diversit P culturelle n idlisation
des publics, F de la population, des salaris n D veloppement dune
culture commune n mlioration de A lgalit des chances n Mixit
sociale n CRATION ET EXPRESSION ARTISTIQUE n V alorisation du
patrimoine matriel n alorisation V du patrimoine immatriel n
alorisation V de la marque Dimension socitale n n Certaines agences
de notation des entreprises commencent sintresser la dimension
culturelle des socits quelles valuent. D veloppement des usages D
veloppement de loffre D veloppement des pratiques amateurs n
veloppement D des pratiques professionnelles n du Nord, 650
administrations nationales des pays de lUnion europenne, du Canada,
des Etats-Unis, du Mexique et de la Suisse et 150 organismes qui
dpendent des Nations Unies ou de lUnion europenne. Ainsi, en
France, lassociation Diversum a inaugur en 2007 le premier service
de notation mesurant lapport des organisations la diversit
culturelle. Depuis dcembre 2008, lassociation dlivre le label
Diversum finance. Il permet de garantir tous les investisseurs
institutionnels ou pargnants que 25% au moins de leur trsorerie ou
de leur portefeuille servira au financement des entreprises et
collectivits qui favorisent la diversit des cultures. Le label est
accord pour un an, sur la base des vrifications effectues par
lassociation Diversum. Dautres acteurs nont pas explicitement mis
en place de notation de ce genre, mais y rflchissent. Aujourdhui,
pour nous, la dimension culturelle nest pas un critre de lanalyse
socitale des entreprises , relve ainsi Marie-Pierre PEILLON,
Directrice de la recherche financire et extra-financire de Groupama
Asset Management. Mais ce volet pourrait tre corrl au capital
humain de lentreprise, avec une analyse de son impact sur
lattraction ou la rtention de talents . Ce champ devrait, pour
elle, faire lobjet dun travail de recherche afin de standardiser
les informations traiter et permettre de raliser des analyses au
mme titre quavec des documents comptables. noter que ce ne sont pas
aux entreprises elles-mmes que ce label est accord, mais, selon un
mcanisme en deux temps, aux produits financiers utiliss dans ces
entreprises. La mthodologie cherche ainsi dterminer, pour chaque
acteur, son empreinte culturelle (cest--dire sa contribution
lenvironnement culturel dans sa diversit), en tudiant la fois son
attitude gnrale et son impact sur les cultures locales. Le spectre
de notation comprend aujourdhui 1 200 entreprises dEurope et
dAmrique Vivendi de son ct a dfini la promotion de la diversit
culturelle comme un enjeu stratgique de sa politique de
dveloppement durable et a intgr cette dimension dans la rmunration
variable des dirigeants du groupe. Des objectifs et des indicateurs
ont t fixs. Afin dapprcier latteinte de ces objectifs, le groupe a
demand tre accompagn par lagence de notation 26
27. extra-financire, Vigeo, sur la base des indicateurs
renseigns par les filiales et des pices justificatives remises.
spcifique, lHeritage Awareness Index (HAI), qui mesure auprs des
habitants de Singapour leur connaissance de leur patrimoine, de
leur histoire, et leur implication dans la vie culturelle. Cette
jeune nation, indpendante depuis 46 ans, peut se distinguer de ses
concurrentes asiatiques, par sa qualit de vie et sa valorisation de
la culture. Le HAI est aussi un moyen de mesurer la fiert
dappartenance de ses rsidents. A lchelle dun territoire, de
nouveaux indicateurs apparaissent aussi. Ainsi Singapour, Michael
KOH, PDG du National Heritage Board (NHB), explique que
linstitution a dvelopp depuis 2002, en lien avec luniversit
nationale, un indicateur l e la crativit dans les modles de
financement D Dans un contexte de rarfaction des sources de
financement, de nouveaux modles se crent pour trouver des
investisseurs. financires (seuil de remboursement, esprance de
gains). Les internautes investissent par tranches de 20 mais ne
sont effectivement dbits que si le budget requis est atteint. De
mme que pour My Major Company, ils sont rtribus en fonction des
recettes ralises par le film. En surfant sur le phnomne des rseaux
sociaux, des collectifs dacteurs se regroupent ainsi autour de
centres dintrt communs pour contribuer financer des projets. Citons
par exemple linitiative My Major Company , cre en 2007. Il sagit du
premier label musical communautaire en France. Cette plate-forme
Internet permet de mettre en relation artistes, internautes, et
professionnels de la musique. Les artistes utilisent cette
plate-forme pour proposer au public leur musique. Les internautes
intresss peuvent, soit investir dans la production de lalbum, soit
soutenir financirement lartiste lui-mme. Ils seront ensuite rtribus
en fonction du succs rencontr par lalbum, et du montant de leur
investissement initial. Les raisons pour investir et miser sont
diffrentes : certains misent pour exprimer leur soutien envers un
artiste quils aiment ; dautres par curiosit pour apprendre plus sur
le processus de cration dun album et sur le monde de la musique en
gnral ; dautres enfin misent pour tenter leur chance et
ventuellement gagner de largent. Autre exemple pionnier : la
cration dune structure prive par un acteur public, pour assurer la
viabilit conomique de son projet. Cest la dmarche entreprise par
lAdministration Fdrale de la Politique Scientifique Belge (BELSPO)
qui a lanc en 2011 un programme de numrisation du patrimoine des
muses fdraux, dans le cadre de sa mission de prservation du
patrimoine culturel fdral. Pour trouver les 150 millions deuros
initiaux ncessaires au projet, un partenariat public-priv (PPP) a t
cr. Ce PPP, sans prcdent en Belgique et en Europe, runira lacteur
public, les experts, De mme, dans la production cinmatographique,
le site People for Cinema propose aux internautes de participer au
financement dun film, en sassociant des distributeurs franais. Pour
attirer les investisseurs, le site met leur disposition en
exclusivit des informations sur le sujet du film, son synopsis, son
casting, son plan marketing, et des informations 27
28. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision les scientifiques et les conservateurs de BELSPO, autour
dun consortium dentreprises actives dans la numrisation. Lobjectif
nest pas seulement conomique: le projet cherche aussi combiner des
comptences diverses, ce qui a ncessit un travail pdagogique au sein
de ladministration, pour convaincre du bien-fond de la dmarche. Le
premier obstacle franchir fut celui de la mfiance lgard du priv
relate Philippe METTENS, Prsident du Comit de Direction de la
Politique Scientifique et Culturelle Fdrale de Belgique (BELSPO).
En terme de mcnat, proposition est faite de crer une fondation, en
complment du PPP. Son but sera de lever des fonds pour valoriser
certaines collections ou mettre en vidence des lments patrimoniaux.
Grce ce partenariat, BELSPO se met en capacit de devenir un grand
acteur de la numrisation du patrimoine linternational, se prparant
ainsi la cration future dune socit mixte, spcialise en ingnierie de
numrisation. Dautres formes de coopration publique et prive sont
noter. Dans le domaine de la presse, Valrie BOAGNO, Directrice
gnrale du Temps, mdia suisse de rfrence, explique avoir mis en
place un modle original de partenariat public priv pour financer la
numrisation et la mise disposition, via un site Internet, de quatre
millions darticles de journaux de ses archives historiques (pour
certains remontant 1798). Lopration, dun cot dun million de francs
suisses, a t finance hauteur de 60% par des financements publics et
40 % par des mcnes privs, condition que laccs au fonds numris soit
gratuit pour le public. Dsormais, sa consultation reprsente environ
10 % de notre audience globale sur Internet . Antoine
GOSSET-GRAINVILLE, Directeur adjoint de la Caisse des Dpts et
Consignations, investisseur de long terme au service de lintrt
gnral et du dveloppement conomique en France, souligne que son
tablissement a mis en place un fonds dinvestissement qui tient
compte des spcificits du secteur culturel. Le Fonds Patrimoine et
Cration a pour objet dapporter des fonds propres de long terme des
entreprises rentables, faisant un chiffre daffaires minimum de cinq
millions deuros, dans les secteurs du livre, du cinma et de
laudiovisuel, de la musique et des marques patrimoniales. Le Fonds
Patrimoine et Cration, dot de 40 M, a permis de financer 9
oprations entre 2005 et 2010. En novembre 2010, la Caisse des Dpts
a souscrit une nouvelle tranche ( Patrimoine et Cration 2), pour un
montant de 45M. l impratif commun: une gouvernance exemplaire L
Comment dfinir une bonne gouvernance? Pour chaque projet se cre une
alchimie spcifique entre les acteurs. Investissement public, priv
ou mixte, action de niche ou de grande envergure, chacun cre son
propre modle en matire de gouvernance. La prise de dcision est
ainsi organise tantt autour de dispositifs structurs, tantt autour
de critres de slection formaliss et parfois simplement sur une
intuition personnelle. Les acteurs rencontrs ont distingu plusieurs
critres. Reprsenter quitablement lensemble des profils dans la
structure de gouvernance. Les achats de la Fondation Belgacom Art
sont ainsi dcids dans le cadre dun comit dachat ddi, qui regroupe
quatre personnes: deux francophones et deux nerlandophones, avec
une parit homme/femme. Tous les trois ans, lun des membres est
systmatiquement remplac afin dapporter un nouveau point de vue.
Pour dcider dune acquisition, une rgle simple : si trois des quatre
membres considrent que luvre rpond aux critres de choix fixs, luvre
Nos entretiens ont montr que le secteur public sinterroge
particulirement sur ce thme de la gouvernance, ressentant la
ncessit de renouveler ses pratiques dans ce domaine. Ct priv, les
projets culturels dans les entreprises sont grs de la mme manire
que tout autre type de projet. Aucun enjeu spcifique na donc merg
en matire de gouvernance pour ces acteurs. 28
29. Le cas de BELSPO dcrit ci-dessus, est ce titre exemplaire,
mais il nest pas un cas isol. Bernard LANDRY, ancien Premier
Ministre du Qubec, prcisait ainsi que le mariage public-priv tait
recherch sur le territoire et que ce modle avait prouv son
efficacit dans le cadre de projets culturels. Les cots du projet
sont rduits et mieux matriss, les cooprations plus intenses. Cest
un systme trs naturel rsume-t-il. Etablir un lien troit entre la
gouvernance et le management, afin de garder le cap et passer le
plus rapidement possible de la dcision laction. Le management doit
tre sensibilis aux spcificits des projets culturels et fortement
encadr par la gouvernance. En effet, dans son rle de nomination des
managers, la gouvernance doit sassurer de la fluidit des changes
avec ceux quelle choisit de mettre en place. Cest un facteur cl de
succs que bon nombre dacteurs, tant dans le public que dans le
priv, ont soulign. Didier FUSILLIER, confirme que laccs direct au
Maire, Martine Aubry, lpoque de la ralisation du projet, a t un
lmentcl de la russite du projet. est achete. Un rapport annuel est
adress au Conseil dAdministration de Belgacom, afin quil soit engag
dans la dmarche. Toujours en Belgique, Wallimage, fonds public de
soutien lindustrie de laudiovisuel en Rgion Wallonne, slectionne
ses projets via un comit de quatre personnes: deux salaris et deux
personnes externes qui analysent les candidatures sparment. Ce
comit se runit ensuite pour arbitrer et faire des propositions. Les
candidats retenus sont invits dfendre leur projet devant le comit
et le directeur du fonds. La dcision finale revient ensuite au
Conseil dAdministration. Anticiper lvolution du projet et son
adaptation aux changements de contexte. Notamment, aborder la
question de la succession du porteur de projet. Comment le projet
vivra-t-il sans son crateur initial, comment en assurer la prennit
et la gouvernance future ? Cette question doit tre pense en amont
du projet. Cest la situation laquelle est confronte Jacek PURCHLA,
Directeur du Centre Culturel International de Cracovie. Aprs avoir
dirig le Centre pendant prs de 20 ans, il cherche aujourdhui
organiser sa succession et explique que cela constitue un enjeu trs
fort dans la poursuite des initiatives culturelles de la ville. De
mme, le rapport de 2010 sur les Capitales Europennes de la Culture
notait que la structure oprationnelle est reste en place dans la
plupart des villes aprs la clture de lanne culturelle, le plus
souvent sur une priode de 3 8 mois afin daider dresser un bilan de
laction mene. Dans un petit nombre de villes, cette structure a t
conserve mais transforme en un autre organisme, afin de poursuivre
le travail au-del de lanne culturelle. Sentendre sur une mthode de
dfinition des objectifs du projet. Le rapport dvaluation des
Capitales Europennes de la Culture a dmontr que le fait de se
mettre daccord sur des objectifs constituait un lment fondamental
dans le processus de montage de lvnement. En effet, la plupart des
villes candidates poursuivaient de nombreux objectifs: dvelopper
limage internationale de la ville et de sa rgion, mettre en place
un programme dactivits culturelles et dvnements artistiques,
attirer des visiteurs, renforcer la cohsion sociale pour faire
aboutir le projet, il importait de parvenir un consensus sur ces
diffrents objectifs, valables pour chacun des partenaires.
Dvelopper, le cas chant, des structures porteuses aux profils
mixtes, entre public et priv. Les structures publiques ont tendance
se rapprocher de plus en plus du priv dans une recherche de
crdibilit, de comptences et de rduction des cots. 29
30. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision Entreprendre et investir dans la culture: et demain? La
crise financire npargne pas la culture: mcnes et donateurs rduisent
leurs apports, tout comme de nombreux pays engags dans des
politiques dassainissement de leurs finances publiques. Par
exemple, dans le domaine de la conservation et valorisation du
patrimoine, les projets de numrisation des diffrents fonds
patrimoniaux (livre, film, audiovisuel, photographie) conservs par
les institutions culturelles, ouvrent de gigantesques perspectives.
Notre conviction est quau contraire, cest le moment dinvestir. Dans
son rapport dtude du 10 janvier 2011, le Comit des Sages, groupe de
rflexion mandat par la Commission europenne, sur les conditions de
mise en ligne du patrimoine europen , prvoyait que les contenus
numriss (un investissement estim environ 100 milliards deuros pour
lensemble des collections des institutions culturelles de lUnion
europenne) constitueraient une nouvelle matire premirepour les
produits et services, notamment pour les secteurs tels que le
tourisme, lducation, et les nouvelles technologies, stimulant la
croissance conomique et la cration demplois. La culture et les
industries culturelles et cratives restent des secteurs porteurs et
fort potentiel: vecteurs la fois de dveloppement dactivits,
dinnovations, de nouvelles comptences, de rayonnement, damlioration
du cadre de vie, et dun mieux vivre ensemble. 30
31. Forum dAvignon Autre exemple dactivit fort potentiel : les
cultural utilities, ces nouvelles infrastructures au croisement
entre le rseau de transport de donnes numriques et les contenus,
qui se crent pour stocker/ conserver/exploiter des bases de donnes
de plus en plus volumineuses, et offrir des services de mise en
relation aux utilisateurs. le souligne Philippe AUGIER, Maire de
Deauville et Prsident de France Congrs, dans son rapport au
prsident de la Rpublique franaise de 2009 Pour une politique
gagnante des grands vnements . Il dfend notamment le point de vue
que les grands vnements de demain seront probablement virtuels. Il
est donc essentiel de dfinir une politique cohrente de captation et
dorganisation des grands vnements qui contribuerait la croissance
de lconomie franaise. Equipements indispensables la construction de
ce nouveau monde culturel numrique, ces bases de donnes constituent
dj une composante essentielle de notre confort au quotidien et de
lamlioration de notre cadre de vie. Pour le particulier comme pour
lentreprise, cette commodit est en train de devenir une exigence.
Investir dans les cultural utilities et les conditions de leur mise
en place, savre stratgique pour les territoires. Il sagit de
construire et dvelopper le plus rapidement ces infrastructures lies
la culture, comme cela a t le cas pour les infrastructures
ferroviaires ou celles de lnergie. La question centrale qui se pose
aujourdhui nest donc pas didentifier des projets ou des thmes
dinvestissement potentiel dans le domaine culturel, mais de crer
les conditions les plus favorables pour que les investissements
puissent se raliser au mieux et surtout sacclrer. La prise de
conscience sur ce point est en marche mais doit se concrtiser,
comme Aussi, cette anne, en guise de conclusion de notre tude, nous
souhaitons partager cinq pistes concrtes de rflexion pour favoriser
et accrotre les investissements dans la culture. l Elaborer de
nouvelles mthodes dvaluation et de valorisation des projets
dinvestissement l Gnraliser la prise en compte de lempreinte
culturelle, pour en faire un lment du bilan social, et le valoriser
auprs du grand public l Valoriser lentrepreneur culturel l Amliorer
la coopration et la comptitivit des entreprises du secteur de la
Culture, en les incitant se regrouper dans des logiques de clusters
l Dvelopper un modle de financement complmentaire aux dispositifs
existants, pour drainer et orienter lpargne du grand public vers
des projets culturels 31
32. Entreprendre et investir dans la culture: de lintuition la
dcision l laborer de nouvelles mthodes dvaluation E et de
valorisation des projets dinvestissement Il sagit de dfinir des
mthodes dvaluation et de valorisation des projets culturels
acceptes de tous, permettant de simplifier et dacclrer le dialogue
entre porteurs de projets et investisseurs. Ces mthodes doivent
faciliter la dcision dinvestissement, et diminuer le risque peru
pour ce type de projets. De nouvelles mthodes doivent tre labores:
n dune part, pour mieux prendre en compte les lments cls et les
spcificits de chaque projet ; n et dautre part, pour favoriser la
meilleure comprhension et lecture de certains indicateurs de la
part des investisseurs et analystes financiers. Par exemple, dans
les industries culturelles et cratives, les critres dinvestissement
sont fortement marqus par des logiques de retour sur investissement
; Estimer a priori la future valeur dun projet culturel reste
parfois trs difficile. Combien peut valoir une uvre, ou une
cration, par essence unique et originale ? Comment valoriser des
actifs immatriels culturels sur le long terme ? Quelles seront les
retombes attendues dun nouvel quipement ou vnement culturel ? n en
revanche, pour des projets dinvestissements dans le domaine des
Arts (vivants, plastiques) ou du Patrimoine, la prise en compte de
ce critre dinvestissement est moindre, le retour sur investissement
tant plutt li au march de lart ou des logiques daccessibilit et de
diffusion au plus grand nombre. Cest parce quil nexiste, pour
rpondre ces questions, aucune mthode dvaluation et de valorisation
partage, que le dialogue demeure parfois difficile entre porteurs
de projet et investisseurs. lG nraliser la prise en compte de
lempreinte culturelle La contribution de chaque acteur (public ou
priv), lenvironnement culturel dans sa diversit, appele aussi
empreinte culturelle3, devrait tre prise en compte. notion d
empreinte culturelle , permettrait dune part dacclrer les
investissements de lensemble des acteurs (public et priv) dans les
projets culturels, et dautre part de valoriser leur action auprs du
grand public. Dans le domaine du dveloppement durable, des
dispositifs lgislatifs et rglementaires ont t mis en place,
assortis dindicateurs objectifs. Cela a permis dorienter laction
des entreprises et des acteurs publics dans ce domaine. De mme, un
dispositif rglementaire permettant de fixer la Un tel dispositif
conduirait les diffrents acteurs tablir, dans le cadre de leur
stratgie globale, un plan dactions spcifique, impactant toute leur
politique dinvestissement. Une dynamique pourrait ainsi tre
enclenche, promouvant de fait le caractre transversal et universel
de la culture. Par ailleurs, lempreinte culturelle deviendrait un
lment de communication, intgr dans le bilan social des entreprises
et des institutions. Elle fournirait, via des indicateurs de
performance objectifs, une information sur le niveau et la qualit
dengagement de lacteur sur son environnement culturel. 32
33. Un tel cadre permettrait de valoriser objectivement les
actions culturelles, ce qui rassurerait les investisseurs
potentiels, et faciliterait leur prise de dcision dinvestissement
dans de futurs projets. depuis mai 2011, en complment du PIB de
chaque pays, un nouvel indicateur de son niveau de dveloppement :
le Vivre mieux4. Cette proposition sinscrit dans la ligne des
initiatives lances pour mesurer autrement la performance des
entreprises, des organisations publiques et des territoires.
Notamment celle de lOCDE qui publie 3- Cette mthodologie conue et
dveloppe par Diversum, agence de notation pour la diversit
culturelle cre en 2007, tudie la fois lattitude gnrale et limpact
sur les cultures locales des acteurs privs et publics. 4- Cet
indicateur valorise lenvironnement, la sant, lquilibre entre vie
professionnelle et vie prive. lV aloriser lentrepreneur culturel
Dans de nombreux projets, analyss lors de notre tude, apparat un
personnage central : lentrepreneur culturel. Aux cts des crateurs
et artistes de tous horizons, grce sa fibre la fois
entrepreneuriale et artistique, cest souvent un entrepreneur qui a
jou un rle cl dans linitiation des projets, leur dveloppement et
leur succs. Son intervention savre essentielle de nombreux stades :
rassembler les comptences ncessaires, rechercher les financements,
imaginer les modles conomiques possibles, dfinir les concepts
marketing, piloter le back office, anticiper les besoins et les
attentes du public ce qui, in fine, permettra aux crateurs et
artistes de trouver leur public. Si ce type d entrepreneur culturel
a toujours exist dune faon ou dune autre dans lhistoire de la
culture, nous avons la conviction quil devient aujourdhui essentiel
de favoriser et valoriser leur action, sur le modle des actions de
soutien aux entrepreneurs Internet. n de dvelopper des ppinires de
start-up culturelles en partenariat avec des collectivits, des
campus de grandes entreprises ou duniversits; Nous pourrions
imaginer notamment: n dinciter de grandes entreprises des
industries culturelles et cratives mener des actions de capital
dveloppement dans des jeunes entreprises culturelles, en lien avec
leur propre stratgie; n de crer des espaces de rencontre,
permettant un contact rgulier entre artistes, financeurs en tout
genre - de la grande banque aux business angels -, grandes
entreprises des industries culturelles et des nouvelles
technologies. Lobjectif tant dencourager les initiatives et projets
innovants; n dimaginer des dispositifs dincitation fiscale pour
soutenir les entrepreneurs culturels; n de crer un Prix annuel de
lentrepreneur culturel le plus innovant, dcern par le public et les
grands acteurs des industries culturelles, dans chacun des pays de
lOCDE. n de favoriser lorganisation en rseau des acteurs qui
entreprennent dans la culture, afin quils sapportent un soutien
mutuel