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Pierre St Vincent Life Source Quest Cervoclonis RENCONTRE AVEC UNE ETRANGE MACHINE : CERVOCLONIS CH 1A CH 26 LES EDITIONS DU NET 22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes © Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-00935-3

La Saga "Life Source Quest" Cervoclonis par Pierre ST Vincent

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Page 1: La Saga "Life Source Quest"  Cervoclonis par Pierre ST Vincent

Pierre St Vincent

Life Source Quest

Cervoclonis

RENCONTRE

AVEC

UNE

ETRANGE

MACHINE :

CERVOCLONIS

CH 1A CH 26

LES EDITIONS DU NET

22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes © Les Éditions du Net, 2013ISBN : 978-2-312-00935-3

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© Les Éditions du Net, 2013ISBN : 978-2-312-00935-3

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Chapitre 1

« Mr Reyna, vous avez accepté de venir dans les bureaux de notre socié-té. Je me suis mis à votre entière disposition pendant plus de dix minutes ! Nous vous avons proposé un salaire hors du commun…

Vous pouvez devenir le responsable des jeux d’ERT… vous hésitez en-core !

Je vous pose une dernière fois la question… Voulez-vous ce poste oui ou non ? »

*

Ces mots de ce 15 mai 2 080 étaient les seuls dont il se souvenait à l’instant de son éveil. Prononcés d’une voix quasi hystérique par le président de la multinationale ERT, ces propos agressifs l’avaient mis, bien malgré lui, au seuil d’une aventure bafouant ouvertement les lois édictées par la société néo-individualiste en vigueur en cette fin de siècle.

Pour la suite de son entrevue, il devinait que quelque chose d’étrange s’était passé au fond de son être.

*

Dans son appartement, Childéric Reyna venait de se réveiller d’un surpre-nant sommeil de 5 jours et 5 nuits consécutives ! Ce long repos ne pouvait avoir d’autres explications que la configuration de Cervoclonis, cet « ordi-nateur cerveau biochimique » incomparable dont il était détenteur.

Il subsistait, au fond de son être, une impression confuse. Il revivait, par épisodes, cette étrange journée du 15 mai, passée au milieu d’un parc im-mense, baigné de lumières irréelles.

Une fête y avait été organisée par le président d’ERT. A son issue, ce dernier l’avait rencontré.

*

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Chapitre 1 8

Au fur et à mesure de la reprise de sa conscience, il revivait cet accueil froid, impersonnel et rapide où il avait été nommé « maître des jeux » d’une série de divertissements développés par ERT.

Il avait été subjugué voire hypnotisé par son interlocuteur ; des yeux bleus, aux commissures asiatiques ourlées de rides, donnaient une expres-sion coupante à un regard extravagant.

L’intelligence et le mystère perçaient dans tout ce qu’il faisait ou disait. Childéric se souvenait vaguement de sa réponse, sans conviction : « Oui, finalement, j’accepte ! » Il avait l’impression que cette réponse lui avait été arrachée de force dans

le cadre d’une réunion préparée à l’avance. Tout ceci ressemblait à un piège !

Aucune négociation n’avait eu lieu. Les conditions lui avaient été propo-sées dès le début de la réunion : salaire doublé, embauché à vie… ! Invrai-semblable !

Pouvait-il refuser une telle proposition ? A aucun moment il n’avait imaginé la suite de l’aventure qu’il allait

vivre ! A partir de l’obtention de cet accord, le président lui avait remis ce qu’il

appelait « l’extension neuronale. » Cet étrange module complétait « Cervoclonis » que Childéric avait ache-

té quelques mois auparavant. Assemblés l’un avec l’autre, l’ensemble devenait « une console de jeux

inégalée ». Un miracle de technologie !!! Sans ambages, le président était passé à ce qu’il appelait « le forma-

tage ». Ce terme informatique, appliqué à un être humain, lui était apparu étrange

dans le cadre de sa future fonction de maître des jeux. Childéric s’était aperçu alors, confusément, qu’il avait été victime d’une

introspection mentale lors de cette séance. Ni son père ni sa fiancée n’avaient pu l’empêcher de faire cette expé-

rience ; personne de qualifié ne l’avait assisté pour juger du fondement de l’expérience, car il s’agissait bel et bien, pensait-il, d’une expérimentation !

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Sortant de cet invraisemblable sommeil, Childéric Reyna reprenait petit à petit confiance et conscience de son identité.

Les yeux hagards, les jambes pendant au bord du lit, il cherchait… cher-chait la partie de lui-même… disparue.

Très confusément, il nota qu’il ne se sentait plus en osmose parfaite avec lui-même.

Et aujourd’hui, au réveil, il était désemparé, comme en état de manque. Son regard se porta sur Cervoclonis gisant sur le sofa. Une action irrai-

sonnée lui fit le saisir et l’installer à l’endroit qu’il n’aurait jamais dû quit-ter : le sommet de sa tête.

A cet instant précis, il était devenu le nouveau Childéric Reyna, maître des jeux les plus extraordinaires que ce siècle ait engendrés.

Il s’habilla fébrilement et se souvint des derniers propos du président. Ce dernier lui avait conseillé, dans un premier temps, de constituer une

équipe d’experts internationaux pour l’aider dans son analyse de la cohérence et de la réalité des divertissements d’ERT.

Les jeux qui lui étaient confiés n’avaient pas encore été contrôlés par des spécialistes !! Lui, qui était néophyte dans ce domaine, avait été choisi parmi une foule de candidats ! Etrange démarche !

Bien vite, ces quelques questions, remontant du fond de son être, avaient laissé place à une excitation montant en lui, exacerbée, incontrôlable. Une motivation encore jamais ressentie dans sa courte vie le parcourait, illumi-nait ses pensées et précipitait ses gestes.

Il rechercha fébrilement un globe terrestre et le parcourut avec son index, les parallèles et les méridiens découpant fictivement la Terre par portions de cent-vingt degrés de longitude en partant du méridien de Greenwich, ceci du pôle nord au pôle sud, et des latitudes plus quatre-vingt-dix-degrés à moins quatre-vingt-dix degrés.

Il parcourut chacune des tranches délimitées ainsi, et décida de sélec-tionner plusieurs participants localisés dans chacune de ces portions. Il dési-gna ensuite, arbitrairement, la quantité de six hommes et six femmes d’une trentaine d’années.

La machine, équipée de son module neuronal, possédait la liste des dé-tenteurs de machines. Elle lui suggéra aussitôt les noms de personnes parais-sant posséder les aptitudes requises.

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Childéric ne contesta pas son analyse et les joignit d’abord par liaison à dis-tance. Ces premiers contacts vidéo-psycho-senso-phonique (VPSP) permet-traient de les jauger, les questionner, puis de décider du parcours des premières étapes de rencontres pour les jeux.

Cervoclonis le guidait sur ces bases, entraînant l’esprit de Childéric dans un processus quasi incontrôlable et d’une efficacité redoutable. Tous les gens pressentis acceptèrent aussitôt, plus rapidement qu’il ne l’avait fait lui-même quelques jours plus tôt chez le président.

Trois rendez-vous furent arrêtés et organisés aux épicentres des pays ou continents de résidence des membres de la future équipe.

*

Avant son départ Childéric songea longuement à sa vie passée, à ses amis, à sa famille proche dont il n’avait pas de nouvelles ; il appela sa fiancée de l’instant, et à l’issue de cet entretien sans passion, prit alors la décision irré-vocable de se lancer à corps perdu dans cette nouvelle aventure.

Sa valise prête, les billets l’attendant sur son bureau, sans regret, il se rendit au terminal des envols internationaux et décolla par la première na-vette pour Guangzhou, Empire du Levant.

Après deux heures de vol, alors que l’étrange aéronef préparait son atter-rissage, il découvrit la ville, telle que Cervoclonis l’avait pré-inscrite dans ses neurones.

Au loin, vers l’est, apparaissaient, irréelles, les cimes des gratte-ciel de Hong Kong.

Directement en dessous de la navette et s’étendant quasiment jusqu’à la mer de chine, vivait la ville de Guanzhou.

Devenue capitale des provinces de Guangdong, Fujian, Jiangxi, Hunan, et Guangxi, cette ville était devenue le centre de vie et le poumon industriel de l’Empire du levant, dans sa partie orientale.

Se côtoyaient immenses bâtiments et entrepôts, usines gigantesques et parcs de verdures.

Perdus dans cet immense amoncellement de béton, apparaissaient quelques vestiges de son lointain passé :; le Guangdong provincial muséum, le Six Banyan trees temple, le Guangxiao temple, le Nansha Tianhou Pa-lace…

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Au centre de cette débauche de vitalité, serpentaient la « rivière de perles » et son impressionnant delta. Les traits d’écume des bateaux jaillis-saient, projetés sur les rives couvertes de mille jardins aux couleurs écla-tantes.

Dans l’espace, se faufilant entre les sommets des buildings, des nuages d’engins volants se croisaient dans un balai effrayant.

Après avoir tremblé quelques minutes, pendant l’atterrissage, Childéric descendit non sans plaisir de son étrange navette.

Ayant franchi tous les contrôles d’hygiène et de sécurité, il loua sans dif-ficulté l’un des nombreux véhicules à photons. Sa surprise fut grande de se rendre automatiquement et sans encombre au lieu de rendez-vous, tenant compte de la taille gigantesque de cette mégalopole tentaculaire de plus de 50 millions d’individus !

Arrivé à la salle de meeting, située dans l’un des nombreux Hôtels

d’Empire, il y entra timidement, vraiment stressé. Une fois à l’intérieur, son appréhension le quitta. Il venait de reconnaître individuellement les quatre participants, tant les liaisons VPSP étaient remarquables et les dossiers cons-titués sur eux, précis !

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Chapitre 2

Childéric aurait pu transférer la programmation par liaison à distance, et le périphérique neuronal par courrier ultra-rapide et confidentiel, mais, étrangement Cervoclonis lui avait suggéré ces rencontres directes !

Cervoclonis, équipé de son module neuronal, semblait vouloir plus que rencontrer virtuellement ; il désirait « toucher de ses perceptions de ma-chine » les membres de l’équipe sélectionnés, comme s’il était humain !

Childéric réagissait à ses sollicitations tel un apprenti. Lui qui était d’essence humaine, suivait la logique d’un cerveau de nature biochimique et engendré en laboratoire ! Il venait de comprendre, en cet instant, malgré le peu d’espace laissé par la machine dans sa matière grise, son réel état de dé-pendance.

Depuis le début de l’expérience, il ressentait des émotions disparues de-puis des années ; Cervoclonis les lui transmettait et il les intégrait comme un écolier. Chaque seconde le binôme s’auto alimentait, mais… il avait l’impression de ne plus être le maître.

Sortant peu à peu de cet état hypnotique, il décida de démarrer la réunion en lisant et appliquant le protocole de rencontre gestuel et physique. Il salua d’abord Luan Shing Peï, première femme de l’Empire du Levant à posséder Cervoclonis. Sans réfléchir il se déplaça vers elle, puis lui serra la main… longuement, comme aimanté, ne pouvant s’en défaire !

Il y avait si longtemps que l’humanité ne pratiquait plus ce qui apparais-sait, en cet instant, comme une dérive au protocole !

Dans la page quatre du livre du cérémonial il était écrit que la durée des

gestes, quels qu’ils soient, était brève et de faible puissance. Au bout de quelques instants lui paraissant un siècle, Luan Shing Peï re-

tira sèchement sa main, laissant apparaître sur son visage confus et rouge une surprise bien compréhensible, sa bouche portant un rictus de dégoût.

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Responsable de cette atteinte inconcevable au protocole, Childéric se troubla, comprenant un peu tard que le coupable de cette dérive était… Cer-voclonis… la machine !!!

Déconcerté, Childéric reprenant peu à peu le dessus, salua les autres membres. Ils le regardaient étrangement ! Mentalement, il se mit à semoncer la machine, qui s’attribuait, lui paraissait-il, des prérogatives non identifiées dans les fiches techniques. Il sentit aussitôt la réaction de Cervoclonis, dans son être, physiquement et intellectuellement, comme si cette injonction psy-chique avait affecté la machine dont la réaction le perturbait en retour lui, l’être humain !

Ces instants d’échanges intra-cerveaux avaient l’air de déranger les quatre membres de l’équipe ; ils l’examinaient avec répugnance, essayant de comprendre ce qu’il se passait. Childéric était de plus en plus déstabilisé et se laissait ballotter au gré du temps et des événements par Cervoclonis…

Tous étaient assis, un silence lourd régnant dans la salle. Au bout de quelques instants, il rompit ce calme malsain, reprenant ses

esprits et remettant à chacun les extensions neuronales dédiées aux jeux. Puisant dans le peu de courage qui lui restait, il se présenta, définissant son rôle et demandant aux membres de la future équipe de le faire à leur tour. Son premier regard rougissant, se porta sur Luan, l’incitant à commencer.

Luan inclina la tête et, bizarrement, tenta longuement de convaincre l’assemblée de la validité de sa candidature

« Luan Shing Peï est le nom que l’Empire du Levant m’a donné lors de ma naissance, alors que j’ai succédé à mon double biologique par clonage peu de temps avant son grand voyage céleste. Il était de sexe féminin.

Je suis heureuse de vivre humainement dans cette situation. Mon âge est de 33 ans, je suis saine physiquement et ai subi à ma naissance les traite-ments Barrates, donc, ne peux transmettre de maladies, ni en développer. Je pense avoir une résistance peu commune aux émotions humaines telles qu’elles sont décrites dans les livres anciens. Quels sont les critères qui vous ont guidé dans le choix de ma candidature ? Ils sont pertinents, croyez-moi.

De plus, n’ayant pour parents que les représentants de l’Empire, je peux vivre sans contrainte de liens affectifs parentaux. Célibataire sans enfant, di-plômée en biologie cellulaire et archéologie, je pourrais sans aucun doute apporter mes connaissances pour améliorer le ou les jeux. L’Empire du Le-

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vant auquel j’appartiens, s’étend des plaines de Sibérie aux limites de l’Océan indien. J’habite Qufu dans l’ancienne Chine. ».

Quelques phrases s’ajoutèrent à ce long plaidoyer, puis, elle s’interrompit enfin.

Childéric la remercia, l’invitant à s’asseoir ; mais elle ne bougea pas. Childéric songeant au prochain membre de l’équipe, releva la tête et la vit encore debout.

« Oui… Melle Luan Shing Pei, qu’y a-t’il ? Que puis-je faire pour vous ? ».

Cervoclonis, suggérant qu’elle était très belle, déstabilisa Childéric. Il ré-alisa alors que la machine venait de porter un jugement pour le moins sur-prenant ! Abasourdi, il ne put faire qu’un geste de la main, l’incitant à continuer.

Luan battit des cils et posa la question lui brûlant les lèvres. « Je voudrais savoir quelles sont les garanties données par ERT, pendant

la durée du jeu, sur la pérennité du nouveau périphérique, son entretien, sa durée, sa fiabilité, ainsi que les perspectives de satisfactions ou d’avantages dont nous pourrions bénéficier ? Nous connaissons tout ou presque sur le module de base Cervoclonis, quid de cette extension neuronale ? ».

Childéric l’avait ressenti au premier contact. Cette fille n’était pas ordi-naire : structurée, directe, intelligente, curieuse.

« Votre question est recevable. Nous allons vous répondre, ainsi qu’à l’ensemble de l’équipe, après la mise en place physique et psychique du mo-dule. En attendant, laissons la parole à cet autre membre. ».

Répondit-il, en désignant le participant le plus à sa droite. Un géant blond, étrangement habillé, se leva de son siège, saluant res-

pectueusement Childéric ainsi que ses futurs équipiers. D’une voix puissante et assurée, il se présenta :

« Mon nom est James Klinton, diminutif JK, 30 ans, hémisphère sud, Australie, Melbourne, célibataire sans enfant, ingénieur spécialiste en intel-ligence artificielle, diplômé de l’université de Lexington. Je suis le seul re-présentant mâle de cet hémisphère. Nous avons pris, Helena McDonagh et moi-même, la navette d’hier, 25 juillet 2 080, temps terrestre. Je suis à votre disposition Mr Reyna pour l’aventure proposée par ERT.

De plus, je souscris aux questions posées par Melle Luan Shing Pei. ».

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« Voilà un homme concis, rapide, sans fioriture orale », pensa Childéric, en donnant la parole à la deuxième femme du groupe.

Rousse comme il n’était pas possible de l’être, un peu boulotte, un visage sympathique mais ingrat, éclairé par un sourire radieux, elle s’adressa gau-chement, mais clairement à son interlocuteur.

« Helena McDonagh, diminutif HM, fille de John et Mariett McDonagh, 35 ans, ingénieur agronome diplômée de l’école d’agriculture de Perth, Aus-tralie sud-orientale. Non mariée, deux enfants élevés par leurs grands-mères, obtenus par parthénogenèse multi ovulaire. Je suis libre de disposer de mon temps pour participer à ce que j’imagine comme la plus palpitante aventure de cette fin de siècle. J’écouterai avec intérêt votre commentaire sur les questions de Mrs Luan. ».

Un silence s’installa, dans l’attente de plus d’informations. « Avez-vous terminé, Mrs McDonagh ? Oui ? Très bien. Vous avez la

parole désormais Mr Takamaki Sone. » Lança Childéric, en se positionnant face à un homme de stature,chétive. Takamaki Sone, se démarquant de ses équipiers par sa petite taille, des

cheveux noirs plaqués et rassemblés à l’arrière en catogan, portait une tenue de dandy asiatique. En s’inclinant à la manière de ses ancêtres il salua res-pectueusement l’ensemble de ses collègues, puis, se lança dans un long mo-nologue.

« Nous appartenons, Luan et moi, à l’Empire du Levant, mais ma terre est à l’extrémité de l’orient. Mon ancienne patrie s’appelait : Japon. Le Japon vient d’adhérer tout récemment aux Etats Unis du Levant plus connu sous le patronyme : Empire du Levant.

Mon nom est Takamaki Sone et je viens d’obtenir le dernier prix Nobel de géologie. Mon équipe et moi-même, avons démontré par modélisation et tests grandeur nature, dans la mégapole de Kyoto, l’évolution de la Terre depuis moins 3,6 milliards d’années à nos jours. J’ai compressé fictivement le temps, faisant franchir à l’humanité, en quelques jours, un parcours de plusieurs millions d’années. Ceci est applicable aux minéraux, aux végétaux, aux bactéries, aux premiers animaux. Nous sommes extrêmement proche de créer le… premier…. ».

Arrivé à ce point de son discours, il s’arrêta, ayant soudain conscience de dévoiler quelque chose d’incompréhensible pour l’assemblée.

Après un instant, il continua :

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Chapitre 2 16

« Je suis, en temps que scientifique, excité à l’idée de me lancer dans cette équipée pour découvrir les capacités de cette extension neuronale. ».

Un bref silence, puis il reprit son discours monocorde, le visage éclairé d’émotion : « Nous, dans l’ancien Japon, ne sommes pas encore entrés, dans la société dite néo-individualiste.

Notre mode de vie collectiviste, et le peu d’espace dont nous disposons, n’ont pas favorisé notre adhésion au modèle cité ; aussi, sommes nous en-core des barbares pour l’Empire ! Nous avons cependant éradiqué les mala-dies, grâce aux découvertes de Barrates. Nous sommes donc sains physiquement. Nous avons gardé les concepts extrême-orientaux, concer-nant les flux yin et yang circulant dans notre corps et liés au cosmos.

Cette maîtrise réduit les conflits entre personnes. Nous avons conservé sur nos îles, nos protocoles de rencontre basés sur le respect de l’être hu-main.

Pardonnez-moi d’avoir parlé aussi longtemps, alors que vous ne connais-sez rien de mon entourage !

Mon âge est de 40 ans, et je viens de perdre ma vénérée compagne ainsi que mes deux enfants, dans une stupide explosion d’immeuble. Je suis un homme détruit et libre par la force du destin. J’imagine que ce jeu va dériver mon émotion. ».

Childéric découvrait au cours de cette rencontre les carences du monde actuel. La société humaine n’était pas aussi stable et homogène qu’il l’imaginait. Un peu ému par cette dernière présentation, Childéric suggéra une pause dans la réunion autour d’un snack-buffet-café.

Alors qu’il se dirigeait vers le buffet, il cherchait à comprendre pourquoi Cervoclonis avait choisi Takamaki Sone ?

Il se souvenait de l’insoutenable épreuve subie lors de la configuration de l’extension neuronale.

Takamaki allait-il résister après toutes les épreuves subies ? Lui, Childéric, avait eu peur avant même de commencer la séance ! Il réalisa, en sortant de ses pensées, que les participants attendaient sa

venue pour goûter les délices locaux… garantis sans bactéries et sans goût. Etrangement, le café et les gâteaux avaient une saveur distincte de ce

qu’il consommait lors des événements de ce type !

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Existait-il réellement une différence ? Car enfin les grandes sociétés mul-tinationales organisant ces manifestations avaient les recettes définies par les comités d’hygiène !

Pendant le déroulement de ce break, Childéric ne put lier conversation. Depuis ses échanges avec Takamaki, il entrevoyait l’inégalité entre les vies et leurs applications, les nourritures, les destins des individus, l’influence du passé sur le présent. Il l’avait lu dans des revues dites non-conformistes, sans le croire, mais sur le terrain les choses étaient si différentes, les humains si dissemblables, et la force de la réalité vécue si hétérogène !

Cervoclonis, qui avait voulu cette réunion, n’était il pas en train d’assurer la formation de Childéric à son insu ? Le monde fonctionnait-il à l’envers ? Une machine apprenait à l’humain autre chose que la science, les mathéma-tiques, ou la comptabilité ! Etait-ce le concepteur de Cervoclonis, ou la fonc-tion d’auto création de la machine, qui manipulait tout et dépassait l’inventeur ? Le regard sombre, ces réflexions occupèrent tout l’intermède café et il n’adressa finalement pas la parole aux autres membres.

Le buffet terminé, chacun revint à sa place. Dans le calme apparent, les yeux des auditeurs brillaient d’une excitation

contenue. Le maître des jeux allait-il enfin livrer à ses assistants le secret de ce fabuleux module ?

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Chapitre 3

Childéric ne pouvait plus reculer ; il devait lancer la série de jeux la plus géniale de cette fin de siècle. Il commença timidement :

« Je vous rappelle que le début de tous les jeux se fera en prononçant le titre : UN PAS DANS L’HUMANITE A LA RECHERCHE DES ORIGINES. »

Son anxiété le quittant peu à peu, il se souvint des paroles du président et l’imita, lançant de manière impersonnelle les propos qui l’avaient tellement impressionné.

« Reprenez Cervoclonis, positionnez le correctement ! Chacun prit d’un mouvement nerveux sa machine équipée du nouveau

module de jeu, et la plaça sur sa tête. « Test de réalité virtuelle, en route. Vous devrez, avant d’entrer dans le

process des jeux, vous soumettre à ces tests. Réalité ou fiction, vous voici dans le monde des jeux ERT.

Procédure de configuration en marche… nous partons. Vous devez posséder la connaissance de ces JEUX à 99 % de mon

propre savoir et surtout ne jamais sortir des jeux, je répète ne jamais sortir, sans respecter les procédures d’éjection. »

Il venait de marteler la dernière phrase, comme s’il s’agissait d’une ques-tion de vie ou de mort !

« La machine est réglée pour juger de votre niveau de stress ou d’angoisse par rapport à des situations à la frontière de la vraisemblance. Pendant la procédure d’essai, nous allons régler vos limites d’émotion de manière à stopper la machine avant que vous ne fassiez un collapsus. Ces seuils doivent être calqués sur ceux ajustés par le président sur mon esprit. ».

*

Chacun sentait l’angoisse s’insinuer sournoisement, mais ils avaient ac-cepté une aventure, certainement la plus intéressante de cette fin de siècle des temps moyen-modernes.

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19 Life Source Quest

*

Childéric laissa sa machine guider la simulation de situations. Cervoclonis ressortait de sa fabuleuse mémoire des scènes tellement cré-

dibles, si proches de la réalité, que les membres de l’équipe les vivaient in-tensément, sursautaient, criaient, avaient le visage tordu par la douleur, riaient comme des enfants, se contorsionnaient, faisaient des gestes inache-vés, tremblaient de peur, mains en position de protection, tentative de fuite, yeux rouges à la limite des larmes, poings fermés, spasmes de membres.

Sa machine, menant les tests, avait volontairement exclu Childéric pour lui laisser observer les réactions des participants et réagir en cas de perte de conscience de l’un d’eux.

Après plusieurs arrêts, la procédure d’essai arriva enfin à son terme.

*

Tous les équipiers étaient hagards, fatigués, mais heureux. Chacun voulait qualifier ses émotions par rapport aux simulations. Il n’y

avait pas de superlatifs suffisamment puissants pour décrire ce qui leur était arrivé…

Tous voulaient continuer l’aventure ; ils ne posaient plus les questions soulevées par Luan au début de la réunion.

Les réponses avaient été trouvées dans la période de tests. Un soupçon traversa cependant l’esprit de Childéric : Cervoclonis

n’avait-il pas glissé quelques messages subliminaux au cours de la forma-tion ?

Après la mise en œuvre de ces tests, Childéric avait l’intention de définir de vive voix les grandes lignes de ces divertissements un peu spéciaux.

Mais, pour continuer le meeting, il devait bloquer mentalement et forte-ment l’intervention de Cervoclonis, la machine montrant une volonté un peu trop forte de leadership sur son utilisateur. Cette détermination se confirmait jour après jour, et malheureusement, Childéric était obligé de vivre cette surprenante situation !

Après mûre réflexion, il se risqua à demander respectueusement à la ma-chine son assistance !

Ebahi, il acquit en retour « l’accord » de la machine, réalisant que la di-plomatie cérébrale portait ses fruits, ce qui apparaissait invraisemblable !!

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Fort du soutien de Cervoclonis, il poursuivit la réunion en abordant le cœur de l’information.

« Nous allons passer, maintenant que chacun de vous est « formaté », à la définition des jeux. »

Au même titre que le Président, il prononça ce mot si usuel dans le monde des informaticiens ; désormais, il en comprenait l’importance !

*

Vous l’avez tous noté, la série des jeux s’appelle : UN PAS DANS L’HUMANITE A LA RECHERCHE DES ORIGINES.

Nous allons parcourir le temps… depuis les origines de l’apparition des primates, vers -70 millions d’années avant J.-C., jusqu’à notre temps, en nous intégrant fictivement aux sites des plus grands événements qui ont fait progresser l’humanité.

Nous négligerons volontairement le laps de temps écoulé entre le Big Bounce et les milliards d’années ayant précédé cette période d’étude avant J.-C., l’humain n’ayant que peu d’influence en ces temps reculés.

Vous devrez choisir l’un des trois scénarios de base proposés par la ma-chine. Découlant de votre choix, vous entrerez dans l’une des aventures. Une seule sera proche, ou sera la réalité historique, géologique, ou politique.

Vous serez intégré dans l’équipée et mènerez l’histoire à votre guise. Certaines invraisemblances baliseront votre quête.

Plus vous laisserez passer d’extravagances, plus la machine se liguera contre vous.

Votre corps accumulera des souffrances physiques fictives et vous ren-contrerez de plus en plus de difficultés, auto-créées par Cervoclonis.

Pour sortir de l’état de peur ou de souffrance, vous devrez lancez la pro-cédure d’éjection.

L’éjection réalisée, vous devrez alors reprendre le jeu au point de départ ; vous serez guidés jusqu’à votre première erreur.

Celle-ci vous sera expliquée. Vous pourrez contester, à la lumière de vos grandes connaissances, la so-

lution proposée. D’autre part, un joueur pourra interrompre son enquête en demandant

avis, à travers moi, au panel d’experts que vous êtes dans vos domaines.

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21 Life Source Quest

Une seule demande de spécialiste sera acceptable par interruption. L’expert désigné devra obligatoirement interrompre sa propre quête et

assister le participant en échec. Si Cervoclonis est porteur de la vraie solution, le joueur en difficulté re-

prendra le jeu avec un handicap à la mesure de son échec. L’expert choisi reprendra sa propre aventure et aura gagné une étape, ou

sera remis dans le bon scénario, si par hasard, lui aussi était en faute. Lorsque la situation, vue par Cervoclonis, divergera de votre propre ap-

préciation de professionnels et que vous aurez raison, nous interromprons le cours des jeux pour discuter des modifications à apporter.

Ce type d’interruption ne sera pas pris en compte dans les temps du jeu, et vous sera rémunéré par ERT.

A chaque arrêt, je me joindrai à vous, d’abord en liaison à distance, puis, si l’événement appelle une expertise sur le terrain, je me rendrai in situ avec les experts désignés.

Je redis, en insistant : grâce à cette phénoménale machine, chacun d’entre vous va être propulsé dans une zone où l’humanité a évolué, et parti-ciper en réalité virtuelle aux péripéties de cette évolution : vous serez un ac-teur intégré dans l’histoire, vous pourrez demander des moyens humains : de l’argent, une armée, des armes, être primate, homo sapiens, général d’armée, Chef d’Etat, député, médecin, souffleur de verre, forgeron, savant, vous pourrez voir votre image dans l’eau, sur le verre, dans des miroirs. Vous ha-biterez et vivrez à votre convenance dans l’histoire du jeu. Si vous êtes un personnage célèbre, vous aurez votre portrait qui apparaîtra dans les lieux où vous passerez.

Votre mental sera le guide de la place tenue dans votre scénario : actif, observateur, témoin.

*

Avant de faire vos choix de scénarios ou durant ce dernier vous pourrez appliquer la procédure d’éjection pour vous rendre rapidement et physique-ment dans le pays, la ville ou le village que nous avons sélectionnés, afin de caresser les vestiges, comparer les images du jeu avec la réalité, ramener des échantillons, les analyser, et confirmer ainsi la véracité des informations contenues dans le périphérique neuronal.

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Chapitre 3 22

Bien sûr, ces recherches retarderont l’échéance de votre propre aven-ture !

La fin de l’histoire s’achèvera par l’avènement d’un pas significatif de l’humanité, positif ou négatif.

Par exemple : le début d’une période de glaciation, le début de l’âge de bronze, la disparition de l’Atlantide, la destruction de Sodome ? Que sais-je encore ?…

Le gagnant sera celui qui résoudra son aventure dans le meilleur temps. Néanmoins, tout le monde sera gagnant, car cet outil vous apportera une

connaissance jamais égalée du monde, et vous comprendrez pas à pas, le gé-nie du fonctionnement de Cervoclonis et de l’extension.

Nous allons partager, peut être pendant une année, cette aventure des temps modernes, vous et deux autres groupes de quatre personnes localisés autour de notre planète.

Pendant cette période, ERT vous offrira une rémunération égale au double de votre salaire actuel augmentée des primes pour découverte de dys-fonctionnements ou d’informations erronées.

Vous êtes l’équipe EL4, EL comme Empire du Levant : le chiffre quatre représente le nombre de personnes.

Quatre de vos homologues auront pour épicentre l’Empire du Moyen-Orient : sigle EMO4. Ils couvriront l’ancienne Europe de l’ouest et du nord, l’Inde et ses pays satellites, le continent africain, intégrant bien sûr la Nation d’Égypte et de l’ancienne Nubie.

Les quatre derniers s’occuperont des continents américains, surtout de l’Amérique du sud. Ils auront pour sigle EAM4. »

*

Childéric avait le regard passionné des personnes en état d’excitation ex-trême. La symbiose avec Cervoclonis décuplait ses facultés.

« J’en ai fini de mes explications, avez-vous des questions à poser ? », demanda-t’ilil en quittant son état de transe, découvrant un auditoire aba-sourdi par les premiers échanges entre leur machine et leur moi profond.

Luan se leva alors ; sa machine sur la tête lui faisait une auréole. « Parlez-nous plus précisément des procédures d’éjection ? », dit-elle,

avec un brin de suspicion.

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23 Life Source Quest

*

Childéric demanda à Cervoclonis de définir la fonction. Les mots arrivè-rent du plus profond de son extension neuronale.

« Votre requête vers la machine est mentale. Elle peut également être ex-terne et provenir du maître des jeux, ou du président.

Lorsqu’elle émane de vous, elle ne fonctionne que lorsque vous êtes en situation d’échec, le nombre d’erreurs jugées par votre machine étant impor-tant et/ou votre situation de stress arrivant au maximum du réglage effectué lors de notre rencontre.

Vous disposez d’une procédure d’urgence automatique qui prend en compte une éventuelle perte de connaissance, ou un emballement du proces-sus d’activité neuronale de la machine. ».

*

Childéric n’avait pas posé cette question au président et venait de com-prendre la mise en garde sur les procédures d’éjection !

« D’autres questions ? », lança-t’il. Les extensions neuronales commençaient sûrement à prendre possession

des masses de matière grise des participants, comme elles l’avaient fait sur le cerveau de Childéric. Heureusement, il avait découvert très récemment, une sorte de possibilité de modus vivendi diplomatique inter cérébral.

« Aucune autre demande ? », répéta-t’il, pour avoir la certitude d’avoir satisfait la curiosité des participants.

« Bien, nous allons lancer les jeux. Vous découvrirez, en commençant, chacune des qualifications des huit autres experts, dont vous aurez peut être besoin lorsque vous les solliciterez mentalement.

Nous pourrons, en demande extraordinaire, nous adresser au président ! Quant à moi, je reprends la navette pour prendre contact avec les 2 autres

équipes. Bon voyage et surtout regagnez vos domiciles, l’initialisation des jeux sera faite lors de votre arrivée. ».

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Chapitre 4

Luan Shing Peï essayait de se relaxer et de faire le point dans l’aéronef effectuant la navette entre Guangzhou et la petite ville de Qufu où elle rési-dait. Les liaisons de moins de 2 000 Kms se faisaient dans d’étranges mont-golfières aux formes aérodynamiques. Leur surface était couverte de cellules aéro-thermo-solaires, qui, au contact de l’air, de la chaleur ambiante, et d’une première prise de vitesse, avaient la faculté de réduire le poids du corps transporté et le coefficient de frottement dans l’air.

Il suffisait, alors, de la propulsion d’une turbine à photons de faible puis-sance pour atteindre une vitesse sans limite dans les airs. Seule la résistance de l’être humain aux accélérations et à l’effet de vélocité définissait les bar-rières.

Perdue dans ses pensées, Luan venait de ressentir le besoin impérieux de reprendre Cervoclonis.

Pour y résister, elle se raccrochait aux souvenirs de son enfance entre les mains des éducateurs de l’Empire, qui lui avaient enseigné les bases de la société néo-individualiste !

En cet instant, elle ressentait confusément qu’elle ne pourrait se plier ni à la solitude engendrée par ce système ni à l’autonomie requise par le principe même de base, pas plus qu’aux règles tellement strictes d’hygiène qui lui gâchaient la vie.

Elle était le double biologique de cette femme partie pour le grand voyage juste après la réussite de son clonage. Elle n’avait jamais connue cette génitrice qu’elle qualifiait de mère, et pourtant en se regardant dans la glace, elle était en face d’elle ! Luan avait parfois l’impression de ne pas être le clone mais, elle, enfin, l’autre.

Pour ne pas tomber dans la folie, elle s’était forgée une carapace de froi-deur, la protégeant de toutes les agressions qu’elle avait dû subir à l’école, à l’université, ou dans son entreprise. A chaque nouvelle rencontre, ou étape dans sa vie, on lui demandait ses antécédents de naissance, ou le nom de ses parents !

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25 Life Source Quest

Elle répondait : « l’Empire ». A partir de cet instant, elle était agressée verbalement et mise à l’écart.

Jamais elle n’avait été attaquée corporellement ; mais, être ignorée était bien plus cruel.

Elle construisait alors, au tréfonds d’elle-même, un mur, s’élevant, ad-monestation par admonestation, raillerie par raillerie, accusation par accusa-tion, manque d’amour par manque d’amour.

Et pourtant, elle ressentait au fond de son être, l’autre, celle qu’elle n’avait jamais connue. Elle sentait, en fait, non, elle était l’autre, sa mère, mais dans un contexte tellement différent !!!

Et l’autre avait été : aimante, aimable, conviviale, enjouée, pleine de compassion, altruiste, tout le contraire de l’image portée par cette société néo-individualiste !

*

Luan repensait aux instants intenses vécus en serrant la main de Childé-ric.

Elle aurait dû la lâcher, se dégager comme le voulait le protocole. Non, elle avait laissé agir l’autre. Elle avait laissé rosir ses joues de nacre. Elle avait joui de l’instant, et ressenti une émotion tellement forte, quelque part dans l’abîme de son moi.

Puis, le contrôle de son émotion l’avait conduite à ce rictus de dégoût, que Luan, le clone, avait appris de la vie.

*

Un mouvement de l’aéronef la sortit de ses pensées. La procédure de descente venait d’être amorcée ; elle contempla avec

émotion par le hublot les dédales du grand fleuve Houang Ho. A cet endroit, il se jetait dans le golfe du Bohaï, le colorant de ses eaux jaunâtres. Elle ad-mira avec fierté le temple de Confucius au milieu de son parc de verdure.

Elle aimait cette petite ville ; elle en connaissait toutes les rues, bien qu’elle ait été cloîtrée durant l’essentiel de son adolescence.

L’aéronef venant de se poser verticalement telle une plume, elle décida d’oublier l’époque de sa formation « d’Empire et ses précepteurs endoctri-nés ».

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Chapitre 4 26

Elle découvrit ses voisins ; d’un petit signe, ils la saluèrent, quittant comme elle cette étrange navette.

*

Conformément au règlement, tous les voyageurs sortaient en rangs serrés par les couloirs de désinfection, seule voie de sortie autorisée !

Personne n’était là pour faire respecter la loi. La société néo-individualiste comptait sur le civisme du peuple !

Que risquait Luan de ne pas être purifiée ? Quasi rien, sinon, disaient les comités d’hygiène, une baisse des défenses immunitaires… possible.

La méthode d’asepsie n’avait rien de désagréable ; Luan aimait bien cette lumière purificatrice, faisant apparaître l’aura.

Elle se rendit à pied vers sa maison. Cette fin de juillet 2 080 était tropi-cale, les parterres de fleurs qu’elle cultivait avec patience aimaient cette cha-leur. Leurs couleurs resplendissaient, comme pour l’inciter à toujours revenir ici, dans sa demeure, dans son chez elle !!

Sur le point de pénétrer dans la villa, elle fit un pas en arrière, réalisant que tout allait changer dans sa vie dès qu’elle en franchirait le seuil.

Luan savait qu’en passant l’entrée, Cervoclonis sur la tête, tous les cap-teurs géodésiques repéreraient sa présence et elle serait précipitée alors dans le plus fabuleux jeu jamais édité de mémoire d’humain.

Résolument, elle fixa Cervoclonis avant d’entrer. Elle s’étonnait encore de ce début d’aventure vécue, mais elle entendait bien fermement la conti-nuer.

*

Tout ceci était arrivé grâce à une simple publicité de Cervoclonis parue dans une revue technique spécialisée quelques mois auparavant !

Ayant hérité des biens de son double biologique, Luan n’avait pas de soucis d’argent, seulement de solitude !

Elle comptait bien ainsi sortir de son isolement, grâce à cette machine extrêmement coûteuse, mais tellement perfectionnée.

*

La porte s’ouvrit lorsqu’elle en manifesta le désir.

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27 Life Source Quest

Elle regarda, troublée, ses vieux fauteuils datant d’une autre époque, mais elle les aimait…

Ils avaient parcouru le temps de sa « mère » et de la mère de sa mère. Luan se raccrochait à tout ce que son double biologique lui avait légué. Peu importait la valeur, elle adorait ces objets : cette vieille pendule en marbre qui ne battait plus le temps, cette lampe à pétrole ne s’allumant plus en l’absence du liquide nourricier, et ce lustre décorant encore le plafond du sa-lon alors que les murs devenaient phosphorescents dès la disparition du jour.

Tout ceci était son monde à elle !!! Les comités d’hygiène la pénalisaient lourdement pour avoir le droit d’être

là, au milieu de ses vieux fauteuils et de ses meubles en bois précieux qu’elle ne pouvait plus enduire de cire amoureusement.

Lorsque la solitude devenait trop pressante, elle les lustrait furieusement, mettant encore à jour un reste de vieille encaustique.

Luan Shing Peï était sentimentale. Une fois son enveloppe sociale enle-vée, elle était comme son vieux mobilier : démodée, obsolète !

Combien de temps encore allait-elle porter le poids de ses deux person-nalités ? L’une lourde, visible, celle de ce monde, l’autre cachée, héritage de sa naissance spéciale, mais ressurgissant tellement souvent !!!

Cervoclonis était entré dans sa vie pour la distraire. Le module neuronal, depuis cette rencontre de Guangzhou, avait comblé, lui semblait-il, une partie de cette bivalence spirituelle instable.

Elle se sentait désormais une autre personne. Curieusement, cette fois, elle ne s’était pas précipitée pour caresser la

chaleur naturelle du bois rare, le velouté des tissus des fauteuils. Elle s’était simplement assise et avait déclenché sans angoisse ni regret, l’aventure pro-posée par le président, en enfilant son étrange machine.

*

Il ne lui restait plus qu’à prononcer le nom du jeu ; elle découvrirait alors sa mission !

Elle rêvait depuis si longtemps de cet instant ! Devant ses yeux, les premiers hologrammes apparaissaient, faisant dispa-

raître son environnement et la projetant dans le début de l’aventure.

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Chapitre 4 28

Un ballet d’images et de senteurs lui présentait le monde d’ERT ; le pré-sident en personne ouvrit, par ses propos, le début de l’un des jeux les plus phénoménaux de ce siècle.

Il s’adressa à elle, accueillant, voire sympathique, buvant un café fumant, lui parlant comme s’il la connaissait intimement :

« Prenez conscience… je suis vraiment à vos côtés. Le café que je sa-voure diffuse des senteurs que vous captez, j’en suis sûr. Touchez ma main, maintenant l’autre, que ressentez-vous ? Suis-je bien près de vous ? Oui, oui, n’est-ce pas ? Ceci est le monde de Cervoclonis, ceci est la preuve que ce jeu est unique ! ».

Le visage du président était éclairé de passion. De fines gouttes de sueurs perlaient de son visage ; ses pommettes saillantes frémissaient. Luan trem-blait d’incrédulité et de peur.

Il reprit : « Luan Shing Peï, nous vous avons sélectionnée parce que votre exper-

tise archéologique nous est précieuse. Vous allez avoir l’occasion de décou-vrir avec ERT la formidable histoire de ce que nous croyons être l’Atlantide. Nous en avons retrouvé les traces, grâce à Cervoclonis et nos extensions neuronales et… à notre équipe de savants.

Luan Shing Peï, 3 scénarios vous sont proposés : – Scénario 1 : l’Atlantide a été le fruit de l’imagination de l’humanité.

Vous allez retrouver en suivant cette voie, les traces de documents, films et littérature ; paysages et personnages seront fictifs. Vous vivrez une aventure tellement réelle, dans laquelle vous devrez dénouer le vrai du faux et aboutir à l’instant précédant la destruction de ce peuple.

– Scénario 2 : l’Atlantide était une partie de la Terre qui a disparue de la surface et s’est enfoncée dans la mer, lors de la dislocation des races et cer-tains continents de la Terre, vers -65 Millions d’années avant J.-C. Ceci s’est passé vraisemblablement après la collision avec un astéroïde.

L’équipe d’ERT a des preuves irréfutables de l’existence de cette civili-sation.

– Scénario 3 : Le début de la civilisation des Atlantes est situé vers -10 000 ans avant J.-C. et sa destruction totale se situe vers -9 000 avant J.-C., après avoir vécu uniquement sous la mer, pour 1 million d’entre eux pendant un millénaire.

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29 Life Source Quest

ERT a des preuves irréfutables de l’existence de cette civilisation sur terre et sous la mer. ».

*

Laissant à son interlocutrice le soin de réaliser l’ampleur de ses propos, le président reprit passionnément son monologue :

« Vous devez choisir le scénario le plus réaliste et partir à l’aventure. Vous remarquerez que, dans deux cas, ERT possède des preuves irréfutables de la civilisation des Atlantes ; de plus, vous avez été choisie.

Il se peut, aussi, que mes commentaires additionnels ne soient là que pour embrouiller votre choix !!

Bon courage. Vous avez une journée au maximum pour faire votre choix. ».

Le président avala son café et disparut de la pièce, comme il était venu ; Luan réfréna sa panique, frottant ses mains moites d’angoisse.

Sa disparition soudaine lui fit reprendre le contrôle d’elle-même. Son esprit méthodique reprenait le dessus, et, perplexe, elle songeait au

challenge du jeu. Spontanément, le scénario 1 lui paraissait le plus réaliste et le plus do-

cumenté. Par contre, pourquoi aurait-on besoin d’une archéologue pour une chimère ? Il y avait aussi le lieu géographique pour lequel elle avait été choi-sie ! Le président l’aidait-il, ou jouait-il avec son ignorance du sujet ?

Elle savait que le choix était fondamental pour la rapidité du jeu : ERT ne pouvait garder un participant sur une légende pendant un an !

Si ERT possédait des preuves irréfutables de l’existence des Atlantes, l’archéologue qu’elle était allait jouir d’informations d’une valeur inesti-mable !

Il lui restait un jour complet pour choisir. Childéric allait-il lui trans-mettre des indices complémentaires avant la fin de cette première journée ?

Cette pensée s’imposait à elle… Pourquoi Childéric l’appellerait-il, elle ? Elle se sentait seule à nouveau, et se rassura, en pensant qu’elle n’était pas encore dans le process du jeu. Ainsi, elle n’était pas obligée d’appliquer les fameuses procédures d’exit.

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Chapitre 4 30

D’ores et déjà elle pouvait demander l’avis d’un expert, ou se renseigner sur les dernières revues scientifiques pour découvrir d’hypothétiques infor-mations datées de la veille, sur ce sujet.

Sa décision étant prise, elle lança une requête mentale à l’extension neu-ronale, pour connaître la définition des experts des équipes EMO4 et EAM4.

Elle tomba d’abord sur les informations de l’équipe EMO4 : un archéologue très connu en égyptologie et écritures diverses, un méde-

cin expert en psychiatrie, une astronaute et une experte en astrologie. Les informations sur l’équipe de l’Empire d’Amérique arrivèrent à la

suite : un volcanologue, un archéologue spécialisé en civilisations inca et maya,

un expert en astronomie, et une journaliste spécialiste en OVNI.

*

Alors qu’elle lisait le détail des qualifications de ses futurs collègues, des questions revenaient en rafale à son esprit fécond.

Pourquoi elle ? Pourquoi avait-elle ressenti ce besoin si fort d’accepter ? Les autres participants avaient-ils été aussi attirés qu’elle ? Avaient-ils été choisis pour leur profession, leurs capacités, leur margi-

nalité ? Pouvaient-ils alors avoir deviné qu’elle était rebelle à cette société néo-

individualiste ? Quel rapport, quel point commun entre des scientifiques, des astrologues

et un journaliste ? Quels avaient été les critères de choix ? Luan se torturait l’esprit inutilement !

*

Elle avait été choisie par Cervoclonis, donc le président. Elle était un maillon au même titre que ses futurs collègues, Childéric notamment, ainsi que tous ceux que le président malaxait, formatait, endoctrinait…

Mais un maillon d’une utilité considérable !!!

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Chapitre 5

Childéric vivait les procédures d’atterrissage sur la mégapole du Caire, deux heures après son départ de Guangzhou. La durée réduite du voyage était possible grâce aux nombreuses navettes à départs réguliers, accomplis-sant les longues distances terrestres et les liaisons vers les stations orbitales.

Cette ville tentaculaire lui apparaissait, dans la pénombre de la nuit, bril-lante de mille feux.

Des traînées de lumières filantes louvoyaient en suivant le large ruban du Nil. D’immenses gratte-ciel remplaçaient en de nombreux endroits les pointes acérées des minarets des anciennes mosquées ; la ville avait subi de plein fouet les règles de la société néo-individualiste en matière de bannis-sement des religions !

Seules, défiant le temps, désormais quasiment dans la ville, s’étalaient les grandes pyramides.

Les noms magiques fixés sur leurs sommets, d’abord Gizeh, puis très au loin, Kheops, Khephren, apparaissaient, aberrants dans la noirceur de la nuit.

Le Caire, et ses soixante millions de cairotes, vivaient leurs heures de té-nèbres.

Childéric observait avec un brin d’angoisse cette cité millénaire dont les rues éclairées se tachaient de temps en temps du passage d’un véhicule à photons.

*

L’arrivée un peu brusque sur le tarmac lui fit songer à nouveau à sa mis-sion.

Il fit mentalement un bref point de sa journée passée pendant les quelques minutes d’attente dans l’aéroport, puis, se fit conduire vers l’un des rares hôtels d’Empire de la ville.

Sans attendre, il se rendit dans sa chambre, déposa Cervoclonis et s’allongea sur le lit propice. Il s’endormit sans le vouloir, revivant dans sa tête ce qui lui avait été enseigné de manière subliminale par sa machine.

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Chapitre 5 32

Une première constatation s’imposait ; il était satisfait du comportement des équipiers d’EL4 et de Cervoclonis avec lequel il débutait un semblant de cohabitation.

Son apprentissage de vie commune avec la machine commençait à porter ses fruits, des fruits surprenants !

Il n’avait jamais ressenti auparavant, en utilisant Cervoclonis sans l’extension neuronale, les sentiments ou émotions perçus désormais.

Etrangement la machine lui apprenait à ouvrir les yeux sur le monde, lui en apportant une image précise, non-conformiste, lui en apprenant les méca-nismes, ceux de la vie, du corps et de ses besoins, finalement, le sortant du sillon de la société néo-individualiste actuelle, de ses travers et de ses excès !

Le culte de l’intelligence plutôt que celui du corps ne sapait-il pas les ra-cines du fondement même de l’existence de la race humaine?

L’homme, possédant une enveloppe charnelle et un cerveau, se devait de prendre en compte les deux sans en sous utiliser un !

La rencontre avec Takamaki Sone lui avait fait confusément prendre

conscience des limites du système actuel ; l’éducation ainsi que les modes de vie ancestraux de l’ancien Japon, ouvraient à Childéric une voie de réflexion que Cervoclonis paraissait approuver !

Le nouveau mode de société néo individualiste en vigueur dans les pays développés n’avait pas été créé par des hommes politiques. Il était la consé-quence invraisemblable de comportements récurrents des êtres humains du-rant des décennies, positionnant naturellement l’égocentrisme et l’individualisme au coeur de la société.

Ces comportements se trouvaient en opposition totale aux coutumes an-ciennes basées sur la famille !

Face à ces attitudes, les grandes entreprises construisirent des machines encore plus perfectionnées, pour assister la solitude résultat de cet individua-lisme, substituant les besoins du corps par des simulations émotio-sensorielles !

*

L’orgasme, par exemple, fut analysé en 2 060 comme purement cérébral, et de ce fait, de nouveaux programmes informatiques dédiés permettaient de

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33 Life Source Quest

rentrer dans un mécanisme de séduction à distance, et garantissaient un plai-sir simultané sur liaisons cryptées informatiques !!!

Tout ceci rendait l’individu dépendant de ces robots, humanoïdes, ani-maux électroniques, ou assistants de tout type.

Tous ces artifices laissaient beaucoup de temps libre à l’intellect, aux dé-pens du corps dont les fonctions étaient quasiment toutes remplies par ces engins ultra-sophistiqués.

Du fait de l’égocentrisme et de la virtualité à outrance des rapports hu-mains, les êtres naissaient par de multiples processus. Si l’on était riche ou pauvre, la manière de venir au monde était différente : clonage, parthénoge-nèse artificielle, insémination artificielle…

L’amour existait- il encore ? Il n’y avait plus de mariage et très peu de grossesses naturelles ! Ce rite subsistait dans les pays en voie de développe-ment, hors des grands Empires.

Cervoclonis, et surtout l’extension neuronale contenait en son cerveau biochimique cette perception profonde des besoins actuels et passés de l’humain : un corps, un esprit en harmonie, un respect de l’un pour l’autre, la notion d’entraide, l’altruisme, l’amour.

Découlant de cette osmose avec la machine, il apparaissait à Childéric, l’évidence à terme de l’ineptie des lois ou expériences de ces dernières dé-cennies.

Ces pensées cervocloniques s’étaient infiltrées dans la tête de Childéric ; nouvelles, incongrues, irréelles, voire encore incompréhensibles.

Par exemple, la poignée de main soutenue à Luan ne lui paraissait plus déplacée ; elle avait déclenché en lui une émotion jusque-là inconnue !

*

A ce stade de ses songes, Childéric s’aperçut qu’il était l’heure de se le-ver.

Il prit un breuvage que ses parents appelaient café mais n’en avait plus que l’apparence.

Dans le domaine médical, quelques années plus tôt, en 2 030, le savant Aristide Barrates avait conçu une méthode infaillible pour éradiquer dès la naissance, les effets néfastes des maladies infectieuses.

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Chapitre 5 34

De ce fait, selon les découvertes de ce savant, toute nourriture, donc le café, devait contenir les composants mystérieux permettant la garantie de travail de 55 ans et de durée de vie de 75 ans !

Peu importait la saveur en résultant, de toute manière, il n’y avait pas d’alternative, surtout ici à l’autre bout du monde !!

*

Rassasié, désormais sans angoisse, il se rendit sur les lieux du rendez-vous avec EMO4, remit en place Cervoclonis sur le sommet de son crâne en entrant, et contempla la salle.

Ses nouveaux « élèves » chaussaient en même temps leur extraordinaire machine. Cervoclonis venait encore de le précéder et de guider mentalement les actions des quatre participants de cette équipe de l’Empire du Moyen-Orient !

Childéric avait en face de lui ce nouveau groupe. Il leur enseigna du mieux qu’il put l’usage de l’extension neuronale. Cervoclonis et lui-même étaient en harmonie, au moins le lui semblait-il !!!

*

Le soir même, il repartit pour Mexico City par la dernière navette, à la rencontre d’EAM4.

Childéric commençait à sentir la fatigue lorsqu’il se séparait de Cervo-clonis. Ces instants, devenus si rares depuis l’initialisation du jeu, lui don-naient le temps de synthétiser des situations que la machine avait managées à sa place, tant l’esprit d’analyse de cette dernière était parfait et rapide.

Dorénavant, l’état de dépendance n’était plus pris négativement mais plutôt comme une association fructueuse de deux intelligences complémen-taires, bien qu’il n’appréciât toujours pas les initiatives de la machine prises à sa place lors de nouveaux problèmes !

Il en avait pris son parti, n’ayant d’autre échappatoire que de se séparer physiquement de la machine en la plaçant de plus en plus loin de lui.

Il avait remarqué, en effet, que celle-ci s’accommodait tellement de leur association que le mode de transmission des échanges de pensées se réalisait maintenant à plus de trois mètres de distance !!

Hors de ces limites Childéric préservait son ego, bien que plusieurs fois il se soit fait piéger ayant par mégarde posé Cervoclonis dans cet espace.

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35 Life Source Quest

Mais, jour après jour, la machine augmentait sa zone de contrôle, centi-mètre par centimètre, tel un animal accroissant son emprise sur ses maîtres et observant leurs réactions !!

Ce processus faisait-il partie de la fonction d’auto-création, ou était-ce une fonction du jeu qui n’était connue que du président ?

Il sortit de sa léthargie bienfaisante lorsque la navette prépara ses procé-dures d’atterrissage. A cet instant du voyage, Childéric prit la décision de rédiger son premier rapport au président.

Dans le flot de passagers s’éloignant de la navette, il était libre de conti-nuer sa réflexion, Cervoclonis ayant voyagé dans la soute et se trouvant éloigné de lui de plus de cent mètres en ce moment.

*

Alors qu’il se rendait à Mexico City dans un vieux train à sustentation magnétique, l’emprise à distance de Cervoclonis se fit ressentir, mais Chil-déric n’en était plus surpris.

Il était presque heureux de retrouver ce contact spirituel, si enrichissant, mais tellement supérieur à lui.

Childéric avait pourtant réussi ses études en sortant major de la section intelligence artificielle du MIT, qui recevait l’élite scientifique du monde !

Peut-être avait-il été choisi par le président pour cette raison, ou pour d’autres, qui lui échappaient encore ?

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Chapitre 6

Dès son arrivée à l’hôtel d’Empire, Childéric avait placé Cervoclonis au-delà de sa fameuse zone de contrôle, bien au-delà.

Il voulait par ce biais réaliser seul ce premier rapport avec son raisonne-ment imparfait d’humain.

« Mexico city, hôtel d’Empire, 28 juillet 2 080. 21 h 00, heure locale. Ce rapport pré-crypté est rédigé avant la fin du périple de formation des

équipes choisies. Trop de choses étranges ou d’événements se produisent hors ma propre volonté, et surtout, en absence totale de définitions ou d’explications dans les manuels de la machine.

– Endoctrinement Les débordements « endoctrinaires » de Cervoclonis remettent en cause

des acquis de civisme du système néo-individualiste. Ceci me met en porte-à-faux vis-à-vis des lois ou règlements, et pourrait me faire vouer au ban de notre système social actuel.

Mon angoisse est que ces problèmes puissent venir de la fonction d’auto-création de Cervoclonis et qu’il n’y ait pas de garde-fou, sauf la démence ou la mort, ce qui ne peut exister dans le système actuel

Des explications seraient les bienvenues, car je le suppose, les respon-sables des jeux individuels (Luan Shing Peï, Helena McDonagh, James Klin-ton, Takamaki Sone) vont recevoir les mêmes données.

Je souhaiterais que les fonctionnalités très particulières de la machine ne leur soient pas appliquées, car ils ne sont pas des employés à vie d’ERT. De ce fait, ils doivent conserver toutes leurs facultés propres pour la suite de leur carrière !

Je retrace quelques exemples : Dès le départ et après la programmation en vos bureaux, la machine s’est

arrogée le droit d’explorer mon essence spirituelle, biologique et physique. Je suis obligé de déposer Cervoclonis très loin de moi pour préserver un

peu de mon intégrité intellectuelle.

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37 Life Source Quest

Seul un éloignement de plus de 3 mètres de la machine m’en dissocie ! Chaque jour qui passe, son emprise s’agrandit d’environ dix centimètres. Bien sûr, ceci n’est pas indiqué dans les manuels de fonctionnement de

Cervoclonis ! Lors de notre première rencontre avec l’équipe EL4, Cervoclonis m’a

mis dans l’embarras en détournant l’application du protocole gestuel. Cette… machine s’est même permis de porter un jugement sur le phy-

sique, il est vrai, agréable de Luan Shing Peï !!! En l’absence d’explications de votre part, immédiatement en retour, je

me verrai dans l’obligation de me séparer définitivement de Cervoclonis. – Fonctionnement Hormis les errements décrits ci-dessus, personne n’a signalé de dysfonc-

tionnements majeurs, ni mineurs d’ailleurs. La procédure « d’exit » des jeux est très compliquée et les motivations de

ce process, obscures… Je n’imaginais pas que les participants l’acceptent. L’explication doit être contenue dans le paragraphe endoctrinement !! – Avancement de la formation Demain 29 juillet, je dispenserai ou ne dispenserai pas la formation à

EAM4 sur l’extension neuronale. Tout dépendra de votre réponse à ce rapport. Seule l’équipe EL4 peut démarrer le jeu après l’établissement de mon

QG de contrôle, ce que je n’ai pas encore fait, par manque d’informations. Veuillez excuser cet ultimatum, mais en temps que maître des jeux, je

dois… tout savoir. Si la portion de connaissance du jeu dont vous êtes seul titulaire contient

les réponses à ces questions, merci de me répondre… sinon ma tâche, telle qu’elle m’apparaît aujourd’hui, deviendrait alors impossible pour des raisons morales ou civiques.

– Conclusion Une réponse pertinente et urgente à ce rapport est exigée. – Une remise à niveau des extensions neuronales, pour en éviter les ex-

cès, me semble un minimum.

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Chapitre 6 38

– L’établissement d’une hiérarchie, entre les extensions (modules neuro-naux), le module de base (Cervoclonis) ainsi que les utilisateurs, serait ap-proprié.

Peut être, cette hiérarchie n’est-elle pas applicable, à cause de la fameuse capacité d’autocréation ?

*

En rédigeant ce rapport, Childéric sentait monter en lui une fureur conte-nue, une impuissance larvée, un regret impossible.

Il était piégé, pieds et mains liés ; le président contrôlait le jeu. Malgré cette situation, il ne pouvait que réagir pour afficher son mécon-

tentement, sa désapprobation, et prouver qu’il n’était pas dupe des violations réitérées du système et des limites édictées par les comités d’éthique.

*

Sûr de la teneur de son rapport, de son contenu provocateur, il se rappro-cha de Cervoclonis et entreprit de transférer l’ensemble du texte.

Il était 3 heures 30 de la nuit du 28 au 29 juillet 2 080 là où se trouvait le président : il faudrait sûrement attendre le lendemain pour l’obtention de la réponse.

*

La transmission effectuée, Childéric appuya son front brûlant contre la vitre froide et la frappa hystériquement de ses deux mains crispées. Les jambes tendues, tétanisées, il repoussait impuissant, spasmodiquement, l’immense baie vitrée de sa chambre.

Il n’avait jamais été dans un tel état de dualité ; rébellion contre lui même, et faiblesse face à cette situation !!

Il ne voyait pas briller la ville de toute sa phosphorescence multicolore !! Pourtant la mégapole de l’Empire d’Amérique, Mexico City vivait dans

un silence étrange. On pouvait deviner les migrations de milliers de travail-leurs au travers des traits de lumière venant des accélérations des véhicules à photons.

En tendant l’oreille, on percevait les bruits humains, qui, seuls, rom-paient le silence de ces ténèbres laborieuses.

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39 Life Source Quest

Childéric ne dormirait pas cette nuit ! Sauf si le président manifestait un quelconque intérêt pour ce qu’il con-

sidérait comme un appel au secours !

Chapitre 7

Le président ne dormait plus depuis des mois, son projet prenant tour-nure. Il était néanmoins le seul à connaître la vraie nature de ses investiga-tions ; cette solitude lui pesait !

Le 28 juillet, il venait de rencontrer virtuellement Luan Shing Peï dans sa ville de QUFU ; il avait été surpris des résultats des introspections sulfu-reuses de l’extension neuronale la concernant.

Elle s’était construite une carapace sur les préceptes de l’Empire ! Cette enveloppe se brisait à la première émotion ; Cervoclonis n’avait donc pas eu à la formater selon le concept du président !

Ce dernier réalisait que plus les individus étaient inféodés au système néo-individualiste, plus brutale était l’incursion de Cervoclonis, équipé de l’extension, dans le conscient et le subconscient de leurs propriétaires.

Dès la première couche de matière grise, il n’y avait eu aucun problème pour formater Luan, car la machine trouvait une structure identique à la sienne, donc identique à la structure mentale du président, sous son armure intellectuelle !

Le président avait abordé la réunion virtuelle avec Luan, se sentant réel-lement en harmonie avec son esprit. Il avait souri au début de l’entretien et lui avait donné de précieuses informations qu’il ne transmettrait certaine-ment pas aux autres candidats.

Il regrettait d’avoir ensuite semé la confusion sur la véracité de ces ren-seignements.

Il devrait aussi s’amender auprès de Childéric pour avoir lancé le jeu sur

l’Atlantide sans l’informer en temps réel, alors que cette tâche appartenait au maître des jeux.

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Chapitre 7 40

Il avait des raisons inavouables et très personnelles pour avoir dérogé aux accords de managements conclu avec Childéric !

Il regarda l’heure comme tout insomniaque : 3 h 30mn, 29 juillet. Le temps n’avançait pas !

*

A ce stade de ses pensées, Cervoclonis l’avertit de l’arrivée d’un mes-sage crypté en provenance de Childéric.

Un message… codé ? Cette procédure était exceptionnelle ! Elle utilisait Cervoclonis dans ses fonctionnalités de sécurité, ce qui exprimait un dys-fonctionnement majeur !

Son utilisateur transformait cette énorme intelligence en un vulgaire télé-copieur !

Jamais le président n’avait eu ce mode d’opération depuis la mise en ser-vice de la configuration de base de Cervoclonis !

Le message s’afficha sur le mur de son salon. Le président en réalisa l’origine, comprenant, en le parcourant, que Childéric avait réellement été imprégné par son éducation néo-individualiste, et avait du mal à en sortir !

Il établit aussitôt la liaison.

*

Le président apparut dans la chambre où son maître des jeux tournait comme un fauve en cage, le module situé dans la zone de liaison neuronale.

« Bonjour Mr Reyna, », dit-il, solennel et un brin autoritaire. J’ai lu votre rapport, et en ai compris la teneur. ». Childéric, surpris par le timbre de la voix si caractéristique, se précipita

vers Cervoclonis, ne réalisant pas que le contact était déjà établi ! Le président continuait ne prenant pas en compte le trouble de son inter-

locuteur : « Sachez que votre aventure se déroule exactement comme prévue ! N’ayez aucune crainte vous êtes sous ma protection. Aucun des membres

de l’équipe ne perçoit de la même manière ce que vous vivez, car vous êtes le maître des jeux. A ce titre vous bénéficiez de fonctions et privilèges parti-culiers. ».

Un silence ponctua le discours, laissant à Childéric le temps de réaliser.

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41 Life Source Quest

« Je répète, vous êtes sous ma protection pour des raisons suffisamment puissantes. Ces causes vous seront expliquées à la fin du jeu. Ayez con-fiance ! ».

Les procédures d’exit sont telles que la machine l’a exprimé, mais ceci n’est pas la véritable réalité du jeu…

Si vous surveillez suffisamment vos équipiers, vous déterminerez vous-même, à votre guise, les moments opportuns d’éjection du jeu sans souf-france, ni démence !

Votre machine ne connaît pas ce que je viens de vous confier et ne le saura jamais, ceci à cause de cette fonction d’autocréation qui m’échappe à moi le président, et lui laisse trop de latitudes dans ses choix !

En vous parlant ce soir, j’utilise une procédure occultant 90 % des fonc-tionnalités de la machine.

Vous avez pu constater, d’autre part, que Cervoclonis vous ouvre des ho-rizons sociaux différents, en rétablissant en vous deux notions perdues : le libre choix et l’esprit critique.

Ceci est exactement le contraire de l’endoctrinement… ne croyez-vous pas ?

Pensez que j’ai volontairement laissé dans la machine les softwares que les équipes de réalisation du projet Cervoclonis ont insérés il y a trente ans déjà !

Trente années plus tôt, Cervoclonis existait déjà en laboratoire ; c’est la maîtrise technologique de la bio-matière, applicable à ce module, qui nous a retardés de toutes ces années !

A cette époque, la société humaine n’était pas la même, elle avait de bonnes raisons d’exister encore ! Mais ceci serait un trop long débat. Sachez que j’en suis nostalgique !

Selon ma pensée, Cervoclonis et l’extension neuronale vous apprennent un peu de cette époque révolue.

Ceci n’est pas secondaire dans la compréhension du jeu car nous allons, ne l’oubliez pas, dans le passé.

Sachez que je ne vous ai pas tout expliqué, mais comprenez que vous êtes guidé et… apprécié !

Au revoir Mr Reyna. » Un silence d’orateur.

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Chapitre 7 42

Son hologramme se mit à vibrer : « Ah, au fait j’ai lancé le jeu auprès de Luan Shing Peï », ajouta t-il sans

s’excuser. A la dernière phrase, Childéric ne put s’empêcher de maudire le prési-

dent. Il ne respectait rien, du moins ce que Childéric avait appris en forma-tion d’Empire.

Pour le reste du discours, il essayait d’en faire le décodage ! L’hologramme du président disparut, comme il s’était formé… instanta-

nément !

*

Childéric avait fait un rapport provocateur, passionné, utilisé une mé-thode de transmission défendue.

Le président avait donné des explications à sa manière, et ne répondait pas de manière précise et circonstanciée.

Néanmoins, il avait accusé réception sans attendre, dans un langage se-rein dénué de toute acrimonie ou moquerie.

Il avait même dit textuellement, presque paternaliste : « Comprenez que vous êtes guidé et apprécié » !

*

Après une longue période de réflexion Childéric décida de reprendre sa place de maître des jeux, que, de toute manière il ne pouvait quitter !

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Chapitre 8

A la suite de l’intervention du président, Childéric réalisa que le jeu de Luan devait être lancé. Il devait programmer rapidement le système de su-pervision des participants, pour en prendre la surveillance, voire le contrôle.

Il ne dormirait pas ce soir, mais pour des raisons gratifiantes et totale-ment différentes de celles qui le hantaient avant la visite cervoclonique du président.

Il se sentait à nouveau potentiellement investi du rôle de manager. Sa responsabilité, à la suite de cette discussion nocturne, prenait une

tournure passionnante car additionnée d’un ingrédient supplémentaire : le sel du mystère, élément dont le président savait si bien se servir !!

Childéric acceptait maintenant la prédominance du concepteur de la ma-chine sur lui, de même que sa prééminence sur la connaissance des véri-tables objectifs !

Quel prix devrait-il payer pour tenir ce rôle de maître des jeux, et décou-vrir les énigmes de l’aventure ? Certainement pas sa vie !!

Le président l’avait rassuré sur ce point. « Toute aventure a une issue, ne serait-ce que l’échec, mais il en ressort

toujours un enrichissement personnel », pensait Childéric. Ayant reclassé les éléments de sa motivation, Childéric entreprit la pro-

grammation de son poste de contrôle. Ce faisant, au fond de lui-même, il ne pensait plus qu’à reprendre contact

avec Luan pour faire le point de son avancement, et pour d’autres raisons qu’il ignorait encore, mais dont Cervoclonis était complice !

*

Les heures s’ajoutaient aux heures. La nuit commençait à perdre sa noir-ceur et l’aube recolorait les murs de la chambre de la lueur du jour.

Childéric, les yeux fixés sur le pupitre de contrôle, suivait les consignes suggérées par sa machine.

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Chapitre 8 44

Les images et les textes apparaissaient dans le néant de la nuit, irréels. La logique et la teneur des questions n’appartenaient qu’à Cervoclonis et

au président. Childéric était leur chose ; il avait abandonné toute velléité et suivait aveuglément les directives. Il ajoutait, certes, sa perception d’être sensé, mais sa contribution en cet instant était si infime, et son excitation tel-lement infinie, qu’il ne critiquait aucune des instructions qui le formaient.

Avec la clarté du jour, les hologrammes s’estompèrent et la phrase « fin de programmation » apparut.

*

Childéric réalisa alors qu’il devait se rendre au rendez-vous de l’équipe EAM4. Curieusement, il ne se sentait pas fatigué et, pour la première fois de sa jeune vie, il sentit le besoin de libérer son énergie, physiquement !

Machinalement, il prit Cervoclonis au même titre que son survêtement et ses baskets.

L’ascenseur était disponible lorsqu’il ouvrit la porte de la chambre. Il se dirigea vers ce dernier, lentement, dans un rêve, comme si ses mou-

vements étaient ceux d’un autre. Childéric, ébahi, voyait dans la glace du corridor son corps se déplacer de manière saccadé, comme un automate !

La porte s’ouvrit. Il se vit lever le pied, comme l’un de ses humanoïdes serviteurs, et se dit qu’il aurait dû utiliser son corps plus souvent !

Cette réflexion saugrenue ne l’inquiétait pas. Toute angoisse l’avait abandonné depuis son entrevue avec le président.

Il sortit du hall tout en s’observant à nouveau dans la glace. Il se dépla-çait paisiblement. En arrivant sur le seuil de l’entrée il releva à nouveau la jambe pour descendre les marches, de cette manière étrange, robotisée.

L’air frais du matin le frappa. Il trébucha lors d’une descente de trottoir réalisant soudain qu’il était sûrement souffrant !

Impossible ! Le système ne permettait pas la maladie ! Cette idée le quitta aussi brutalement qu’elle lui était apparue. Il sollicita ses réserves d’énergie et se mit à courir. Là encore, ses foulées lui apparurent incertaines, discontinues. Sa volonté lui conseillait de revenir, mais son être semblait animé d’une

envie totalement différente !

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45 Life Source Quest

Il voulait s’animer, revivre, se régénérer de tant d’années d’inactivité physique !

Soudain, Childéric comprit, en se tâtant le crâne et découvrant la ma-chine, ou plutôt pensa qu’il avait compris.

Cervoclonis continuait son éducation. Il voulait lui faire comprendre que son corps faisait partie d’un binôme indissociable et équilibré dont l’esprit était l’animateur et non le maître.

Childéric décida de revenir, et, pour être sûr de le faire, en demanda la permission à la machine. Il s’établit un échange de pensées où il précisait qu’il avait compris l’enseignement de la machine. Il lui demanda aussi, de réduire son emprise mentale, temporairement.

Il était six heures du matin ; heureusement, peu de personnes virent cet échange surprenant entre un être vivant et une machine ne possédant norma-lement pas le pouvoir de penser.

*

En entrant dans la chambre il aperçut pour la première fois Luan en liai-son intra ludique.

La console de contrôle faisait revivre synthétiquement les instants vécus par cette dernière, depuis son entrée dans son domicile : la vision de son in-térieur ancien, la visite virtuelle du président et son amabilité surprenante, les informations transmises, les interrogations de Luan, sa requête mentale singulière auprès de Childéric, et enfin son choix…

Luan avait sélectionné toutes les phases préliminaires, s’apprêtant à lan-cer le deuxième scénario :

Scénario 2 : l’Atlantide était une partie de la Terre qui a disparue de la surface et s’est enfoncée dans la mer, lors de la dislocation des races et cer-tains continents de la Terre, vers -65 Millions d’années avant J.-C. Ceci s’est passé vraisemblablement après la collision avec un astéroïde.

L’équipe d’ERT à des preuves irréfutables de l’existence de cette civili-sation.

Childéric pensa que le président, au travers de ses échanges avec Luan, l’avait conditionnée sur le choix de ce scénario.

*

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Chapitre 8 46

La synthèse terminée, Luan apparut à Childéric en temps réel, les images dans le cadre du jeu étant d’une réalité époustouflante !

Elle rayonnait de beauté ; son corps de déesse était moulé dans un habit de soie brodé de fleurs exotiques et de paisibles paysages ancestraux. Ses cheveux noirs scintillaient, encadrant ce beau visage nacré qu’il avait vu ro-sir à Guangzhou.

A cet instant précis, elle fixait Childéric qui venait enfin d’apparaître. Le responsable des jeux avait la trentaine, était de taille moyenne, brun

aux yeux bleus, plutôt sportif. Sa jeunesse transparaissait, bien que les trois derniers mois de sa vie aient donné à ses traits une certaine gravité et un in-contestable sérieux.

Luan l’avait d’abord aperçu à la réception du président, puis lors de la réunion de Guangzhou.

Dès qu’il avait serré sa main plus longtemps que le protocole gestuel ne l’autorisait, sa double génétique avait frémi et s’était replacée à la surface de son être…

*

Luan semblait attendre Childéric ! Lui, désirait la voir plus que toute chose au monde, plus que l’aventure

qu’il avait entreprise ! Il voulait sa présence physique. Il la désirait, organi-quement, comme jamais il n’en avait eu la perception auparavant. Son être tremblait d’envie contenue.

*

Sans ambages, virtuellement, elle se leva, lui saisit la main, posa ses lèvres sur les siennes, l’enlaça de toute la force que lui communiquait leur désir réciproque.

Childéric à son tour, enroula ses jambes autour des siennes, dénouant sa robe qui se déplia comme une rose à l’aube du soleil.

« Je t’aime, cria-t’elle, bousculant tous les préceptes acquis, sortant de ses entrailles copiées des mots n’ayant plus cours, de vieux termes pronon-cés des milliards de fois par l’humanité, mais avant, avant ce monde néo-individualiste, avant l’éducation, le conditionnement, l’endoctrinement, la séparation du corps au profit de l’esprit !!

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47 Life Source Quest

« Je t’aime », répondit-il en écho, incluant dans ce mot, la somme des vi-brations surgissant du plus profond de son être, des manifestations physiolo-giques balisant son désir; rougeurs, palpitations, et plus bas au tréfonds de son ventre, des signaux ancestraux, animaux…

*

Après avoir assouvi ce besoin bestial, immodéré, ils se retrouvèrent de-vant la réalité de Cervoclonis, de cette société inhumaine qui les avait fait se rencontrer trop tard.

Childéric songea un instant avec horreur, que peut être, le double biolo-gique de Luan et lui-même s’étaient déjà rencontrés. Cette bouffée de folie n’était-elle que la répétition de gestes copiés, 50 années en arrière ? Quelle étrange pensée ? Il n’était pas né !!!

Childéric ressentait quelque chose de très fort pour Luan. Pour lui, ces instants virtuels si intenses étaient le prélude d’une grande

passion. Mais était-il toujours Childéric Reyna ? N’était-il pas prisonnier de Cer-

voclonis, donc du président? Etaient-ce ses pensées ? Ses désirs ? Ou les fantasmes de la machine ? Childéric se sentait dans un état d’euphorie jamais atteint ! Il en oubliait

la séance de formation d’EM4. A ce stade de ces pensées, Cervoclonis lui rappela qu’il avait rendez-

vous avec la dernière équipe, ce qu’il entreprit d’organiser bien malgré lui !

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Chapitre 9

Takamaki Sone savait que le président suivait de près ses travaux. Aussi, lors de son retour de Guanzhou, sa première action fut-elle d’aller sur les lieux du projet qui occupait totalement sa vie depuis la disparition tragique de sa famille.

A son arrivée, une agitation fébrile inhabituelle le surprit. Ses collabora-teurs se précipitaient vers le dôme gigantesque où se déroulait le processus modélisé de recréation de la Terre à partir de -3,6 giga années avant J.-C.

Cette sphère tronquée, apparemment appuyée sur le sol, portait la gesta-tion de créations successives telle un gigantesque utérus. La matière gon-flait : grains de sable devenant pierres, pierres devenant rocs, et rocs, collines, rochers devenant végétal…

Quelques micros organismes avaient été extraits vers -1,3 Ga.

*

L’ouverture du sas le fit pénétrer sous une coupole infiniment grande, d’aspect cotonneux, reflétant la sphéricité de la Terre.

Devant lui, le miracle de la recréation du monde se clonait dans un cycle infernal avec, pour seule chaudière, l’énorme fournaise extérieure produite par un puissant générateur nucléo-solaire.

Des nuages de couleurs et de composants surprenants se heurtaient sous l’immense coupole, en épousaient les limites et grondaient dans un bruit as-sourdissant, caressant le relief tourmenté des roches et des végétaux déjà constitués.

Malgré d’immenses refroidisseurs catalyseurs, la chaleur était diabo-lique. Le processus engendré pouvait faire parcourir pour chaque jour ter-restre actuel, l’équivalent de millions d’années dans le passé. Il créait à foison les matières fossiles, minérales et végétales, préparant le lit de la ve-nue hypothétique de l’humain.

*

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49 Life Source Quest

S’avançant, surpris de l’incroyable évolution depuis son départ au mee-ting ERT, Takamaki aperçut quelques mètres plus loin un rassemblement de ses collaborateurs, tous, le visage tourné vers le fond de la coupole en train de palabrer à grand renfort de gestes !

Le reconnaissant à la couleur de ses vêtements ignifugés, son bras droit se précipita vers lui aussi vite que le lui permettait sa combinaison, lui débi-tant fébrilement sans le saluer ni montrer de quelconques sentiments :

« L’énergie a été réduite, le process de transformation est maintenant sur un palier. Nous prenons le temps d’observer. ».

Takamaki, surpris de cette décision, interrompit son collégue, pivota sur lui même de manière à se trouver visière contre visière, le visage décompo-sé. Il le regarda fixement, exprimant un étonnement mêlé à une colère con-tenue, bafouillant dans le microphone cellulaire :

« Pourquoi, mais pourquoi avez-vous fait cela ? Vous avez interrompu la progression du temps et les cycles créateurs. ».

Son collaborateur le regarda avec un brin de crainte à travers la glace de son équipement, se pencha respectueusement, puis lui dit en se retournant, pointant son index au loin :

« Monsieur nous avons ralenti le processus, car l’humain a été créé. En-fin, une forme humanoïde capable de se mouvoir et qui se déplace, regar-dez !!! ».

Takamaki, ébahi, hagard, apercevait « la créature » se déplaçant lourde-ment. Il balbutia :

« Dans ce chaos ?!!! Mais c’est impensable, l’homme apparaît vers -3,6 Ma, et nous sommes théoriquement vers -100 Millions d’années avant J.-C. !! ».

Sûr de la décision prise de ralentir les cycles, rebondissant sur l’ahurissement de son patron, le directeur rétorqua cette fois avec aplomb et passion :

« Nous avons la preuve de la création pure, sans fécondation de l’être hu-main !! Nous n’avons pas la preuve formelle de la date exacte où nous nous trouvons. Peu importe, c’est un succès majeur !

Nous devons faire preuve d’humilité, nous sommes des apprentis sor-ciers !

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Chapitre 9 50

Devinez l’état de tous vos collaborateurs, certainement effrayés, mais en extase devant cette créature humaine ? Vous avez réussi votre pari Takamaki San !! ».

Takamaki, regardant à nouveau avec stupeur le lourd déplacement de la chose, approuva le choix de son bras droit en s’excusant, fulminant intérieu-rement de ne pas avoir été là pour ces instants magiques.

*

Heureusement, les puissants ordinateurs du centre d’essai allaient lui res-tituer bien plus fidèlement, pas à pas, cet instant, ou plutôt, le million d’années passées qui avait engendré cette fabuleuse naissance.

Bien longtemps après cette altercation suivie de l’analyse des données et images, il prit son téléphone et contacta le président d’ERT.

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Chapitre 10

La formation d’EAM4 s’était déroulée comme prévu. Childéric maîtrisait désormais parfaitement sa machine, ainsi que les séances de formatage.

Dans la navette, sur le chemin de retour à son QG, il pensait encore à Luan et regrettait de ne pas avoir pu la rencontrer charnellement.

Cette liaison cryptée orgasmique n’était que les prémices d’autre chose, beaucoup plus intense encore.

Il percevait confusément que les préceptes de la société néo-individualiste étaient extrêmement réducteurs, s’agissant des besoins sexuels et surtout sentimentaux de l’humain !!

Les amours marginaux des aînés, défrayant la chronique, lui paraissaient maintenant raisonnables et conformistes !

Quelle évolution de son raisonnement en quelques jours !!! Si les comités d’éthique découvraient ne serait-ce que le centième de ce

qu’il avait appris de l’extension neuronale, il serait peut-être reconditionné ou pire, banni. Il en souriait !

Il devrait alors côtoyer les parias de la société, hors des mégapoles, sans traitement anti-maladies, ni garantie de travail et de durée de vie !

Le président l’avait piégé et il en était heureux ! Cervoclonis le maternait et il aimait ça ! Il était le maître des jeux les plus géniaux de cette fin de siècle et il en

était fier ! Depuis bien longtemps Childéric n’avait ressenti une telle impression de

plénitude et d’équilibre !

*

A ce stade de ses réflexions, Cervoclonis lui transmit un message du pré-sident sans liaison visuelle, car il se trouvait dans la navette qui le ramenait à son domicile ; les hologrammes individuels y étaient proscrits…

Le communiqué était laconique :

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Chapitre 10 52

« Ce jour, je rends visite à Takamaki Sone dans sa ville de Kyoto. Ce dé-placement est de la plus haute importance. Merci de bloquer tout début de jeu en attendant mon retour ou de nouvelles directives… à l’exception de l’aventure conduite par Luan. Vous pouvez profiter de ce répit pour l’aider. »

Le président, comme d’habitude, gardait ses secrets, et faisait comme il l’entendait, quand il le voulait !

A nouveau Childéric se sentait frustré, mais aussi, tellement heureux de revoir Luan.

*

Le président, en fait, avait déjà contacté Takamaki Sone en 2 079, une année avant l’entretien avec Childéric dans la navette.

L’équipe de Takamaki venait de terminer les expérimentations prélimi-naires de leur projet. Les premiers articles de vulgarisation venaient de pa-raître dans la presse spécialisée.

L’équipe du président avait débusqué ces informations et les avait jugées de la première importance.

Le directeur scientifique D’ERT s’était déplacé à Kyoto pour décortiquer l’article et en faire part directement au président à l’issu d’un entretien privé.

A son retour il avait fait un rapport verbal au président. A l’énoncé de son commentaire, le visage de ce dernier s’était éclairé d’une lumière jamais encore aperçue par aucun de ses proches collaborateurs !

« Enfin le maillon manquant », pensait le président, en écoutant son plus proche adjoint !

Enfin la preuve, tangible, matérialisée, de ses rêves les plus délirants !! En dehors de la lueur qui emplissait son regard, personne n’aurait imagi-

né que cette réunion serait le top de lancement de l’aventure dont Cervoclo-nis et son extension neuronale étaient les pièces maîtresses, Childéric le futur bras droit, Takamaki l’apprenti sorcier, Luan, et bien d’autres…

Jamais réunion ne fut plus silencieuse, ni plus intense. Le président écou-tait, écoutait… Son directeur scientifique, habitué à écouter le « patron », laissait des silences pour recevoir des commentaires. Inlassablement son employeur lui disait… veuillez poursuivre… poursuivez…

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53 Life Source Quest

Devant si peu d’échanges, à court d’explications et d’informations le di-recteur s’arrêta, désorienté.

Un long silence s’installa dans l’immense salle du conseil. Le président avait le visage dans le vague. Seuls quelques mouvements de doigts lais-saient transparaître une activité cérébrale.

Il avait attendu toute sa vie terrestre pour recevoir cette information, là, dans cette salle.

Sortant de son silence, il énonça autoritairement : « Ce jour, vendredi 5 mai 2 079, voici mes directives : je veux que tous

les échantillons de l’expédition chinoise faite de mars 2 062 à mai 2 063 soient transmis à l’équipe de ce Monsieur Takamaki Sone.

Vous ne devez plus perdre une minute à partir de maintenant ; il en va de l’avenir d’E. R. T, de votre carrière, et du destin de l’humanité. »

Le directeur percevait dans la voix de son patron une émotion contenue, mais un pouvoir sans faille.

Il n’avait pas compris le rapport entre l’information verbale donnée et la décision prise. Il ne se sentait pas le courage de questionner le président sur la relation entre les travaux de l’équipe de Takamaki Sone et la mise à dis-position de dizaines de morceaux de magma, terres, rocs et vestiges divers !

Néanmoins, il marmonna : « Tous, président, tous les échantillons de l’expédition sino-Atlante ? ». Le président le regarda et lui dit avec mépris : « Devons-nous prendre Cervoclonis pour nous comprendre !! ». Le Directeur sortit sans un mot, pitoyable…

*

En entrant dans son bureau, John Malicorn, le directeur scientifique eut quelques difficultés à se calmer suite à son entretien avec le président.

Ce dernier avait une curieuse manière de traiter ses collaborateurs. Il définissait de grandes lignes de travail, souvent incompréhensibles

pour ses adjoints ! Chaque dessein qu’il traçait s’affinait dans le temps et avait une durée

moyenne de quelques années, voire de la durée de l’entreprise. 1,5, 10 voire 15 projets, sous-ensembles d’un dessein, surgissaient aux

réunions hebdomadaires du lundi.

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Chapitre 10 54

Dans le cadre d’un grand plan (Cervoclonis en avait été un et l’extension neuronale un autre), il était impossible d’imaginer l’impact dans le temps de ces projets sur la société en terme de marketing ou d’utilité.

Chacun se devait d’obéir au président et de suivre les projets, en utilisant au mieux ses aptitudes !

La société ERT fonctionnait en strates de compétences. Au sommet, le président, omnipotent, incontournable, autoritaire, travail-

lant sans relâche, recadrant les brebis égarées par l’imprécision des direc-tives générales, les amenant peu à peu aux points de pâturages !

En dessous, ses esclaves : directeurs, sous-directeurs, ingénieurs, cadres, techniciens et employés divers !!

Ainsi vivait la société ERT, sous le joug de cet homme impénétrable. Il avait toujours maintenu le cap de son bateau ERT dans la direction de l’innovation, ceci entraînant des profits pharamineux.

Ses employés le savaient. Ils en étaient fiers bien que ne parcourant gé-néralement jamais la totalité d’un projet ou dessein, tant le président laissait peu de place aux initiatives.

*

John Malicorn appela son responsable de recherches géologiques et ex-pliqua la demande de son patron. Ils cherchèrent à comprendre pendant quelques minutes la logique du président et surtout à réfléchir où pouvaient bien être stockées les trouvailles de l’expédition sino-Atlante !!

Au bout de quelques échanges, saisissant que son jeune responsable de recherche ne pourrait retrouver les vestiges, il s’empara personnellement du problème.

*

John était sûrement un des rares employés à avoir travaillé 20 ans à ERT. Il se souvenait vaguement de cet épisode, où, étrangement, le président s’était investi au point de se rendre personnellement sur les sites nommés « sino-Atlantes » de l’Empire du Levant !! John l’avait même accompagné alors.

Personne dans ERT n’avait compris l’implication du président !!!

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55 Life Source Quest

Tout ceci était ensuite revenu dans l’ombre du quotidien, pendant 20 an-nées.

Ceci était un projet du président : durée de la première partie… 20 ans !!! Combien de temps allait-il durer encore, et quelle signification donner à ces vestiges ?

*

A la suite du dernier appel de Takamaki Sone, cette journée de 2 080, le président convoqua John Malicorn dans son bureau.

Lorsque son directeur scientifique franchit le seuil du local, le président lui lança autoritaire, quasi hystérique, et surtout sans préambule :

« Je reprends contact avec Monsieur Takamaki Sone. Vous souvenez-vous de notre entretien concernant les échantillons sino-Atlantes, il y a un an ? Avez-vous, selon mes ordres, fait le nécessaire ? ».

Au risque de déclencher une des célèbres colères du patron, John Mali-corn tourna le dos, ne répondit pas, et s’éloigna furieux d’être traité ainsi, les yeux injectés de sang.

Il entendit, alors qu’il s’éloignait dans le couloir, le président continuer la suite de ses directives en criant :

« Dans une semaine, je me rendrais personnellement à Kyoto… vous se-rez du voyage, nous emmènerons Cervoclonis et l’extension neuronale et les échantillons si vous avez oublié de les envoyer. Ainsi vous comprendrez pourquoi.

Lorsque vous aurez analysé ma demande, revenez à nouveau. ». En entendant cette dernière phrase, le Directeur sentit renaître en lui cette

passion qui le faisait travailler pour ERT et son étrange président.

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Chapitre 11

Dans sa ville de QUFU, confortablement installée dans le salon de la vil-la de sa mère, Luan Shing Peï avait pris sa décision pour le deuxième scéna-rio du jeu.

Elle pouvait se lancer résolument dans l’aventure sans angoisse, dispo-sant en plus du support total de Childéric, du moins le pensait-elle.

Avant de prononcer la phrase : « UN PAS DANS L’HUMANITE A LA RECHERCHE DES ORIGINES » qui la ferait partenaire du jeu le plus éla-boré de cette année 2 080, elle découvrit l’accès caché vers des informations allouées sans conséquence, ni décompte de temps. Elle en déclencha la lec-ture.

Les projections s’affichèrent sur les murs du salon. Elle s’assoupit dans l’un de ses fauteuils préférés, caressant amoureusement les ornements, s’imprégnant des hologrammes.

Une voix mâle, grave, résonna, puis, des images de l’Univers se mélan-gèrent dans une course folle :

« Du centre du néant, le Grand Organisateur avait décidé de scinder son intelligence infinie et de la partager. Son grand dessein était de construire l’antithèse de l’esprit. Il l’appela « matière », une conception qui lui était apparue comme indispensable pour combler le néant et le sortir de sa soli-tude.

De sa source radieuse, jaillirait « le mélange énergétique » qui serait pro-jeté dans le vide. Ce magma porterait dans son sein l’espoir d’une issue à son isolement !!

En s’éloignant de la source, il deviendrait matière solide. Il engendrerait les galaxies, puis, un processus complexe et infiniment long conduirait à la représentation tridimensionnelle qu’il se faisait de la créature humaine ; une création que, par la suite, des milliards de croyants diraient semblable à son image.

En fractionnant son intelligence originelle, IL déléguait son pouvoir.

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57 Life Source Quest

Chaque intelligence fragmentée aurait en charge une source de lumière : l’une, serait le soleil.

Chaque source serait créée, puis s’éteindrait, selon un processus sans fin. En ces temps là, la notion de durée n’existait pas. Chaque nouvel astre diffuserait une lumière telle, que celle-ci, emprein-

drait le génie du grand Organisateur dans l’esprit de la création à venir. Un jour, fut décidé la colonisation de la Terre par les atlantes. Ce peuple

avait déjà réussi la colonisation de la planète Atlantis, dépendant d’une autre galaxie, et avait atteint un niveau de science quasi identique à celle du maître.

En ce temps là, les lois de la gravitation avaient un lot d’exceptions, ainsi en était-il des météorites géantes dont les trajectoires perturbaient les sys-tèmes en cours d’équilibre.

Les atlantes se servaient d’engins spatiaux dont le rôle était de s’agripper à ces astéroïdes, qui, ainsi, les transportaient dans l’espace sans apport d’énergie.

Les trajectoires de ces corps célestes étaient calculées par la méthode du chaos raisonné et les points d’impacts connus avec une précision remar-quable.

Ainsi, avec l’arrivée d’un aérolithe géant sur la planète Terre, une colo-nie d’atlantes s’implanta ; cette colonie, constituera la souche de toute l’intelligentsia ayant permis à la terre d’évoluer jusqu’à nos jours !

ERT a découvert des vestiges prouvant de manière indubitable ce scéna-rio. ».

La voix grave du commentateur s’arrêta, puis reprit incisive : « Ces informations sont les dernières pour vous convaincre de commen-

cer réellement le jeu. Luan Shing Peï, votre choix est : débuter ou abandon-ner.

Veuillez prononcer la phrase libérant votre quête de savoir. »

*

Luan Shing Peï, bien que convaincue, hésitait encore. Cette voix était celle d’une machine ; elle n’aimait pas être contrainte. Elle retardait

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Chapitre 11 58

l’occurrence car elle souhaitait autre chose : un message ou un signe venant de Childéric !

Son intuition lui disait que son implication dans le jeu ne lui permettrait plus jamais de vivre une destinée amoureuse !

Son être profond, copié, lui conseillait le bonheur ; Childéric le symboli-sait !! L’ultime appel de ce dernier l’avait perturbée bien plus qu’elle ne l’imaginait !

*

Bien calée dans son fauteuil, elle rêvassait. Mais à quoi ? Encore attendre, savourer à nouveau les instants intenses de leur dernière

liaison orgasmique… Revivre les frissons délicieux procurés par des mots magiques reçus en

elle et dont Childéric avait hérité de sa fusion avec Cervoclonis. Elle s’interrogeait. Sa mère physiologique avait-elle vécu ces situations

tellement incroyables, concrètement et non virtuellement ? Comment avait-elle réussi ces relations un peu délicates ?

Luan avait seulement reçu l’enseignement des liaisons orgasmiques. Sa mère était née bien avant ces pratiques. Elles dataient tout au plus de 30 ans.

Elle, sa génitrice, avait certainement connue l’amour physique, ces con-tacts annoncés comme rétrogrades et non hygiéniques.

Il y avait autre chose à découvrir que l’amour par liaisons cryptées in-formatiques ; Luan le ressentait confusément.

*

Elle s’accorda encore quelques minutes de méditation, puis, quelques autres, jusqu’à ce que l’image tant attendue illumine son salon.

Childéric venait d’apparaître !! Mais son apparition n’était pas holographique !! Il était ici !! Près d’elle. Elle ferma les yeux, entendit des glissements de

pas sur le sol, ressentit le frôlement d’une main dans la sienne. Tout ceci ne pouvait pas être réel !! Elle rouvrit les yeux. Quelle était son

intention, que se passait-il ? Pourquoi était-il si près ? Si proche, au point de

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59 Life Source Quest

sentir sa respiration exhaler encore les senteurs des lotus de son jardin chi-nois !

L’autre main caressa sa nuque, contourna son visage, frôla ses lèvres, puis continua sur le cou, les épaules, et s’arrêta, comme si une frontière invi-sible défendait l’accès d’une zone inconnue.

Les bras de Luan venaient de contenir cette avance vers le secret de son corps.

Elle souhaitait lier chaque caresse à un mot, des termes nouveaux se bousculant aux commissures de ses lèvres en écho à ceux attendus de son amant !

Childéric avait abandonné Cervoclonis. La découverte du velouté de cette peau, puis le contact de ces bras canalisant les siens, étaient au-delà de toute sensation cryptée orgasmique. Bien au-delà…

Luan désirait autre chose, dans ce silence brûlant ! Childéric le compre-nait intuitivement.

Découvrir les désirs d’une femme, alors que toute sa jeune carrière avait été dévolue au travail, le laissait totalement inepte !

Et pourtant, ils le savaient : tous les deux devaient franchir ces barrières élevées par la société néo-individualiste !

Naïvement, il appela Cervoclonis à l’aide. Du fond de sa nature humaine, des entrailles de ses ancêtres jaillirent la

source du lyrisme, celle de la séduction, puis celle du désir charnel. Des mots arrivèrent tumultueusement, en torrents, canalisés par des

gestes imprécis, maladroits, affinés par Luan le guidant dans le dédale de ses réactions psycho-impulsives vers l’aboutissement du véritable amour phy-sique.

Luan, bercée par le doux murmure de la voix et les vagues du désir se comportait, tantôt comme la dernière des courtisanes extrayant de son moi profond des cris d’amour, des onomatopées obscènes, des râlements de bête en chaleur, tantôt en tendre amoureuse, emportée par les mots langoureux bâtis en poésies, susurrés par son amant.

Aucune question ne surgissait de leurs ébats ! Plus rien ne les étonnaient, sinon l’origine de ce feu brûlant s’enflammant en eux, lançant des pointes phosphorescentes, comparables aux cimes de leur jouissance.

*

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Chapitre 11 60

Bien longtemps après ces instants de pure folie, Luan s’éveilla. Son corps apaisé réclamait un brin de nourriture.

Elle se leva du lit où son amant l’avait transportée, repoussa de la main sa chevelure de moire dispersée par leurs ébats. Puis, reprenant ses esprits, elle découvrit l’espace de cette petite maison de Qufu. Oh, combien avait-elle eu raison de la conserver, malgré les comités d’hygiène ! Elle s’y sentait totalement en osmose.

Childéric dormait encore, innocent. Elle se prépara un dîner puis réalisa qu’elle n’était plus seule, se posant

enfin la question sur la venue de Childéric… A son réveil, elle le question-nerait ; il lui expliquerait qu’il avait obtenu l’autorisation de s’occuper per-sonnellement de son jeu, le président ayant interrompu tous les autres. Seul le sien était maintenu !

Ce contretemps allait modifier de manière irrémédiable leur vie. Cette rencontre n’était pas fortuite. Leur histoire ne faisait que commen-

cer, mais ils l’ignoraient. La suite ne serait pas à l’image de leurs souhaits et rêves actuels !! Le président, le passé et la destinée, en avaient décidé autrement !!!

*

Childéric s’éveilla à son tour, ressentant pour la première fois une sensa-tion de plénitude et d’aboutissement à une quête inavouée, inconnue et sû-rement prohibée !

Il découvrit Luan attablée, mâchant avec énergie et visiblement plaisir, la nourriture insipide de L’Empire.

Une même fringale s’empara de lui. En entendant le froissement des draps de soie, jusque là immaculés de

toute visite étrangère, Luan se retourna, le regardant tendrement. Childéric avait le corps conforme aux manuels médicaux, mais sa vue lui

procurait une émotion bien différente du plaisir d’apprendre l’anatomie hu-maine ! Ses muscles saillants lui créaient un trouble jamais éprouvé jusqu’à cet instant !

Néanmoins, elle sut le cacher et avec humilité l’invitant à le rejoindre : « Childéric, maître des jeux. Enfin, comment dois-je vous appeler, de-

puis que nous avons franchi…».

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61 Life Source Quest

Elle rougissait, puis reprit : « Tout ne sera plus jamais comme avant désormais, n’est ce pas ? Nous

sommes complices et détenteurs de secrets de L’Empire. Nous avons franchi les barrières bâties par la société actuelle, depuis 50 années. Devrons-nous conserver pour nous cette confidence, et nous cacher éternellement ? ».

*

Childéric la laissait parler, la désirant plus que tout au monde, mais ne pouvant endiguer ce besoin de se positionner, de se justifier, de se faire par-donner.

Luan portait en elle toute la fougue de son double, de cette mère biolo-gique inconnue mais tellement présente en elle.

Elle avait jeté la carapace de L’Empire, elle n’avait plus de repères communs entre elle et son double.

La confrontation de ses deux ego enflait crescendo. Childéric en prenait conscience mais ne pouvait contrôler l’emballement.

Comprenant soudain que deux parties du cerveau de Luan se battaient et cherchaient à se justifier chacune à leur tour, il décida d’intervenir pour es-sayer de rétablir un peu d’ordre dans les pensées schizophréniques de cette dernière.

Mais que faire pour stopper cette folie ? Cervoclonis ? L’extension neu-ronale ?

La solution lui apparut… incongrue !! Il se précipita vers les deux machines et leur extension et les positionna

sur Luan et lui-même. Instantanément, Cervoclonis reprit le contrôle de Luan le clone,

l’archéologue, la scientifique de cette année 2 080 ! Luan, l’autre, se mit en retrait et disparut dans les limbes de sa personna-

lité fragile et combien attachante. Cervoclonis avait rétabli l’ordre des choses en accord avec les données

de son cerveau biochimique ! Il avait insufflé des pensées à ses hôtes, sans savoir que ce processus

pouvait largement dériver hors de sa bienveillante présence !!!

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Chapitre 11 62

Il allait établir un rapport et le transmettre à son concepteur, en précisant le travail de reformatage effectué lors de la dernière reprise de contact avec ses hôtes. Il agissait comme une machine qu’il était, tout simplement, sans émotion !

Sa mission désormais était de conduire Luan dans les arcanes du jeu. Childéric, le maître des jeux, allait contrôler en direct le lent cheminement que Cervoclonis et son extension allaient baliser, jusqu’à l’accomplissement du dessein défini dans ses tripes biochimiques !

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Chapitre 12

« UN PAS DANS L’HUMANITE A LA RECHERCHE DES ORIGINES. ».

Luan prononce enfin la phrase, sans appréhension, et se trouve projetée dans le monde si particulier des jeux de la société multinationale ERT.

Dans la pénombre de la maison, les images défilent. Childéric et Luan sont calés dans les fauteuils séculaires, le regard figé,

vivant intensément la pénétration lente de leur mental dans le mystère du jeu.

En arrière plan,un compteur affichant le temps tourne devant leurs yeux, sur un fond de paysage lunaire. Des nuages tourmentés passent sur leurs têtes. Une impression de froid glacial et de désolation rythme ce défilement de chiffres. La Terre tourne comme un seul bloc, un seul continent. La vie semble absente de ces images. De longs fleuves d’eau, de glace ou de gaz liquide en parcourent la surface.

– 250 millions d’années avant J.-C. : de fortes éruptions de vapeurs commencent à entourer la terre.

– 242 millions d’années avant J.-C. : de gigantesques éclairs s’élancent vers les cieux comme pour célébrer un événement dantesque, allumant des flammes de méthane qui s’enroulent puis s’étalent autour de la matière, pul-vérisant de gigantesques bulles de vapeurs entraînées par l’énorme vitesse de rotation de la planète Terre.

Cette dernière est invisible de l’espace, masquée par un énorme nuage multicolore.

Un silence impressionnant marque l’approche de l’année -240 millions avant J.-C.

Le temps suspens son cours, puis un bruit cataclysmique ébranle l’espace transportant des gerbes de feu s’élevant au plus profond de la thermosphère.

La Pangée, qui représente la Terre à cette époque, immense masse de minéraux et de végétaux en constitution parcourue par des fleuves de li-

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Chapitre 12 64

quides, vient de se disloquer en deux énormes continents. D’immenses éten-dues de liquides bouillonnants apparaissent alors à la surface de la matière.

Puis, le temps poursuit sa course folle. Une musique légère, aérienne, marque l’apparition des oiseaux, des premiers mammifères, des premiers primates.

Enfin, vers -65 millions d’années avant J.-C., un bruit épouvantable à nouveau résonne dans la galaxie.

La Terre vient d’être heurtée par le plus gros de tous les aérolithes de l’Univers.

*

Ici commence réellement le jeu, ici débute l’extraordinaire histoire de l’Atlantide et de son peuple.

Cette épopée est-elle le fruit de l’imagination d’ERT ? Est-ce un jeu, est-ce une enquête ? A vous de vous impliquer de telle

manière que la fiction vous apparaisse comme l’antichambre de la réalité.

*

L’apparition du président à ce stade du jeu marque l’importance des pro-pos à venir. Il s’adresse à Luan en la fixant au plus profond de son regard :

« Depuis longtemps, notre staff scientifique et moi-même sommes per-suadés que les ruptures de l’écorce terrestre sont à l’origine de la mort de certaines civilisations.

Ainsi en a-t-il été pour la dislocation de la Pangée (-240 Ma avant J.-C.), mais aussi de la fin du Crétacé (-65 Ma avant J.-C.) puis, ensuite lors du rapprochement de l’Inde et de L’Eurasie (-55 Ma avant J.-C.).

Nous ne vous expliquerons pas comment nous avons découvert ce qui suit, mais sachez-le, ceci n’est pas le fruit du hasard.

Imaginez qu’une mission scientifique ait été réellement conduite et que sa vérification vous soit confiée !

Concevez que votre feuille de route vous conduise, comme par hasard, vers les lieux de naissance des grands précurseurs de la sagesse, de la philo-sophie et de la foi !

Imaginez l’année 2 080 et celles qui suivent comme un départ singulier dans le devenir de l’humanité !

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65 Life Source Quest

Imaginez que des études en cours, passées inaperçues, aboutissent et soient démontrées pendant la poursuite de ce jeu.

Les hypothèses, ou théories suivantes, guident le déroulement de ce jeu et ont permis de dater avec précision les preuves faisant partie de cet in-croyable divertissement.

*

Théorie de l’irréversibilité. Enoncé de la Théorie de l’irréversibilité. Le temps qui passe, et la diminution de l’énergie apportée par le système

solaire, la modification de la structure de l’atmosphère, agissent de manière irréversible sur les micro et macro-systèmes de l’Univers.

L’occurrence de chaque événement n’est jamais identique à celui qui le précède tant le système global est complexe.

Ainsi en est-il depuis la nuit des temps pour la création de chaque miné-ral, chaque végétal, du plus petit brin d’herbe, de chaque insecte, de l’être humain.

Chaque élément a eu un début, une création selon un processus unique et un niveau d’énergie qui ne s’est jamais reproduit, car perdu dans le temps passé.

Après la création, seule est restée la programmation des micro-systèmes ou micro-organismes, principalement leurs pouvoirs de reproduction, d’adaptabilité et d’usure.

On pourrait qualifier ces créations, de hasard (l’univers, la terre, l’être humain), de divin, mais l’alchimie initiée à partir de la théorie du Big Bounce a été régie apparemment, d’abord par le chaos, mais en fait par une équation universelle gouvernant l’énergie et le temps, en introduisant peu à peu la notion de masse, de fluides refroidisseurs comme l’air recomposé du néant.

Tout ceci évolue dans un système borné, par une spirale hélicoïdale théo-rique s’enroulant autour d’elle même, laissant ainsi plus d’espace à la ma-tière au fur et à mesure de son expansion et du refroidissement de celle-ci.

Conclusion :

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Chapitre 12 66

La théorie de l’irréversibilité ou de « l’usure » permet, grâce aux travaux entrepris, de dater de manière extrêmement précise (précision de dix années) toute matière ayant appartenu au passé.

De plus cette théorie permet de prédéterminer l’évolution des micro et macro-systèmes dans le futur.

Ces deux débouchés applicatifs de cette théorie en font la plus grande avancée de ce siècle.

*

Théorie sur la profondeur de l’esprit humain. Postulat. L’esprit représente l’essence de l’espèce humaine. Ses racines sont pro-

fondément implantées dans les temps les plus reculés, jusqu’à la source de la vie, mais, la capacité de mémoriser les vies passées dépend de l’instant de sa création, donc, depuis le début de son fonctionnement reproductif.

Chaque branche humaine (de race noire, rouge, jaune, blanche) créée de-puis les temps immémoriaux, engendre selon le processus de la reproduction des êtres humains (mâle /femelle), des descendants portant un patrimoine parental physiologique et spirituel.

Autant le patrimoine physiologique est accessible à la compréhension, autant le spirituel est mystérieux, inaccessible.

Pourtant, c’est dans les âges de l’esprit que se trouvent le passé et la vi-sion de l’environnement existant dans le passé.

Origine de la théorie : Travaux effectués dans les domaines de l’exploration fonctionnelle. Les derniers scanners subliminaux ont mis à jour certaines zones micros-

copiques du cerveau n’étant pas ou jamais utilisées, même chez les plus grands savants.

Ces zones sont cependant organisées selon un ordre immuable et de tailles sensiblement identiques en fonction des races, niveaux d’intelligences ou catégories sociales.

Ces zones ont été identifiées sous le nom de micro-racines du cortex oc-cipital et sont situées à la jonction du cortex occipital et du cervelet.

Identification des utilités des zones cervicales

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67 Life Source Quest

Ces zones du cerveau sont réputées affectées à la mémoire des vies phy-siques et spirituelles précédentes, celles de nos ancêtres.

Tests d’excitation des racines du cortex occipital Des tests effectués sur des patients volontaires ont prouvé de manière

parcellaire, mais reproductible, que ces zones correspondaient certainement à la présence d’images, de comportements précédant les vies conscientes des sujets testés.

Conclusion La méthode d’accès à ces zones et la mise en fonctionnement de manière

cohérente de ces dernières, apportera un éclairage précis sur des périodes du passé extrêmement décisives dans l’avenir de l’humain. ».

Le président arrête son discours quelques instants, laissant à Luan le temps de bien comprendre la portée de ses propos. Puis il reprend, observant le visage de son interlocutrice :

« Toute cette aventure est basée sur les dernières méthodes et théories scientifiques. Cependant nous avons besoin de votre expertise d’archéologue, Luan Shing Pei. De cette évaluation dépendra la véracité du jeu.

Maintenant, passons à la suite de l’aventure. ». L’image du président s’efface alors.

*

Luan, subjuguée par ce qu’elle vient d’entendre, reste quelques instants la bouche ouverte. Le jeu reprend alors son cours ;

« Commandant Alexus, nous approchons de notre cible, l’aérolithe a re-trouvé sa stabilité et pénètre les premières couches de l’atmosphère de la planète. Nous avons glissé légèrement sur son flanc ouest ; je demande la reptation de notre vaisseau, de manière à nous repositionner au centre, sur la partie supérieure de L’Objet Volant au moment de l’atterrissage. ».

L’officier scientifique Esus, bras droit immédiat d’Alexus, dirigeait la fin de la folle équipée les ayant conduits en ce lieu depuis Atlantis leur dernier domicile connu.

Du fond de l’Univers, l’astéroïde avait poursuivi son chemin, se frayant un passage dans les dédales des attractions fugaces, tant sa masse était grande et sa vitesse incroyable.

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Chapitre 12 68

Seul le Maître de l’expédition avait déterminé la trajectoire et seul il connaissait les matières capables de protéger et conduire à bon port son équipage isolé dans ce vaisseau, constitué pour cette circonstance historique.

Pour ces êtres venus d’ailleurs le temps, n’avait d’importance que lors-qu’ils foulaient le sol et se matérialisaient alors sous une forme que nous qualifierons d’humaine.

Le vaisseau, brinqueballé ainsi qu’un fétu de paille, faisait corps avec la masse gigantesque de l’astéroïde.

La chaleur apportée par ce magma en fusion brûlait tout ce qui apparais-sait à la surface de la planète dont il se rapprochait dangereusement.

L’aérolithe devrait s’écraser à la frontière entre la partie matière et la partie liquide, de manière à refroidir sa masse au plus vite. Il devrait enchâs-ser son volume en créant un cratère sur la matière appelée terre et une im-mense grotte insérée au plus profond de ce liquide, qu’il qualifierait de mer. La nature réparerait rapidement ses cicatrices…

Ses occupants avaient agi ainsi sur Atlantis, ils le feraient sur cette pla-nète. Ils l’appelleraient, Terre.

Alexus le Maître de l’expédition et Esus étaient devenus experts en im-plantation de colonies pour le compte du Grand Organisateur.

Pure énergie, leur existence sous forme humaine était le fruit de la ren-contre avec des êtres de chair débusqués dans des grottes souterraines locali-sées près de leurs colonies.

*

En ces temps là, la Terre avait vu arriver avec horreur et résignation cette boule de feu semant la désolation sur son passage.

Les oiseaux avaient été détruits, les grands mammifères brûlés. Quelques primates en tribus se trouvèrent enfermés dans des grottes. En ces temps là, aucune créature n’était mue par des qualités aussi

grandes que la tolérance, la sagesse, l’amour du prochain. Chaque être tuait pour vivre et être tué à son tour.

Cette boule de feu représentait la première purification et le début d’une reconstruction de la planète Terre, conforme aux souhaits du Grand Organi-sateur.

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Chapitre 13

Suite du jeu… 2 062 après J.-C., soit 65 millions et 2 062 ans plus tard !!! Une équipe de scientifiques progresse lentement sur les falaises bordant

la côte orientale de la mer jaune, en limite de L’Empire du Levant. Le soleil vient à peine de se lever et frappe ceux qui viennent juste d’émerger d’un pli de terrain.

« John, allez venez, John, enfin, mais que faites vous ? Vous dormez ? Bon sang, mais regardez ce spectacle !! ».

Le président d’ERT pivote sur lui-même, la main tendue vers l’horizon, les yeux fous, les cheveux balayés par le vent froid du matin.

En face de lui, le soleil irise les traces de brume flottant sur la mer. En se retournant, à l’opposé, ce dernier nimbe de son manteau de feu la crête du mont Laoshan, vers lequel ils convergent.

John Malicorn ne dit rien, il contemple le panorama en fronçant les sour-cils en signe d’assentiment. Le froid le gèle sur place bien que vêtu comme toute la troupe avec anorak, double pull-over et gants de peau.

Il est le dernier embauché d’ERT. Depuis le début de l’équipée, il cherche à saisir dans les propos de son

patron les raisons de leur présence ici, dans ce froid, une vingtaine de per-sonnes et, lui, le benjamin.

Les mulets, une dizaine, chargés de valises précieuses remplies de maté-riels de mesure, d’armes et de nourriture, avancent péniblement, écrasés sous la masse de tout cet attirail.

*

« Au sommet de ce mont, se trouve le berceau de la sagesse humaine, mais aussi je l’espère, de l’humanité. ».

C’est la seule réponse émise par le président lorsqu’on ose lui demander le but de cette mission.

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Chapitre 13 70

Son directeur scientifique insiste : « Président avec tout le respect que je vous dois, pourquoi mobiliser

toute notre équipe technique ? Pourquoi avez-vous rajouté deux archéo-logues, un historien, un traducteur de chinois ancien… ».

Le président le toise. « Peter, ne suis-je pas votre patron ? Vous aurez à montrer vos qualités

très bientôt, ne vous inquiétez pas. ». Peter continue son chemin en maugréant. Ils marchent depuis deux jours, parcourant l’itinéraire les ayant conduits

du port de Qingdao (Empire du Levant) en ce lieu à flanc de falaises. Le président est de plus en plus excité et exigeant du haut de sa trentaine. Peter, lui, soixante ans, un brave directeur scientifique a toujours exercé

sa fonction avec passion et abnégation. Devant l’attitude constamment négative du président Peter se replie vers

John. Pour ne pas apparaître ridicule, il fait semblant de connaître le but du voyage.

Peter n’a pas eu d’enfant avec Linda sa concubine, car ERT a pris la tota-lité de son esprit et de son temps. Le mode de vie dans cette société néo-individualiste n’a pas favorisé le rapprochement physique homme-femme, donc la procréation naturelle. Le doute sur l’application des autres méthodes de conception l’a privé de descendance.

En manque de filiation, il s’est lié d’amitié avec John, et le considère comme son enfant adoptif, ce dernier n’appréciant pas forcément ce paterna-lisme un peu débordant.

« Nous allons arriver dans dix heures, au maximum » dit-il à John avec aplomb. ».

John toujours glacé continue son chemin, acquiescant d’une grimace. Peter fait une moue réprobatrice en voyant la souffrance sur le visage de

son jeune collègue. « Pas de résistance les jeunes. », grommelle-t-il, poussant sur ses gros

brodequins.

*

Le président mène la troupe à son rythme, animé par une passion inex-plicable, ne comprenant pas que tous ne le suivent pas, mulets compris.

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71 Life Source Quest

Etrange, anachronique en pleine année 2 062, cette expédition sur le mont Laoshan !!!

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Chapitre 14

Suite du jeu… Il ne s’agit pas, a priori, d’une véritable ascension de parois verticales,

mais d’une montée continue, laborieuse. Les fardeaux portés par chacun re-tardent l’avancement de l’ensemble de la colonne.

Les paysages de montagne se succèdent, de cols en plateaux puis en dômes paisibles. Quelques rares moutons sauvages paissent dans des vallées propices. Tout ceci est calme, surprenant, éloigné de tout, bien loin des sou-cis de la ville. Dans cette paix, quelques pics acérés attirent et griffent des nuages épars, comme pour perturber cette apaisante sérénité.

Les mulets halètent sous l’effort soutenu. Soudain, dans ce silence pesant, d’une exhortation, l’un des muletiers fait

arrêter ses bêtes. Tous les membres de la colonne, étonnés, se retournent en quête de ré-

ponses.

*

A ce stade, Luan se sent happée par le jeu. Cervoclonis l’a fait pénétrer malgré elle dans la colonne. Elle ne ressent plus son fauteuil providentiel, elle n’est plus dans sa maison… Elle n’est plus à Qufu par l’esprit ; elle est dans l’équipée désormais, actrice à part entière de l’histoire. Les odeurs, les bruits du vent, les cailloux du chemin, les bruissements de source, l’accompagnent.

Elle est dans l’aventure et le président s’efface. Elle joue le rôle du pré-sident dorénavant et s’adresse à ce titre à John Malicorn et Peter.

*

Childéric est maître du jeu, observateur attentif. A chaque instant, il peut prendre la main sur le jeu et apporter son aide à Luan. Il est aussi physique-ment à Qufu, dans un fauteuil qui jouxte celui de celle qui joue et qu’il aime.

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73 Life Source Quest

*

« Les animaux ont soif. », crie un muletier, les mains rapprochées en porte voix.

Tous s’arrêtent, haletant, saisissant cette chance, qui pour souffler ou en-lever ses chaussures, qui pour concrétiser des besoins personnels.

Les personnes commentent cette halte, la trouve bienvenue et souhaite-raient la prolonger le temps d’un repos ou d’une collation.

*

Luan ne se retourne pas et continue son chemin, perdue dans ses pensées. Cette contrée est son pays, mais qu’ignore-t’elle, que va-t’elle découvrir ? Ces pensées se bousculent, alors qu’elle parcourt allégrement les flancs du mont Laoshan.

N’entendant plus de bruit, elle se retourne enfin, et s’aperçoit de sa soli-tude.

Plus de colonne ! Elle doit revenir pour prendre en main et remettre en route l’expédition.

En retournant sur ses pas, elle se sent aérienne, vole sur les pierres du chemin comme si son corps n’existait pas…

Au détour du sentier, soudain, elle les aperçoit et ralentit sa course. A sa vue John Malicorn et Peter se lèvent et viennent l’accueillir. Ils veulent savoir !!! Ce changement de pouvoir entre le président et Luan relance les spécula-

tions sur les buts de l’expédition, comme si les acteurs de ce jeu avaient compris le remplacement effectué, et que l’heure des explications était enfin arrivée !

Devant le regard interrogatif de ses collaborateurs, Luan reprend les in-formations dont elle dispose et se livre à un exercice de mémoire.

Chaque parole du président remonte à son esprit avec une intensité et une pertinence toute nouvelle.

« Luan Shing Peï, nous vous avons sélectionnée parce que votre exper-tise archéologique nous est précieuse. Vous allez avoir l’occasion de décou-vrir avec ERT la formidable histoire de l’Atlantide, ce pays ou continent disparu…

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Chapitre 14 74

… Luan Shing Peï, 3 scénarios vous sont proposés : Vous devez choisir le scénario le plus réaliste et partir à l’aventure. Vous

remarquerez : dans 2 cas, ERT possède des preuves irréfutables de la civili-sation des atlantes et vous avez été choisie. »

« Imaginez qu’une mission scientifique ait été réellement conduite et que sa vérification vous soit confiée.

Concevez que votre feuille de route vous conduise, comme par hasard, vers les lieux de naissance des grands précurseurs de la sagesse, de la philo-sophie et de la foi.

Imaginez l’année 2 080 et celles qui suivent comme un départ singulier dans le devenir de l’humanité !

Imaginez que des études en cours, passées inaperçues, aboutissent et soient démontrées pendant que vous poursuivez ce jeu.

Toute cette aventure est basée sur les dernières méthodes et théories scientifiques. Cependant nous avons besoin de votre expertise d’archéologue Luan Shing Peï. De cette évaluation dépendra la qualité du jeu…

Au sommet de ce mont se trouve le berceau de la sagesse humaine, mais aussi je l’espère de l’humanité. ».

Luan comprenait une partie de cette dernière sentence énigmatique et in-tégrait dans la même logique la remarque du président : « Concevez que votre feuille de route vous conduise comme par hasard vers les lieux de naissance des grands précurseurs de la sagesse, de la philosophie et de la foi. »

Tout membre de l’Empire du Levant et, surtout, tout archéologue de ce même Empire, connaît le mont Laoshan pour son aspect sacré et la présence des ruines de ses anciens sanctuaires taoïstes. Ce mont est qualifié de « de-meure des immortels »

Luan n’avait jamais approché cette montagne sacrée et ses temples dans ses recherches d’archéologue, les lieux étant défendus par les réfractaires au système néo-individualiste depuis le bannissement des religions.

Mais que voulait dire « mais aussi je l’espère (le siège) de l’humanité !!! » Que voulaient dire aussi les autres remarques ? Que de mys-tères à élucider !

Luan remet à plus tard la compréhension des énigmes du président, et confie à ses collaborateurs le premier but de la mission dont elle est sûre :

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75 Life Source Quest

« Le mont Laoshan sur lequel nous nous trouvons est la maison des im-mortels ; des ruines de plusieurs temples taoïstes se situent vers le sommet.

Autant que je sache, ces décombres sont protégés par quelques irréduc-tibles défenseurs du passé et nous devrons être très diplomates ou très forts pour examiner les vestiges de ces lieux.

La tâche confiée est de rechercher des traces de civilisations très anté-rieures aux périodes -500 avant J.-C., époques contemporaines de Confucius et de Bouddha. ».

Devant l’ébahissement de ses interlocuteurs, elle indique par une moue un certain scepticisme et par un geste de la main son impuissance à donner plus d’informations.

Elle les abandonne alors, puis à regret, se retourne légèrement, mau-gréant d’une manière inaudible :

« A nous de découvrir le but de notre mission, au fur et à mesure ! ». *

A nouveau en tête de la colonne, Luan compulse les cartes de détail lui permettant de réduire le circuit en évitant ravines et embûches.

Les heures s’écoulent lentement au rythme de l’équipée. Selon la nature du terrain, la colonne se déploie ou se tasse.

Depuis quelques instants, les animaux exténués posent lourdement leurs sabots sur la terre fraîchement empreinte de la sueur du crépuscule.

Est-il prudent de continuer si tard ? Luan a la charge de 20 âmes et pense que des erreurs de jugement entraîneraient les fameuses douleurs produites par Cervoclonis !!!

*

Le soir caractérise sa nature, en teintant de noir le ciel, qui, peu à peu, se voile de rideaux de nuages grisés.

Les bêtes renâclent laissant échapper de longs gémissements spasmo-diques qui se déchirent, frappant en écho les murailles de roc avoisinantes.

Les muletiers frappent leurs bêtes pour tirer encore quelques bribes d’une énergie s’étiolant dans ces hennissements pathétiques.

Luan décide alors de planter le camp pour la nuit. Honteux d’avoir frappé ou admonesté leurs animaux, les muletiers sou-

lagent immédiatement leurs épreuves, oignant d’un baume visqueux les

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Chapitre 14 76

maux provoqués par les fixations des lourds ballots et bagages, déposés à la hâte sur des bâches à terre.

La nuit s’empare alors de la montagne, parfumant de ses odeurs humides, faisant vibrer de ses bruits étouffés ou stridents l’air régénéré circulant dans sa profondeur brunie.

*

Profitant de cette coupure dans le jeu, Luan livre ses rêves à Childéric par Cervoclonis interposé. Leurs mains se sont jointes entre les deux fau-teuils, là-bas à Qufu.

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Chapitre 15

Mais le temps dans le jeu tourne sans limite et son rythme est infernal. Le jour suivant se lève aussitôt, inflexible, ne laissant que quelques ins-

tants à Luan et Childéric pour affirmer leur passion par une brève pression de leurs doigts.

*

Suite du jeu… John Malicorn passe de tente en tente, pour sonner le réveil. Le brouhaha est indescriptible, mais, au bout de quelques instants, tout

est prêt. D’un geste vif, autoritaire, Luan lance le lent mouvement de la co-lonne. Le sentier, plus pentu, surplombe une profonde vallée couverte de brumes matinales et serpente vers un plafond de nuées rapidement franchi par tous.

Soudain, dans une débauche de lumière, bien au dessus des nuages, le so-leil projette ses rayons sur ce qui apparaît très vite comme le danger atten-du : les gardiens des ruines !

Leurs armes scintillent sur les crêtes anarchiques déchirées par le temps la pluie et les vents.

En léger contrebas, un lac d’altitude évapore ses molécules de vapeur dans la myriade de photons de l’astre matinal.

Luan fait arrêter instantanément la colonne. Tous reculent, par réflexe, de quelques pas, glissant, maugréant, puis hennissant de concert.

« A nous la partie la plus délicate ! », se dit-elle, en parcourant la co-lonne, signifiant de reculer de la main droite et de l’autre de se taire.

Arrivant au niveau de Peter, elle lui intime l’ordre de diriger des opéra-tions discrètes d’établissement d’un camp temporaire et chuchote à John qui le suit :

« La chance est avec nous, la position du soleil est favorable. Il les aveugle, et de ce fait, ils ne nous ont pas vus. Espérons que nous saurons

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Chapitre 15 78

maintenir le silence ! Venez avec moi, nous allons nous approcher pour es-timer le danger. ».

L’affaire n’est pas facile pour qui n’a jamais été confronté à l’aventure, voire au danger.

De plus, le terrain à franchir est dégagé ; quelques arbres fragiles pour-raient servir de cache, mais combien de temps?

John réfléchit sans bouger. Luan, elle, compulse la carte, s’imprégnant de la topologie.

« Est-on sûr du danger ? », se hasarde John en interrogeant Luan.

*

Autour d’eux, l’effervescence règne. Les gens bousculent les bêtes. Peter essaie tant bien que mal de canaliser les énergies de chacun et tente d’expliquer la situation.

Relevant les yeux de la carte, Luan, l’air dubitatif, sourcils froncés, ré-plique à John :

« Nous avons un gros doute sur les desseins des sentinelles. Cette incerti-tude incite à la prudence. Nous n’avons pas d’intentions belliqueuses mais nous sommes les seuls à le savoir. ».

John a son idée. Il prend le bras de Luan et lui montre le lac en contre-bas :

« Longeons la paroi non visible de nos hypothétiques ennemis, et faisons une manœuvre de contournement. Nous arriverons par l’arrière des ruines, dans leur dos. ».

Luan énervée, lui tend la carte brutalement : « Il n’y a qu’une paroi rocheuse abrupte sur l’autre côté !! ». John regarde la carte, constate, puis se défoule sur Peter : « Bon sang Peter, vous avez organisé cette expédition !!! Avons-nous un

équipement d’alpiniste ? Qui est capable, parmi ces vingt personnes, de grimper une paroi abrupte ? Enfin, à quoi servent ces gens ! Si l’un d’entre eux le fait, je le suivrai et m’encorderai s’il le faut !! ».

Peter, qui s’organise tranquillement, n’a jamais vu John dans un tel état d’excitation. D’un geste de la main il lui intime de se calmer :

« Cool… John, cool… tout va bien. Nous avons tout ce qu’il faut. ».

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79 Life Source Quest

Pointant son index sur un chinois à quelques mètres de là, il lui fait signe de les rejoindre :

« Jung Lu Lien-ying fera l’affaire, c’est un alpiniste complet. Il connaît la haute montagne. Ici nous sommes sur son territoire. ».

Jung Lu s’approche, et se courbe respectueusement devant Peter : « Jung Lu, prenez pics, piolets, cordes, chaussures, enfin, tout votre ma-

tériel et suivez Mr John Malicorn, c’est votre nouveau patron. Il va vous ex-pliquer votre boulot. ».

Luan regarde la scène, un peu frustrée et agacée par les décisions prises par John mais soulagée de partager sa responsabilité.

John revient vers elle et d’un air désinvolte présente Jung Lu : « Voulez vous lui expliquer sa tâche, ou je m’en occupe ? ».

Un brin agressif, il continue : « Après tout, c’est peut être préférable que vous le fassiez, entre compa-

triotes, surtout dans la même langue. ».

*

Ces petites humeurs passées, Jung Lu, Luan et John, descendent vers le lac, puis se dirigent en longeant les parois vers le côté opposé aux gardiens.

Une fois la zone du lac dépassée, le cheminement devient plus scabreux, voire dangereux. Jung Lu les a sanglés sur un cordage qu’ils doivent cram-ponner. La marche est en biais sur des déclivités de plus en plus escarpées. Les brodequins s’incrustent dans une terre maigre recouverte d’herbe et de végétaux. Bien que ce parcours soit très pénible, ils arrivent enfin sur les flancs quasi verticaux de la montagne.

Le franchissement de la cime doit les conduire au but de la mission ! John se comporte comme un vrai montagnard, seule Luan montre des

signes de peur, bien que courageuse. Il est vrai que la cordée surplombe un abîme d’au moins 200 m !! Arrivé le premier au faîte des murs de protection des ruines, Jung Lu

examine prudemment les lieux. Il grimpe finalement sur le rempart, et saute à l’intérieur d’une grande

prairie couverte d’herbes aussi hautes que le mur franchi. Après quelques minutes, s’étant assuré qu’aucun danger n’est visible ou audible, il tire sur la corde.

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Chapitre 15 80

Luan et John regagnent à leur tour le haut du rempart, bondissent sur le sol et s’enfouissent dans l’herbe.

« Marchons à quatre pattes jusqu’à cette tour et faisons le point. », su-surre Jung Lu.

Curieusement cet édifice à moitié détruit apparaît au centre de cette zone herbeuse. Des parties de murs de chaque côté semblent le soutenir, compa-rables à deux ailes.

Au fur et à mesure de leur avancée, cette construction découvre sa taille : gigantesque au sommet de ce mont Laoshan !!!

Elle apparaît comme une fusée dont on aurait enlevé l’ogive, comme un aigle sans tête, comme une statue érigée, quelque chose d’inattendu faisant travailler leur imagination.

Arrivés à quelques pas de ce curieux édifice les murs en forme d’ailes donnent l’impression de se fermer comme les pans d’un manteau.

Luan s’est naturellement mise en tête du groupe et rampe vers l’extrémité des pans du manteau. L’une des parties s’enroule en hélicoïde s’enfonçant vers le centre de la tour !!

En avançant elle se retourne, confiant son étonnement à John qui la suit comme son ombre et se retourne aussi.

*

Jung Lu sait que ce lieu est sacré et pour lui cette partie de manteau qui s’enfonce vers la tour s’enroule en fait vers les entrailles de la terre, sûre-ment vers la mort !! Son visage est livide, la sueur coule sur son visage buri-né d’homme de 40 ans.

Luan s’en aperçoit et s’interroge sur son état. Au même moment, la face de Jung Lu exprime brusquement une peur

panique. Il tend le bras, le doigt pointé au dessus de Luan et de John.

*

Ces deux collègues se repositionnent vers le centre de l’hélice et se trou-vent nez à nez avec le canon d’un vieux fusil du début du siècle, tenu par un vieillard en haillons barbu et dégageant une puanteur insupportable !

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Chapitre 16

« Que faites vous en ce lieu ? », hurle cet être repoussant, se lançant dans une litanie incompréhensible pour John. Le mouvement de l’arme, remon-tant puis s’abaissant dangereusement, incite chacun à se relever.

Les hardes, la taille peu commune, la maigreur effroyable de l’individu et cette puanteur font reculer d’effroi les trois expéditionnaires.

Ils se regardent en pensant à tous les efforts accomplis et devinent la fin de l’aventure, ici en ce lieu perdu…

Jung Lu, le plus effrayé des trois quelques instants auparavant, peu à peu se rassure. Parler le mandarin n’est plus tellement courant en cette année 2 062 et lui, Jung Lu, le saisit parfaitement bien ; il a compris le vieillard.

Non seulement il comprend le langage, mais… il connaît aussi le vieil homme.

Il s’appelle An Teh-hai, n’est que de 30 ans son aîné et reconnaît en lui son maître d’école.

*

An l’ancien était un vieil idéaliste et un ardent défenseur des valeurs an-térieures à cette folie qualifiée de néo-individualisme.

Dans le cadre des nouvelles règles de cette société, il avait été rapide-ment classé anti-social, ce qui était l’équivalent de l’exclusion.

Malgré ce jugement de la nouvelle société et le risque en découlant, Jung Lu avait maintenu des relations étroites avec lui jusqu’à la disparition du vieil homme de leur village natal.

*

Etrange rencontre en ce lieu !! Jung Lu ne dit rien et attend le moment propice pour dévoiler son identi-

té.

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Chapitre 16 82

Le vieillard est toujours agité, ses yeux fous vacillant dans ses orbites trop grandes.

« Qui êtes-vous, que faites-vous ici ? », répète-t’il inlassablement, cres-cendo jusqu’à l’exacerbation.

Le canon du fusil accomplit des figures agressives et désordonnées, ef-frayantes pour Luan et John.

Jung Lu se décide alors et s’adresse humblement au vieil homme : « Très vénéré maître d’école, nos chemins se sont croisés trente années

auparavant. Je n’étais qu’un pauvre être inculte, que ta grande sagesse et ton enseignement ont amené sur les chemins de la connaissance.

Lu Lien-ying était ma mère… ta cousine… Me reconnais-tu ? » Le vieillard arrête sa litanie, et scrute alors longuement le visage de celui

qui l’a interrompu dans son délire : « Ma vue a bien baissé, mais si je t’avais oublié, je reconnaîtrais la pure-

té du langage de mon enseignement… oui… il me semble que je me sou-viens de ma cousine Lu Lien-ying… tout est tellement loin… Que sont devenus les habitants du village ? 25 années me séparent de cette période où j’ai tout quitté pour défendre les valeurs culturelles de notre beau pays : la Chine. Que devient la Chine dans… comment dit-on… L’Empire du Levant. A cette époque les autorités voulaient détruire les temples taoïstes, ceux des fidèles de Confucius… les sanctuaires bouddhistes faisaient aussi partie du lot… »

Les yeux fous de douleur renfermée, il continue à parler en exutoire à ses années de solitude. Sa voix monte, aiguë, hystérique, ses bras s’élèvent vers le ciel, retombent en signe d’impuissance, puis se soulèvent et s’effondrent à nouveau. Il dépose alors son arme sur le sol et commence à parler d’un ton monocorde, d’une voix nasillarde, imperceptible, hachée, les yeux vagues, tournés certainement vers des souvenirs insupportables. Les mots tombent alors, incroyables, support d’une tristesse insoutenable.

« Nous sommes venus cinq cent pour apporter notre aide à cette commu-nauté taoïste…

Personne, personne, vous m’entendez, sinon l’horloge du temps, la pluie et le vent, n’aurait pu détruire ces lieux empreints de sagesse et de sainteté. Parmi cette multitude, nous étions trois à garder ce lieu. Il n’y a plus que moi, et ma solitude. Ils sont enterrés ici, où ils dorment, putrides, abandon-nés de tous.

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83 Life Source Quest

Nous avons été assiégés il y a vingt cinq ans, mais nous avons résisté ! Au centième jour, ils sont partis !! Nous sommes restés, et nous avons

vieilli ici, en attendant leur retour, année après année. Ils nous ont oubliés, comme si nous n’avions plus de valeur, si nous

n’existions plus. ». Ses yeux hagards tournent sans arrêt en revoyant des bribes de scènes

qu’il est seul à revivre, puis continue, sa voix étouffant des sanglots : « Nos compagnons d’infortune sont morts, d’abord de vieillesse, et puis

de maladie, et puis… de solitude… les uns après les autres. Nous ne sommes plus que cinq sur ce lieu sacré… quatre, attendent l’au-delà, allongés sur des grabats.

Les sentinelles sont des épouvantails, vêtus des habits des défunts. ». Soudain, réalisant qu’il n’est plus seul, il regarde successivement Luan,

John, puis Jung Lu, puis à nouveau Luan. Il se redresse violemment alors comme s’il avait été agressé, se ressaisit de son arme, mais la dépose aussi-tôt, de guerre lasse :

« Mais comment êtes-vous entrés ? Qui vous envoie ? Pourquoi ?? Enfin quel intérêt représente ce champ de ruines ? Ces vieillards mou-

rants, les sépultures de leurs compagnons ? ».

*

John ne saisit rien de cet échange mais s’aperçoit que le vieillard rede-vient humain. Luan, qui comprend, sourit de ce dénouement incroyable.

*

Jung Lu, se retourne vers Luan et John et explique ce que Luan a déjà compris. En guise de conclusion, il repose la question, taraudant An Teh-hai :

« Je ne crois pas que ça vous ait échappé, An veut connaître l’objet de notre présence ici. Que dois-je dire ? ».

Luan souhaite expliquer elle-même le but de la mission. Jung Lu de-mande la permission à son maître. An acquiesce, d’un hochement de tête.

Luan se rapproche de lui, le visage affable. Elle s’incline pour bien mar-quer le respect qu’elle lui porte, puis s’assied. Le vieillard en fait autant.

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Chapitre 16 84

Accroupie devant lui, le regard serein, la face légèrement courbée, les mains croisées, elle laisse passer le temps, celui qui guide le fluide de la con-fiance.

Son impatience est suspendue entre… l’éducation de sa mère génétique et… le besoin d’efficacité de Luan le clone. Elle ne laisse transparaître au-cun énervement, pas une goutte de sueur. Elle attend l’apparition des lueurs de l’écoute.

Dans son silence, elle ressent la caresse d’une brise transférant ses sou-haits vers ce vieil homme qui la jauge.

An Teh-hai décide alors que le temps est venu. D’un geste de la main, il l’incite à parler.

Luan le clone, longtemps contenue, s’exprime alors allant à l’essentiel. Elle est une scientifique, archéologue, et recherche en ces lieux les vestiges d’une antique civilisation, bien au-delà de la période confucéenne. Elle n’ose pas dire que l’Atlantide, cette terre mystérieuse irréelle, est l’objet de sa pré-sence ici.

A la fin le vieil homme hoche la tête, sans expression. Surprise, elle se retourne vers ses compagnons. Jung Lu, surpris de l’ambivalence de l’attitude première de Luan, et de

ce dernier comportement surprenant, conquérant et présomptueux… la re-garde intensément au fond des yeux. A nouveau, il lui demande de reprendre sa discussion avec An et de s’exprimer plus lentement et de faire preuve d’humilité.

*

En fait le vieillard n’a pas compris. La lueur de l’écoute l’a quitté ! Tout est à recommencer.

Jung Lu se joint alors à elle. A nouveau le processus de confiance se rétablit au bout de quelques ins-

tants. Jung Lu guide les étapes au rythme de la lueur de l’entendement. L’explication de Luan s’immisce enfin dans les dédales de la compré-

hension du vieillard. A la fin de ce long échange, An est heureux, presque apaisé, son visage

s’éclaire. Sa vie n’aura pas été inutile !!

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85 Life Source Quest

Mais il y a plus qu’un éclair de joie, il y a autre chose… de plus mysté-rieux, hors de la folie, dans le conscient de l’homme qu’il a été.

*

Vingt cinq ans sur ce lieu ont vu passer des journées sans travail. Quelles pouvaient être alors les occupations de cet homme cultivé, car, il

n’avait pas toujours été vieux, ni fou ? Quels ont été les échanges entre An Teh-hai et les moines taoïstes. Quels secrets a-t-il acquis ? Son regard apaisé porte une lueur étrange qui n’a pas échappé à Luan !!

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Chapitre 17

Suite du jeu… Luan peut revenir vers la colonne, le danger étant maintenant écarté. Le

médecin va s’occuper d’An et de ses quatre compagnons d’infortune. De la nourriture et des soins de première urgence vont améliorer leur état, du moins elle l’espère. Jung Lu, resté près d’An Teh-hai le prépare à l’invasion de l’expédition.

A l’approche du camp de repli, elle fait signe à Peter très étonné de la voir revenir seule avec John en provenance de l’entrée principale des ruines.

Incrédule, il se précipite hors de la zone du camp, et, précautionneuse-ment se cache derrière un gros rocher pour observer l’entrée des ruines et ses gardiens. Stupéfait, il aperçoit toujours les sentinelles au loin !!

« Mais enfin… comment avez-vous fait ? », balbutie-t’il. John savoure cette situation et laisse Peter devant son incompréhension. Le médecin, le traducteur de Chinois ancien, les archéologues,

l’historien, les muletiers et les techniciens se sont approchés. Les animaux, allongés sur le flanc, se redressent, voyant leurs maîtres se

déplacer. « Bon sang, expliquez-nous !! », répète lourdement Peter. « Que dois-je dire à ces gens ? Certains veulent partir !! Faut-il qu’ils

restent ? Leur sécurité est-elle assurée ? ». Endossant l’identité du président et son attitude irrespectueuse, Luan

s’adresse en premier, au docteur : « Prenez deux mulets, un muletier, vos instruments et courez à l’entrée

des ruines. Il y a des malheureux qui ont besoin de vos connaissances et de vos drogues. Les sentinelles vous laisseront passer. Il n’y a pas de danger, ne craignez rien. Jung Lu sera là et vous guidera. ».

Luan se retourne vers Peter, qui entre-temps a recueilli des bribes auprès de John.

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87 Life Source Quest

« Peter en savez-vous assez ? Oui. Bien. Alors sonnez le rassemblement et suivez au plus tôt le docteur à qui j’ai dit de se précipiter pour sauver quelques malheureux. ».

Délivrée de ces tâches urgentes, Luan se livre enfin. « Peter, cette histoire est incroyable !! Incroyable !! Là haut, il y avait

cinq cent hommes. Vingt cinq années auparavant. Cinq restent, quatre sont mourants. Un seul a témoigné de cette histoire invraisemblable. »

Soudain en larme, Luan continue : « Peter ce ne sont pas des gardiens, ce sont des squelettes habillés avec

les habits des morts !!! C’est désolant, désolant Peter. Nous vous raconte-rons cela ce soir, c’est désolant, désolant ».

*

Après quelques instants, récupérant ses esprits, Luan reprend la tête de la colonne reconstituée. Elle harangue les êtres aussi bien que les animaux.

« En avant, et que cette mission ne soit pas un fiasco !! Il faut rejoindre les ruines avant que la nuit ne tombe ! ».

La nuit est tombée une fois de plus, recouvrant ses lourds secrets.

*

Le soleil levant balaie de ses rayons le campement. L’herbe est humide et dégage une forte odeur d’humus. Le lieu se situe près du sommet du mont Laoshan. Luan se lève de bonne heure, apercevant au loin les limites de la mer. Les ruines sont balayées par un vent qui glace les os.

« Il va falloir dégager le terrain pour apercevoir quelque chose ! Etablir une carte des lieux, prendre les outils et agresser le sol, le dénuder pour le faire parler. Nous ne sommes pas au bout de nos peines ! », pense Luan en parcourant chaussée de hautes bottes l’herbe d’où s’élèvent de manière anar-chique quelques pans de murs.

« Et puis il y a cette tour décentrée, étrange, anachronique !! ». Dubitative, elle la regarde côté face. Le soleil la frappe horizontalement

et l’impression d’un grand oiseau qui se déplie dans le ciel l’intrigue au plus haut point. Lorsque le soleil se couchera, elle observera l’ombre de la tour à nouveau.

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Chapitre 17 88

Elle se retourne pour déterminer la position de l’entrée de cette dernière par rapport au soleil : plein Ouest.

*

Alors qu’elle réfléchit profondément à la raison de cette position très marquée, elle entend qu’on l’appelle. Elle se retourne et aperçoit le médecin se dirigeant vers elle, levant les mains au ciel en signe d’impuissance.

« Je n’ai rien pu faire pour les quatre compagnons d’An Teh-hai ! Ils étaient au bout de leur vie. Ils ont franchi désormais le mur du grand si-lence !! Par contre, le vieillard fait preuve d’une vitalité invraisemblable, quand on considère que son dernier repas date de… quinze jours. Heureu-sement les flaques d’eau ne manquent pas ici, il est bien hydraté. Il m’a avoué avoir mangé du vautour à son dernier repas, celui qui régulièrement dépeçait ses amis. Il considérait qu’il le faisait pour la dernière fois, tant il était faible !! Vous l’avez sauvé ! ».

Changeant de sujet, embarrassé, le docteur susurre : « Qui va se charger de lui annoncer la mort de ses derniers amis ? ». Luan, plus touchée qu’elle ne veut le montrer, désigne Jung Lu.

*

Une journée, chargée d’émotions se passe. Par considération pour les dé-funts de la nuit passée, chacun accomplit un rite selon sa conscience et sa croyance.

An Teh-hai ne semble pas trop affecté, lorsqu’il les accompagne à leur dernière demeure, une aire nettoyée et transformée en cimetière. Il plante simplement en terre un épieu surmonté d’un haillon retraçant en quelques idéogrammes leur affligeante aventure.

Une brève litanie clôt cette incroyable histoire qui aurait mérité la recon-naissance officielle de tous les parias, reclus et victimes de sévices moraux, de cette invraisemblable société néo-individualiste.

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Chapitre 18

Le terrain est maintenant nu de toute végétation nuisible. La topologie du sol livre ses premiers secrets.

L’ensemble utile du site s’inscrit selon deux axes parfaits : Est/Ouest, Nord/ Sud.

Avec ses deux ailes, la tour placée en limite de la surface construite, res-semble à la proue d’un navire. Plusieurs bâtiments, ou plutôt restes d’édifices, s’inscrivent dans cet espace.

Trois d’entre eux ont dû être monumentaux ; quelques colonnes tron-quées ne soutiennent plus que la voûte… céleste.

Quelques portes vermoulues, résistant par miracle, grincent ça et là, plaintivement sous la force du vent. Les ouvertures qu’elles protègent sont largement béantes.

Le sol est jonché de débris de tuiles et de poteries diverses. « Le lieu des immortels est dans un drôle d’état !! Voilà ce qui reste du

patrimoine de mes ancêtres », médite Luan le front plissé, cherchant par quel bout commencer !

Plus de cinquante ruines de petits monastères ou de couvents ont jalonné le long périple de la colonne sur les flancs du mont Laoshan.

L’aboutissement est ici, sur une plateforme abritant sur plusieurs niveaux ces étranges squelettes de bâtisses, qualifiées de « demeure des immor-tels » !!.

Mais ce lieu est le but de la mission ! Luan devrait découvrir ici les traces de l’existence de L’Atlantide !

Tout ceci est étrange et lui paraît peu cohérent ! Plongée dans ses pensées, elle ne voit pas arriver An Teh-hai. Dans son dos il s’approche, l’air mystérieux. : « J’ai peut-être une partie des réponses à vos interrogations ! », lui chu-

chote-t’il, énigmatique.

*

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Chapitre 18 90

An a bien compris que cette expédition lui a sauvé la vie. Plus les gens trouveront vite leurs vestiges, plus il reviendra rapidement vers les siens dans son petit village. C’est en tout cas ce que pense Luan…

Jung Lu l’a certifié au vieillard : tout a de nouveau évolué depuis la doc-trine d’origine. Les gens de la campagne ont repris une vie saine, champêtre, ayant puisé dans la nouvelle société ce qui les intéressait ; tous se nourris-sent des produits de la terre, en parfaite opposition aux préceptes de l’Empire !

Bien sûr, les jeunes ont déserté les campagnes, trop attirés par la garantie de longévité de vie sans maladies. Bien sûr, une maison sur trois est occupée dans son petit village ! Bien sûr, beaucoup sont proches de l’âge d’An, mais qu’importe, lorsque l’on a vécu vingt cinq années comme un ascète !

*

An Teh-hai répète son message, comme si Luan n’en avait pas intégré l’importance.

« J’ai peut-être une partie des réponses à vos interrogations ! », chu-chote-t-il, énigmatique.

Luan se retourne lentement, puis baisse le regard après avoir jaugé son interlocuteur. A son tour, elle ressent le besoin de ne pas écouter la suite, laissant au temps le soin d’établir le fluide de la confiance. Enfin, elle lui fait signe de parler.

« Pouvons-nous aller discuter à l’abri de cette tour ? Ce que j’ai a dire ne peut être entendu par tout le monde. », dit-il en en indiquant la direction.

Luan, un peu surprise, accepte cette invitation. Ils pénètrent alors dans le passage en colimaçon conduisant au cœur de la

tour. Luan, en léger retrait, observe curieusement les murs qui l’entourent. Bizarrement, au fur et à mesure de la pénétration dans le sol, une lumière

insolite éclaire l’escalier, se substituant graduellement à celle du soleil ! Luan ressent la froideur minérale de la pierre, mais perçoit néanmoins une

certaine chaleur… celle de la profondeur de la terre ? Etrange sensation, que celle de descendre dans cette vrille lumineuse in-

terminable, s’enfouissant dans le sol !

*

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91 Life Source Quest

Enfin, l’ennuyeux boyau en colimaçon débouche dans une immense ca-verne naturelle longiligne, où, la première chose que l’on aperçoit latérale-ment grâce à cette curieuse lueur, se trouve être… des clefs… des clefs à foison, rangées minutieusement… protégées par des grilles, en apparence immuables.

Au centre de la pièce et dans le sens de la longueur, une table monumen-tale faite d’une matière de couleur noire cache une vingtaine de chaises du même matériau.

Tout ceci semble défier le temps, sans usure ni détériorations apparentes, au milieu de cette désolation de ruines extérieures.

An lui désigne un siège à l’extrémité de la table, à l’opposé de la sortie

de l’escalier. Il l’accompagne, l’incite à s’asseoir, lui demande de l’attendre, ouvre une partie des grilles, prend, semble-t’il, une clef au passage et dispa-raît quelques instants dans la pièce voisine ; c’est du moins ce que suppose Luan.

Le temps s’écoule, Luan se lève plusieurs fois pour examiner les clefs essayant d’en happer une au travers des barreaux, cherchant à découvrir leur secret.

Puis, elle revient s’asseoir et après un instant de réflexion se relève à nouveau pensant avoir compris l’usage de ces dernières.

*

De retour, An Teh-hai lui présente un objet qu’il tient précieusement contre lui. Cet élément semble être lourd, bien que de taille modeste.

Il le dépose sur la table, le dévoile avec précaution, laissant libre cours à l’imagination ou à la mémoire de Luan.

Cet objet pourrait provenir de quelque chose, être un morceau d’un en-semble plus complexe, être un tout, donc avoir un usage propre !!

Jamais Luan n’a vu quelque chose d’aussi innocemment simple ; elle est incapable d’en qualifier l’utilité ! Il s’agit en tout cas d’un objet étudié par une intelligence éprouvée, pas un hasard de la nature !

An Teh-hai l’observe, puis, devant son étonnement, ramène une balance et y pose l’objet.

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Chapitre 18 92

Le poids, lors de la mesure, laisse deviner une densité bien supérieure à tous les métaux ou minéraux qu’elle connaît dans son milieu de l’archéologie. Le vieil homme fronce les plis de la bouche et du front, dans une moue inquisitrice.

« Luan, je vous confie cet objet, prenez le temps de l’analyser avec le plus grand soin. Je suis curieux d’en connaître la datation.

Revenez avec vos conclusions et je vous indiquerai alors, pas à pas, les zones où vous devrez chercher. ».

*

Alors que le vieil homme reste perdu dans ses pensées, Luan remonte le précieux colis à la surface.

Troublée au plus au point par cette découverte peu banale, elle rassemble John, Peter, les techniciens du laboratoire et ses 2 collègues archéologues.

En montrant l’objet qu’elle a mis sous atmosphère neutre, Luan initie une longue réunion sur la nature possible de l’objet.

Chacun reste dans une prudente réserve, surpris autant de la forme que du poids.

Bien longtemps après le début de cette réunion, quelques rares idées sont émises et consignées en attendant les résultats des analyses spectrogra-phiques, des datations, des essais de résistance et de tous ceux que Peter et son équipe jugeront utiles.

*

Une nouvelle nuit se déroule sur ce lieu qui abritait il y a cinquante an-nées l’un des neuf plus beau palais taoïstes : le Taiqing Palace.

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Chapitre 19

Sortie du jeu… Le jeu arrivant à un tournant décisif, Childéric essaie d’en reprendre le

contrôle et tente de ramener l’esprit de Luan dans son salon à Qufu. Les souvenirs de ses tendres ébats l’incitent à rompre le jeu pour des raisons fu-tiles et inavouables…

A travers quelques mots tendres, il essaie de la convaincre qu’elle doit mettre en œuvre les procédures d’éjection, mais les quelques heures de jeux tellement intenses ont perturbé la perception de la réalité de Luan.

Childéric, lui ayant retiré sa machine unilatéralement, réalise alors qu’il se retrouve peu ou prou dans la même situation que lors de leur dernière rencontre amoureuse ; lorsque Cervoclonis est en place, la machine gère la situation, mais lors de ses retraits, cette dernière laisse libre cours à la confrontation des deux personnalités de Luan !

La situation devenant critique, il compte sur le président pour le contac-ter rapidement…

Si le président téléphone, ce dernier trouvera une solution, il en est sûr ! Dans le cas contraire, il ne pourra que repositionner la machine sur le

crâne de Luan, reconnecter le jeu, et laisser à la machine le choix de ses pro-grammes en priant que cette manipulation n’entraîne pas de gros problèmes à son amante !

*

A peine a-t’il eu ces pensées, que le vidéophone, seul moyen de commu-nication encore accessible, fait entendre son signal.

Il presse le bouton « on ». Sans prendre la peine de le saluer, rouge d’irritation, le président laisse

filtrer dans ses propos une colère froide. « Mr Childéric Reyna… vous avez été qualifié pour les tests dans mon

entreprise. Vous n’avez pas suivi les procédures…

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Chapitre 19 94

Ce faisant, vous avez retiré du jeu unilatéralement Luan Shing Peï, sans respecter les procédures d’exit… Vous avez, de ce fait, perturbé les phases du jeu et gâché le déroulement du programme le plus important d’ERT !!! ».

A ce stade, il bégaye de fureur contenue : « Pour que… quelles raisons avez-vous fait ceci ? Expliquez-moi, Mr

Reyna ». Répétant à nouveau, sa voix montant crescendo jusqu’à l’hystérie : « Expliquez-moi Mr… Reyna… Vous ne le pouvez pas ? C’est cela…

vous ne pouvez pas expliquer pour quelles raisons vous avez désobéi, met-tant en péril Melle Luan Shing Peï qui n’avait rien demandé, sinon de conti-nuer dans sa quête des énigmes du jeu. ».

Puis, d’un air condescendant, terriblement autoritaire, criant presque, il martèle :

« Mr Reyna… remettez… immédiatement… Cervoclonis sur Melle Luan Shing Pei et sur vous-même… j’ai dit… immédiatement, vous saisissez. Bon sang ! Mais qui vous a permis !!! ».

*

Childéric comprenait la colère du président, mais ce dernier devait se moquer totalement de la santé mentale de Luan lorsqu’elle ressortirait du jeu. Seul comptait son projet et le présent.

Luan et Childéric n’étaient que des pions sur un échiquier ! Lorsqu’il avait encore un brin de conscience de son moi, Childéric avait

ressenti ce terrible dilemme entre sa vie dans cette société néo-individualiste et le job d’ERT.

Et puis, il avait eu l’impression de domestiquer, voire dominer Cervo-clonis, ressentant alors un nouvel équilibre, une impression de plénitude et de puissance, grâce aux portes du savoir entrouvertes par la machine.

Et, Cervoclonis l’avait modelé, guidé, selon… toujours, le modèle du président !

Il y avait eu ensuite Luan et leur amour qu’ils se croyaient libres d’accomplir sans leurs machines !!!

*

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95 Life Source Quest

Obéissant aussitôt à l’injonction du président, Childéric prend les deux modules et les positionne.

Etrangement le jeu ne redémarre pas ! Le président ayant repris le contrôle de la situation, s’adresse désormais

à eux. Les images défilant sur le mur montrent un patron maître de lui. Deux

« employés élèves », prêts à écouter, le regardent, assis dans leur fauteuil. Tout est à nouveau limpide, sans ambiguïté. Le président prononce, un

brin caustique : « Luan Shing Peï, Mr Reyna, que comptez-vous faire maintenant ? ». N’obtenant pas de réponse immédiate, une partie de sa colère remonte à

la surface. Malgré tout il se contient, mais on sent à l’intérieur de ce dernier une pression faisant bouillir le sang dans ses artères :

« Vous allez faire ce que je vous dis de faire : vous reprenez le jeu, vous at-tendez le résultat des analyses, et vous patientez jusqu’aux moments propices de sortie que détermineront vos machines.

Après plusieurs remarques, ou doutes, la machine de Luan activera les bornes de la procédure d’exit, que vous, Mr Childéric Reyna, utiliserez à bon escient pour guider la sortie de Luan. Me suis-je bien fait comprendre ? ».

Le ton est glacial et ne peut supporter de récriminations ou de justifica-tions !

*

Le président avait défini une ligne de conduite et s’y tenait. Il voulait que Luan critique le jeu, que Childéric le supervise et que Cervoclonis et son ex-tension neuronale gouverne l’ensemble, sans faillir ; car seule une machine de la puissance de Cervoclonis pouvait garantir la rigueur conduisant à la réussite.

Mais imaginait-il… tout ce que la machine pouvait inventer avec sa ca-pacité d’autocréation ?

N’avait-il pas dit à Childéric, alors que ce dernier était à Mexico City en train d’écrire le premier rapport sur les agissements surprenants de Cervo-clonis :

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Chapitre 19 96

« Votre machine ne connaît pas ce que je viens de vous confier et ne le saura jamais, ceci à cause de cette fonction d’autocréation qui m’échappe à moi le président, et lui laisse trop de latitudes dans ses choix ! ».

*

Fort d’avoir précisé ses objectifs immédiats, le président relance le jeu.

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Chapitre 20

Suite du jeu… Sur le campement de l’ancien Taiqing Palace, la nuit s’écoule lentement. Peter et John ont dressé la liste des tests à exécuter sur « l’objet » et les

ont réalisés. Bien que le scanner atomique de masse n’ait pas été transporté in situ, des mesures plus simplifiées ont permis d’aboutir à des conclusions suffisamment importantes pour les confier à la première heure de l’aube à Luan.

*

Le camp est en agitation dès les prémices du jour naissant ; une fièvre parcourt l’équipe qui a sillonné lentement les flancs du mont Laoshan. Si l’on devait compter le nombre de personnes ou/et d’animaux ayant pris leur compte de sommeil cette nuit là, on s’apercevrait très vite que seuls les mu-lets se sont reposés !

*

Luan se lève la première. An Teh-hai, immobile, la guette depuis une heure déjà par un interstice de sa tente. Si elle sort si tôt, c’est que l’objet mérite de l’attention et An est heureux de le lui avoir confié !

Satisfait de la voir s’éloigner, il s’enroule à nouveau dans sa couverture et savoure cette chaleur animale procurée par le duvet.

Pendant vingt cinq ans il s’est contenté d’herbage vert ou séché pour tout couchage. Quelle différence !

Cette excitation collective réanime en lui les souvenirs de ses discussions avec le chef de la communauté taoïste.

Deux ans, peut être trois. Enfin, après l’arrivée des cinq cents défenseurs. Il y a donc… une vingtaine d’années, Liu Huaiyuan, le maître de la commu-nauté de la province de Shandong, s’était lié d’amitié avec lui. Ce dernier lui avait révélé des secrets qui, de son point de vue, n’avaient pas d’importance

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Chapitre 20 98

dans les circonstances tendues de l’époque. Liu était mort dix années aupa-ravant à l’âge honorable de quatre vingt dix huit ans.

An Teh-hai avait longtemps réfléchi à ses propos tenus à la fin de leurs longues soirées de méditation. Il y était question d’êtres immortels, d’origine de l’humanité !!

Liu Huaiyuan lui avait transmis des secrets oraux et des preuves bizarres. An les confierait bientôt à Luan. Ainsi se débarrasserait-il l’esprit des doutes qui l’avaient assaillis alors !

Une seule chose l’ennuyait : il trouvait étrange le comportement de Melle Luan Shing Peï !

*

Luan entre dans le grand chapiteau érigé au centre du campement et s’assied, attendant ses collaborateurs. Rarement elle s’est morfondue comme en ces instants !

Peter arrive seul. Devant la déception visible de Luan, il lui fait signe de ne pas s’impatienter : il va commencer par lui expliquer les résultats des premiers tests.

« Les tests suivants ont été accomplis sur l’objet et sont bruts de toute analyse complémentaire. », annonce-t-il sans ambiguïté, magistralement.

« Densité du corps : supérieure à tous les matériaux connus. Un message a été transmis au siège pour nous préciser une classification possible dans l’échelle de Mendeleïev modifiée.

Si le nombre de protons s’avérait supérieur à 111, tenant compte de la masse volumique, nous serions en présence d’une grande découverte scienti-fique. Tous les critères de stabilité sont apparemment réunis puisque nous visualisons et tenons cet objet. Il a sans aucun doute une densité supérieure à l’Osmium de numéro atomique 76 !!

Datation de l’objet : entre 40 et 100 millions d’années avant J.-C. ! La précision manque avec les moyens du bord.

Nature de la matière. Impossible de déterminer la nature : minérale, mé-tallique, carbonée, résinée… Etudes complémentaires demandées mais ulté-rieures, car il est impossible de prélever un échantillon du fait de la dureté. Nous avons demandé le transport urgent du scanner atomique de masse et de sa logistique.

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99 Life Source Quest

Dureté de la matière : indestructible avec les moyens emmenés dans cette mission. La matière est-elle homogène ? Ou s’agit-il seulement de la résis-tance de surface ?

Tests de rayonnements : Emissions de rayonnements à ondes ultra-courtes récurrents et de

champs magnétiques… pulsés de 100 000 Gauss à 10 cms de l’objet ; ceci conduirait à penser qu’il y a production et émission d’énergie !

Utilité de l’objet : l’équipe travaille encore sur les hypothèses les plus plausibles : une balise, une boîte noire, une nouvelle roche ? ».

Luan éberluée, écoute ce discours incroyable et commente incrédule. « Peter je n’ai jamais vu ça… dans ma carrière d’archéologue… Qu’en

pensez-vous ? » « Moi non plus, mais je ne côtoie pas ce métier. », répond-t’il briève-

ment, sans enthousiasme. Pendant leur conversation, ils aperçoivent soudain le Vieil An qui fina-

lement s’est décidé à venir. An Teh-hai s’approche de Luan et dit comme s’il avait entendu leurs

dernières phrases : « Liu Huaiyuan, le grand maître taoïste savait ce qu’il disait alors ? Luan,

j’ai bien d’autres choses à vous faire découvrir. ». Luan, d’abord surprise de sa présence et de ses commentaires lui de-

mande respectueusement de bien vouloir les laisser seuls encore quelques instants. Pour réduire la portée éventuellement blessante de ses propos, elle ajoute :

« An Teh-hai, je vous retrouve à la tour dans une heure, j’aurai beaucoup d’informations à vous donner. Nous serons mieux en plus petite compa-gnie ! ».

Le vieil homme, à regret, quitte la tente. Surpris, Peter écoute avec attention ces échanges.

*

Alors que le vieillard sort, John, les techniciens et les archéologues pénè-trent à leur tour sous le chapiteau. An, les croisant, les ignore en maugréant.

John arbore un sourire forcé et les autres portent sur leur visage un rictus étrange.

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Chapitre 20 100

John s’assied, puis se relève après quelques secondes pour demander la parole. Luan donne son assentiment par un hochement de tête :

« Tout d’abord, je dois dire que les journées et les nuits sont denses au Taiqing Palace ! Je vous salue tous. Pardonnez à l’avance quelques bégaie-ments ou erreurs qui pourraient surgir ça et là. Ils seraient dus vraisembla-blement au manque de temps passé avec Morphée !

Je parle ici au nom de mes chefs, collègues, et au nom de la divine con-naissance humaine !

Je ne suis pas archéologue, mais en matière de connaissance de maté-riaux, j’ai la prétention d’en connaître un bout !

Cet objet nous a défiés toute la nuit et même ce matin de très bonne heure.

Nous sommes devant un mur de questions non résolues. Tenant compte des moyens d’investigation dont nous disposons, nous pouvons dire sans conteste : nous avons découvert la perle rare ! Et quand je dis la perle rare, je veux dire unique !

Ceci n’est pas mon propre propos, mais celui qui a conclu notre pré- meeting ce matin.

Peter vous a rapporté les maigres résultats de nos analyses et l’étendue de celles à complémenter !

Après avoir tourné autour de l’objet pendant des heures, l’avoir agressé de nos remarques, l’avoir insulté et essayé d’en découvrir les secrets inté-rieurs, nous avons décidé de le faire… parler de l’intérieur… vers l’extérieur.

Oui, il faut laisser les gens parler… et cet objet a parlé, oui il a parlé ! Pas dans le sens, où il s’est adressé à nous, mais dans celui où notre arsenal technique a réussi à le capter !

C’est à ce moment là que nous avons enfin pu imaginer quelque chose de plausible. Ce ne sont malgré tout que des hypothèses.

On peut penser que la chose émet ou/et reçoit sur ondes très courtes. Les messages sont à 90 % les mêmes, récurrents comme un SOS.

10 % des messages nous paraissent différents ; c’est ce qui nous pose un problème ! Enfin ce n’est pas le seul, car tout ceci n’est que supposition.

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101 Life Source Quest

Bien sûr, sa masse volumique, en soi est une preuve de son originalité, mais quid de l’homogénéité, quid de sa composition chimique, quid de la consistance de son/ses noyaux atomiques ?

Parlons aussi de ces champs magnétiques pulsés. Des centaines de mil-liers de Gauss émis par cette remarquable… balise… boîte noire… météo-rite… boule d’énergie… Comment allons-nous la qualifier ? ».

John, les sourcils froncés, demande l’assentiment de l’assemblée : « Beaucoup de questions non résolues, n’est ce pas ? Sauf une ; cet objet

est un mystère pour la science actuelle, car ne l’oublions pas, cette balise à un âge plus qu’avancé.

Avez-vous des questions… ou plutôt… avez-vous des réponses, ce que je préférerais ? ».

L’auditoire semble détendu à la suite de cet exposé un peu humoristique, mais les participants ont déjà suffisamment réfléchi pour ne pas ajouter de commentaires.

Avant de s’asseoir pour saisir un verre d’eau, John relève l’index en ré-clamant à nouveau la parole :

« Au fait… où se trouvait l’objet ? Je veux dire, quand a-t-il été trouvé par les taoïstes ou par d’autres sur la Terre… à l’origine… au tout début ? Ceci est la véritable question ! ».

Sur cette interrogation résumant le fondement du problème, Luan clôt la réunion et demande à chacun de l’attendre sur son poste de travail. Une nou-velle réunion sera sûrement programmée dans la journée !

*

Prise dans ses pensées, Luan, en se rendant au rendez vous du vieil homme, dépasse la tour et se retrouve devant le mur franchi quelques jours auparavant.

Souriante de son inattention, elle fait demi-tour et refait le chemin in-verse.

Vue de ce côté l’ensemble constitué par la tour tronquée et ses deux ailes constitue un lien virtuel entre la terre sur laquelle elle s’appuie et le ciel où elle tend à se rendre, ou le contraire, comme si le ciel avait lancé un objet qui se serait incrusté profondément dans la terre.

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Chapitre 20 102

Cette idée fugace et confuse l’occupe jusqu’à l’entrée de l’escalier. Elle s’engage précautionneusement dans « la vrille lumineuse », et, toujours aussi surprise, descend en touchant cette fois la paroi.

Cette paroi bien que froide au début, est étrangement chaude dès les premiers mètres. Ceci expliquerait la température régnant dans la salle en dessous.

Ceci expliquerait aussi pourquoi le lieu est chaud, mais… pas ce qui pro-duit la chaleur ; là est le mystère.

La pièce est vide lorsqu’elle arrive. An Teh-hai ferait-il un caprice de vieillard ?

*

Le moment est propice pour redécouvrir le lieu. Elle parcourt la galerie des clefs et s’engouffre dans la zone où An s’était

enfoncé lors de leur première rencontre. Encore un escalier descendant dans les entrailles de la terre ! Depuis son entrée dans le premier escalier, une impression spéciale lui

taraude l’esprit. Ses pas la reconduisent vers la vrille lumineuse. Elle retouche le mur du colimaçon. Le toucher est anormal, mais elle ne

saisit pas en quoi ! Elle s’arrête et… contemple le mur… la lueur qui s’en dégage. Enfin

qu’y a-t-il ? Soudain elle comprend. L’odeur, oui l’odeur. Il n’y a pas d’odeur, pas de moisi, pas d’humidité, oui, pas de trace d’eau, sur des murs… sous la terre !

Elle tourne, touche le mur, tourne encore, pas de salpêtre ! Soudain elle tressaute, car on vient de toucher son épaule.

Derrière elle, An est remonté des entrailles de la terre avec d’autres ob-jets. Il s’adresse à Luan :

« Vous êtes curieuse, Luan Shing Peï. Sachez que ce lieu est sacré ! J’en ai la défense ! ».

Luan tressaille à nouveau, discernant une pointe d’agressivité dans la voix du vieil homme.

An Teh-hai lui fait signe de rebrousser chemin.

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103 Life Source Quest

« Venez, je vais vous expliquer. Voulez-vous savoir pourquoi les murs sont secs et éclairés ?… Je ne le sais pas ! Mais je vis avec, sans appréhen-sion ! Vous savez, tout ne s’explique pas. ».

Luan revient dans la salle et s’aperçoit en passant que trois clés man-quent sur le tableau.

Le vieillard dépose les objets qu’il tient précieusement et se rend vers les grilles qu’il ouvre. Il remet en place trois clés…

An Teh-hai revient vers la table avec le premier objet. Le vieil homme extrait un très vieux livre de son enveloppe poussiéreuse

et l’ouvre. Luan se penche et tente de déchiffrer les textes. Certains idéogrammes font penser à du chinois ancien, d’autres à des

dessins de grottes préhistoriques, d’autres à des hiéroglyphes, comme si ce livre était un recueil de nouvelles ou une multitude de textes !!

Luan tourne les pages, de plus en plus surprise, pensant immédiatement à rassembler ses collègues archéologues et le spécialiste en chinois ancien.

Elle relève la tête après un long moment passé à compulser l’ouvrage. Le vieillard tente aussitôt de saisir son regard, pour y lire une réponse. Luan, devant cette interrogation muette, fait une moue montrant son

ignorance, et son incrédulité. Combien de surprise An l’ancien va-t-il lui faire découvrir ? De quel en-

droit sort-il ses secrets ? Du fond de cette tour ? Des entrailles de la terre ? Qui était Liu Huaiyuan ? Que lui avait-il dit ? Devant le doute de Luan, le vieillard répète à nouveau : « Liu Huaiyuan, le grand maître taoïste savait ce qu’il disait alors ?

Melle Luan Shing Pei, j’ai bien d’autres choses à vous faire découvrir… » Luan, perdue dans ses pensées, ne réagit pas. An l’ancien juge à nouveau que cette fille est étrange !! Il lui propose de l’aider. Elle ne réagit pas ! Il imagine qu’elle le prend

pour un vieux fou ; la colère commence à monter en lui ! Devant cette inertie, il décide de reprendre les objets et prépare sa fuite

dans son antre.

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Chapitre 20 104

Aussitôt, Luan pose la main sur le manuscrit pour qu’il ne le récupère pas.

Reprenant ses esprits, elle appuie fortement d’une main et repousse le bras du vieillard de l’autre.

Etonnée, elle dit en suppliant : « Mais que faites-vous ? Ne repartez pas je vous en prie… ».

Le vieillard, interloqué, n’imagine pas qu’autant d’énergie soit concen-trée dans cette femme.

Il lâche prise et s’enfuit malgré tout avec les autres objets, saisissant au passage trois clés.

Luan se précipite et s’élance à sa poursuite dans le second escalier. Le vieillard, dopé par les nourritures prises, descend les marches quatre à

quatre, puis s’arrête, haletant pour ouvrir une première porte. Sur le seuil, il se retourne, lui faisant signe de remonter par un geste sans

équivoque, affirmant ainsi qu’elle n’est pas la bienvenue en ces lieux ! En léger retrait, Luan montre qu’elle abandonne la poursuite, et remonte

les marches tremblante de rage contenue, se maudissant d’autre part de son attitude insensée.

*

Le grimoire est resté sur la table. Quelle doit être son attitude ? Trop de questions sans réponses tournent dans son esprit. Jamais elle n’a eu à s’occuper d’un site archéologique aussi étrange.

Finalement, furieuse, le sang battant à tout rompre dans ses artères, elle remonte à la surface, laissant l’ouvrage étalé sur la table.

En essayant de se calmer, elle retourne vers sa tente et décide de résumer malgré tout sur une simple feuille de papier ce qu’elle a vécu depuis le début de l’aventure.

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Chapitre 21

Depuis quelques instants, la machine de Luan affiche un message pour attirer l’attention du maître des jeux.

Ce dernier est dans le fauteuil du salon de la petite maison de Qufu, sur-veillant le jeu, l’esprit légèrement en sommeil. Devant son peu de réactivité, sa propre machine commence à exciter ses neurones assoupis. Il lève les yeux au mur et s’aperçoit que la procédure d’éjection du jeu est sollicitée sur apparition des limites émotionnelles de Luan.

Il remet en route les images des derniers instants et s’aperçoit qu’elle a en effet accumulé suffisamment de questions insolubles et surtout une erreur de comportement avec An Teh-hai, ceci l’entraînant en limite de « forma-tage » et, donc, d’enclenchement de la procédure d’exit.

Se souvenant de la dernière réaction du président, Childéric interroge mentalement Cervoclonis pour être sûr de respecter les conditions d’éjection du jeu. La machine confirme et lance la procédure.

*

Luan se sent expulsée du jeu alors qu’elle sort de l’escalier de la tour.

*

Il lui faut alors quelques instants pour revenir à la réalité et apercevoir Childéric qui lui sourit.

Il lance amicalement : « Bienvenue dans le monde réel ! ». Montrant du doigt les machines sur leurs crânes, il se reprend : « Enfin

pas tout à fait mais, ça viendra ! ». Il se lève pour lui donner un baiser. Luan le regarde, surprise de cette at-

titude, ne manifestant pas le moindre signe de tendresse ! Un instant surpris et vexé il se rassied, comprenant et vouant aux gémo-

nies la machine de Luan qui désormais contrôle son destin, ne laissant plus aucune ouverture à la personnalité tant aimée de sa génitrice.

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Chapitre 21 106

Childéric a tant attendu et tant appréhendé cette minute ; le pire est arri-vé ! A la suite de leurs deux expériences amoureuses et du dernier incident malheureux, la machine de Luan a annihilé certaines fonctions trop « humaines ».

Childéric, lui, a oublié ou ne comprend pas qu’il est dans une phase de travail continue, le processus engendré par le président étant irréversible !

Un silence lourd s’installe quelques instants, puis Childéric réalise enfin que leurs deux machines ne laisseront plus rien passer pour accomplir leurs activités.

*

Comme si le président surveillait les états d’âme de ses collaborateurs, son hologramme apparaît alors sur les murs du salon !

Toujours aussi autoritaire, il s’adresse à eux selon son habitude, sans s’encombrer d’un moindre préambule :

« Luan Shing Peï, Mr Reyna, je veux oublier notre dernier entretien vi-déo-phonique, aussi, considérez ceci comme un ordre et obéissez… les phases de jeux sont terminées !

Veuillez vous rendre sans attendre vers le mont Laoshan, sur le lieu où se trouvent les ruines du Temple appelé Taiqing Palace, du moins ce qu’il en reste.

Une équipe de scientifiques vous y attendra dans huit heures au plus tard. Tout le matériel indispensable y sera ; notamment le dernier modèle de scanner atomique de masse et plusieurs équipements nec plus ultra.

Je me rendrai personnellement sur place dans quelques jours. En atten-dant, je dois examiner avec Takamaki Sone, l’état de ses dernières trou-vailles. S’il le veut, je l’espère, il se joindra par la suite à notre équipe.

Croyez-moi, vous allez vivre la plus palpitante des aventures ! Notre groupe, envoyé sur le site en 2 062, sera là en partie. Beaucoup sont

à la retraite ou sur une autre planète… comme Peter. Notre directeur scientifique John Malicorn et d’autres personnes vous y

accueilleront. Notez que nous sommes le mardi 10 septembre 2 080 et que le jeu est in-

terrompu par manque d’informations valides. Ce jour marque également le début d’une aube nouvelle !

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107 Life Source Quest

Melle Luan Shing Peï, vous allez mener toute cette équipe qui vous at-tend là-haut… au succès, celui que j’attends depuis 30 longues années. ».

*

Luan vient de comprendre l’ampleur et l’importance de la tâche confiée ! Cervoclonis qu’elle ne quitte, plus lui confère une impression de puissance et de sécurité.

Chargée de mener et réussir les recherches sur un hypothétique peuple ayant vécu dans ces lieux quelques milliers, peut être quelques millions d’années auparavant, elle est fière de la responsabilité transmise par le prési-dent !

Le jeu abandonné, Childéric devient un simple assesseur à sa disposition. Quelle personne sensée se lancerait dans une aventure aussi incroyable,

si ce n’était le vœu du président et s’il n’avait conçu cette incroyable ma-chine ?

*

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Chapitre 22

Une centaine de kilomètres séparant la maison de Luan, du mont Laos-han, cette dernière confie à Childéric le soin de réaliser la location d’un vé-hicule volant à photons.

Quelques heures après, comme souhaité par le président, le véhicule les dépose sur le mont Laoshan. Luan découvre à l’atterrissage… ou redécouvre le camp et les ruines telles qu’elles étaient dans le fil du jeu en l’an 2 062 !

Elle aperçoit la tour, dont elle vient d’être expulsée virtuellement, et imagine qu’elle va retrouver le vieil An Teh-hai, Peter et John !

Elle descend précautionneusement de l’engin, regarde autour d’elle et se frotte les yeux voyant John et le traducteur de chinois ancien la saluer.

Elle s’apprête à demander des nouvelles d’An Teh-hai et de Peter lors-qu’elle réalise la présence de rides sur le visage de John Malicorn et de ses collègues !

Le temps passé sur les partenaires de l’expédition de 2 062 les a marqué de son empreinte puissante ; les jeunes, de stigmates, les vieux comme Peter et An, du sceau de l’absence définitive.

Etrangement des larmes perlent des yeux de Luan… le clone ! Elle réa-lise que ce monde néo-individualiste est cruel ! Quel âge aurait les absents, Peter 80 ans et An 85 années.

*

Cette émotion passée, Luan et Childéric, chargés de leurs bagages se rendent vers le grand chapiteau central.

John n’arrête pas de parler, en marchant auprès d’elle, lui énonçant de quels outils elle disposera.

Luan réfrène son envie de rappeler à John les derniers propos tenus quelques heures auparavant… dans le jeu.

Dans son esprit un peu confus ce dernier avait une vingtaine d’années de moins, donc l’individu à ses côtés ne peut pas… être John !

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109 Life Source Quest

Hésitante, malgré tout elle se lance : « Vous êtes bien… John Malicorn n’est ce pas ? ».

John s’arrête surpris de cette question. Elle se retourne et ralentit. Il la dévisage surpris :

« Ai-je donc tant vieilli ? ». Luan rougit de cette question stupide et reprend sa marche, accélérant le

pas, espérant ainsi être la seule à connaître son trouble. Luan était certainement la plus perturbée, car étant fictivement en 2 062

dans le jeu… tout au plus dix heures auparavant. John y était… jeune ! Quelques heures après, elle le revoyait… en chair et en os ici… 20 années plus âgé !

*

Tous ces doutes, ces surprises, se sont concrétisés pour Luan Shing Peï en quelques instants, entre le lieu où se trouve le véhicule à photons qui dé-colle maintenant et l’entrée du chapiteau où elle se rend !

*

Luan entre la première dans ce lieu qu’elle connaît déjà. Naturellement, elle se dirige vers sa place, dépose les dossiers et

s’assied. Plus rien ne transparaît, ni de ses larmes, ni de ses états d’âme ! Cervoclonis qu’elle porte sur elle et qui ne la quitte plus, a dû reprendre

le fil de la mission du président ! John et ses collègues s’asseyent à leur tour, attendant le reste de l’équipe. Un long moment de calme s’écoule, ponctué par des esquisses de sourire,

des questions muettes, des fronts qui se plissent, des doigts qui frappent le bois de la table…

Rompant cette trêve, John se lève montrant son impatience. Il va jeter un coup d’œil à l’extérieur.

Quelques minutes passent. Le silence à l’intérieur du chapiteau devient lourd.

Un brouhaha, puis quelques chuchotements venant de l’extérieur, attirent l’attention des participants.

Les pans de la porte en toile s’ouvrent, laissant pénétrer successivement : Helen Mac Donagh, experte en agronomie.

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Chapitre 22 110

James Klinton, ingénieur spécialiste en intelligence artificielle, les membres de l’équipe EMO4 : John ALIWAN, un archéologue très connu en égyptologie et écritures

diverses, Ali Khoury, médecin expert en psychiatrie, une astronaute et une experte en astrologie. … Quelques instants, après les membres de l’équipe de l’Empire

d’Amérique arrivent : James Dawsinger, volcanologue, Arthur H Washington, archéologue spécialisé en civilisations inca et

maya, John Artus, expert en astronomie, et enfin, Alice Jordan, journaliste spécialisée en OVNI. John les laisse se présenter au fur et à mesure, excuse l’absence de Ta-

kamaki Sone et du président, puis de la main, désigne leur siège. Quelques borborygmes, bruissements de page, éternuements étouffés,

chuchotements, ponctuent le silence qui suit les présentations. John Malicorn laisse chacun s’installer confortablement et présente alors

Luan. « Certains d’entre vous connaissent Luan Shing Peï. Pour les autres, vous

vous êtes sûrement aperçus ou rencontrés lors de la grande réunion du lan-cement officiel de Cervoclonis, en mai 2 080.

Luan a été nommée par le président, directrice générale des fouilles de ce site archéologique.

Elle et Childéric, que vous connaissez tous, ont commencé l’évaluation du premier jeu sur le sujet de l’Atlantide.

Comme le président le pressentait, la réalité de ce jeu satisferait sûrement des joueurs n’ayant pas vos connaissances, mais Luan y a relevé plusieurs invraisemblances. Nous sommes donc dans le processus de correction.

Tenant compte de l’intérêt majeur du challenge, nous vous avons réunis pour assembler vos connaissances en vue de la recherche de la vérité histo-rique sur… l’Atlantide… Oui, vous avez bien entendu… Le président pres-sent que le but est proche ! Nous vous demandons donc de vous mettre à la disposition de Luan Shing Peï, comme tous les membres de ERT ici pré-sents. Je laisse maintenant la parole à notre directrice. ».

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111 Life Source Quest

Luan avait réfléchi à ce voyage vers le centre de la terre pendant les quelques heures de préparation dont elle avait disposé. Une ébauche de stra-tégie avait été dressée, mais elle n’avait pas imaginé une telle débauche de moyens ! Devant le fait accompli, elle maudit intérieurement le président !

Ainsi le beau discours, préparé à la hâte, se trouvait-il remis en cause ! Elle se lève, balaye du regard l’assemblée et s’exprime alors, remplie de doutes et de colère avortée :

« Me voici à la tête d’une équipe de choc ! Bienvenue à vous tous. Je vais être brève, car ERT a mis à ma disposition beaucoup de logistique et je dois en faire le point. Peut-être avez-vous été sollicités il y a longtemps, mais en ce qui me concerne, quelques heures plus tôt j’étais dans le jeu d’ERT en… l’année 2 062. Comprenez-vous ? Maintenant, parmi vous, je me trouve dans une réalité dépassant la fiction, ce 10 septembre 2 080 !!

Ne soyez donc pas exigeants, examinez les notes que ma machine va vous transférer. Analysez-les, et à l’aune de vos différentes spécialités faites-moi part de vos remarques. La nuit est sûrement déjà arrivée, je tombe de fatigue. Permettez-moi de vous saluer tous respectueusement. Demain sera un jour nouveau ! »

Ce disant, elle se dirige vers la sortie. John la rattrape à l’instant où elle franchit la porte et lui glisse à l’oreille : « Luan, je ne vous ai pas tout dévoilé. ». Elle s’arrête instantanément, comme si une décharge électrique l’avait

frappée ! « Quoi encore ! », rétorque-t’elle en se retournant devant un auditoire pas

encore remis de la rapidité de la réunion ! « An Teh-hai ! ». Interrogative, sourcils froncés, désagréable, Luan le clone le toise : « Quoi, An Teh-hai ? Laissez-le où il se trouve, qu’il repose en paix ! ». John insiste en la suivant à l’extérieur : « An Teh-hai n’a pas fait le dernier voyage ! ». « An Teh-hai n’a pas fait le dernier voyage ? », réplique-t’elle, s’arrêtant,

bouche bée. « Il n’a pas fait le dernier voyage… mais, il a au moins 85 ans et tout le

monde doit partir à 75 ! ». D’un doigt sur la bouche, John lui fait signe de s’exprimer discrètement.

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Chapitre 22 112

« Pas si fort, s’il vous plaît !… Le président le protège depuis notre mis-sion de 2 062 ! ».

Réfrénant un bâillement, elle répond visiblement excédée : « An est ici ? C’est bien ça ! J’ai du mal à vous croire… après

tout,depuis que je vis cette aventure plus rien ne me surprend ! Bonsoir… Mr John Malicorn, bonsoir, je suis exténuée. Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures, allez bonsoir ! ».

John reste muet devant autant d’irrespect, de mauvaise foi. Il la salue d’un geste puéril, la main restant suspendue en l’air plusieurs secondes après cette fuite surprenante !

*

Luan Shing Peï, le clone, n’a jamais été confrontée à une telle situation ; avoir des responsabilités et les voir mises en cause à chaque instant, à chaque décision, être sous-informée.

Depuis cette réunion et cette dernière information donnée par John, elle hait intérieurement le président !!

Childéric qui la suit de quelques mètres, observe la scène, dubitatif.

*

La nuit est longue pour Luan Shing Peï. Dans la première partie de son sommeil, semi consciente, elle devine

confusément que le président s’alloue des pouvoirs considérables par ma-chine interposée ! Le cours des ténèbres apporte un apaisement à cette fureur rentrée l’ayant minée durant la réunion de la veille.

Bien que Cervoclonis soit déposé sur le bureau à quelques mètres de Luan il contrôle désormais son esprit dans les phases paradoxales de son sommeil. D’étranges images apparaissent à la limite de sa conscience… elle parcourt en rêve les entrailles de la terre… ouvrant des portes derrière les-quelles éclatent des gerbes de lumière… à chaque fois différentes. Dans sa progression, elle se trouve nimbée de ces halos. Son corps, devenu photon, est alors transporté jusqu’au cœur de la source. Puis elle franchit miraculeu-sement cette dernière ; une autre porte apparaît alors… et les halos, ceci à l’infini !

Cervoclonis dans son positionnement géodésique actuel, vient de capter des ondes extérieures !! Il s’enfonce et puise dans le cerveau de Luan, re-

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113 Life Source Quest

cherchant, tel un scanner, une microscopique zone pouvant entrer en réso-nance avec ces ondes qui circulent depuis des millions de lustres dans l’espace interstellaire !

En appliquant cette fonction inconnue de ses utilisateurs, Cervoclonis sonde… leur matière grise, la nuit… inlassablement !

La machine est programmée pour découvrir une adéquation totale entre les ondes du cosmos et la quintessence de ses propriétaires utilisateurs.

Le président et John sont les seuls à connaître cette fonction pour le moins surprenante !!

Ainsi, les rêves de Luan correspondent à des images captées et émises par la machine traversant son substrat cellulaire !!!

Par ce biais, en attendant la rencontre subtile, Cervoclonis montre à Luan un chemin, une procédure dans ses recherches, validant chaque étape par-courue avec succès et balisant les parcours du lendemain !!!

*

Luan s’éveille ce premier matin ayant oublié son comportement de la veille. Ce sommeil lui a apporté l’oubli et une vision nouvelle pour l’approche de ses recherches.

Sur le bord de son lit, elle étire lentement toutes les parties de son corps, s’apprête soigneusement, puis se risque à l’extérieur dans la pâleur de l’aube.

Elle porte une tenue de sport dont les fibres ultra-légères la protége du vent et du froid matinal.

Seule, elle effectue les mouvements libérateurs de l’énergie dont elle va avoir besoin dans cette étrange aventure.

Alors que son corps se détend, comme imitant les gestes de Luan une silhouette fluette, voire fantomatique se détâche sur l’horizon de l’aurore naissante. Prise dans sa concentration, Luan ne s’aperçoit pas que cette ap-parition se déplace vers elle dans l’action de ses mouvements amplement lents et réfléchis. Comme survolant la terre, les gestes interminables de ce fantôme humain, l’amènent en silence à deux pas derrière elle.

Jugeant le moment opportun, le spectre susurre en mandarin : « Je me présente… je suis… An Teh-hai… ». Un silence glacé répond à son murmure mais il continue :

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Chapitre 22 114

« … John m’a dit de m’adresser à vous… hors de la vue de tous les autres membres de l’équipe. ».

Reconnaissant la voix, Luan tressaille et croit le reconnaître. Presque vingt années se sont écoulées pour An. Vingt heures seulement pour Luan depuis l’arrêt du jeu !!

Cervoclonis, en place sur les deux personnages, connaît bien le vieil homme. D’après les données du jeu, la machine sait désormais quel proto-cole Luan doit appliquer, car elle contrôle à la fois le clone et la personnalité de sa génitrice, profondément ancrée dans sa substance biochimique !

Pour ne pas retarder ni perturber le bon cheminement de l’équipée du président, la rencontre entre Luan Shing Peï et An Teh-hai va être disséquée, dictée pas à pas par deux machines aux tripes neurochimiques !

*

Luan se retourne alors et regard’An Teh-hai avec peur et respect. Elle se souvient parfaitement de leur première rencontre impromptue

dans les méandres de l’entrée de la tour. Il lui apparaît plus jeune et surtout plus équilibré nerveusement.

Portant une barbe taillée en pointe, avec son âge et sa haute taille il ins-pire le respect. Il est vêtu d’un habit de travail identique à la quasi-totalité des membres de l’expédition, se fondant ainsi dans la masse. Seul son re-gard mystérieux d’asiatique ayant traversé deux siècles le rend étrange ! Plus insolite encore est la présence discrète de Cervoclonis sur le haut de sa tête !

Ce qui gêne le plus Luan, voire la paralyse, c’est qu’elle le connaît à travers le jeu, mais lui… ne l’a jamais rencontrée ! Personne à ERT n’a eu l’idée simple de lui faire suivre les phases du jeu !

La rencontre doit donc s’établir à nouveau selon un protocole déjà vécu. Aucune erreur ne doit détruire cette entrevue ; la mission en dépend ! Luan, le corps en avant, courbée vers le sol, les mains jointes, le regard

baissé, montre par cette attitude la soumission et le respect de la femme en-vers le sage, l’ancien. Il lui répond d’une brève courbette, puis de concert ils se redressent.

Un long silence suit cet acte, un instant de sérénité mettant en présence l’essence profonde des êtres.

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115 Life Source Quest

An Teh-hai, qui s’est déjà présenté, énonce à nouveau en langage univer-sel cervoclonique :

« Je me présente, je suis An Teh-hai. John m’a dit de m’adresser à vous hors de la vue de tous les autres membres de l’équipe. ».

Luan répond alors simplement, tremblante de froid et d’émotion : « Oui, oui, John me l’a dit ! ». Elle a du mal à pénétrer dans une réalité qui la perturbe. An Teh-hai reprend la conversation, un doute dans la voix : « Vous êtes Luan Shing Peï, le directeur de la mission du président,

n’est- ce pas ? ». Ces quelques mots, dont la mention au président, ressortent Luan de son

songe éveillé. Reprenant ses esprits : « Oui », répond-elle, en mandarin « Bien sûr, vous êtes An Teh-hai, veuillez m’excuser, mais cette aven-

ture est tellement incroyable ! » La reprise de la discussion dans cette langue surprend le vieillard, dont

les yeux s’éclairent et s’animent. Profitant de ce regain d’intérêt, Luan lui indique la direction du centre du

camp qui se nimbe des premiers rayons timides du soleil levant, et l’invite respectueusement à se diriger vers son QG temporaire.

*

En entrant dans sa tente, elle se dirige vers une théière, la prend et la dé-pose précautionneusement sur un petit réchaud, tout en invitant An à s’asseoir autour d’une table basse.

En quelques instants l’eau encore chaude commence à chanter. Luan ac-compli avec soin les vieux gestes millénaires tant de fois répétés, de l’introduction de son thé préféré BU BU GAO SHENG (thé vert au jasmin et fleur de chrysanthème) dans le récipient d’eau bouillante, puis s’assied à son tour.

Quelques minutes de silence, la chaleur du réchaud aidant, la vapeur de la théière s’enroulant en chaudes volutes dans l’air frais de la pièce, ont créé une atmosphère de confiance.

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Chapitre 22 116

Le vieillard trempe ses lèvres, avale quelques gouttes du délicieux li-quide, le regard perdu dans ses pensées, puis, il relève les yeux, et redé-couvre Luan et son attente.

Un sourire transparaît sur son visage ridé, un haussement d’épaule rejette un souci lui appartenant ou des souvenirs trop lourds, puis il s’épanche :

« Le président est un homme de cœur. Il m’a redonné les années qui m’avaient été prises par la société néo-individualiste. Il m’a protégé et ne m’a laissé manquer de rien pendant 20 ans. Aujourd’hui il me demande d’éclairer ses recherches en vous apportant mon aide, car il m’a dit être arri-vé quasiment à son but. Je le fais avec d’autant plus de plaisir que je suis aussi curieux que lui, vous-même ou John. ».

Luan comprend alors que le vieil An est dans un autre contexte, dans d’autres dispositions de coopération, ce qui n’était pas le cas 20 années plus tôt.

An Teh-hai continue sa longue litanie, le regard appartenant désormais au présent et à la future aventure.

« Mrs Luan Shing Pei, lorsque vous serez prête je vous demanderai de me suivre car enfin nous allons percer les secrets qui m’ont été confiés par Liu Huaiyuan, le maître de la communauté de la province de Shandong.

Trente cinq années plus tôt je défendais ces lieux où nous sommes contre l’envahisseur néo-individualiste. Vous devez le savoir, ici résidait une com-munauté de moines taoïstes. Vous connaissez tout ça, n’est ce pas ?

Pardonnez-moi de ressasser tous ces faits. ». Se levant alors, finissant d’un trait sa tasse de thé, il dit à Luan : « Je suppose que vous avez d’autres choses à faire aujourd’hui que de

m’écouter !». Cette visite impromptue modifiait de manière inattendue, le programme

de Luan. De toute façon tout était imprévu ! Saisissant l’opportunité de la dernière phrase du vieillard, elle le remer-

cie : « An Teh-hai, merci de me laisser cette matinée, je vous rejoindrai dans

la grande salle de la tour cet après midi. » Entendant cette phrase, il se retourne sur le seuil de la tente, le visage

surpris : « Comment savez-vous qu’il y a une grande salle dans la tour ?

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117 Life Source Quest

Calmement, Luan lui répond : « Je le sais. A cet après midi ! ».

*

Luan venait de réaliser qu’elle avait dévoilé rapidement, peut être impru-demment, ce qu’elle avait appris au cours du jeu.

Au contact d’An ses rencontres virtuelles précédentes dans le jeu se mé-langeaient sans qu’elle en ait conscience !

La machine qu’elle portait ne contrôlait pas tout, ceci devenait clair. Elle devait désormais prendre en compte les personnalités d’An couplé à sa propre machine ainsi que celles de Luan le clone et de sa génitrice !

Luan se souvenait avoir été éjectée du jeu pour une erreur de protocole avec le vieillard. Allait-il falloir encore tout recommencer ?

Elle se dit qu’après tout elle était la directrice de l’expédition. Elle devait aujourd’hui accomplir un programme extrêmement dense. Ce problème, s’il y en avait un, serait réglé ultérieurement !

Une idée simple germa dans son esprit : elle informerait An Teh-hai de tout ce qu’elle savait sur lui, par machines interposées.

Ainsi leur prochaine rencontre se ferait sans arrière pensée, ni erreurs. « Un problème de réglé ! », se dit-elle en se penchant sur les rapports

transmis par son équipe, à la suite de la réunion avortée de la veille.

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Chapitre 23

Lorsque le président l’a nommée responsable de l’expédition, Luan a imaginé une équipe réduite et des moyens normaux.

La pléthore de matériel et de personnes qualifiées mis à sa disposition l’embarrasse beaucoup. Dans ses missions passées, elle s’était habituée à travailler en solitaire.

Elle pressent que cette responsabilité n’est pas ordinaire. Le président, bien qu’absent, est omniprésent ; chaque membre de l’équipe scientifique est sous son contrôle et celui de ses machines biochimiques.

Aucun matériel ne manque pour effectuer les mesures les plus com-plexes ; elle vient d’en examiner la liste !

Tout est parfait, disproportionné, à la mesure du président ! Une angoisse folle, irraisonnée, monte en elle, lorsqu’elle se pose et re-

pose les questions : pourquoi le président m’a-t-il choisie, pourquoi moi ? Elle se souvient de leur première rencontre. Que lui avait-il dit alors ?

« Luan Shing Peï, nous vous avons sélectionnée parce que votre exper-tise archéologique nous est précieuse et vous allez avoir l’occasion de dé-couvrir avec ERT la formidable histoire de l’Atlantide, ce pays ou continent disparu dont nous avons retrouvé les traces grâce à Cervoclonis à nos exten-sions neuronales et à l’équipe de savant dont nous disposons à ERT. ».

La première partie de son contrat, lui semble avoir été rempli ; identifier les défauts des jeux d’ERT !

Bien sûr, elle devait aider à rendre les jeux plus réalistes grâce à ses con-naissances archéologiques appliquées sur le terrain, mais elle ne pouvait imaginer ce qu’elle vivait en cet instant !

*

Soudain, elle réalise l’absence de Cervoclonis retiré instinctivement après le départ d’An, mais ne peut que regarder, impuissante, stupidement, les bras ballants, cet amas de technologie reposant sur un siège à quelques pas !

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119 Life Source Quest

L’état de panique vécu est terriblement intense. Même située à moins de 3 mètres la machine ne la contrôle plus.

*

A ce stade de sa frayeur, Childéric et John poussent la toile de sa tente. Immédiatement, le maître des jeux comprend la situation, cherche du re-

gard Cervoclonis, se précipite sur la machine et la replace sur le crâne de Luan.

Hagarde un instant, elle les observe, puis peu à peu son visage se recom-pose et la personnalité du clone ressurgit du tréfonds de son être.

Comme si rien ne venait de se passer, elle reprend la situation en mains, s’étonnant de leur présence dans son QG.

Sarcastique, un brin irrité, elle dit sèchement : « Je ne me souviens pas de vous avoir conviés ? Néanmoins, vous êtes

là, faisons le point de la situation. ». Luan se place très professionnellement à l’angle d’un paperboard, af-

fronte du regard ses deux collaborateurs et énonce en le consignant, le plan qu’elle a imaginé :

« John, vous le devinez, vous serez mon bras droit scientifique en charge de la logistique, de l’entretien et de l’utilisation des appareillages techniques. Vous serez aussi le responsable de la coordination de toute réunion tech-nique quand nécessaire, et me convoquerez à ces réunions, ou me transmet-trez les rapports nécessaires.

Childéric, vous aurez la responsabilité du bien être psychologique de l’équipe et de l’intendance, hors de toute partie technique. Nous ne devons manquer de rien ! Les dépenses peuvent être illimitées. Vous pouvez faire parvenir la nourriture, les médicaments, et toute chose utile, par tous moyens, navettes, véhicules individuels à photons, dos d’ânes. Rien ne doit manquer, vous m’entendez, lorsque nous allons pénétrer dans les entrailles de la terre.

En temps qu’archéologue et responsable de l’équipe, je serai en relation hiérarchique directe avec tous les savants que vous m’avez présentés, John.

Je garde également le contact direct avec An Teh-hai. D’ailleurs, j’ai une première réunion avec lui cet après midi, sous la tour.

Bien, passons à mon plan général d’action. ».

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Chapitre 23 120

Elle récupère sur sa table une grande feuille de papier noircie de signes, dessins, et écritures diverses, et l’étale sur le tableau.

Indiquant chacune des zones du plan, elle commente : « Nous allons établir à demeure : à cet endroit, dans ce camp extérieur, une base logistique, dans laquelle se

trouveront les gros appareillages intransportables comme le scanner atomique de masse et le laboratoire principal. Les moyens de communication vers l’extérieur et vers le centre de la terre, ainsi que l’intendance générale, seront bien sûr dans cette base.

Le QG technique sera localisé dans la salle souterraine de la tour où seules les réunions pluridisciplinaires importantes se feront, quand néces-saire. ».

Abandonnant le plan et le tableau, elle continue : « Nous établirons, au fur et à mesure de notre avancement, des bases lo-

gistiques fonctionnelles près des lieux où nous serons, car nous pouvons descendre de 10 ou 20 Kms, ou 50 Kms voire 100 Kms dans les entrailles de la terre. ».

Un bref instant de silence suit ce propos, laissant à John et Childéric le temps de l’assimiler. Elle reprend aussitôt :

« John Aliwan, James Dawsinger, Arthur H Washington, le traducteur de chinois ancien, vous John Malicorn, vous m’accompagnerez dans toutes les phases de l’aventure. Nous serons l’équipe opérationnelle !

Les autres, à savoir : Ali Khoury le médecin expert en psychiatrie, Helen Mac Donagh, James

Klinton, l’expert en astronomie, et enfin Alice Jordan, la journaliste spécia-liste en OVNI ainsi que l’astronaute et l’experte en astrologie seront locali-sés au camp de base en attente de nos requêtes. ».

*

Luan, le clone, est maintenant dans le feu de l’action. Elle sent monter en elle la passion et la pression stimulante de la découverte propre à tout ar-chéologue.

Son visage aux yeux exaltés canalise de minces gouttelettes de sueur ! Au fond d’elle-même elle pense à sa rencontre proche avec An Teh-hai.

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121 Life Source Quest

Ebahis, anesthésiés, Childéric et John l’écoutent et attendent qu’elle s’arrête.

Finalement, Luan, ayant épuisé les sujets sérieux, se retourne vers eux et poursuit un brin provocatrice :

« Des questions… des remarques ? ». John, un peu énervé de ce long soliloque, réplique. « Oui, quand commençons-nous ? ». Luan le foudroie du regard et de la voix : « Quand vous aurez informé nos collègues et mis en place le camp de

base et le QG dans la salle de la tour ! C’est donc à vous de me préciser votre planning, car nous l’attendons pour débuter le travail ! ».

*

Childéric est le seul à connaître la dualité de la personnalité de Luan, et perçoit à travers la sévérité de ses propos qu’en addition, le caractère du pré-sident transparaît, via Cervoclonis.

Il touche le bras de John, lui faisant sentir ainsi qu’il va répondre à sa place :

« Nous pensons que dans deux jours… tout sera prêt. ». Toujours aussi autoritaire, contenant une colère froide, Luan les congédie

sèchement : « Vous pouvez disposer. Deux jours me paraissent irréalistes, j’exige que

tout soit prêt demain à l’aube, huit heures précises ! ».

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Chapitre 24

Ayant pris congé de ses deux plus proches collaborateurs, Luan essaie de se calmer. Cette dualité entre le clone et sa génitrice, contrôlée par la ma-chine, provoque en elle de brusques influx d’adrénaline qui épuisent son corps. Elle éprouve le besoin indicible de se reposer alors que tout dans cette mission l’incite à l’urgence !

Confusément, à la frontière du contrôle de la machine et de sa propre conscience d’humain, elle sent un grand déséquilibre psychosomatique que seul un médecin comme Ali Khoury pourrait contrebalancer.

Pourquoi attendre… pourquoi ne pas se rendre immédiatement dans sa tente et humblement avouer ses phobies, ses rêves, ses envies, sa dualité. Pourquoi ne pas rechercher de suite à qui elle appartient intellectuellement : le clone, la génitrice, ou un mélange des deux ?

Luan ne le peut, car elle est responsable de la réussite de la mission ; son devoir est de motiver ses troupes, et au minimum de préciser leur rôle dans cette aventure ! Cette réalité repousse les limites de sa fatigue ; elle partici-pera ce matin aux réunions que ne manqueront pas d’organiser John ou Childéric !

*

Cette machine biochimique, qu’elle porte désormais en permanence, co-pie, espionne, analyse, détermine ce qui est utilisable pour la mission et re-jette ce qui ne l’est pas, oubliant le lien fort qui existe entre le mental et le corps de son utilisatrice.

La controverse en cours dans les neurones de Luan ne peut exister, ni dans la formidable mémoire, ni dans la faculté d’autocréation de Cervoclo-nis ! En quelques microsecondes, la machine reprend le contrôle total de l’entité humaine.

Il en sera toujours ainsi jusqu’à ce qu’un ordre de son concepteur la dé-sactive, la sépare de cette osmose artificielle engendrée avec Luan, avec Childéric, avec Takamaki, et tous ceux que le président a choisi !

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123 Life Source Quest

*

Après avoir participé aux réunions de lancement, Luan se rend hâtive-ment au rendez-vous tant attendu avec An Teh-hai. Pour la première fois, elle va enfin comparer les impressions ressenties au cours du jeu avec la réa-lité.

Alors qu’elle se dirige vers la tour, cette impression fugace qui l’a sub-mergée pendant le jeu se reproduit à nouveau. Cette tour lui suggère réelle-ment la forme d’un objet céleste, tombé, fusionné, et enchâssé dans l’écrin de la terre. Elle s’arrête, la contemple, repousse une brève émotion, puis dé-cide enfin de s’enfoncer dans les escaliers de la vrille phosphorescente.

Au cours de la descente, elle caresse les murs tièdes, reproduisant les sensations éprouvées au cours du jeu. Au bas de l’escalier, en se retournant, elle encense, par un hochement de tête et une moue révélatrice, la qualité des divertissements proposés par ERT !

Arrivée sur le seuil de la grande salle, elle projette immédiatement son regard impatient sur les grilles aux clés, puis, sur les murs et la table.

Tout est conforme à son vécu virtuel, y compris An Teh-hai, souriant énigmatiquement cette fois, et ayant revêtu l’habit qu’il portait 20 ans plus tôt lors des prises d’images du jeu !

Seul anachronisme ; Cervoclonis, deviné sur le haut de son crâne !

*

Debout au centre de la pièce, agrippant le dossier d’une chaise orientée vers Luan, An Teh-hai lui fait signe d’avancer et de s’asseoir. A son ap-proche, ses yeux malicieux accrochent le regard de Luan, semblant lui dire :

« Le monde a bien évolué, et je me suis adapté ! ». Néanmoins, les premières paroles d’An Teh-hai concernent le message

reçu par l’intermédiaire des machines. « Ces lieux vous sont familiers, n’est ce pas ? Grâce à la machine je con-

nais désormais ce que vous savez ! Il y a cependant à découvrir ce que moi… je sais… n’est ce pas ? ».

*

Luan, assise, laisse s’écouler quelques minutes, contemplant, subjuguée, la voûte de la salle et les grilles protégeant les clés.

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Chapitre 24 124

Fort de la reprise de son ascendant sur son interlocutrice, An Teh-hai dit sur le ton de la confidence en s’asseyant à son tour :

« Il y a bien longtemps, j’ai rencontré le maître de la communauté des moines taoïstes du mont Laoshan. Cette montagne est considérée comme la maison des immortels en Chine. Euh… pardonnez-moi, dans l’Empire du Levant.

Ce lieu a toujours été sacré, et je considère qu’il l’est toujours ! Tout membre de l’équipe nous accompagnant devra respecter ces

lieux, par son habit, son attitude et ses paroles ! Nous devons saluer la mémoire de ceux qui sont morts pour que ce lieu

reste sacré. Paix à l’âme du grand maître Liu Huaiyuan ! ». En énonçant cette phrase, il marque une pause respectueuse, puis reprend

de cette voix si caractéristique : « C’est le grand maître Liu Huaiyuan en personne qui m’a enseigné ce

que je vais vous apprendre, mais le mystère de ce lieu ne se dévoilera que si… vous êtes la personne choisie. ».

A cet instant le vieillard montre l’extrémité de la salle, se lève, se dirige vers les grilles, en ouvre une se saisit de trois clés, invitant alors Luan à le suivre :

« Voulez-vous m’accompagner ? Par ici, s’il vous plaît. Parmi ces trois clés je n’en ai utilisé que deux car je n’ai pas le pouvoir d’utiliser la troi-sième !

Le maître Liu Huaiyuan ne l’avait pas non plus. Le Président, lui, pense que vous avez le pouvoir des clés ! ».

Interloquée par ce propos, Luan se lève, disparaît comme un automate derrière un mur masquant une petite issue fermée par une porte ouvrant sur un deuxième escalier.

*

La largeur de ce nouvel escalier dépasse tout ce qu’un archéologue a déjà pu rencontrer à l’intérieur d’un site de recherche !

Toujours là, cette absence d’humidité, cette matière luminescente, cette tiédeur surprenante !

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125 Life Source Quest

Impressionnante, la voûte qui s’élève au moins à 10 mètres au-dessus des marches !

Il résulte, du volume de cet espace qui s’enfonce dans les entrailles de la terre, d’étranges sensations de vide et de silence.

Les pas sur les marches sont étouffés par la dureté du sol. La phospho-rescence des parois et de la voûte n’éclaire que le néant vers lequel An se dirige, en maître des lieux.

Luan remarque, de chaque côté des murs, ce qui apparaît au premier re-gard comme des rampes ou des glissières… Curieusement 2 encoches iden-tiques aux rampes apparaissent aussi sur la voûte, symétriques !

An, qui la précède de quelques mètres en contre-bas se retourne et l’apostrophe :

« Mais enfin, que faites vous ? ». Luan reste en suspens au deux tiers de l’escalier monumental. Le rappel

du vieillard la sort quelques instants de son trouble. Elle ne trouve rien à répondre, sinon : « J’arrive… oui… un instant, je viens, je viens… ».

*

Arrivés enfin au bas de l’escalier, ils aboutissent sur une immense plate-forme circulaire… ne conduisant à rien… d’apparent !

An tourne lentement sur lui-même, recherchant des points de repères. Il se dirige finalement vers un endroit de la paroi, la caresse du bout des doigts, marmonne quelques mots, et y applique la première clé.

Aucune serrure, aucune empreinte n’est visible. La clé a disparue des mains du vieil homme n’enclenchant aucune action mécanique propre. Pour-tant, un étrange dispositif ouvre un passage sur ce qui apparaît être, quelques instants plus tard… une bibliothèque !

An Teh-hai en franchit le seuil le premier et se dirige vers un panneau jouxtant le mur le plus éloigné de l’entrée.

Luan à son tour entre prudemment dans les lieux, plus craintive que cu-rieuse !

Le franchissement de l’immense escalier, le rituel d’ouverture de la pre-mière issue, lui ont fait prendre conscience du côté mystérieux de l’aventure.

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Chapitre 24 126

Elle est désormais dans une immense salle dépouillée de tout ornement hormis une quantité phénoménale de livres et documents divers, classés soi-gneusement par taille et par époque. L’éclairage phosphorescent étrange-ment doux et efficace, et le silence, confèrent à cet endroit une qualification immédiate : un lieu idéal de méditation ou d’étude !

An Teh-hai observe Luan parcourant l’espace occupé par les ouvrages, scrutant au passage un titre ou un travail de dorure particulièrement réussi, l’effleurant de l’index pour en ressentir l’effet magique.

Soudain, elle revient sur ses pas pour relire ce qu’elle a un instant dépas-sé dans sa flânerie éthérée.

Ce qu’elle déchiffre, sous la protection d’un étui transparent, est une date, plutôt une période. Il est mentionné, elle relit deux fois, pas de doute, il est écrit clairement en chinois contemporain :

– Littérature pré-sumérienne. Jamais Luan n’a trouvé de littérature précédant cette civilisation, sinon

des inscriptions à l’intérieur de grottes ou sur des plaques d’argile, et pour-tant, en face d’elle, une rangée complète d’ouvrages couvre cette époque !

Devant sa surprise et son incrédulité, An extirpe d’un fourreau à peine poussiéreux un ouvrage dont l’ancienneté ne fait aucun doute.

Le vieil homme, heureux de l’effet de surprise, balbutie tant son émotion est perceptible :

« Le maître Liu Huaiyuan affirmait que ce manuscrit est le plus vieux du monde. Ce livre, disait-il, fait la liaison entre l’obscur et la lumière, entre le passé et l’avenir. Mon âge a la taille d’une particule atomique par rapport à celui de cet ouvrage…

Le président assure que vous saurez le déchiffrez ! ». An transporte le grimoire, puis le dépose avec précaution sur la seule

table disponible dans cet espace. En apercevant à nouveau le livre déjà vu au cours du jeu, une sensation

étrange la saisit, inexplicable… Luan le compulse, mais aucun déclic de génie ne lui permet de com-

prendre ces signes incompréhensibles ! Après quelques instants de concen-tration, elle se retourne vers le vieillard, dépitée et lui dit :

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127 Life Source Quest

« Nous avons avec nous, sur ce site, les plus grands archéologues et tra-ducteurs. Ceci sera un détail pour eux. Nous allons percer ce mystère, soyez-en sûr ! »

An Teh-hai laisse un instant de sérénité s’installer, puis explique : « Vous vous trouvez dans la bibliothèque des moines taoïstes de cette

communauté. Toute la connaissance théologique se trouve rassemblée ici. Tout y est préservé pour que l’homme comprenne, et s’approprie son côté mystique, sa spiritualité, et son lien indicible à l’Univers et au Grand Orga-nisateur !

Les moines y ont déposé depuis environ moins six cents ans avant J.-C. tous les ouvrages concernant la foi taoïste, la philosophie, la conception du cosmos… ».

Pour préparer son interlocutrice à la suite de son discours, il laisse s’écouler quelques secondes.

« Tout ceci ne représenterait rien d’autre qu’une bibliothèque ordinaire, si, selon Liu Huaiyuan, ce lieu n’avait été découvert en l’an neuf cent après J.-C., au début du chantier du Taiqing Palace, soit mille cinq cent ans après… sous sa forme actuelle ! A part les livres rajoutés à partir de la fin de la construction du temple, tout est resté dans l’état d’origine !

Bâtir le temple de la croyance sur la maison des immortels, et trouver ce sanctuaire ! Imaginez l’impulsion qu’aurait pu avoir la foi sur de telles bases !

Il n’en a rien été car il a été jugé que l’humanité n’était pas mûre pour une telle nouvelle. Qui pouvait juger du bien-fondé de ce choix ? Le secret à découvrir était-il aussi pesant ?

Ce dernier a été transmis, alors, de génération en génération, de grands maîtres à grands maîtres, jusqu’à moi… qui ne l’étais pas. Il aurait pu être perdu à jamais. Heureusement le président veillait… ».

An reprend son souffle, faisant une moue désabusée, puis, regarde fixe-ment Luan, sans conviction. Au bout de quelques secondes impressionnantes de silence, elle lève son regard incrédule vers le vieil homme, lui enjoignant de continuer…

« Liu Huaiyuan devait sentir sa fin proche ainsi que celle du Taoïsme ! Il ne voulait pas voir disparaître la croyance et ses supports, tués par cette ten-dance néo-individualiste… Je paraissais le plus érudit et le plus apte physi-quement. ».

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Chapitre 24 128

Une émotion intense semble alors le traverser. Il s’arrête le temps de dé-nouer sa gorge et de contrôler les tremblements de sa voix. Il essuie d’un re-vers de la main l’humidité de ces yeux, puis reprend :

« Ensuite vous connaissez l’histoire… l’expédition du président. Ce sau-vetage ne pouvait pas être le fruit du hasard !

Le président m’a alors expliqué. Il attendait une rencontre avec ses ori-gines, ses ancêtres, et, le lieu était ici, dans le Mont Laoshan ! Cette mission était exploratoire, car, seulement l’évolution de la science et la conjugaison de plusieurs événements pouvaient lui apporter une réponse !

Je lui ai raconté mon histoire, celle livrée partiellement au cours du jeu ! Il m’a demandé mon âge, j’avais alors soixante dix ans.

Il m’a fait comprendre, que sans sa protection, je ne vivrai pas plus de cinq années sur terre, car c’était la règle de la société néo-individualiste.

Il m’a installé, nourri, assuré de tout le confort, en attendant ce jour… Vais-je enfin découvrir la teneur de ce secret, qui me hante… depuis un

quart de siècle ? ».

*

Pendant que le vieil homme parle, Luan observe la salle et repère dans une encoignure de celle-ci plusieurs cartons d’apparence moderne détonnant parmi ces ouvrages anciens si bien rangés.

Depuis quelques instants, elle brûle de savoir de quoi il s’agit, mais elle écoute tout de même An Teh-hai, n’osant l’interrompre.

S’apercevant du peu d’intérêt de Luan pour ses propos, le vieillard s’interrompt. En suivant son regard, il devine sa préoccupation et décide de répondre sans avoir été interrogé !

« Melle Luan Shing Peï, ces colis vous paraissent incongrus en ces lieux, n’est ce pas ? ».

Luan tressaille, se sentant apostrophée comme un petit enfant pris en faute à la maternelle ! Rougissante, elle répond simplement :

« Oui, c’est vrai… de quoi s’agit-il ? ». Désarmé par cette simple phrase, il ne peut que répliquer. « Ce sont quelques vestiges de l’expédition de l’année 2 062. La balise

se trouve à l’intérieur. ».

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129 Life Source Quest

Oubliant quelques instants la teneur du manuscrit et les décisions à pren-dre, Luan se dirige vers les emballages, s’agenouille, demandant sans regar-der le vieillard de lui montrer où se trouve le fameux objet.

N’obtenant pas de réponse, elle se retourne et s’aperçoit que le vieil homme, le dos tourné, range l’ouvrage dans son fourreau, visiblement blessé par l’attitude de Luan.

Furieuse de cette situation stupide, Luan apostrophe sa machine, par messages subliminaux interposés.

Quelques minutes s’écoulent dans un silence de plomb où doivent crépi-ter simultanément des neurones humains et électrochimiques.

De cette confrontation de matières grises et de machines sort aussitôt la réponse d’An au questionnement impatient de Luan.

Il se dirige sans un mot vers la zone des vestiges, déplace plusieurs pièces, et, finalement, ôte l’emballage de la caisse où se trouve la balise.

Cette dernière apparaît, nue, présentant toujours son mystère abyssal ! Luan se penche avec respect sur cet objet d’une affligeante simplicité,

mais néanmoins incroyablement élaboré, toute l’équipe technique du prési-dent n’ayant pu en vingt années en dénouer l’énigme !

Luan y pose la paume de sa main et parcoure la surface froide et lisse. Quelques instants de ce lent mouvement se passent. Soudain, Luan ressent une nette élévation de température, comme appor-

tant une réponse à ses interrogations. Elle ne dit rien, ne souhaitant pas confier le secret de ce premier lien éta-

bli. Surprise, elle reprend ce qui peut être défini comme une caresse. Ce commencement de chaleur globale apparaît peu à peu se réguler en fonction de l’intensité de pression de chacun de ses doigts, ainsi qu’un clavier de mu-sique.

Les yeux de Luan pétillent d’une joie raisonnée, modulée par un doute toujours présent.

Cette impression n’est-elle pas suggestive ? An Teh-hai l’observe avec intérêt pour la première fois, et pressent le

début de l’aventure en cet instant, dans l’action de ce geste puéril et amical. Devant cette communion muette entre l’objet et Luan, An oublie ses ran-

cœurs. Une question longuement retenue, lui brûle les lèvres ; il susurre : « Devinez-vous l’usage de l’objet ? Je discerne un lien… une osmose. ».

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Chapitre 24 130

En l’entendant, elle sort de cette liaison surnaturelle et pour la première fois, peut-être à tort, pressent son importance dans le rôle assigné par le pré-sident !

Elle se relève, regarde An en souriant énigmatiquement, ce qu’elle n’a pas fait depuis longtemps. Elle a envie de montrer bien plus encore ; son en-thousiasme, mais un doute vrille ses tripes et l’empêche de faire exploser sa joie.

Luan a toujours eu des incertitudes, mais cette fois elle a bien ressenti cette chaleur venant de l’objet comme s’il lui insufflait une énergie nouvelle, un message subliminal, comblant un vide, une absence !

Parcourue par toutes ces émotions, elle dit enfin au vieil homme : « Nous devons toujours nous fier à ce qui est palpable, quantifiable, vi-

sible. Nous devons toujours apporter des preuves scientifiques. N’est ce pas ? ».

An Teh-hai, désarçonné par cette question surprenante, prend quelques instants pour répondre, mystérieux.

« Nous avons beaucoup plus que les cinq sens du corps ! » Luan Shing Peï attendait cette réponse, lui permettant de conserver en

elle ce qu’elle venait de percevoir par ses sens, sans aucune justification scientifique !

*

Reprenant ses esprits, Luan considère qu’elle en a assez vu pour au-jourd’hui.

« J’ai besoin de retrouver l’air extérieur pour en profiter encore quelques heures car je le pense, dès demain nous allons vivre dans ces lieux !

Pensez-vous maintenant que vous avez encore d’autres découvertes à me montrer ? Quand, par exemple allons-nous utiliser la deuxième clé ? ».

An Teh-hai hoche négativement la tête et lui montre la sortie vers l’immense escalier.

« Vous devrez passer une autre nuit dans le camp de base. La deuxième clé peut être utilisée une fois livré le secret de la première. Les ténèbres doi-vent tomber encore une fois ! ».

Incrédule et fatiguée, elle accepte cette explication.

*

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131 Life Source Quest

Arrivée sur le palier jouxtant la bibliothèque, elle contemple le haut de l’escalier. Vu du bas il apparaît toujours aussi impressionnant !

An met en branle l’étrange mécanisme fermant la porte, heureux de gar-der encore une nuit le secret de sa mise en œuvre.

Luan s’engage alors résolument dans la montée de l’escalier. Arrivée au milieu de sa progression, elle commence à entendre les bruits d’une activité humaine succédant au grand silence de la bibliothèque.

En pénétrant à nouveau dans la grande salle souterraine, elle en com-prend l’origine.

Childéric, accompagné de plusieurs ouvriers, aménage le volume de ce lieu pour y installer tous les éléments de la logistique des futures réunions.

Luan en le voyant lui sourit. Il se dirige vers elle le visage plein d’amour, espérant au moins avoir un

commentaire sur sa première exploration. Banalement, presque sèchement, elle lui dit : « Très bien, je vois que tout se prépare. Merci de convoquer ici tous les

scientifiques demain à huit heures comme prévu. Vous serez également là et John bien sûr !

Bon, eh bien, je remonte à la lumière du jour. A demain ! ». Childéric la regarde s’éloigner, admirant sa démarche féline, malgré le

manque de grâce de ses habits de travail, enfouissant encore une fois sa frus-tration, le cœur frappant à grands coups dans sa poitrine d’amant évincé.

*

Luan est pressée de regagner l’extérieur. Elle grimpe rapidement les marches de l’escalier et, en débouchant du colimaçon, découvre alors au loin la flamboyance d’un soleil rasant, jouant encore de sa séduction puissante sur les vaguelettes de la mer jaune. La lumière crue la nimbe instantanément dans un manteau de photons.

Ce bref événement lui rappelle ses songes de la nuit passée. Bouleversée, elle se dirige alors vers son QG et décide de transmettre un premier rapport au président.

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Chapitre 25

Après avoir écrit sur une feuille de papier une synthèse des événements écoulés, Luan a rédigé au président un rapport à transmission différée.

Forte d’avoir accompli son devoir, elle s’endort alors, plongeant dans un profond sommeil.

Cette nouvelle nuit, comme la précédente, la machine continue son œuvre dans les moindres dédales de son cerveau complexe, lui apportant de nouveaux rêves…

*

Lors de son éveil aux premières lueurs de l’aube, une étrange impression s’est installée en elle !

Elle se lève alors et ouvre sa tente, inhalant les senteurs apportées par l’air frais, chargé d’humidité.

Le sol exhume les fragrances de la terre transportées quelques instants par un vent léger. Ce souffle flatte au passage ses sens exacerbés, puis, dans un envol dérisoire les effluves meurent, pulvérisés par les myriades dorées des rayons de l’aube naissante.

Une impression de plénitude, inhabituelle, s’installe en elle ; elle vou-drait pouvoir en jouir indéfiniment !

Le bruissement du vent, agissant comme un archet sur son instrument, cache peu à peu les bruits révélés par la nuit.

Quelques ronflements humains s’éteignent alors, laissant à la nature le choix du concerto.

Luan, pieds nus, en habit de nuit, subjuguée par ces aubades s’élevant crescendo, s’allonge sur l’herbe encore humide.

Son corps s’humecte de rosée ; un échange étrange, entre la sueur hu-mide de la terre et sa chair virginale, la fait vibrer d’un désir animal.

Son esprit s’échappe du contrôle forcené de la machine et se concentre sur cette envie indicible qui vrille son être.

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133 Life Source Quest

« Childéric… Childéric », murmure-t-elle, en caressant son corps de déesse.

*

Cervoclonis ne peut juguler cet afflux de désir ; le nom de Childéric est répété sans cesse.

La machine s’est bien appropriée les êtres qu’elle contrôle, selon ce qu’elle a appris, mais au tréfonds de ses tripes chimiques, un étrange phé-nomène, pouvant s’assimiler à de la compassion, se développe.

Lorsque les événements qu’elle expertise ne sont pas répertoriés dans sa fabuleuse mémoire, sa fonction d’autocréation se met en œuvre et s’approprie la situation, le sentiment ou la manière d’être, copiant ainsi les folies, les envies, ou les côtés irrationnels de ses utilisateurs !

Plusieurs fois Cervoclonis a déjà jugulé les sentiments très forts qui unis-sent Childéric et Luan.

*

Deux puissantes machines, manipulant Childéric et Luan sur définition du président, puisent en vain une fois encore dans leurs fabuleuses mé-moires, et aboutissent… aux synapses de leurs fonctions d’autocréation !

Un échange stupéfiant s’établit alors entre leurs matières neurochi-miques.

*

Luan ne connaît qu’un lieu et qu’une personne pour apaiser son désir ! Se relevant, ne sentant plus la froideur de l’humus ni les gouttes de rosée qui lui restent attachées, elle dirige ses pas vers l’abri où réside Childéric.

Ce dernier n’a pas dormi, vivant encore les affres de sa rencontre dans la salle avec Luan, le clone.

L’aube le sort de ses pensées noires. La machine qu’il porte en perma-nence, lui fait parvenir d’étranges messages où il est question de Luan ! Ils sont incompréhensibles, mais Cervoclonis ne sait pas comment communi-quer à partir de ces sentiments humains, étranges et impénétrables !

Une seule voie est possible : émettre en boucle le nom de la personne qu’il sert, vers le nom de la personne qu’il contacte…

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Chapitre 25 134

*

Un bruissement d’herbe attire l’attention de Childéric, suivi d’un gratte-ment sur la toile !

Les pans s’écartent. Le visage tant aimé apparaît, portant la machine bien en place sur sa tête.

L’attitude lascive de Luan le désarme, son sourire aussi. Elle entre sans invitation, et s’allonge à son côté chuchotant en tremblant :

« Je crois que nos machines sont en panne ! ». Childéric ne bouge pas, méfiant et incrédule, savourant cet instant, mais

ne sachant que faire ! Luan est là, glacée, imprégnée de l’odeur de la terre, le corps enflammé

de désir. Lui reste figé par la sensation de froid émise par son corps, ne compre-

nant pas ce qu’elle vient de dire ! Luan répète clairement, un brin agacée : « Nos machines sont en panne ! ». Puis, sans ambages, s’empare des lèvres de Childéric, interloqué ! Peu à peu, sa raison s’envole devant le déchaînement de sa surprenante

partenaire ! Puérilement, il glisse à son oreille : « Les murs sont des feuilles de papier ! ». Ne l’écoutant plus, fiévreusement, avec des gestes saccadés, elle débar-

rasse son amant transi de ses derniers vêtements, puis saisit sensuellement et précautionneusement l’objet de son désir.

Les couvertures s’envolent dans la clarté du jour levant. Deux corps dénudés, vibrant à l’unisson, célèbrent leur rencontre fugace,

ici au sommet de la maison des immortels.

*

Deux étranges machines, ballottant au gré de soubresauts rythmés, ob-servent physiologiquement de brusques impulsions électriques, des jets d’adrénaline, des pulsations cardiaques montant à l’envie, et le sang nourri-cier pulsé dans les dédales de canalisations dilatées à l’extrême !

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Chapitre 26

Une ombre furtive s’élance dans la lueur du soleil levant, trouant dans sa course fugace quelques nuées de brume en suspension…

A l’issue de son périple, elle s’arrête, regardant discrètement l’espace vide de présence humaine, puis se baissant, soulève avec précaution la toile de son abri et y pénètre.

Luan, encore sous le coup de sa folie, s’assied, laissant peu à peu son cœur réfréner ses martèlements, et son sang regagner toutes les aires de son corps encore palpitant de caresses.

Se retournant, à regret, elle écarte à nouveau les pans de sa tente obser-vant la quiétude du camp de base, apercevant au loin à travers le brouillard, les frémissements de matières incandescentes du soleil.

Ce spectacle empreint son être d’une quiétude nouvelle, la laissant son-geuse et nostalgique.

Pourquoi cette liberté soudaine avant de conduire l’aventure dans les en-trailles de la terre ?

Etait-ce un répit laissé par Cervoclonis ou le résultat de la compréhen-sion de ce dernier pour des sentiments humains ?

Le froid piquant et son épiderme humecté de rosée lui rappellent les folles minutes de son aventure.

Toute à sa contemplation de la montée du jour, elle réalise alors l’étendue de sa mission, décide d’effacer par quelques artifices le souvenir de cette fin de nuit, puis enfile directement son habit de travail, se rendant sans enthousiasme au premier débriefing réel de cette étrange aventure.

*

Le jour vient à peine de se lever, supporté par le brouhaha des activités humaines.

Les premiers relents de senteurs inconnues s’épanchent sur le lieu, re-poussant peu à peu les effluves d’une terre humide.

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Chapitre 26 136

Luan respire et découvre des arômes surprenants et subtils de café, de thés parfumés, de lait brûlant, de pain chaud, auxquels sa vie urbaine ne l’a pas habituée.

Cette brusque rupture avec le monde néo-individualiste la projette dans un autre univers non organisé, au plus proche de la terre nourricière : plus de relation avec les comités d’hygiène, plus de nourritures n’ayant ni odeur, ni saveur !

Luan se rapproche de la zone affectée à la restauration, aimantée par ces odeurs inconnues, se demandant où se trouve l’origine de telles exhalaisons !

Les odeurs de thé ne lui sont pas étrangères, mais elle ignore tout de la subtilité de l’arôme d’un café, du parfum douceâtre du lait bouilli, des ef-fluves suaves du pain chaud…

L’aventure du président, c’est cela aussi ! Elle pénètre sous la tente de toile, et s’assied à l’une des nombreuses

tables. En la voyant, le maître des lieux, un géant à l’embonpoint visible, aux

cheveux grisonnants, se précipite vers elle un large sourire aux lèvres, vrai-semblablement heureux de pouvoir partager son plaisir d’être ici. Sans cher-cher à savoir à qui il s’adresse, il se lance dans un long monologue :

« Chaque jour est nouveau ici, et surprenant, croyez moi. Nous avons re-çu des produits dont je ne pensais pas qu’ils existent encore. Du vrai café, du thé supérieur, du lait de vache, de la farine… du vin… oui… Oui du vin !

Sa lourde panse, qu’il a jugulée avec la ficelle de son tablier, se balance au rythme du battement de ses bras grassouillets, de ses mimiques amusantes et de ses clignements de sourcils.

S’interrompant soudain, il regarde Luan fixement et lui dit : « Mais dites-moi, Madame, qu’avez-vous sur la tête ? Quel drôle de cha-

peau ! C’est un signe de Chef ? ». Luan ne sait pas comment réagir, écoutant ce curieux personnage lui ra-

conter ses histoires ! A la dernière question, elle juge qu’une simple réponse arrêtera sûrement

cet individu devenant envahissant et grossier, selon son jugement. « Oui, c’est un signe de Chef et je suis le grand Chef de ce lieu. » L’individu reprend.

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137 Life Source Quest

« Plus grand que celui qu’on appelle le président ! C’est lui-même qui a signé mon contrat.

Même que j’étais très étonné madame ! Il m’a embauché pour faire la tambouille comme dans les temps anciens. J’ai accepté tout de suite.

Je lui ai dit : président, je n’ai jamais arrêté de cuisiner comme au ving-tième siècle, car je fais partie des gens qui vivent en dehors de la société, oui, vous savez la société néo-sceptique… non c’est pas ça ? Allons, aidez-moi madame !

Il cherchait ses mots. « Allons, aidez-moi madame, comment déjà… Oui votre nom. ». Luan ne sait pas comment se dépêtrer de ce drôle de bonhomme. Elle ne peut pas non plus s’enfuir, car ses propos lui ouvrent une porte

inattendue sur les parias de la société actuelle. De plus, il a vu le président en personne, en chair et en os, plaisir qu’elle

n’a pas eu elle-même ! L’individu le voit bien. Cette dame l’écoute distraitement ; malgré tout il

insiste en se grattant la tête, joignant et remontant les lèvres dans une mi-mique comique

« Oui… Oui, voilà néo… idiomatique. Comment vous dites ? Néo-individualiste ? Voilà c’est ça. Tout juste. Bon, c’est pas tout, je vous sers quoi ? ». Luan regrette son incursion en ce lieu, mais ne peut pas être irrespec-

tueuse avec ce tonitruant septuagénaire. « Du thé, du BAO LIAN DENG, s’il vous plaît. », dit-elle malicieuse-

ment « Et de votre pain tout chaud », complète-t’elle calmement. L’individu se précipite vers les cuisines et revient quelques instants plus

tard avec un thé tout fumant, accompagné d’un pain brioché. Après avoir déposé le plateau, le septuagénaire met ses deux mains sur

ses hanches replètes et la considère avec curiosité, puis, sans retenue, lui dit en confidence, abaissant dangereusement par l’avant et latéralement son centre de gravité :

« Y a un grand dadais d’une trentaine d’année, vous savez, le respon-sable de l’intendance. Il m’a confié une liste de thé de Chine longue comme

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Chapitre 26 138

ça. Je peux vous le dire, j’ai transpiré, surtout pour celui-ci et un autre le… BU BU GAO SHENG.

J’espère que vous l’aimez, je parle du thé bien sûr, celui que vous bu-vez. ».

*

A cet instant, d’autres arrivants attirés par ces odeurs agréables et mati-nales entrent dans la tente, délivrant Luan du poids de la réponse.

Elle termine son thé, salue son tonitruant septuagénaire ainsi que les nouveaux entrants, et sort, se dirigeant cette fois directement vers le QG si-tué dans la tour.

A l’extérieur, des équipes sont déjà en train de nettoyer le terrain, triant précautionneusement les bouts de poteries et toutes sortes de vestiges.

*

Arrivée devant la tour, elle se retourne un peu à regret, et, brièvement, imagine ce que va devenir ce grand espace.

Les abris de toile une fois le terrain utilisable, aplani, assaini, laisseront place au fur et à mesure à une base logistique confortable, sous l’impulsion efficace de Childéric.

Des rotations de navettes à atterrissage et décollage verticaux transporte-ront pendant des jours tous les éléments scientifiques nécessaires aux ana-lyses les plus poussées, intégrant bien sûr les derniers nec plus ultra équipements de datation, les scanners subliminaux, les laboratoires de biolo-gie cellulaire, le site de développement et de maintenance de Cervoclonis, les engins de transfert des équipes souterraines, les bâtiments… etc.

Au milieu de tous ces futurs ouvrages, seule la tour dominera encore, porteuse de son étrange secret.

Cette image persiste encore quelques instants, mais une pensée la fait re-venir à ce qui l’a le plus émue ce matin : Childéric avait pensé à ses deux thés préférés, ici dans ce lieu perdu !

Une sollicitation familière de sa machine, désormais quasi amicale, l’aide à se retourner et guide ses pas vers la vrille de lumière de l’escalier conduisant aux entrailles de la terre.