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Rafael del Moral LA DIDACTIQUE ET L’APPRANTISSAGE DES LANGUES Madrid, 2002

Langue et didactique

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Courso para la preparación del concurso-oposición de profesores de lengua francesa de enseñanza secundaria.

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Page 1: Langue et didactique

1

Rafael del Moral

LA DIDACTIQUE

ET

L’APPRANTISSAGE

DES LANGUES

Madrid, 2002

Page 2: Langue et didactique

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1

1. Évolution de la didactique des langues

1.1. Les origines

1.2. Les principes

1.3. Évolution

2. Tendances actuelles dans la didactique du français

langue vivante

2.1 La méthodologie directe

2.1.1. Définition

2.1.2. Les origines

2.1.3. Organisation interne

Structure

La méthode directe

La méthode orale

La méthode active

La méthode interrogative

La méthode intuitive

La méthode imitative

La méthode répétitive

2.1.4. Évolution

2.2. La méthodologie active

2.2.1. Les principes

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3

2.2.2. La méthodologie active et la méthodologie

directe

2.2.3. Évolution

2.3. La méthodologie audiovisuelle

2.3.1. Origine et principes

2.3.2. La méthodologie audio-orale

2.3.3. La méthodologie audio-visuelle et la métho-

dologie directe

2.3.4. Évolution

3. L’approche de la communication.

3.1. La compréhension orale

3.2. La compréhension écrite.

3.3. L’expression orale.

3.4. L’expression écrite.

Aide Mémoire

Bibliographie

Page 4: Langue et didactique

4

Les méthodes constituent des données relativement per-

manentes, parce qu'elles se situent au niveau des objectifs

techniques inhérents à tout enseignement des langues vi-

vantes (faire accéder au sens, faire saisir les régularités,

faire répéter, faire imiter, faire réutiliser ...) Les méthodo-

logies en revanche sont des formations historiques relati-

vement différentes les unes des autres, parce qu'elles se

situent à un niveau supérieur où sont pris en compte des

éléments sujets à des variations historiques déterminantes

tels que:

- les objectifs généraux, parmi lesquels, dans le cas de

l'enseignement scolaire, la priorité peut être donnée à l'ob-

jectif pratique, ou au contraire aux objectifs culturels et

formatifs;

- les contenus linguistiques et culturels, où l'on peut par

exemple privilégier la langue parlée ou la langue écrite, la

culture artistique ou la culture au sens anthropologique...;

- les théories de référence, en particulier les descriptions

linguistiques et culturelles, la psychologie de l'apprentis-

sage, la pédagogie générale, qui évoluent au cours de l'his-

toire;

- et les situations d'enseignement: les rythmes scolaires, le

nombre d'années de cours, d'heures d'enseignement par

semaine, d'élèves par classe et l'homogénéité de leur ni-

veau, leur âge, leurs besoins et leurs motivations, la for-

mation des professeurs, etc., qui peuvent varier considéra-

blement d'une époque à l'autre.

Page 5: Langue et didactique

5

Parmi les méthodes, les différentes méthodologies effec-

tuent donc des choix, définissent des hiérarchisations, or-

ganisent des articulations dotées d'une certaine originalité

et d'une certaine cohérence. La méthodologie directe, par

exemple, s'oppose à la méthodologie antérieure, la tradi-

tionnelle, par l'utilisation systématique de la méthode di-

recte (qui lui a donné son nom), de la méthode orale et de

la méthode active, qui à elles trois en constituent comme

le "noyau dur". Mais on retrouve ces trois méthodes com-

binées différemment dans les deux méthodologies sui-

vantes, la méthodologie active (du nom de la méthode ac-

tive qui devient alors prioritaire) et la méthodologie au-

diovisuelle (du nom des auxiliaires autour desquels elle

réalisera l'intégration didactique).

Page 6: Langue et didactique

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1. Évolution de la didactique des

langues

1.1. Les origines.

Historiquement, la première méthodologie d'enseignement

des langues modernes s'est calquée sur la méthodologie

d'enseignement des langues anciennes. L'enseignement

du latin et du grec a constitué pendant longtemps l'essen-

tiel de l'éducation donnée aux jeunes.

Dans les classes de grammaire, le procédé de mémorisa-

tion/restitution (apprentissage par cœur en étude ou à la

maison puis récitation en classe) a conservé une impor-

tance primordiale pendant très longtemps, tant pour les

morceaux choisis et les règles de grammaire avec leurs

exemples que pour le vocabulaire. Celui-ci n'étant pas re-

groupé par thèmes (la famille, le corps humain, les sai-

sons, les poids et les mesures, etc.) comme cela se fera

plus tard, mais uniquement sur critères formels, soit pro-

prement lexicaux (ce sont les «familles des mots» consti-

tuées à partir des racines ou de procédés de dérivation ou

de composition communs) soit grammaticaux (listes des

prépositions de lieu, des adverbes de manière, adjectifs ou

substantifs présentant la même régularité ou irrégularité

morphologique ou syntaxique, etc.)

1.2. Les principes

C'est à partir des cours de grammaire (enseignement

théorique et traductions d'application) que vont pro-

gressivement se constituer les premiers manuels de

langues étrangères, d'abord par la réduction et la gradation

Page 7: Langue et didactique

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des contenus grammaticaux, et ensuite par adjonctions

successives, de part et d'autre de ce noyau initial que cons-

tituent les méthodes de la grammaire et de la traduction,

en amont de textes suivis d'exercices supplémentaires

écrits et oraux (ces derniers consisteront très souvent en

une reprise par oral des exercices écrits de traduction). Le

noyau dur de l'enseignement théorique de la grammaire

s'affaiblissant ainsi dans les grammaires d'enseignement,

et leurs exercices de plus en plus nombreux et variés

finissant par viser non plus la simple application des

règles, mais une véritable assimilation des formes lin-

guistiques au moyen de leur réemploi combinatoire, c'est

la primauté de la méthode grammaire/traduction qui est

finalement remise en cause au terme d'une évolution in-

terne que prépare donc l'avènement de la méthodologie

directe avec un certain nombre d'évolutions internes fon-

damentales:

a) Donner une certaine priorité à la méthode orale.

b) Faire basculer le centre de gravité de la leçon de

la règle ou du paradigme grammatical au texte.

c) Approche directe de la langue sans passer par l'in-

termédiaire de la traduction.

1.3. Évolution

Ce n'est pas facile de dresser un bilan de la méthodologie

traditionnelle d'enseignement. D'abord parce que sa mise

en oeuvre historique s'étale sur une période trop longue,

revêt des formes très variées et subit une évolution qui la

mène jusqu'aux frontières de la méthodologie directe. Et

aussi parce que l'historien ne dispose actuellement que de

peu de données qui lui permettent d'apprécier dans quelle

mesure, de quelle manière et avec quels résultats une telle

évolution s'est inscrite dans les pratiques de classe effec-

tives.

Page 8: Langue et didactique

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Si la Méthodologie Traditionnelle scolaire a fini par dispa-

raître définitivement des pratiques d'enseignement dans

les années 1960 (plus tôt à Madrid, plus tard en province),

ce ne sera pas exactement «sous la poussée» des méthodo-

logies audio-orale et audiovisuelle: c'est la modification

du contexte d'enseignement scolaire des langues vi-

vantes qui permettra simultanément la disparition de la

Méthode Traditionnelle ainsi que le succès de ces nou-

velles méthodologies.

2. Tendances actuelles dans la di-

dactique du français langue vi-

vante

2.1. La méthodologie directe

2.1.1. Définition

L'expression «méthode directe» finira par s'imposer pour

désigner l'ensemble de la méthodologie qui préconisait la

nouvelle méthodologie en l'opposant systématiquement à

la méthodologie traditionnelle fondée sur gram-

maire/traduction. Ce principe direct ne se réfère pas seu-

lement à un enseignement des mots français sans passer

par l'intermédiaire de leurs équivalents espagnols,

mais aussi à l'enseignement de la langue orale sans pas-

ser par l'intermédiaire de sa forme écrite, ainsi qu'à ce-

lui de la grammaire sans passer par l'intermédiaire de la

règle explicitée; autrement dit, la méthode directe évite:

a) le détour par la langue maternelle,

b) le détour par l'orthographe.

c) le détour par des règles de grammaire superflues.

Page 9: Langue et didactique

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2.1.2. Les origines

La méthodologie directe s'impose dans un labyrinthe des

causes, des sources ou encore des influences qui ont prési-

dé à la naissance, à la vie et à la postérité. En voilà

quelques unes:

1. Nouveaux besoins et nouveaux objectifs, dus à l'insuf-

fisance et à l'inadéquation des résultats obtenus par la mé-

thodologie existante.

2. Le contexte politique et éducatif, puisque toutes les

techniques et méthodes visent à favoriser dans l'enseigne-

ment scolaire l'activité personnelle de l'élève.

3. La professionnalisation du corps enseignant, par la

création des diplômes.

4. L'évolution interne de la méthodologie traditionnelle

et la propre rupture avec la méthodologie traditionnelle

scolaire.

5. Le succès de la «méthode naturelle» selon laquelle:

- l'élève accède au sens directement, en mettant en relation

les sons qu'il entend avec les objets qu'on lui montre, les

gestes et les expressions de ses proches;

- l'élève apprend à parler en parlant; le moteur de cette ac-

tivité est le besoin, l'intérêt ou le plaisir;

- l'élève apprend en imitant, avant même de les com-

prendre, les sons produits par ses proches.

- les formes linguistiques se gravent dans l'esprit de l'élève

grâce à une audition et à un réemploi permanents et inten-

sifs.

6. La nouvelle psychologie, tout particulièrement en psy-

chologie de l'enfant, qui va provoquer dans l'enseignement

scolaire un profond mouvement de rénovation pédago-

gique. Ce mouvement entraîne toute une série de consé-

quences qui constituent autant de nouveaux principes pé-

dagogiques. (prise en compte des capacités, des besoins et

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des intérêts de l'élève; gradation cohérente des contenus

lexicaux; progression des contenus grammaticaux du con-

nu à l'inconnu, du concret à l'abstrait, du simple au com-

pliqué et du particulier au général).

7. La phonétique pratique ou descriptive qui est l'étude

des articulations et de la diction d'une langue.

2.1.3. L'organisation interne

Structure Il est intéressant, pour décrire la cohérence interne de la

méthodologie directe, de le faire à partir des principales

méthodes qu'elle met en oeuvre et de leur relations réci-

proques qu'on peut voir dans le schéma suivant:

coller photocopie avec le schéma

La méthode directe

A l'origine, l'expression «méthode directe» désigne l'en-

semble des procédés et des techniques permettant

d'éviter le recours à l'intermédiaire de la langue de dé-

part dans le processus d'enseignement / apprentissage.

Cette expression a fini par désigner l'ensemble de la mé-

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thodologie, non seulement parce qu'elle permettait de

l'opposer à toutes les formes de la méthodologie tradition-

nelle, mais aussi parce que c'est l'interdiction de l'utilisa-

tion de la langue maternelle des élèves que fonde réelle-

ment la méthodologie directe en tant que méthodologie

nouvelle, parce qu'elle l'oblige à inventer de nouveaux

procédés et techniques de présentation (la leçon de choses,

l'image), d'explication (la méthode intuitive) et d'assimila-

tion (exercices lexicaux et grammaticaux en français) des

formes linguistiques.

L'objectif est d'amener l'élève à s'exprimer directe-

ment, sans traduction mentale, c'est-à-dire, selon l'expres-

sion couramment utilisée, à «penser directement en langue

étrangère»

Ch. Schweitzer donne la définition suivante: "La méthode

directe est celle qui enseigne les langues sans l'intermé-

diaire d'une autre langue antérieurement acquise. Elle n'a

recours à la traduction ni pour transmettre la langue à

l'élève, ni pour exercer l'élève à manier la langue à son

tour. Elle supprime la version aussi bien que le thème."

Elle va amener les méthodologues à imaginer de nouveaux

exercices d'entraînement grammatical de type direct, que

l'on retrouvera dans tous les cours de langue jusqu'à nos

jours.

La méthode orale

L'expression «méthode orale» désigne ici l'ensemble des

procédés et des techniques visant à la pratique orale de

la langue en classe. Il s'agit plus exactement d'une mé-

thode audio-orale, les productions orales des élèves consti-

tuant principalement dans la méthodologie directe une

réaction aux sollicitations verbales du professeur. Le livre

n'est qu'un aide-mémoire pour l'élève; il ne saurait pré-

tendre à remplacer la parole vivante du maître qui est

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l'âme de l'enseignement. Cela se justifie par la nécessité

d'assurer en premier lieu la maîtrise de la prononciation.

La méthode active

Elle renvoie à l'homologie entre la fin et les moyens de

l'enseignement. Les langues sont un exercice d'activité;

parler est un art: il est donc important de faire agir, c'est-à-

dire de faire parler l'enfant dès le premier jour. Il s'agit

de transformer les connaissances mortes en une pratique

vivante, de substituer à un savoir un pouvoir» La méthode

active sert à justifier toute une série de procédés, de tech-

niques et de méthodes, comme: la méthode interrogative,

la méthode intuitive, la démarche intuitive en grammaire,

l'appel à l'activité physique de l'élève, par les dramatisa-

tions, etc. Une fonction essentielle de la méthodologie ac-

tive est celle de mettre en place trois grands principes de

toute la pédagogie moderne, à savoir:

- la motivation (l'activité personnelle doit être provoquée

par l'intérêt);

- l'adaptation (des contenus et des méthodes aux inté-

rêts);

- et la progression (du connu à l'inconnu, du facile au dif-

ficile, du simple au complexe, du concret à l'abstrait).

La méthode interrogative

Elle s'articule aux trois méthodes fondamentales, directe,

active et orale: en classe, les questions orales, en français,

du professeur sollicitent en permanence l'attention et

les réponses orales des élèves directement en français.

Ce qu'il faut éviter, dans l'exercice de conversation, c'est

la monotonie; il faut empêcher aussi qu'il ne dégénère en

une leçon apprise par cœur. Rien n'est plus contraire à

l'esprit de cet exercice que le livre de conversation, qu'on

fait redire machinalement à l'élève, de manière que la

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question prévue amène toujours la réponse préparée

d'avance.

La méthode intuitive

C'est la méthode qui dans la Méthodologie Directe permet

l'enseignement direct du français par les recours aux ca-

pacités d'intuition des élèves eux-mêmes (méthode ac-

tive). Le mot intuition en vient ainsi à désigner de manière

très large la faculté que possède tout élève d'opérer des

associations directes -sans passer par l'intermédiaire de sa

langue maternelle - entre le français et la réalité, soit mon-

trée aux yeux, soit suggérée à l'esprit, soit évoquée en

langue étrangère en s'appuyant sur sa compétence linguis-

tique déjà acquise.

A chacun de ces modes d'accès à la réalité étrangère cor-

respondent trois types différents d'intuition: l'intuition di-

recte (pratiquée principalement dans la première période);

l'intuition indirecte (qui s'exerce sur la réalité ou sa repré-

sentation figurée, grâce à des procédés comme le geste, la

mimique, l'intonation ou les mouvements); et l'intuition

mentale (Avec l'aide des mots qu'il sait, nous suggérons à

l'élève la vision de choses éloignées, d'actes possibles.)

La méthode imitative.

Selon laquelle l'élève apprend en imitant constamment,

avant même de les comprendre, les sons produits par ses

proches. Cette méthode imitative pose aux méthodologues

directs le problème de la place et du rôle de la répétition

intensive et mécanique. L'apprentissage phonétique est

conçu comme une sorte de gymnastique des organes, où

l'on «attaque» l'un après l'autre les différents problèmes de

prononciation. Les "mots types" ou les "phrases types"

serviront a rectifier l'erreur toutes les fois que la même

difficulté se présentera. Chaque leçon à apprendre, chaque

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texte de version, avant d'être donné, doit être lu à haute

voix.

La méthode répétitive

Pour les méthodologues directs, on comprend en devi-

nant, on apprend en imitant, on retient en répétant. La

répétition est le principe essentiel de la méthode di-

recte. Le terme «répétition» est employé dans un sens très

large, et désigne toute réapparition du même mot ou de la

même structure dans l'oreille, sous les yeux, sur les lèvres

ou même tout simplement dans la tête de l'élève.

2.1.4.

Évolution

Un certain nombre de problèmes rencontrés par la mé-

thode directe tiennent à des facteurs dus aux prévisions

officielles, mais d'autres sont dus aux insuffisances de ses

théories de référence:

1. Insuffisance de la psychologie de l'apprentissage utili-

sée, laquelle n'est pas spécifique à l'apprentissage des

langues vivantes puisqu'elle est en réalité constituée d'un

mélange empirique de méthode naturelle et de méthode

active.

2. Insuffisance de la description grammaticale utilisée. La

grammaire des manuels directs est simplifiée et graduée

par rapport à celle de la méthodologie traditionnelle.

3. Insuffisance de la description lexicale de la langue, et

tout particulièrement absence de moyens scientifiques de

sélection et de gradation lexicales, qui provoque dans les

manuels directs une inflation véritablement effrénée du

vocabulaire: toute leçon sur la cuisine, par exemple, inclut

inévitablement le catalogue presque complet de la batterie

de ses ustensiles...

Page 15: Langue et didactique

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4. Insuffisance de la description culturelle de référence,

qui amène méthodologues et auteurs de manuels à prendre

comme fil directeur de l'enseignement culturel l'histoire

littéraire: choix réducteur quant aux contenus de civilisa-

tion.

2.2. La méthodologie active

Il s'agit en effet d'un point de vue technique, d'un com-

promis entre la méthodologie directe et la méthodolo-

gie traditionnelle. C'est bien entendu l'échec relatif de la

méthodologie directe en milieu scolaire qui a provoqué le

besoin d'une méthodologie nouvelle.

2.2.1. Les principes La caractéristique la plus apparente de la méthode active

est son éclectisme technique, qui ne modifie pas le noyau

de la méthodologie directe mais introduit dans chacune de

ses trois composantes un certain nombre de variations:

1. Assouplissement de la méthode orale: le texte écrit

comme support didactique pendant les premières années

d'enseignement retrouve une place qu'il avait théorique-

ment perdue. Ainsi, la première phase purement orale de

chaque leçon ne représente plus l'essentiel du travail en

classe (comme lorsque le texte en était conçu comme le

simple résumé); elle constitue au contraire une préparation

à la lecture du texte. D'autre part, les exercices écrits de

réemploi prennent plus d'importance qu'ils n'en avaient

dans la méthode directe. L'accent est cependant maintenu

sur l'enseignement de la prononciation et les procédés de

la méthode imitative directe, la plupart des méthodologues

actifs se montrant d'ailleurs partisans de l'utilisation des

auxiliaires audio-oraux (magnétophone, radio, plus tard

magnétoscope).

Page 16: Langue et didactique

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2. Assouplissement de la méthode directe: - dans l'en-

seignement du vocabulaire (le recours en classe à la tra-

duction orale comme moyen de contrôle de compréhen-

sion se fait plus fréquent). - dans l'enseignement de la

grammaire (l'équilibre entre l'apprentissage «mécanique»

et l'apprentissage «raisonné» est modifié au profit de ce

dernier.

3. Valorisation de la méthode active. La classe de langue

vivante doit être ...vivante. L'esprit de l'élève, de tous les

élèves, doit être constamment et en même temps tenu en

état d'alerte, qu'il s'agisse de la récitation de la leçon ou de

l'acquisition de notions nouvelles.

2.2.2. La méthodologie active et la méthodologie di-

recte

La véritable rupture entre la méthodologie active et la mé-

thodologie directe n'est donc pas à situer au niveau tech-

nique, bien que cette réintroduction des procédés et tech-

niques traditionnels ait constitué la nouveauté la plus re-

marquée dans le contexte polémique de l'époque. La rup-

ture réside dans ce que l'on pourrait appeler une nouvelle

orientation générale, un nouvel esprit ou une nouvelle phi-

losophie qui se font constamment sentir dans les écrits des

méthodologues actifs, et qui semblent pouvoir s'écrire à

travers ces quatre éléments:

1. Volonté d'intégration des langues vivantes dans l'en-

seignement scolaire, qui s'oppose à la volonté de particu-

larisation qui caractérisait le mouvement direct.

2. Pragmatisme. A l'origine de la méthodologie active se

trouve la constatation pratique d'un échec de la méthodo-

logie directe.

3. Éclectisme. La méthodologie active se veut accueil-

lante et ouverte à tous les procédés, techniques et maté-

riels jugés efficaces et compatibles avec ses objectifs et

principes fondamentaux.

Page 17: Langue et didactique

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4. Réformisme. Alors que les partisans de la méthodolo-

gie directe avaient conscience d'être des révolutionnaires,

et ne dédaignaient pas la polémique et la provocation dans

leur lutte contre les «rétrogrades», les méthodologues ac-

tifs se veulent essentiellement des réformistes: l'ouverture

aux innovations techniques s'accompagne chez eux d'un

souci de sauvegarder les objectifs et les principes fonda-

mentaux de la méthodologie active.

2.2.3. Évolution

C'est sur l'aspect d'activité que cette méthodologie doit

être évaluée, et non pas sur les déclarations d'intention de

ses méthodologues, mais sur l'impact réel de la méthode

active dans les salles de classe. R. Mucchielli énumère

ainsi les caractéristiques pratiques des méthodes actives:

a) Il y a activité des sujets à former (progrès qualitatif

par rapport à la méthodologie directe)

b) Ces sujets ont une motivation intrinsèque. (on sait que

dans l'enseignement scolaire, dont le public est «captif», la

motivation intrinsèque n'est pas la règle mais l'exception.)

c) Le travail en groupe est privilégié. (On constate que

les travaux de groupe, auxquels les instructions officielles

font rarement allusion, sont principalement dans la métho-

dologie active une technique ponctuelle de motivation par

l'émulation et la mise en compétition.)

d) Le moniteur joue un rôle de facilitateur, de cataly-

seur. (Ainsi apparaît clairement la contradiction entre la

méthode active préconisée et le maintien du statut, de l'au-

torité et de la responsabilité qu'attribue le système scolaire

au professeur dans sa classe)

e) Le contrôle prend la forme d'une auto-évaluation des

individus ou des groupes. (Sur ce point se fait aussi sentir

le poids du système scolaire, dans lequel ne peut être ac-

cordé à l'auto-évaluation, en tout état de cause, qu'un rôle

extrêmement marginal.) Mais ce qui limite l'impact de la

Page 18: Langue et didactique

18

méthode active est l'activité constante qu'elle exige du

professeur lui-même. Celui-ci doit entretenir jalousement

ses connaissances, qu'il les approfondisse et les élargisse

sans cesse, il faut qu'il ne soit ni verbeux, ni muet, qu'il ne

cherche pas à s'imposer en magister, qu'il ne s'efface pas

tout à fait. Il faut qu'il raisonne son travail, qu'il sache

s'adapter, qu'il ait du tact et de la volonté, et qu'il ne

craigne pas la fatigue.

Un enseignement actif n'est réalisable que dans ces condi-

tions. Dans la pratique étant donné l'absence de formation

à l'animation de groupes chez les enseignants, il est vrai-

semblable qu'une bonne part d'entre eux ait tendu à con-

fondre méthode active et activisme. D'autre part, le pro-

fesseur est limité par sa propre pédagogie générale de ré-

férence, qui est restée essentiellement la même que celle

de la méthodologie directe et au service des mêmes objec-

tifs fondamentaux. L'histoire de la méthodologie active

apparaît en effet bien moins séduisante que celle de la mé-

thodologie directe. celle-ci correspond à un mouvement de

création et de recherche qui a mobilisé énergies et enthou-

siasmes; celle-là répond plutôt à une logique de la préser-

vation et de la gestion. L'une ressemble à une brève épo-

pée révolutionnaire, l'autre à ces longues périodes quelque

peu ennuyeuses où le désir de stabilité et de sécurité l'em-

porte, où les évolutions se font lentes et les réformes pru-

dentes.

2.3. La méthodologie audiovisuelle

2.3.1. Origines et principes

La cohérence de la méthodologie audiovisuelle est cons-

truite autour de l'utilisation conjointe de l'image et du

son. La définition s'appuie sur l'unique critère technique

de l'intégration didactique autour du support audiovisuel.

Page 19: Langue et didactique

19

L'expression «audiovisuel» vient d'Amérique du Nord, où

depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale les «audio

visual aids», «audio visual materials» ou «audio visual

methods» ont connu un grand essor en pédagogie géné-

rale. L'influence des USA est décisive en ce sens qu'elle

ne vient pas simplement renforcer une introduction -

jusque-là très progressive et limitée- des «moyens» so-

nores et visuels dans l'enseignement des langues vivantes,

mais qu'elle va d'une part contribuer à faire placer les

moyens audiovisuels (à la fois sonores et visuels) au

centre même du renouvellement méthodologique. Le sup-

port sonore est constitué dans les cours audiovisuels par

des enregistrements magnétiques, et le support visuel par

des vues fixes (diapositives ou films fixes). Mais la voix

du professeur peut suppléer les enregistrements, et les

images du livre de l'élève les projections. Certains cours

proposent le choix entre plusieurs de ces possibilités ou

les combinent. L'intégration didactique n'est jamais totale

dans les cours audiovisuels, même dans ceux de la pre-

mière génération où elle est la plus forte.

2.3.2. La méthodologie audio-orale

Vers la fin des années 1950 les EU élèvent les langues vi-

vantes au rang de disciplines d'intérêt national. La psycho-

logie béhavioriste et la linguistique distributionnelle sont

alors dominantes aux U.S.A. C'est de cette époque que

date la notion et l'expression «Applied Linguistic» (Lin-

guistique appliquée).

La linguistique américaine est marquée à l'époque par

l'analyse distributionnelle, dont Léonard Bloomfield

présente déjà la méthode en 1926 dans «A set of Postulats

for the Science of Language». La méthode audio-orale

s'appuiera surtout sur les travaux des disciples de Bloom-

flield, en particulier S. Zellig et Z. S. Harris, lequel expose

Page 20: Langue et didactique

20

en 1951 ses principes dans «Methods in Structural Lin-

guistics».

L'analyse distributionnelle considère la langue dans

ses deux axes:

1. L'axe paradigmatique, ou axe « vertical », sur lequel

se situent les mots qui peuvent se substituer à un autre à

un endroit déterminé de la chaîne parlée ou de la ligne

écrite:

mon voisin fort courageux tond le gazon

le cousin très tondait

son patron extrêmement tondra

leur ... assez a tondu

Sur cet axe, la manipulation linguistique de base est la

substitution, qui permet la segmentation de la phrase en

unités de plus en plus petites (c'est l'analyse dite «en cons-

tituants immédiats»), et leur classification en fonction de

leur entourage dans le corpus d'étude. Cet entourage est

appelé la distribution, terme à l'origine du nom donné à

cette linguistique.

2. L'axe syntagmatique, ou axe «horizontal» est celui de

la chaîne parlée ou de la ligne écrite:

mon voisin fort courageux tond le gazon

Sur cet axe, l'analyse en constituants immédiats met en

évidence des régularités combinatoires appelées «struc-

tures».

Page 21: Langue et didactique

21

La présentation en «boîtes de Hockett» (appelées aussi

«tables de substitution») permet aux linguistes de repré-

senter cette analyse en constituants immédiats:

P

_______________________________________________

SN SV

____________________________________ ______

Dét. N SA V

SN

___________________

________________

Dét. N Adv adj V

Dét N

Mon voisin fort courageux tond le gazon

Sur cet axe syntagmatique, la manipulation de base con-

siste à passer d'une structure à l'autre: c'est la transforma-

tion, notion empruntée à la méthode d'analyse de Z. S.

Harris. Une transformation passive appliquée à l'exemple

donné ci-dessus:

Le gazon est tondu par mon voisin fort courageux

Les concepteurs de cours audio-oraux vont utiliser cette

analyse linguistique aux différents niveaux de la sélection,

de la présentation et des techniques d'exploitation des

contenus linguistiques.

+ Au niveau de la sélection, la priorité est donnée aux

structures grammaticales, le recours aux études de fré-

quence lexicale permettant de limiter le vocabulaire au

minimum indispensable à la répétition des structures.

Page 22: Langue et didactique

22

+ Au niveau de la présentation des contenus linguistiques

il y a eu débat entre les partisans du dialogue de base et

ceux des listes de phrases-modèles.

+ Au niveau des techniques d'exploitation des contenus

linguistiques, des «exercices structuraux» (patten drills)

vont amener les élèves à effectuer sur les structures intro-

duites les deux manipulations de base effectuées par les

linguistes, sur l'axe paradigmatique la substitution, et sur

l'axe syntagmatique la transformation.

Exercise

Make ten true sentences:

in the post office there's a woman holding a

handbag

public library a man selling

stamps

a boy talking on

the telephone

a girl standing at

the counter

holding a

letter

holding a

book

holding

some flowers

Les exercices à trous, déjà utilisés dans la méthode di-

recte, vont être généralement très fréquents dans les ma-

nuels audio-oraux.

Page 23: Langue et didactique

23

La transformation, sur l'axe syntagmatique, donne de

nombreux types d'exercices semblables à ceux que la mé-

thode directe avait déjà dû imaginer en langue étrangère

pour remplacer les exercices de traduction: mettre des

phrases énonciatives à la forme exclamative ou interroga-

tive; remplacer un substantif par le pronom correspondant,

faire une seule phrase avec deux (en introduisant une su-

bordination ou une coordination) etc.

2.3.3.

La méthodologie audiovisuelle et la méthodologie di-

recte.

Toutes les méthodes présentes dans la méthode directe se

retrouvent en effet organisées dans la méthodologie audio-

visuelle de manière si semblable que le schéma vu précé-

demment peut être utilisé aussi bien pour décrire celle-ci

que celle-là.

La méthode directe constitue la clef de voûte sur laquelle

repose la cohérence de l'ensemble, et qui renvoie au mo-

dèle de la «méthode naturelle».

La méthode orale parce que l'une des fonctions princi-

pales du support audiovisuel est en effet de suppléer le

support écrit.

Les références aux méthodes actives sont quasiment ab-

sentes du discours audiovisualiste, sans doute parce que la

méthodologie audio-visuelle, comme la méthodologie di-

recte, correspond à un mouvement de prise de conscience

aiguë de la spécificité de l'enseignement des langues vi-

vantes.

La méthode interrogative est utilisée plus systématique-

ment encore que dans les textes de base des manuels di-

rects.

Page 24: Langue et didactique

24

Dans l'enseignement grammatical et lexical la méthode

intuitive est reprise.

Et les méthodes imitative et répétitive sont dans l'ensei-

gnement audio-visuel difficilement séparables, dans la

mesure où, sous l'influence de la méthode audio-orale, une

partie significative (plus ou moins importante selon les

cours et les professeurs utilisateurs) du travail d'assimila-

tion linguistique va être confiée à des activités intensives

d'imitation/répétition de modèles.

2.3.4.

Évolution

La méthodologie audiovisuelle n'a jamais été une métho-

dologie dominante, mais a contribué de manière décisive à

modifier radicalement les pratiques effectives de la plupart

des professeurs (primauté de la langue orale, priorité à une

pratique intensive). Mais de plus en plus de cours audiovi-

suels admettent une utilisation non audiovisuelle de leur

matériel. Si une telle évolution se poursuit, nous sommes

peut-être entrés par certains côtés, dans une période post-

audiovisualiste. A notre époque, que certains disent de

«vide méthodologique» parce que s'y fait sentir l'absence

de méthodologie dominante et que s'y fait entendre la cri-

tique généralisée des effets pervers de tout système mé-

thodologique, reconnaître et assumer le passé constitue,

peut-être, le seul «acquis» véritable de la didactique du

français et des langues vivantes étrangères.

Page 25: Langue et didactique

25

3.

L’approche de la communication.

Les besoins de la communication se traduisent en 4

phases : La compréhension orale, la compréhension

écrite, l’expression orale et l’expression écrite. Voici la

façon d’aborder chacune :

3.1.

La compréhension orale

Selon R. Galisson et D. Coste (Dictionnaire de didactique

des langues – Hachette), la compréhension, tant écrite

qu’orale, serait une opération mentale, résultat du déco-

dage d’un message, qui permet à un lecteur (compréhen-

sion écrite) ou à un auditeur (compréhension orale) de sai-

sir la signification que recouvrent les signifiants écrits ou

sonores. La compréhension écrite et la compréhension

orale qui résultent d’une opération de réception des mes-

sages, s’opposent à l’expression écrite et à l’expression

orale, qui sont à l’origine de l’émission des messages. Les

deux aptitudes à lire et à écouter, qui sont ainsi mises en

jeu, sont parfois appelées à tord « passives », pour les dis-

tinguer des deux « skills » actifs : écrire et parler. Elles

supposent la connaissance du système graphique ou pho-

nologique de la langue considérée, ainsi que de la valeur

fonctionnelle et sémantique des structures morphosyn-

taxiques et des unités lexicales de cette langue. Le déve-

loppement de la compréhension orale nécessite un entraî-

nement à la discrimination auditive.

On dit souvent que la compréhension orale dépend de la

source informative. Souvent les personnes qui appren-

Page 26: Langue et didactique

26

nent une langue étrangère se plaignent de la vitesse à la-

quelle on parle dans les médias. Ralentir dans un premier

temps les textes écoutés en classe de langue peut servir

pour faire les premiers pas, mais un apprentissage réel

exige l’adaptation de l’oreille à la vitesse habituelle de

la langue, qui est toujours trop rapide pour les oreilles

d’un étranger. Il est bon de rappeler que la façon de parler

une langue est très diverse même pour les individus qui la

possèdent. Ecouter divers informateurs en classe, par des

moyens techniques ou directs, est un bon exercice.

La méthodologie pour la compréhension orale est fondée

sur les principes de la linguistique moderne appliquée à

l’enseignement des langues. Elle vise un maximum

d’efficacité sur les éléments fondamentaux de la langue

française.

Cet enseignement a trois phases :

1- Phase de présentation des éléments.

2- Phase d’exploitation (qui sera vue dans la partie « ex-

pression orale ».)

3- Phase de fixation (qui sera vue dans la partie « expres-

sion orale ».)

1- Phase de présentation : Elle permet de développer la

faculté de compréhension auditive des élèves et susciter

l’expression. Son but est double : s’assurer de la compré-

hension du contenu logique de la leçon et obtenir une ré-

pétition correcte des modèles linguistiques proposés. On

doit donner un grande importance à la vocalisation, à la

liaison, à l’enchaînement vocalique, à l’accent, au rythme,

à la mélodie. La répétition doit être une exercice actif qui

mobilise l’attention des élèves et leur faculté créatrice au

lieu d’être une imitation purement mécanique.

Page 27: Langue et didactique

27

3.2.

La compréhension écrite.

La compréhension de l’écrit est, comme nous l’avons déjà

vu dans la compréhension orale, l’opération mentale, ré-

sultat du décodage d’un message qui permet à un lecteur

de saisir la signification que recouvrent les signifiants

écrits. Cette définition fait appel, bien sûr, à la lecture.

Apprendre l’écrit, c’est apprendre à communiquer par

l’écrit et à interpréter n’importe quel document écrit. Il

s’agit d’apprendre à repérer les indices linguistiques du

texte qui renvoient à certains composants de base d’une

situation d’écrit. Enfin, il s’agit d’apprendre à se servir de

ces éléments textuels pour accéder d’abord à la compré-

hension, puis à la production de l’écrit.

Le but de l’approche globale des textes écrits est de déve-

lopper chez l’élève les capacités de compréhension du

sens d’un texte alors qu’il est encore incapable de com-

prendre chaque mot et chaque détail. Il est nécessaire de

montrer à l’élève que l’on peut comprendre un texte sans

forcément être capable d’en saisir chaque détail et de tra-

duire chacun de ses termes. Il s’agit de lui faire prendre

confiance en lui, en ses propres capacités.

3.3.

L’expression orale.

Selon R. Galisson et D. Dacoste, l’expression orale est

une opération qui consiste à produire un message oral

ou écrit, en utilisant les signes sonores ou graphiques

d’une langue. Expression orale et expression écrite corres-

pondent à ce qu’on appelle parfois les « skills » actifs :

parler et écrire. En ce sens, « expression » est générale-

Page 28: Langue et didactique

28

ment opposé à « compréhension » (orale et écrite : écouter

et lire.)

Le langage humain est avant tout une forme de commu-

nication. Parler c’est dire quelque chose à quelqu’un sous

l’impulsion d’un sentiment, d’une situation, mais il faut

aussi avoir envie de parler. Par conséquent, on parle quand

on a quelque chose à dire, qu’on a quelqu’un à qui le dire

et qu’on a envie de le dire.

Les seules motivations efficaces sont celles qui suscitent

normalement le discours, c’est à dire les motivations lan-

gagières proprement dites, et en particulier les situations.

La baisse d’intérêt que l’on constate chez les débutants

après quelques semaines d’engouement a un explication

toute simple : le dégoût de l’élève à l’égard d’un langage

vide ou stupide. La répétition et la monotonie finissent par

tuer la motivation. Le rôle du professeur devient alors ce-

lui d’un animateur et d’un meneur de jeu.

Cette communication sera la source de nombreuses fautes.

Mais il ne faut pas se décourager pour autant : c’est en

parlant que l’on apprend à parler.

En général, les fautes commises par l’apprenant ne sont

pas fortuites. Très souvent, elles peuvent être analysées et

même prévues car elles naissent de la confrontation de

deux systèmes phonologiques parfaitement structurés.

Il existe de nombreuses méthodes de correction phoné-

tique. L’une d’entre elles est la méthode verbo-tonale, qui

affirme que l’audition et la phonation sont indissoluble-

ment liés et que l’enseignement de la prononciation d’une

langue peut suivre les mêmes principes que ceux de la

langue maternelle. Il s’agit d’un système d’apprentissage

par approximations successives sous le contrôle de

l’audition. On fait la correction par l’audition et non par

l’articulation et l’élève peut se corriger lui-même.

Page 29: Langue et didactique

29

Pour la correction de la grammaire, les exercices struc-

turaux peuvent jouer un rôle important, surtout chez les

débutants. Il en existe de trois sortes : de répétition, de

substitution et de transformation.

Pour ce qui est de la méthodologie, nous avons cité plus

haut la phase d’exploitation et la phase de fixation.

1. La phase d’exploitation :

Cette étape consiste à employer, à mettre en pratique,

les éléments linguistiques que les élèves ont appris, dans

des contextes légèrement différents de ceux dans lesquels

ils ont été présentés. Il s’agit de suggérer des situations

familières aux élèves, qui les pousseront à s’exprimer li-

brement. Il faut éviter le plus possible l’artificiel si l’on

veut vraiment que l’élève parvienne à utiliser le langage à

des fins personnelles, qu’il arrive en fin de compte à

l’expression spontanée d’une autonomie.

2. La phase de fixation :

Il s’agit maintenant de fixer les connaissances acquises.

Ce qui doit guider maintenant les exercices, ce sont les

formes et les structures que l’on aura tirées de leur con-

texte, à cause de leur intérêt du point de vue de

l’enrichissement linguistique.

3.4.

L’expression écrite.

Le passage au français écrit se fera plus tard que

l’approche orale afin que le fonctionnement du système

grammatical oral soit bien fixé avant d’ajouter les distinc-

tions orthographiques.

Les méthodes d’apprentissage actuelles prévoient un déca-

lage de l’introduction de l’écrit par rapport à la pratique de

l’oral et un traitement spécifique bien différencié des deux

Page 30: Langue et didactique

30

domaines. Les méthodes les plus récentes tendent de plus

en plus à réduire ce décalage et à précéder l’apprentissage

du code graphique par des exercices de déchiffrage global

de l’écrit.

Très souvent, on commence l’écrit pour la première fois

assez tard. Nous savons tous que le code orthographique

du français a une base phonétique évidente, mais la phoné-

tique et la graphie forment tout un ensemble difficile à sé-

parer.

Le passage de l’oral à l’écrit ne doit pas présenter de

grandes difficultés. Une bonne activité à réaliser pourrait

être la dictée préparée. Les mots clés, les formes gram-

maticales sont écrites et commentées. Après avoir fait ce

travail, le message est dicté et corrigé. Les difficultés sont

abordées méthodologiquement à partir d’énoncés com-

plets, dans leur globalité. La dictée en soi est un exercice

exclusivement pédagogique, une transcription de l’oral.

Mais l’expression écrite doit aller plus loin. Il faut cher-

cher la communication écrite des automatismes sur l’écrit,

à conceptualiser les normatives graphiques grâce aux

exercices programmés d’expression écrite tels que for-

mulaires, correspondance à distance...

Tout d’abord, les élèves doivent imiter, la création vien-

dra après. Cette communication peut se faire avec des

télégrammes, des cartes postales, des lettres. Nous enten-

dons par là communication épistolaire. Les objectifs de

cette communication sont très simples : informer, deman-

der, critiquer, avertir, expliquer, conseiller...

L’expression écrite n’a pas de limites. Nous n’avons parlé

ni de la rédaction ni des commentaires de textes, qui ap-

partiennent au domaine de la communication créative, et

qui, comme nous le disons plus haut, viendra plus tard.

Page 31: Langue et didactique

31

Aide mémoire

1. Évolution de la didactique des langues

1.1. Les origines : Calquée sur la méthodologie

d'enseignement des langues anciennes. Le procédé de

mémorisation / restitution

1.2. Les principes : Enseignement théorique et tra-

ductions d'application. Exercices de plus en plus nom-

breux et variés finissant par viser non plus la simple appli-

cation des règles, mais une véritable assimilation des

formes linguistiques.

1.3. Évolution : Modification du contexte d'ensei-

gnement scolaire. Succès de ces nouvelles méthodologies.

2. Tendances actuelles dans la didactique du français

langue vivante.

2.1. La méthodologie directe.

2.1.1. Définition. Sans passer par l'intermédiaire de

leurs équivalents espagnols. La langue orale sans passer

par l'intermédiaire de sa forme écrite.

a) le détour par la langue maternelle.

b) le détour par l'orthographe.

c) le détour par des règles de grammaire superflues.

2.1.2. Les origines.

1. Nouveaux besoins.

2. Le contexte politique et éducatif.

3. La professionnalisation du corps enseignant.

4. L'évolution interne.

5. Le succès de la «méthode naturelle»

6. La nouvelle psychologie.

7. La phonétique pratique ou descriptive.

2.1.3. L'organisation interne.

Structure.

Page 32: Langue et didactique

32

- La méthode directe : ensemble des procédés et

des techniques permettant d'éviter le recours à l'intermé-

diaire de la langue de départ. Amener l'élève à s'exprimer

directement.

- La méthode orale : ensemble des procédés et des

techniques visant à la pratique orale de la langue en classe.

- La méthode active : faire parler l'enfant dès le

premier jour, la motivation, l’adaptation, la progression.

- La méthode interrogative : sollicitent en perma-

nence l'attention et les réponses orales des élèves directe-

ment en français.

- La méthode intuitive : recours aux capacités d'in-

tuition des élèves eux-mêmes, faculté que possède tout

élève d'opérer des associations directes.

- La méthode imitative : l'élève apprend en imitant

constamment.

- La méthode répétitive : on comprend en devinant,

on apprend en imitant, on retient en répétant. La répétition

est le principe essentiel de la méthode directe.

2.1.4. Évolution

2.2. La méthodologie active.

Compromis entre la méthodologie directe et la mé-

thodologie traditionnelle.

2.2.1. Les principes. Assouplissement de la mé-

thode orale et de la méthode directe. Valorisation de la

méthode active.

2.2.2. La méthodologie active et la méthodologie

directe. Volonté d'intégration des langues vivantes dans

l'enseignement scolaire. Pragmatisme. Eclectisme. Ré-

formisme.

2.2.3. Évolution : Activité des sujets à former, Mo-

tivation intrinsèque, Le travail en groupe est privilégié, Le

moniteur joue un rôle de facilitateur, Auto-évaluation.

Page 33: Langue et didactique

33

2.3. La méthodologie audiovisuelle

2.3.1. Origines et principes

- L'utilisation conjointe de l'image et du son.

2.3.2. La méthodologie audio-orale

- L'analyse distributionnelle considère la langue

dans ses deux axes:

1. L'axe paradigmatique. - Substitution, classification, distribution.

2. L'axe syntagmatique : «Structures». Sélection,

présentation, techniques d'exploitation. Sélection, struc-

tures grammaticales. Présentation, dialogue de base, listes

de phrases-modèles. Techniques d'exploitation, substitu-

tion, transformation. - Exercices à trous. Transformation.

2.3.3. La méthodologie audiovisuelle et la métho-

dologie directe : La méthode directe, orale, les méthodes

actives, la méthode interrogative, la méthode intuitive, les

méthodes imitative et répétitive.

2.3.4. Évolution.

3. L’approche de la communication.

3.1. La compréhension orale. Compréhension,

opération mentale. Compréhension orale, source informa-

tive, adaptation de l’oreille à la vitesse habituelle de la

langue. Maximum d’efficacité.

3.2. La compréhension écrite. La lecture, interpré-

ter n’importe quel document écrit.

3.3. L’expression orale : Produire un message oral

ou écrit. Forme de communication. C’est en parlant que

l’on apprend à parler. Correction phonétique. Correction

par l’audition. Correction de la grammaire, exercices

structuraux.

1. La phase d’exploitation : employer, mettre en

pratique, les éléments linguistiques.

Page 34: Langue et didactique

34

2. La phase de fixation : Fixer les connaissances

acquises.

3.4. L’expression écrite. Le passage au français

écrit se fera plus tard que l’approche orale. Dictée prépa-

rée. Exercices programmés d’expression écrite. Les élèves

doivent imiter, la création viendra après.

Bibliographie

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tiques, Bruxelles, éd. Mardaga, 1990-1992, 2 vol.

BERTRAND, YVES, «Remarques sur l'étude des mé-

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des langues vivantes», Langue Française, déc.,

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BRONCKART, JEAN PAUL, Théories du langage, une

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Page 35: Langue et didactique

35

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Nantes) déc, 1983, pp 5-35, 1981

GANTIER, HÉLÈNE, L'enseignement d'une langue

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LADMIRAL, JEAN-RENÉ, «Linguistique et pédagogie

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VAN BENTHEM, JOHAN, Language in Action, Amster-

dam, North-Holland, 1991.

Page 36: Langue et didactique

36

2

Sommaire

Introduction

1. Théories générales sur l’apprentissage et

l’acquisition d’une langue étrangère.

1.1. L’imitation

1.2. L’innéisme

1.3. Processus cognitifs

1.4. Le langage que les enfants écoutent.

1.5. Apprentissage simultané de deux langues.

1.6. Apprentissage spontané d’une seconde langue

vivante.

1.7. Apprentissage systématique d’une seconde

langue vivante.

2. Le concept d’interlangue

3. Le traitement de l’erreur.

3.1. Interaction phonologique.

3.1.1. Les voyelles.

3.1.2. Les consonnes.

3.1.3. Quelques conclusions.

3.2 L'intensité syllabique.

3.3 Interaction du lexique.

Page 37: Langue et didactique

37

3.4. Homonymes et homographes.

3.5. Interaction morphosyntaxique.

3.6. L'ordre des mots.

Aide mémoire

Bibliographie

Introduction

Trois sujets sont analysés dans les pages suivantes.

Le premier, qui suit l'avis de plusieurs spécialistes, ex-

plique les mécanismes d'apprentissage d'une langue

étrangère. Les études de Charles-Pierre Bouton et Jean

Guénot apportent des "clefs" pour la compréhension des

procédés d'apprentissage des langues (voir bibliographie).

Le second est centré sur le concept d’interlangue.

Le troisième point de ce thème examine les contraintes

ou erreurs linguistiques qui se produisent chez les hispa-

nophones apprenant le français. Une étude minutieuse de

l'interaction de l'espagnol dans l'apprentissage du français

ferait l'objet d'une centaine de pages au moins; c'est pour-

quoi les pages rédigées ci-dessous prétendent seulement

ouvrir le classement du catalogue. Les résultats des expé-

riences réalisées par les spécialistes, ainsi que les apports

de Geneviève Calbris, Marie-Anne Hameau, Colette Rojas

et Jeanine Caillaud ("Guide pédagogique pour le profes-

seur de français langue étrangère") et ceux des professeurs

Page 38: Langue et didactique

38

Cantera et de Vicente dans leur livre sur la méthodologie

du Français, ont servi de base à notre sujet.

Nous avons préféré prolonger ce thème au-delà du nombre

de pages habituelles en raison des exemples qui sont don-

nés. Ceux-ci ne sont pas la partie essentielle du thème,

mais un bon complément. Le professeur peut se contenter

d’en retenir un ou deux, qui sont bien suffisants pour ap-

puyer la partie doctrinale.

1.

Théories générales sur l’apprentissage et l’acquisition

d’une langue étrangère.

La communication, l'échange social, est la fonction

première du langage lorsqu'on apprend une langue. La

compétence communicative, qui doit être contemplée sous

ses deux aspects, oral et écrit, est la somme des genres de

compétences suivantes: grammaticale (qui ne s'apprend

pas en dehors du contexte), sociolinguistique (la forme et

le sens des énoncés doit correspondre à la situation de

communication), du discours (capacité d'utiliser et d'in-

terpréter les différents types de discours) et stratégique

(utiliser les ressources linguistiques et extralinguistiques

pour éviter que la communication ne s'interrompe ou

qu'elle ne suive pas le cours désiré).

L'acquisition d'une langue étrangère est un procédé de

construction créative. La progression dans l'apprentis-

sage se produit par une approche globale qui implique né-

cessairement, dans les débuts, une simplification considé-

rable et une omission des particularités non considérées

comme essentielles.

Page 39: Langue et didactique

39

Le progrès dans l'apprentissage d'une langue n'arrive

pas seulement lorsque l'on fait des efforts consciemment

pour apprendre, mais il apparaît aussi comme résultat

de mécanismes inconscients activés impliqués dans une

situation de communication. Certains spécialistes font une

distinction entre acquisition - aspects inconscients du pro-

cédé qui développe la capacité de s'exprimer- et appren-

tissage - aspects conscients et volontaires qui développent

la capacité de contrôle et d'amélioration-.

La quantité d’informations claires et générales connus sur

l’acquisition du langage est encore très petite. En particu-

lier, on a besoin d’une quantité plus grande d’information

sur la façon dont les enfants acquièrent les langues. Sans

aucun doute, les facilités d’imitation, mécanisme général

d’apprentissage du langage, les connaissances cognitives,

et la structuration de l’entrée linguistique, jouent un rôle

de guide lors de l’acquisition du langage. Démêler

l’interdépendance de ces facteurs constituent l’objectif

principal des futures investigations sur le langage des en-

fants.

1.1.

L’imitation

Selon une opinion populaire, les enfants apprennent à par-

ler en copiant les émissions qu’ils entendent autour d’eux

et en fortifiant leurs réponses avec les répétitions, correc-

tions et d’autres réactions des adultes. Ce principe

n’expliquera pas tous les faits du développement du lan-

gage. Les enfants font beaucoup d’imitations, particuliè-

rement en apprenant les sons et le vocabulaire, mais de

cette manière on peut seulement expliquer une petite par-

tie de leur capacité grammaticale. On utilise deux types de

données pour appuyer cette critique: l’une fait référence

Page 40: Langue et didactique

40

au type de langage que les enfants produisent, et l’autre,

au langage qu’ils ne produisent pas.

a) Le premier type fait référence à la manière dont les

enfants utilisent les formes grammaticales irrégulières. Il

existe un état ou les formes irrégulières (par exemple, la

forme du participe mort, ou plu) sont remplacées par

d’autres formes régulières du langage. Les enfants utili-

sent alors des formes comme mouru, pleuvu. Il est évident

que les enfants assument que l’utilisation grammaticale est

régulière et il essayent de découvrir par eux-mêmes com-

ment devraient être ces formes, procédé de raisonnement

connu sous le nom d’analogie. Son apprentissage n’est

pas dû à un procédé d’imitation, puisque les adultes ne di-

sent pas des mots comme mouru, pleuvu. .

b) Le deuxième type se base sur l’idée que les enfants

paraissent incapables d’imiter avec exactitude les cons-

tructions grammaticales des adultes, même quand ils peu-

vent le faire. La démonstration la plus connue de ce prin-

cipe est le dialogue décrit par le psycholinguiste américain

David McNeill (1933-), dans lequel un enfant n’est pas

capable d’employer une construction, même si la mère

présente plusieurs fois le modèle adulte correct. La force

de l’argument survit malgré la traduction:

Enfant: Personne m’aime pas

Mère: Non, dit « personne ne m’aime »

Enfant: Personne m’aime pas. (après huit fois)

Mère: Non, maintenant écoute attentivement, dit:

« personne ne m’aime »

Enfant: Ah ! personne m’aime.

On peut apprécier clairement que le niveau de maîtrise du

langage que l’enfant avait atteint à ce moment là ne lui

permettait pas d’utiliser la structure employée par la mère.

Page 41: Langue et didactique

41

Ces exemples indiquent que l’acquisition du langage est

plus une question de maturité que d’imitation.

1.2.

L’innéisme

Les limites d’une conception de l’acquisition du langage

basée sur l’imitation et le renforcement ont conduit dans

les années 1960 à l’apparition d’une proposition alterna-

tive qui surgit de la théorie générative. On proposa que les

enfants devaient naître avec une capacité innée pour

développer le langage: le cerveau humain y serait préparé

dans le sens que certains principes généraux de découverte

et structuration du langage commencent à agir automati-

quement quand les enfants sont exposés à leur présence.

Ces principes constituent le « dispositif d’acquisition du

langage » (D.A.L.) de l’enfant.

L’enfant emploie son D.A.L. pour comprendre les émis-

sions qu’il entend autour de lui et dérive des hypothèses

sur la grammaire du langage; ce qu’est une phrase, com-

ment elle se construit; à partir de ses « données linguis-

tiques primaires ». Alors, il utilise ses connaissances pour

produire des phrases qui, après un procès d’essais et

d’erreurs, correspondent avec celles du langage adulte:

l’enfant a appris un ensemble de généralisations et de

règles qui régissent le mode de formations des phrases.

Il est possible de résumer cette séquence d’événements de

la manière suivante:

ENTRÉE DAL

SORTIE

Page 42: Langue et didactique

42

Données principes con-

naissances paroles

linguistiques généraux de

grammaticales de

primaires (paroles de l’apprentissage

(règles) l’enfant

l’adultes)

Les opinions sur la meilleure façon de caractériser le DAL

sont diverses. Certains ont soutenu qu’il apporte à l’enfant

des connaissances sur les universaux linguistiques,

comme l’existence de l’ordre et les sortes de mots;

d’autres ont indiqué qu’il n’apporte que des procédés gé-

néraux pour découvrir comment le langage doit être ap-

pris. Néanmoins, tous ces partisans ont été d’accord sur

l’idée que c’est une notion nécessaire pour expliquer la

grande vitesse à laquelle les enfants apprennent à par-

ler et la ressemblance considérable dans la façon

d’acquérir les patrons grammaticaux chez différents en-

fants dans différentes langues. On pense que le langage

adulte en tant que tel ne peut pas proportionner un moyen

pour permettre aux enfants de découvrir tout seuls les ré-

gularités du langage, car il est trop désorganisé et com-

plexe. Néanmoins, ce fut difficile de formuler les proprié-

tés détaillées du DAL sans controverses, en vue des chan-

gements que la théorie linguistique a souffert dans les der-

nières années. Pendant ce temps, d’autres explications du

processus d’acquisition ont évolué.

1.3.

Processus cognitifs

Page 43: Langue et didactique

43

La proposition la plus remarquable fait référence à l’idée

que l’acquisition du langage devait être conçue dans le

contexte du développement intellectuel de l’enfant. Les

structures linguistiques surgiront uniquement si l’on dis-

pose de fondements cognitifs établis. Ainsi, avant de pou-

voir utiliser les structures de comparaison ( par exemple,

cette voiture est plus grande que celle-ci), les enfants doi-

vent développer la capacité conceptuelle pour réaliser des

jugements relatifs à la taille. Plusieurs spécialistes inté-

ressés par le début du langage de l’enfant ont insisté sur

l’existence de ce type de relation, mais l’explication qui a

le plus d’influence provient du modèle de développement

cognitif proposé par le psychologue de Genève Jean Pia-

get (1896-1980).

On a effectué des études bien contrôlées qui recherchent la

relation entre les états de développement cognitifs de Pia-

get et le surgissement des habilités linguistiques. Cette re-

lation a été mise en relief avec plus de clarté dans la pé-

riode plus précoce de l’apprentissage du langage (jusqu’à

18 mois), en relation avec le développement de ce que

Piaget appelle intelligence «sensorio-motrice », dans la-

quelle les enfants construisent une image mentale d’un

monde d’objets avec une existence indépendante. Par

exemple, pendant la dernière partie de cette période, les

enfants développent la notion de permanence de l’objet;

ils commencent à chercher des objets qu’ils ont vu être

cachés; et quelques spécialistes ont soutenu que la capaci-

té pour appeler des sortes d’objets (par exemple, donner

une catégorie linguistique « permanente » comparable)

dépend du développement antérieur à cette capacité cogni-

tive. Cependant, démontrer des corrélations précises entre

des conduites cognitives spécifiques et des traits linguis-

tiques avec des enfants si petits est très difficile. La ques-

tion est très polémique et sa complexité augmente autant

Page 44: Langue et didactique

44

que ceux-ci progressent linguistiquement et cogni-

tivement.

1.4.

Le langage que les enfants écoutent.

Comme conséquence de l’hypothèse de l’innéisme, pen-

dant de nombreuses années on a minimisé l’importance du

langage que les adultes (spécialement les mères) em-

ploient avec les enfants. Mais les études sur le « materna-

lés », comme il fut appelé montrèrent que l’entrée du lan-

gage qu’apportent les mères n’est nullement aussi com-

plexe ni fragmentaire que l’affirment les défenseurs de la

théorie de l’innéisme. De nombreux parents ne parlent pas

à leurs enfants de la même manière qu’aux adultes. Par

contre, ils semblent capables d’adapter leur langage pour

donner aux enfants la plus grande possibilité d’interagir et

d’apprendre. On a signalé quelques-unes de ces adapta-

tions :

a) Les émissions se simplifient de manière considé-

rable, spécialement en grammaire et en sens. Les

phrases sont plus courtes: une étude a démontré que la

longueur moyenne des phrases que les mères employaient

avec leurs enfants de 2 ans était de moins de quatre mots,

la moitié de ce qui fut trouvé quand elles parlaient aux

adultes. Pour se diriger aux enfants on utilise un ensemble

plus restreint de forme de phrases et fréquemment on a

recourt à des phrases « types » comme Où est-il ? ou C’est

un..;. Les significations concrètes prédominent, et ont une

relation avec la situation dans laquelle mère et enfant agis-

sent.

Page 45: Langue et didactique

45

b) Il existe plusieurs traits dont la mission est de clarifier

l’émission: de l’information additionnelle considérée inu-

tile pour l’adulte est apportée, les phrases sont agrandies

et paraphrasées et même répétées plusieurs fois. La

vitesse du langage est beaucoup plus lente qu’avec

d’autres adultes.

c) Il existe aussi un élément affectif ou expressif dans le

«maternalés», qui se reflète dans l’usage des certains mots

et sons spéciaux. Les diminutifs et réduplications sont

habituels. L’anglais emploie de façon particulière la ter-

minaison y/ie et on trouve des formes similaires dans

d’autres langues, comme le japonais, (ko) et le bereber (-

q). Souvent on utilise des mots tout à fait différents. Par

exemple, en espagnol, on utilise tato pour appeler son

grand frère, pupa pour dire qu’on a mal, ou qu’on s’est

fait mal. Aussi des sons individuels peuvent être employés

de façon spéciale, comme le son produit par les lèvres ar-

rondies en anglais, ou les sons palatals spéciaux du leton

ou du marati.

Certains de ces traits peuvent servir pour maintenir

l’attention de l’enfant ou identifier des mots et des sons

particuliers. C’est fort possible que cela soit la raison de

l’usage très commun par la mère d’une série étendue de

tons forts.

Les mères passent aussi beaucoup de temps à attendre

de leurs enfants des réponses, spécialement les trois

premières années. Leur langage contient un pourcentage

élevé de forme interrogative et l’intonation monte à la fin

des phrases.

C’est évident que ces modifications constituent une ma-

nière importante d’établir et maintenir une relation impor-

tante avec l’enfant, car on les trouve dans les première in-

Page 46: Langue et didactique

46

teractions mère / enfant. Les traits mentionnés ont été pro-

posés comme universels, mais cette affirmation est préma-

turée en l’absence d’études empiriques et il existe

quelques données opposées dans d’autres cultures: par

exemple, plusieurs des traits signalés ne sont pas présents

en samoano ou en quiché maya. Par contre, on ne met pas

en question le caractère très structuré de l’entrée que la

mère proportionne et on considère très sérieusement son

influence possible tout au long de l’acquisition du lan-

gage.

Malheureusement, il est difficile de montrer des relations

entre les traits des «maternalés» et le surgissement posté-

rieur de ces traits dans le langage de l’enfant, et il semble

plus problématique de passer des relations aux causes.

Certaines études ont trouvé peu de preuves sur ces rela-

tions quand ils les ont cherchées, d’autres ont trouvé des

relations occasionnelles entre structures spécifiques, mais

souvent avec une grande différence entre l’usage par la

mère d’un trait et sa postérieure utilisation par l’enfant.

Un autre étude a indiqué que les structures d’entrées

s’ajustent de façon étroite aux nécessités de l’enfant (hy-

pothèse « ajustement fin »). L’usage de différentes mé-

thodes d’investigations noircit le panorama, mais actuel-

lement on sait avec assurance qu’en décrivant des théories

sur l’acquisition du langage, on ne peut pas laisser de côté

plus longtemps la nature et la fréquence de ces traits lin-

guistiques présents dans les émissions de la mère.

1.5.

Apprentissage simultané de deux langues.

Page 47: Langue et didactique

47

Il existe des enfants qui, de par leurs circonstances fami-

liales et sociales, se trouvent depuis le début de leur vie en

contact de deux langues, utilisées tant dans des contextes

clairement différenciés qu’indifféremment par leur entou-

rage.

Un enfant dans ces circonstances commence à produire

des sons, à réaliser des exercices phonatoires de la même

manière que n’importe quel autre enfant, mais lorsqu’il

commence à imiter les sons qu’il entend, non seulement

il imite les sons correspondants aux deux systèmes

phonétiques, mais il tend à les maintenir clairement

séparés, et l’on peut distinguer quand il émet des sons

d’un système ou de l’autre.

Bien que les systèmes phonétiques se séparent rapidement,

l’acquisition des mêmes premiers mots se fait sans diffé-

rence. L’enfant apprend des mots dans les deux langues et

il les utilise indifféremment à n’importe quelle occasion.

Le fait qu’à un jeune âge les mots possèdent pour

l’enfant un sens vague nous permet de conclure que

pour lui il n’existe pas deux systèmes mais un seul.

Un peu plus tard l’enfant commence à séparer les deux

systèmes linguistiques et il utilise les mots de l’une ou

l’autre langue selon le contexte linguistique.

Il sera vite conscient de ces deux systèmes linguistiques

qu’il est capable d’utiliser, comme lorsqu’il demande la

traduction d’un mot ou quand il voit que son interlocuteur

connaît l’une des deux langues mais pas l’autre.

Il sera vite conscient aussi que cette dualité comporte des

perceptions différentes. Ces différentes connotations des

mots, qui sont souvent de caractère affectif,

l’accompagneront toute sa vie et contribueront à dis-

tinguer un système linguistique d’un autre. Mais le sens

des mots ne se réduit pas à ces connotations, il fait allu-

sion à des caractéristiques générales et fondamentales de

Page 48: Langue et didactique

48

l’objet, caractéristiques découvertes par des expériences

cognitives. Lorsqu’un enfant les a découvertes dans une

langue, il n’a pas besoin de les découvrir de nouveau pour

l’apprentissage du mot dans l’autre.

Il en est de même avec l’apprentissage des règles mor-

phosyntaxiques. L’enfant apprend indépendamment les

règles correspondantes dans chaque langue.

Nous pourrions dire qu’au niveau linguistiques les deux

langues fonctionnent indépendamment. Lorsqu’un enfant

bilingue parle dans une langue déterminée, il ne se repré-

sente que les éléments et les structures correspondants à

cette langue, comme si l’autre système linguistique se te-

nait à part.

La capacité de maintenir séparés les deux registres,

ainsi que celle de passer de l’un à l’autre rapidement et

totalement, est ce qui caractérise le bilingue; l’enfant

qui apprend à parler dans deux langues présente ces parti-

cularités avant quatre ans.

Bien que chez l’enfant bilingue les deux systèmes linguis-

tiques se maintiennent séparés et indépendants, plus ou

moins fréquemment il se produit entre les deux langues

des interférences de différentes sortes: sémantiques, pho-

nétiques, syntaxiques, morphologiques, orthographiques,

etc. Certaines des interférences que nous trouvons norma-

lement dans le langage de l’enfant sont un reflet du propre

langage des adultes. Dans un territoire où il n’existe pas

deux langages, il est fréquent qu’il y ait un autre genre

d’interférences converties en usages linguistiques, que

l’enfant recueillera dans son langage.

Les interférences les plus fréquentes sont généralement

l’usage d’un mot en espagnol alors qu’il parle en français,

mais elles peuvent aussi se convertir en règles morphosyn-

taxiques. Les interférences ont en général un caractère

Page 49: Langue et didactique

49

asymétrique (l’une des deux langues prédomine sur

l’autre).

En principe, cela ne devrait pas arriver, puisque les ap-

prentissages des deux langues sont parallèles et équiva-

lents. Mais en réalité, il ne le sont jamais complète-

ment, car l’enfant n’a jamais le même contexte

d’apprentissage.

1.6.

Apprentissage spontané d’une seconde langue vivante.

Le contact avec un seconde langue peut arriver á

n’importe quelle époque de la vie. Les procédés de

l’apprentissage sont pratiquement les mêmes dans tous les

cas, mais ils semblent plus faciles à un jeune âge.

L’apprentissage spontané de la nouvelle langue se produit

de deux manières clairement différenciées. En premier

lieu, lorsque l’on prend contact avec la nouvelle langue de

la même manière qu’au début de sa vie on a pris contact

avec ce qui est maintenant sa langue maternelle: de ma-

nière directe, tâchant de communiquer avec des personnes

qui parlent d’une manière incompréhensible; mais grâce à

la compréhension de la situation où apparaissent les mots

et les gestes qui l’accompagnent, le nouvel apprentis de-

vine le sens de quelques mots et de quelques expressions.

A partir de cette connaissance minimum il avancera pro-

gressivement. Avec le temps, il sera capable non seule-

ment d’utiliser les mots et les phrases qu’il a appris, mais,

comme le petit enfant, il déduira des règles qui lui per-

mettront de construire et d’émettre des phrases origi-

nales.

En même temps, il prend contact avec des personnes, ses

propres parents peut-être ou ses éducateurs, qui connais-

Page 50: Langue et didactique

50

sent les deux langues et peuvent agir en intermédiaires

entre l’une et l’autre. Il peut leur demander le sens de ce

qu’il n’a pas compris ou la forme de ce qu’il veut expri-

mer.

Le vrai apprentissage linguistique a lieu quand

l’enfant commence à acquérir des sens généraux, ap-

plicables à différentes situations, et à employer des

règles morphosyntaxiques. L’enfant qui commence à par-

ler relie les sens et les règles à son expérience de la réalité,

et le procédé linguistique coïncide avec son progrès dans

la compréhension de la réalité. Il y a une totale correspon-

dance entre des règles cognitives et des structures linguis-

tiques. Par contre, lorsqu’un adolescent entre en contact

avec une seconde langue, il l’interprète en fonction des

structures linguistiques de la première.

Le petit enfant est capable d’apprendre des formes

d’expression propres de la seconde langue sans avoir

besoin de les traduire dans sa langue maternelle; par

exemple, s’il est en train d’apprendre le français, il se ren-

dra compte qu’il n’y a pas de mot français qui corresponde

exactement à perdón et que selon les cas, il faut dire par-

don ou excusez-moi. Il n’aura pas besoin de penser à leur

sens pour les utiliser mais il le fera spontanément.

Ainsi, avec le temps, il commencera à intérioriser le fran-

çais, ce qui facilitera son expression et sa compréhension.

1.7.

Apprentissage systématique d’une seconde langue vi-

vante.

Au contraire, un adulte qui veut apprendre une seconde

langue aura besoin d’une méthode d’apprentissage

systématique pour y arriver.

Page 51: Langue et didactique

51

Alors que pour l’apprentissage spontané on apprend la

langue à partir de l’ambiance qui entoure le sujet, pour

l’apprentissage systématique il faut décider d’abord

quel genre de langue on prendra comme objectif et

quelle importance on donnera aux différentes modali-

tés: langue culte, familière, orale, écrite, traduction di-

recte, prononciation, etc.

L’apprentissage systématique d’une seconde langue se ca-

ractérise par:

- Le fait qu’elle s’appuie sur des connaissances préa-

lables d’une première langue et sur des structures men-

tales solides, ce qui rend très difficile l’autonomie et la

spontanéité de la langue que l’on apprend, et qui caracté-

rise le vrai bilinguisme.

- Elle peut s’appuyer aussi sur les besoins immédiats de

communication de l’individu. Mais il est très difficile de

reproduire dans une situation académique

des situations de la vie réelle.

- L’élément de motivation principale est l’intérêt du sujet

pour apprendre la langue; il doit avoir confiance en ce que

les exercices qu’il réalise contribuent à cet apprentissage.

On dit que dans l’apprentissage d’une langue étrangère la

motivation est plus importante que la méthode elle-même.

En conclusion, nous pourrions dire que l’apprentissage

simultané de deux langues produit une connaissance très

profonde de ces deux langues qui peut même déboucher

sur un véritable bilinguisme.

L’apprentissage postérieur d’une seconde langue, tant

spontané que systématique, s’appuie sur la connais-

sance préalable de la première langue et, dans le cas

concret de l’apprentissage systématique, il possède un ca-

ractère artificiel, ce qui rend difficile que cette langue ait

pour le sujet un existence autonome et puisse être utilisée

spontanément. Cependant, les mécanismes

Page 52: Langue et didactique

52

d’apprentissage sont pratiquement les mêmes, ce qui fait

qu’on ne peut exclure que dans des circonstances très

favorables, au moyen de l’apprentissage systématique

on puisse aussi accéder à un véritable bilinguisme.

2. Le concept d’interlangue

Dans les situations d’apprentissage d’une seconde langue,

l’interlangue est un système intermédiaire plus ou moins

stabilisé fondé sur la présence simultanée d’éléments ap-

partenant à chacune des langues en présence.

De façon plus précise, l’étude de l’interlangue est

l´étude du système de langage de l’étudiant ou simple-

ment l’étude de la langue des étudiants de langues. C’est

un état transitoire appelé ou traité par les spécialistes de

différentes façons et qui signale différents aspects du phé-

nomène. Il centre son intérêt sur le fait d’une présence

systématique des structures de la langue maternelle ou

d’autres langues connues par l’étudiant. C’est une situa-

tion intermédiaire avec un certain degré de variabilité

tant entre les débutants qu’entre les initiés. L’idée, ap-

pelée aussi « système approximatif » ou « compétence

transitionnelle » se fonde sur les connaissances que

l’étudiant possède, et qu’il désire constamment dévelop-

per.

Une langue , dans le fond, n’est qu’une manifestation par-

ticulière du phénomène du langage humain. La langue

humaine, ses propriétés structurelles, sont développées

depuis un noyau théorique vers une grande variété de

formes concrètes. Chacune de ces langues sont les inter-

prétations de ce fond. En décrivant et comparant ces diffé-

rentes manifestations, le spécialiste arrive à trouver

Page 53: Langue et didactique

53

quelles sont les propriétés fondamentales de toutes les

langages de l’humanité.

Mais les interlangues ne sont d’aucune façon la forme du

comportement socialement institutionnalisé (sauf pour de

rares exceptions), par conséquent nous ne disposons pas

de noms généralisés pour ces « systèmes approximatifs ».

Cette situation de langue, qui paraît si évidente, a aussi les

caractéristiques suivantes:

1. Il y a des lieux communs dans la variabilité des usages

individuels de la langue.

2. Ils sont rarement utilisés pour une communication régu-

lière entre des personnes

3. Les systèmes sont instables.

Le concept a été suggéré dans les années 1960 quand dif-

férentes études ont prouvé que beaucoup d’erreurs systé-

matiques commises par les étudiants d’une seconde langue

n’étaient pas dues aux interférences de leur langue mater-

nelle car ils créaient des structures n’existant pas dans leur

langue maternelle.

3.

Le traitement des erreurs.

Les habitudes linguistiques se corrigent mieux pendant la

jeunesse que pendant l'âge adulte. L'intérêt, et surtout, la

pratique, finissent par éliminer les interférences syn-

taxiques et morphologiques, puis lexicales et, finalement,

phoniques. Une analyse linguistique de ces situations, et

un résumé des phénomènes, entraîne des commentaires

Page 54: Langue et didactique

54

bien différents selon qu'il s'agisse d'interférences phonolo-

giques, lexicales ou morphosyntaxiques.

En conséquence, dans un procédé d'apprentissage de cette

nature, les erreurs commises par l'élève ne peuvent être

considérées comme des fautes mais plutôt comme l'évi-

dence qu'il existe une compréhension dynamique et une

connaissance progressive du nouveau système de commu-

nication.

Dans les premiers temps de l'apprentissage il existe par-

fois des périodes de silence durant lesquelles l'élève ne

progresse absolument pas. Cependant, ce silence ne peut

être considéré comme une absence d'apprentissage; il

cache même parfois une activité intense non remarquée

sur le moment, et qui lui permettra, plus tard, une expres-

sion qui reflète la représentation interne élaborée par le

nouveau système linguistique durant ces périodes de si-

lence. Aujourd'hui on admet généralement que le procédé

d'apprentissage d'une langue étrangère a lieu d'une ma-

nière personnelle et différente pour chaque individu. Ceci

est dû à ce que l'on utilise toujours d'une manière particu-

lière les stratégies qui permettent de recevoir et de trans-

former les informations destinées à l'élève. Après ces con-

sidérations générales, il convient de souligner les points

suivants:

1) Le type de langue auquel l'élève s'expose.

2) L'influence bénéfique d'une ambiance de classe déten-

due qui soulage l'anxiété et la pression que ressentent par-

fois les élèves face à une question prématurée.

3) Disposer d'occasions pour prendre contact avec la

langue étrangère de manière réelle -le contact avec des

amis, des moyens de communication, etc.- qui augmentent

la motivation et qui favorisent un apprentissage fonction-

nel.

Page 55: Langue et didactique

55

3.1.

Interaction phonologique

3.1.1.

Les voyelles

L'espagnol distingue cinq phonèmes vocaliques, et le

français environ quinze ou seize, selon les locuteurs,

parmi lesquels huit voyelles orales simples et quatre appe-

lées orales composées, qui sont centrales et labialisées.

Bien qu'il soit difficile d'établir des correspondances, nous

pourrions dire que l'espagnol qui apprend le français aurait

à distinguer au moins douze sons, si nous remarquons

que quelques réalisations de l'espagnol peuvent aussi être

nasalisées, au lieu des cinq sons des habitudes phoniques

espagnoles.

L'espagnol monolingue aurait à distinguer un /a/ palatal ou

antérieur (année), d'un /α/ vélaire (repas), qui ne s'adapte

pas à ses habitudes phoniques et qu'il identifie difficile-

ment.

Quant au /e/ les difficultés sont encore plus grandes. Pour

la perspective phonique espagnole le son doit se dédoubler

en sept variétés: deux antérieures simples, / ε / ouvert

(père) et /e./ fermé (blé) qui se distinguent par leur ouver-

ture, et deux autres correspondantes, centrales, qui se

trouvent à mi-chemin entre la zone palatale et la vélaire

/oe/ ouvert (neuf) et /oe./ fermé (peu), c'est-à-dire qui se

rapprochent de l'articulation du /o/ dans ses deux degrés

d'ouverture. Ajoutons à cela un / ẹ / neutre (petit), peu dif-

férencié en français courant, et deux autres variétés nasali-

sées, l'une ouverte /ε/ (pin) et l'autre centrale /oe/ (par-

fum).

Page 56: Langue et didactique

56

- Le /o/ espagnol possède deux correspondances en fran-

çais: ouvert /c/ (robe) et fermé /o/ (eau), plus une variété

nasale /õ/ (honte).

- Le /i/ (riz) et le /u/ (pour) français, sont, comme les sons

espagnols, deux palatal et vélaires fermés, mais avec une

voyelle complexe pour les habitudes phoniques espa-

gnoles: le /y/ (vu), à cheval entre les deux, et labialisé.

En résumé quant aux voyelles et pour ce qui concerne la

langue orale, les seules correspondances faciles à établir

seraient le /a/, le /i/ et le /u/; toutes les autres provoquent

des hésitations chez l'hispanophone et représentent une

simple correspondance chez le franco-parlant.

Les difficultés certaines pour l'étudiant espagnol sont au

moins au nombre de six: les voyelles /A/, /E/, /e/, /oe/, /o/,

/y/, et dans un sens plus ample quelques-unes encore si

nous comptons le /ẹ neutre et les nasalisations.

En sens inverse, c'est-à-dire la prononciation espagnole

pour un francophone, la difficulté est pratiquement

inexistante.

La relation phonème-lettre en espagnol est très simple.

L'orthographe espagnole reflète fidèlement les variétés

phonématiques, avec une seule exception: la graphie "y".

Les relations phonème-lettre en français sont indiscuta-

blement beaucoup plus complexes (voir thème 21).

Dans l'apprentissage de l'espagnol, le francophone cultivé

n'aura pas de grandes difficultés à refléter par écrit les

sons oraux. Le cas contraire pose des problèmes de plus

grande envergure, provoqués par l'orthographe française si

complexe et embrouillée.

3.1.2.

Les consonnes

Page 57: Langue et didactique

57

La coïncidence en nombre et en articulation entre les con-

sonnes occlusives françaises et espagnoles est totale. Leur

définition et leurs réalisations sont exactement les mêmes

dans la relation phonème / articulation.

Les différences les plus notables se trouvent dans le do-

maine des fricatives, que nous pouvons comparer dans le

tableau suivant:

labiode.

sour.

son

interde

sour.

son.

alvéolar

sour.

son

prépalat

sour.

son.

palatal.

sour.

son

vélaires

sour.

son

Espagnol f θ s j X

Français f v s z S Z

Les fricatives françaises sont formées de trois couples: la-

biodentales, alvéolaires et prépalatales. Il n'y a pas de

couples fricatifs dans l'espagnol actuel, bien qu'il y en ait

eu à l'époque médiévale.

Actuellement, la labiodentale sourde /f/ (faire / fin) et l'al-

véolaire /s/ (son / sabio), coïncident avec le français, alors

que les sons interdental /θ/ (cazar) et vélaire /X/ (pájaro)

sont des sons bien espagnols, et le son labiodental /v/

(vin), l'alvéolaire sonore, /z/ (chose) et les deux palatal /Z/

(jour) et /S/ (chambre) sont propres au français.

Le son de chambre est le même que le ch prononcé en

Andalousie dans muchacho.

Les phonèmes difficiles pour les étudiants français de l'es-

pagnol sont l'interdental / θ /, qui représente un véritable

problème pendant les années d'apprentissage, le vélaire

/X/, surtout lorsqu'il se trouve dans des articulations

proches du vibrant /r/, comme dans "jarra", et en moindre

mesure le palatal /j/ (mayor), si proche des prépalataux.

Page 58: Langue et didactique

58

Les hispanophones distinguent mal, ou ne parviennent pas

à distinguer, la labiodentale /v/, à l'exception de quelques

zones du domaine linguistique, et l'alvéolaire sonore /z/.

Une troisième difficulté surgit dans le domaine des prépa-

latales, non seulement quant à leur articulation mais aussi

pour leur distinction. En effet, l'absence de couples de

consonnes sourdes/sonores en espagnol rend difficile la

différenciation auditive. Le problème de l'hispanophone

n'est pas qu'il puisse ou non prononcer ces quatre sons,

mais qu'il lui est impossible de les distinguer à l'oreille.

L'espagnol dispose aussi d'une consonne affriquée, repré-

sentée par la lettre ch, qui n'est que fricative dans une part

du domaine linguistique.

Les consonnes nasales coïncident: /m/ bilabiale, sonore;

/n/ alvéolaire, sonore; /η/ palatale, sonore, bien que cette

dernière s’écrit en français gn.

Les consonnes liquides françaises sont: /l/ alvéolaire so-

nore et /R/ vélaire sonore; les espagnoles sont: /l/ alvéo-

laire sonore; /l./ palatale sonore; /r/ vibrante simple, alvéo-

laire sonore; /r/ vibrante multiple, alvéolaire, sonore.

La consonne alvéolaire sonore /l/ (lieux - líquido)

coïncide. Il n'existe pas en français ni dans la plupart du

domaine de l'espagnol, la consonne latérale palatale so-

nore /l/ (aquellos, llegaron). En Amérique hispanophone

et dans le sud de l'Espagne elle est remplacée par la frica-

tive /j/ /akéjos/ /jegáron/. Ce son n'offre pas de difficultés

sérieuses car pour les espagnols eux-mêmes il offre une

grande variété de réalisations.

La vibrante simple de l'espagnol /r/ (aurora) est alvéo-

laire, et non vélaire comme la française qui de plus n'est

pas vibrante: (retard, parier). A cela s'ajoute la vibrante

multiple /r/ (rato, rodilla, perro), peut-être la plus grande

difficulté pour les francophones qui apprennent l'espagnol

Page 59: Langue et didactique

59

à l'âge adulte, et le dernier échelon à vaincre, lorsqu'on y

parvient.

Les hispanophones, pour leur part, éprouvent aussi cer-

taines difficultés à prononcer le /R/ vélaire.

3.1.3.

Quelques conclusions

Les phonèmes qui coïncident dans les deux langues sont:

/a/, /i/, /u/, parmi les voyelles. Toutes les occlusives: /p/,

/b/, /t/, /d/, /k/, /g/, /f/ et /s/ parmi les fricatives, bien que la

palatale /j/ soit très proche. Toutes les nasales: /m/, /n/ et /

/. Une liquide, l'alvéolaire /l/. C'est-à-dire un total de 16

phonèmes. A peu près la moitié de ceux utilisés en fran-

çais, mais réellement peu pour pouvoir parler de coïnci-

dences. Identifier 50% des sons n'est pas un pourcentage

suffisant pour se sentir proche de l'autre langue.

L'usager de la langue française comme langue maternelle

qui n'apprendrait pas l'espagnol durant son enfance, trou-

verait les difficultés propres aux sons qui n'existent pas

dans sa langue et qui seraient les suivantes:

1. L'articulation de la fricative interdentale /θ/ pose cer-

tains problèmes, fréquemment réduits par la présence du

même phonème dans une langue aussi généralisée que

l'anglais.

2. La vibrante simple /r/ et la vibrante multiple /r/, qui en

réalité sont le même phénomène. Ces deux problèmes sont

les plus importants, bien qu'il y en ait d'autres, faciles à

résoudre, comme le palatal /l/ déjà conflictuel en espagnol

et l'affriquée /c/. Ce dernier possède une réalisation méri-

dionale très proche de la française /S/, c'est-à-dire sans

l'occlusion initiale, ce qui permet de résoudre plus facile-

ment le problème.

Page 60: Langue et didactique

60

Le cas contraire, c'est-à-dire celui de l'adaptation des habi-

tudes phoniques d'un espagnol à la langue française, trou-

vera des difficultés, principalement, dans la distinction des

voyelles et dans la différenciation du / s / sourd et du / z /

sonore, entre autres comme l’articulation du /R/ avec le

dos de la langue.

3.2.

L'intensité syllabique

L'accent est un élément suprasegmental fixe dans le mot,

et d'une grande importance pour sa compréhension. Un

grand nombre de mots espagnols possèdent un sens diffé-

rent selon l'accent: piso / pisó, compro / compró, cántara -

cantará...

Au moyen des règles d'usage de l'accent on peut distinguer

la fonction que remplissent certaines particules: más (adv.)

mas (conj.) dé (verbe) de (prép.) té (nom.) te (pron.)

Durant les transformations que les mots souffrent au long

de leur évolution du latin à l'espagnol, la syllabe accentuée

est généralement la moins affectée car c'est la plus identi-

fiée au mot. Tous les mots qui possèdent un sens propre

portent un accent; les mots atones, par contre, n'ont qu'un

sens accidentel ou grammatical: ce sont les prépositions et

les conjonctions, les pronoms et les déterminants, bien que

certains d'entre eux puissent porter un accent pour des mo-

tifs d'identification. Parfois, pour emphatiser ou détacher

le mot, l'usager peut accentuer les syllabes atones:

No iré con tú hermano.

En espagnol, l'accent peut occuper n'importe quelle posi-

tion syllabique: mot oxyton, paroxyton, proparoxyton ou

Page 61: Langue et didactique

61

super-paroxyton, comme en latin. En français, cependant,

tous les mots sont oxytons ou aiguës et les signes placés

sur les voyelles indiquent des degrés d'ouverture dans l'ar-

ticulation des voyelles.

Notre système actuel d'écriture permet de distinguer au

moyen de signes deux situations seulement: l'interrogative

et l'exclamative. Le reste doit être interprété selon le con-

texte. Mais la plupart de ces intonations demeurent sans

interprétation graphique. Il se trouve généralement que

l'écrivain connaît cette limitation et ne l'utilise pas, et il

indique la situation directement par les mots.

Ceci prouve une fois de plus la richesse de l'expression

orale face à l'écrite.

3.3.

Interaction du lexique.

Les motifs les plus fréquents sont, d'une part, l'intromis-

sion de mots d'articulation semblable ou proche, et

d'autre part l'usage de certains termes difficiles à tra-

duire ou d'objets de la vie de tous les jours fréquem-

ment utilisés et que l'on transporte directement à l'autre

langue. En comparant entre elles, du point de vue du vo-

cabulaire, des langues comme l'espagnol, le français, le

portugais et l'italien (et naturellement le galicien, le cata-

lan et le provençal) ainsi que l'anglais et même l'allemand

et d'autres langues germaniques, il est normal de découvrir

des similitudes entre un grand nombre de mots (surtout

techniques et savants) des différents systèmes lexicaux.

Parmi environ trente mille mots employés couramment

dans la langue écrite de chacune de ces langues, douze ou

treize mille à peu près (presque la moitié!) peuvent être

reconnus sans difficulté grâce à leur ressemblance et à leur

Page 62: Langue et didactique

62

parallélisme. Il s'agit cependant de mots courants, mais

moins fréquents. Nous pourrions les appeler bons amis,

vrais amis ou amis authentiques.

Mais dans quelques langues on trouve aussi - bien que na-

turellement et Dieu merci dans des proportions beaucoup

plus petites - le phénomène des faux amis, c'est-à-dire des

mots qui offrent une grande ressemblance dans deux

langues différentes mais aucune coïncidence quant à leur

signification. Si nous nous limitons au français et à l'espa-

gnol, nous pouvons signaler, par exemple, équipage fran-

çais, qui n'est pas equipaje (bagage), mais tripulación ou

dotación (dans un bateau ou un avion); constipado espa-

gnol, qui n'est pas constipé (estreñido), mais enrhumé; la

chatte française, qui n'est pas la chata (la camuse), mais

la gata; etc. Quelques mots, comme recette et essence, qui

peuvent parfois coïncider dans leur signification, (receta

et esencia, respectivement), possèdent dans d'autres cas

des sens très différents.

Ces faux amis se prêtent facilement à des équivoques fré-

quemment assez drôles et parfois même salées ou co-

miques. Par des exercices appropriés, le professeur se

chargera de ce que l'élève ne confonde pas ces mots et il

lui fera reconnaître leur sens exact. Un bon professeur les

fera remarquer pour éviter des confusions et les utilisera,

pour la pratique du vocabulaire, lorsqu'il s'agira de mots

d'usage fréquent. Par de nombreux exercices on renforcera

le sens exact de équipage, recette, (couramment, non pas

receta -ordonnance-, mais recaudación, cobro), succès

(non pas suceso - évènement - mais éxito), bizarre (non

pas bizarro – gaillard - mais extraño), sage-femme (non

pas sabidilla, repipi -bas-bleu-, mais comadrona), etc.

Page 63: Langue et didactique

63

Il y a quelques années, les journaux parlaient de Comités

de Salud Pública, traduisant de manière incorrecte Comi-

tés de Salut Public en confondant salut avec salud (santé),

au lieu de l'interpréter correctement par salvación. Ré-

pondre du tac au tac ne signifie pas non plus contestar a

un taco con otro taco, mais devolver la pelota.

On veillera particulièrement à utiliser avec tact les cas qui

se prêtent à des interprétations malintentionnées ou équi-

voques dont l'effet est immédiat.

Rappelons à ce propos le campo de deportes interprété

comme camp de déportés... Ainsi des jeunes filles fran-

çaises qui se sentaient à l'étroit dans l'appartement qu'elles

occupaient, allèrent trouver l'employé de l'agence immobi-

lière pour le charger de leur en trouver un autre plus

grand, lui expliquant qu'elles se sentaient embarazadas en

tan poco sitio en confondant embarrassées avec embara-

zadas (enceintes) de l'espagnol.

3.4.

Homonymes et homographes

Homonymes et homographes sont très abondants en fran-

çais. Voici seulement quatre ou cinq homonymes non ho-

mographes comme exemple:

* /fwa/ qui peut être: foi (substantif féminin: fe), fois

(substantif féminin: vez), foie (substantif masculin: híga-

do), ou Foix ( nom propre de ville et de comté);

* /so/ qui peut être seau (substantif masculin: balde, cu-

bo), sceau (substantif masculin sello), saut (substantif

masculin: salto) ou sot (adjectif tonto, necio);

Page 64: Langue et didactique

64

On trouve aussi des cas d'homonymes qui sont à la fois

homographes, comme ferme qui peut être substantif fémi-

nin (granja) ou du verbe fermer; ou charge

C'est le moment de rappeler un principe général de lin-

guistique qui tombe à point: en entendant ou en lisant

une phrase, il faut déchiffrer ou choisir en l'espace

d'un éclair le sens exact qui convient à chacun des

mots qui la compose.

Lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il souffre d'une crise de

/fwa/ on pourrait penser à une crisis de fe (foi) ou à une

crisis de hígado (foie). Considérons les différentes valeurs

sémantiques de ce même homonyme /fwa/, dans le dicton

populaire:

Il était une fois un marchand de foie qui me dit: Ma foi ce

n'est pas la première fois que je vends du foie dans la ville

de Foix et la rue du comte de Foix.

Pensons aussi aux différentes valeurs sémantiques de

(kœr) dans un enfant de chœur (non de coeur) d'un côté et

savoir par coeur ou réciter par coeur d'un autre. Et non

seulement la valeur sémantique, mais aussi la valeur

grammaticale de ferme / / et de charge / / dans les phrases

et expressions suivantes: je ferme la porte, nous avons vi-

sité la ferme; il charge le camion, la charge du camion, il

est à ma charge, une charge de notaire, avoir la charge de

vendre un camion.

Dans une phrase ou une expression déterminée le mot ac-

quiert et doit avoir un sens et une valeur grammaticale

précis et concrets. Voici, d'autre part, quelques incorrec-

tions propres aux usagers du français qui apprennent l'es-

pagnol: empilar (pour apilar), frigider (pour frigorífico),

cofre (pour maletero), gendarme (pour guardia) ou vitrina

(pour escaparate) et, à table, plato famoso (pour plato ex-

quisito).

Page 65: Langue et didactique

65

Le phénomène de transposition est provoqué par la facili-

té d'adaptation phonique du terme français transposé di-

rectement à l'espagnol. Entendant que ses camarades de-

mandaient au restaurant quelques bouteilles d'un bon vin

espagnol, un étudiant, près de ses économies et préoccupé

par leur pertes, déclara au garçon, d'un ton sérieux, qu'il

prendrait seulement de l'eau du robinato.

3.5.

Interaction morphosyntaxique

Les langues sont des instruments naturels de communica-

tion. L'utilisation de cet instrument s'acquiert pendant l'en-

fance d'une façon aussi naturelle que les mouvements du

corps quand l'enfant commence à marcher. L'apprentis-

sage est mimétique, les habitudes linguistiques sont celles

de la communauté environnante, avec les mêmes caracté-

ristiques phoniques, lexicales et syntaxiques, le talent per-

sonnel ou les aptitudes intellectuelles de l'individu n'y

étant pour rien. La culture et la formation peuvent néan-

moins améliorer et enrichir les habitudes linguistiques. En

utilisant un langage soigné, les habitants qui vivent dans

une communauté bilingue réussissent à s'exprimer avec un

nombre très limité d'erreurs. Mais dans le langage quoti-

dien et familier, qui nécessite des expressions rapides, des

interventions vivantes, des phrases spirituelles, c'est-à-dire

qui font appel à l'usage pratique et naturel du langage de

tous les jours, les interférences sont fréquentes et les simi-

litudes sonores sont introduites avec facilité dans l'expres-

sion de l'autre langue.

Une structure est ce qu'il y a de plus tenace et de plus ré-

sistant dans la langue maternelle, et donc ce qu'il y a de

plus difficile à acquérir dans une langue étrangère. Une

Page 66: Langue et didactique

66

phrase française comme il a toujours aimé le travail équi-

vaut à l'espagnol siempre le ha gustado el trabajo.

Le français place l'adverbe entre le verbe auxiliaire et le

participe; l'espagnol, par contre, hésite à détruire l'unité

verbale. En comparant j'aime le beurre à me gusta la man-

tequilla, nous observons qu'en espagnol mantequilla est

sujet; en français le sujet est je, alors qu'en espagnol ce

pronom est complément indirect.

Les exemples pourraient être nombreux mais nous n'insis-

terons pas; En voici seulement quelques-uns: voilà des

livres bon marché et aquí tiene usted unos libros baratos;

je mange du chocolat et como chocolate; qu'avez-vous dit

et ¿qué ha dicho usted.?....

Très fréquemment, la structure de la construction française

ne coïncide pas avec l'espagnole. Comparons l'espagnol lo

voy a comer avec le français correspondant je vais le man-

ger. La structure de cette phrase est très différente dans

l'une et l'autre langue. Une construction comme je le vais

(à) manger serait aussi absurde qu'une expression (yo) voy

lo comer en espagnol.

La structure française je me suis trompé et il s'est trompé

est bien différente de celles qui correspondent en espagnol

me equivoqué ou me he equivocado et se equivocó ou se

ha equivocado, respectivement.

Il n'est donc pas suffisant de connaître le vocabulaire et

quelques règles de grammaire. Plus que des règles, ce sont

des structures grammaticales. Et il faudrait ajouter: il ne

suffit pas de connaître les structures grammaticales; il

faut les dominer de sorte qu'elles soient saisies en l'es-

pace d'un éclair et qu'elles surgissent spontanément

dès qu'on doit les utiliser. En entendant ou en lisant en

français il est mort on doit traduire spontanément murió,

se murió, se ha muerto, ha muerto, ou está muerto, selon

ce qui convient.

Page 67: Langue et didactique

67

L'un des principes sur lequel il convient le plus d'insister

est celui de l'acquisition de bons réflexes linguistiques.

Pour cela il faut être capable d'utiliser les formes structu-

rales, qui ne s'acquièrent que lorsqu'on dispose de ce que

l'on pourrait appeler le réflexe des structures. Vocabulaire

et notions ou schémas grammaticaux seront lettre morte si

on ne les utilise pas au point d'arriver à l'automatisme, à

penser dans la langue que l'on désire acquérir. C'est d'une

certaine manière un lavage de cerveau grâce auquel on ar-

rive à obtenir l'automatisme ou les réflexes linguistiques.

Ce lavage de cerveau s'obtient grâce à la préparation

grammaticale et aux exercices de préparation, de sorte que

dans les textes les difficultés disparaissent et les mots et

les constructions surgissent spontanément.

On parvient ainsi à dire de manière spontanée il le lui

donne pour exprimer se lo da; nous venons d'entrer pour

acabamos de entrar; il était en train de lire un livre pour

estaba leyendo un libro; demain matin pour mañana por

la mañana, etc.

Plus que des règles grammaticales, il convient d'ensei-

gner des constructions et des structures qui, à force de

se répéter, créent de manière automatique chez l'élève une

conscience grammaticale de la langue qu'il étudie. L'utili-

sation répétée de phrases comme il chante des chansons, il

chante de jolies chansons, il chante beaucoup de chan-

sons, il ne chante pas de chansons, etc. créera chez l'élève

l'habitude de l'utilisation correcte de des ou de selon les

cas, bien que l'erreur de des pour de devant un adjectif ou

après une négation ou un adverbe de quantité comme

beaucoup ne soit pas si grave que certains le prétendent.

A force de répéter Madrid, le 5 novembre 19.., Paris, le 8

novembre 19.., etc., L'élève apprendra à employer l'article

devant la date et à ne pas placer la préposition de entre le

jour et le mois ni entre le mois et l'année.

Page 68: Langue et didactique

68

On pourrait aussi remarquer la négation ne...pas qui en-

cadre le verbe conjugué; l'expression de simultanéité être

en train de chanter (estar cantando); le passé récent je

viens de voir (acabo de ver), etc.

On pourrait multiplier les exemples des différentes struc-

tures et des différentes constructions dans les deux

langues: je n'aime que toi (sólo te quiero a ti); qu'il fait

beau! (¡qué buen tiempo hace!), c'est à toi que je dois tout

(a ti es a quien todo lo debo), étudier la nuit (estudiar de

noche), etc.

3.6.

L'ordre des mots

L'ordre des mots en français moderne n'est pas formel

ni capricieux. S'il est modifié, le sens de la phrase peut

être complètement différent. Ce qui caractérise la phrase

française du point de vue de la place des mots est l'ordre

que nous pouvons appeler rectiligne. Dans l'exemple de

Petrus osculat Paulam, en latin et en espagnol il existe six

constructions différentes (proposés par Cantera):

Petrus osculat Paulam - Pedro besa a Conchita

Petrus Paulam osculat - Pedro a Conchita besa

Osculat Petrus Paulam - besa Pedro a Conchita

Osculat Paulam Petrus - besa a Conchita Pedro

Paulam osculat Petrus - a Conchita besa Pedro

Paulam Petrus osculat - a Conchita Pedro besa

Les six phrases disent essentiellement la même chose,

avec des nuances stylistiques et expressives très riches. En

français, par contre, si l'on n'emploie que ces trois mots

sans avoir recours à des constructions comme c'est...

Page 69: Langue et didactique

69

que..., On ne peut dire que Jean embrasse Françoise d'un

côté et que Françoise Embrasse Jean de l'autre. Mais - et

ceci c'est l'important - les deux phrases ne signifient pas la

même chose: dans le premier cas, c'est Jean qui donne le

baiser et Françoise qui le reçoit; dans le second, par

contre, c'est Françoise qui le donne et Jean qui le reçoit.

Entre autres raisons, la déclinaison latine et la préposition

a espagnole (qui dans des cas comme celui-ci constitue,

bien que nous ne nous en rendions pas compte, un authen-

tique trésor, un vrai bijou de l'espagnol) permettent ces

jeux qui sont souvent la clef pour mettre en évidence cer-

taines fois et interpréter d'autres fois de très riches nuances

d'expressivité.

Il faut encore rappeler qu'en français moderne l'unité

n'est pas le mot mais la phrase ou, plus exactement, le

groupe rythmique, et qu'en français le seul rythme est

l'oxyton. Ces considérations sont d'une très grande impor-

tance pour toute méthode de l'enseignement du français;

mais envisagées pour une méthode structuro-globale, elles

acquièrent une importance vitale.

Page 70: Langue et didactique

70

Aide mémoire

1. Théories générales sur l’apprentissage et

l’acquisition d’une langue étrangère.

- La communication est la fonction première du langage.

- Le progrès apparaît aussi comme résultat de mécanismes

inconscients activés et impliqués dans une situation de

communication.

- acquisition et apprentissage

1.1. L’imitation : Les enfants apprennent à parler en co-

piant les émissions qu’ils entendent autour d’eux et en for-

tifiant leurs réponses avec les répétitions, corrections et

d’autres réactions des adultes

a) Manière dont les enfants utilisent les formes grammati-

cales irrégulières.

b) Idée que les enfants paraissent incapables d’imiter avec

exactitude les constructions grammaticales des adultes,

même quand ils peuvent le faire.

1.2. L’innéisme : les enfants devaient naître avec une ca-

pacité innée pour développer le langage

- L’enfant a appris un ensemble de généralisations et de

règles qui régissent le mode de formations des phrases.

- ¿Comment expliquer la grande vitesse à laquelle les en-

fants apprennent à parler ?

1.3. Processus cognitifs

- L’acquisition du langage devait être conçue dans le con-

texte du développement intellectuel de l’enfant.

- Capacité conceptuelle

- Intelligence «sensorio-motrice »

1.4. Le langage que les enfants écoutent.

a) Les émissions se simplifient de manière considérable,

spécialement en grammaire et en sens.

Page 71: Langue et didactique

71

b) Les phrases sont agrandies et paraphrasées et même ré-

pétées plusieurs fois. La vitesse du langage est beaucoup

plus lente qu’avec d’autres adultes.

c) Éléments affectifs ou expressifs. Les diminutifs et ré-

duplications sont habituels.

Les mères passent aussi beaucoup de temps à attendre de

leurs enfants des réponses, spécialement les trois pre-

mières années.

1.5. Apprentissage simultané de deux langues.

- Non seulement l’enfant imite les sons correspondants

aux deux systèmes phonétiques, mais il tend à les mainte-

nir clairement séparés.

- Le fait qu’à un jeune âge les mots possèdent pour

l’enfant un sens vague nous permet de conclure que pour

lui il n’existe pas deux systèmes mais un seul.

- Ces différentes connotations des mots, qui sont souvent

de caractère affectif, l’accompagneront toute sa vie et con-

tribueront à distinguer un système linguistique d’un autre.

- Il en est de même avec l’apprentissage des règles mor-

phosyntaxiques.

- La capacité de maintenir séparés les deux registres, ainsi

que celle de passer de l’un à l’autre rapidement et totale-

ment, est ce qui caractérise le bilingue.

- Les apprentissages des deux langues sont parallèles et

équivalents. Mais en réalité, il ne le sont jamais complè-

tement, car l’enfant n’a jamais le même contexte

d’apprentissage.

1.6. Apprentissage spontané d’une seconde langue vi-

vante.

- Déduire des règles qui permettront de construire et

d’émettre des phrases originales.

- Le vrai apprentissage linguistique a lieu quand l’enfant

commence à acquérir des sens généraux, applicables à dif-

férentes situations.

Page 72: Langue et didactique

72

- Le petit enfant est capable d’apprendre des formes

d’expression propres de la seconde langue sans avoir be-

soin de les traduire dans sa langue maternelle.

1.7. Apprentissage systématique d’une seconde langue

vivante.

- Un adulte qui veut apprendre une seconde langue aura

besoin d’une méthode d’apprentissage systématique pour

y arriver.

- Dans l’apprentissage systématique il faut décider

d’abord quel genre de langue on prendra comme objectif

et quelle importance on donnera aux différentes modalités.

- L’apprentissage systématique d’une seconde langue se

caractérise par:

- Le fait de s’appuyer sur des connaissances préa-

lables et sur les besoins immédiats de communica-

tion.

- L’intérêt du sujet.

- L’apprentissage postérieur d’une seconde langue,

tant spontané que systématique, s’appuie sur la con-

naissance préalable de la première langue

- Dans des circonstances très favorables, au moyen

de l’apprentissage systématique on peut aussi accé-

der à un véritable bilinguisme.

2. Le concept d’interlangue

- Un système intermédiaire.

- L’étude de l’interlangue est l’étude du système de lan-

gage de l’étudiant.

- Situation intermédiaire avec un certain degré de variabi-

lité tant entre les débutants qu’entre les initiés.

3. Le traitement de l’erreur.

3.1. Interaction phonologique

Page 73: Langue et didactique

73

3.1.1. Les voyelles : Environ quinze ou seize. Au

moins douze sons. Dans la prononciation espagnole pour

un francophone, la difficulté est pratiquement inexistante.

3.1.2. Les consonnes : occlusives, fricatives, prépa-

latales, affriquées, nasales, liquides.

3.1.3. Quelques conclusions

3.2. L'intensité syllabique : en français, tous les mots

sont oxytons.

3.3. Interaction du lexique : L'intromission de mots d'ar-

ticulation semblable ou proche ; L'usage de certains

termes difficiles à traduire ou d'objets de la vie de tous les

jours fréquemment utilisés.

3.4. Homonymes et homographes : en entendant ou en

lisant une phrase, il faut déchiffrer ou choisir en l'espace

d'un éclair le sens exact qui convient à chacun des mots

qui la compose.

3.5. Interaction morphosyntaxique : Il ne suffit pas de

connaître les structures grammaticales; il faut les dominer

de sorte qu'elles soient saisies en l'espace d'un éclair et

qu'elles surgissent spontanément dès qu'on doit les utiliser.

L'acquisition de bons réflexes linguistiques. Plus que des

règles grammaticales, il convient d'enseigner des construc-

tions et des structures.

3.6. L'ordre des mots

- L'ordre des mots en français moderne n'est pas formel ni

capricieux.

- En français moderne l'unité n'est pas le mot mais la

phrase ou, plus exactement, le groupe rythmique.

Page 74: Langue et didactique

74

Bibliographie

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UNESCO, Bilingualism in Education, Londres, 1965.

Page 76: Langue et didactique

76

3

Sommaire

Introduction

1. Théories linguistiques actuelles : leurs apports aux con-

naissances de la communication

1.1. Les précurseurs

1.2. Les grandes théories et les théoriciens du XXè

siècle.

1.3. À la recherche d’une définition du langage

2. Ferdinand de Saussure

2.1. Diachronie et synchronie

2.2. Langue et parole

2.3. Signifiant et signifié

2.4.Axe syntagmatique et axe paradigmatique

3. L'école de Prague

3.1. Combinaison de structuralisme et fonctionna-

lisme

3.2. Les contributions phonologiques

3.3. Les contributions récentes

4. La grammaire transformationnelle-générative

4.1. La grammaire de Harris

4.2. La grammaire de Chomsky

5. Tagmémique

Page 77: Langue et didactique

77

6. La grammaire stratificationelle

7. Vers d’autres domaines

Aide mémoire

Bibliographie

Introduction

Depuis la moitié du XXè siècle nous assistons à une

véritable explosion scientifique de la linguistique. Disci-

pline noble certes, auparavant, mais que rien ne distinguait

dans la masse des autres sciences humaines ou sociales.

Elle pesait moins sur la culture que d’autres sciences

jeunes ou moins jeunes telles que la psychologie, la socio-

logie ou l’histoire, chez lesquelles elle essayait de trouver

des modèles explicatifs pour les faits qu’elle étudiait. Sur

le plan universitaire, même outre-Atlantique, elle ne dis-

posait que d’un petit nombre de chaires –ce qui est un ins-

trument de mesure significatif –, moins que l’ethnologie

par exemple.

Ce n’est en fait qu’à partir de la fin du XVIII siècle

qu’on a vraiment considéré que l’« évolution » des

langues ne doit rien à une volonté consciente mais procède

d’une nécessité qui respecte leur organisation interne. Cor-

rélativement, une différence ne signifie un réel change-

ment que si elle marque une certaine régularité à

l’intérieur de la langue. Au XIX siècle, ces principes ont

permis à la linguistique historique de se constituer, à partir

des travaux de F. Bopp, A. Schleicher ou J. L. C. Grimm.

Page 78: Langue et didactique

78

Cependant, la linguistique telle que Saussure devait la re-

formuler allait complètement abandonner l’idée, chère à

ces théoriciens, d’un déclin des langues sous l’action des

lois phonétiques liées à la communication.

À partir de 1940, en Amérique, et de 1950 ailleurs,

les linguistes vont naître par milliers y les chaires de lin-

guistique aussi, c’est-à-dire à peu près dans chaque uni-

versité. La linguistique, pour la première fois dans les

sciences humaines, est arrivée à un statut scientifique à

peu près cohérent du point de vue épistémologique: elle

trouve des critères valides pour définir son objet (qu’est-ce

qu’une langue, par rapport à tout ce qui n’en est pas une ?)

et les limites de son domaine. Elle met au point des con-

cepts (synchronie et diachronie, signe, système, structure,

fonction, puis phonème) qui s’articulent selon des prin-

cipes rigoureux. Ces concepts lui fournissent des mé-

thodes efficaces pour donner une description organique

valide et complète du fonctionnement d’une langue, au

lieu de la poussière d’observations juxtaposées et

d’explications conjecturales qui avaient été longtemps le

lot des périodes précédentes qu’on appelle aujourd’hui

celles de la linguistique atomisée.

Par une conjoncture étonnante, d’autres sciences

humaines, en premier lieu l’ethnologie et l’anthropologie,

s’aperçoivent de cette mutation brusque et empruntent à la

linguistique son appareil conceptuel et méthodologique.

On conclut avec un résumé des principales branches

de la linguistique et des différents points de contact de

cette matière avec d’autres champs académiques.

Page 79: Langue et didactique

79

1.

Théories linguistiques actuelles : leurs apports aux

connaissances de la communication.

Le tournant du XXe siècle est marqué par une nouvelle

approche scientifique des faits de langage, celle que re-

couvre le terme de linguistique générale. Non pas que des

époques antérieures aient ignoré l’ambition de formuler

une théorie complète du phénomène linguistique: en un

certain sens, tout ce qu’on a nommé « philosophie du lan-

gage », au moins depuis Platon, manifeste une telle ambi-

tion, mais on n’insistera jamais assez sur le fait que toutes

ces tentatives des philosophes étaient et restent encore au-

jourd’hui démunies de connaissances objectives et systé-

matiques sur la réalité des faits de langue.

1.1.

Les précurseurs

Le premier à signaler que le langage n’est pas un fait bio-

logique relevant des sciences naturelles, mais un fait so-

cial; que le langage n’est pas d’abord une faculté de

l’esprit mais le produit d’une institution d’invention

humaine et que pourtant le langage est né de et dans la

communication, dont il est l’instrument au sens propre, a

été l’américain W. D. Whitney (1827-1894). Whitney a

signalé ensuite que le langage est fait de signes, que ces

signes sont arbitraires et qu’ils s’organisent en structures

et forment un système. Il a inspire Saussure, le père de la

linguistique moderne.

Le Suisse Anton Marty (1847-1914), qui enseigne à

Prague pendant trente-trois ans, établit les différences

entre ce que Saussure va nommer approche synchro-

Page 80: Langue et didactique

80

nique et approche diachronique; et le danois Otto Jes-

persen (1860-1943) dans son grand traité (Langage,

1922) laisse ouvertes les portes de la réflexion.

1.2.

Les grandes théories et les théoriciens du XXè siècle.

L’importance et le rôle de Ferdinand de Saussure (1857-

1913) dans le renouvellement des études linguistiques

sont bien connus. Ses apports: la distinction entre sémio-

logie et linguistique, entre synchronie et diachronie, le

concept de « système » rendu vraiment opératoire, la théo-

rie du signe, la théorie de la langue opposée à la parole,

tout cela peut bien être discuté, remanié, affiné, ou quel-

quefois embrouillé par ses successeurs, cela reste le point

de départ d’une révolution radicale, sur la lancée de la-

quelle nous vivons encore.

Edward Sapir (1884-1939), américain d’origine alle-

mande et continuateur d’une tradition spécifiquement

américaine. Une attitude descriptiviste, et non compara-

tiste, conduit Sapir à une présentation du langage typi-

quement whitneyenne à sa base, qu’il développe par une

aperception claire des fonctions du langage (cognitive,

émotive, volitive, esthétique) et par une distinction non

moins nette entre forme linguistique et fonction linguis-

tique, celle-là primant encore sur celle-ci cependant.

Après Saussure, l’impulsion décisive pour la création du

courant structuraliste en linguistique provient des tra-

vaux de N. S. Troubetzkoy (1890-1938), présentés

d’abord sous forme de thèses collectives avec la collabora-

tion active de R. Jakobson, et de divers linguistes

Page 81: Langue et didactique

81

tchèques formant l’école de Prague. Sa contribution théo-

rique fondamentale est la définition du phonème non pas

comme une réalité physique (l’ensemble des caractéris-

tiques d’un son) ou psychologique (le «sentiment linguis-

tique» de l’usager), mais « avant tout comme un concept

fonctionnel », c’est-à-dire l’ensemble des traits pertinents,

et de ceux-là seuls, qui caractérisent un son d’une langue

donnée comme signal minimal distinctif en ce sens qu’il

s’oppose par ces traits à l’ensemble des autres signaux

minimaux distinctifs (ou phonèmes) de cette langue. Il en

découlait la création de la phonologie, définie comme une

« phonétique fonctionnelle et structurale ».

Léonard Bloomfield (1887-1949), américaniste et sans-

kritiste, donne en 1933 un grand traité de linguistique gé-

nérale fondé tout entier sur la psychologie behavioriste, et

donc centré uniquement sur les observables du langage

et des situations dans lesquelles il est utilisé. Il élimine

comme entaché de «mentalisme» tout recours à des no-

tions extérieures à la linguistique, comme esprit, cons-

cience, idée, concept, image mentale, etc. Il fonde sur ces

principes une phonémique qui, tout en divergeant de la

phonologie troubetzkoyenne par sa présentation, recouvre

à peu près la même analyse des mêmes faits. Sa syntaxe

structurale, un peu abstruse à force de néologismes, était à

sa date et reste aujourd’hui remarquable. Cette doctrine a

été portée à son extrême limite – décrire les unités linguis-

tiques d’un énoncé uniquement sur la base de leurs lois de

distribution – par Z. S. Harris (1951). C’est la linguistique

distributionnelle.

Le dernier grand théoricien de la première moitié du siècle

est Louis Hjelmslev (1899-1965), dont les Prolégomènes

à une théorie linguistique (éd. danoise, 1941) essaient de

Page 82: Langue et didactique

82

formuler les règles algébriques d’une axiomatique linguis-

tique: c’est la glossématique. Il s’agit là, en fait, de la dé-

finition des principes épistémologiques d’une science lin-

guistique et de l’élaboration d’un corps de cent six défini-

tions rigoureuses. La théorie n’a jamais dépassé jus-

qu’ici le stade des prolégomènes, elle n’a jamais fourni

aucune description propre à en tester la validité, et elle

risque, contrairement à l’intention de Hjelmslev pour qui

elle formait un tout, de fournir des fragments de notions

ou des éléments terminologiques superficiellement em-

pruntés. Son plus grand mérite est d’avoir indiqué la

forme ultime des objectifs que doit se fixer une science

linguistique.

Dans la seconde moitié du XXè siècle, rappelons le nom

de trois grands théoriciens: Roman Jakobson, André

Martinet, Noam Chomsky.

Jakobson (1896-1982) est sans doute le plus difficile à

caractériser. De 1920 à 1938 il collabora très étroitement

avec Troubetzkoy pour l’élaboration et surtout la diffu-

sion des thèses de l’école de Prague. Il faudra sans doute

attendre la publication intégrale de leur correspondance

pour démêler la part de chacun dans cette grande aventure

scientifique. Après la mort de Troubetzkoy, l’œuvre de

Jakobson se poursuit en Suède, puis aux États-Unis. Ce

qui frappe dès aujourd’hui, c’est la richesse foisonnante

des curiosités, le brio des hypothèses, l’activité de pion-

nier, d’entraîneur d’esprits. Mais un peu comme celle de

Benveniste en linguistique générale, l’œuvre de Jakobson

se développe par larges fragments, sans constituer jamais

un corps de théorie homogène – sauf pour ce qu’on a

nommé le binarisme universel de l’auteur –, ni se rassem-

bler en un exposé systématique comparable à celui de

Page 83: Langue et didactique

83

Saussure, Sapir, Bloomfield, Troubetzkoy ou Hjelmslev.

Cependant, à un moment ou l’autre, il a influencé ou sti-

mulé tout le monde.

Martinet, né en 1908, représente sans doute la continua-

tion la plus rigoureusement scientifique, et la généralisa-

tion à tout le domaine linguistique, des principes et des

méthodes de Troubetzkoy, au-delà de l’héritage saussu-

rien. Réaliste avant tout, il ne cherche à imposer à

l’analyse des faits linguistiques aucun modèle théorique

venu du dehors. Son principe central d’analyse est le con-

cept de fonction comme critère de détection de ce qui

est pertinent dans la communication linguistique. Sur

cette base, il est devenu l’un des plus remarquables (avec

ceux de l’école américaine de Sapir et Bloomfield), sinon

le plus remarquable des phonologues et des formateurs

vivants de phonologues. Bien qu’on tende quelquefois à

vouloir l’enfermer dans la phonologie, il faut souligner

qu’il est le seul des grands linguistes actuels à avoir réalisé

la soudure entre une linguistique synchronique triom-

phante et une linguistique diachronique structurale un

peu négligée (Économie des changements phonétiques,

1955). Sa théorie syntaxique est une des rares qui s’offrent

à l’heure actuelle pour décrire et analyser le fonctionne-

ment réel des énoncés avant de les formaliser. Sa théorie

typologique prolonge, développe et corrige la plus riche

de la génération passée, celle de Sapir.

Chomsky, né en 1928, représente incontestablement la

plus remarquable, la plus ambitieuse et la plus complète

des tentatives théoriques actuelles en linguistique géné-

rale. Sa pensée a connu une diffusion rapide et peut-être

inquiétante; elle est bien connue, quoique difficile à cer-

ner. De l’avis inlassablement répété de son auteur, c’est un

Page 84: Langue et didactique

84

corps d’hypothèses logico-mathématiques en cours de re-

maniement constant plus qu’une théorie définitivement

constituée. Le noyau central en est l’idée qu’on pourrait

décrire la genèse cérébrale, l’apprentissage et le fonction-

nement du langage à partir du postulat selon lequel les

énoncés linguistiques sont engendrés sur la base d’un

petit nombre de modèles abstraits innés de phrases (les

phrases noyaux), dont chaque locuteur en chaque

langue peut tirer une infinité de phrases correctes au

moyen de règles de transformation (par effacement, par

addition, par substitution, par permutation et par enchâs-

sement). Cette thèse est à la fois très populaire et très dis-

cutée actuellement.

Depuis 1972, si la situation de Chomsky a très sensible-

ment changé, c’est dans le sens d’un éclatement de ten-

dances et d’un éparpillement des personnalités. Sur le plan

théorique le plus élevé, outre le reproche d’ethnocentrisme

anglo-saxon –réellement mérité malgré des essais

d’extension à d’autres langues –, Chomsky a dû renoncer

à regret à sa coupure radicale entre syntaxe et sémantique,

ce qui détruit la solidité du concept de structure profonde.

Si on considère au départ Ferdinand de Saussure comme

le créateur de la linguistique moderne, nous trouverons

après lui, parmi les plus importantes écoles de linguistique

structurelle européenne du XXè siècle, l'école de Prague,

représentée par Nikolay Sergeyevich Trubetskoy et Jakob-

son Romain, les deux émigrés Russes. L’école de Copen-

hague (ou glossematic) a distingué aussi Louis Hjelmslev.

John Rupert Firth et ses partisans, quelquefois connus

sous le nom de l'école de Londres, étaient moins partisans

de Saussure dans leur approche, mais, dans un sens géné-

Page 85: Langue et didactique

85

ral du terme, leur approche peut aussi être décrite conve-

nablement comme linguistique structurelle.

Le structuralisme américain et européen a partagé plu-

sieurs traits. Les linguistes européens et américains ont

eu tendance à accentuer, sinon exagérer, l'originalité

structurelle de langues individuelles. Il y avait particu-

lièrement de bonnes raisons de prendre ce point de vue

étant donné les conditions dans lesquelles la linguistique

américaine s’est développée dès la fin du XIXè siècle. Il y

avait des centaines de langues indiennes américaines indi-

gènes qui n’avaient jamais été décrites précédemment.

Beaucoup de celles-ci n’étaient parlées que par une poi-

gnée de gens et, si elles n'avaient pas été enregistrées

avant qu'elles aient disparu, elles seraient inconnues ac-

tuellement. Dans ces circonstances, des linguistes tels que

Franz Boas se sont occupés de la construction d'une

théorie générale de la structure de la langue humaine

et de ses principes méthodologiques pour l'analyse des

langues en familles.

Après Boas, les deux linguistes américains les plus in-

fluents étaient Edward Sapir et Leonard Bloomfield. Boas

et Sapir étaient tous les deux attirés par le point de vue de

Humbold du rapport entre langue et pensée, mais c'est un

des élèves de Sapir, Benjamin Lee Whorf, qui l’a présenté

sous une forme suffisamment provocatrice pour attirer l'at-

tention. Depuis la nouvelle publication des papiers plus

importants de Whorf en 1956, la thèse selon laquelle la

langue détermine la perception et la pensée est connue

comme l'hypothèse de Whorf.

1.3.

Page 86: Langue et didactique

86

À la recherche d’une définition du langage

Le concept de langage correspond à une expérience et à

une activité si fondamentales et si concrètes, et que chacun

fait pour son propre compte à chaque instant de façon si

spontanée, qu’il semble à la plupart des gens pouvoir se

passer de toute autre définition que celle qui fait référence

à cette activité même. Le langage, dit un locuteur, c’est

ce que je fais en ce moment, quand je vous parle et que

vous me répondez.

C’est probablement cette intuition si directe et cette in-

trospection trop inévitable qui peuvent expliquer le fait

que les hommes aient si tardivement commencé à regarder

le fonctionnement de leur langage de façon réellement

scientifique, c’est-à-dire, comme écrivait déjà Bloomfield

en 1933, avec l’absence totale de présupposés de toute es-

pèce d’un martien débarquant sur la Terre et cherchant à

déterminer la cause des bruits que les Terrestres produi-

sent au moyen de leur orifice buccal. Pendant plus de deux

millénaires, les hommes ont eu des idées sur le langage,

mais à peine quelques bribes disparates, inorganiques et

lacunaires d’une science du langage.

L’importance d’une définition précise, c’est-à-dire effi-

cace, du langage a toujours été grande, à n’importe quel

moment de la réflexion que les hommes ont conduite sur

ce sujet dans le passé. Mais on peut croire qu’elle est capi-

tale aujourd’hui dans le domaine des sciences humaines,

étant donné, si l’on peut dire, la responsabilité épistémo-

logique assumée sur ce point par la linguistique, un peu à

son corps défendant, d’ailleurs. Alors que toutes les

sciences qui constituent l’anthropologie se ruent vers la

linguistique comme vers une science pilote (le mot est de

Claude Lévi-Strauss en 1945), il devient absolument né-

cessaire d’être rigoureux dans la délimitation et la descrip-

Page 87: Langue et didactique

87

tion du concept de langage. Sinon, le risque est grand

d’appliquer des principes et des méthodes qui semblent

avoir fait leurs preuves dans l’analyse du langage à des

objets qu’on appelle traditionnellement, ou néologique-

ment, des « langages » (le cinéma, le théâtre, le mime et

tous les spectacles; la littérature elle-même; l’inconscient;

la mode, la cuisine, les mythes; tous les arts plastiques,

etc.), sans s’être assuré d’abord que ces principes et ces

méthodes sont applicables à ces objets; ou encore – et

c’est aussi ruineux méthodologiquement – sans avoir

cherché strictement dans quelle mesure et jusqu’à quel

point seulement ils leur sont applicables.

Les définitions du langage au début du XXe siècle sont

très différentes des précédentes, et presque toutes sem-

blables entre elles. Pour Saussure (1916), une langue,

c’est « un système de signes distincts, correspondant à

des idées distinctes ». Sapir (1921) parle d’abord du

langage comme d’un « moyen de communication », mais il ajoute aussitôt: « par l’intermédiaire d’un sys-

tème de symboles ». Pour le Vocabulaire technique et

critique de la philosophie de Lalande (1926), c’est, « au

sens le plus large, tout système de signes pouvant ser-

vir de moyen de communication ». Pour Jespersen (En-

cyclopædia britannica, 1932) c’est « n’importe quel

moyen de communication entre les êtres vivants ».

À la définition saussurienne ont n’a ajouté qu’une re-

touche, celle de Carnap qui définit une langue comme

« un système de signes avec les règles de leur emploi ».

En fait, par rapport à la définition saussurienne, l’addition

la plus importante était l’introduction du mot « communi-

cation » qui, se substituant à « l’expression de la pensée »,

produisait une révolution méthodologique inaperçue.

L’analyse de la façon dont le langage exprime la pensée

conduisait presque fatalement à l’introspection, à la stylis-

Page 88: Langue et didactique

88

tique et à la logique. Au contraire, parler de communica-

tion conduit à l’observation scientifique du comportement

communicateur et, plus encore, à l’observation du fonc-

tionnement du système de communication, presque au

sens technologique du mot « fonctionnement », comme

c’est le cas dans la phonologie de Troubetzkoy et le fonc-

tionnalisme de Martinet.

Le structuralisme a été utilisé comme un slogan et ras-

semble plusieurs écoles différentes de linguistique.

Il est commode de faire une distinction générale entre le

structuralisme européen et américain.

2.

Ferdinand de Saussure

On considère que la linguistique structurelle en Europe a

commencé en 1916 avec la publication posthume du

Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure.

Beaucoup de ce qui est considéré maintenant comme étant

de Saussure peut être vu dans les travaux précédents de

Humboldt, et les principes structuraux généraux que Saus-

sure développe en ce qui concerne la linguistique syn-

chronique dans le Cours avaient été appliqués presque 40

ans auparavant (1879) par Saussure lui-même dans une

reconstruction du système vocalique Indo-européen. La

signification pleine du travail n'a pas été appréciée à ce

moment-là.

Parmi ses idées principales, on considère les concepts de

diachronie et synchronie, de langue et parole, de signi-

Page 89: Langue et didactique

89

fiant et signifié et d’axe syntagmatique et axe paradig-

matique.

2.1.

Diachronie et synchronie

C'est Saussure qui a fait la distinction terminologique

entre synchronique et linguistique du diachronique dans le

Cours; en dépit de l'orientation indubitablement structu-

relle de son propre travail tôt dans le champ historique et

comparatif, il a maintenu que, alors que la linguistique

synchronique devrait négocier avec la structure d'un sys-

tème de la langue à un point donné dans le temps, la lin-

guistique du diachronique devrait s’être occupée du déve-

loppement historique d'éléments isolés - ce devrait être

des atomistiques.

2.2.

Langue et parole

Le structuralisme de Saussure peut être additionné dans

deux dichotomies: langue contre parole et forme contre

substance. Langue signifie la totalité de régularités et

modèles de formation qui sont sous les déclarations

d'une langue; parole est la déclaration réelle elle-

même. De même que deux performances d'un morceau de

musique, données par des orchestres différents à des occa-

sions différentes seront différentes dans une variété de dé-

tails et toujours identifiables comme performances du

même morceau, deux déclarations peuvent être différentes

de plusieurs façons et toujours être reconnues comme

exemples, en quelque sens, de la même déclaration. Ce

Page 90: Langue et didactique

90

que les deux performances musicales et les deux déclara-

tions ont en commun est une identité de forme, et cette

forme, ou structure, ou modèle, est indépendant de la

substance en principe, ou matière première sur quoi il est

imposé. Le structuralisme dans le sens européen fait réfé-

rence à une structure relationnelle abstraite qui est sous et

sera distinguée des déclarations réelles--un système qui est

sous le behaviour réel--et qui est l'objet fondamental

d'étude pour le linguiste.

2.3.

Signifiant et signifié

Le signe linguistique est le résultat de l’association

d’un signifiant et d’un signifié, ou encore de

l’association d’une image acoustique et d’un concept. en

employant image acoustique comme synonyme de signi-

fiant, F. de Saussure retient seulement le caractère spéci-

fique de la suite de phonèmes appelé signifiant: on peu

dire que le signifiant représente l’aspect phonologique de

la suite de sons qui constituent l’aspect matériel du signe.

Les créations individuelles, les timbres, les défauts de

prononciation concernent la phonétique (l’actualisation

des sons de la langue), mais le signifiant, restant visuel,

est commun à l’ensemble de la masse parlante.

Le signifiant linguistique se déroule sur la ligne du temps:

chaque instant de la locution ne permet qu’un acte pho-

nique unique, à la différence d’autres systèmes sémiolo-

giques où les signifiants peuvent présenter des cooccur-

rences selon plusieurs dimensions (cas du sémaphore) .

Le signifié est synonyme de concept. En effet, le signe

linguistique tel qu’il le conçoit résulte de la combinaison

d’un signifiant et d’un signifié, ou, dans une autre formu-

Page 91: Langue et didactique

91

lation, d’une image acoustique et d’un concept. L’idée ou

signifié de sœur n’est liée par aucun rapport intérieur avec

la suite de sons /sœR/ qui lui sert de signifiant.

2.4.

Axe syntagmatique et axe paradigmatique

Les rapport syntagmatiques s’opposent aux rapports

associatifs. Les premiers signalent les rapports existant

entre deux ou plusieurs unités apparaissant effectivement

dans la chaîne parlée. Une fois reconnue l’existence de

relations privilégiés entre certaines unités (mots, groupes

de mots, unités complexes de toutes dimensions), il reste à

se demander si ces liaisons, constatées dans l´énoncé, ap-

partiennent à la langue ou à la parole. Les rapports para-

digmatiques sont les rapports virtuels existant entre les

diverses unités de la langue appartenant à une même

classe morphosyntaxique et/ou sémantique. Chaque

terme relevé en un point de l’énoncé entretient avez

d’autres termes de la langue un rapport différent de celui

qu’il entretient avec les autres termes de l’énoncé. Ce rap-

port est celui des associations qu’il entraîne.

3.

L'école de Prague

Le mouvement fut fondé par le linguiste russe Nicolaï

Troubetskoy et par Roman Jakobson. L’école de Prague,

aussi connue comme cercle de Prague, développe sa plus

grande activité entre 1920 et 1930. Les membres du

Cercle mettent l’accent sur la fonction des éléments qui

constituent le langage, le contraste de ces éléments

Page 92: Langue et didactique

92

entre eux, et le modèle d’ensemble formé par ces con-

trastes. L’œuvre accomplie par le cercle de Prague dans le

domaine de la phonologie a été particulièrement impor-

tante. Les linguistes de l’école ont développé une analyse

des sons fondée sur leurs traits distinctifs; de ce point de

vue, chaque son distinctif d’une langue est considéré

comme composé de traits acoustiques et articulatoires en

opposition, et deux sons d’une même langue perçus

comme distincts comprendront ainsi au moins une opposi-

tion de trait. L’analyse par traits distinctifs a également été

reprise par les tenants des linguistiques générative et trans-

formationnelle dans l’étude des systèmes phoniques des

langues. C’est aussi au cercle de Prague qu’on doit la

première formulation du concept de marque, employé en

analyse grammaticale.

3.1.

Combinaison de structuralisme et fonctionnalisme

Le trait le plus caractéristique du cercle de Prague est sa

combinaison de structuralisme et de fonctionnalisme. Les

deux termes ont été utilisés dans une variété de sens en

linguistique.

Une analyse utilitaire très célèbre de langue était celle du

psychologue allemand Karl Bühler qui a reconnu trois

genres généraux de fonction accomplie par la langue:

Darstellungsfunktion, Kundgabefunktion, et Appelfunk-

tion. Ces termes peuvent être traduits, dans le contexte

présent, comme fonction cognitive, fonction expressive et

fonction conative (ou instrumentale).

La fonction cognitive de langue fait référence à son em-

ploi pour la transmission d'information factuelle.

Page 93: Langue et didactique

93

La fonction expressive fait référence à l’attitude de l'ora-

teur et aux faits de communication liés à lui.

Avec la fonction conative on prétend provoquer quelque

effet pratique sur la personne à qui on s’adresse.

Plusieurs savants qui travaillent dans la tradition de

Prague ont suggéré que ces trois fonctions correspondent

dans beaucoup de langues, au moins en partie, avec les

catégories grammaticales.

3.2.

Les contributions phonologiques

L'école de Prague est connue pour son travail sur la pho-

nologie. Contrairement aux phonologistes Américains,

Trubetskoy et ses partisans n'ont pas considéré le pho-

nème comme étant l'unité minime d'analyse. Ils ont plutôt

défini des phonèmes comme ensembles de traits distinc-

tifs. Par exemple, en anglais, /b / est différent de /p / de la

même façon que /d / est différent de /t / et /g / de /k /. Mais

dire comment ils sont différents quant à leur articulation

est une question complexe. Pour simplifier, on peut dire

qu'il y a juste un trait, la présence de ce qui distingue /b /,

/d /, et /g / de /p /, /t /, et /k /, et que ce trait exprime la vi-

bration des cordes vocales. De la même façon, le trait de

labialité peut être extrait de /p / et /b / en les comparant

avec /t /, /d /, /k /, et /g /; le trait de nasalité de /n / et /m /

en les comparant avec /t / et /d /, d'un côté, et avec /p / et

/b /, de l'autre. Chaque phonème, alors, est composé de

plusieurs traits articulatoires et est distingué par la pré-

sence ou absence d'au moins un trait de chaque autre pho-

nème dans la langue.

Page 94: Langue et didactique

94

3.3. Les contributions récentes

La contribution la plus précieuse faite par l'école de

Prague de l'après-guerre est la distinction entre thème et

rhème. Le thème d'une phrase est la partie qui fait réfé-

rence à ce qui est déjà su ou est donné dans le contexte

(quelquefois appelé, par autres savants, le sujet ou sujet

psychologique); le rhème est la partie qui transporte la

nouvelle information (le commentaire ou attribut psycho-

logique). Le commentaire est la partie de l’énoncé qui

ajoute quelque chose de nouveau au thème, qui en « dit

quelque chose », qui informe sur lui. Il a été signalé en

dehors de cela, que dans des langues avec un ordre des

mots libre (tel que le tchèque ou le latin), le thème a ten-

dance à précéder le rhème ou commentaire.

4.

La grammaire transformationnelle-générative

Une grammaire générative, dans le sens vu par Noam

Chomsky, est un système de règles formalisé avec une

précision mathématique qui produit, sans besoin d’autre

information qui n'est pas représentée dans le système ex-

plicitement, les phrases grammaticales de la langue qu'il

décrit ou caractérise, et assigne à chaque phrase une des-

cription structurelle, ou analyse grammaticale. Les gram-

maires génératives se classifient en plusieurs types; la ma-

jorité des études s’occupent du type connu comme trans-

formationnel principalement (ou, plus exactement, trans-

formationnel-génératif).

La grammaire transformationnelle a été commencée par

Zellig S. Harris au cours d’un travail sur ce qu'il a appelé

l'analyse du discours (l'analyse cérémonieuse de la struc-

Page 95: Langue et didactique

95

ture de texte continu). Il a été développé plus loin et a

donné une base théorique différente par Chomsky.

4.1.

La grammaire de Harris

La recherche de Zellig Sabbetai Harris est intimement

liée aux travaux de l’école américaine d’analyse distri-

butionnelle qui a élaboré son programme pour la lin-

guistique dans les années 1930 et 1940, sous

l’impulsion de E. Sapir et L. Bloomfield. Ce dernier

avait proposé d’abstraire de la phrase des unités définies

formellement et qui serviraient à décrire les rapports ob-

servés entre les diverses parties de la phrase. Ainsi, les

phonèmes devaient rendre compte des phénomènes pho-

nologiques, et les morphèmes, qui pouvaient et devaient

être différents des unités phonologiques, devaient rendre

compte de la construction de la phrase. Ce programme a

rencontré un accord à peu près unanime dans les études

phonologiques; il a abouti à une définition du phonème

presque universellement admise. En revanche, les mêmes

méthodes appliquées au problème de l’analyse syntaxique

de la phrase ont été diversement utilisées, sans aboutir à

un consensus général sur une méthode distributionnelle.

L’œuvre de Harris (Methods in Structural Linguistics,

1951) est une somme magistrale de l’application de cette

méthode distributionnelle à l’analyse phonologique et syn-

taxique de la phrase; elle constitue le premier traité sur le

traitement formel de la langue. La formalisation est pous-

sée, et elle refuse toute utilisation du sens comme critère

de définition formelle des phonèmes et des morphèmes; le

recours au sens a été en effet la source de maintes difficul-

tés dans les essais antérieurs. Harris remplace les sens par

Page 96: Langue et didactique

96

le critère formel de la somme totale des environnements

(la distribution) des éléments abstraits. Il réussit ainsi à

axiomatiser entièrement l’analyse de la langue, avec une

rigueur inaccoutumée jusque-là.

Par la suite, Harris cherche une régularisation du langage

qui, dépassant l’analyse de la phrase isolée, englobe une

suite cohérente de phrases, autrement dit, un discours

(Discourse Analysis Reprints, 1963). L’essai qu’il pré-

sente montre qu’on ne peut mener à bien l’analyse du dis-

cours sans examiner les rapports entre phrases. Puisqu’il y

a en général plusieurs façons de « dire la même chose »,

c’est-à-dire plusieurs paraphrases possibles d’une seule

phrase, il n’est pas possible d’analyser systématiquement

un discours sans avoir préalablement mis en relation les

paraphrases des divers schémas de phrases. C’est l’étude

de ces paraphrases, et du passage d’une paraphrase à une

autre, que Harris nomme analyse transformationnelle

(« Discourse Analysis », in Language, vol. XXVIII, 1952;

« Co-occurrence and Transformation in Linguistic Struc-

ture », ibid., vol. XXXIII, 1957). Pour Harris, ce genre

d’analyse linguistique doit précéder toute tentative

d’associer des structures mathématiques aux phrases de la

langue. Chomsky, son élève le plus réputé, a repris ce type

d’analyse, mais, contrairement à Harris, il introduit une

structure mathématique arborescente qui sert de support

aux transformations. Le concept originel de Harris, tou-

jours valide, est dépouillé à l’extrême; il ne contient que

ce qui est nécessaire à la définition des transformations

comme relations linguistiques entre phrases. Ce concept

est développé en détail (Mathematical Structures of Lan-

guage ; J. Wiley and Sons, New York, 1968), ainsi qu’une

seconde idée maîtresse, à savoir que la métalangue est

dans la langue. La métalangue contient certaines sous-

classes de noms comme mot, bruit, phrase ..., et des

Page 97: Langue et didactique

97

phrases construites sur des prédicats contenant ces sous-

classes. Les phrases de la métalangue sont nécessaires à la

description de certaines phrases de la langue, comme

’Paul’ contient quatre lettres, ou à l’expression d’une théo-

rie grammaticale, comme dans « Paul dort » est une

phrase . Harris démontre que d’importantes conséquences

découlent du postulat sur la métalangue. En particulier,

Harris utilise des phrases de la métalangue pour dériver la

coréférence (pronominalisation ou réduction à zéro), et

cela sans faire appel à des mécanismes formels ad hoc .

Ensuite, Harris (« Report and Paraphrase », 1969, in Pa-

pers in Structural and Transformational Linguistics, D.

Reidel, Dordrecht, 1970) cherche une explication au phé-

nomène des restrictions grammaticales. Il essaie de trou-

ver pour les phrases contenant des restrictions sur les

classes y figurant des phrases sources non restreintes, où

les restrictions des premières sont des règles de sélection

particulières des deuxièmes. Le passage des phrases

sources non restreintes, généralement lourdes, aux phrases

observées de la langue, par l’application de transforma-

tions de réduction, aurait pour effet de « geler » les sélec-

tions en règles grammaticales — les restrictions.

Dans ses travaux des années 1970-1980 (Notes du cours

de syntaxe, 1976; A Grammar of English on Mathematical

Principles, 1982), Harris érige ce genre de dérivation en

système algébrique. Les verbes y sont conçus comme des

opérateurs exigeant un certain nombre d’arguments (de

noms). Tout ce qui n’est pas opérateur ou nom doit pou-

voir être dérivable du système en termes d’entrées succes-

sives des opérateurs et des arguments associés. Cette ten-

tative représente le premier effort en vue d’écrire une

grammaire générale sur des bases mathématiques natu-

relles, avant d’aboutir, dans Theory of Language and In-

formation à Mathematical Approach (1990), où Harris

Page 98: Langue et didactique

98

démontre que le langage est « un système autosuffisant,

auto-organisé, un système qui évolue ».

Les méthodes de Harris ont été appliquées à l’analyse du

français par M. Gross (Grammaire transformationnelle du

français, 1968-1977) et ses collaborateurs J. P. Boons, A.

Guillet et C. Leclère (La structure des phrases simples en

français, 1976); J. Giry-Schneider (Les Nominalisations

en français, 1978). Elles ont servi aussi à l’analyse auto-

matique de la phrase par ordinateur (Salkoff, Une gram-

maire en chaîne du français, 1973).

4.2.

La grammaire de Chomsky

Comme il a esquissé dans les Structures Syntactiques

(1957), il remet en question les fondements épistémolo-

giques de la linguistique structurale. Il démontre, en

s’appuyant en particulier sur la théorie des automates,

l’inadéquation pour la description systaxique du modèle à

nombre fini d’états (modèle de Markov) ainsi que du mo-

dèle de constituant élaboré par les distributionnalistes. Le

modèle transformationnel qu’il propose offre, outre une

plus grande simplicité, une puissance descriptive et expli-

cative supérieure. Il introduit les concepts de grammatica-

lité et de créativité : tout locuteur natif possède une cer-

taine intuition de la structure de sa langue qui lui permet,

d’une part, de distinguer les phrases grammaticales des

phrases agrammaticales, d’autre part de comprendre et

d’émettre une infinité de phrases inédites. De même,. une

grammaire devra rendre compte explicitement de toutes

les phrases grammaticales de la langue considérée.

Page 99: Langue et didactique

99

Dans Aspects de la théorie syntaxique (1965), il perfec-

tionne sa conceptions de la syntaxe et ses relations avec la

phonologie et la sémantique dans le cadre théorique beau-

coup plus élaboré de la grammaire générative et présente

dans Principes de phonologie générative (1968), en colla-

boration avec M. Halle, sa conceptions de la composante

phonologique de la grammaire. Il a par la suite constam-

ment modifié sa théorie.

5.

Tagmémique

Selon la théorie de Bloomfield, une forme grammaticale

est constituée d’une disposition grammaticale (forme

tactique) et de son sens (épisémème) ; ainsi, l’ordre des

syntagmes dans Jean lit un livre est une disposition

grammaticale (SN + V + SN) et cet ordre est en français

porteur d’un certain sens (sujet de V –objet de V). Les

tagmèmes sont les plus petites unités signifiantes d’une

forme grammaticale ; leur sens est un épisémème. Dans

la phrase Viens!, la modulation (intonation) injonctive est

un tagmème, qui peut se présenter avec n’importe quelle

forme grammaticale qui a un sens impératif. En revanche,

dans Jean, viens !, on trouve plusieurs taxèmes ; c’est une

forme grammaticale complexe où il y a trois tagmèmes : la

modulation impérative, l’appelatif visant le destinataire

qui doit faire l’action, et l’utilisation du schéma de phrase

actant-action.

La théorie tagmémique a été développée par le linguiste

structuraliste américain Kenneth L. Pike et oppose deux

analyses des comportements verbaux.

Page 100: Langue et didactique

100

Dans la grammaire d'une langue il y a une hiérarchie de

niveaux. Ces unités de niveaux sont composées de sé-

quences d'unités du niveau inférieur. Dans beaucoup de

langues, cinq niveaux sont reconnus, qui sont définis

quant aux unités suivantes: morphème, rédaction, expres-

sion, clause, et phrase. La différence entre la morphologie

et la syntaxe est une différence entre deux de ces cinq ni-

veaux seulement. Cette différence n’est pas plus grande,

par exemple, que la différence entre le niveau de l'expres-

sion et le niveau de la clause. Normalement, les tagmèmes

à un niveau sont manifestés par des unités qui appartien-

nent au niveau inférieur: tagmèmes de la clause par les

expressions, tagmèmes de l'expression par les mots, et

ainsi de suite. Cependant, les niveaux intermédiaires peu-

vent être évités. Par exemple, les tagmèmes qui appartien-

nent au niveau clause peuvent être manifestés par un mot

seul (par exemple, "Jean" "eau") et pas nécessairement par

une expression ("le jeune homme ").

Il est aussi possible d’établir des relations entre les hiérar-

chies grammaticales d'une langue. Cela veut dire qu'une

unité de plus haut niveau peut être placée dans la structure

d'une unité de niveau inférieur.

6.

La grammaire stratificationnelle

Les linguistes stratificationnalistes, comme l’américain S.

Lamb, partent de l’idée que la relation entre la forme pho-

nique (ou graphique) et le sens des énoncés est beaucoup

plus complexe que ne l’ont pensé les structuralistes ou

même les générativistes. Ils proposent donc de décompo-

ser cette relation en plusieurs relations partielles carac-

Page 101: Langue et didactique

101

térisées par des niveaux (strates) de représentation beaucoup plus nombreux et dont il faut pouvoir rendre

compte spécifiquement (niveau sémantique, syntaxique,

morphémique, phonique, etc.). Le nombre de strates peut

varier de langue à langue. Quatre strates ont été reconnues

pour l’anglais, et c'est vraisemblable que toutes les

langues peuvent avoir au moins ces quatre: la sémantique,

la lexémique, la morphémique et la phonémique. La

structure profonde des phrases est décrite sur la strate de la

sémantique et la structure profonde sur la morphémique.

7.

Vers d’autres domaines

L'exploit le plus remarquable des études linguistiques au

XIXè siècle était le développement de la méthode com-

parative. Les langues pourraient être comparées en ce qui

concerne leur sonorisation, leur structure grammaticale et

leur vocabulaire, et pourraient être racontées généalogi-

quement. Tous les langues romanes sont descendues du

latin et donc ont constitué une famille; mais l'existence de

la famille Indo-européenne des langues et la nature de leur

rapport généalogique a été démontrée par les philologues

comparatifs du XIXè siècle en premier lieu. (La philologie

du terme dans ce contexte n'est pas restreinte à l'étude de

langues littéraires.)

L'élan principal pour le développement de la philologie

comparative est venu vers la fin du XVIIIè siècle.

A la fin du XIXè siècle, un groupe de savants avancent

une thèse selon laquelle tous les changements dans la so-

Page 102: Langue et didactique

102

norisation d'une langue dépendaient de l'opération des lois

du son.

Au cours du XXè siècle, cependant, il a été reconnu que

l'analogie, dans son sens le plus général, joue un rôle plus

important dans le développement des langues que celui de

prévenir ce qui serait une transformation complètement

régulière de la sonorisation d'une langue autrement que

sporadiquement.

Quand un enfant apprend à parler il a tendance à régulari-

ser l'anormal, ou irrégulier. Il crée des formes par analogie

avec les modèles plus réguliers et productifs de formation

de la langue. Ce que l'enfant fait est l’évidence qu'il a ap-

pris les règles de sa langue. Il tendra à « désapprendre »

quelques-unes des formes analogiques et les remplacera

par des formes d’usage anormal de la génération anté-

rieure.

L’un des plus originaux et des plus influents linguistes

du XIXe siècle était l'homme politique Prussien von

Wilhelm Humboldt (mort en 1835). Ses intérêts, contrai-

rement à la plupart de ses contemporains, n'étaient pas ex-

clusivement historiques. Suivant le philosophe Johann Al-

lemand von Gottfried Herder (1744-1803), il a accentué le

rapport entre langues nationales et caractère du national:

c'était une banalité de romantisme. Il se retire de la vie po-

litique en décembre 1819 pour se consacrer à

l’élaboration d’une théorie générale du langages et des

langues. Partant de l’examen de langues variées (sanskrit,

chinois, basque, et les langues sémitiques), il cherche à

dépasser le cadre de la grammaire comparée pour consti-

tuer une anthropologie générale : chaque langue est, selon

lui, un reflet et une projection de la vision du monde du

peuple qui la parle : « La langue d’un peuple est son es-

prit, et son esprit est sa langue. » Le langage, d’autre part,

Page 103: Langue et didactique

103

est une propriété innée, inhérente à l’esprit humain : c’est

« l’organe qui forme la pensée ». Ainsi, il développe sa

théorie de "forme intérieure" et "externe" dans les langues.

La forme externe est la matière première (les sons). C’est

avec cette matière que les différentes langues ont été fa-

çonnées. La forme intérieure est le modèle ou structure,

qu’on pourrait appeler la grammaire. Cette " conception

structurelle " de langue allait devenir dominante, pour un

temps au moins, dans beaucoup de centres majeurs de lin-

guistique jusqu’au milieu du XXè siècle. Une autre des

idées de Humboldt est que la langue était quelque chose

de dynamique, plutôt que statique, et pourtant elle était

une activité elle-même plutôt que le produit de cette acti-

vité.

La linguistique partage avec d’autres sciences la

préoccupation d’être objective, systématique, consis-

tante et explicite dans son explication du langage. De

même que d’autres sciences, elle recherche des informa-

tions, vérifie des hypothèses, dessine des modèles et cons-

truit des théories. Cependant, son objet d’étude est

unique : d’un côté, elle se dissimule sous des sciences

« dures » comme la physique et l’anatomie ; de l’autre elle

implique des matières traditionnelles « de lettres » comme

la philosophie et la critique littéraire. Le champ de la lin-

guistique inclut autant les sciences que la philosophie et il

offre des possibilités si amples qu’il constitue la princi-

pale attraction pour ceux qui aspirent à son étude.

Champs interdisciplinaires :

- Linguistique anthropologique :

Page 104: Langue et didactique

104

Etude de la variation et usage du langage en relation avec

les patrons culturels et les croyances de la race humaine

étudiés grâce aux théories et méthodes de l’anthropologie.

- Linguistique appliquée :

Application de théories, méthodes et découvertes linguis-

tiques à l’élucidation de problèmes du langage surgis dans

d’autres domaines. On utilise le terme de manière spéci-

fique en référence au champ de l’apprentissage et

l’enseignement de langues étrangères, mais on l’applique

de même à d’autres champs comme la stylistique, la lexi-

cographie, la traduction et la planification du langage, ain-

si qu’aux champs clinique et éducatif, présentés plus loin.

- Linguistique biologique :

Etude des conditions biologiques pour le développement

et l’usage du langage chez des êtres humains ; elle fait ré-

férence à l’histoire du langage dans la race humaine et au

développement de l’enfant.

- Linguistique clinique :

Application des théories et méthodes linguistiques à

l’analyse des désordres du langage parlé, écrit ou des

signes.

- Linguistique informatique :

Etude du langage en employant les techniques et les con-

cepts de la science de l’informatique, avec une référence

spéciale aux problèmes que posent les champs de la tra-

duction mécanique, la récupération d’information et

l’intelligence artificielle.

- Linguistique éducative :

Page 105: Langue et didactique

105

Application des théories et méthodes linguistiques à

l’étude de l’enseignement et l’apprentissage d’une langue

(spécialement de la première) dans des écoles et autres

ambiances éducatives.

- Ethnolinguistique :

Etude du langage en relation avec les types et la conduite

ethniques, avec une référence spéciale à la forme

d’interaction sociale.

- Géolinguistique :

Etude de la distribution régionale de langues et dialectes,

considérés par rapport aux facteurs géographiques dans

leur ambiance.

- Linguistique mathématique :

Etude des propriétés mathématiques du langage par des

concepts de champs comme l’algèbre, la science informa-

tique et la statistique.

- Neurolinguistique :

Etude des bases neurologiques du développement et usage

du langage chez les êtres humains, spécialement dans le

contrôle du cerveau sur les processus du langage parlé et

de la compréhension.

- Linguistique philosophique :

Etude du rôle du langage dans l’éclaircissement des con-

cepts philosophiques et de la catégorie philosophique des

théories, méthodes et observations linguistiques.

- Psycholingistique.

Etude de la relation entre la conduite linguistique et les

processus psychologiques (par exemple la mémoire,

Page 106: Langue et didactique

106

l’attention, que l’on considère comme dépendantes de

celle-ci).

- Sociolinguistique :

Etude de l’interaction entre le langage et la structure et le

fonctionnement de la société.

- Linguistique statistique :

Etude des propriétés statistiques et quantitatives du lan-

gage.

- Linguistique théologique :

Etude du langage employé par les spécialistes bibliques,

les théologiens et autres personnes qui participent à la

théorie et la pratique de la croyance religieuse.

Aide Mémoire

1. Théories linguistiques actuelles : leurs apports aux

connaissances de la communication: XXe siècle : nou-

velle approche scientifique des faits de langage.

1.1. Les précurseurs : W. D. Whitney, Anton Mar-

ty, Otto Jespersen.

1.2. Les grandes théories et les théoriciens du

XXè siècle.

-Ferdinand de Saussure (1857-1913) et le renouvellement

des études linguistiques.

-Edward Sapir : attitude descriptiviste.

Page 107: Langue et didactique

107

- Troubetzkoy avec la collaboration active de divers lin-

guistes tchèques : la définition du phonème.

- Léonard Bloomfield : les observables du langage.

- Louis Hjelmslev : forme ultime des objectifs que doit se

fixer une science linguistique.

- Jakobson : l’élaboration et surtout la diffusion des thèses

de l’école de Prague.

- Martinet : le concept de fonction comme critère de détec-

tion de ce qui est pertinent dans la communication linguis-

tique. Soudure entre une linguistique synchronique triom-

phante et une linguistique diachronique structurale un peu

négligée.

- Chomsky : les énoncés linguistiques sont engendrés sur

la base d’un petit nombre de modèles abstraits innés de

phrases.

1.3. À la recherche d’une définition du langage

Ce que je fais en ce moment, quand je vous parle et que

vous me répondez.

- Pour Saussure (1916) : une langue, c’est « un système

de signes distincts, correspondant à des idées distinctes ».

- Sapir (1921) parle d’abord du langage comme d’un

« moyen de communication », mais il ajoute aussitôt: « par

l’intermédiaire d’un système de symboles ».

- Pour le Vocabulaire technique et critique de la philoso-

phie de Lalande (1926), c’est, « au sens le plus large, tout

système de signes pouvant servir de moyen de communi-

cation ».

- Pour Jespersen (Encyclopædia britannica, 1932) c’est

« n’importe quel moyen de communication entre les êtres

vivants ».

- À la définition saussurienne ont n’a ajouté qu’une re-

touche, celle de Carnap qui définit une langue comme

« un système de signes avec les règles de leur emploi ».

Page 108: Langue et didactique

108

2. Ferdinand de Saussure.

2.1. Diachronie et synchronie

2.2. Langue et parole

2.3. Signifiant et signifié

2.4. Axe syntagmatique et axe paradigmatique

3. L'école de Prague : fonction des éléments qui consti-

tuent le langage, le contraste de ces éléments entre eux, et

le modèle d’ensemble formé par ces contrastes.

3.1. Combinaison de structuralisme et fonction-

nalisme : la fonction cognitive, la fonction expressive et

la fonction conative (ou instrumentale).

3.2. Les contributions phonologiques : L'école de

Prague est connue pour son travail sur la phonologie. Ils

ont défini des phonèmes comme ensembles de traits dis-

tinctifs.

3.3. Les contributions récentes : La contribution

la plus précieuse faite par l'école de Prague de l'après-

guerre est la distinction entre thème et rhème.

4. La grammaire transformationnelle-générative : Une

grammaire générative est un système de règles formalisé

avec une précision mathématique.

4.1. La grammaire de Harris : La recherche de

Zellig Sabbetai Harris est intimement liée aux travaux de

l’école américaine d’analyse distributionnelle qui a élabo-

ré son programme pour la linguistique dans les années

1930 et 1940, sous l’impulsion de E. Sapir et L. Bloom-

field.

4.2. La grammaire de Chomsky : Il remet en ques-

tion les fondements épistémologiques de la linguistique

structurale.

Page 109: Langue et didactique

109

5. Tagmémique : Une forme grammaticale est constituée

d’une disposition grammaticale (forme tactique) et de son

sens (épisémème). Les tagmèmes sont les plus petites uni-

tés signifiantes d’une forme grammaticale ; leur sens est

un épisémème.

6. La grammaire stratificationnelle : Décomposer cette

relation en plusieurs relations partielles caractérisées par

des niveaux (strates) de représentation.

7. Vers d’autres domaines

- L'exploit le plus remarquable des études linguistiques au

XIXè siècle était le développement de la méthode compa-

rative.

- Les idées de Humboldt : théorie générale du langages et

des langues.

La linguistique partage avec d’autres sciences la préoccu-

pation d’être objective, systématique, consistante et expli-

cite dans son explication du langage.

Champs interdisciplinaires : Linguistique anthropolo-

gique, appliquée, biologique, clinique, informatique, édu-

cative, ethnolinguistique, géolinguistique, linguistique ma-

thématique , neurolinguistique, linguistique philoso-

phique, psycholingistique, sociolinguistique, linguistique

théologique.

Page 110: Langue et didactique

110

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