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Etienne BARTH Mémoire de C.A.F.I.P.E.M.F Inspection Académique du Rhône LYON 3 ème Mars 2013 Traduire les récits fictionnels pour les comprendre

Mémoire Etienne Barth

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Traduite les récits fictionnels pour les comprendre. Présenté au C.A.F.I.P.E.M.F Mars 2013

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Etienne BARTH Mémoire de C.A.F.I.P.E.M.F

Inspection Académique du Rhône LYON 3ème Mars 2013

Traduire les récits fictionnels pour les comprendre

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Contenu

Introduction ............................................................................................................................................. 2

I. identifier la structure des récits fictionnels et leur intérêt pour développer la compréhension chez le lecteur .................................................................................................................................................. 4

I.A. différencier texte littéraire et récit fictionnel. .............................................................................. 4

I.A.1. Les critères de catégorisation des textes littéraires. ............................................................. 4

I.A.2. appréhender l’articulation entre le réel et l’imaginaire dans le récit fictionnel .................... 5

I.A.3. La structure narrative est un objet d’étude riche .................................................................. 7

I.B. améliorer la compréhension des récits ......................................................................................... 7

I.B.1. la mise en jeu de différentes habilités de lecture au cycle 3 ................................................. 8

I.B.2. Faire cohabiter des niveaux de lecture hétérogène .............................................................. 9

I.B.3.Mettre en relation le texte et le lecteur. ................................................................................ 9

I.C. aider l’élève à formaliser la compréhension des récits ............................................................... 10

I.C.1. traduire sa lecture ................................................................................................................ 10

I.C.2. se servir des images pour exprimer sa compréhension ....................................................... 10

II. des activités autour de la structure narrative pour améliorer la compréhension en lecture. .......... 13

II.A. Imaginer les personnages .......................................................................................................... 13

II.A.1. « Le portrait soleil », dispositif pour caractériser les personnages .................................... 13

II.A.2. créer des habitudes analytiques ......................................................................................... 14

II.B Imager le cadre spatio-temporel ................................................................................................. 15

II.B.1.Le chemin du livre ................................................................................................................ 15

II.B.2 : construction de maquettes ................................................................................................ 16

II.B.3 : la flèche du temps .............................................................................................................. 17

II.B.4 : La trame narrative au cœur de chaque activité ................................................................. 18

II.C définir des critères d’évaluation objectifs ................................................................................... 20

II.C.I. Une évaluation individuelle sur un récit fictionnel court. .................................................... 20

II.C.3. Les autres critères visibles de l’intérêt de ce type d’activité de lecture. ............................ 21

Conclusion ............................................................................................................................................. 23

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Introduction

Dans le cadre d’un partenariat avec la Villa Gillet1, je construis depuis plusieurs années un projet de lecture et d’écriture qui s’appuie sur une rencontre et des échanges entre la classe et un auteur. Ce projet consiste à lire l’œuvre d’un auteur contemporain, l’accueillir dans la classe et ensuite proposer aux élèves d’écrire une histoire inspirée de cette œuvre, écriture qui donnera lieu à une présentation des textes des élèves en fin d’année.

Cette année, j’enseigne dans une classe de cm1 et nous travaillons, les élèves et moi, avec Audren et en particulier autour de sept de ses titres.

« Bizarre bizarre2 »

« La question qui tue3 »

« Le petit prince noir et les 1213 moutons4 »

« Le poisson qui souriait5 »

« Mon sorcier bien aimé6 »

« Les mots maléfiques7 »

« Réservé à ceux8 »

Pour préparer la rencontre avec cette auteure, j’ai demandé aux élèves de lire les textes que j’avais sélectionnés, dans le but de les comprendre et d’en dégager des éléments communs, utiles à l’écriture future de leur propre texte.

Ce projet m’amène à réfléchir aux modalités de mise en place des activités de lecture dans ma classe. Comment aborder une œuvre d’un auteur contemporain avec les élèves ? Comment leur faire traduire afin que cette lecture puisse être un appui fort pour l’écriture ? Comment être sûr que les élèves ont compris leur lecture ?

Ces questions, que tout enseignant se pose lorsqu’il propose des textes à lire aux élèves, deviennent centrales pour moi car elles conditionnent la réussite de ce projet, qui prend une grande place dans le déroulement annuel de la classe, qui fonctionne comme une sorte de fil rouge pour les élèves. La rencontre avec l’auteur, la réussite du projet d’écriture ne seront effectives que si les élèves ont bien lu et compris les livres.

Au fil de ces projets annuels de lecture, j’ai donc mis en place des activités qui me semblent bénéfiques pour la réussite des élèves, notamment pour la bonne compréhension des textes. J’ai donc réfléchi et cherché les entrées les plus opportunes dans les textes.

Il apparaît que tous les textes que je propose dans ce projet appartiennent à une même catégorie : les récits fictionnels. La particularité de ces textes est de toujours mettre en scène un ou plusieurs personnages dans un cadre spatio-temporel défini par l’auteur. C’est à partir de cette structure que j’ai donc construit des dispositifs qui me semblent opérants pour permettre une bonne compréhension de la lecture.

1 Cette institution propose aux écoles lyonnaises, en partenariat avec l’Inspection Académique, de travailler

avec des auteurs de littérature de jeunesse dans le cadre des Assises Internationales du Roman. 2 Ecole des Loisirs, collection Mouche, 2008

3 Ecole des Loisirs, collection Neuf, 2011

4 Ecole des Loisirs, collection Neuf, 2007

5 Ecole des Loisirs, collection Neuf, 2006

6 Ecole des loisirs, collection Neuf, 2009

7 Ecole des Loisirs, collection Mouche, 2007

8 Ecole des Loisirs, collection Neuf, 2007

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Je pars donc de l’hypothèse que c’est la traduction sous forme de schéma, d’image ou de maquette de cette structure qui permettra aux élèves de bien comprendre ces types de textes.

Mais, en quoi des dispositifs graphiques à visée expressive, construction de schémas, mise en images, fabrication de maquettes, peuvent-ils être de réels outils pour développer la compréhension des récits fictionnels ?

Dans la première partie de mon mémoire, je m’attacherai à bien préciser ce qu’est la structure du récit fictionnel et ce que j’attends de la compréhension des élèves. Je montrerai aussi les raisons pour lesquelles je pense que les dispositifs graphiques sont bénéfiques à la compréhension.

Dans une deuxième partie, je détaillerai précisément les différents dispositifs que j’ai mis en place, « le portrait-soleil » pour caractériser les personnages, « le chemin du livre », « la construction de maquette » pour préciser le cadre spatial et « la flèche du temps » pour appréhender la chronologie du livre. J’essayerai ensuite d’évaluer l’efficacité de ces dispositifs.

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I. Identifier la structure des récits fictionnels et leur intérêt pour développer la compréhension chez le lecteur

I.A. Différencier texte littéraire et récit fictionnel.

Les récits fictionnels sont un domaine bien précis des textes littéraires. Dans cette partie, je vais délimiter ce domaine et définir, ce qui, à l’intérieur de cet objet, me semble pertinent à étudier pour aider la compréhension des lecteurs.

I.A.1. Les critères de catégorisation des textes littéraires.

En classe, en littérature, lorsque je propose des livres à lire aux élèves, j’en parle non comme des textes littéraires mais comme des histoires, des romans (ou albums, bd…), des récits, des narrations.

Aux yeux des élèves, ces termes regroupent une même réalité : l’objet sur lequel ils travaillent en littérature. Pourtant ces mots désignent des réalités différentes.

Les textes littéraires regroupent ces différents termes. Ils sont les medias sur lesquels je m’appuie pour permettre à mes élèves de développer des compétences de lecteur. Selon J. Giasson9, le texte littéraire s’identifie d’abord par la fonction de lecture. Elle l’oppose au texte courant qui vise un objectif fonctionnel d’information ou de réalisation d’une tâche alors que le texte littéraire cherche à viser le plaisir du lecteur.

Le texte littéraire s’identifie ensuite par l’intention de l’auteur. Celui-ci peut vouloir écrire pour informer, persuader ou distraire le lecteur. Dans le dernier cas, l’auteur voudra agir sur les émotions du lecteur. Il écrira des textes expressifs.

Nous retrouvons cette opposition dans les programmes de l’école primaire10 qui différencient, à l’intérieur des compétences, la compréhension des textes informatifs qui ont un objectif fonctionnel de la compréhension des textes littéraires (récits, description, dialogues, poèmes).

Pour moi, l’intérêt de ces textes en tant qu’objets d’études ne réside pas dans le plaisir qu’ils vont susciter chez le lecteur mais bien plus dans les activités que je vais pouvoir construire à partir de leur lecture. En effet ces textes sont propices à la mise en place de dispositifs intéressants car ils obéissent à une logique structurelle forte.

Mais, dans ce cas, on parlera d’étudier un récit plutôt qu’un texte littéraire.

Le récit, en effet, obéit à une structure : « il y a un début et une fin. Un ou des personnages (…) se trouvent dans une certaine situation, une situation qui dure depuis un certain temps (…) puis quelque chose a lieu qui perturbe cette situation-là : quelqu’un fait quelque chose ; un évènement survient qui provoque un changement (…) l’entreprise se termine par un fait dont résulte une nouvelle situation durable, la situation finale. »11

Le récit implique qu’il y ait des personnages qui se trouvent dans une certaine situation, notamment dans un cadre spatio-temporel précis. Il se produit des évènements qui perturbent la situation et provoquent des changements. Ces changements amènent à une nouvelle situation.

Je considère donc que c’est la structure de ces récits, notamment le cadre spatio-temporel, qui est propice à la construction d’activités de compréhension plus que la fonction plaisir de ces textes ou l’intention de distraire de l’auteur. Les poésies sont par exemple des textes littéraires mais la plupart

9 J.Giasson, la lecture, de la théorie à la pratique, outils pour enseigner, De Boeck, 2005, partie 2, chapitre 4

10 Programmes de l’école primaire, Bulletin officiel hors-série no 3 du 19 juin 2008

11 Jean Michel Dumortier et Micheline Dispy, aider les jeunes élèves et comprendre et à dire qu'ils ont compris

le récit de fiction, coll. Tactiques, Presses universitaires de Namur, 2006, chapitre 1

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ne peuvent entrer dans mon champ d’étude car elles ne peuvent être considérées comme un récit. Elles n’obéissent pas à sa structure.

Mais, à l’intérieur de ces récits, je centrerai mon étude sur une catégorie particulière, les récits fictionnels. La principale différence entre les récits fictionnels et les autres, qu’on peut nommer récits factuels est qu’ils se déroulent dans un cadre qui peut être imaginaire, c’est à dire, inventé par l’auteur. Je vais maintenant montrer en quoi ces récits, l’étude de leur cadre imaginaire et de leur structure peuvent devenir un appui pour améliorer les capacités de compréhension des élèves en lecture.

I.A.2. Appréhender l’articulation entre le réel et l’imaginaire dans le récit fictionnel

Le récit fictionnel s'oppose au récit factuel12 dont l'intention est de proposer une histoire vraie.

« Certains textes se présentent comme des comptes rendus du monde tel qu’il est (ou était) et relèvent donc de la catégorie des textes factuels et non fictionnels. Les fictions entretiennent une relation plus métaphorique avec le monde tel qu’il est, puisqu’elles rendent compte du monde tel qu’il pourrait être ou tel qu’il paraît être. »13

Dans la lecture de ce récit l'élève doit ainsi faire preuve d'une capacité de compréhension lui permettant de distinguer le réel de l'imaginaire, le vraisemblable et l'invraisemblable.

L’intérêt de traiter en particulier ces récits fictionnels serait de sensibiliser les élèves à cette présence de l’imaginaire dans les histoires afin de leur permettre d’appréhender la réalité, le quotidien d’une autre manière.

Pour illustrer cette idée je m’appuierai sur deux livres d’Audren qui font partie de mon projet de lecture, « Bizarre bizarre » et « Le petit prince noir et les 1213 moutons ». Ces deux oeuvres partent de situations quotidiennes vécues par un enfant de 8 ans. Pour le premier, il s’agit d’une histoire qui se passe à l’école, ancrée dans une réalité proche de celle des élèves de la classe. Pour le deuxième, l’histoire est plus tournée vers l’imaginaire et se passe en partie dans les rêves du personnage. Ces deux livres ont été accueillis différemment par les élèves en raison, il me semble, de leur manière d’articuler le réel et l’imaginaire. En effet, dans le livre « Bizarre, bizarre », le maître demande aux élèves de rapporter une chose bizarre à l’école. Ce que tous les élèves font. Ce livre a enthousiasmé de nombreux enfants car ils ont sûrement pu s’imaginer la possibilité d’un quotidien proche du leur mais beaucoup plus fantaisiste.

Dans le livre « Le petit prince et les 1213 moutons », les élèves devaient comprendre que le personnage voyage dans ses rêves et cette distinction entre le réel et l’imaginaire était primordiale pour comprendre l’évolution du personnage et notamment de ses sentiments envers un de ses camarades. Or, pour une majorité d’élèves ce deuxième titre, beaucoup plus détaché du réel, est celui qui leur a le moins plu.

Voici, pour prolonger cette idée, un extrait de discussion entre deux élèves et moi au sujet de ce livre14. Ils m’avaient dit qu’ils n’avaient pas aimé ce livre. Mon objectif était de comprendre pourquoi ils ne l’avaient pas aimé en partant de l’hypothèse qu’ils n’avaient compris l’enchaînement des différents évènements et le cadre dans lequel cela se déroulait. M : Qui me raconte l’histoire ? T : Lois veut s’endormir alors elle compte les moutons et quand elle s’est endormie elle part dans des chambres d’enfants. Le matin elle se réveille, elle va à l’école, elle échange des

12

Jean Michel Dumortier et Micheline Dispy, aider les jeunes élèves et comprendre et à dire qu'ils ont compris le récit de fiction, coll. Tactiques, Presses universitaires de Namur, 2006, chapitre 1 13

Cadre d’évaluation Pisa, organisée par l’OCDE 2009, p.34 14

Enregistrement réalisé en classe le 15/02/2013 à propos du « petit prince et des 1213 moutons »

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timbres avec Paolo et là le soir, elle refait comme la dernière fois mais cette fois ci elle voyage avec les moutons dans un champ d’herbe rose. Et donc, les moutons s’appellent tous Grégoire et là dans son rêve, il y a Saul qui naît. Elle est contente, Loïs et le matin elle se réveille et dans sa chambre il y a tous les moutons. M : Qu’est-ce qu’elle a voulu raconter avec cette histoire ? E : Aucune idée. M : Et qu’en as-tu retiré ? E : C’était énervant à lire. Je n’aime pas trop quand ça part dans des délires. Je n’aime pas les livres qui finissent par : « en fait j’avais rêvé. » M : Mais au-delà du fait que vous ayez aimé ou non ce livre, que raconte l’histoire ? Qu’est-ce que veut nous dire Audren ? T : Pour s’endormir, on doit compter les moutons. M : C’est tout ? T : Non (silence) M : Donnez-moi un mot, une idée. T : Rêve. M : Ça parle du rêve. En quel sens ? T : Des moutons surtout. M : Est-ce que ça t’apprend des choses sur les moutons ? T : Non ! M : Sur le rêve ? T : Un petit peu parce qu’on ne le fait pas pour de vrai de compter les moutons, pour s’endormir. E : On apprend aussi des choses sur les timbres. M : Ah bon ? E : En fait non, pas du tout. M : Que pensez-vous de Loïs ? Est-ce qu’elle change entre le début et la fin du livre ? E : Pas trop. Mais elle arrive mieux à dormir. Elle est un petit peu grande, elle a fait une grande expérience. M : Quelle expérience ? E : De suivre les moutons. M : Pourquoi est-ce que ça la fait grandir ? E : Elle rencontre Saul. C’est le dieu des rêves. L’elfe des rêves. M : Un moment, il se réveille dans la chambre de Loïs. Est-ce que c’est vrai ou faux ? Il existe Saul ? E : Oui, c’est Paolo. A la fin il se transforme en Paolo. C’est la même personne, ça se résume à ça. M : Pourtant, Paolo est de couleur blanche, Saul de couleur noire. E : Oui, ils sont très différents mais en fait c’est la même personne au fond. La personne de rêve de Loïs, c’est quelqu’un qui s’appelle Saul, qui est noir et la vraie personne, c’est Paolo. (…)

Les élèves me disent au début de la discussion qu’ils ont rejeté ce livre car ils n’en ont pas saisi le sens. Ici on peut se demander si l’étude des récits fictionnels laissant une grande place à l’imaginaire est pertinente. Cette confusion dans le récit entre réel et imaginaire les perturbe. Mais, au fil de la discussion, on constate qu’ils dépassent leur résistance, sont capable d’analyser la situation et d’en livrer une interprétation. Le recours à l’imaginaire peut être un moyen d’appréhender le réel.

Mais l’autre point intéressant de cette discussion, c’est la capacité pour les élèves à raconter précisément l’histoire. Contrairement à ce qu’ils prétendent à propos de leur incompréhension supposée, ils déroulent l’enchaînement des faits de manière précise. Ils en ont donc saisi la structure.

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Or, on l’a vu précédemment, c’est cette structure du récit qui me semble propice à la compréhension.

Il est maintenant important de préciser ce que représente cette structure dans un récit et en quoi elle peut être intéressante pour construire des activités en classe.

I.A.3. La structure narrative est un objet d’étude riche

Les récits fictionnels sont des récits qui obéissent à un schéma narratif. Jean Michel Adam15 montre que le type narratif est une structure en cinq étapes: situation initiale, complication, actions, résolution et situation finale. Il montre aussi que les principales caractéristiques textuelles qui distinguent le type narratif des autres types sont la présence d'au moins un personnage qui pose un certain nombre d'actions dans le temps et dans l'espace.

Il y a selon moi deux intérêts à travailler ces cadres spatio-temporels dans chaque texte.

Avant tout, il s’agit de permettre aux élèves de construire des habitudes de lecture en recherchant systématiquement les personnages les lieux et la chronologie dans l’histoire. Les élèves auront alors la possibilité de mieux organiser les informations afin de mieux les analyser. Ainsi, on peut travailler systématiquement à rechercher les personnages, les lieux et la chronologie dans un récit. C’est une manière de radiographier un texte afin d’en saisir son squelette16. Ce travail assurera à l’élève une entrée dans le livre et deviendra un support à la compréhension.

Pour l’enseignant, cette manière d’aborder les récits fictionnels par leur structure présente un autre intérêt. Elle lui permet de sélectionner des livres dont le cadre sera assez riche pour être exploité ou pourra permettre de dégager des points communs ou au contraire des oppositions entre certains titres. Par exemple, pour le projet mené en partenariat avec la Villa Gillet, lorsque j’ai dû sélectionner les livres d’Audren que je voulais faire étudier aux élèves, je souhaitais, pour des raisons d’organisations ne garder que sept titres. Pour les sélectionner (il y en a environ 15 adaptés à des élèves de CM1) je me suis demandé systématiquement si la structure narrative présentait un intérêt. Je me suis surtout attaché à faire une sélection cohérente en cherchant à voir quels pouvaient être les liens entre la structure de ces différents titres.

Une fois les titres sélectionnés, quelles activités pouvons-nous mettre en place pour saisir leur structure?

Avant de présenter ces activités, je dois préciser ce que j’attends de la compréhension des élèves lorsque je leur propose de lire un récit fictionnel.

I.B. Améliorer la compréhension des récits

« Comprendre l’écrit, c’est non seulement comprendre et utiliser des textes écrits, mais aussi réfléchir à leur propos et s’y engager. Cette capacité devrait permettre à chacun de réaliser ses objectifs, de développer ses connaissances et son potentiel, et de prendre une part active dans la société. »17

Cette notion d’engagement est formulée différemment dans les programmes de l’école primaire, mais elle y est pour moi bien présente. On souhaite notamment que l’élève « utilise ses

15

Jean-Michel ADAM, Les textes: types et prototypes, Nathan Université, Paris, 1992. 16

https://www.k12.gov.sk.ca/docs/francais/fransk/fran/elem/stratl/stratl4.html 17

Définition de la compréhension dans le cadre d’évaluation Pisa, organisée par l’OCDE 2009

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connaissances pour réfléchir sur un texte, mieux le comprendre. » Il doit être capable de « participer à un débat sur un texte en confrontant son interprétation à d'autres de manière argumentée. »18

La lecture d’un texte nécessite de mobiliser des connaissances personnelles, elle devient un support pour débattre des interprétations possibles. C’est en ce sens que la notion d’engagement est importante.

Mais, quand peut-on dire qu’un élève a compris un texte ? On va voir qu’il existe plusieurs niveaux de compréhension et il est important de bien savoir ce que l’on attend des élèves lorsqu’on leur demande de comprendre ou d’interpréter un texte, en particulier un récit fictionnel.

I.B.1. La mise en jeu de différentes habiletés de lecture au cycle 3

L'élève de 8 à 10 ans est « un apprenti stratège»19, il acquiert des stratégies de compréhension efficaces et variés.

On est sur le travail de la prise d'indices pour aider à la compréhension du texte : se servir du contexte pour comprendre des mots inconnus, déchiffrer les connecteurs, les mots de substitution. L'élève analyse les processus métacognitifs de compréhension.

« Cependant, il est certain que le lecteur du deuxième cycle ne se limitera pas aux stratégies de compréhension ; il développera également sa capacité à réagir aux textes littéraires, à exploiter l’information contenue dans les textes informatifs. »20

J. Giasson explique que le lecteur met en jeu différentes habiletés de lecture21. Pour comprendre le texte qu’il lit, il doit avoir des connaissances sur la langue et le sujet du texte. Elle distingue cinq habiletés différentes :

1. les microprocessus qui concernent le déchiffrage des mots, propositions, phrases. 2. Les processus d’intégration qui concernent les connecteurs, les liens entre les phrases. 3. Les macroprocessus qui concernent l’idée principale 4. Les processus d’élaboration qui permettent le dépassement du texte et son appropriation

personnelle. 5. La métacognition qui s’intéresse à la gestion de la compréhension et aux ajustements du

lecteur. Les différents processus sont mis en jeu simultanément. Dans les compétences à acquérir à la fin du cycle 3, on souhaite d’ailleurs que les élèves soient capables de dégager le thème d’un texte, de repérer des informations explicites, mais aussi d’inférer des informations implicites. Pour réussir cela, l’élève doit mettre en jeu des processus d’intégration afin de dégager au mieux les informations explicites, des macroprocessus lorsqu’il s’agit de dégager le thème du texte et des processus d’élaboration lorsqu’il doit inférer de l’implicite.

La compréhension au cycle 3, c’est donc une compréhension multiple : si on doit continuer à travailler sur l’observation syntaxique on doit surtout entraîner l’élève à rechercher des informations explicites, inférer des informations implicites afin de pouvoir dégager des thèmes, saisir l’idée principale, développer un regard critique.

Mais la vraie difficulté, au-delà de l’identification des processus de compréhension et des habiletés mises en jeu dans le quotidien de la classe, c’est d’adapter les activités à l’hétérogénéité des niveaux de lecture.

18

Programmes de l’école primaire, Bulletin officiel hors-série no 3 du 19 juin 2008 19

J.Giasson, la lecture, de la théorie à la pratique, outils pour enseigner, De Boeck, 2005 20

J. Giasson, La lecture, de la théorie à la pratique, outils pour enseigner, De Boeck, 2005, p 220 21

La compréhension en lecture, Jocelyne Giasson, 2000

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I.B.2. Faire cohabiter des niveaux de lecture hétérogène

Dans une classe de CM1, les niveaux de lecture sont extrêmement disparates. Certains élèves sont déjà des lecteurs efficaces capables de dégager les idées principales des textes, quelle que soit leur longueur. Certains font preuve d’une véritable boulimie de lecture.

D’autres sont en revanche extrêmement défiants vis à vis du livre. Lire semble représenter un véritable effort. Il faut les accompagner, leur permettre de lire à plusieurs, créer des situations agréables, où chacun pourra être outillé de manière adéquate.

Une petite partie enfin arrive en Cm1 en ayant un niveau de lecture proche du simple déchiffrage.

Comment faire cohabiter ces niveaux de lecture si différents à l’intérieur d’un même projet de lecture ? Au-delà des habiletés de lecture, il s’agit de trouver un socle commun de compréhension en construisant des activités adaptables à tous les niveaux. La question est donc de mettre l’élève en position de lecteur quel que soit son niveau. C’est la structure narrative qui va nous y aider en impliquant l’élève dans le texte, en lui donnant des possibilités pour entrer dans le récit.

I.B.3.Mettre en relation le texte et le lecteur.

« La compréhension d'un récit de fiction implique la construction progressive d'une représentation mentale de l'univers de l'histoire, des objets et des êtres qui le peuplent et des faits qui s'y déroulent. »22

Cette lecture comme construction résulte d’un processus transactionnel entre le lecteur et le texte23. L.M. Rosenblatt24, cité par J.Giasson, montre que le lecteur dans cette transaction peut adopter deux positions : une position utilitaire et une position esthétique. La première position se borne à comprendre l’information alors que la deuxième donne une place « aux émotions et aux sentiments suscités par les expériences relatées dans le texte. » On attend alors du lecteur qu’il visualise les scènes, qu’il ressente les émotions des personnages, qu’il réagisse aux évènements.

Rosenblatt montre que la position esthétique recourt davantage aux « aspects privés de la signification », lesquels s’attachent aux attitudes et aux sentiments suscités par les mots et qui s’opposent aux « aspects publics de la signification », attachés au sens objectif des mots.

Ces deux positions ne sont pas incompatibles. Mais elles peuvent éclairer nos attentes en tant qu’enseignant lorsque les élèves lisent un texte littéraire. Le travail demandé ne pourra se borner à des seules questions sur les contenus car ce sont seulement des aspects publics de la compréhension.

«Lorsque le lecteur cherche à comprendre l’information contenue dans le texte, à étudier le texte, sa position est utilitaire ; par contre, lorsque le lecteur focalise son attention sur les émotions et les sentiments suscités par les expériences relatées dans le texte, lorsqu’il visualise les scènes, ressent les émotions du personnage et réagit aux évènements, sa position est esthétique. »25

Imaginer les personnages afin de mieux les identifier, visualiser les scènes, sentir la chronologie induisent donc l’adoption d’une position esthétique chez l’élève. Cette position convient mieux aux textes littéraires qui ont pour but de susciter une expérience chez le lecteur. Et c’est de cette expérience que pourra naître la constitution de l’image mentale du récit, notamment des personnages et du cadre spatio-temporel.

22

Jean Michel Dumortier et Micheline Dipsy, aider les JEUNES élèves et comprendre et à dire qu'ils ont compris le récit de fiction, coll. Tactiques, Presses universitaires de Namur, 2006, p.33 23

J. Giasson, La lecture, de la théorie à la pratique, 2ème édition, Gaëtan Morin éditeur, 1995, p15 24

« literature-SOS ! », Language Arts no 68, p444 et suivantes 25

J. Giasson, La lecture, de la théorie à la pratique, 2ème édition, Gaëtan Morin éditeur, 1995, p15

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On peut donc dire que c’est en guidant l’élève, par des activités sur la structure, que celui-ci pourra s’approprier le texte car il se mettra dans une position de lecteur adapté au texte proposé.

I.C. Aider l’élève à formaliser la compréhension des récits

L’identification de la structure narrative servira de guide à l’élève et l’aidera à comprendre le texte qu’il lit. Mais je vais montrer ici que plus qu’un guide, la compréhension de la structure narrative est déjà une traduction du texte et donc une compréhension de celui-ci. Les activités sur la structure, en tant que production d’images ou de schémas, induisent déjà une interprétation du texte.

I.C.1. Traduire sa lecture

Il faut donc mettre en place des activités qui permettent aux élèves d’exprimer la structure narrative. Mais ces activités ne seront pas seulement des comptes-rendus de ce que pense l’élève, elles vont lui permettre de construire sa compréhension.

En effet, selon Jack Goody26, la pensée n’est pas distincte d’une série d’actes de langage et de communication. L’écriture ne peut être considérée comme une simple transcription mais bien plus une traduction de la pensée.

Elle transforme les processus cognitifs. En science, on parle de formalisation de la pensée. La science réfléchit en effet aux conditions concrètes de stockage et d’accumulation du savoir. Tableaux, listes et formules prennent une grande importance.

Par ailleurs, il note que dans ces types d’écrits le discours critique ne peut s’exercer que sur un capital cumulatif de savoirs écrits, que l’on peut réinterroger.

Dans mes projets, les groupes de lecteurs vont donc formaliser leur pensée au travers des activités graphiques. Avec les dispositifs que j’ai nommé « portrait-soleil », « chemin du livre », « flèche du temps », «construction de maquettes » et qui seront expliqués dans ma deuxième partie, les élèves construisent des outils pour stocker les informations.

Par l’accumulation des informations sur le récit, la pensée critique de l’élève sur sa lecture se construira tout au long des séances de littérature, Chaque nouvelle séance sera une occasion d’interroger les résultats des séances précédentes.

Ce qui semble notamment intéressant c’est la possibilité laissée à chacun de mener son propre cheminement. Ainsi, un élève défiant vis-à-vis de la lecture, qui n’aura pas réussi à lire seul le récit proposé pourra s’appuyer sur ces activités menées autour du cadre narratif pour revenir sur le texte.

L’analyse de ce cadre aide donc l’élève à structurer sa pensée sur le texte. Confronté à la nécessité de construire une représentation de sa la lecture avec des images ou des schémas, l’élève est donc dans une démarche personnelle de compréhension.

I.C.2. Se servir des images pour exprimer sa compréhension

On a vu que les dispositifs graphiques proposés aux élèves vont lui permettre de stocker et d’analyser les informations du récit. Or, ces représentations font nécessairement appel à la question de l’image.

On peut alors considérer que ce qui se joue dans la lecture d'un récit de fiction, c'est la capacité pour l’élève à construire une image de ce qu'il lit. Et il semble que ces productions conscientes d’images mentales sur la structure favorisent la compréhension en lecture.

En effet, J.Giasson a travaillé sur cet intérêt de la représentation pour appréhender la structure des textes, mais elle s’est limitée aux textes informatifs et ne propose que des schémas27.

26

Jack Goody , la raison graphique, la domestication de la pensée sauvage, 1977

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Je pense que c’est intéressant d’utiliser cette représentation pour les textes littéraires puisqu’ils obéissent tous, on l’a vu, à une même structure : des personnages dans un cadre spatio-temporel. Il est en revanche important de considérer que le lecteur face à ces récits adoptera plutôt une position esthétique. Il faudra donc, contrairement à ce qui est mis en jeu dans la représentation d’un texte informatif, prendre en compte une part de subjectivité dans les représentations des élèves. L’interprétation de la structure du texte deviendra alors plus libre que dans le cas d’un texte informatif.

Pour appuyer cette proposition, nous pouvons citer V. Gyselinck28 qui présente un état des recherches sur la mise en relation du rôle bénéfique des illustrations sur la compréhension de textes. Elle montre notamment que la compréhension de textes décrivant des environnements spatiaux conduit à la construction d’un modèle mental spatial. « Il est à l’heure actuelle largement admis que comprendre un texte nécessite la construction référentielle de la signification du texte : une représentation de la situation évoquée par le texte. 29»

Cette remarque renforce donc l’idée que l’image mentale et l’image visuelle se construisent l’une avec l’autre. On comprend un texte car on imagine la situation évoquée par le texte. Mais cette situation se nourrit de nos propres références.

Voici, pour illustrer cette idée, la transcription d’une discussion avec un groupe d’élèves sur la manière dont ils ont travaillé pour représenter le cadre spatial de leur histoire. A propos du livre « la

question qui tue »30, ils montrent clairement qu’ils ont reconstruit l’environnement spatial de l’histoire en s’appuyant sur ce que disait l’auteur mais aussi en faisant appel à des références personnelles permettant une représentation cohérente du cadre.

Cette activité est appelée en classe le « chemin du livre ». Je leur demande de m’expliquer comment ils ont travaillé : J: Il fallait refaire le chemin du personnage dans l’histoire en le dessinant. M : Comment avez-vous fait ? Ma : On a cherché dans les livres pour avoir beaucoup de détails. L : Par exemple, si elle avait une télé dans sa chambre, on ne pouvait pas le savoir comme ça. M : Et pourquoi fallait-il le savoir ? E : Pour mettre un peu de détails et décorer, pour faire joli. J: Pour remplir un peu plus l’image. M: Qu’avez-vous dessiné ? E montre sur le dessin les différents lieux. Seul un lieu, la charcuterie, me semble ne pas être présent dans le livre, mais a été dessiné par les élèves. M : Pourquoi une charcuterie ? Elle n’était pas dans le livre. Ma : Moi par exemple quand je vais chercher mon pain, il y a plusieurs magasins à côté. J : Comme ça, on a décidé de dessiner une charcuterie, comme ça. E : Bien sûr si ça se passe en ville on ne va pas dessiner n’importe quoi. M : Donc, sinon, tous les autres lieux ont un rôle important dans l’histoire ? Ma : Oui, par exemple la boulangerie (…) M : Donc, pour comprendre, vous avez d’abord dessiné les différents lieux en les cherchant dans le livre ou en vous rappelant ?

27

J. Giasson, La lecture, de la théorie à la pratique, outils pour enseigner, De Boeck, 2005, p.262 28

V. Gyselinck, illustration et modèles mentaux dans la compréhension de textes. In : L’année psychologique. 1996 vol. 96, No3 29

Idem p. 499 30

Annexe B2

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Ma : On les a cherchés, on a gardé les plus importants, où elle allait le plus souvent. Par exemple l’église, elle n’y va qu’une fois mais c’est important.

Les élèves jouent ici sur une sorte de contextualisation de l’histoire. Ils décident de rendre leur dessin cohérent avec ce qu’ils ont lu mais aussi cohérent avec ce qu’ils se sont imaginé. Le cadre de l’histoire est posé de manière judicieuse. Il y a une connexion entre leur imaginaire et l’histoire. Cette activité leur a permis de prendre conscience de cette image mentale. Il y a un véritable engagement dans le texte.

J’ai donc montré dans cette première partie que, plus que sur le texte littéraire, mon étude porte sur les récits fictionnels, parce qu’ils possèdent une structure narrative. C’est la traduction de cette structure qui impliquera l’élève dans sa lecture et lui permettra de développer des compétences de lecteurs. Ces connaissances s’accumuleront au fil des séances. Elles aideront l’élève à saisir des informations explicites, implicites, à dégager les idées principales, à développer une pensée critique sur le récit lu.

Je vais maintenant présenter les différents dispositifs que je mets en place dans la classe afin de créer un cadre propice à cette traduction du récit fictionnel.

Page 14: Mémoire Etienne Barth

13

II. Des activités autour de la structure narrative pour améliorer la compréhension en lecture.

Dans cette partie je présenterai les activités mises en place permettant de repérer la structure des récits fictionnels. Mon objectif est de donner des habitudes mentales d’analyse aux élèves en systématisant ces dispositifs à chaque lecture. Les programmes nous demandent de rendre l’élève capable « d’adapter son comportement de lecteur aux difficultés rencontrées : notes pour mémoriser, relecture, demande d'aide, etc. »31 L’enseignant a donc pour rôle d’outiller l’élève afin qu’il puisse appréhender ses lectures. Je vais montrer que la structure narrative peut jouer ce rôle de support d’analyse permettant de comprendre un texte.

Mon hypothèse est en effet que les activités de mise en images et de schématisation autour de la structure narrative, « portrait-soleil », « chemin du livre », « flèche du temps » et « construction de maquette » apporteront à l’élève une aide analytique:

ils vont lui permettre de chercher des éléments récurrents et lui donner des habitudes de lecture. Ainsi, dans chaque livre auront-ils pris l’habitude de rechercher les éléments de structure.

ils vont aussi lui permettre de rendre compte de leur lecture et de traduire leur pensée sur ce récit.

Afin de vérifier l’efficacité de ces activités, je proposerai une analyse des performances des élèves en lecture lorsqu’ils pratiquent ces dispositifs.

II.A. Imaginer les personnages

II.A.1. « Le portrait soleil », dispositif pour caractériser les personnages

« En littérature, le portrait est une description, il donne donc en ordre successif ce que la vue représente simultanément, (…). Le portrait littéraire peut indiquer directement les aspects non visibles de la personne, par exemple donner ses caractéristiques psychologiques. Enfin, il ne faut pas négliger l'existence du portrait musical, qui peut ne rien montrer des traits ou du signalement du modèle, mais qui peut (…) évoquer l'allure de la personne, son genre de dynamisme d'action ou de pensée, l'accord ou le désaccord intérieur de son psychisme ; ce n'est ni une représentation ni une description mais une évocation. »32

Le portrait n’est donc pas une simple description des aspects visibles (son aspect physique) et non visibles (son caractère par exemple) d’un personnage. C’est aussi une appréhension du personnage. En littérature, il existe différentes interprétations possibles d’un personnage, notamment au regard de ses actes, de ses choix. Comprendre comment il agit peut permettre de comprendre qui il est.

Pour appréhender tous ces aspects, il est important d’essayer de replacer le personnage dans l’histoire, de comprendre ses réactions face aux évènements.

Ainsi, pour réussir ce travail sur le portrait, je propose aux élèves de réaliser ce que j’appelle un « portrait-soleil »33. Dans ce schéma, les élèves ont pour consigne de rechercher un maximum d’informations sur le personnage en relisant le texte. Ces éléments sont classés en six rayons partant du nom du personnage, placé au milieu de la feuille.

31

Les programmes de l’école primaire, Bo du 19 juin 2008 32

Etienne SOURIAU, Vocabulaire d’esthétique, Paris : P.U.F., 1990 33

Voir l’annexe A, exemples de travaux d’élèves

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Ils doivent donc prélever des éléments visibles, le physique, l’identité, non visibles, l‘aspect moral notamment, mais aussi toutes les caractérisations du personnage au regard de ses activités, de ses relations, de ses goûts.

Dans « Mon sorcier bien aimé », Audren nous raconte l’histoire d’un enfant sorcier qui veut conquérir son indépendance au prix de la perte de ses pouvoirs.

Voici une transcription des élèves au sujet du portrait soleil dans « Mon sorcier bien aimé ».34 Je souhaite savoir si le portrait est une notion comprise par les élèves. Moi : Qu’est-ce qu’il fallait faire ? Naïla : Il fallait décrire le personnage principal, ses activités, ses relations, ses goûts, le physique Moi : Avant cette activité, faire un portrait, saviez-vous ce que ça voulait dire ? Tous : Non. M : Est-ce que, maintenant, c’est plus facile avec le portrait soleil ? Naïla et Victoria : Oui M : A quoi vous sert ce travail ? Victoria : A faire un résumé en gros, d’Amazir N : Du personnage principal. M : Qui est Amazir ? Pouvez-vous m’en dresser un portrait ? Naïla : Un garçon de 9 ans, qui a 23 taches de rousseurs, qui n’aime pas trop la sorcellerie, il a quand même des copains, personne ne sait que c’est un sorcier. M : Que veut-il? N :. Il ne veut plus avoir de pouvoirs.

La méthode semble avoir été comprise par ces élèves. L’analyse de Naïla est intéressante. Elle fait le parallèle entre l’activité et les relations d’Amazir. Son rejet de la sorcellerie et l’importance d’avoir des copains. Le personnage est placé au cœur de l’histoire et Naïla a saisi une explication de son comportement. Je pense qu’elle a pu le faire car l’activité mise en place lui en offrait les conditions.

Ce dispositif clarifie en effet la notion de portrait chez l’élève en proposant six catégories distinctes de caractérisation mais aussi, je vais le montrer maintenant, elle propose un cadre formel favorisant le travail et la réflexion de l’élève.

II.A.2. Créer des habitudes analytiques

J’ai observé que la pratique de ce dispositif schématique pour synthétiser le portrait permettait plus facilement la mise en activité des élèves que d’autres pratiques telles que la fiche de lecture, les résumés ou les questions sur le texte par exemple. J’ai identifié plusieurs raisons.

Je ne connais pas de difficulté de passation de consigne lorsque je présente cette activité aux élèves (je parle de mon expérience personnelle en cycle 3 sur plusieurs années, sur de nombreux projets de lecture). Les élèves sont rapidement réceptifs à l’aspect formel de ce schéma. Très rapidement, ils se concentrent sur les contenus et la signification des différentes branches autour du cercle central.

Ce dispositif permet d’accumuler les connaissances sur le personnage. En classe, cela joue directement sur la manière de travailler des élèves. Je constate qu’ils prennent plaisir à recueillir un maximum d’éléments afin d’étoffer leur schéma.

L’affichage des schémas est propice aux synthèses collectives car cela permet de visualiser rapidement le travail. Il permet donc d’en rendre compte facilement mais est aussi bénéfique pour les comparaisons entre deux personnages ou entre deux portraits d’un même personnage. Nous pouvons interroger et réinterroger les travaux de la classe. Nous pouvons

34

Voir annexe A5, travail des élèves sur ce livre.

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15

aussi discuter du classement des éléments. Il peut y avoir, par exemple, des confusions entre le caractère, les goûts du personnage. Mais ces confusions, en apparaissant sur le visuel produit par les élèves, permettent la discussion.

Ce travail convient à différentes organisations de classe : travail de groupe, individuel, collectif. Je peux aussi demander aux élèves de rechercher individuellement avant de se regrouper pour qu’ils comparent leurs travaux.

Ce dispositif convient à différents types de projets : la lecture en réseau autour d’un thème ou d’un auteur, la lecture individuelle d’un même roman. Cette remarque joue d’ailleurs sur ma programmation annuelle en littérature. En effet, pour accéder plus facilement à la maîtrise de ce dispositif, j’ai constaté qu’il pouvait être intéressant de présenter cette activité en début d’année en s’appuyant d’abord sur une lecture d’albums. Cette année les élèves ont par exemple caractérisé des personnages dans les albums de Tomi Ungerer. L’image proposée par l’auteur leur a permis de visualiser de nombreux traits physiques du personnage, puis j’ai pu leur montrer que nous pouvions découvrir d’autres éléments en nous attachant aux expressions du personnage, à ses réactions lorsque se produit un évènement. Enfin, je leur ai montré que c’était le texte qui nous donnait des informations plus précises sur le personnage.

Par exemple, dans « Jean de la Lune35 », l’image nous donnait des renseignements sur son physique, son caractère (« Il est gentil ») mais ne permettait pas d’étoffer le « portrait-soleil ». Il est dessiné comme quelqu’un de doux et pourtant dans le texte, l’auteur montre qu’à son arrivée sur Terre, « il terrifie les bêtes et les gens. » Les élèves ont ainsi découvert un personnage beaucoup plus complexe qu’il ne paraît sur l’image, notamment en raison du regard que les autres portent sur lui.

Avec cette activité, les élèves ont pu dépasser l’opposition manichéenne « gentil-méchant » trop souvent proposée lorsqu’il s’agit de dresser un portrait.

En répétant ce dispositif dans chaque projet de lecture, je donne aux élèves des habitudes de travail. Ces habitudes systématiseront le travail du portrait dans chaque lecture. L’élève apprendra donc à repérer les éléments sur le personnage dans un livre et pourra plus facilement classer ces éléments.

Le travail sur le cadre spatial part des mêmes postulats : créer un dispositif qui se répète afin de susciter des habitudes d’analyse sur les lieux d’un livre. Les remarques sur les habitudes de travail seront sensiblement les mêmes. C’est la forme de la représentation, image ou maquette ainsi que la manière de rechercher les informations qui vont changer.

II.B Imager le cadre spatio-temporel

Tout comme pour le « portrait-soleil » les activités autour de la caractérisation des lieux partent d’une consigne simple : « il faut mettre en image les différents lieux où se déroule l’histoire.»36 L’objectif est de repérer les lieux mais aussi les déplacements afin que les élèves puissent mieux comprendre le déroulement du récit.

II.B.1.Le chemin du livre

Cette première étape consiste à représenter par le dessin une vision la plus exacte et précise possible des lieux du récit proposé ainsi que des déplacements du personnage principal. J’ai observé qu’il est plus efficace de construire cette activité en deux séances. Les élèves font d’abord un inventaire des différents lieux rencontrés dans chaque roman. C’est ensuite qu’ils réalisent une illustration.

35

Tomi Ungerer, Jean de la Lune, Ecole des loisirs, première édition française en 1969. J’ai présenté ce texte sur le TNI en séance collective 36

Annexes B

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Pour l’élève, la tâche consiste à reprendre le livre dans son déroulement, noter les lieux rencontrés, trouver dans le texte des descriptions spatiales les plus précises possibles et ensuite organiser l’image pour réussir une représentation fidèle. C’est un travail difficile et encore une fois, c’est l’accumulation des informations qui va en déterminer la réussite.

Une première séance où les élèves ne dessinent pas mais notent schématiquement les différents lieux et les déplacements me paraît nécessaire. Le dessin doit en effet s’appuyer sur des données objectives pour pouvoir être clair et précis. Les élèves extraient les informations du livre afin de mieux les traiter.

C’est dans une deuxième séance que les élèves réalisent un dessin. Cette deuxième séance reprendra les informations recueillies précédemment mais n’empêchera pas les élèves de continuer à collecter des informations dans le livre. Le vécu de l’élève est lui aussi sollicité : lorsque l’action se passe dans une cour d’école, l’auteur nous donne des informations, mais on se rend compte que lorsqu’il faut dessiner ce lieu, notre image mentale est souvent plus précise car elle se réfère à notre propre vécu afin d’en construire une représentation cohérente.

C’est l’occasion de débattre entre les élèves : comment dessiner cet immeuble, cette forêt ? Ce travail est un moyen de faire prendre conscience aux élèves de la part d’éléments objectifs donnés par l’auteur et de la part d’imagination qu’ils mettent en œuvre37.

Pour des raisons pratiques, je demande aux élèves de dessiner chaque lieu sur une feuille indépendante. Cela leur permettra ensuite de se consacrer à l’agencement de l’image en prenant en compte les déplacements. Cette segmentation leur permet de se concentrer sur chaque lieu afin d’en être le plus proche possible de celui décrit par l’auteur et ensuite de vraiment prendre conscience des déplacements du personnage.

Enfin, dans un travail de groupe, cette méthode permet aussi aux élèves de se répartir les dessins afin que chacun puisse être en activité. Un élève sera chargé de dessiner la maison du personnage, un autre l’école…

Dans le prolongement de cette séance je propose aux élèves de réaliser, en s’appuyant sur cette représentation, une maquette.

II.B.2 : Construction de maquettes

Les élèves réalisent donc en groupe des maquettes qui permettent de représenter le décor du livre qu’ils ont lu38.

Dans ces activités, ils matérialisent la construction mentale du récit. Chaque élève est ainsi confronté à sa propre représentation qu’il doit mettre en lien avec les contraintes matérielles imposées par la réalisation de cette maquette. C’est un travail qui leur plaît beaucoup. Lors de ces réalisations, ils accordent énormément d’importance aux détails. Ce travail, réalisé en groupe, permet alors de discuter de la pertinence de certains choix.

La construction se fait de manière très progressive. Je ne développerai pas les liens transversaux entre littérature et activité manuelle que ce dispositif permet de mettre en place. Je constate simplement que la volonté de représentation précise et détaillée des élèves les incite à retourner régulièrement dans le livre, à s’appuyer sur le texte.

Voici une discussion réalisée entre trois élèves et moi à propos du livre « le poisson qui souriait39 » et qui illustre bien les enjeux de cette activité. Dans ce livre, un garçon est à la recherche de René, son poisson disparu.

37

Partie I.C.2, le dialogue avec les élèves sur la construction du chemin du livre. 38

Annexes D et D’ 39

Annexe D4

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M: Que vous êtes-vous dit par rapport à la maquette ? A : Autant ne faire qu’un lieu et bien le montrer, puisque c’est le lieu le plus important. M : Vous pensez que vous êtes proches de la maison du livre ? N: Oui. A : Oui et non. On a fait par exemple une télé, parce qu'on dit dans l'histoire qu'il y en a une, un bocal parce que c'est là où René disparaît. N: Un moment il parlait de la sonnerie, mais on ne l'a pas faite. A: Ils n’ont pas dit que par exemple il y avait une douche ou une baignoire et nous on a fait une baignoire, on a mis un cheval dedans pour rigoler. M: Vous avez mis beaucoup de couleurs dans votre maison. Pourquoi ? A: Moi je trouve que c'est trop triste les murs tout en blanc. S: Ouais, ça fait un peu comme un hôpital. M: C'est parce que l'histoire n’est pas triste. A: Ben oui, il rencontre des personnes, il a un nouveau chien, puis il passe des moments avec sa sœur. C'est triste qu'il n'ait pas René mais c'est aussi bien parce qu'il va avoir des nouvelles choses.

Les élèves sont une nouvelle fois confrontés à un double enjeu : la représentation fidèle de ce que décrit l’auteur mais aussi la traduction de leur interprétation personnelle de l’histoire. Les couleurs ont une justification : malgré la disparition de ce poisson rouge, l’histoire est remplie d’éléments positifs et c’est ce qu’ils veulent montrer en utilisant une grande palette de couleurs.

Je pense que les deux activités que je viens de présenter, « le chemin du livre » et la « construction de maquettes » sont tout à fait complémentaires. La première est nécessaire pour construire la deuxième et la maquette permet aux élèves de valider leur représentation du « chemin du livre ».

C’est encore une fois la traduction de la lecture sous des formes différentes qui va permettre le stockage des informations. Mais ici, on voit qu’avec les maquettes, les élèves ont en plus eu l’occasion de matérialiser une pensée critique sur le livre : la maquette est colorée car l’histoire, contrairement à ce qu’on peut croire, n’est pas triste.

Simultanément à cette « construction de maquettes », qui peut rentrer dans le cadre d’activités manuelles donc dans les Arts Visuels, je propose aux élèves de travailler sur la chronologie de l’histoire.

II.B.3 : La « flèche du temps »

De la même manière que sur les personnages ou les lieux, je demande aux élèves de représenter l’histoire sous la forme d’une « flèche du temps ». La consigne est une nouvelle fois simple : « combien de temps dure l’histoire ? »40

Ce troisième type d’activité, après les portraits et le cadre spatial, me semble être le plus complexe. « La flèche du temps » fait référence à une expression utilisée d’abord par la physique « pour décrire le fait que le temps semble s’écouler toujours dans la même direction(...)La « flèche du temps » (« timeline » pour les anglophones) désigne aussi certaines formes chronologiques de présentation des évènements le long d'une flèche dessinée (de gauche à droite, de haut en bas en général), qui désigne le temps qui passe.41»

Plusieurs raisons me poussent à organiser ce travail en littérature :

40

Annexes C 41

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fl%C3%A8che_du_temps

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18

Les programmes de l’école primaire souhaitent que « l’élève soit capable, dans un récit, de s'appuyer sur les temps des verbes et sur les mots de liaison exprimant les relations temporelles pour comprendre avec précision la chronologie des événements. »42

En histoire, la frise chronologique est une « flèche du temps ». C’est donc une manière de représenter les évènements que les élèves connaissent et une connaissance qu’ils peuvent remobiliser.

Mais, plusieurs difficultés apparaissent :

certaines histoires ne sont pas linéaires (les flashbacks par exemple)

Il peut y avoir un enchaînement d’actions sur une très courte période, une simultanéité des évènements et cela peut s’enchaîner avec de très longues périodes non racontées.

Je n’attends pas de l’élève une retranscription exacte, précise, à l’échelle, du déroulement du récit. Par cette activité, je souhaite que l’élève prenne conscience de la complexité de la perception du temps.

Je veux aussi que l’élève puisse sentir la différence entre l’histoire et la narration. La narration, c’est le montage de l’auteur qui raconte l’histoire. Dans cette narration, les évènements ne se présentent pas nécessairement de manière chronologique. L’élève doit alors comprendre combien il est important, pour rendre une histoire cohérente, d’indiquer précisément des repères temporels.

La première tâche des élèves sera ici grammaticale puisqu’ils devront repérer un maximum de compléments circonstanciels de temps dans le livre et de comprendre ce qu’ils désignent (une durée, une date, un moment précis, imprécis…). Il s’agira ensuite de mettre tous ces éléments temporels et ce qu’ils désignent dans l’ordre chronologique. Encore une fois, les « flèches du temps » n’ont pas pour objectif de présenter une chronologie précise et à l’échelle du déroulement de l’histoire (cette tâche s’avère d’ailleurs souvent impossible car l’auteur ne précise pas toujours la durée précise entre deux évènements par exemple). Cette activité est une manière de clôturer les activités sur la structure, de reprendre une nouvelle fois le texte, de manipuler une nouvelle fois le livre et de se faire une idée cohérente de la durée de l’histoire.

J’ai présenté ici quatre activités permettant de dégager la structure narrative du récit : « portrait-soleil », « chemin du livre », « construction de maquettes » et « flèche du temps ». On voit qu’elles ont permis aux élèves de bien saisir le cadre de l’histoire, qu’elles sont des outils pour mieux lire et offrent une multitude d’entrées dans le texte. Mais sont-elles suffisantes pour permettre un travail d’interprétation du texte? Permettent-elles aux élèves de bien repérer les différents évènements, les différentes situations qui s’enchaînent dans le récit ?

II.B.4 : La trame narrative au cœur de chaque activité

En traitant les questions Qui ? où ?et quand ?, l’objectif est de mieux aborder la trame narrative c’est-à-dire l’action de l’histoire.

Selon Jean Louis Dumortier et Micheline Dispy, « Action implique agent(s). L’agent c’est le personnage qui fait quelque chose intentionnellement. Il peut arriver des tas de choses à un personnage (naître, tomber amoureux, etc…) qui ne font pas de lui un agent, il est affecté par un évènement ou par l’action d’un autre agent mais il demeure passif. Certains personnages, généralement secondaires, plus rarement principaux subissent ainsi toujours sans jamais passer à l’action. » 43

42

Les programmes de l’école primaire, Bo du 19 juin 2008 43

Jean Michel Dumortier et Micheline Dipsy, aider les JEUNES élèves et comprendre et à dire qu'ils ont compris le récit de fiction, coll. Tactiques, Presses universitaires de Namur, 2006, p 54

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Par ailleurs, pour ces auteurs « les circonstances de temps et de lieu peuvent avoir une plus ou moins forte influence sur la production comme sur le déroulement de l’évènement ou de l’action. Mais elles peuvent aussi bien n’avoir aucune influence et dans ce cas il est raisonnable de les traiter en classe comme quantités négligeables. Questionner les élèves sur les circonstances quand elles n’importent pas ne se justifie guère que si, pour les cerner, l’inférence est nécessaire. Et encore ! A la condition de ne pas perdre de vue que les questions Où ? et Quand ? ne sont que des prétextes pour travailler l’inférence. »44

Pour ces auteurs, les questions qui ? où ? quand ? ne seraient que des prétextes au travail d’interprétation. Je suis en désaccord avec cette position. Il est selon moi toujours intéressant pour l’élève de dégager des informations sur le cadre de l’action. Cela lui permet de contextualiser l’histoire, lui fournit alors un socle d’analyse.

Dans le cas où les circonstances (Qui ? Où ? Quand ?) sont quantités négligeables (mais il me semble qu’un auteur ne prend jamais les circonstances comme quantités négligeables, que sa manière de caractériser les personnages, par exemple, a toujours une influence) il ne sera jamais inutile de les traiter.

Par exemple, dans les livres d’Audren que j’ai sélectionnés, il ne semblait pas toujours primordial de s’intéresser au lieu. Deux cas s’opposaient lors de l’activité « chemin du livre » : les titres « Réservé à ceux » et « Bizarre bizarre »

Dans le livre « Réservé à ceux45 », l’action se déroulait sur une plage où chaque lieu aidait à la compréhension de l’histoire. Il était notamment important de comprendre qu’une partie du livre se passait dans l’imaginaire du personnage principal.

Elle était en effet victime d’un délire après s’être évanouie sur sa planche à voile, perdue au large de la plage et se retrouvait face à des personnages imaginaires, assise sur un canapé. J’avais remarqué que les élèves n’avaient pas saisi le sens de cette partie. J’ai dû discuter avec eux de la place et de la représentation nécessaire du canapé dans leur dessin. La question « où ? » a alors permis de dénouer les fils de la trame narrative en montrant qu’il était possible de dessiner un canapé au milieu de la mer. Cela représentait l’imaginaire du personnage principal.

Le deuxième exemple propose un rôle différent « du chemin du livre » dans la compréhension de la trame narrative. Dans le livre « Bizarre, bizarre46 », l’histoire se déroulait entre la maison et l’école. Il n’y avait aucune difficulté notable à s’imprégner des lieux. Le lieu de l’action semblait n’avoir aucune influence sur l’action. Quel était alors l’intérêt de ce travail pour ce groupe ? Pouvait-il aider à la compréhension ? Dans ce livre, le personnage doit amener à l’école quelque chose de bizarre qu’il a trouvé dans sa maison. Mais le héros est en difficulté car tout est normal chez lui. La question « où ? » a d’abord donné lieu à une recherche détaillée afin de coller au plus près à la représentation. Il a ensuite fallu se demander ce que voulait dire l’expression normale. Comment représenter un lieu normal ? Cela a permis au groupe de débattre sur ce mot employé très souvent par les élèves. Dans cette presque unité de lieu les élèves ont dû chercher un maximum de détails dans le livre.

Dans les deux exemples, l’activité a donc été utile aux élèves puisqu’elle a permis de clarifier la compréhension de certaines notions importantes pour comprendre la trame narrative.

Je viens donc de montrer qu’étudier les circonstances de l’action dans un récit fictionnel entraîne nécessairement une compréhension de l’action elle-même. Les activités sur le cadre narratif sont plus qu’un prétexte pour travailler l’inférence. Elles nécessitent elles-mêmes un travail

44

Idem, p53 45

Annexe B’ 46

Annexe B6

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20

d’interprétation. Mais, peut-on définir des critères d’évaluation objectifs qui permettent de l’affirmer ?

II.C Définir des critères d’évaluation objectifs

Comment évaluer la lecture et la compréhension des élèves de manière objective ? Comment peut-on juger de l’efficacité des dispositifs graphiques mis en place pour la compréhension des récits fictionnels ?

II.C.I. Une évaluation individuelle sur un récit fictionnel court.

Afin d’évaluer la pertinence d’un travail de représentation graphique d’une lecture pour les élèves, j’ai décidé de leur proposer une situation de lecture individuelle texte court. La question que je pose avec ce protocole est de savoir si, sur un texte, dans une situation d’évaluation, le travail préparatoire sur la structure narrative permet aux élèves d’améliorer leurs performances de compréhension.

Le texte analysé est une nouvelle écrite par Roahl Dahl, « Les souris à l’envers »47. J’ai choisi un texte utilisé lors de l’étude internationale sur la lecture des élèves au CM1, Pirls 200148 dont les résultats ont été analysés par Martine Rémond49. Mais en préalable à la distribution du questionnaire, j’ai demandé aux élèves, dans une première séance, de réaliser :

un « portrait-soleil » permettant de caractériser au mieux le personnage principal dans cette histoire.

un « chemin du livre » permettant de définir le cadre spatial de l’histoire.

une « flèche du temps » permettant de dérouler la chronologie de l’histoire.

Après un court rappel des attentes du « portrait-soleil », j’ai pu laisser travailler les élèves individuellement. Les différentes activités étaient connues puisque les élèves les avaient découvertes lors des différents projets de littérature du premier trimestre.

Les élèves ont tous réussi à me proposer les trois représentations. Pour les portraits, le personnage a été bien défini. Néanmoins, quelques confusions apparaissent entre l’apparence physique, le caractère, la fiche d’identité.

Pour le cadre spatial, tous les élèves ont noté qu’il n’y avait que deux lieux dans l’histoire, la maison et le magasin. Beaucoup d’élèves sont restés vagues sur les dessins mais certains ont dessiné le salon à l’envers, élément important pour comprendre l’histoire.

La narration suivait une chronologie simple et régulière. L’indication de deux nuits et deux jours consécutifs indiquait que les élèves comprenaient les difficultés et l’ingéniosité mise en place par le personnage pour se débarrasser des souris. Cinq élèves ont ici montré des difficultés à représenter cette chronologie, deux ont en particulier montré une confusion entre le déroulement du temps et les déplacements dans l’espace.

Je leur ai donc soumis le lendemain le questionnaire PIRLS sur ce même texte.

Le tableau suivant est une annexe du travail de Martine Rémond. Il présente les résultats des élèves à certaines questions en déterminant l’objectif50 de la question51. Par exemple, la question M10 (où

47

Annexe F 48

Evaluation internationale qui a lieu tous les 5 ans. Pour plus de précisions : PIRLS 2011, étude internationale sur la lecture des élèves au Cm1 ; note d’information 12-21, MEN-DEPP 49

http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/reperes/RS035-3.pdf. 50

PIRLS 2011, étude internationale sur la lecture des élèves au Cm1 ; note d’information 12-21, MEN-DEPP. 4 critères d’évaluations sont retenus : « prélever des informations explicites », « faire des inférences directes »,

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M. Labon place-t-il les souris après les avoir ramassées sur le plancher ?) entrainait une réponse courte (RC) et évaluait la compétence nommée « prélever des informations ». Les niveaux représentent la difficulté de la question. Du niveau 1, plus facile, vers le niveau le plus difficile.

J’y ai ajouté une dernière colonne afin d’inclure les résultats de mes élèves.

Niveaux No et type de questions

processus Pourcentage moyen réussite

français internationaux Cm1 Painlevé

Niveau 1 M10/RC M7/RC

Prélever Inférer

93,3 81

84 69

85 77

Niveau 2 M6/RC M13/QCM

Interpréter Apprécier

50(2pts)/ 31 (1pt) 63

50(2pts)/ 27 (1pt) 68

57/25 54

Niveau 3 M3/QCM M11/RC

Inférer Interpréter

76 50

53 37

77 50

Niveau 4 M4/RC M8/QCM M12/RC

Interpreter Apprécier

interpréter

35 43

8 à 3 pts, 14 à 2 pts, 22 à 1 pt

31 46

10 à 3pts, 20 à 2 pts 31 à 1 pt

65 73

8 à 3pts 15 à 2pts 50 à 1pt

Mon objectif était de déterminer l’influence de ce travail préalable de représentation sur la compréhension d’un texte.

Je ne veux pas proposer de conclusions à la suite de cette évaluation car il est impossible de comparer les résultats de 26 élèves à des résultats nationaux portant sur plus de 4 000 élèves et internationaux portant sur plus de 54 pays. Je constate simplement que les élèves ont joué le jeu, ils ont tous proposé quelque chose pour les trois représentations schématiques de la structure narrative. Ils ont donc bien compris les enjeux et le sens de ces activités. Dans la grande majorité des cas ils ont proposé des réponses à la quasi-totalité du questionnaire (10 questions pour un total de 364 sont restées sans réponse).

S’il m’est impossible de proposer des conclusions objectives en ce qui concerne l’évaluation j’ai en revanche observé que les élèves, dans leur grande majorité, font preuve d’enthousiasme quand je leur propose ces séances de lecture. Ceux-ci ne manifestent pas de difficultés lorsqu’il s’agit de comprendre les consignes, que ce soit lors de travaux de groupes, ou comme on vient de le voir, lors de travaux individuels. Ils arrivent tous à me proposer un travail fini, ce qui prouve qu’ils ont tous fait acte de lecture et de compréhension.

En conclusion de cette deuxième partie, je souhaite montrer en quoi cet enthousiasme dont font preuve les élèves quand ils participent à ces dispositifs, même s’il est difficilement mesurable, semble important pour faire progresser les élèves dans la compréhension de la lecture.

II.C.3. Les autres critères visibles de l’intérêt de ce type d’activité de lecture.

Lorsque je demande aux élèves s’ils ont aimé pratiquer ces activités, les réponses sont très généralement positives. Certains me disent adorer construire les maquettes, d’autres se sont bien amusés quand il fallait dessiner « les chemins du livre ». Quelques élèves m’ont dit apprécier « la flèche du temps » ou le « portrait-soleil » car il leur a semblé mieux comprendre le livre.

Voici par exemple un extrait de discussion au sujet du livre « La question qui tue », discussion à propos du « portrait-soleil » :

« interpréter et assimiler idées et informations », « examiner et évaluer le contenu, la langue et les éléments textuels » 51

Pour le texte et les questions, se référer aux annexes E et F

Page 23: Mémoire Etienne Barth

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M : Quand vous lisez un livre, est-ce que c’est important de connaître la vie du personnage ? Ma : Oui, comme ça on peut mieux comprendre l’histoire. Par exemple si on nous donne le physique, on peut, s’il n’y a pas d’image, on peut mieux voir comment elle est. J : Plus imaginer. M : Qu’est-ce que ça veut dire imaginer ? J : Imaginer l’histoire dans sa tête, s’il n’y a pas d’images. (…) M : Avez-vous aimé faire ce travail ? Ma : C’était bien de chercher.

Je constate que ces séances ont motivé les élèves et qu’ils s’y sont engagés avec enthousiasme car les activités proposées (dessiner, construire) leur plaisaient. Certains, comme cet extrait le montre, ont en plus apprécié le fait de mieux comprendre l’histoire.

On voit donc que bien lire et bien comprendre sa lecture sont dépendants l’un de l’autre et le plaisir est au cœur de cela. Les Instructions Officielles insistent sur ce rôle dans la littérature. « Ces lectures cursives sont conduites avec le souci de développer chez l’élève le plaisir de lire.52 ». Il me semble que les activités que je propose, par leur diversité, leur manière d’aborder les livres, créent des conditions propices à ce développement du plaisir de lire en classe.

Ce plaisir naîtra avec la réalisation des dispositifs mais aussi grâce à la présentation des travaux finalisés. J’ai constaté que les élèves attachent beaucoup d’importance au visuel de leur travail, qui leur permet de mettre en valeur leur lecture.

Ce point est important. Les élèves sont fiers de pouvoir présenter leur travail, et ont ainsi plus de facilité à en rendre compte.

Or, les programmes préconisent que « les élèves rendent compte de leur lecture, expriment leurs réactions ou leurs points de vue et échangent entre eux sur ces sujets, mettent en relation des textes entre eux (auteurs, thèmes, sentiments exprimés, personnages, événements, situation spatiale ou temporelle, tonalité comique ou tragique...). »53

Ces supports visuels sont donc un appui fort pour débattre, discuter, échanger, que ce soit lors d’une lecture en réseau d’un même auteur comme je l’ai présenté dans ce mémoire, lors d’une lecture thématique (le thème du livre policier par exemple avec un repérage systématique des différents personnages et de leur rôle, des lieux du crime…) ou lors d’une lecture d’un même récit.

D’autres pistes de travail autour de cette structure narrative peuvent être explorées. J’ai présenté ici quatre dispositifs, « portrait-soleil », « chemin du livre », « construction de maquettes », et « flèche du temps » que j’ai mis en place de manière régulière dans ma classe, mais il me semble que d’autres pistes de recherche sont possibles, que ce soit sur la forme (varier la taille, utiliser différents matériaux…), les supports (se servir des maquettes pour construire des petits films d’animations qui racontent l’histoire du livre lu par exemple), les supports de lecture (travailler avec des albums, des BD, des contes, des fables…)…

52

Les programmes de l’école primaire, Bo du 19 juin 2008 53

Idem

Page 24: Mémoire Etienne Barth

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Conclusion

Peut-on dire que la mise en place de dispositifs schématiques, de dispositifs de mise en image et de fabrication de maquettes autour de la structure narrative permettent d’améliorer la compréhension des récits fictionnels ?

J’ai montré dans ce mémoire que les projets de lecture littéraire que je menais dans la classe suscitaient une participation active de la part des élèves et qu’ils avaient un plaisir certain à réaliser les activités proposées.

On constate aussi que pour le projet qui m’a servi de fil conducteur, les livres d’Audren ont été bien compris par les élèves puisque, lors des interviews, ils sont capables oralement de me raconter précisément les trames des livres lus. Les visuels produits sont par ailleurs fidèles au récit de l’auteur.

Sur la mise en place de ces activités dans la classe, on remarque qu’elles ont donné lieu à de nombreuses manipulations, à des allers-retours constants entre le livre et la feuille. C’est une vraie différence avec notamment une étude par chapitre, une construction de résumé. L’objet livre est abordé différemment.

On a vu également que ces activités permettaient de travailler les compétences de lecture de cycle 3 et permettaient en particulier de susciter le plaisir de lire et de mettre en relation les textes lus.

Enfin, cette méthode d’étude des livres propose un cadre ouvert. Les dispositifs que je mets en place peuvent être adaptés, peuvent évoluer selon nos objectifs, la difficulté des livres, le temps imparti au projet, les conditions matérielles…

Plusieurs questions restent néanmoins posées. Peut-on considérer que cette manière d’aborder la lecture littéraire en cm1 crée des habitudes à long terme. Ces outils d’analyse de la structure narrative sont-ils réutilisés spontanément par les élèves dans le cas d’une lecture autonome ou dans les classes supérieures ?

Peut-on considérer que l’élève améliore sa lecture en général ? Ces outils seraient-ils utiles par exemple pour des textes à visée informative?

Dans la classe, ces dispositifs trouvent par contre un prolongement direct lors de l’écriture d’histoires et créent pour l’élève un lien entre la lecture et l’écriture. C’est le cas par exemple pour le projet que je mène en partenariat avec la Villa Gillet. A la suite de la lecture des livres d’Audren et de sa rencontre, les élèves se sont lancés dans l’écriture personnelle d’une histoire. Le travail préalable sur la structure narrative a été pour eux un appui fort. Ils ont tous eu le souci de bien caractériser les personnages, de bien situer le cadre spatio-temporel. Certains ont spontanément construit des « portraits-soleils » de leur personnage. Ainsi ont-ils été aidés pour avancer de manière cohérente dans l’écriture. Ces outils ont créé un lien fort entre le lire et l’écrire dans la classe.

Page 25: Mémoire Etienne Barth

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Bibliographie

Adam, J. M. (1992). les textes: types et prototypes. Nathan Université.

Chauveau, G. (2011). Comment l'enfant devient lecteur; pour une psychologie culturelle de la lecture. Retz.

Devanne, B. (2000). lire et écrire, des apprentissages culturels, cycle des approfondissements (Vol. 2). Paris: Bordas.

Dispy, M., & Dumortier, J. M. (2006). Aider les jeunes élèves à comprendre et à dire qu'ils ont compris le récit de fiction (éd. tactiques). Namur: Presses universitaires de Namur.

Fayol, M. (2003). Aider les élèves à comprendre: du texte au multimedia. Hachette éducation.

Giasson, J. (2000). La compréhension en lecture. Bruxelles: De Boeck.

Giasson, J. (2005). la lecture, de la théorie à la pratique, outils pour enseigner. Bruxelles: De Boeck.

Goody, J. (1979). La raison graphique. Les éditions de minuit.

Gyselinck, V. (1996). illustrations et modèles mentaux dans la compréhension de textes. l'année psychologique.

Ministère de l'Education Nationale, B. O. (3 juin 2008). programmes de L'Ecole Primaire.

PIRLS. (2011). note d'information 12-21. MEN-DEPP.

PISA. (2009). cadre d'évaluation, les compétences clés en compréhension de l'écrit. OCDE.

Rémond, M. (s.d.). http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/reperes/RS035-3.pdf.

Tauveron, C. (2002). Lire la littérature à l'école. Paris: Hatier.

Page 26: Mémoire Etienne Barth

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Annexe A : les portraits soleils

Figure A1: portrait soleil Réservé à ceux

Figure A2: La question qui tue

Figure A3: Le petit prince noir…

Figure A4: Le poisson qui souriait

Figure A5: Mon sorcier bien aimé

Figure A6 : Bizarre bizarre

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Annexe B : les chemins du livre

B1: Les mots maléfiques B4: Le poisson qui souriait

B2: La question qui tue

B3 : Le petit prince noir... B6: Bizarre bizarre

B5: Mon sorcier bien aimé

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Annexe B’ : un exemple de chemin du livre :

Réservé à ceux

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Annexe C : les flèches du temps

C1: Réservé à ceux

C2: Bizarre bizarre

C3: La question qui tue

C4: Le poisson qui qui souriait

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Annexe D : les maquettes

D1: Bizarre bizarre

D2: Mon sorcier bien aimé détail

D3: Les mots maléfiques

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Annexe D’ : les maquettes

D4: Le poisson qui souriait D5: La question qui tue détail

D6: Le petit prince noir et les 1213 moutons

D7: Réservé à ceux

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Annexe E : Les souris à l'envers (texte de Roal Dahl)

Il était une fois un vieil homme de 87 ans appelé Labon. Il avait été toute sa vie une personne calme et paisible. Il était à la fois très pauvre et très heureux.

Quand un jour M. Labon découvre qu'il y a des souris dans sa maison, il ne s'en inquiète pas trop au début. Mais les souris se multiplient. Elles commencent à le tracasser. Et elles continuent à se multiplier, tant et si bien que M. Labon ne peut plus les supporter.

« C’est trop. Elles vont vraiment trop loin! », se dit-il. Le vieil homme sort de chez lui et se rend en clopinant jusqu'au magasin pour acheter des souricières, un morceau de fromage et de la colle.

De retour à la maison, il met de la colle au plafond. Puis il dispose soigneusement quelques morceaux de fromage sur les pièges ouverts.

Cette nuit-là, quand les souris sortent de leurs trous et voient les souricières au plafond, elles croient à une bonne blague. Elles se promènent sur le plancher, se poussent du coude et pointent le plafond de leurs pattes avant en se tordant de rire. C'est assez rigolo, des souricières au plafond.

Quand M. Labon descend le lendemain, il constate qu'aucune souris n'est prise au piège. Il sourit en silence...

Il saisit alors une chaise, verse de la colle sous les pattes et la colle à l'envers au plafond, près des souricières. Il fait la même chose avec la table, le téléviseur et la lampe. Finalement, il prend tout sur le plancher et le colle au plafond. Il ajoute un petit tapis.

Cette nuit-là, les souris sortent de leurs trous en ricanant et en faisant des plaisanteries sur ce qu'elles ont vu la veille. Mais cette fois, quand elles regardent au plafond, elles cessent vite de rire.

« Hé! Regardez là-haut! C'est le plancher! » gémit l'une d'elles. « Incroyable! Nous devons être au plafond! » s'exclame une autre. « Je commence à me sentir un peu étourdie », dit une autre. « Le sang me descend à la tête », se plaint une autre encore. « C'est horrible! » dit une très vieille souris aux longues moustaches. « C'est vraiment horrible! Il faut faire quelque chose tout de suite! » « Une seconde de plus à me tenir sur la tête et je vais m'évanouir! » crie une jeune souris. « Moi aussi! » « Je n'en peux plus! » « Sauvez-nous, quelqu'un! Vite, faites quelque chose! » Elles devenaient hystériques. « Je sais ce que nous allons faire », dit la très vieille souris. « Nous allons toutes nous tenir sur la tête et alors nous serons dans le bon sens. »

Docilement, elles se placent toutes sur la tête et au bout d'un long moment, le sang coulant vers leur cerveau, l'une après l'autre, elles s'évanouissent.

Quand M. Labon descend le lendemain, le sol est couvert de souris. Il les ramasse rapidement et les met dans un panier.

Voici ce qu'il faut retenir de cette histoire: chaque fois que le monde semble à l'envers, mieux vaut rester les pieds sur terre.

Page 33: Mémoire Etienne Barth

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Annexe F : questionnaire sur le texte de Roal Dahl

1. Pourquoi M. Labon veut-il se débarrasser des souris ? A. Il déteste les souris B. Elles sont trop nombreuses C. Elles rient trop fort. D. Elles mangent tout son fromage

2. Où M.Labon pose-t-il les souricières ? A. Dans un panier B. Près du trou des souris C. Sous les chaises D. Au plafond

3. La première nuit, quand les souris sortent de leurs trous, pourquoi se poussent-elles du coude et pointent-elles leurs pattes avant vers le plafond. A. Elles voient une chaise au plafond B. Elles trouvent que M. Labon a fait quelque chose de ridicule. C. Elles veulent le fromage qui se trouve dans les pièges. D. Elles ont peur de ce qu’elles voient. 4. Pourquoi M.Labon sourit en voyant les pièges vides ? Réponds en quelques mots. ___________________________________________________________________________________________5. Que fait M. Labon après avoir collé la chaise au plafond ? A. Il sourit sans rien dire. B. Il achète des souricières. C. Il colle tout au plafond. D. Il donne un peu de fromage aux souris. 6. La deuxième nuit, où les souris pensent-elles se trouver ? Que décident-elles de faire ? __________________________________________________________________________________ 7. Retrouve et copie une des phrases qui expriment la panique ressentie par les souris le deuxième soir. __________________________________________________________________________________ 8. Comment l’histoire t’apprend-elle ce que les souris pensent de la situation ? A. En disant ce que M.Labon pense des souris. B. En décrivant où vivent les souris. C. En disant ce que les osuris se disent entre elles. D. En décrivant de quoi ont l’air les souris. 9. Pourquoi le plancher est-il couvert de souris quand M. Labon est descendu le dernier matin ? A. Les souris s’étaient tenues sur la tête trop longtemps. B. M. Labon avait donné trop de fromage aux souris. C. Les souris étaient tombées du plafond. D. M. Labon avait mis de la colle sur le plancher. 10. Où M. Labon place-t-il les souris après les avoir placées sur le plancher ? __________________________________________________________________________________ 11. Penses-tu que les souris ont été faciles à tromper ? Oui ou Non ? Donne une raison. __________________________________________________________________________________ 12. Tu apprends quel genre de personne est M. Labon à partir de ce qu’il fait. Décris quel genre de personne il est et donne deux exemples qui le montrent. _________________________________________________________________________________ 13. Quels adjectifs décrivent le mieux cette histoire ? A. Elle est sérieuse et triste. B. Elle est effrayante et excitante. C. Elle est amusante et ingénieuse. D. Elle est palpitante et mystérieuse. 14. Rappelle-toi l’aventure de M. Labon et des souris. Explique ce qui rend l’histoire incroyable. __________________________________________________________________________________