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Julie CHOPIN Université Catholique de l'Ouest Institut des Sciences de la Communication et de l’Education d’Angers Année universitaire 2011 - 20012 MASTER 1 MEMOIRE DE RECHERCHE Information et Communication dans l’espace local et régional Portraits culturels en milieu dit « socialement défavorisé » : l’exemple des 15-24 ans habitant à la Roseraie et fréquentant le Centre Jean Vilar. Directeur de mémoire : Bertrand Bergier Session : Septembre 2012

Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

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Julie CHOPIN Université Catholique de l'Ouest

Institut des Sciences de la Communication et de

l’Education d’Angers

Année universitaire 2011 - 20012

MASTER 1

MEMOIRE DE RECHERCHE

Information et Communication dans l’espace local et régional

Portraits culturels en milieu dit « socialement

défavorisé » : l’exemple des 15-24 ans

habitant à la Roseraie et fréquentant le Centre

Jean Vilar.

Directeur de mémoire : Bertrand Bergier

Session : Septembre 2012

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Je, soussigné(e) Julie CHOPIN étudiant(e) à l'ISCEA en Master 1, certifie que le texte

présenté comme dossier (validé officiellement dans le cadre d'un diplôme d'Etat) est

strictement le fruit de mon travail personnel. Toute citation (sources internet incluses) doit

être formellement notée comme telle, tout crédit (photo, illustration diverse) doit également

figurer sur le document remis. Tout manquement à cette charte entraînera la non prise en

compte du dossier.

Fait à ANGERS le 20 aout.

Signature

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4

Remerciements

Merci à M. Bergier, pour sa disponibilité et sa réactivité face à mes questions,

mes inquiétudes mais aussi mon enthousiasme.

Merci à Jérémy, animateur au Centre Jean Vilar, sans qui mon terrain de recherche

se serait révélé difficile à aborder.

Merci à M. Lemaître pour m’avoir ouvert les portes de la Résidence des Jeunes

Travailleurs de La Roseraie.

Merci à mon père qui s’est montré d’un grand soutien.

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ..................................................................................................................... 7

I- Cadre contextuel et question de recherche ...................................................................... 9

1. La Roseraie : un quartier populaire d’Angers.................................................................. 9

2. Un accès à la culture et aux loisirs : le Centre Jean Vilar .............................................. 10

2.1 La Fédération Léo Lagrange ................................................................................... 10

2.2 Le Centre Jean Vilar ................................................................................................ 11

3. L’offre culturelle du Centre Jean Vilar ........................................................................... 12

II- Equipement théorique ..................................................................................................... 15

1. La Culture : éléments de définition ............................................................................... 15

2. Remise en question des fondements sociologiques dans l’étude des pratiques

culturelles ............................................................................................................................. 18

2.1. Légitimité culturelle, un concept reconsidéré ........................................................... 18

2.2 Une hétérogénéité des goûts individuels : les « variations intra-individuelles » ....... 19

3. Les portraits culturels : dissonances et consonances. .................................................. 21

III- Déploiement méthodologique ..................................................................................... 22

1. Les outils d’investigation ............................................................................................... 22

1.1. Entretien exploratoire semi-directif avec Jérémy Lach, animateur du Centre Jean

Vilar. ................................................................................................................................ 22

1.2. Construction du questionnaire pour l’enquête sur les « Offres et goûts culturels

dans le quartier de La Roseraie ». ..................................................................................... 24

1.3. Présentation du questionnaire .............................................................................. 26

1.4. Conditions d’administration des outils .................................................................. 31

IV- Analyse des résultats .................................................................................................... 33

1. La photo de classe des 15-24 ans habitant La Roseraie et fréquentant le Centre Jean

Vilar ....................................................................................................................................... 33

1.1 Qui sont-ils ? .......................................................................................................... 33

1.2. Quels sont leurs goûts culturels ? .............................................................................. 36

1.3. Quelles sont leurs pratiques culturelles ? .................................................................. 46

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2. Eléments de portraits culturels ..................................................................................... 49

2.1. Un portrait culturel consonant .............................................................................. 49

2.2. Un portrait culturel dissonant ................................................................................ 52

3. Le rapport à l’offre culturelle du Centre Jean Vilar ....................................................... 54

3.1. Ce qui a du succès / ce qui est délaissé. ................................................................ 54

3.2. Ce qui est sous investi ............................................................................................ 55

3.3. Ce qui est surinvesti ............................................................................................... 56

CONCLUSION ............................................................................................................................ 57

BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................ 59

SITOGRAPHIE ........................................................................................................................... 60

ANNEXES .................................................................................................................................. 61

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INTRODUCTION

Ce travail de recherche universitaire est consacré à l’étude du rapport à la

culture des 15 – 24 ans en milieu défavorisé et s’attache à construire les différents

profils culturels du public ciblé.

Le choix de ce sujet s’inscrit dans une démarche personnelle conforme à mes

attentes et à mon futur projet professionnel. En effet, mon souhait serait d’exercer le

poste de chargée de communication au sein d’une structure culturelle afin d’impulser

de nouveaux projets culturels et de dynamiser le rapport du public aux « objets

culturels »1. Cette étude est l’occasion de conjuguer ces aspirations professionnelles

à une dimension universitaire qui me permettra d’éclairer les enjeux du rapport à la

culture entretenu par un public éloigné.

La culture étant singulière dans le collectif, elle est manifestée, transmise et

vécue par l’individu au sein de l’espace social, la sociologie occupe une place

importante dans l’étude des notions de communication et de culture. La

communication apparaît comme le support de la culture, pour la découvrir ou pour la

transmettre. C’est ce rapport entre la communication et la culture qui crée des

interrelations au sein de l’espace public. Ces interrelations prennent la forme

d’influences au cœur de l’espace social, l’entourage jouant un rôle majeur dans les

préférences et les pratiques culturelles d’un individu.

L’étude de ces préférences et de ces pratiques culturelles a tendance à

produire des profils généralisés et triés par catégories préconçues par le chercheur.

En procédant de la sorte, les portraits dressés sont loin d’être réalistes. En effet, on

ne saisit alors que la partie émergée et visible de l’iceberg et on laisse dans l’ombre

une grande partie de ce qui fait la complexité des goûts des adolescents et des

jeunes adultes.

En réduisant l’identité culturelle de ce public venant de milieu défavorisé à des

a priori de goûts et d’intérêts pour la culture dite « de masse », « commerciale » ou

encore « illégitime », nous en oublions que leurs pratiques et préférences culturelles

sont le résultat de tant de « liens d’interdépendances »2 créés au sein de la famille,

1 Termes de Bernard Lamizet dans son ouvrage La médiation culturelle (1999)

2 Bernard Lahire, Misère de la division du travail sociologique : le cas des pratiques culturelles

adolescentes (2005)

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des amis ou encore du contexte professionnel. La culture ne se définit par une seule

et même couleur, c’est une palette aux teintes et aux vivacités toutes plus différentes

les unes que les autres. De ce fait, les portraits culturels ne sont pas lisses et

homogènes, bien au contraire…

Dans une première partie, nous définirons le cadre contextuel de la recherche,

ensuite nous verrons les différents équipements théoriques. Dans une troisième

partie, nous présenterons la méthodologie. Pour finir, nous analyserons les résultats

de l’enquête, puis nous conclurons.

.

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9

I- Cadre contextuel et question de recherche

1. La Roseraie : un quartier populaire d’Angers

La Roseraie est un des plus importants

quartiers d’Angers, comptant environ 17 000

habitants répartis dans des logements très

majoritairement collectifs, dont 55% sont des

Habitations à Loyers Modérés. Avec plus de 18%

de taux de chômage, et 20% de la population

vivant sous le seuil de pauvreté, il est considéré

comme la « banlieue sud d’Angers ».

Concernant les infrastructures scolaires, le quartier comprend trois collèges,

un lycée professionnel ainsi qu’un lycée général, technologique et professionnel.

L’échec scolaire y est assez présent puisque 40 % des élèves entrent en 6ème avec

un retard scolaire, contre une moyenne de 25 % à l’échelle du département.

Construit à partir du milieu des années 60, La Roseraie a récemment

bénéficié d’une rénovation urbaine. Plusieurs immeubles ont été rénovés ou démolis

à cause du délabrement, une nouvelle résidence pour personnes âgées a vu le jour,

le Centre culturel et social Jean Vilar a retrouvé des couleurs, et les espaces verts

ont pris une place un peu plus importante.

Depuis juin 2011, la première (et pour l’instant unique) ligne du récent

tramway dessert bien le quartier, ce qui n’est pas sans rapport avec la rénovation

urbaine dont le quartier a profité.

Concentrons nous à présent sur les chiffres3 concernant la population des 15-

24 ans puisque c’est cette tranche d’âge qui anime nos recherches. Le quartier de La

Roseraie compte 2 298 habitants âgés entre 15 et 24 ans, ce qui représente 13,5%

de la population globale. Sur ces 2 298 habitants, Il y 46% d’actifs et 12% de

chômeurs, les étudiants n’étant pas considérés comme actifs.

3 AURA : Agence d’Urbanisme de la Région Angevine.

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2. Un accès à la culture et aux loisirs : le Centre Jean Vilar

2.1 La Fédération Léo Lagrange

Le Centre Jean Vilar existe sous l’égide de la Fédération Léo Lagrange4 qui

est un réseau d’associations d’éducation populaire ainsi qu’un employeur de

l’économie sociale reconnu d’utilité publique. Son ambition est d’être l’ambassadrice

de la jeunesse et du développement personnel, avec pour leitmotiv la culture et l’art

comme droit fondamental participant à la formation citoyenne. A travers son activité,

la fédération Léo Lagrange met en place des actions visant à développer

l’autonomie, l’expression des talents ainsi que le sentiment d’appartenance

citoyenne. Ses objectifs sont éducatifs et sociaux :

Donner les moyens à tous de s’épanouir et de s’emparer de sa citoyenneté.

Agir, en complément de l’école et de la famille, pour favoriser l’égalité des

chances.

Proposer aux publics de tous âges des loisirs et activités permettant de

contribuer au progrès social.

Être l’ambassadrice de la jeunesse en offrant aux jeunes un espace

d’engagement citoyen.

Permettre à chacun d’allier la découverte de soi à l’envie d’aller vers l’autre.

La Fédération Léo Lagrange dispose de plusieurs programmes, celui qui nous

intéresse, parce qu’il est en lien direct avec le Centre Jean Vilar, est le partenariat

avec des collectivités locales. En effet, reconnue d’utilité publique, la Fédération Léo

Lagrange est partenaire des collectivités dans leurs politiques sociales, éducatives,

culturelles et d’insertion. Les collectivités peuvent faire appel à elle pour :

déléguer la gestion d’un équipement, d’un dispositif ou d’un programme.

organiser ou monter une action ponctuelle.

offrir des formules de vacances.

faire progresser le professionnalisme de leurs équipes.

établir un diagnostic.

4 http://www.leolagrange.org/

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11

C’est dans cette démarche que la ville d’Angers a mis en place ce partenariat

avec Léo Lagrange Ouest, dans le cadre d’une délégation de Service public.

2.2 Le Centre Jean Vilar

1989, le Centre Jean Vilar

5ouvre ses portes. Il se situe au

cœur du quartier de La Roseraie,

et comprend un centre social et de

loisirs, une bibliothèque et un

gymnase. L’actuel directeur quitte

sa fonction, il sera remplacé à la

rentrée prochaine.

Le Centre contribue au

développement du quartier en partenariat avec les habitants, les travailleurs sociaux,

les acteurs municipaux ainsi que les associations, et accueille toutes celles et tous

ceux qui souhaitent un renseignement, un conseil, une information sur les animations

et les loisirs, une salle, un lieu pour organiser un spectacle.

Le Centre Jean Vilar propose des loisirs pour tous, pour la famille, pour la

jeunesse, pour les habitants, et les bénévoles associatifs.

C’est à la fois un lieu de vie avec des espaces de rencontres et d'échanges, ainsi

qu’un lieu d'animation où l'accompagnement de projets reste une priorité.

Le Centre Jean Vilar, son équipe et ses partenaires sont présents pour donner les

moyens à tous de trouver des espaces d'épanouissement et pour proposer aux

publics de tous âges des loisirs et des activités permettant de contribuer au progrès

social.

5 http://www.angerslaroseraie.fr/centre-jean-vilar.html

Page 12: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

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3. L’offre culturelle du Centre Jean Vilar

L’offre culturelle du Centre Jean Vilar6 se divise en différentes animations qui

comprennent divers ateliers. Ainsi on retrouve :

Animation familiale :

Accompagnement au départ en vacances, Roseraie plage, Café des familles,

Commission vie familiale et intergénérationnelle.

Animation pour tous :

Atelier cuisine, Atelier des doigts, B’elle, bô et zen, Sorties familiales.

Animation jeunesse (10-12, 12-14, et 15-25) :

Accompagnement à la scolarité, Activités sportives et culturelles (Fustal, musique,

danses, création d’ateliers…), Accompagnement de projets et d’initiatives.

Vie associative et bénévolat :

Espace ressources pour les associations et habitants du territoire.

Ateliers :

Danse Hip Hop, danses orientales, danse africaine, danse du monde, danse Modern

Jazz, danse Latino-Brésilienne au Féminin,

Gym douce, gym pleine forme, Yoga, Yoga adapté, technique de bien-être.

Animation musicale, atelier découvertes musicales, batterie, guitare, guitare basse,

percussions africaines, expression libre (Slam, Rap).

Locaux de répétition.

Théâtre enfant, adolescent, et adulte.

Ateliers et associations accueillis :

Cirque, danse orientale, body karaté, self défense féminine, gym d’entretien adulte,

gym douce, Qi Gong (gym douce chinoise), biodanza, cours de polonais.

Tassamouth, Football club Angers/Jean Vilar/La Roseraie, Aptira, Les Complices 49,

Happy Swing, Centre de Jour Césame, Lire Ecrire Compter, Association « le Petit

Pont », Les Petits Tigrous, Camaf (coordination assistants maternels assistants

familiaux), Les Jardins de Cocagne.

Les temps forts de l’année :

Journée d’animation avec Peuples Solidaires, Puces de la Roseraie, Zoom sur la

Roseraie, Salpinte et ses voisins en fête, Mon voisin l’Artiste, Bourse aux jouets,

6 Cf. Plaquette en annexe.

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Confidences sonores, Carnaval, Festival « Boule de Gomme », Le Monde en Fête,

Voici Gala, Soirée théâtre.

En considérant avec attention la plaquette informative du Centre Jean Vilar,

nous constatons qu’il offre un large choix d’activités tant culturelles que sportives,

culinaires ou encore sociales, et ce, pour un public relativement large aux goûts

divers. Ce qui va nous intéresser au sein de ce programme, c’est l’offre proposé au

15-24 ans, c’est-à-dire celle qui correspond à « l’animation jeunesse ». On remarque

que l’objectif, en adéquation avec la mission que se donne la Fédération Léo

Lagrange, est concentré sur l’accompagnement de projets et d’initiatives. En effet,

l’activité principale des animateurs est de guider les jeunes dans leurs démarches

administratives et financières afin de mener à bien leurs projets culturels, sportifs ou

sociaux. Par exemple, un animateur du Centre Jean Vilar a aidé un groupe de jeunes

de 17 à 23 ans, passionnés par la culture japonaise, à organiser un voyage de

quelques jours à Paris afin de se rendre à la « Japan Expo »7.

Nous comprenons, à travers les objectifs fixés par la Fédération Lagrange, la

plaquette du Centre Jean Vilar et le discours des animateurs8, que l’intérêt est

d’amener les jeunes du quartier de La Roseraie à accéder aux objets culturels

auxquels ils sont sensibilisés, tout en les incitant à la prise d’initiative. En effet, c’est

en montant eux-mêmes leurs projets qu’ils aboutissent à leurs désirs. « Il n’est plus

question de faire un ciné-kebab pour faire un ciné-kebab à 2€, aujourd’hui on discute

du film avec eux, il faut qu’il y ait une démarche derrière sinon ça ne sert à rien »,

déclare Jérémy, animateur du Centre Jean Vilar. Le ton est donné, le Centre Jean

Vilar n’existe pas pour servir de la culture sur un plateau d’argent mais plutôt pour

provoquer chez les jeunes une prise d’initiatives qui va les éduquer culturellement

certes, mais aussi socialement en les responsabilisant dans la mise en place d’un

projet (demander des fonds, trouver des prix préférentiels, planifier, recherches des

partenariats, travailler en équipe…).

Ces jeunes, que les préjugés et les a priori décrivent comme un public

éloigné, désintéressé de toute forme de culture, exceptée peut-être celle du monde

urbain (Rap, graffiti…), se retrouvent-ils dans cette démarche proposée par le Centre

Jean Vilar ? Qu’en est-il de l’articulation entre l’ancrage culturel de ce public et

7 http://www.japan-expo.com/

8 Entretien avec Jérémy, animateur au CJV, et rencontres informelles avec d’autres animateurs.

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l’offre culturelle du Centre Jean Vilar ? Qu’en est-il des portraits culturels9 de 15-

24 ans habitant le quartier de La Roseraie et fréquentant le Centre Jean Vilar ?

9 Pour emprunter les termes de B.Lahire dans La culture des individus (2004)

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II- Equipement théorique

1. La Culture : éléments de définition

« Il n’y a de culture que là où il y a société » (J.Caune, 2006, p.53), Jean

Caune, dans son ouvrage Culture et communication, parle de la « culture » comme

d’un « mot valise ». En effet, emprunté dans tant de domaines différents (la

linguistique, l’anthropologie, la sociologie, ou encore la psychosociologie), le mot

« culture » mêle à lui seul bon nombre de définitions, d’idées et de concepts.

Cependant, la définition que nous retiendrons – parce qu’elle est

particulièrement explicite face au sujet traité – est celle que nous livre Bernard Lahire

dans Le dictionnaire des sciences humaines :

« Dans son usage le plus lâche, la notion de «culture» peut être utilisée pour

nommer tout ensemble plus ou moins organisé de savoirs, de codes, de valeurs ou

de représentations associés à des domaines réguliers de pratiques. Définition

«anthropologique», précise-t-on alors souvent, qui permettra de parler aussi bien de

cultures professionnelle, technique, culinaire ou vestimentaire que de cultures

scolaire, littéraire ou artistique. Le terme désigne en ce cas davantage une

dimension - symbolique - de toute pratique sociale, des plus ordinaires et matérielles

aux plus savantes, qu'un domaine spécifique de pratiques distinct d'autres domaines.

Mais un autre usage, plus restrictif, plus valorisant et, du même coup, plus

polémique, réserve le qualificatif de « culturel » ou attribue le mot de « culture » à

une partie seulement des pratiques sociales. La question sociale et politique qui se

pose alors est de savoir où commence la culture et où elle se termine, ce qui mérite

d’être considéré comme relevant de la culture et ce qui doit être renvoyé à de la

« sous culture » ou de la « non-culture ». Le renvoi de l’ « autre » à la « nature », à la

« non-culture » ou à la « barberie » est le principe de tout ethnocentrisme (Lévi-

strauss [1952] 1987)

De ce point de vue, il apparaît clairement que, dans les sociétés industrielles

modernes, ce qu’on appelle « culture » dépend de l’état des rapports de force entre

toutes les institutions (écoles, ministère chargé de la culture, grandes institutions

culturelles, presse écrite, radio, télévision, etc.) et tous les agents sociaux

(enseignants, producteurs culturels, critiques, journalistes culturels, etc.) prétendant

imposer – avec quelque chance d’y parvenir- leur vérité sur le monde culturel. Les

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oppositions symboliques – entre la « haute culture » et la « sous-culture », entre le

« culturel » qui élève et « sous-culturel » qui « abaisse », entre le « raffiné » qui

enrichit et le « grossier » qui « abêtit » - qui structurent nombre de discours sur la

culture sont le produit d’un travail permanent de séparation du bon grain culturel et

de l’ivraie sous-culturelle.

Le sociologue ne peut ici trancher pour donner raison aux uns et tort aux

autres (en prenant, par exemple, la défense de ceux qui pensent que le rock , le rap,

la BD ou les graffitis ne relèvent pas de la culture contre ceux qui se battent pour les

faire reconnaître comme des genres culturels à part entière) ou pour les renvoyer

dos à dos (en décrétant leur égale valeur culturelle à partir d’un relativisme culturel

de nature plus politique que méthodologique), mais il doit s’en tenir à constater que

tout ne se vaut pas dans un monde social différencié et hiérarchisé à enregistrer

l’état des rapports de force et à étudier ses éventuelles modifications au cours du

temps (par exemple, avec le processus de légitimation de certains arts ou certains

genres considérés initialement comme mineurs : photographie, jazz, roman policier,

etc.).

Culture légitime, foi culturelle et inégalités

Prenant acte des rapports de domination culturels qui ont de l’arbitraire

culturel des élites « la Culture », la « Grande culture » ou la « Haute culture » (en ses

modalités les plus variées : académiques, scolarisées, avant-gardistes,

« branchées », mondaines, etc.), la sociologie a étudié les distances et les rapports

socialement différenciés à la culture légitime, les fonctions sociales de cette culture

ainsi que les effets sociaux de sa domination sur les groupes les plus démunis

culturellement (Bourdieu & Boltanski, 1965 ; Bourdieu & Darbel, 1969 et Bourdieu,

1979). Elle a inspiré jusqu’aux grandes enquêtes du ministère de la culture sur les

pratiques culturelles des Français (Donnat, 1994 et 1998).

Bâtie contre l’idéologie du don ou du goût naturel, cette sociologie a mis en

évidence la distribution inégale des compétences et des pratiques culturelles et le fait

que la sensibilité culturelle ou esthétique n’est pas une chose innée et inéducable.

Sociologie des inégalités culturelles et des fonctions sociales de la culture dominante

et, en tout premier lieu, celle de la distinction culturelle, elle met au jour la

correspondance statistique entre la hiérarchie des arts, des genres ou des pratiques

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et la hiérarchie sociale/scolaire des consommateurs ou des publics et s’attache à

montrer qu’il existe un profit de distinction à se démarquer du « vulgaire » (dans les

deux sens du terme : le « commun » et le « grossier »).

On ne peut parler de culture légitime dominante que si l’on observe au sein

du monde social une forte croyance en la supériorité de certaines activités et de

certains biens culturels par rapport à d’autres. Et la croyance en la supériorité d’une

culture ne parvient à s’instaurer que dans le cadre de rapports de domination

culturels. C’est parce que certains produits culturels et certaines activités culturelles

disposent de puissants moyens d’imposition de leur légitimité (l’Ecole étant centrale

puisqu’elle est la seule, par l’obligation scolaire et son système d’évaluation-sanction

des produits de son inculcation , à disposer d’un public captif, alors que l’ensemble

des autres instituions – bibliothèques, musées, médias culturels, éditeurs culturels,

etc. – essaie de déployer des stratégies en vue de captiver le public), que celle-ci

peut-être reconnue largement , y compris par une partie de ceux qui n’ont pas accès

à celle-ci ou ne la maîtrise pas.

La croyance en la légitimité culturelle d’un bien ou d’une pratique est donc

indissociable de ce que l’on pourrait appeler le degré de « désirabilité collective »

entretenue à son égard. Ce qui marque l’écart entre une simple différence sociale et

une inégalité sociale d’accès à toute une série de biens, pratiques, institutions, etc.,

c’est bien le fait que l’on a affaire, dans le second cas de figure, à des objets qui sont

définis collectivement et de manière assez large comme hautement désirables.

Si l’on ne parle généralement pas de l’inégalité sociale devant la mécanique

ou le travail ménager, c’est parce que ces pratiques (compétences, savoirs ou

savoir-faire), dont on peut objectivement constater la distribution différentielle dans le

monde social (selon la classe social ou le sexe), sont assez globalement perçues

comme des pratiques spécialisées (plutôt que générales) et secondaires (plutôt que

primordiales et nobles). Il n’y a donc inégalité culturelle que parce qu’il y a forte

désirabilité collectivement entretenue. »10

10

Définition de la Culture par Bernard Lahire dans Le dictionnaire des sciences humaines.

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2. Remise en question des fondements sociologiques dans l’étude

des pratiques culturelles

2.1. Légitimité culturelle, un concept reconsidéré

Bernard Lahire, dans son ouvrage La culture des individus, dissonances

culturelles et distinction de soi, aborde la question de la culture chez les individus en

discutant le concept de légitimité culturelle qu’il trouve restreint compte tenu du

champ d’action que représente l’étude des pratiques et des préférences culturelles

des individus. D’après Eric Maigret et Eric Macé dans leur ouvrage Penser les

médiacultures, nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du

monde (2005), la légitimité culturelle désigne le fait que les objets culturels sont

marqués par les rapports sociaux entre les groupes ou les classes, qui sont des

rapports de hiérarchisations et de dominations. Ils citent Jean-Claude Passeron : «

les pratiquants d’une culture populaire se trouvent, qu’ils le veuillent ou non, qu’ils le

sachent ou non, objectivement mesurés dans la réalité des rapports sociaux aux

critères de la culture dominante » (in E.Maigret et E.Macé, 2005).

Eric Maigret et Eric Macé formulent deux postulats :

- La légitimité ou l’illégitimité d’une pratique est définie par la position élevée ou

basse de ceux qui l’exercent.

- Les positions sociales les plus élevées tendent à avoir les pratiques les plus

légitimes. C’est la position qui définit socialement la légitimité.

Bien que ces postulats ne soient pas sans rappeler les deux grandes façons

de dominer culturellement évoquées par B. Lahire « dominer par le nombre et la

popularité », ou « dominer par la rareté et la noblesse » (B.Lahire, 2004, p.63),

l’auteur formule quelques critiques à l’encontre de la théorie de la légitimité, non pas

tant sur le fond mais plutôt sur la forme (qui du coup influe sur le fond). En effet,

Bernard Lahire reproche à la théorie de la légitimité culturelle d’avoir réalisé des

enquêtes en catégorisant et hiérarchisant à la fois les pratiques culturelles, les

préférences culturelles ainsi que les individus interrogés (diplômes, âges, sexe,

CSP…). Les résultats de ces enquêtes ont permis de saisir les grands déterminants

sociaux de pratiques culturelles des individus, comme c’est le cas dans l’étude des

Page 19: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

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Pratiques culturelles des français d’Olivier Donnat (2008). En revanche, les

catégories étant présupposée par le chercheur, il s’efforcera de rentrer ses enquêtés

dans ces cases. Cependant les goûts et les pratiques de chacun sont loin d’être

homogènes, ils sont au contraire formés d’ambivalences et de paradoxes. C’est sur

ce point que Bernard Lahire s’est attaché à travailler.

Les frontières culturelles restent mouvantes et trompeuses. Telle pratique

pourra faire l'objet au fil du temps d'une légitimation progressive. Ce fut par exemple

le cas du jazz qui a bénéficié d'une réévaluation à la hausse au long du XX° siècle.

Une même pratique peut en outre être jugée plus ou moins légitime en fonction du

cadre dans lequel nous nous y adonnons. Finalement, le degré de légitimité d’une

pratique culturelle est liée au capital économique puisque que plus la pratique est

chère plus elle sera adoptée par une minorité privilégiée qui semble occuper la place

d’élite culturelle au sein de la société. Le rôle des institutions étant d’ouvrir l’accès à

la culture au plus grand nombre, cette pratique « rare » va se démocratiser, et

puisqu’elle ne sera plus réservée à une minorité, elle perdra sa « haute légitimité ».

Ainsi, on constate que la légitimité culturelle n’est pas liée à la noblesse de la

pratique, elle est plutôt comparable à un effet de mode.

2.2 Une hétérogénéité des goûts individuels : les « variations intra-individuelles »

Bernard Lahire va à l’encontre de la position de Pierre Bourdieu qui estime

que l’école et les institutions culturelles reproduisent les inégalités de position

sociale puisqu’il remet en question ce sur quoi se fonde cet argumentaire en

supposant que les pratiques culturelles des dominants, comme celles des dominés,

ne sont pas toujours conformes à leurs positions sociales. Les exemples que

Bernard Lahire se plaît à donner dans son ouvrage, tel que celui du philosophe

Ludwig Wittgenstein qui apprécie particulièrement lire des romans policiers ou se

balader dans les fêtes foraines, ne sont pas de rares exceptions. Pour l’auteur, il

convient d'admettre sans réserve que les individus, sauf exception, révèlent écarts et

variations, non seulement par rapport aux groupes d'appartenance autres que le leur

mais également au sein de leur propre groupe d'appartenance (variations inter-

individuelles) et surtout jusqu'en eux-mêmes (variations intra-individuelles). C’est en

cela que Bernard Lahire s’oppose à l’analyse sociologique récurrente des pratiques

Page 20: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

20

culturelles qui se base sur la notion de légitimité culturelle et qui se contente de

diviser les consommateurs culturels en consommateur de « haute culture » ou de

« sous-culture » sans traiter l’hétérogénéité que révèlent les goûts de chacun. Cette

hétérogénéité se constate par des « particularités » dans les pratiques ou

préférences culturelles des individus. Bernard Lahire les définit comme des

dissonances ou des consonances culturelles qui viendront confirmer ou infirmer les

règles préétablies de la légitimité culturelle.

L’idée que Bernard Lahire défend dans cet ouvrage est qu’il n’y a pas de

modèle de goûts prédéfinis pour chaque catégorie sociale, et qu’il n’est pas

systématique de pratiquer la culture proportionnellement à son degré dans la

hiérarchie sociale. La catégorie socioprofessionnelle, l’âge ou le sexe sont des

facteurs qui peuvent contribuer aux préférences et aux pratiques culturelles, mais

sans être uniquement des contraintes.

Il va à l’encontre des présupposés sociologiques en tentant une approche

inédite de ces questions, puisqu’il va essayer, à travers des entretiens individuels, de

mettre en évidence les paradoxes, qu’il appellera « variations intra-individuelles », de

chaque individu dans leurs pratiques et préférences culturelles. Contrairement à

Pierre Bourdieu qui défend l’idée que la pratique culturelle d’un individu dépend de

son habitus, c’est-à-dire ce qu’il a assimilé et intériorisé des valeurs dépendant de

son groupe social d’appartenance, Bernard Lahire estime que le travail d’un

sociologue est de s’interroger sur les « nuanciers culturels individuels » c’est-à-dire

les différences notoires de goûts et de pratiques d’un même individu selon un

domaine ou une pratique, plutôt que de supposer que le passé d’un individu pèse en

permanence sur notre vécu.

Ce que cherche Bernard Lahire, ce n’est pas de proportionner une population

dans diverses catégories de pratiques ou de préférences culturelles, c’est de faire

ressortir dans chaque individu les variations qui font toute la complexité du rapport

entretenu entre l’individu et la culture.

Page 21: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

21

3. Les portraits culturels : dissonances et consonances.

Par dissonance culturelle, B. Lahire entend l'existence chez un individu d'une

ou plusieurs pratiques culturelles marquant un écart au sein d'un ensemble de

pratiques plus ou moins homogènes du point de vue de leur légitimité. Dans cette

perspective, est qualifié de "dissonant légitime" un individu ayant des pratiques

considérées habituellement comme très légitimes tout en sacrifiant à telle ou telle

pratique un peu légitimité. Inversement, tel autre individu doté d'un faible capital

culturel pourra être qualifié de "dissonant illégitime" s'il rompt l'homogénéité

d'habitudes culturelles perçues comme faiblement légitimes (karaoké par exemple)

par telle ou telle pratique davantage valorisée (programmes d'Arte ou spectacles de

danse classique). D’après Bernard Lahire, « Il n'y a rien de plus statistiquement

fréquent que la singularité individuelle et (...) par conséquent, les exceptions

statistiques n'ont rien d'exceptionnel : elles sont tout ce qu'il y a de plus ordinaire et

touchent au bout du compte la quasi-totalité des individus composant les différents

groupes. » (2004)

Les profils homogènes et cohérents en termes de pratiques culturelles ne

concernent ainsi qu'un effectif très restreint d'individus. Peu nombreux sont les

individus voués à des pratiques culturelles exclusivement légitimes. Rares sont les

individus livrés perpétuellement aux pratiques culturelles les moins légitimes.

L'auteur explique cette forte présence de dissonance chez les individus par la

multiplicité des instances de socialisation auxquelles ils sont soumis.

Successivement ou simultanément, les pratiques culturelles sont influencées par la

fréquentation des personnes de l’entourage (familles, amis, collègues), le temps de

travail, le temps de loisir… La combinaison et la concurrence de ces déterminants

génèrent des variations au sein des pratiques culturelles de l’individu.

Page 22: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

22

III- Déploiement méthodologique

1. Les outils d’investigation

1.1. Entretien exploratoire semi-directif avec Jérémy Lach, animateur du Centre

Jean Vilar.

Afin de mieux appréhender mon terrain de recherche, j’ai pris l’initiative de

contacter le Centre Jean Vilar (CJV) pour présenter mon travail, et demander

l’autorisation de diffuser mon questionnaire. J’ai d’abord été mise en relation avec

l’adjointe de direction qui, intéressée par mon travail, m’a ensuite redirigé vers

Jérémy, animateur jeunesse du Centre Jean Vilar. Enthousiasmée par mon travail,

elle souhaitait que je me réfère à un animateur proche des futurs enquêtés et que je

lui présente le cadre de mon investigation..

J’ai donc contacté Jérémy par mail :

Après quelques échanges, nous avons décidé d’une date à laquelle nous

nous sommes rencontrés. Dans un premier temps j’ai défini mon travail et ma

démarche à Jérémy. Il s’est montré à l’écoute et intéressé mais ne m’a pas caché les

a priori qu’il avait envers moi : « je me suis dit que t’avais un peu l’air d’une petite

bourgeoise dans ses grandes études et je me demandais un peu ce que tu venais

faire par ici. » Le portrait tiré était clair, mais les préjugés ont rapidement disparu

lorsque je lui ai précisé que si j’avais choisi de réaliser mon terrain de recherche

dans le quartier de La Roseraie c’est que j’y ai grandi pendant plus de 16 ans. Suite

Page 23: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

23

à cela il m’a apporté son aide en me conseillant de créer un groupe Facebook11 et en

m’assurant de diffuser le questionnaire au maximum. Il était plus percutant et plus

efficace qu’il diffuse les enquêtes lui-même car d’après lui « moi ils me connaissent,

je pourrais les convaincre, toi ils ne te connaissent pas et n’auront pas confiance. En

plus, il y a des endroits ici où en tant que fille tu ne peux pas aller toute seule, surtout

si t’es inconnue du secteur. » Son jugement s’est avérée tout à fait juste quand j’ai

essayé d’appréhender des jeunes autour du CJV, ils n’ont en effet pas été très

réceptifs.

Ayant beaucoup apprécié l’enthousiasme et la franchise de Jérémy lors de

notre premier rendez-vous je l’ai sollicité pour un entretien semi-directif autour de la

question de l’offre culturelle et du dispositif mis en place par le Centre Jean Vilar.

L’entretien12 s’est déroulé le 2 mai de 18h à 19h30 dans une salle du Centre

Jean Vilar, il s’est avéré plus long que prévu (20 à 30 min avait été définie). Nous

avons d’abord pris le temps de revenir sur le parcours de Jérémy et son arrivée au

CJV. Ensuite nos avons évoqué l’impact du Centre sur les quartiers ainsi que les

difficultés auxquelles Jérémy a pu être confronté. Pour finir nous avons essayé de

définir le rôle des animateurs à travers le Centre. Les propos de Jérémy concordent

avec l’analyse des résultats de l’enquête. Nous pouvons remarquer une certaine

franchise et beaucoup de passion lorsqu’il parle. Ce fût un entretien très enrichissant.

11

Explication ci-après : 1.3 Condition d’administration des outils. 12

Cf. annexe 4

Page 24: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

24

1.2. Construction du questionnaire pour l’enquête sur les « Offres et goûts

culturels dans le quartier de La Roseraie ».

Afin de mener à bien mon travail sur le terrain de recherche, j’ai réalisé un

questionnaire13 à l’aide de l’outil Google Docs. Le questionnaire permet de dresser

les portraits culturels des 15-24 ans du quartier de La Roseraie.

Il est donc composé d’une première partie concernant les goûts, travaillée

avec des questions ouvertes pour éviter d’influencer l’enquêté. En effet, Bernard

Lahire explique dans son ouvrage La culture des individus, dissonances culturelles et

distinction de soi, qu’en proposant différent choix le chercheur effectue une première

sélection subjective en fonction de ce qu’il pense, ce qui influencera

automatiquement l’enquêté. Il va même plus loin en prônant la valorisation des

entretiens individuels au détriment des questionnaires qui, d’après lui, tentent de

faire entrer les gens dans des catégories. Pour des raisons évidentes de temps et de

disponibilité, je n’avais pas la possibilité de m’entretenir avec la cinquantaine

d’enquêtés qui ont répondu à mon questionnaire. La rédaction de questions ouvertes

étaient donc un bon compromis pour ne pas influencer l’enquêté et le laisser

s’exprimer librement. Son portrait culturel devenait ainsi beaucoup plus personnel

puisque sa réponse pouvait être unique.

La seconde partie du questionnaire porte sur les pratiques culturelles, et plus

exactement sur la fréquence de ces pratiques. Pour réaliser cette partie, je me suis

référée à l’enquête d’Olivier Donnat sur les Pratiques culturelles des français à l’ère

du numérique. J’ai repris la formulation des questions et les différentes options

proposées. Olivier Donnat étant reconnu pour ces enquêtes des pratiques culturelles

sur le territoire national, cela représentait pour moi un moyen sûr d’offrir des

propositions dans lesquelles le public interrogé trouverait une réponse qui lui

conviendrait.

La troisième partie du questionnaire porte exclusivement sur le Centre Jean

Vilar, les questions étant à la fois ouvertes et fermées. Il s’agissait, dans cette partie,

de connaître d’une part la fréquence et les raisons de la venue au CJV, et d’une

autre part ce qui y est apprécié ou regretté. C’est dans ces réponses qu’il sera

possible d’observer le rapport des 15-24 ans à l’offre culturelle du CJV.

13

https://docs.google.com/spreadsheet/viewform?pli=1&formkey=dE9RRG1JZVJwM1pyNGkydmVaWEJUY3c6MQ#gid=0

Page 25: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

25

La quatrième et dernière partie du questionnaire dresse l’identité de l’enquêté.

Bien sûr le questionnaire est tout à fait anonyme, mais cette partie va permettre de

réaliser un premier portrait grâce aux données en termes de sexe, d’âges, de niveau

scolaire, de logements, etc… Elle est donc composée de questions fermées.

Pour répondre au questionnaire il était primordial de remplir trois conditions :

- Avoir en 15 et 24 ans

- Habiter le quartier de La Roseraie

- Fréquenter le Centre Jean Vilar

Page 26: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

26

1.3. Présentation du questionnaire

Habitez-vous à la Roseraie ?

Oui

Non

Si oui, dans quel type de logement ?

Appartement

Maison

Logement HLM

Autre :

Page 27: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

27

I- Les goûts

Qu'est-ce qu'une bonne musique ?

Qu'est-ce qu'un bon film ?

Qu'est-ce qu'un bon spectacle ?

Qu'est-ce qu'un bon livre ?

A quoi vous fait penser le mot " Art " ?

Page 28: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

28

II- Les pratiques

Ecoutez-vous la musique, chez vous, en voiture ou ailleurs ?

Tous les jours ou presque

Environ 3 ou 4 jours par semaine

Environ 1 ou 2 jours par semaine

Plus rarement

Jamais

En moyenne, au cours des douze derniers mois, êtes-vous allé au cinéma ?

Plusieurs fois par semaine

Environ 1 fois par semaine

Environ 1 ou 2 fois par mois

Plus rarement

Jamais, ou pratiquement jamais

En moyenne, au cours des douze derniers mois, avez-vous assisté à un spectacle ?

Plusieurs fois par semaine

Environ 1 fois par semaine

Environ 1 ou 2 fois par mois

Plus rarement

Jamais, ou pratiquement jamais

En moyenne, au cours des douze derniers mois, êtes-vous allé voir une exposition ?

Plusieurs fois par semaine

Environ 1 fois par semaine

Environ 1 ou 2 fois par mois

Plus rarement

Jamais, ou pratiquement jamais

En moyenne, au cours des douze derniers mois, êtes-vous allé à la bibliothèque ?

Plusieurs fois par semaine

Environ 1 fois par semaine

Environ 1 ou 2 fois par mois

Plus rarement

Jamais, ou pratiquement jamais

Page 29: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

29

III- Le Centre Jean Vilar

En moyenne, venez-vous au Centre Jean Vilar ?

Plusieurs fois par semaine

Environ 1 fois par semaine

Environ 1 ou 2 fois par mois

Plus rarement

Jamais, ou pratiquement jamais

Que venez-vous y faire ?

Animation familiale

Animation jeunesse

Vie associative

Ateliers (danse, musique, détente)

Festivals

Bibliothèque

Autre :

Qu'appréciez-vous au Centre Jean Vilar ?

Que regrettez-vous ?

Suggestions ?

Page 30: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

30

IV- Identité

Sexe

Femme

Homme

Age Situation professionnelle

Etudiant

Salarié

Non salarié

Sans emploi

Autre :

Si étudiant, quel niveau d'étude ?

Bac +1

Bac +2

Bac +3

Bac +4

Bac +5

Logement

Indépendance

Foyer familial

Situation familiale

Célibataire

En couple

Parent

Non parent

Page 31: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

31

1.4. Conditions d’administration des outils

En termes d’investigation, le questionnaire a été administré sous trois

différentes formes.

Au début, il était question de le diffuser sous format papier auprès des jeunes

de 15-24 ans dans le quartier de La Roseraie, autour du Centre Jean Vilar. Ne

pouvant pas assurer une présence constante sur le Central Jean Vilar aux périodes

de fréquentation importante car j’étais en stage, j’ai fait le choix de déposer une

cinquantaine de questionnaire au sein du CJV, ainsi qu’à Résidence des Jeunes

Travailleurs se trouvant juste à côté. Cette première démarche n’a pas remporté le

succès attendu.

C’est à la suite de mon premier rendez-vous avec Jérémy, que le second

mode d’administration a vu le jour. En effet, face à l’échec de ma première tentative.

Jérémy a émis l’idée de le diffuser via internet, un média qui touche particulièrement

bien la tranche d’âge des enquêtés. Ainsi, j’ai réalisé un « évènement » sur le réseau

social Facebook pour lequel le compte Facebook du Centre Jean Vilar (contrôlé par

Jérémy) était principal hôte. Les « amis » Facebook du Centre Jean Vilar ont donc

été invités à participer au questionnaire.

Page 32: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

32

En un clic, ils se trouvaient redirigés vers la page Google Docs de mon

questionnaire ce qui permettait en plus le traitement automatique des réponses. En

effet, Google Docs génère des diagrammes pour toutes les questions fermées. Cette

idée a remporté un franc succès les premiers jours, mais l’engouement s’est atténué

au fil du temps. Cependant, elle a séduit les enquêtés qui, d’après Jérémy, se laissait

plus facilement prendre au jeu lorsqu’il s’agissait de prendre la « souris » pour

répondre que le « stylo ». De plus, elle m’a permis un gain de temps important dans

le traitement de mes résultats.

La troisième méthode utilisée pour l’administration du questionnaire a été mise

en place en coopération avec la Résidence des Jeunes Travailleurs. Le directeur de

la Résidence « Mistral » des Jeunes Travailleurs m’a permis d’assurer deux

permanences au sein de l’établissement afin d’administrer mon enquête. Aidée de

mon père, retraité, j’ai pu prendre le temps d’accompagner les résidents, en situation

très défavorisée pour la plupart (certains ne parlent pas ou très peu le français, n’ont

pas d’emplois, pas de familles…), dans l’appropriation du questionnaire. Cette

méthode n’est pas celle qui m’a rapporté le plus en termes de quantité de

questionnaire. En revanche, c’est celle qui qualitativement et humainement m’a

apporté le plus de matière pour mon travail. Effectivement, d’être présente lors de

l’administration du questionnaires permet d’observer la réaction de l’enquêté face

notamment aux questions ouvertes. Durant cette méthode, l’enquêté s’est souvent

senti obligé de me justifier ses réponses. A la question « qu’est-ce qu’un bon

livre ? », beaucoup ont répondu « je ne sais pas car je ne lis pas » et ont ensuite

rajouté « je n’ai pas le temps de lire vous voyez, je cherche du travail et tout donc je

me pose pas beaucoup ». Cette observation peut être mise en parallèle avec les

propos de Bernard Lahire dans son ouvrage La culture des individus, dissonances

culturelles et distinction de soi. En effet il explique que lors des entretiens qu’il a

menés, des enquêtés ont justifié leurs réponses. Cela peut prendre diverses formes :

« fatigue, curiosité, contrainte, second degré, etc. » (B.Lahire, 2004, p29).

Page 33: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

33

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

20

15 ans

16 ans

17 ans

18 ans

19 ans

20 ans

21 ans

22 ans

23 ans

24 ans

IV- Analyse des résultats

1. La photo de classe des 15-24 ans habitant La Roseraie et

fréquentant le Centre Jean Vilar

54 personnes entre 15 et 24 ans, habitant le quartier de la Roseraie et

fréquentant le Centre jean Vilar ont été interrogées pour mener à bien mon enquête

de terrain sur les pratiques et préférences culturelles au sein de ce quartier.

Découvrons les résultats de cette enquête.

1.1 Qui sont-ils ?

Sexe :

.

Age :

Femme 26 4,8/10 Homme 28 5,2/10

Femme 26 4,8/10 Homme 28 5,2/10

Sur 54 personnes, l’écart

entre le nombre d’hommes et de

femmes interrogés est très mince.

Nous pouvons ainsi en déduire

que le Centre Jean Vilar est

fréquenté quasiment à part égal,

dans la tranche des 15-24 ans, par

des femmes que par des hommes.

Sur 54 personnes, la

grande majorité a 15 ans. On

constate donc que sur la tranche

d’âge 15-24 ans, ce sont les plus

jeunes qui fréquentent le Centre

Jean Vilar. D’autant plus que les

personnes majeures ont été

interrogées à la Résidence des

Jeunes Travailleurs car il était

difficile d’en trouver au CJV.

Page 34: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

34

Situation professionnelle :

Niveau d’études :

Etudiant 27 5/10 Salarié 6 1,1/10 Non salarié 0 0/10 Sans emploi 10 1,9/10 Autres 11 2/10

BAC 2 0,4/10

BAC + 1 à BAC + 3 5 0,9/10

BAC + 4 à BAC + 5 0 0/10

CAP 0 0/10

BEP 8 1,5/10

BEPC 5 0,9/10

Autres 34 6,3/10

En concordance avec la moyenne d’âge,

nous retrouvons dans la situation

professionnelle une majorité d’étudiant. En

effet, les personnes fréquentant le Centre Jean

Vilar étant non seulement mineur, mais en plus

âgé de moins de 16 ans l’école est encore

obligatoire. Ils sont donc étudiants au collège

ou au lycée. Pour les majeurs, ou les

personnes âgée de plus de 16 ans ayant

quittées le circuit scolaire, elles sont

majoritairement sans emplois, ou « autres »

c’est-à-dire en formation pour la plupart.

Ici, on remarque que l’écrasante

majorité se situe dans la catégorie

« autres ». L’explication est en fait que,

comme nous l’avons vu précédemment,

la majorité des enquêtés est âgée de 15

ans et ont une année de retard, ils n’ont

donc pas encore validés leur BEPC.

« Autres » est donc la catégorie des

« non diplômés » que j’avais fait le choix

de ne pas indiquer pour ne pas

entraîner le sentiment d’être jugé. En

effet, l’enquête ne porte pas sur leur

niveau d’études mais sur les

préférences et pratiques culturelles.

Cette explication m’a été dévoilée par

Jérémy lorsque nous avons étudié et

analysé les résultats.

Page 35: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

35

0 10 20 30 40

Célibataire

En couple

Célibataire + Parent

En couple + Parent

Lieu de vie :

Situation familiale :

Foyer familial 37 69% 6,9/10

Indépendance 17 31% 3,1/10

Célibataire 38 7/10

En couple 12 2,2/10

Célibataire + Parent 2 0,4/10

En couple + Parent 2 0,4/10

Pour cette catégorie,

toujours en concordance avec

l’âge, la grande majorité vit

encore au sein du foyer familial.

Ici aussi nous pouvons

constater que les résultats sont en

adéquation avec le reste des

résultats. La majorité des enquêtés

ayant quinze ans et vivant encore

dans le foyer familial, ils sont pour la

plupart célibataires. D’autant plus

que sur les 12 ayant répondu « en

couple », certains ne sont pas en

couple au sens « concubin » où je

l’entendais dans le questionnaire

mais plutôt au sens « sortir avec une

fille » ou « sortir avec un garçon ».

En effet, certains enquêtés que j’ai

pu accompagner dans leurs

réponses se sont déclarés « en

couple » puisque « je sors avec mon

copain depuis bientôt un mois »

(enquêtée n°23).

Page 36: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

36

Parole avec du sens

Tout selon les humeurs et le contexte

Musique intemporelle / non commerciale

Musique qui fait danser

Musique qui fait ressentir quelque chose

RAP, Hip-hop, Zouk, Reggae, R’n’B

Tout dépend des goûts de chacun

Variétés françaises

Envoûtante, entraînante

Rock, Pop

Années 80, 90

Autres (non classables)

1.2. Quels sont leurs goûts culturels ?

Qu’est-ce qu’une bonne musique ?

Parole avec du sens 10 1,85/10

Tout selon les humeurs et le contexte 2 0,38/10

Musique intemporelle / non commerciale 2 0,38/10

Musique qui fait danser 11 2,03/10

Musique qui fait ressentir quelque chose 9 1,66/10

RAP, Hip-hop, Zouk, Reggae, R’n’B 6 1,11/10

Tout dépend des goûts de chacun 3 0,55/10

Variétés françaises 1 0,18/10

Envoûtante, entraînante 5 0,92/10

Rock, Pop 2 0,38/10

Années 80, 90 2 0,38/10

Autres (non classables) 1 0,18/10

Page 37: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

37

Les enquêtés sont sensibles au message, qu’il soit textuel ou instrumental, que

transmet la musique. La troisième réponse revenue régulièrement est « musique qui

fait danser ». Cette réponse concorde avec les styles de musiques les plus écoutés

« RAP, Hip-Hop, Zouk, Reggae, R’n’B » ainsi qu’avec la réponse « envoûtante,

entraînante » qui se classe 5ème parmi les réponses les plus données. D’après ces

réponses nous pouvons conclure que les enquêtés apprécient les musiques

transmettant une émotion et un message, ainsi que les musiques rythmées. La variété

française, le Rock ou le style années 80 ne remportent pas un franc succès auprès des

enquêtés.

Page 38: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

38

Film avec suspens, humour, sentiments, morale

Tout dépend de l’humeur et du contexte de chacun

Film qui décrit la réalité, histoire plausible

Film qui suscite l’émotion

Film qui fait réfléchir

Film qui nous marque

Film auquel on peut s’identifier

Film bien ficelé et bien joué

Film comique / humoristique

Autres (non classables)

Qu’est-ce qu’un bon film ?

Film avec suspens, humour, sentiments, morale 16 2,96/10

Tout dépend de l’humeur et du contexte de chacun

7 1,31/10

Film qui décrit la réalité, histoire plausible 2 0,38/10

Film qui suscite l’émotion 9 1,66/10

Film qui fait réfléchir 3 0,55/10

Film qui nous marque 5 0,92/10

Film auquel on peut s’identifier 1 0,18/10

Film bien ficelé et bien joué 7 1,31/10

Film comique / humoristique 1 0,18/10

Autres (non classables) 3 0,55/10

Page 39: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

39

En pole position, nous trouvons la réponse « film avec suspense, humour, sentiments,

morale » qui décrit les ingrédients du blockbuster américain de base mêlant action, histoire

d’amour, quelques répliques cocasses et bien sûre la morale du bien contre du mal avec une

« happy end ». Le but ici n’est pas de faire une critique cinématographique, ni même une

critique des goûts cinématographiques. Cependant, il est possible de constater que les

préférences culturelles des enquêtés se tournent vers un film contenant la recette « de base »

pour fonctionner. D’ailleurs la recette fonctionne, et de bons films sont cités parmi les réponses

tels que Roméo + Juliette de Baz Luhrmann, American Beauty de Sam Mendesou Kick ass de

Matthew Vaughn qui, sans être des chefs d’œuvres du cinéma, sont loin d’être des « nanars »

pour emprunter le terme de l’enquêté n°3.

Page 40: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

40

Spectacle mêlant plusieurs disciplines

Tout dépend de l’humeur et du contexte de chacun

Spectacle vivant, dans lequel on peut participer

Spectacle avec acteurs de qualités

Spectacle qui marque

Spectacle agréable / bon moment

Spectacle qui suscite l’émotion / captivant

Spectacle comique

Spectacle avec un beau décor / bien monté

Danse

Musique

Théâtre

Je ne sais pas

Autres (non classable)

Qu'est-ce qu'un bon spectacle ?

Spectacle mêlant plusieurs disciplines 1 0,18/10

Tout dépend de l’humeur et du contexte de chacun 3 0,55/10

Spectacle vivant, dans lequel on peut participer 2 0,38/10

Spectacle avec acteurs de qualités 2 0,38/10

Spectacle qui marque 2 0,38/10

Spectacle agréable / bon moment 5 0,92/10

Spectacle qui suscite l’émotion / captivant 8 1,48/10

Spectacle comique 12 2,18/10

Spectacle avec un beau décor / bien monté 7 1,31/10

Danse 2 0,38/10

Musique 3 0,55/10

Théâtre 2 0,38/10

Je ne sais pas 2 0,38/10

Autres (non classable) 3 0,55/10

Page 41: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

41

L’adjectif le plus utilisé pour qualifier un « bon spectacle » est « comique ». Dans

ce premier constat il est possible de faire le lien avec la culture du « stand up »,

monologue comique sous la forme d’un « one-man’show, qui connaît son succès

auprès de la tranche d’âge des enquêtés. En effet, Gad Elmaleh, Omar et Fred,

Florence Foresti ou encore Jamel Debbouze et son Jamel Comedy Club sont les icones

de toute cette génération qui s’identifie aux histoires de vies racontées dans leurs

sketchs. En seconde position, nous retrouvons des adjectifs qui ne sont pas sans

rappeler ceux utilisés pour la question précédente : captivant et suscitant l’émotion. On

peut constater que les résultats de ces deux questions sont relativement similaires. Les

arguments d’un bon film et d’un bon spectacle sont donc quasiment les mêmes pour les

enquêtés, à la seule différence que le comique est particulièrement assimilé aux

spectacles.

Page 42: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

42

Livre avec action, morale, sentiments, humour et suspens

Tout dépend de l’humeur et du contexte de chacun

Pas trop long / Pas ennuyeux

Livre qui suscite l’émotion / captivant

Livre qui raconte la réalité

Livre qui suscite de l’imagination / le voyage

Livre bien écrit / rédaction importante

Livre auquel on peut s’identifier

Avec des images

Manga

Littérature anglaise

Magazine, journal, PQR

Historique

Je ne sais pas / Je ne lis pas

Autres (non classables)

Qu'est-ce qu'un bon livre ?

Page 43: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

43

Livre avec action, morale, sentiments, humour et suspens 7 1,31/10

Tout dépend de l’humeur et du contexte de chacun 2 0,38/10

Pas trop long / Pas ennuyeux 5 0,92/10

Livre qui suscite l’émotion / captivant 12 2,18/10

Livre qui raconte la réalité 1 0,18/10

Livre qui suscite de l’imagination / le voyage 5 0,92/10

Livre bien écrit / rédaction importante 2 0,38/10

Livre auquel on peut s’identifier 2 0,38/10

Avec des images 1 0,18/10

Manga 3 0,55/10

Littérature anglaise 1 0,18/10

Magazine, journal, PQR 2 0,38/10

Historique 3 0,55/10

Je ne sais pas / Je ne lis pas 4 0,75/10

Autres (non classables) 4 0,75/10

Ici encore, nous retrouvons les mêmes critères que pour un bon film ou un

bon spectacle : être captivant et susciter l’émotion. « Suspens, humour, sentiment,

morale », les qualificatifs utilisés pour définir un bon livre sont exactement les

mêmes que ceux d’un bon film. Nous pouvons constater que les enquêtés

recherchent les mêmes sensations en lisant un livre qu’en regardant un film,

comme s’ils « calquaient » leur rapport aux films sur de la lecture. Plus rares sont

ceux à désirer une sensation de « voyage » et d’imaginaire, se démarquant de

l’émotion recherchée dans les films ou les spectacles. Une caractéristique semble

aussi importante, la longueur du livre. En effet, parmi les réponses les plus

données, les enquêtés ne souhaitent pas de livre « trop long » qu’ils assimilent à

« ennuyeux ».

Page 44: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

44

Exprimer les émotions

Exprimer la réalité sous forme d’art

Sentiment abstrait et subjectif

Imagination / inspiration

La délicatesse représentée

XVII ème et XVIII ème siècles

Universalité et intemporalité

Unique

Un don

Les arts plastiques

Dessins

Aux arts en général (film, danse, musiques…)

Arts urbains

Arts martiaux

Peinture

Au néant

l’Artiste

Musée

Je ne sais pas

A quoi vous fait penser le mot " Art " ?

Page 45: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

45

Exprimer les émotions 11 2,03/10

Exprimer la réalité sous forme d’art 1 0,18/10

Sentiment abstrait et subjectif 2 0,38/10

Imagination / inspiration 3 0,55/10

La délicatesse représentée 1 0,18/10

XVII ème et XVIII ème siècles 1 0,18/10

Universalité et intemporalité 1 0,18/10

Unique 1 0,18/10

Un don 1 0,18/10

Les arts plastiques 6 1,15/10

Dessins 2 0,38/10

Aux arts en général (film, danse, musiques…) 10 1,85/10

Arts urbains 1 0,18/10

Arts martiaux 2 0,38/10

Peinture 4 0,75/10

Au néant 1 0,18/10

l’Artiste 1 0,18/10

Musée 1 0,18/10

Je ne sais pas 3 0,55/10

Rien 1 0,18/10

Il est intéressant de mettre en parallèle les deux réponses les plus données par les

enquêtés : d’une part « exprimer les émotions » est une réponse dans laquelle la démarche

d’une réflexion est palpable, d’une autre part « aux Arts en général » est une réponse

relativement pragmatique. Nous pouvons constater que ces réponses représentent l’écrasante

majorité des réponses données, et ont été quasiment également réparties au sein des

enquêtés. Nous avons donc deux profils différents qui ressortent au sein de ces résultats.

Nous pouvons également souligner l’originalité de certaines réponses telles que « la

délicatesse représentée », « le néant », ou encore « XVIIème et XVIIIème siècles ».

Page 46: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

46

1.3. Quelles sont leurs pratiques culturelles ?

Ecoutez-vous la musique, chez vous, en voiture ou ailleurs ?

En moyenne, au cours des douze derniers mois, êtes-vous allé au cinéma ?

Tous les jours 50 9,2/10

Environ 3 ou 4 jours / semaine 2 0,4/10

Environ 1 ou 2 jours / semaine 0 0/10

Plus rarement 2 0,4/10

Jamais 0 0/10

Plusieurs fois / semaine 2 0,4/10

Environ 1 fois / semaine 5 0,9/10

Environ 1 ou 2 fois / mois 21 3,9/10

Plus rarement 22 4,1/10:

Jamais ou pratiquement jamais 4 0,7/10

La musique fait partie intégrante

du quotidien des enquêtés qui

l’écoutent très majoritairement tous les

jours (ou presque). Jérémy, animateur

au Centre Jean Vilar, explique ce

phénomène par l’aspect gratuit et très

accessible de la musique. Youtube,

Deezer, la Radio, le téléchargement

illégal, permettent une écoute gratuite.

Le téléphone portable, les baladeur

mp3, et les ordinateurs en facilitent

l’accès.

Nous pouvons constater que

le cinéma ne remporte pas beaucoup

plus de succès que le spectacle

auprès des enquêtés. En effet, près

de la moitié des enquêtés disent y

aller moins d’une fois par mois. En

revanche, l’écart se creuse entre la

pratique du spectacle et du cinéma

puisque près de 4 personnes sur 10

vont au cinéma environ 1 ou 2 fois

par mois, alors que c’est seulement

1,3 personnes sur 10 qui va voir un

spectacle à cette même fréquence.

Page 47: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

47

En moyenne, au cours des douze derniers mois, avez-vous assisté à un spectacle ?

En moyenne, au cours des douze derniers mois, êtes-vous allé voir une exposition ?

Plusieurs fois / semaine 2 0,4/10

Environ 1 fois / semaine 2 0,4/10

Environ 1 ou 2 fois / mois 7 1,3/10

Plus rarement 26 4,8/10

Jamais ou pratiquement jamais 17 3,1/10

Plusieurs fois / semaine 2 0,4/10

Environ 1 fois / semaine 1 0,2/10

Environ 1 ou 2 fois / mois 7 1,3/10

Plus rarement 20 3,7/10

Jamais ou pratiquement jamais 24 4,4/10

Ces résultats sont assez proches

de ceux concernant la fréquence des

spectacles. Ils sont encore plus

prononcés sur l’absence de cette pratique

avec un taux de « jamais ou pratiquement

jamais » plus important. En effet, c’est

plus de 4 personnes sur 10 qui ne vont

« jamais, ou pratiquement jamais » voir

une exposition.

Les enquêtées assistent très peu,

voire pas du tout à des spectacles. Près

de la moitié des enquêtées disent y aller

moins d’une fois par mois. Ici encore,

Jérémy évoque l’aspect pécuniaire pour

expliquer ces résultats. D’après lui les

jeunes de 15-24 ans du quartier de La

Roseraie ne sont pas dans la dynamique

d’investir de l’argent pour une activité

culturelle. « Et d’ailleurs ce ne sont pas

que les jeunes de La Roseraie, les

jeunes en général ne mettent pas de

sous dans la Culture », précise-t-il.

Page 48: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

48

En moyenne, au cours des douze derniers mois, êtes-vous allé à la bibliothèque ?

Plusieurs fois / semaine 10 1,9/10

Environ 1 fois / semaine 15 2,8/10

Environ 1 ou 2 fois / mois 12 2,2/10

Plus rarement 6 1,1/10

Jamais ou pratiquement jamais 11 2,0/10

Les résultats associés à la

fréquentation de la bibliothèque du Centre

Jean Vilar sont intéressants puisqu’ils sont

également répartis entre les deux

extrémités de propositions. En effet, près

de 2 personnes sur 10 disent y aller

« plusieurs fois par semaine » et 2

personnes sur 10 disent ne « jamais ou

pratiquement jamais » y aller. Nous

pouvons tout de même constater que la

majorité des enquêtés fréquentent

régulièrement la bibliothèque puisque 37

enquêtés sur 54 fréquentent la

bibliothèque au moins « 1 ou 2 fois par

mois » (si nous comptabilisons les trois

premières réponses). D’après Jérémy, il

faut relativiser ce résultat car nombreux

sont ceux qui vont à la bibliothèque pour

l’accès à Internet (jeux sur Internet,

réseaux sociaux, consultation de mails…).

Page 49: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

2. Eléments de portraits culturels

Les résultats observés précédemment nous livrent une « photo de classe ».

Pour apprécier la consonance ou la dissonance culturelle de 15-24 ans habitant la

Roseraie et fréquentant le Centre Jean Vilar, il faut raisonner à l’échelle individuelle.

Ici nous allons étudier de plus près les réponses de deux profils culturels afin de

mettre en évidence leur consonance ou dissonance culturelle face à leur faible ou

forte légitimité culturelle.

2.1. Un portrait culturel consonant

A forte légitimité culturelle : enquêté n°3.

L’enquêté n°3 est un homme, célibataire, de 22 ans. Il vit dans une maison au

sein du foyer familial et poursuit des études supérieures avec un niveau actuel

BAC+4.

Au cours de ces douze derniers mois, il dit écouter la musique « tous les jours

ou presque », aller à la bibliothèque et au cinéma « environ une fois par semaine »,

et se rendre à une exposition « environ une ou deux fois par mois ». En revanche, il

a déclaré aller « rarement » voir un spectacle. Ses pratiques culturelles peuvent être

qualifiées de relativement régulières face aux résultats que nous avons dressé lors

de la « photo de classe ».

A la question « qu’est-ce qu’une bonne musique ? », il a répondu « une

musique Soul l’après midi, le matin un son ambiant voir Jazz, et le soir de l’électro

progressive, puis en pleine soirée de la techno house ». Ses goûts pour la musique

ne sont pas ce que l’on qualifierait de hautement légitime, puisque la musique

électronique n’est pas considérée comme la musique classique. En revanche,

l’éclectisme dont il paraît faire preuve et la démarche explicative selon le moment de

la journée démontre une pratique réfléchie. De plus, comparativement aux résultats

de l’ensemble des enquêtés, ils ne citent pas une « musique qui bouge », « qui fait

danser », ni les styles de musiques les plus écoutés tels que « RAP, Reggae,

R’n’B ».

Il répond à la question « qu’est-ce qu’un bon film » avec une démarche

relativement semblable à la question précédente. En effet, il cite différents styles de

Page 50: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

50

films en nous fournissant des exemples. Il paraît important ici de faire remarquer que

sur 54 enquêtés seuls trois on fournit des titres de films pour appuyer leur réponse.

Ainsi, il cite « un film avec une moral (Lord of War) » qui obtient en termes de critique

cinématographique : 4 étoiles sur 5 sur Allo Ciné14, ainsi que les trois « T » de

Télérama15. Il cite également « un film exagéré (Tarantino) » dont les récompenses

seraient trop longues à énumérées (Palme d’Or du Festival de Cannes en 1994 entre

autres). Ensuite, l’enquêté cite « un film qui fait réfléchir (American Beauty) », ce film

a décroché cinq Oscars en 2000, obtient 4 étoiles sur 5 à la critique Allo Ciné ainsi

qu’un « T » de Télérama. Pour finir, il cite « un bon nanar (American Pie) », film pour

adolescent ayant remporté non pas un Oscar ni la Palme d’Or c’est certain, mais un

succès important auprès des jeunes entre 15 et 30 ans. Outre le dernier film cité,

mais que l’enquêté reconnaît être un film de divertissement, nous pouvons estimer la

pratique culturelle cinématographique comme fortement légitime.

La réponse de l’enquêté n°3 à la question « qu’est-ce qu’un bon spectacle ? »

vient confirmer la légitimité de ses pratiques culturelles. En effet, dans un premier

temps il définit un bon spectacle par « un spectacle de danse , une bonne pièce de

théâtre ou les comédiens vivent leurs personnages et font ressentir aux spectateurs

l'intégralité de l’œuvre de l'auteur ». Il ajoute ensuite « Je pense a l'art chinois,

Georges Dandin16 que j'ai vu au NTA , LILIOm17 qui était réussi ». Pour finir , il révèle

à nouveau son éclectisme « Ou encore en spectacle humoristique (Jamel Comedy

Club, Gad Elmaleh ) ». Sur ce dernier point, l’enquêté correspond aux résultats de la

photo de classe qui plaçaient l’humour comme premier adjectif d’un bon spectacle.

Pour le reste de la réponse, c’est-à-dire la majeure partie, il fait preuve d’une forte

légitimité dans sa pratique culturelle.

A la question « qu’est-ce qu’un bon livre ? », l’enquêté n°3 répond « Un livre

où les sentiments de l'auteur sont retranscrits a travers ces mots Thérèse Raquin18,

La chute19, Le rivage des Syrtes20, l'œuvre de Proust ... ». Dans cette réponse, il fait

fi de ses goûts moins légitimes pour nous livrer une pratique de la lecture que nous

pouvons qualifier de légitime.

14

http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=54676.html 15

http://www.telerama.fr/cinema/films/lord-of-war,244664.php 16

comédie-ballet en trois actes de Molière, avec musique de Jean-Baptiste Lully. 17

http://www.lequai-angers.eu/fr/saison/th-atre/bdd/sid/170 18

Roman d’Emil Zola publié en 1867. 19

Roman d’Albert Camus publié en 1956. 20

Roman de Julien Gracq publié en 1951.

Page 51: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

51

Enfin l’enquêté n°3 nous livre ce à quoi lui fait penser le mot « Art » : « Aux

arts majeurs et mineurs (peinture, sculpture, poésie, cinéma, gravure etc.). A un

sentiment abstrait reconnu et connu par une évasion subjective de l'esprit. » Son

explication, sans être d’une grande clarté il faut le reconnaître, révèle tout de même

une réflexion dont peu d’enquêtés ont fait preuve au cours du questionnaire.

Par le portrait dressé, sa comparaison face aux résultats globaux, et la

constance des réponses, nous pouvons définir l’enquêté n°3 comme un profil

consonnant à forte légitimité culturelle.

A faible légitimité culturelle : n° 20

L’enquêté n°20 est un collégien de 14 ans. Il vit dans un logement HLM au

sein du foyer familial.

Il écoute la musique « tous les jours ou presque » et se rend à la bibliothèque

« plusieurs fois par semaine ». Il ne va « jamais ou pratiquement jamais » voir un

spectacle ou une exposition. En revanche, il va « environ une ou deux fois par

mois » au cinéma.

Les réponses aux questions ouvertes de l’enquête sont relativement concises.

En effet, à la question « qu’est-ce qu’une bonne musique ? », l’enquêté nous livre un

style de musique le « rap » qui n’est actuellement pas reconnu comme une musique

à forte légitimité.

Il nous livre ensuite sa définition d’un bon film : « action ». Un style de film

assez large. Il est vrai que sans précision il est difficile d’analyser cette réponse.

Cependant, nous pouvons nous risquer à dire que le film d’action est un style général

qui n’est pas particulièrement associé à une forte légitimité.

Concernant la question portant sur le spectacle, sa réponse fait écho aux

résultats globaux analysés précédemment. En effet, pour l’enquêté la définition d’un

bon spectacle est « sketch humoristique ».

Ensuite, à la question « qu’est-ce qu’un bon livre ? », l’enquêté répond « un

livre qui parle de foot ». Ici encore, nous ne disposons pas d’exemples pour analyser

complètement cette réponse, mais nous pouvons souligner que le foot est un sport

très populaire en France.

Page 52: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

52

A la question « à quoi vous fait penser le mot Art ? » l’enquêté répond

« dessins ». Rares sont les enquêtés a avoir donné une réponse aussi succincte et

pragmatique.

Les réponses fournies par l’enquêté n°20 ne révèlent pas des pratiques

culturelles très légitime. En revanche, autant sur le fond que sur la forme les

réponses sont constantes. Nous pouvons définir le portrait culturel de l’enquêté n°20

comme consonnant à faible légitimité.

2.2. Un portrait culturel dissonant

A forte légitimité culturelle : enquêtée n°43

L’enquêté n°43 est une femme célibataire de 16 ans. Elle est étudiante en

BEP, et vit dans un logement HLM au sein du foyer familial.

Elle écoute la musique « tous les jours ou presque », fréquente la bibliothèque

« plusieurs fois par semaine » et se rend à des expositions « environ une ou deux

fois par mois ». En revanche elle va « rarement » au cinéma ou voir un spectacle.

A la question « qu’est-ce qu’une bonne musique ? », l’enquêtée répond une

« musique des années 60-70-80, musique classique ». Il est difficile d’analyser cette

réponse puisque nous pouvons estimer que les années citées ont connu de la

musique de styles et de qualités différentes. Rock’n Roll, variétés ou disco ? Le fait

que l’enquêtée ne précise pas quel genre musical elle a apprécié laisse perplexe. En

revanche, nous savons qu’elle apprécie la musique classique.

L’enquêtée définit un bon film par « un film sur la psychologie et les maladies

mentales, film de guerre médiévale, science-fiction ». Elle est la seule parmi les

enquêtés a avoir cité ces types de films. Là encore, il est difficile de juger puisqu’elle

ne cite pas d’exemples, mais nous pouvons retenir l’originalité de la réponse.

Sa réponse à la question « qu’est-ce qu’un bon spectacle ? » est claire :

« théâtre classique » ce qui tend à penser une pratique culturelle légitime.

Concernant la question « qu’est-ce qu’un bon livre ? », il est aussi difficile

d’émettre une analyse puisqu’elle répond « un livre autobiographique, récit de vies,

nouvelles » sans donner de titres. Le genre autobiographique est un genre littéraire

reconnu mais qui est progressivement devenu commercial par l’engouement des

Page 53: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

53

célébrités à en (faire) écrire. Vipère au poing d’Hervé Bazin ou Les Confessions de

Jean Jacques Rousseau ne sont pas comparables à Elle m’appelait Miette de Loana,

Lorsque l’enquêté n°43 nous livre ce à quoi à lui fait penser le mot « Art » c’est

assez concis. En effet, elle répond « musée ». Rares sont les enquêtés à avoir

donner une réponse aussi succincte à cette réponse, et elle est la seule qui définit

l’Art par un lieu, celui dans lequel sont exposés les œuvres. Sans explication plus

poussée de sa part, nous pouvons penser que c’est une réponse relativement

pragmatique.

La relative simplicité – l’enquêté ne donne pas d’exemples et donne des

réponses brèves – et l’hétérogénéité des réponses de l’enquêté nous amène à la

définir comme un profil plutôt dissonant. Nous pouvons estimer qu’il est légitime par

les préférences culturelles légitimes qu’elle a citées telles que « la musique

classique » et le « théâtre classique ».

Page 54: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

54

3. Le rapport à l’offre culturelle du Centre Jean Vilar

En moyenne, venez-vous au Centre Jean Vilar ?

3.1. Ce qui a du succès / ce qui est délaissé.

Que venez-vous y faire ?

Plusieurs fois / semaine 13 2,4/10

Environ 1 fois / semaine 15 2,8/10

Environ 1 ou 2 fois / mois 10 1,9/10

Plus rarement 11 2,0/10

Jamais ou pratiquement jamais 5 0,9/10

Animation familiale 0 0/10

Animation jeunesse 12 2,2/10

Vie associative 5 0,9/10

Ateliers 12 2,2/10

Festivals 1 0,2/10

Bibliothèque 15 2,8/10

Autres 9 1,7/10

Les résultats sont assez

explicites, le Centre Jean Vilar est très

régulièrement fréquenté par les 15-24

ans du quartier. Rare sont ceux à ne

« jamais ou pratiquement jamais » y

aller.

Ce sont la bibliothèque (ce qui vient

confirmer les résultats étudiés

précédemment), les animations jeunesses et

les ateliers (décrits en I- 3- L’offre culturel du

Centre Jean Vilar) qui remportent le plus de

succès. Nous pouvons nous étonner du peu

de réponses concernant les animations

familiales et les festivals. Les enquêtés ne

fréquentent donc pas le Centre Jean Vilar en

famille. Jérémy a évoqué à plusieurs reprises

le festival « Boule de Gomme » (cf.presse)

comme un franc succès (lors de l’entretien), or

le public ciblé fait parti des personnes

interrogées qui ne semblent pas fréquenter les

festivals du Centre Jean Vilar. Le festival

« Boule de gomme » semble attirer des jeunes

au-delà du quartier de La Roseraie.

Page 55: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

55

3.2. Ce qui est sous investi

Qu'appréciez-vous au Centre Jean Vilar ?

L’accueil / l’équipe / L’ambiance 27 5/10 Activités diverses 8 1,48/10 Association Tassamouth / soirée Raï 2 0,38/10 Le lieu / décors / locaux 2 0,38/10 Spectacle / musique 1 0,18/10 Club billard / café 1 0,18/10 Bibliothèque 3 0,55/10 Je ne sais pas / ne se prononce pas 10 1,85/10

0 10 20 30

L’accueil / l’équipe / L’ambiance

Activités diverses

Association Tassamouth / soirée Raï

Le lieu / décors / locaux

Spectacle / musique

Club billard / café

Bibliothèque

Je ne sais pas / ne se prononce pas

Etonnement la bibliothèque ne fait pas partie des équipements appréciés au Centre

jean Vilar, ce qui est plutôt contradictoire avec les résultats concernant sa fréquentation

par les enquêtés. Les spectacles et la musique ne remportent pas non plus un grand

succès. Les « activités diverses » arrivent en seconde place mais force est de constater

l’écart entre les deux premiers résultats.

Finalement les activités proposées ne sont pas particulièrement appréciées, nous

pouvons alors nous interroger sur les raisons de leur fréquentation du Centre. D’après

Jérémy, et en observant l’environnement du Centre Jean Vilar, les 15-24 ans du quartier

de La Roseraie semblent aussi fréquenter le Centre Jean Vilar simplement pour se

retrouver et partager un moment ensemble, en ne faisant aucune activité proposée par le

Centre.

Page 56: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

56

3.3. Ce qui est surinvesti

L’accueil / l’équipe / L’ambiance 27 5/10 Activités diverses 8 1,48/10 Association Tassamouth / soirée Raï 2 0,38/10 Le lieu / décors / locaux 2 0,38/10 Spectacle / musique 1 0,18/10 Club billard / café 1 0,18/10 Bibliothèque 3 0,55/10 Je ne sais pas / ne se prononce pas 10 1,85/10

0 5 10 15 20 25 30

L’accueil / l’équipe / L’ambiance

Activités diverses

Association Tassamouth / soirée Raï

Le lieu / décors / locaux

Spectacle / musique

Club billard / café

Bibliothèque

Je ne sais pas / ne se prononce pas

Ici encore les résultats parlent d’eux mêmes : ce qui est apprécié au Centre Jean

Vilar est indéniablement « l’accueil, l’équipe ainsi que l’ambiance » qui semblent être le fer

de lance du succès du CJV auprès des enquêtés. En seconde place, viennent les activités

diverses, ce qui confirme les résultats concernant la question « que venez-vous y faire ? ».

En revanche, nous pouvons nous étonner du nombre relativement important de personnes

qui ne savent pas et/ou ne se prononcent pas. Il paraît confirmer ce qui a été dit

précédemment, le Centre est un lieu où les jeunes du quartier semblent se retrouver. Ils

apprécient l’ambiance générale mais ne viennent pas y chercher d’activités précises et/ou

particulières.

Nous retrouvons dans ces résultats les propos de Jérémy (voir entretien)

concernant la culture d’engagement dont font preuves les animateurs et l’importance de

l’accompagnement de projets à travers cet engagement.

Page 57: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

57

CONCLUSION

Cette approche réalisée dans le quartier de La Roseraie, et plus

spécifiquement autour du Centre Jean Vilar m’a permis d’appréhender le rapport d’un

public face à son environnement culturel. Cette enquête a été jalonnée de rencontres

tant avec des acteurs qu’avec des consommateurs culturels. Les conversations

entretenues avec ces personnes (animateur du CJV, directrice adjointe du CJV,

directeur de la Résidence des Jeunes Travailleurs et certains enquêtés) ont été

fructueuses non seulement pour mon travail de recherche puisqu’elles m’ont

éclairées sur des points de vues différents, mais aussi pour mon projet professionnel

en me permettant de mieux comprendre certains enjeux de la culture (l’importance

de l’accompagnement de projet par exemple). D’un point de vue personnel, la

réflexion et la confrontation à la réalité, que m’a apporté ce mémoire, ont été

particulièrement enrichissantes, et parfois troublantes.

Bien sûr ce travail de recherche s’est heurté à des limites. Face au désintérêt

de mon public cible lors de mon enquête, j’ai dû revoir à la baisse le nombre de

personnes interrogées. En effet, au début de ma démarche, j’avais l’ambition d’une

centaine de personnes, et j’ai finalement peiné à en trouver une cinquantaine. Mais

cette « résistance » de mon terrain était un nouveau facteur à prendre en

considération dans mon travail. Pourquoi ce désintérêt face à mon enquête ? Est-ce

lié à l’âge ? Ou justement au contexte social ? Qu’aurait-il fallu faire pour déclencher

chez mon public cible un intérêt pour mon travail ?

J’ai commencé mon étude de terrain en m’obligeant à mettre mon opinion,

mes idées reçues (souvent influencées par celles renvoyées par la société) ou

encore certains clichés de côté pour tenter d’appréhender mes rencontres avec le

plus de neutralité possible. En revanche, ce que je n’avais pas prévu, c’était de me

confronter à tous les a priori des personnes que j’allais rencontrer. Effectivement ma

probable naïveté – et certainement une forme de culpabilité – m’avait amené à croire

que je serai l’unique détentrice de préjugés, mais j’ai réalisé que ceux-ci, comme des

parasites, ne figuraient pas que dans un sens. Ce ne sont pas seulement les élitistes

quelque peu égocentriques qui formulent des clichés sur les goûts et comportements

culturels des classes moyennes voire défavorisées, la réciproque se vérifie aussi très

Page 58: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

58

aisément. Cette confrontation dénote d’ailleurs ce manque de communication

flagrant entre les différents « styles » de culture (classique, urbaine, élitiste,

commerciale…) qui, plutôt que de s’accepter et de cohabiter, se jugent sans cesse.

De ces remarques, j’ai vu apparaître une nouvelle perspective à mes

recherches, celle d’une étude comparative entre des jeunes de quartiers favorisés et

des jeunes de quartiers populaires. Une même enquête, deux terrains de recherches

différents, et une analyse comparative des résultats, est-ce que les clichés des uns

sur les autres se confirmeraient ?

Dans cette nouvelle perspective, il serait souhaitable de poursuivre le travail

que j’ai mené dans cette enquête en allant plus loin – ce que je n’ai pu faire faute de

temps – en détaillant (grâce notamment à des entretiens approfondis) les portraits

culturels de ces publics.

Pour conclure, c’est avec enthousiasme, doutes, intérêt, volonté et

inquiétudes que je me suis aventurée dans ce travail, c’est avec autant d’émotions

qu’il m’a apporté tant humainement que professionnellement.

Page 59: Mémoire M1 - Portraits culturels des 15-24ans

59

BIBLIOGRAPHIE

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http://www.culturecommunication.gouv.fr/

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ANNEXES

Annexe 1 : Centre Jean Vilar – Animations jeunesse

Annexe 2 : Mail prise de contact avec AURA

Annexe 3 : Tableau récapitulatif des résultats de l’enquête

Annexe 4 : Entretien avec Jérémy Lach

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