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MASTÈRE SPÉCIALISÉ PAPDD2012-2013

Des outils techniques en appui à la décision publique

Stratégies de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique et de simulation d’exploitation du

Cetmef

Mémoire de thèse professionnelle pour le Mastère spécialisé PAPDD

BUCHHEIT Pauline

Organisme d’accueil :Cetmef

134 rue de Beauvais - CS 6003960280 Margny Lès Compiègne

Correspondants au sein de l’organisme d’accueil :M. François HISSELM. Patrick CHASSÉ

Sous la direction de :M. Bruno LEMAIRE

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École des Ponts ParisTech, AgroParisTech-Engref et le Cetmef n’entendent donner aucune approbation ni improbation aux thèses et opinions émises dans ce rapport ; celles-ci doivent être considérées comme propres à leur auteur.

J’atteste que ce mémoire est le résultat de mon travail personnel, qu’il cite entre guillemets et référence toutes les sources utilisées et qu’il ne contient pas de passages ayant déjà été utilisés intégralement dans un travail similaire.

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RemerciementsJ’aimerais remercier vivement François Hissel et Patrick Chassé pour m’avoir confié

cette mission et fait confiance tout au long de son déroulement. Merci pour votre suivi et vos remarques. Je remercie également Bruno Lemaire, mon tuteur à AgroParisTech, pour son suivi et ses conseils tout au long de ma mission.

J'aimerais remercier aussi l’ensemble des personnes qui m’ont reçue au cours de ce stage, au Cetmef et dans les autres institutions, pour leur disponibilité, leur accueil cordial et leurs talents de pédagogue. En plus de la masse considérable de connaissances et d’expériences que j’ai pu approcher dans des domaines aussi variés que la modélisation hydraulique et l’exploitation fluviale et portuaire et des nombreux points de vue qui m’ont été offerts sur la modélisation et l’action publique en général, j’ai également eu le plaisir de découvrir quinze villes différentes, discuter de thématiques inconnues dans une langue étrangère, approcher de près des infrastructures portuaires, et en particulier des cuves de béton de 90 mètres de diamètre en construction et une forme de radoub de quinze mètres de haut, déguster une crèpe en face de l’océan et traverser un pont sur l’Oise quatre fois par jour pendant trois mois en regardant passer les cygnes et les péniches.

Toute ma reconnaissance sincère à l’équipe du deuxième étage du site de Compiègne pour avoir égayé mon stage de pauses café animées et m’avoir beaucoup appris sur la vie d’un service de l’État, et en particulier mes colocataires d’open space Stéphane et Vanessya pour avoir supporté mes clics de clavier et mon stress de dernière minute, ainsi qu’Alain Chambreuil pour sa patience à m’expliquer le fonctionnement d’une écluse, et sa gentillesse.

Un remerciement tout particulier à Chantal pour avoir géré mes missions avec une patience et un dévouement sans faille et agraphé une cinquantaine de billets de train et de bus à des états de frais, ainsi qu'à l'ensemble des agents du siège de Compiègne.

Enfin, merci à Navarith pour avoir offert un cadre idéal à cette mission, et bien plus.

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Résumé :Le centre d’études techniques maritimes et fluviales (Cetmef), service technique central

du ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, développe des outils d’aide à la décision venant en appui aux maîtres d’ouvrage publics que sont l’État, les collectivités locales, Voies navigables de France et les grands ports maritimes, dans des domaines tels que la prévention des risques naturels, le développement et la sûreté des infrastructures de navigation ou encore l'aménagement du territoire. Cette étude s’intéresse particulièrement aux stratégies de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique et de simulation d’exploitation des ports maritimes et des voies navigables du Cetmef. L’objectif est de proposer des pistes d’actions pour l’évolution future de ces outils, en fonction des besoins des partenaires du Cetmef et des autres outils existants, et en prenant en compte l’entrée prochaine du service au sein du centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema).

La rencontre de plusieurs utilisateurs actuels des outils du Cetmef ou d’outils similaires et des bénéficiaires d’études réalisées avec ces outils a permis de faire remonter un certain nombre de besoins techniques, dans chacun des deux domaines étudiés. Mais les choix de développement et de diffusion qui peuvent être faits nécessitent avant tout de clarifier le positionnement du Cetmef par rapport aux missions de recherche, d’ingénierie, d’expertise et d’accompagnement des maîtres d’ouvrage qui sont attendues de lui.

Abstract :Cetmef is a central technical department which comes under the Minister for Sustainable

Development. It forms a crossroads for research, engineering and technical solutions. It provides software to the national community (State, public entities, local authorities, etc.), in the field of flood risk management, navigation safety, capacity assessment of navigation infrastructure. This study focuses on Cetmef software development and distribution processes, in the areas of hydraulic modelling (free-surface flows, waves and sediment transport) and traffic simulation in ports and inland waterways. The aim of the study is to propose some measures to improve these processes according to the needs of its main partners, its forecoming institutional framework and the other available software.

The results of our interviews provided scope for future software development. Nonetheless, it is important to clarify the expectations of both Cetmef and its partners before developing new strategies related to software production and distribution.

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SynthèseLe centre d’études techniques maritimes et fluviales (Cetmef) est un service à compétence

nationale du ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie (MEDDE), créé en 1998. Son siège est à Compiègne, avec deux implantations importantes à Brest et Bonneuil- sur-Marne, ainsi que deux agences à Nantes et Aix-en-Provence.

Les missions du Cetmef couvrent plusieurs thèmes d’actualité, comme le développement du transport fluvial et maritime, l’optimisation des infrastructures de transport et la sécurité de la navigation, mais aussi la prévention des risques d’inondation et le développement des énergies marines. Sur ces sujets, le Cetmef réalise plusieurs types de mission, de l’ingénierie à la recherche en passant par la production méthodologique, la conduite d’expertise et l’accompagnement des maîtres d’ouvrage publics. En particulier, il assure le développement et la diffusion d’outils techniques d’aide à la décision, à destination des services de l’État et des gestionnaires publics d’infrastructures de transport maritime et fluvial.

Son rôle a évolué suite aux réformes successives affectant les missions de ses partenaires historiques – grands ports maritimes, voies navigables de France. Un nouveau changement majeur est en cours aujourd’hui, avec la création au 1er janvier 2014 du centre d’études et d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui regroupera à partir du 1er janvier 2014 les huit centres d’études techniques de l’équipement (CETE) et trois services à compétence nationale (Cetmef, Sétra et Certu). À ce moment charnière, il semble opportun de mener une réflexion sur le rôle du Cetmef et sa contribution à son environnement institutionnel et scientifique dans ses domaines de compétence. Les activités de production et de diffusion d’outils techniques nécessitent en particulier d’avoir une vision à moyen terme des ressources humaines permettant le maintien et la promotion d’outils complexes.

Cette étude vise à formuler des propositions pour l’amélioration des processus de développement et de diffusion des outils techniques du Cetmef, dans les domaines de la simulation d’exploitation des ports maritimes et des voies navigables et de la modélisation hydraulique. Nous avons cherché en particulier à évaluer l’importance de ces outils pour l’action publique dans les champs de compétences du MEDDE et à identifier des opportunités pour leur développement et leur diffusion futurs, selon les besoins exprimés par les utilisateurs des logiciels et les bénéficiaires d’études mobilisant ces outils.

1. Maintenir des outils pour l'optimisation des inf rastructures de transport maritime et fluvial

Dans le domaine du transport maritime et fluvial, les études de simulation d’exploitation permettent d’évaluer la capacité d'un réseau d'infrastructures à écouler un trafic actuel ou futur. Ces études peuvent intéresser aussi bien les gestionnaires, les exploitants, les usagers et les financeurs d’une infrastructure de transport. Le logiciel Sinavi a été développé par le Cetmef pour la simulation d’exploitation des voies navigables ; le logiciel Sipor pour celle des ports maritimes. Les deux logiciels reposent sur la théorie mathématique des files d’attente et permettent de simuler les différentes étapes du trajet d’un bateau dans un port ou dans une voie

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navigable. Plusieurs scénarios d’évolution des infrastructures et des règles de navigation peuvent ainsi être simulés et comparés en termes d’impact sur l’écoulement du trafic.

Les études ont été menées jusqu’à maintenant en interne au Cetmef, pour le compte des autorités portuaires et de VNF principalement. Elles ont ainsi permis d’évaluer les besoins en déroctage du grand port maritime de La Rochelle en 2010, de comparer plusieurs scénarios d’agencement des futurs terminaux du port du Havre en fonction des contraintes engendrées sur l’écoulement du trafic, ou encore de dimensionner le recalibrage des tronçons à grand gabarit des voies navigables du Nord-Pas de Calais. Les outils de simulation d’exploitation se révèlent un outil particulièrement utile à l’optimisation des infrastructures de transport maritime et fluviale, afin de répondre à la volonté politique actuelle de développement de ces modes de transport, dans un contexte de restriction budgétaire.

Aujourd’hui, le développement du noyau de calcul repose exclusivement sur le travail du développeur historique de l’outil, en collaboration étroite avec les deux utilisateurs du logiciel qui apportent leur expertise dans le domaine fluvial et portuaire. La question du maintien des compétences après les départs à la retraite de l’unique développeur et de l’utilisateur principal en 2014, n’a toujours pas été résolue. L’équilibre entre des compétences en programmation et une expertise sur l'exploitation portuaire et fluviale semble pourtant indispensable à la pérennisation de ce logiciel évolutif. Face à ce constat de fragilité des ressources dédiées aux outils du Cetmef, nous avons cherché d'une part à identifier les besoins à venir en matière de simulation d'exploitation, et d'autre part à recenser les autres outils existants, dans le domaine des transports maritime et fluvial, mais également routier et aérien.

Les besoins proviennent à la fois des gestionnaires d'infrastructures – VNF et la Compagnie nationale du Rhône, les grands ports maritimes – mais également de l'État, plus particulièrement la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), qui doit juger de la pertinence des investissements publics. Les compétences sont encore peu développées dans les bureaux d'études privés ; néanmoins, quelques outils commerciaux existent déjà, qui disposent pour certains de fonctionnalités intéressantes, dont peuvent s'inspirer les logiciels du Cetmef. Les services techniques du MEDDE dans le domaine routier et aérien disposent également de logiciels privés de simulation de transport privés ; le Sétra a même développé un certain nombre de modules afin d'adapter ces outils à l'évaluation de projets.

Les outils de simulation de transport reposent cependant tous sur la qualité des données d'entrée des modèles, à savoir les prévisions futures du trafic de marchandises. Or celles-ci sont aujourd'hui réalisées sur des outils privés, qui donnent parfois des résultats contradictoires. Il y a ainsi un besoin fort de développer une méthodologie de référence pour la prévision de trafic. La réunion des services chargés de différents modes de transport au sein du Cerema peut être l'occasion d'envisager un partenariat pour le développement des méthodologies et des outils de modélisation, en continuité du travail des pôles de compétences et d'innovation (PCI) existants.

2. Relier la recherche aux besoins opérationnels da ns le domaine de la modélisation hydraulique

La modélisation hydraulique est un domaine très différent ; elle est en effet mobilisée pour représenter un grand nombre de milieux – fluvial, littoral, maritime, estuarien – dans le

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cadre d’études visant à guider l’action d’une diversité d’acteurs publics et privés, dans les domaines de la prévision et de la prévention des risques naturels, de la sécurité de la navigation ou encore de la préservation des milieux aquatiques. Elle est également utilisée dans le cadre de projets de recherche visant une meilleure compréhension des phénomènes complexes représentés ainsi qu’une amélioration des outils.

Les compétences en hydraulique sont à la fois nombreuses et inégalement réparties sur le territoire français. Les services déconcentrés de l’État, les établissements publics comme VNF et les grands ports maritimes et les collectivités territoriales sont les principaux commanditaires d’études hydrauliques dans le domaine de la prévention des risques naturels, de la préservation des milieux aquatiques et de la sécurité de la navigation, auxquels s’ajoutent les aménageurs privés soumis à l’obligation de réaliser des études d’impact. Les services de l’État s'appuient sur les compétences du réseau scientifique et technique (RST), et principalement des CETE. Les ressources de ces derniers diminuant, ils reposent de plus en plus sur les bureaux d’études privés, tout comme les collectivités territoriales. Les établissements de recherche du RST, comme l’Irstea, le BRGM ou l’Ifsttar, mènent des activités de recherche en partenariat avec des universités, tout en transmettant un certain nombre de savoirs aux services principalement opérationnels que sont les CETE.

Le Cetmef, parmi ces acteurs, s’est positionné comme un organisme hybride entre la recherche et l’opérationnel. Cela le conduit à mener des activités de recherche et de développement d'outils publics, au sein des laboratoires qu'il a créé en partenariat avec des établissements de recherche. Il mène également des études d'ingénierie innovantes pour le compte de maîtres d’ouvrage publics, mais également des expertises, aussi bien dans les domaines dans lesquels des compétences toujours plus importantes sont transférées aux collectivités territoriales et aux établissements publics – aménagement du territoire, construction d’ouvrages ; que dans les domaines qui restent de la compétence de l’État – sécurité de la navigation, risques naturels. Sur l’ensemble de ces thématiques, n’ayant pas les ressources internes suffisantes, le Cetmef joue le rôle de tête de réseau auprès des CETE ; il peut également intervenir en accompagnement des maîtres d'ouvrages lorsque ceux-ci s'adressent aux bureaux d'études privés. Par ailleurs, le Cetmef contribue au développement et diffuse aux services de l’État les outils de la chaîne Telemac-Mascaret, en partenariat avec EDF et ses partenaires européens.

Le Cetmef s'est ainsi positionné à l’interface entre recherche et ingénierie. Mais l'excellence scientifique, nécessaire à l'expertise de pointe pour le compte de l'État, est-elle facilement compatible avec les besoins opérationnels des autres acteurs : services de l'État, collectivités territoriales et bureaux d'études privés ? Des éléments d’évaluation de l’efficacité de ce positionnement peuvent être apportés par le biais de la satisfaction des services de l’État et des bureaux d’études vis-à-vis des outils que le Cetmef diffuse.

La chaîne Telemac-Mascaret qui est aujourd’hui libre, semble une opportunité pour les services de l’État, dont les ressources budgétaires sont diminuées d’année en année. Néanmoins, ces outils sont développés par des chercheurs, et nécessitent pour leur utilisation des compétences solides en hydraulique, mais également en programmation. Or ces compétences, dans le contexte français de forte dispersion des missions relatives à l’hydraulique, semblent

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difficiles à acquérir. Il y a donc un besoin fort aujourd'hui pour des outils d'interface, d'entrée des données et de valorisation des résultats des logiciels de calcul, afin de faciliter leur utilisation et concurrencer les logiciels commerciaux existants.

3. De la redéfinition des stratégies de production des outils à une réaffirmation du rôle du Cetmef

La simulation d’exploitation appelle ainsi au maintien d’un outil encore assez confidentiel et anecdotique en termes d’usages actuels et potentiels, mais dont l’importance est reconnue par les gestionnaires des ports et des voies navigables, et par leurs tutelles. Le bilan des ressources aujourd’hui consacrées à ce logiciel impose une redéfinition des stratégies de développement et de diffusion. Or cela nécessite d’opérer des choix pour chacune des étapes du processus – développement, diffusion, utilisation – qui sont inextricablement liées. De l’autre côté, la modélisation hydraulique est un domaine foisonnant d’outils, d’usages et d’acteurs concernés. Le Cetmef y tient une place particulière, à l’interface entre recherche et opérationnel, et semble ainsi condamné à concilier des postures tout à fait différentes, parmi une diversité d’acteurs de part et d’autre.

Ces deux thématiques soulèvent néanmoins des problématiques communes, comme la fragilité des ressources sur lesquelles reposent de nombreux outils techniques et la difficulté à gérer à long terme les compétences nécessaires à leur maintien. Une voie prometteuse pour l'avenir semble être l'établissement de partenariats, que ce soit de manière verticale avec le monde de la recherche et les gestionnaires publics, ou de manière horizontale, avec les homologues du Cetmef – services techniques centraux bientôt réunis au sein du Cerema, ou homologues européens. En effet, de nombreuses thématiques sont transversales – prévention des inondations en milieu rural et urbain, gestion des transports – et internationales, du fait de la réglementation européenne, de la mondialisation des transports en particulier maritimes et de l'existence de cours d'eau transfrontaliers.

Les deux thématiques étudiées soulignent également la complexité des processus de développement et de diffusion des outils, qui nécessitent de s’interroger sur la posture à adopter face aux différents commanditaires et vis-à-vis des acteurs privés. Ainsi, le besoin d'expertise provient à la fois de la part des gestionnaires publics, mais également de la part de l'État. Le cas singulier des concessionnaires privés d'infrastructures publiques pose également question : à quelles conditions un outil peut-il trancher entre des intérêts contradictoires ? Peut-on utiliser un même outil pour une expertise et une contre-expertise ?

Au final, l’amélioration des stratégies de développement et de diffusion des outils techniques du Cetmef semble passer par la mise en place de partenariats et de procédures permettant de recueillir et d’intégrer les besoins des utilisateurs et des bénéficiaires des études aux développements. Elle nécessite également d’élargir toujours plus la réflexion sur l’évolution des outils au contexte thématique et institutionnel de leur utilisation. Cela permet de ne pas oublier la place qu’a la modélisation au sein des procédures de décision, et les réels déterminants de la qualité d’une modélisation, vis-à-vis de sa capacité à représenter la réalité et de son influence sur la décision finale.

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SommaireIntroduction......................................................................................................................................1Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef.............3

I.Des outils au service des ports maritimes et des voies navigables...........................................3A)Contexte des études de simulation d’exploitation..............................................................3B)Présentation des outils du Cetmef et leurs applications.....................................................4C)Un outil de dialogue à manipuler avec précaution.............................................................8

II.Historique de développement et de diffusion des logiciels de simulation d’exploitation du Cetmef.......................................................................................................................................10

A)Des outils développés en interne, pour répondre aux besoins des partenaires historiques du Cetmef.............................................................................................................................10B)Des outils en amélioration continue.................................................................................11C)Des tentatives timides de diffusion à des bureaux d’études.............................................11

III.Les besoins contrastés des commanditaires.........................................................................12A)Des pistes d’amélioration des outils du Cetmef...............................................................12B)Les usages potentiels futurs des outils du Cetmef............................................................13C)Les autres attentes des partenaires vis-à-vis du Cetmef...................................................15

IV.Autres outils et stratégies pour la simulation des infrastructures de transport.....................18A)Les autres outils de simulation d’exploitation dans les domaines portuaire et fluvial.....18B)Des besoins similaires chez les autres services techniques centraux...............................21

Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef...........................25I.La modélisation hydraulique : outils et usages.......................................................................25

A)Principe de la modélisation hydraulique numérique........................................................25B)La modélisation hydraulique en milieu terrestre..............................................................26C)La modélisation hydraulique en milieu maritime et littoral.............................................32

II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique....37A)Historique de développement et de diffusion des outils du Cetmef.................................37B)Une nouvelle stratégie de développement et de diffusion................................................38C)État des lieux des compétences en hydraulique en France...............................................41

III.Les besoins exprimés des utilisateurs et de l’administration centrale..................................48A)Besoins des utilisateurs et facteurs de choix des outils....................................................48B)Attentes de l’administration centrale................................................................................52C)Autres politiques de développement et de diffusion........................................................53

Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef.......................57I.Evolution des missions du Cetmef : des statuts qui changent et des relations qui subsistent 58

A)Historique des missions du Cetmef et relations avec ses commanditaires......................58B)Perspectives d’évolution avec le Cerema.........................................................................61

II.Attentes actuelles des partenaires..........................................................................................63A)Besoin des commanditaires et positionnement face au privé...........................................64B)Besoins des tutelles..........................................................................................................65C)Besoins des CETE............................................................................................................66

III.Éléments de réflexion pour de nouvelles stratégies.............................................................67A)Ancrer la simulation d’exploitation dans un ensemble plus large...................................67B)Créer des ponts dans le domaine de la modélisation hydraulique....................................69C)Recommandation générales..............................................................................................71

Conclusion.....................................................................................................................................73Références......................................................................................................................................75Liste des annexes...........................................................................................................................76

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Introduction

IntroductionIntroduction

1 Contexte

Le centre d’études techniques maritimes et fluviales (Cetmef) est un service à compétence nationale du ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie (MEDDE). Créé en 19981, il résulte de la fusion entre le service technique central des ports et des voies navigables (STCPMVN) et le service technique de la navigation maritime et des transmissions de l’équipement (STNMTE), anciennement service technique des phares et balises (STPB). Son siège est à Compiègne, avec deux implantations principales à Brest et Bonneuil sur Marne, ainsi que deux agences à Nantes et Aix en Provence.

Les missions du Cetmef couvrent plusieurs thèmes d’actualité : le développement du transport fluvial et maritime, l’optimisation des infrastructures de transport et la sécurité de la navigation, mais aussi la prévention des risques d’inondation et le développement des énergies marines. Sur ces sujets, le Cetmef réalise plusieurs types de missions, de l’ingénierie à la recherche en passant par la production méthodologique, la conduite d’expertise et l’accompagnement des maîtres d’ouvrage publics. En particulier, il assure le développement et la diffusion d’outils techniques d’aide à la décision, à destination des services de l’État et des gestionnaires publics d’infrastructures de transport maritime et fluvial.

Son rôle a évolué suite aux réformes successives affectant les missions de ses partenaires historiques – grands ports maritimes, voies navigables de France. Un nouveau changement majeur est en cours aujourd’hui, avec la création par la loi n°2013-431 du 28 mai 2013 du centre d’études et d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui regroupera à partir du 1er janvier 2014 les huit Centres d’études techniques de l’équipement (CETE) et trois services à compétence nationale (Cetmef, Sétra et Certu). À ce moment charnière, il semble opportun de mener une réflexion sur le rôle du Cetmef et sa contribution à son environnement institutionnel et scientifique dans ses domaines de compétence. Les activités de production d’outils techniques nécessitent en particulier d’avoir une vision à moyen terme des ressources humaines permettant le maintien et la promotion d’outils complexes.

2 Problématique

Ainsi, ce rapport cherchera à répondre à la question suivante :

Comment le Cetmef, dans le cadre du futur Cerema, peut-il améliorer les processus de production et de diffusion de ses outils techniques ?

Il s’agira en particulier d’évaluer l’importance de ces outils pour l’action publique dans les champs de compétences du MEDDE, et d’identifier des opportunités pour leur développement et leur diffusion future, selon les besoins exprimés par les utilisateurs et les bénéficiaires d’études mobilisant ces outils.

Nous restreindrons l’étude à deux familles d’outils : les outils de simulation d’exploitation des ports et des voies navigables et les outils de modélisation hydraulique. Ces deux thématiques sont très différentes à plusieurs égards – celui de la diversité des usages et des utilisateurs de ces outils, du nombre d’outils alternatifs existants, et des stratégies de développement et de diffusion qui ont été suivies par le Cetmef. Leur analyse croisée permettra ainsi de tirer des enseignements plus généraux.

1Décret n°98-980 du 2 novembre 1998 portant création du centre d’études techniques maritimes et fluviales

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Introduction

3 Méthodologie

La formulation de pistes d’amélioration s’appuiera sur le retour d’expérience des agents du Cetmef et de ses partenaires, sur le recueil des attentes et des ressentis des utilisateurs des outils et des bénéficiaires des études, ainsi que sur l’analyse d’autres stratégies de développement et de diffusion existantes. À cette fin ont été menés :

• Une série d’entretiens auprès de développeurs et d’utilisateurs des logiciels du Cetmef et d’autres outils ; des bénéficiaires actuels et potentiels des études ; de personnes ayant encadré les processus de développement et de diffusion des outils ; enfin, des tutelles du Cetmef au sein de l’administration centrale. La liste des personnes rencontrées est en annexe 1.

• La lecture de rapports techniques sur l’hydraulique et la gestion portuaire et fluviale, les notices théoriques et d’utilisation des logiciels, des mémoires d’étudiants et des guides méthodologiques amorçant un premier état des lieux des outils existants.

• La consultation de la réglementation relatives à l’ingénierie publique et les évolutions institutionnelles du Cetmef (lois et arrêtés de création), des documents stratégiques du Cetmef et des différentes conventions signées avec les partenaires, et des rapports rédigés par des inspecteurs généraux.

• Une comparaison à l’international, incomplète faute de temps, ainsi qu’auprès d’autres services techniques centraux opérant sur des sujets proches.

4 Déroulement du rapport

Dans les deux premières parties sont traitées successivement les deux familles d’outils étudiées, en présentant pour chacune d’elles un panorama des outils existants et de leurs usages en appui à l’action publique, un historique de développement et de diffusion jusqu’à aujourd’hui et enfin un bilan des besoins exprimés de la part des différentes parties prenantes et des autres stratégies existantes.

La troisième partie se penche sur l’évolution du rôle et du positionnement du Cetmef vis-à-vis de ses partenaires, et sur les perspectives qui s’offrent aujourd’hui à lui. Des recommandations seront ainsi formulées sur l’évolution des deux familles d’outils.

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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef

Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmefportuaire et fluviale et place du Cetmef

Cette partie traite des politiques de développement et de diffusion des outils de simulation d’exploitation du Cetmef, développés à partir des années 80 pour simuler le trafic dans les ports maritimes et les voies navigables. Après une brève présentation des outils et des usages qui en sont faits, ainsi qu’un rappel de l’histoire de développement et de diffusion de ces outils, un certain nombre d’éléments seront analysés, permettant de guider une révision des stratégies : les besoins actuels des bénéficiaires des études, une revue des outils analogues existants et un aperçu des stratégies des autres services techniques centraux oeuvrant dans le domaine des transports.

I.I. Des outils au service des ports maritimes et des voies Des outils au service des ports maritimes et des voies navigablesnavigables

A) Contexte des études de simulation d’exploitation Dans le domaine du transport maritime et fluvial, les études de simulation d’exploitation

permettent d’évaluer la capacité du réseau à écouler un trafic actuel ou futur. Ces études peuvent ainsi intéresser aussi bien les gestionnaires, les exploitants, les usagers et les financeurs d’une infrastructure de transport.

1 Dans le domaine portuaire

Les études visent à répondre aux besoins des autorités portuaires, d’évaluer la pertinence de nouveaux projets d’infrastructures ou de l’optimisation des ouvrages existants. Il peut s’agir d’études prospectives à long terme afin d’adapter les ouvrages aux prévisions de trafic, ou d’une réponse à court terme à un problème d’exploitation ponctuel.

Les grands ports de commerce accueillent de nombreux trafics différents : ferry, porte-conteneurs, pétroliers, minéraliers, vraquiers, dont l’évolution est fortement tributaire de la conjoncture économique. Le développement rapide du trafic de conteneurs a accentué la mise en concurrence des ports à l’échelle mondiale. Les autorités portuaires doivent ainsi répondre à la demande des armateurs en matière de rapidité du service. À cela s’ajoute l’agrandissement continu des navires qui rend plus difficile leur accueil dans les ports. Enfin, une problématique actuelle est le développement de la desserte fluviale des ports, qui nécessite aussi de repenser l’organisation des trafics au sein du port.

L’augmentation en volume d’un trafic ou l’accueil d’un nouveau trafic affecte l’ensemble des activités du port. Par le passé, les autorités portuaires privilégiaient l’agrandissement du port et la construction de nouveaux quais. Dans le contexte actuel de restriction budgétaire et de diminution de l’espace disponible pour étendre le port, du fait de la proximité de la ville ou la présence d’espaces naturels protégés, c’est aujourd’hui l’optimisation des aménagements existants qui est recherchée. À surface égale, on peut ainsi changer l’affectation des différents quais.

Les conséquences de ces modifications sur le fonctionnement global du port peuvent être mises en évidence par une étude de simulation d’exploitation.

Suite à la réforme des ports français définie par la loi du 04 juillet 20082, les ports autonomes, devenus grands ports maritimes, ont cédé les outillages de manutention (grues et portiques) aux

2 Loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire

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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef

opérateurs privés de terminaux. Les études de simulation peuvent donc également intéresser ces opérateurs pour évaluer leurs besoins propres en termes de structure de flotte, d’outillage et d’appontement.

2 Dans le domaine fluvial

La simulation d’exploitation intéresse également les établissements en charge de la gestion des voies navigables. Le territoire français dispose ainsi de 8.500 km de voies navigables, dont 6.700 km ont été confiés à l’établissement public Voies navigables de France (VNF) et ses sept directions territoriales. La gestion du Rhône a, quant à elle, été concédée à la Compagnie Nationale du Rhône en 1934, tandis que les grands ports maritimes du Havre, de Marseille et de Dunkerque, ainsi que les ports fluviaux de Paris et de Strasbourg gèrent le réseau fluvial situé à l’intérieur de leur domaine portuaire. Enfin, les collectivités territoriales sont parfois gestionnaires de portions du réseau fluvial.

Ces établissements ont pour mission le développement et la modernisation de la voie d’eau et des ouvrages de navigation – écluses, ponts-canaux, tunnels. Les études de simulation peuvent permettre d’identifier les besoins futurs de développement en fonction de la capacité du réseau à écouler le trafic et évaluer l’impact sur cette capacité de différents investissements – doublement des écluses, recalibrage de biefs – ou de modifications des règles d’exploitation – optimisation des éclusées, mise en place d’alternats.

B) Présentation des outils du Cetmef et leurs applications Le logiciel Sinavi a été développé par le Cetmef pour la simulation d’exploitation des voies

navigables ; le logiciel Sipor pour celle des ports maritimes. Les deux logiciels reposent tous deux sur la théorie mathématique des files d’attente et permettent de simuler les différentes étapes du trajet d’un bateau dans un port ou dans une voie navigable. Plusieurs scénarios d’évolution des infrastructures et des règles de navigation peuvent ainsi être simulés et comparés en termes d’impact sur l’écoulement du trafic (annexe 2).

1 Fonctionnement du logiciel

a) Modélisation du réseau et de la flotte

La première étape de la modélisation consiste à représenter le réseau considéré. Celui est découpé en segments uniformes, séparés par des gares, auxquels s’ajoutent des points remarquables : dans le domaine fluvial, les écluses, tunnels, ponts-canaux ; dans le domaine portuaire, les cercles d’évitage qui permettent aux navires de réaliser des manoeuvres à l’approche du quai, les bassins dans lesquels se trouvent un ou plusieurs quais de chargement-déchargement et les écluses, qui permettent de maintenir certains bassins à une hauteur d’eau constante, malgré la marée. La deuxième étape consiste à décrire la flotte qui sera simulée ainsi que les règles de navigation et d’exploitation qui s’appliquent aux différentes unités.

b) Simulation

Lors de la simulation dans Sinavi, le bateau est généré à sa gare de départ, puis parcourt les différents biefs, ponts-canaux et tunnels et franchit les écluses qui se trouvent sur son trajet, jusqu’à sa gare de destination. Le bateau navigue selon la vitesse maximale autorisée par la réglementation ou par les caractéristiques physiques de la voie d’eau. Il respecte les conditions de croisement et de trématage, et

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I.Des outils au service des ports maritimes et des voies navigables

n’est pas contraint par les conditions de vent ni de courant. La règle principale de gestion des files d’attente est le principe du premier arrivé, premier servi, que l’on peut nuancer par la définition de règles de priorité.

Dans Sipor, le navire généré à l’entrée du port franchit les différents chenaux, zones de manœuvre et écluses qui le mènent à son quai d’affectation. Tout au long du trajet sont prises en compte les règles de navigation et de croisement, les conditions de marée et les durées de parcours. Une fois le chargement ou déchargement au quai terminé, le navire prend le trajet inverse vers la sortie et subit ainsi les mêmes conditions de navigation qu’à l’aller.

c) Résultats

Les deux logiciels génèrent un fichier d’historique reprenant l’ensemble des passages de bateaux aux différentes gares du réseau. Des traitements statistiques de cet historique permettent d’évaluer les indicateurs d’écoulement de trafic qui ont été jugés pertinents : nombre de bateaux générés, durées de parcours, taux d’occupation des écluses et des quais, temps d’attente dans chaque gare, et temps d’attente total par catégorie de bateaux.

Les logiciels permettent ainsi d’identifier des points éventuels d’engorgement sur le réseau ainsi que les causes principales des attentes. Sont en effet distinguées :

– les attentes de sécurité, du fait des règles d’interdiction de croisement ou de trématage,– les attentes d’accès, du fait des créneaux de navigation ou d’accès aux ouvrages,– les attentes d’occupation, liées à l’occupation des écluses ou des quais,– les attentes d’indisponibilité, du fait des pannes et des travaux,– dans Sipor uniquement, les attentes liées à la marée.

2 Déroulement d’une étude en partenariat

Les études ont été menées jusqu’à maintenant en interne au Cetmef, pour le compte des autorités portuaires et de VNF principalement. Voici les principales étapes de déroulement d’une étude.

a) Conception du modèle et collecte des données d’en trée :

La première étape est la définition du problème auquel veut répondre le maître d’ouvrage, et l’identification des leviers qui peuvent être mobilisés pour y répondre. Cela détermine les frontières du système à modéliser ainsi que les différentes caractéristiques à représenter : structure de la flotte3, règles d’exploitation, caractéristiques techniques des ouvrages. À ces éléments correspondent des données quantitatives et qualitatives à recueillir et à entrer dans le modèle.

Les étapes de collecte, de centralisation, de structuration et de synthèse des données d’entrée sont les plus lourdes. Elles incombent le plus souvent au commanditaire, et peuvent nécessiter, du fait de la spécificité de chaque étude, des ajustements en cours de route.

– Modélisation du réseauDans un premier temps, le réseau doit être modélisé dans la logique du logiciel, c’est-à-dire par

une succession de biefs caractérisés par des règles de navigation ou des dimensions particulières. Par exemple, les 80 km de voies navigables à grand gabarit allant de Comines à Arleux, dans le Nord, ont été représentés en 20 tronçons dans Sinavi.

Les durées d’éclusée en milieu portuaire ou fluvial sont des données qui affectent sensiblement

3 La structure de flotte est la répartition du nombre de bateaux par type

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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef

les résultats du modèle. Elles doivent être obtenues par des mesures de terrain et le retour d’expérience des éclusiers. Il est à noter qu’elles dépendent souvent à la fois de l’écluse et du type de bateau considéré. Il faut distinguer le temps de vidange ou de remplissage du sas, qui est le même quelque soit le type de bateau ainsi que dans le cas d’une fausse bassinée4, mais varie selon les caractéristiques de l’écluse (dimensions, âge, type de vannes) ; et le temps de manoeuvre en entrée et en sortie de sas, qui dépend lui, à la fois du bateau (manoeuvrabilité) et de l’écluse considérée (manoeuvrabilité des portes, distance de l’aire d’attente au sas).

– Données et prévisions de traficLe modèle est calé à partir des données historiques et actuelles de trafic. Dans le domaine

portuaire, ces données sont recueillies auprès de la capitainerie, qui recense dans une base de données les caractéristiques des navires, leur quai de destination ainsi que les horaires des différentes étapes du trajet du navire dans le port : montée à bord du pilote à l’entrée du port, passage aux digues et aux écluses, accostage, appareillage, passage de retour aux digues.

Dans le domaine fluvial, qu’il s’agisse du domaine géré par un port maritime ou par VNF, les données de trafic sont recueillies de manière plus dispersée ; on retrouve les horaires de passage des bateaux dans les cahiers d’éclusiers, mais le nombre total de bateaux est le plus souvent estimé à partir du tonnage annuel transporté sur la voie d’eau et de la structure de flotte. On tient également compte dans le calcul du taux de chargement des unités : une partie d’entre elles sont lèges, et les autres ne sont pas remplies au maximum de leur capacité d’emport. On obtient au final le nombre de bateaux de chaque catégorie qui naviguent sur la liaison considérée. Des hypothèses fortes doivent encore être prises sur le trajet emprunté par ces bateaux, c’est-à-dire leur point d’entrée et de sortie sur le réseau. En ce qui concerne les prévisions de trafic, la Direction de la Prospective, du Budget et Systèmes d’Information de VNF réalise des études sur la structure de flotte future.

Les estimations du trafic futur permettant d’alimenter le modèle, sont produites dans certains ports par le service chargé de la prospective, et par la Direction de la Prospective, du Budget et Systèmes d’Information de VNF. Elles proviennent parfois aussi d’études réalisées par des prestataires extérieurs (voir section C).

– Règles de navigationDans le domaine fluvial, les fenêtres de navigation des différentes catégories de bateaux doivent

être recueillies auprès des navigants ou des services de VNF expérimentés. Par exemple, les bateaux de petite dimension, qui sont souvent des artisans soumis au code du travail, s’arrêtent la nuit, tandis que les gros bateaux circulent 24h/24 avec un système de relais.

Par ailleurs, le recueil précis des conditions de croisement et de trématage dans chaque tronçon, nécessaire pour une étude de recalibrage, nécessite dans le domaine fluvial une étude spécifique de géométrie du réseau. Dans le domaine portuaire, les règles de sécurité sont érigées pour l’ensemble du port par la capitainerie.

La modélisation du réseau nécessite donc une connaissance fine du réseau, qui est encore loin d’être acquise dans le domaine fluvial. La collecte des données nécessaires au modèle a néanmoins le mérite de faire communiquer les différentes entités et de soulever parfois des problèmes jusque-là éludés.

b) Calage et validation du modèle

Des premières simulations sont réalisées à partir de données de trafic historiques et actuelles, de

4 Vidange ou remplissage d’une écluse sans bateau, de manière à remettre l’écluse dans le sens de navigation souhaité

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I.Des outils au service des ports maritimes et des voies navigables

manière à ajuster les différents paramètres pour que le modèle reproduise bien la situation actuelle ; c’est l’étape de calage, qui nécessite souvent une forte interaction entre le commanditaire et le prestataire. Ces premiers résultats en termes de nombre de bateaux, de temps de trajet et de temps d’attente sont en effet vérifiés selon les données disponibles et l’expertise conjointe du prestataire et du commanditaire. Les résultats peuvent également être soumis pour validation à un autre service, comme dans le domaine fluvial le service chargé des relations clients, qui dispose d’une forte expertise sur les trafics, les bateaux, les filières et les horaires de navigation, ou la capitainerie dans le domaine portuaire ; ou encore à des acteurs extérieurs, transporteurs fluviaux ou armateurs.

c) Simulation et résultats

Après validation du modèle, les différents scénarios sont simulés, en intégrant les données projet concernant la structure de la flotte future, les nouvelles configurations de quai, de chenaux ou de biefs ou encore les nouvelles règles de navigation. Les résultats du modèle n’ont pas vocation à prédire un niveau de service futur, mais bien à fournir des ordres de grandeurs permettant de comparer plusieurs scénarios et d’évaluer l’impact de décisions d’aménagement et d’exploitation.

La comparaison des scénarios s’appuie sur un certain nombre d’indicateurs choisis par le commanditaire parmi ceux fournis par le logiciel. Ainsi, un projet d’approfondissement des chenaux d’accès aux quais fera principalement varier les temps d’attente liés à la marée ; une modification des règles d’exploitation des quais ou de leurs dimensions, entraînera une variation des attentes d’occupation des quais.

À l’issue de ces comparaisons, le modélisateur émet des recommandations en termes d’investissement ou de modification des règles d’exploitation, selon un optimum recherché entre coûts d’investissement et coûts de fonctionnement, liés à l’attente des bateaux.

3 Des études permettant de traiter différents thèmes

a) Estimation des besoins de déroctage pour l’accès aux quais dans le port de La Rochelle

L’étude conduite pour le Port de la Rochelle en 2010 s’inscrivait dans le projet d’extension du port dans l’Anse Saint-Marc (voir illustration en annexe 2). Ce projet nécessitait d’améliorer les accès nautiques par des travaux de déroctage. Au vu du coût de la mobilisation du matériel de déroctage, le port a voulu réaliser en amont une étude prospective pour identifier les besoins à long terme de développement du port et donc de déroctage.

L’objectif de l’étude était donc d’évaluer l’impact du déroctage sur les temps d’attente des navires en fonction d’hypothèses d’évolution du trafic à l’horizon 2025. Le but était d’optimiser les coûts de déroctage par rapport à l’attente évitée. L’étude a permis d’identifier les zones qu’il était nécessaire d’approfondir et la profondeur optimale au vu des deux indicateurs : gain de temps et coût des travaux.

L’étude a ainsi apporté une justification économique du projet et a permis d’appuyer le dossier auprès des tutelles et des financeurs. L’étude a été reprise dans le dossier de prise en considération du projet.

b) Faisabilité de différentes configurations d’aména gement des terminaux dans le port du Havre

L’étude réalisée en 2012 pour le port du Havre avait pour objectif d’identifier l’impact de

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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef

différents scénarios à long terme d’aménagement du port sur l’écoulement du trafic. Ces projets s’inscrivent dans la volonté du port de développer le trafic de conteneurs, tout en maintenant le rythme de croissance des activités de pétrochimie et de roullier. L’étude a permis de mettre en évidence des risques de saturation non seulement de l’écluse François 1er, que le port souhaite doubler, mais également du chenal d’accès à cette écluse, qui dessert également plusieurs terminaux. La comparaison des temps d’attente des différentes catégories de navires a permis de hiérarchiser les différents projets d’aménagement.

c) Estimation des besoins de recalibrage d’un tronço n de VNF Nord

La direction territoriale Nord-Pas de Calais de VNF mène une réflexion sur la modernisation de son réseau grand gabarit, situé au débouché du projet de canal Seine Nord Europe. Ce réseau de 250 km est divisé en trois branches à partir de la ville d’Arleux :

– une prenant la direction d’Escaut,– l’autre de Dunkerque,– et la dernière permettant de rejoindre les ports de Gand et d’Anvers par la Lys mitoyenne et

Comines.

Dans le passé, des simulations ponctuelles ont été réalisées par le Cetmef, sur des problématiques spécifiques appelant des solutions à court terme, comme la traversée de la ville de Douai ou la mise en place de surlargeurs afin de faciliter la navigation dans les courbes de la Lys.

Néanmoins, ces études couvrant des linéaires restreints sont insuffisantes. VNF aimerait avoir une vision systémique et à plus long terme de son réseau, avec un modèle couvrant chacune des trois branches du réseau. Dans le cadre des études stratégiques de VNF à l’horizon 2020-2050, les résultats de l’étude de simulation ont ainsi pour but d’aider la direction territoriale à prioriser les projets de doublements des écluses et de relèvement de ponts, en anticipation du projet du canal Seine Nord Europe.

La première branche sélectionnée pour ce modèle à grande échelle a été celle allant de Comines à Arleux, afin de répondre par la même occasion aux problématiques plus spécifiques de surlargeurs auxquelles est confronté le secteur des courbes de Deulémont.

La question spécifique à laquelle doit répondre l’étude est la suivante. Faut-il recalibrer le tronçon considéré pour des bateaux de 135 m de long, ou peut-on le recalibrer uniquement pour des bateaux de 110m, et maintenir l’alternat pour des bateaux plus longs, sans entraîner de temps d’attente inacceptable ?

C) Un outil de dialogue à manipuler avec précaution

1 La simulation, un outil de dialogue et de mobilis ation des parties prenantes

Les études de simulation d’exploitation sont souvent utilisées pour justifier et objectiver une décision d’aménagement vis-à-vis des financeurs mais également des autres interlocuteurs du maître d’ouvrage publique : opérateurs privés, armateurs, navigants, police de la navigation, qui ont tous leurs exigences sur les conditions de navigation à l’intérieur de la voie d’eau.

L’étude a un poids variable dans la procédure de décision, en fonction des cas. Elle permet parfois de trancher entre deux caractéristiques techniques, comme une profondeur de déroctage ou une largeur de bief, mais s’ancre toujours dans un programme d’études techniques – trajectographie, tenue à poste des navires – ou financières bien plus large.

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I.Des outils au service des ports maritimes et des voies navigables

Néanmoins, son principe de représentation systémique d’une entité complexe, port maritime ou voie navigable, fait d’elle un outil privilégié de dialogue et de mobilisation des différentes parties prenantes. En tant qu’objet intermédiaire, elle permet de faire communiquer, dans le cas des ports, l’autorité portuaire, responsable des aménagements, la capitainerie, du fait de son expérience de la gestion du trafic, les pilotes, qui connaissent les conditions de navigation dans le port ainsi que les clients du port, qui dans le contexte économique actuel ont un fort pouvoir de négociation croissant du fait des emplois qu’ils représentent.

L’étude de simulation s’ancre ainsi dans un processus de concertation qui réunit des acteurs ayant des expertises complémentaires mais également des intérêts parfois contradictoires et des horizons de temps différents. Dans un tel contexte, quelle est la capacité de l’outil technique à apporter des éléments objectifs ? Comme dans tout travail de modélisation, la qualité de la simulation, entendue au sens de fiabilité des résultats vis-à-vis de la réalité, dépend à la fois de la qualité des données d’entrée et de l’expertise mobilisée dans l’interprétation des résultats.

2 Importance des estimations du trafic futur

Si les données historiques et actuelles de trafic et les caractéristiques du réseau sont difficiles à récolter et nécessitent un travail d’investigation important, les données futures de trafic se placent à une toute autre échelle de complexité. Les niveaux futurs de trafic de marchandises dépendent en effet de nombreux facteurs et varient fortement en fonction de la conjoncture économique. Or, ces données déterminent grandement la fiabilité des résultats du modèle ; lorsqu'il s’agit d’évaluer la pertinence d’un investissement à long terme, une estimation fiable du trafic futur se révèle donc indispensable.

Dans le domaine fluvial, plusieurs outils d’évolution du trafic ont pu être mobilisés dans le cadre du projet Seine Nord Europe. L’étude de simulation d’exploitation, menée par le Cetmef sur le projet de canal, a ainsi utilisé les estimations de trafic issus d’une étude réalisée dans le cadre des études préliminaires de Seine Nord Europe, par le bureau d’études Catram consultants, spécialisé dans l’économie et l’organisation des transports. Afin d’améliorer la fiabilité des résultats de l’étude de simulation, des tests de sensibilité ont été effectués à partir des résultats issus d’une deuxième étude, réalisée cette fois par la société Belconsulting5, sur le secteur voisin de la Lys. Celle-ci prévoyait ainsi une évolution différente de la structure de flotte.

Dans le cadre du même projet, le bureau d’études Stratec a mené d’autres études de trafic à partir du logiciel Nodus, amenant à des résultats encore différents. Nodus un logiciel graphique conçu pour la modélisation des réseaux multimodaux de transport de marchandises : chemins de fer, routes, canaux et transport maritime à courte distance. À partir d’une matrice origine-destination et par la minimisation des coûts de transport, l’outil donne les solutions de transport les plus avantageuses. Nodus a été développé par le groupe Transport et Mobilité des Facultés Universitaires Catholiques de Mons6.

Plusieurs outils commerciaux existent donc ; mais le Cetmef n'a pas pu avoir accès aux données utilisées par ces logiciels, ni à leur fonctionnement. Par ailleurs, il n'existe pas encore de méthodologie de référence, permettant de juger de la qualité de ces études de trafic. Les modélisateurs contournent aujourd'hui ce problème en définissant plusieurs scénarios de trafic, suivant différentes hypothèses, ce qui permet d’avoir une bonne idée du comportement futur du réseau. Une autre possibilité est de prendre le problème par l'autre sens, et de déterminer par itération le trafic qui amènerait à saturation les ouvrages considérés, sans préjuger de la date à laquelle il adviendrait.

5 Qui appartient aujourd’hui à Antea Group6 www.stratech.be/fr/Traitement_de_l_information-3.2.htm

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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef

3 Interprétation délicate des résultats

Si l’outil a pour but de quantifier des tendances dont on a a priori l’intuition, son intérêt est également de faire émerger parfois des résultats suprenants. Or il faut une certaine expertise, à la fois dans le domaine de la programmation informatique que dans le domaine de l’exploitation fluviale ou portuaire, pour évaluer si ces résultats proviennent d’une erreur de paramétrage ou bien d’une caractéristique particulière du système étudié. De même, les résultats obtenus doivent être mis en regard des temps moyens d’attente dans d’autres contextes, afin d’éclairer au mieux la décision du maître d’ouvrage.

Les outils de simulation d’exploitation se révèlent donc un outil particulièrement utile à l’optimisation des infrastructures de transport maritime et fluviale, afin de répondre à la volonté politique actuelle7 de développement de ces modes de transport, dans un contexte de restriction budgétaire. Avant de se pencher sur les perspectives d’évolution de ces outils, un retour sur leur historique et l’état actuel des ressources s’impose.

II.II. Historique de développeHistorique de développement et de diffusion des ment et de diffusion des logiciels de simulation d’exploitation du Cetmeflogiciels de simulation d’exploitation du Cetmef

A) Des outils développés en interne, pour répondre aux besoins des partenaires historiques du CetmefC’est au début des années 80 que le développeur actuel des outils de simulation d’exploitation,

Alain Pourplanche, entreprend le développement d’un programme qui simule le fonctionnement d’un ensemble de quais dans un port maritime. Cet outil, appelé Sipor, permet de calculer le taux d’occupation d’un quai en fonction du trafic et du temps de chargement et de déchargement des navires. Le temps de navigation du navire, de l’entrée du port jusqu’au quai, est calculé en amont de la simulation et considéré comme fixe. Cet outil est alors utilisé dans de nombreuses études pour le compte des ports autonomes et des ports d’intérêt national, comme le port de Sète en 1988. À l’époque, tous les projets d’investissement des ports étaient soumis à l’avis du Cetmef. L’outil est également utilisé auprès d’un opérateur privé, SeaBulk, installé dans le port de Dunkerque, pour quantifier son besoin d’appontement.

À l’occasion du projet Port 2000 d’extension du port autonome du Havre, le modèle SIM 2000 est développé, qui permet d’évaluer les conséquences des conflits de navigation dans les chenaux portuaires sur l’écoulement du trafic. En effet, la problématique au Havre est l’installation d’un nouveau terminal dans un port qui accueille déjà de nombreux trafics différents, employant pour certains les mêmes chenaux d’accès aux quais ainsi que l’écluse François 1er, à l’entrée du bassin amont. Il devient alors évident que le temps que le navire met pour aller de l’entrée du port jusqu’au quai varie en fonction du trafic existant dans le port. Des temps d’attente considérables peuvent être causés par la saturation de l’écluse ou l’emprunt de cercles d’évitage.

À la fin des années 90, débute le projet FUDAA, qui vise à développer une interface homme-machine adaptée aux programmes du Cetmef. Dans les années qui suivent, de nouvelles fonctionnalités sont développées sur le noyau de calcul au fur et à mesure des demandes des Ports, tandis que l’interface est développée en parallèle par deux agents du Cetmef, puis par une seule personne, Frédéric Deniger, aidée de plusieurs stagiaires issus de l’Université Technologique de Compiègne.

Au milieu des années 2000, les deux logiciels du domaine portuaire, Sipor et Sim2000, sont couplés dans Fudaa-Sipor. Ce nouvel outil est alors testé et optimisé sur trois études successives : La

7 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/CP_developpement_transport_fluvial_-_16-04-2013.pdf

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II.Historique de développement et de diffusion des logiciels de simulation d’exploitation duCetmef

Rochelle, Le Havre et Nantes-Saint Nazaire.

En parallèle, le développement d’un outil similaire est lancé sur le domaine fluvial, pour le compte de VNF et des services de navigation. Une des premières études est celle des écluses de Méricourt, sur le bassin de la Seine. Le but était alors de savoir si une ancienne écluse devait être remise en service le temps de réparer l’écluse actuelle. Depuis, Sinavi a été utilisé dans le cadre de plusieurs études pour le compte de VNF, dans le cadre du projet Seine Nord Europe, de la modernisation du réseau de la direction territoriale Nord-Pas de Calais ou encore de l’automatisation des écluses du canal de Saint-Quentin.

B) Des outils en amélioration continue Le noyau de calcul des deux logiciels est amélioré à chaque nouvelle étude, afin de l’adapter aux

attentes des bénéficiaires et au contexte étudié. En parallèle, deux aspects des outils sont aujourd’hui développés au sein de la direction scientifique du Cetmef.

D’une part, les utilisateurs du logiciel recensent les améliorations qui doivent être apportées à l’interface Fudaa afin de faciliter la prise en main des outils. Un cahier des charges est en construction aujourd’hui afin d’externaliser ces développements. En effet, depuis le départ de Frédéric Deniger dans la société d’informatique Génésis, le développement de l’interface a été externalisé à plusieurs reprises, auprès de Génésis et de la société DeltaCAD, située à Compiègne. Le recrutement récent d’un agent au sein de la division Informatique a pour but de relancer cette activité en interne.

D’autre part, le département Simulation Informatique Modélisation cherche à améliorer les lois d’arrivée et de service théoriques sur lesquelles repose le logiciel. L’analyse des échantillons de dates d’arrivée diponibles permet de déterminer une loi de probabilité d’arrivée empirique. Une des difficultés des logiciels de simulation est d’obtenir une loi de probabilité théorique, qui approche mieux la réalité.

Les fonctions de répartition théorique utilisées sont des lois d’Erlang d’ordre i. Le choix de l’ordre de la loi d’Erlang est conditionné par la valeur du rapport écart-type sur moyenne (s/m) de la loi empirique. Afin que chaque rapport s/m corresponde une loi théorique, une combinaison de lois d’Erlang d’ordres différents a récemment été mise au point. Les travaux du service ont également permis d’obtenir l’estimation de l’erreur entre les lois générées et les lois d’Erlang, en fonction du nombre de navires.

C) Des tentatives timides de diffusion à des bureaux d’études Si les outils ne font pas l’objet d’une communication particulière, ils ont tout de même été

présentés à deux Journées scientifiques et techniques du Cetmef, l’une concernant les voies navigables, l’autre le domaine portuaire.

La politique de diffusion des outils a évolué au cours du temps au Cetmef. La réduction des moyens humains a poussé les services à promouvoir la diffusion gratuite des outils aux structures demandeuses. Ainsi, le fichier exécutable – et non les codes sources – de Sinavi a été fourni à deux bureaux d’études, Stratech et Bief, qui en avaient fait la demande ; il s'agissait alors d'une version antérieure du logiciel. Le Cetmef leur a offert une journée de formation et un contrat de support donnant droit à une autre journée d’assistance à l’utilisation du logiciel.

Le bureau d’études belge Stratech a testé Sinavi sur le projet Mageo de mise à gabarit européen de l’oise aval, pour le compte de VNF. Le logiciel a également été diffusé en 2007 au bureau d’études Bief8, spécialisé dans le domaine de l’eau et basé à Paris. Celui-ci s’en est servi sur l’étude du relèvement

8 http://www.caricaie.fr/

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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef

d'une route nationale franchissant le canal de Beaulieu situé sur la liaison Bray sur Seine - Nogent sur Seine, sur le secteur de la Seine amont. Il a été réutilisé en 2009 afin d'actualiser les données de trafic, toujours avec l'aide du Cetmef. Il n'a pas été réutilisé depuis, tout simplement par manque d'opportunité.

Le Cetmef n’a pas suivi le déroulement des études, ni eu en main les rapports conclusifs. La diffusion n’a pas été tentée une nouvelle fois en raison des besoins de maintenance qu’impliquait cette stratégie, qui plus est dans une période de rapide évolution du logiciel. En outre, à l’époque de ces diffusions, une personne de plus qu’aujourd’hui était disponible pour la maintenance du logiciel et l’assistance auprès des utilisateurs. Cela serait impossible aujourd’hui, dans l’état actuel des moyens humains consacrés au développement du logiciel.

Aujourd’hui, le développement du noyau de calcul repose exclusivement sur le travail d’Alain Pourplanche, en collaboration étroite avec les deux utilisateurs du logiciel, Alain Chambreuil et Arnaud Bana, qui apportent leur expertise dans le domaine fluvial et portuaire. La question du maintien des compétences après les départs à la retraite d’Alain Pourplanche et d’Alain Chambreuil en 2014, n’a toujours pas été résolue. L’équilibre entre des compétences en programmation et une expertise sur les contextes portuaire et fluvial semble pourtant indispensable à la pérennisation de ce logiciel évolutif.

Face à ce constat de fragilité des ressources dédiées aux outils du Cetmef, et afin d’envisager des pistes d’actions pour l’avenir des études de simulation d’exploitation, il est important de recenser les besoins des bénéficiaires des études et de s’inspirer des autres outils existants dans le domaine des transports maritime et fluvial, mais également routier et aérien.

III.III. Les besoins contrastés des commanditairesLes besoins contrastés des commanditairesDans le cadre de cette étude, les besoins des commanditaires actuels et potentiels des études de

simulation d’exploitation ont été recueillis, afin de guider le développement futur des outils. Ont ainsi été rencontrés les bénéficiaires récents et actuels des études, ainsi qu’un bénéficiaire potentiel dans le domaine fluvial, la commission nationale du Rhône (CNR) et la tutelle de VNF au sein de la DGITM. Ils ont soulevé des pistes d’amélioration des outils du Cetmef, de nouveaux usages possibles ainsi que plusieurs visions du rôle du Cetmef.

A) Des pistes d’amélioration des outils du Cetmef

1 Une représentation plus fine du système

La représentation de situations particulières nécessite parfois de trouver quelques astuces de modélisation – simplifications, détournement de certaines fonctionnalités. Ces astuces permettent de représenter de manière appropriée la réalité et reposent sur l’expertise du modélisateur. Néanmoins, elles sont difficiles à justifier auprès du client qui ne connaît pas les subtilités du logiciel.

Ainsi, l’amélioration de la desserte fluviale des ports conduit à modéliser des bateaux fluviaux au sein d’un modèle portuaire. Or ce dernier est basé sur des allers-retours de navires entre la rade et le quai, tandis que les barges ne réalisent qu’un aller simple, du quai vers l’amont du port. Sur le cas du port du Havre, des astuces ont été utilisées pour simuler le passage des barges à l’écluse François 1er : le nombre de barges générées a été divisé par deux pour représenter les deux sens de navigation, avalant et montant. De même, les navires sont artificiellement allongés à la fois pour prendre en compte la présence de remorqueurs de part et d’autre du navire et pour assurer une distance suffisante entre deux navires à quai, afin de tenir compte des amarres.

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III.Les besoins contrastés des commanditaires

Par souci de simplification, le modèle utilise également des données moyennes. En l’absence d’analyse de sensibilité sur ces données, le bénéficiaire peut craindre que les résultats s’en trouvent tout aussi approximés. Par exemple, le modèle n’exploite pas complètement les données de trafic très précises de la capitainerie, en regroupant les différents navires par catégories de même destination.

Certaines simplifications entraînent parfois des erreurs non négligeables. Ainsi, le nombre de remorqueurs n’est pas limitant dans le modèle, or il l’est dans la réalité.

2 Des indicateurs supplémentaires pour répondre à de nouvelles problématiques

La direction territoriale Nord-Pas de Calais a la volonté de réduire la consommation en eau de ses ouvrages et pour cela optimiser le nombre de bassinées réalisées. Le logiciel Sinavi pourrait servir d’outil d’aide à la décision sur ce sujet, à condition de réaliser plusieurs modifications.

Dans un premier temps, de nouveaux indicateurs déjà existants dans Sinavi pourraient être mis en avant, comme le nombre de bassinées par an et par écluse ainsi que le nombre de fausses bassinées, permettant de calculer une consommation en eau annuelle. Le suivi du nombre de bassinées annuel et par ouvrage aurait d’ailleurs une autre utilité : il pourrait inciter à la vigilance si les bassinées sont plus nombreuses sur des ouvrages anciens. La répartition dans le temps du passage des bateaux par ouvrage est également intéressante, afin d’identifier des pics éventuels.

Dans un second temps, afin de tester des stratégies d’optimisation du nombre de bassinées, que ce soit pour les économies d’eau ou pour améliorer la fluidité du trafic, il faudrait pouvoir déroger à la règle du premier arrivé – premier servi qui régit le modèle. Ainsi, dans la réalité, l’éclusier attend 4-5 min qu’un bateau arrive dans le sens inverse, plutôt que de réaliser une fausse bassinée qui prendra environ le même temps.

Les thématiques de consommation énergétique prennent également de l’importance dans le domaine fluvial, qui est en effet un argument aujourd’hui employé pour valoriser le transport fluvial par rapport au transport routier. À partir du nombre de bassinées et en connaissant la consommation énergétique d’une bassinée, on pourrait estimer le bilan énergétique de l’écluse, ainsi que son bilan carbone. Le bilan des bateaux, en termes d’énergie consommée et d’émission de polluants, pourrait être déterminé à partir du tonnage transporté, de la distance parcourue et de leur vitesse.

Enfin, même si ce thème n’est pas prioritaire aujourd’hui, le logiciel pourrait éventuellement estimer l’impact sonore de la navigation en traversée de ville à partir de la structure de flotte.

Il est important de noter que l’amélioration de l’outil repose essentiellement sur une amélioration des données d’entrée ; de même, l’ajout de nouvelles fonctionnalités demande de la part du commanditaire le recueil de données supplémentaires.

B) Les usages potentiels futurs des outils du Cetmef

1 De nouvelles études déjà envisagées

La direction territoriale Nord-Pas de Calais de VNF souhaite modéliser l’ensemble de son réseau, afin de répondre par la suite à des problématiques globales ou ponctuelles. La démarche qui est entreprise actuellement sur l’axe Comines – Arleux sera ainsi appliquée aux deux autres axes du réseau.

Le port du Havre aimerait mener une nouvelle étude de simulation, dans le cadre des perspectives d’augmentation du trafic fluvial en lien avec le projet du canal Seine Nord Europe. Le port est connecté à

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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef

la Seine par le canal de Tancarville. L’étude aurait pour objectif d’évaluer la capacité des écluses de Tancarville, situées à l’extrémité du canal qui touche la Seine, afin de déterminer à quel trafic elles arriveront à saturation. Plusieurs contraintes particulières de gestion sont à considérer :

– l’entretien des écluses lié à l’envasement, qui implique l’existence de créneaux d’accès– la présence de deux sas qui peuvent fonctionner simultanément– la concentration des bassinées à certaines heures, du fait du comportement des bateliers qui

cherchent à remonter la Seine avec l’onde de marée afin d’économiser du carburant. Est-ce qu’une meilleure répartition des bassinées permettrait d’éviter la saturation de l’écluse ?

Le port de Dunkerque, qui a déjà fait réaliser plusieurs études de simulation par des bureaux d’étude privés, avec le Cetmef comme assistance à maîtrise d’ouvrage, aimerait à l’avenir rendre ce genre d’études plus systématique.

2 Un nouveau bénéficiaire potentiel des études

La Compagnie Nationale du Rhône (CNR) est une entreprise à capital majoritairement public, avec GDF Suez pour actionnaire industriel de référence. Créée en 1933, elle reçu en 1934 la concession du Rhône pour l’aménager et l’exploiter selon trois objectifs : la production d’hydroélectricité (19 usines de production aujourd’hui), l’amélioration de la navigation (en particulier de Lyon à la Méditerranée), l’irrigation et les autres usages agricoles.

À côté de ces missions de service public, la CNR est également un bureau d’études en ingénierie. Elle a notamment réalisé un certain nombre d’études d’avant-projet pour le compte de VNF, en s’associant à la filiale belge de GDF Suez Tractebel.

La CNR s’est vue demander par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) d’investir dans la modernisation du réseau d’ici la fin de la concession en 2023. Notamment, le doublement des écluses sur le réseau grand gabarit représenterait un investissement de 3 milliards d’euros, alors qu’il n’est pas jugé utile par la CNR.

Une étude de simulation permettrait de confirmer ou non cette impression en estimant la capacité des écluses suivant plusieurs scénarios plus ou moins optimistes d’évolution du trafic. L’étude devrait également dégager des pistes d’amélioration de la fluidité du trafic à équipement constant.

La CNR dispose aujourd’hui d’un système centralisé de téléconduite des 14 écluses de son réseau à grand gabarit, à partir du centre de gestion de la navigation basé à Châteauneuf-du-Rhône. En 2014 est prévue la mise en place d’un outil de suivi en temps réel de la navigation qui, couplé au Système d’identification automatique des bateaux9, permettra d’optimiser les temps de passage aux écluses. L’objectif est d’améliorer la fluidité du trafic en préparant les écluses dans le sens avalant ou montant et en organisant des éclusages groupés en fonction des bateaux présents sur le bief.

Les bateaux sont enregistrés lors de leur passage aux écluses, ainsi que leur cargaison et leur destination, et sont entrés dans la base de données Sardine gérée par le CGN. Ces données sont d’ailleurs publiées en temps réel sur le site InfoRhône. On peut ainsi obtenir la vitesse moyenne de navigation dans le sens montant et dans le sens descendant, ainsi que le volume de marchandises transportées, même si cela ne permet pas d’identifier d’éventuelles escales entre deux écluses. Ces données pourraient alimenter un modèle développé sur Sinavi.

9 ou Automatic Identification System (AIS), un système d’échanges automatisés de messages entre bateaux par radio VHF qui permet de connaître l’identité, le statut, la position et la route des bateaux se situant dans une zone de navigation

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III.Les besoins contrastés des commanditaires

3 Des demandes différentes vis-à-vis de la diffusion du logiciel

La plupart des personnes rencontrées dans les ports autonomes ont déclaré ne pas avoir les ressources humaines suffisantes pour pouvoir utiliser le logiciel en interne. En effet, les occasions pour un port d’utiliser le logiciel sont peu fréquentes, et donc ne justifient pas d’investir dans une formation au logiciel, qui devrait être renouvelée à chaque utilisation.

À l’inverse, la direction territoriale Nord-Pas de Calais de VNF a clairement émis le souhait de disposer du logiciel, une fois que l’ensemble de son réseau aura été modélisé par le Cetmef. L’objectif serait qu’un de ses agents devienne autonome pour réaliser des études ponctuelles. Ce transfert de compétences nécessite des formations en plusieurs temps (présentation du logiciel puis modules plus poussés) ; de l’aide à l’installation du logiciel ; de l’assistance continue par la suite ; des supports de formation afin de pérenniser la compétence en cas de turn-over au sein de VNF. De même la CNR, dans la perspective d’un partenariat avec le Cetmef, aurait les ressources nécessaires pour prendre en main le logiciel en interne.

Sans réellement acquérir le logiciel, un commanditaire a néanmoins émis le souhait de recevoir les résultats de la simulation sous la forme d’une page d’interface, où il pourrait sélectionner certaines configurations d’aménagement et obtenir les temps d’attente correspondants.

C) Les autres attentes des partenaires vis-à-vis du Cetmef

1 Des besoins techniques plus larges et variés de la part des gestionnaires

La direction territoriale Nord-Pas de Calais aimerait que le Cetmef aille au-delà de la simulation d’exploitation et propose des pistes d’amélioration technique permettant de répondre aux problèmes soulevés par l’étude de simulation, en l’occurence l’optimisation du temps d’éclusée. Le maître d’ouvrage aimerait ainsi disposer d’un état de l’art des solutions techniques existantes.

Le grand port maritime de Dunkerque a pour projet de développer des méthodes d’analyse socio-économique plus larges que les études de simulation, permettant d’évaluer les externalités des projets publics. Par exemple, l’évaluation du projet Baltique-Pacifique pourrait considérer l’impact sur le temps de trajet moyen des habitants de l’augmentation du trafic routier lié à l’installation de nouvelles activités. L’impact en termes de consommation de carburant et d’émissions de gaz à effet de serre de la part des navires accueillis dans le port n’est, lui, pas un sujet pertinent du point de vue du port maritime, tout du moins à l’échelle locale. En effet, l’augmentation locale de trafic permet sans doute de réduire le trafic à un autre endroit.

Globalement, les thématiques environnementales (assainissement, dragage, conservation des zones humides, consommation énergétique) sont d’actualité dans le domaine portuaire et fluvial, comme en témoigne la mise en place d’équipes dédiées par les gestionnaires.

Par ailleurs, les ports sont aujourd’hui préoccupés par d’autres thématiques. Au port du Havre, il s’agit de la capacité des terminaux en lien avec leur desserte terrestre. Des études sont ainsi sous-traitées au CRITT, le centre de recherche et d’innovation en logistique, basé au Havre. Cette association, soutenue par des acteurs régionaux comme les autorités portuaires et unions maritimes et portuaires de Rouen et du Havre ou les chambres de commerce et d’industrie., mène des activités de recherche et développement dans les domaines du transport et de la logistique. Elle a été mobilisée par le port du Havre dans le cadre de plusieurs projets – projet Roromax de doublement du trafic roullier, plateforme multi-modale. Elle dispose notamment du logiciel Flexsim, outil de simulation de flux et de stocks permettant d’optimiser la surface des terminaux en fonction de la capacité de production des industriels.

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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef

Dans le port de La Rochelle, deux questions sont soulevées aujourd’hui. Le port va ainsi lancer une campagne de mesures de l’effort d’amarrage généré par les navires sur l’appontement pétrolier, comme l’a fait auparavant le port de Nantes. Le but est de déterminer l’effort qui s’exerce sur les amarres en fonction du type de navire, du courant, de la houle et du vent. D’autre part, le port aimerait rendre possible le raccordement électrique des navires à quai, mais cela oblige à affecter les quais et donc sacrifier à la souplesse d’exploitation du port qui est un avantage comparatif.

2 Le rôle du Cetmef selon les gestionnaires : capita lisation de savoirs et animation

Il y a globalement une méconnaissance des prestations que peut encore réaliser le Cetmef, et des procédures permettant d’y avoir accès – appels d’offres, partenariat. Par ailleurs, si les délais sont toujours évoqués comme un frein à la mobilisation du Cetmef sur des études ponctuelles, sa valeur ajoutée sur des études de prospective à long terme est par contre reconnue.

De l’avis de l’ensemble des bénéficaires, la position nationale du Cetmef lui permet de capitaliser un savoir global qui est utile à l’ensemble des ports et services des voies navigables. Certains bénéficiaires aimeraient d’ailleurs voir ce rôle de capitalisation et d’animation renforcé.

Ainsi, il serait profitable selon eux que le Cetmef communique davantage, par exemple par mail, à chaque nouvel outil ou publication disponible, et à chaque action du club ouvrages maritimes. En effet, les partenaires du Cetmef ne vont pas tous régulièrement sur son site internet.

D’autre part, cette production de savoir devrait davantage anticiper les nouvelles réglementations, par le développement d’une veille, sur la question notamment des séismes, ou sur l’évolution à venir des navires. Les différents guides techniques produits devraient ainsi être mis à jour régulièrement en fonction des avancées techniques et réglementaires.

Certaines personnes rencontrées ont exprimé la crainte que les liens historiques qui lient le Cetmef aux différents établissements publics se fragilisent bientôt du fait du départ des principaux interlocuteurs, ce qui renforce le besoin d’une communication active de la part du Cetmef auprès des différents acteurs du domaine maritime et fluvial.

3 Le rôle du Cetmef selon l’administration centrale : une expertise reconnue et indépendante

L’État n’est plus maître d’ouvrage des projets de modernisation de la voie d’eau. En revanche, il finance encore largement les gestionnaires de voies navigable et contrôle ainsi les investissements de VNF de plusieurs manières :

• Des agents de l’administration centrale peuvent être associés aux réunions techniques des projets.• Le commissaire du gouvernement est membre du conseil d’administration de VNF, qui est

obligatoirement consulté pour les investissements supérieurs à 25 millions d’euros.• L’État peut enfin faire valoir son point de vue lors de la commission des marchés de VNF, qui

pilote les appels d’offres, mais n’a qu’un avis consultatif.• La subvention de l’État à VNF est attribuée lors de l’établissement du budget annuel. Il s’agit

d’un financement global des activités de VNF, où l’État n’a pas accès au détail des projets.

L’État a besoin d’un appui technique du Cetmef pour évaluer la pertinence de projets publics d’investissement sur la voie d’eau. Cependant le Cetmef serait à la fois juge et partie, s’il intervenait à la fois pour le compte des établissements publics ou des collectivités territoriales par des études d’ingénierie, et en tant qu’expert indépendant pour le compte de l’État.

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III.Les besoins contrastés des commanditaires

Deux sujets intéressent particulièrement le bureau des voies navigables qui, à la direction des infrastructures de transport (DIT) de la DGITM, assure la tutelle des gestionnaires de voies navigables.

a) Prévision des trafics

Un sujet qui préoccupe beaucoup la DIT est la prévision des trafics futurs. Cette question rejoint tout à fait les réflexions du Cetmef sur la validité des données d’entrée de ses modèles. Lors de grands projets d’investissement, VNF sous-traite à des bureaux d’études ses prévisions de trafic. Or il manque à l’heure actuelle une méthodologie de référence qui puisse permettre de juger du bien-fondé d’une méthode employée ou de certaines hypothèses effectuées lors d’une étude de trafic. Cela existe pourtant dans le domaine autoroutier. En effet, l’évaluation socio-écononomique des projets est définie par l’Instruction cadre du 25 mars 2004, mise à jour le 27 mai 2005, relative aux méthodes d’évaluation économique des grands projets d’infrastructures de transport.

La question de la saturation du Rhône, par exemple, est représentative de l’aspect hautement sensible de ces questions. Des rapports ministériels prévoient une saturation des ouvrages d’ici à 2030 ou 2040. Or la concession du Rhône à la CNR prend fin en 2023. Faut-il doubler ou non les écluses d’ici là, ce qui représente un investissement de 20 milliards d’euros ? Il est important pour répondre à cette question, de développer une méthode reconnue de prévision de la demande de fret, en amont d’une simulation d’exploitation.

Le CGDD dispose d’un outil nommé MODEV, qui décrit une demande en transport et affecte un trafic sur un réseau (CGDD, 2011). S’il est bien adapté au transport de personnes, il semble de l’avis de la DIT moins performant sur les trafics de marchandises. Par ailleurs, le logiciel TransCAD, de la société Caliper, permet de modéliser les flux de trafic multimodaux. Le Sétra a développé en interne des modules spécifiques permettant d’évaluer la pertinence des projets de transport routier, par des analyses coûts-avantages intégrant l’impact des projets sur la sécurité, le temps de trajet des poids lourds, etc.

b) Simulation de la navigation

La simulation de la navigation est aussi un sujet important pour la DIT. Ainsi, dans le projet Seine Nord Europe, des débats techniques ont eu lieu sur le comportement d’un bateau face au vent, au sujet du pont-canal qui franchit la Somme. Dans ce cas précis, la prise en compte du vent nécessitait une surlargeur de l’ouvrage ou la construction de protections le long des bords, soit un renchérissement conséquent du projet. Il aurait été très intéressant de connaître l’impact de mesures organisationnelles, comme l’arrêt de la navigation à certaines conditions de vent, sur l’écoulement du trafic et donc le coût de ces mesures en comparaison aux investissements ainsi évités.

Il y a donc un besoin fort, de la part à la fois des gestionnaires de ports et de voies navigables et de leurs tutelles. Ces besoins de part et d’autre font d’ailleurs émerger un dilemme de positionnement pour le Cetmef, sur lequel nous reviendrons dans la partie 3 de ce rapport. Le Cetmef peut-il répondre à l’ensemble de ces attentes ? Doit-il se positionner en amont de la conception des projets en appui aux gestionnaires, ou doit-il aider l’État à juger de la pertinence des projets en tant qu’arbitre indépendant ? Pour répondre à ces questions, il est intéressant de savoir si d’autres outils analogues existent, et comment les homologues du Cetmef dans le domaine des transports routier et aérien, se positionnent sur ces sujets.

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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef

IV.IV. Autres outils et stratégies pour la simulation Autres outils et stratégies pour la simulation d’exploitation des infrastructures de transportd’exploitation des infrastructures de transport

A) Les autres outils de simulation d’exploitation dans les domaines portuaire et fluvialLe Cetmef dispose, dans le domaine de la simulation d’exploitation, d’un savoir-faire original,

encore peu répandu dans les bureaux d’études, particulièrement dans le domaine portuaire. L’offre d’outils de simulation d’exploitation est elle-même beaucoup moins étendue que dans le domaine de la modélisation hydraulique. Il existe cependant quelques outils récemment développés par des sociétés privées, qui témoignent de l’importance de ce type d’approche et d’éventuels partenariats possibles pour l’avenir.

1 Un logiciel maritime et fluvial : Arena

Artelia utilise depuis 2004 un outil développé à partir du logiciel de simulation Arena, de Rockwell Automation, et une interface spécifique, nommée Scenario Navigator, développée par l’entreprise hollandaise Systems Navigator, basée à Delft.

Lors de chaque étude, Artelia et Systems Navigator présentent une offre commune au commanditaire. Artelia se charge de recueillir l’ensemble des données sur le système portuaire ou fluvial à modéliser et les objectifs de l’étude, et les transmet à Systems Navigator qui construit alors le modèle et l’interface correspondante. Puis ils valident ensemble le modèle et c’est l’équipe d’Artelia qui réalise la simulation. L’interface est très ergonomique ; elle est aujourd’hui disponible sur internet, où sont stockées également les données de chaque étude. Artelia paie donc une license Arena et une license Scenario Navigator, auxquelles s’ajoute un forfait de maintenance avec Systems Navigator.

L’outil simule les opérations portuaires et le trajet des navires dans le port. Il représente le fonctionnement des terminaux gaziers et pétroliers, mais est moins adapté à celui des terminaux à conteneurs. D’autres logiciels, développés par TBA à Delft et ISL (Institut für Seeverkehrswirtschaft und Logistik) à Brême, traitent spécifiquement de la gestion et du design des parcs à conteneurs. Par ailleurs, Artelia réalise parfois, pour de petits projets, des études de trafic sur un simple fichier Excel, par exemple pour dimensionner un terminal à conteneurs.

a) Contexte des études

L’étude vise le plus souvent à évaluer la pertinence d’une nouvelle infrastructure, en comparant le coût de l’investissement initial et les coûts de fonctionnement induits en l’absence d’infrastructure, et à dimensionner cette infrastructure en fonction des caractéristiques locales et des besoins du projet.

L’outil peut être utilisé pour répondre à différents besoins. Le client est souvent un opérateur privé qui veut dimensionner son terminal en particulier, en fonction des trafics qu’il prévoit et des contraintes de navigation. C’est le cas de nombreuses études réalisées par Artelia en France et à l’international. L’outil est parfois aussi utilisé pour le compte d’une autorité portuaire, qui cherche à évaluer la capacité des infrastructures de son port, en fonction de l’ensemble des activités présentes et envisagées. Quelles nouvelles activités peut-elle accueillir sur son port ? Doit-elle recalibrer son chenal d’accès ? Artelia a ainsi mené plusieurs études à l’échelle d’un port entier à l’international, mais une seule fois en France, auprès du Port de Dunkerque.

De même, l’outil peut être utilisé à la fois dans le domaine maritime et dans le domaine fluvial.

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IV.Autres outils et stratégies pour la simulation d’exploitation des infrastructures de transport

Artelia a ainsi mené des études pour le canal Seine Nord Europe et le canal du Rhône à Sète. L’objectif est alors de définir la capacité maximale du canal. Les études techniques des écluses fournissent les durées de bassinées qui sont entrées dans le modèle, mais les conditions météorologiques ne sont alors pas prises en compte.

b) Fonctionnement du logiciel

L’outil prend en compte plusieurs contraintes à la navigation et aux opérations portuaires, que le simulateur peut faire varier d’un scénario à l’autre afin d’évaluer leur impact sur les résultats :

• La configuration de la flotte : nombre et dimensions des navires• Les délais de retard ou d’avance des navires, déterminés par le client, ainsi que le % de navires

concernés.• Les conditions de production prévues par le client : volume et lois aléatoires de pannes• La capacité et le nombre des quais, de l’outillage et des réservoirs• Les données météorologiques sur plusieurs dizaines d’années, recueillies par le client• Les seuils de navigation, c’est-à-dire les fenêtres de valeurs météorologiques permettant l’entrée

du navire dans le port, son approche dans le chenal de navigation et son amarrage, dans des conditions d’agitation acceptables. Ces seuils sont issus d’études de courantologie, de trajectographie et de tenue à poste réalisées en interne.

• Les temps de navigation, pour chaque type de navire, depuis la montée à bord du pilote à l’entrée du port jusqu’au quai. Il est déteminé en interne d’après des études de trajectographie, qui modélisent le chenal d’accès et les conditions de houle et de vent.

Le modèle de simulation d’exploitation repose ainsi sur un outil de trajectographie, utilisé en amont. La structure des chenaux d’accès est intégrée dans cet outil, qui fournit ainsi pour chaque type de navire un temps de navigation moyen, de l’entrée du port jusqu’au quai. Les conditions de vent, de houle et de marée sont également intégrées dans les logiciels de trajectographie et de tenue à poste, qui déterminent les seuils de navigation du modèle de simulation d’exploitation.

Les navires sont générés à l’entrée du port de manière à représenter au mieux les données projet fournies par le commanditaire – tonnage annuel, taille moyenne de navire et heure moyenne d’arrivée. Une loi statistique est construite autour de la date d’arrivée, de type Gaussienne ou triangulaire, en concertation avec le commanditaire. Ensuite, le logiciel réalise une série de tests logiques afin de déterminer si la navigation est possible dans le chenal selon l’ensemble des paramètres entrés. Si toutes les conditions sont réunies, le logiciel simule le trajet du navire, l’amarrage et le chargement et le déchargement, selon les durées entrées au préalable dans le modèle.

c) Résultats

En résultat, le logiciel produit une petite animation en 2D, qui simule l’arrivée des navires et le remplissage des stocks. Celle-ci permet de vérifier que le modèle fonctionne et de communiquer auprès du client. Le logiciel fournit également des résultats statistiques – graphiques, tableaux – représentant les indicateurs-clés qui ont été sélectionnés pour comparer les différents scénarios simulés, qui correspondent aux coûts d’exploitation suivants.

• Les temps d’attente et de séjour sont ainsi calculés (valeurs moyennes et maximales, par saison et par année) et leurs causes sont déterminées : exposition au vent et à la houle ou occupation du quai. Ces résultats sont ensuite comparés à des standards. On obtient également le nombre maximal de navires en attente, permettant de dimensionner la zone d’attente.

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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef

• On calcule les pertes de production, liées par exemple à un réservoir de gaz liquide ou de pétrole qui se trouverait rempli lors de l’arrivée d’un nouveau navire.

Ces coûts d’exploitation sont mis en regard au montant des investissements, afin d’évaluer la pertinence du projet d’infrastructure. Le logiciel est le plus souvent laissé au client, après une courte formation.

En conclusion, deux points importants semblent différencier Arena de Sinavi et Sipor.

Le premier est la prise en compte des conditions de vent et de houle en milieu portuaire. Cette finesse dans la modélisation se justifie à l’échelle fine à laquelle intervient Artelia : le logiciel est en effet adapté aux besoins des opérateurs privés voulant dimensionner leur terminal afin d’écouler leur production dans une nouvelle région. Par ailleurs, Sipor pourrait également intégrer ces données, en cas de besoin, par la définition de fenêtres d’indisponibilité pour les chenaux d’accès concernés.

Le second point est la prise en compte des conflits de navigation pouvant survenir dans les chenaux d’accès aux quais, qui n’apparaît pas dans Arena. Sipor, lui, avait intégré cette fonctionnalité spécifiquement pour répondre aux attentes des autorités portuaires, qui ont à gérer plusieurs trafics différents. Il est au final plutôt logique que l’outil du Cetmef soit plus adapté aux acteurs publics en charge de l’aménagement global du port, puisque ce sont leurs attentes qui ont guidé ses développements successifs.

2 Un outil fluvial : IMDC

Dans le cadre du projet Baltique Pacifique du grand port maritime de Dunkerque, une étude de simulation a été réalisée par Tractebel Engineering, filiale belge de GDF Suez, afin d’évaluer la capacité actuelle des infrastructures de desserte fluviale du port. L’étude s’est basée sur deux logiciels développés par IMDC (International Marine Dredging Company), filiale du groupe Tractebel Engineering : IMDC-Locks (Integrated Model for Design and Capacity analysis of Locks) et IMDC-Waterways.

Un modèle a été développé, comprenant le canal des dunes, l’écluse des dunes, le bassin de Mardyck, l’écluse de Mardyck et le canal fluvial (voir Figure 1). Le canal de Bourbourg, géré par VNF, n’a pas été modélisé. Tractebel a ainsi émis des recommandations pour réduire les durées de bassinée, paramètre ayant été identifié comme influant grandement la capacité des écluses.

a) Simulation des écluses

Le logiciel IMDC-Locks est permet d’évaluer la capacité d’une écluse, c’est-à-dire l’évolution des temps d’attente à l’écluse en fonction de l’intensité du trafic. Le logiciel calcule ainsi les temps d’attente à l’écluse en fonction de ses caractéristiques (nombre et dimensions des sas, distances de sécurité entre les unités, durée de sassée, fenêtre de signalement, durée de manoeuvre, indisponibilité), du trafic (heures d’arrivée des bateaux et dimensions) et des règles d’exploitation. Le principe dominant est celui du «first in, first out» ou premier arrivé, premier servi. Il est possible toutefois de faire une entorse à cette règle en définissant un type de marchandises prioritaire, mais également en fixant un temps pour lequel il est jugé acceptable d’attendre un bateau arrivant en sens inverse. Le logiciel se place ainsi du point de vue de l’éclusier qui établit le planning de l’écluse en fonction du trafic, de la manière à optimiser son fonctionnement.

Le logiciel donne également le degré de saturation de l’écluse, c’est-à-dire la fraction de bateaux qui attendent plus longtemps qu’un certain seuil. IMDC a fixé ce seuil de temps selon les recommandations de la Commission européenne, soit la durée de bassinée de l’écluse, à laquelle a été ajoutée une marge supplémentaire d’une heure en raison des mesures d’épargne d’eau menées par le port.

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IV.Autres outils et stratégies pour la simulation d’exploitation des infrastructures de transport

b) Génération du trafic

IMDC a développé un module de pré-traitement qui génère les bateaux à l’entrée de l’écluse selon les données de trafic disponibles. Il combine deux générateurs stochastiques de données : un générateur de navires et un générateur de temps d’arrivée.

Le générateur de navires intègre, pour chacun des sens de navigation, un nombre total de bateaux, la répartition du trafic entre les différentes catégories de bateaux (ou structure de flotte) caractérisées par une fourchette de longueur, largeur et tonnage, ainsi qu’un taux de chargement (qui déterminera leur vitesse).

Le générateur de temps d’arrivée intègre une matrice tridimensionnelle permettant d’indiquer une répartition temporelle de la densité de trafic par mois, par jour de la semaine et par créneaux horaires. Pour chacun des éléments de cette matrice ou pour l’ensemble de la matrice, on peut entrer une loi de distribution probabiliste des intervalles de temps d’arrivée, illustrant le caractère uniforme ou groupé des arrivées de bateaux.

c) Modélisation du réseau

Le logiciel IMDC-Waterways, lui, calcule les temps d’attente et de transit des bateaux à l’échelle d’un réseau, dont chaque tronçon peut être un bief ou une écluse, simulée alors selon les principes de IMDC-Locks.

La différence notable de ce logiciel avec Sinavi est la possibilité d’intégrer des stratégies d’optimisation des écluses, soit la capacité pour l’éclusier d’attendre l’arrivée d’un autre bateau avant de démarrer la sassée. Cette fonctionnalité, importante pour optimiser la consommation en eau des gestionnaires, a été intégrée un temps à Sinavi, puis supprimée du fait qu’elle causait des instabilités du logiciel.

3 Autres logiciels existants

Le Port de Dunkerque a commandité une étude à Royal Haskoning, qui sous-traitait l’étude de simulation de trafic à l’entreprise hollandaise TBA. Cependant, le Cetmef n’a pas encore eu accès aux rapports d’étude lui permettant d’analyser les différences entre les deux logiciels. L’entreprise allemande DST10, spécialisée dans les techniques navales et les systèmes de transport, avait également répondu à cet appel d’offres en qualité de sous-traitant ; il serait intéressant d’étudier de la même manière les outils qu’elle pouvait proposer pour la simulation d’exploitation.

B) Des besoins similaires chez les autres services techniques centraux

1 Dans le domaine routier

Le Setra pilote un réseau dans le domaine de la simulation dynamique des réseaux routiers. Ce réseau comprend le Setra, le Certu et 5 CETE : le CETE de Lyon, Ouest, Normandie-Centre, Nord-Picardie et Méditerranée. Le Setra n’utilise pas directement les logiciels mais a pour rôle de développer des méthodologies communes pour les CETE, dont les équipes réalisent des études pour le compte des collectivités territoriales et ponctuellement, de l’administration centrale. Le pilotage effectué par le Setra passe par l’organisation de Journées techniques – du même type de celles organisées par le Cetmef – qui rassemblent le Setra, le Certu, les CETE, ainsi que des bénéficiaires potentiels des études –

10 http://www.dst-org.de/intro.htm

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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef

concepteurs/aménageurs, gestionnaires et exploitants de voirie urbaine, les autorités organisatrices des transports en commun, exploitants des réseaux de transports en commun, organisateurs d’évènements – et des bureaux d’études utilisant également ces logiciels.

Les CETE utilisent plusieurs logiciels privés, qui se partagent aujourd’hui le marché : – Aimsun, développé par la société espagnole Transport simulation systems (TSS) et distribué en

France par TSS SARL, basée à Paris,– Dynasim, développé par Dynalogic, société française créée en 1994,– TransModeler11, développé par Caliper, qui développe également le logiciel de planification des

transports TransCAD, utilisé par le Sétra

Les données d’entrée de ces simulateurs sont les données de trafic – les vitesses et débits à certains points d’un axe routier, les plans de feux tricolores en milieu urbain, ainsi que des données sur les comportements des automobilistes, comme la tendance à forcer un passage.

Certains de ces logiciels sont développés en partenariat avec des universités ; ce n’est pas le cas du logiciel français, Dynasim, qui souffre ainsi d’une moindre force de développement. Les logiciels étrangers, cependant, nécessitent d’être adaptés au contexte local. Les CETE sont ainsi en relation continue avec les sociétés de développement, par des contrats d’assistance. Leur réactivité est d’ailleurs un critère de choix des logiciels.

Le laboratoire Ingénierie Circulation Transports (LICIT) de l’IFSTTAR et de l’ENTPE développent également un logiciel de simulation dynamique nommé SymuVia12. L’outil Symubruit permet d’estimer les nuisances sonores générées par le trafic simulé. Des travaux de recherche sont en cours actuellement pour intégrer le moteur de calcul au sein d’un environnement virtuel enrichi, et pour développer des modules permettant d’estimer d’autres nuisances environnementales du trafic. Ce logiciel n’est cependant pas encore utilisé par les CETE, qui ne le jugent pas encore opérationnel.

Ces différents outils sont mobilisés dans le cadre de projets d’aménagement ou d’évènements susceptibles d’avoir un impact sur la circulation automobile. Dans le cas d’une étude présentée lors des Journées techniques de 2011, l’agglomération de Metz Métropole s’intéresse à l’impact de ses projets d’aménagement urbain sur le trafic routier : la mise en place de Mettis, une nouvelle ligne de transport en commun en 2013, et l’aménagement de deux sites du centre-ville, la place Mazelle en 2012 et la ZAC de l’Amphithéâtre en 2015. Les études de simulation dynamique, réalisées en partenariat entre un maître d’oeuvre privé et le CETE de l’Est, visent à estimer l’impact de deux variantes envisagées du projet Mettis sur les temps de parcours de la nouvelle ligne de transport en commun, les réserves de capacité de certains carrefours et les caractéristiques de la circulation générale : temps de trajet des automobilistes, longueurs des files d’attente, etc.

Cette thématique est traitée dans le PCI «Régulation dynamique des réseaux de transports», qui associe le CETE de Lyon et le CETE d’Ile de France. Il inclut une équipe de recherche associée avec le laboratoire LICIT.

La stratégie du Setra se distingue ainsi de celle du Cetmef par l’emploi de logiciels extérieurs payants, et la répartition des fonctions de production méthodologique et de réalisation des études entre le service technique central et les CETE. Du fait de la similarité des problématiques et des outils, un rapprochement entre les deux domaines de transports serait intéressante, et favorisée par l’intégration prochaine des deux services au sein du Cerema.

11 (12 000$ la première license)12 Responsable des projets de recherche : Ludovic Leclercq

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IV.Autres outils et stratégies pour la simulation d’exploitation des infrastructures de transport

2 Dans le domaine aérien

a) Études

Le service technique de l’aviation civile (STAC), en particulier sa division capacité et simulation, réalise en interne deux grands types d’études.

D’une part, des études de capacité d’aéroport sont menées pour le compte de la direction du transport aérien (DTA) et de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), sur les aéroports pour lesquels l’État intervient encore (voir encadré) et sur les espaces aériens terminaux gérées par la DSNA. Ces études visent à évaluer le niveau de saturation des différentes infrastructures aéroportuaires – pistes, voies de circulation, aires de stationnement des avions, aérogares, ainsi que l’espace aérien nécessaire à l’approche et au départ des avions (TMA ou Terminal Manoeuvring Area en anglais) et les aménagements et/ou modifications d’exploitation permettant de palier aux saturations constatées.

D’autre part, le STAC réalise des analyses d’impact pour le compte d’un panel plus large de bénéficiaires. Par exemple, une étude menée avec Airbus et Aéroports de Paris s’est intéressée à l’impact du système de traction des avions le long des voies de circulation sur l’écoulement du trafic et sur la consommation en carburant dans l’aéroport Charles de Gaulle. Ces études font l’objet de conventions de partenariat qui sont aujourd’hui gratuites.

Par ailleurs, le STAC travaille avec Eurocontrol, l’Agence européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, dans le but de conduire des études prospectives sur des problématiques d’optimisation des flux de trafic.

Le transfert de propriété des aéroports de l’État vers les collectivités territoriales a débuté avec la loi du 20 avril 2005 relative aux Aéroports et la création de la société anonyme Aéroports de Paris, dont le capital a été ouvert aux investisseurs privés en 2006. Aujourd’hui, la réforme se poursuit avec la décentralisation de 150 aéroports à vocation locale ou régionale et la création des premières sociétés aéroportuaires. À l’issue du processus, douze grands aéroports régionaux restent de la compétence de l’État : Nice, Toulouse, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Montpellier, Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Saint-Denis de La Réunion et Cayenne. Ils sont exploités par les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) dans le cadre de concessions délivrées par l’État (Source : Site du MEDDE)

b) Outils de simulation

L’équipe, composée de trois agents permanents, utilise deux logiciels.

Le premier, MACAO, est un logiciel de calcul analytique qui a été développé il y a longtemps par le service, en partenariat avec le CETE Méditerranée. Il permet d’évaluer de manière simple et rapide la capacité d’une piste.

Le deuxième est le logiciel CAST, développé par la société allemande Airport Research Center GmbH (ARC), basée à Aix-la-Chapelle. Il permet de créer un modèle complet d’aéroport en dessinant les infrastructures et en paramétrant le comportement des avions et des autres véhicules. Les avions sont générés selon des horaires particuliers ou selon une loi statistique définie par l’utilisateur. En sortie, on obtient l’ensemble des événements simulés, ce qui rend possible le calcul les différents temps d’attente et tout autre indicateurs définis par l’utilisateur. Des simulations 3D permettent de rendre compte aux différents opérateurs des résultats de la simulation. C’est un logiciel payant, dont le STAC a acquis quelques licences ainsi qu’un contrat d’assistance annuel.

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Partie 1 : Enjeux de la simulation d’exploitation portuaire et fluviale et place du Cetmef

c) Positionnement et stratégie

Jusqu’à aujourd’hui, le STAC n’a pas réalisé d’études de capacité ou d’assistance à maîtrise d’ouvrage directement pour le compte d’un aéroport privé. Il n’a pas vocation à se mettre en concurrence avec des bureaux d’études privés, qui sont d’ailleurs peu nombreux sur ce champ d’activité. La branche Ingénierie d’Aéroports de Paris (ADPi) utilise également le logiciel CAST, mais sur des projets étrangers majoritairement.

Le STAC est en train de mettre au point son plan stratégique pour les trois années à venir. Suivant l’évolution qui sera donnée aux activités, il fera le point sur les ressources à mobiliser pour y répondre.

d) Réseau

Le STAC organise tous les deux ans une journée de conférence lors de laquelle il présente ses activités. Y sont conviés les exploitants d’aéroports, les services de la DGAC intéressés, des bureaux d’études ainsi que des constructeurs d’avions. L’équipe capacité et simulation aimerait initier un réseau d’utilisateurs d’outils de simulation aéroportuaire. Elle n’est pour l’instant pas en relation avec des acteurs de la recherche, ni avec des homologues étrangers, le STAC étant un des seuls services techniques publics dans ce domaine à l’échelle européenne.

Le positionnement du STAC se différencie ainsi de celui du Cetmef en cela qu’il réalise les études directement pour le compte de l’État, ce qui s’explique peut-être par la différence de statut qui existe entre les aéroports et les ports maritimes. Son partenariat avec Eurocontrol à l’échelon européen, lui permet d’être au fait des innovations en matière de prévisions du trafic aérien.

Conclusion partielle de la partie 1

Les outils de simulation d’exploitation des ports et des voies navigables développés et utilisés par le Cetmef répondent donc à un besoin fort, de la part des gestionnaires et de l’État, d’optimiser les infrastructures actuelles de transport tout en répondant au mieux aux attentes de leurs clients. La faiblesse des ressources aujourd’hui dédiées à cette activité au Cetmef ne permettra cependant pas, dans un futur proche, de maintenir ces outils publics, développés et améliorés depuis 30 ans. De nouvelles stratégies de développement et de partenariat sont donc nécessaires, qui devront s’appuyer dans le cadre du Cerema, sur un positionnement clair vis-à-vis de l’État d’une part et des gestionnaires d’infrastructures de transport d’autre part. Nous en présenterons les différentes éventualités dans la troisième partie de ce rapport.

Avant cela, la deuxième partie traite du deuxième domaine d’activités dans lequel le Cetmef contribue au développement et à la diffusion de logiciels : la modélisation hydraulique. Quels sont les usages de la modélisation hydraulique en appui à la décision publique ? Quel est le rôle du Cetmef dans la production de ces outils et comment peut-on l’améliorer ?

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmefet positionnement du Cetmef

I.I. La modélisation hydraulique : outils et usagesLa modélisation hydraulique : outils et usages

La modélisation hydraulique a pour but de représenter le comportement physique de l’eau ; elle permet d’améliorer la compréhension des phénomènes naturels et anthropiques qui influencent de nombreux domaines de l’action publique sur les territoires.

Après avoir abordé les grands principes d’une étude de modélisation hydraulique, nous passerons en revue les différents outils existants et leurs applications auprès des commanditaires publics et privés. Ce chapitre ne constitue pas un recensement exhaustif ni des études en général, ni des missions du Cetmef en particulier, mais un essai de typologie afin d’illustrer la diversité des applications de la modélisation hydraulique et des acteurs concernés. La liste des outils existants est présentée en annexe 3.

A) Principe de la modélisation hydraulique numérique La modélisation hydraulique permet de comprendre le comportement d’un système physique,

d’étudier l’influence des différents paramètres et éventuellement d’optimiser la conception du système. Elle peut s’appuyer sur des modèles physiques, c’est-à-dire des maquettes, sur des modèles numériques, qui reposent sur la mise en équation des processus considérés, ou encore sur de simples feuilles de calcul permettant de donner de premières estimations des phénomènes.

La modélisation numérique, qui nous intéresse ici, passe par une description du système physique, une mise en forme mathématique et une méthode de résolution numérique. La construction du modèle repose sur un certain nombre de simplifications, choisies en fonction des objectifs de l’étude après une première analyse des mécanismes étudiés. La première étape de l’étude vise ainsi à sélectionner les processus à représenter en fonction du poids des différents facteurs d’évolution du système. Le système étudié est ensuite délimité ; le choix de ses frontières a des implications sur les conditions que l’on impose à ses limites, et donc aux données d’entrée du modèle. Il faut ensuite définir la géométrie du système, et le nombre de dimensions à considérer.

On associe à cette description physique un modèle mathématique. Dans les cas les plus simples, les équations ont une solution analytique. Dans les cas plus complexes, on recherche des solutions approchées, selon une méthode de discrétisation des données et des inconnues en espace (utilisation d’un maillage) et en temps (utilisation de pas de temps). Il existe trois grandes familles de discrétisation spatiale : la méthode des différences finies, des volumes finis et des éléments finis.

Les résultats de la simulation sont confrontés aux mesures faites sur le terrain, afin d’évaluer la capacité du modèle à représenter la réalité. Deux phases successives peuvent être distinguées : une phase de calibration, où l’on ajuste les différents paramètres du modèle et les conditions aux limites selon un premier jeu de données mesurées, afin d’optimiser la qualité de la simulation ; et une phase de validation, où l’on vérifie la qualité du modèle ajusté sur un deuxième jeu de données.

L’étape d’analyse et d’interprétation des résultats est primordiale. Elle vise à apprécier la validité des hypothèses, la représentativité des conditions naturelles et anthropiques simulées et la marge d’incertitude des résultats en fonction d’analyses de sensibilité. L’apport à la décision provient le plus souvent de la comparaison de plusieurs scénarios simulés.

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

Un modèle répond à un objectif précis ; l’utilisation qui en est faite détermine ainsi sa construction. En raison du grand nombre de phénomènes qui peuvent être représentés par des modèles hydrauliques, du grand nombre d’outils existants pour simuler chacun de ces phénomènes et de la diversité des applications d’ingénierie et de recherche qui en sont faites, il est intéressant d’en dresser un panorama d’ensemble. Nous excluons de ce panorama les modèles hydrologiques, de type pluie-débit, dont les résultats vont alimenter les modèles hydrauliques, ainsi que les modèles d’hydraulique en charge, qui permettent de représenter le fonctionnement des réseaux d’eau et sont particulièrement adaptés à la gestion de l’eau en milieu urbain. Les milieux qui nous intéressent sont principalement les milieux fluviaux, maritimes et littoraux, qui seront traités successivement.

B) La modélisation hydraulique en milieu terrestre

1 Hydrodynamique et écoulements dans les cours d’eau

Les études hydrauliques en milieu terrestre s’intéressent principalement aux écoulements à surface libre, particulièrement dans les rivières accueillant des ouvrages de type barrages, ponts ou digues. Ces modèles sont basés sur les équations mathématiques de Navier-Stokes et de Saint-Venant.

a) Les outils de modélisation hydrodynamique 1D, 2D et 3D

Les modèles monodimensionnels (1D), ou filaires, sont utilisés lorsque le cours d’eau et son lit majeur présentent une direction d’écoulement privilégiée. La géométrie du chenal est alors définie par une succession de sections perpendiculaires à l’axe, appelés profils en travers (Figure 1). L’écoulement est décrit par un débit et un niveau d’eau en chaque point du linéaire. Les données d’entrée de ce modèle sont les profils en travers aux points choisis par le modélisateur, les conditions limites (débit à l'amont et cote à l'aval si l'écoulement est fluvial sur le tronçon étudié) et les vitesses ou débits à propager. Ces modèles peuvent être enrichis d’abaques qui calculent l’impact sur la hauteur d’eau d’ouvrages en travers du cours d’eau (barrages, seuils, ponts) ou latéraux (digues).

Les modèles 1D à casiers permettent de représenter une vallée endiguée dont le lit majeur possède une topographie particulière, composé de digues latérales, de talus, de haies, qui génèrent en cas de débordement des phénomènes de stockage. C’est le cas à certains endroits de la Loire et de la Somme notamment. La plaine inondable est alors décrite par une série de casiers, régis par des lois de transfert.

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Figure 1: Exemple de schématisation d’une rivière en 1D ; Source : Site Telemac

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I.La modélisation hydraulique : outils et usages

Dans le cas d’écoulements allant dans plusieurs directions horizontales, comme dans une plaine d’inondation, ou des écoulements localisés aux abords d’un ouvrage, on utilise des modèles 2D. A l’aide de la méthode des éléments finis ou des volumes finis, on calcule la hauteur d’eau ainsi que les deux composantes horizontales de la vitesse en tous points d’une grille de calcul appelée maillage. Ces modèles nécessitent des données topographiques et bathymétriques plus précises, ainsi que des données sur le couvert des sols dans le lit majeur. Ils ont l’avantage de ne demander aucune hypothèse a priori sur les écoulements, et de permettre de représenter des milieux à géométrie et topographie complexes. De plus, ils simulent les écoulements de manière intuitive, ce qui facilite la communication au public.

Lorsque la vitesse de l’écoulement n’est pas constante sur l’axe vertical, et que le milieu est soumis à des phénomènes de densité liés à la salinité ou la température, on utilise des modèles 3D, basés sur les équations de Navier-Stokes. C’est le cas par exemple lorsqu’on a un entraînement en surface lié au vent, ou qu’on s’intéresse à la propagation de rejets thermiques dans une eau froide.

b) Les données d’entrée des outils : débits, hauteur s d’eau et topographie

Les modèles reposent sur les données de hauteur d’eau (limnigramme) et de débit (hydrogramme), qui sont issus de modèles hydrologiques pluie-débit ou de mesures in situ.

La banque HYDRO est une base de données qui recueille les mesures de hauteur d’eau issues de 2400 stations de mesure implantées sur les cours d’eau français par différentes institutions, ainsi que les caractéristiques des stations (finalité, localisation précise, qualité des mesures, historique, données disponibles, etc.). HYDRO calcule sur une station donnée les débits instantanés et moyens à partir des valeurs de hauteur d’eau et des courbes de tarage (qui donnent la relation entre les hauteurs et les débits). Le Service Central d’Hydrométéorologie et d’Appui à la Prévision des Inondations (SCHAPI) administre la banque, mais ce sont les gestionnaires de stations de mesure qui sont responsables de la qualité des données. Ces gestionnaires sont les services de l’État – DREAL, services de prévision des crues, DDT – mais aussi EDF, des organismes de recherche (IRSTEA, universités,...), ainsi que des compagnies d’aménagement (la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne, la Compagnie nationale du Rhône, la Société du canal de Provence, la Compagnie d’aménagement du Bas-Rhône-Languedoc) et les Agences de l’eau. Ils assurent la maintenance des stations, recueillent les données, les vérifient, établissent les courbes de tarage et en alimentent la banque.

Les autres données nécessaires sont les données topographiques et bathymétriques ; que ce soit des profils en travers, dans le cas des modèles 1D, ou des modèles numériques de terrain, dans le cas des modèles 2D. Ces données proviennent des bases de données de l’Institut géographique national (IGN) ou faire l’objet de campagnes de mesure spécifiques. C’est souvent un problème épineux en milieu terrestre.

2 Le transport sédimentaire

Les modèles prenant en compte le transport solide, voire la mobilité du fond, permettent d’appréhender les problématiques de méandrement, d’enfoncement du lit mineur, d’érosion ou encore de transport de polluants. Du fait de la complexité de ces phénomènes, ces modèles nécessitent un grand nombre de données d’entrée, le choix d’hypothèses discutables et de simplifications mathématiques. Dans ces cas précis, les études historiques et de terrain sont parfois plus adaptées qu’une modélisation numérique (MEDDE, 2010).

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

3 Applications : enjeux, acteurs et contexte régleme ntaire

a) La sécurité de la production d’électricité

La modélisation hydraulique en France a trouvé son essor dans les années 60 pour répondre aux besoins des gestionnaires de barrages hydrauliques, principalement Electricité de France (EDF) et la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

En réaction à la rupture du barrage de Malpasset, qui a causé plus de quatre cents morts et disparus dans la région de Fréjus en 1959, a été institué un Comité technique permanent des barrages en 1966, qui examine tout nouveau projet de barrage dont la hauteur est supérieure à 20m. Les calculs d’onde de submersion en cas de rupture sont donc obligatoires : ils déterminent le temps d’arrivée de l’onde à différents points et la carte des zones inondées.

C’est pour répondre à ces besoins réglementaires qu’ont été développés la plupart des modèles hydrauliques 1D. Les outils et méthodologies ont ensuite suivi l’évolution de la législation, comme la loi sur l’eau de 1992 qui a imposé des études d’impact plus fines (Barthelemy, 2004).

Aujourd’hui, les modèles 3D permettent d’évaluer les phénomènes de circulation thermique qui résultent du refroidissement des centrales nucléaires. Les besoins en eau de refroidissement des centrales thermiques, qu’elles soient nucléaires (19 sites en France) ou à flamme (15 sites) représentent 71% de l’eau prélevée en surface, dont 97,5% est restituée aux cours d’eau. Cette restitution implique, selon le type de circuit de refroidissement utilisé, des rejets thermiques ou chimiques (Vicaud, 2007). La caractérisation de l’impact de ces rejets sur le milieu fait l’objet de travaux de recherche à EDF.

b) Les risques naturels d’inondation

Un autre domaine d’application, qui a été relancé ces dernières années par la réglementation européenne, est la lutte contre les risques d’inondation. Celle-ci comporte plusieurs dimensions. Un risque naturel est en effet la combinaison d’un aléa naturel et d’enjeux physiques et humains. La modélisation hydraulique vient en appui à la connaissance de l’aléa inondation, qui a plusieurs volets : la cartographie des aléas sur la base de données historiques, la prévision à court terme des aléas et la vigilance et l’évaluation de l’impact des ouvrages sur l’aléa, qu’il s’agisse d’ouvrages de protection, de transport ou de production d’énergie.

i. Cartographie de l’aléa inondation

Pusieurs textes réglementaires ont imposé l’élaboration de cartes de l’aléa inondation, d’après des données historiques.

En réponse à la directive inondation de 200713 – qui traite des risques d’inondation par débordements de cours d’eau, par submersion marine, par remontée de nappe et par ruissellement – l’évaluation préliminaire des risques d’inondation (EPRI) a été réalisée en 2012 sur chaque grand bassin hydrographique et a permis d’identifier à l’échelle de la France 122 territoires à risques importants d’inondation (TRI), pour lesquels une cartographie plus précise du risque ainsi qu’une stratégie locale de gestion des inondations doivent être établies. Ce dispositif prendra ainsi le relais des programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI), outils de contractualisation entre l’État et les collectivités locales qui avaient été lancés en 2003 à la suite de crues importantes.

13 Transposée en droit français par l’article 221 de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 et le décret n° 2011-227 du 2 mars 2011, relatif à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation

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I.La modélisation hydraulique : outils et usages

A cette fin a été lancé le projet de cartographie automatique des zones inondables dit Cartino. Le Cetmef et le CETE Méditerranée développent ainsi des outils qui, à partir des données de débit et de l’enveloppe des cours d’eau, placent automatiquement les profils en travers et produisent une carte des zones inondables.

Auparavant, la loi Barnier du 2 février 1995 avait prévu, sous la responsabilité de l’État, l’élaboration de plan de prévention des risques (PPR), qui imposait la prise en compte des risques, dont le risque inondation, dans l’occupation du sol, par la réalisation d’atlas de zones inondables. La méthode retenue en 2002 était la démarche géomorphologique associée à l’analyse des crues historiques. Certains atlas ont été élaborés à partir de modélisation hydraulique, calée sur les événements historiques, permettant de simuler des crues de périodes de retour précises, centennale ou millénale.

A ces études s’ajoutent celles commandées par l’Autorité de Sécurité Nucléaire pour l’évaluation spécifique du risque d’inondation concernant les centrales nucléaires.

ii. Prévisions des crues et des inondations

La réforme du dispositif français de prévision des crues, réorganisé en 2011, a conduit à la mise en place d’une vingtaine de services de prévision des crues (SPC) dans toute la France (cf. carte en annexe 4) en lien avec les services d’hydrométrie et sous la coordination du service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations (SCHAPI), situé à Toulouse. Celui-ci publie la carte de vigilance Vigicrue, mise à jour deux fois dans la journée.

La prévision des inondations peut reposer sur la modélisation à plusieurs niveaux. Elle nécessite d’une part la construction d’une courbe de tarage, qui donne la relation entre la hauteur d’eau mesurée par une station hydrométrique et le débit dans le cours d’eau ; cette courbe s’appuie sur des mesures de débit, dites jaugeages, qui sont réalisées en période de faible débit. Un modèle hydraulique, calé sur ces jaugeages, permet une extrapolation de la courbe de tarage à des débits de crue.

D’autre part, le développement de méthodes d’assimilation des données météorologiques a permis l’utilisation en temps réel de modèles hydrauliques permettant de prévoir les débits sur un certain nombre de cours d’eau. Néanmoins, de nombreux SPC utilisent des modèles statistiques de propagation de débit. Enfin, le but aujourd’hui est d’associer à chaque débit de crue une carte des zones inondées. Ces cartes sont élaborées à partir de données historiques de crues, pour des périodes de retour de 10 à 50 ans.

iii. Etudes de danger des ouvrages

Les digues sont des ouvrages destinés à guider les eaux afin d’éviter la submersion de certaines zones à enjeux. Leur rupture peut entraîner des dégâts considérables en raison des quantités importantes d’énergie qui sont accumulées du fait de la rétention de l’eau. Le Code de l’environnement (art. R. 214-115), introduit par le décret 2007-1735 du 11 décembre 2007 rend ainsi obligatoire la réalisation d’une étude de danger pour les digues de classe A, B, ou C, c’est-à-dire les digues de hauteur supérieure ou égale à un mètre et protégeant une population supérieure ou égale à 10 habitants, ainsi que pour les barrages de classe A ou B, c’est-à-dire de hauteur supérieure ou égale à 10 mètres14 ; elle doit être mise à jour au moins tous les dix ans et transmise au préfet (Prim.net). L’État est concerné soit en tant que maître d’ouvrage, par exemple sur les digues domaniales de la Loire, soit au titre de la police de l’eau. Les autres maîtres d’ouvrage sont les concessionnaires de barrages, comme EDF, GDF-Suez ou la CNR.

Une étude de danger consiste à identifier les scénarios possibles de défaillance ainsi que leurs incidences. Elle nécessite d’étudier la cinématique et l’intensité d’une onde de rupture de l’ouvrage. Certains logiciels ont été spécifiquement conçus pour ce type d’études ; c’est le cas des logiciels Castor et

14 Plus exactement dont H ≥ 10 m et H² √V ≥ 200, avec H la hauteur de l’ouvrage et V le volume retenu

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

Castordigue de l’Irstea.

iv. Impact sur l’aléa inondation des ouvrages construits sur la voie d’eau

La réglementation prévoit qu’un nouvel ouvrage construit sur la voie d’eau ne doit pas aggraver le risque d’inondation. L’étude hydraulique permet d’évaluer les incidences de plusieurs variantes du projet, et ainsi définir le meilleur tracé ou encore déterminer la forme et la position de piles de ponts, pour minimiser les incidences. Ces études peuvent nécessiter des modèles 1D ou 2D, selon la précision de l’impact recherché. Les modèles 1D déterminent ainsi la surélévation du niveau de l’eau en amont d’un nouvel ouvrage, tandis que les modèles 2D peuvent permettre de dimensionner les enrochements autour de piles de pont.

C’est dans ce cadre que les projets de développement de VNF et de ses directions territoriales nécessitent des études hydrauliques. De même, les conseils généraux, en charge des routes départementales, les directions interdépartementales des routes, en charge des routes nationales, ainsi que les concessionnaires d’autoroutes doivent réaliser une étude d’impact permettant de caractériser l’impact de nouveaux ouvrages sur le risque inondation, en cas de franchissement d’un cours d’eau.

Ces études peuvent concerner également l’impact de projet d’aménagement en zone inondable, pour le compte d’un promoteur immobilier, d’un syndicat de rivière, d’une commune ou d’une intercommunalité.

c) Sécurité et impacts de la navigation fluviale

La navigation fluviale est soumise au réglement général de police de la navigation intérieure, adopté en 197315, qui est adapté localement par les réglements particuliers de police, signés par les préfets et prenant en compte les caractéristiques locales de la voie d’eau et de ses usages. Ces réglements peuvent être modifiés temporairement par des avis à la batellerie, qui sont proposés par VNF et signés par le préfet également. Par exemple, le service technique de la voie d’eau, de la direction territoriale de VNF du bassin de la Seine, est sollicité par les usagers lorsqu’ils identifient des contraintes pour la navigation causés par des pieux en rivière ou un barrage.

L’établissement de ces règles de navigation, ou la conception d’un nouvel ouvrage de navigation, s’appuie le plus souvent sur des études de trajectographie. Celles-ci consistent à simuler la trajectoire d’un bateau en fonction de la bathymétrie, des conditions environnementales – courant, vent, berges, infrastructures, des caractéristiques du bateau et des ordres du pilote. Elles nécessitent ainsi en amont la réalisation d’études de courantologie par des outils de modélisation hydraulique 2D.

Par exemple, le Cetmef a été mobilisé en 2009-2010 dans le cadre du programme interrégional d’aménagement de l’Oise, dont VNF assure la maîtrise d’ouvrage, et qui vise à moderniser les ouvrages de navigation situés entre Compiègne et la confluence avec la Seine, en perspective des trafics attendus avec le futur Canal Seine-Nord Europe. A la demande de la DRAC, un des sept barrages concernés a été conservé à titre patrimonial. Pour des raisons techniques, le choix du barrage de Sarron a été fait. Le Cetmef a été sollicité pour évaluer l’impact du maintien du barrage historique pour la navigation, par une étude de courantologie et de trajectographie. Sur la base de cette étude, la navigation a été interdite sur le site, par un avis à la batellerie, proposé par VNF et signé par le préfet.

L’outil de trajectographie du Cetmef, NAVMER, est également utilisé dans le cadre du simulateur de conduite SIMNAV, aujourd’hui utilisé pour la formation des conducteurs sur la Seine, au centre de formation d’apprentis de la navigation intérieure. Il pourrait dans le futur devenir le support des examens

15 Décret n° 73-912 du 21 septembre 1973 portant Règlement Général de Police de la navigation intérieure

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I.La modélisation hydraulique : outils et usages

de conduite à l’échelle européenne. Des discussions sont en cours à ce sujet au sein de la commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR), l’organisation internationale créée en 1818 pour promouvoir la navigation fluviale sur le Rhin. En parallèle, des améliorations sont encore apportées au simulateur.

Enfin, les études hydrauliques peuvent également évaluer les impacts de la navigation sur les berges, qui sont des écosystèmes riches et importants dans le cycle de vie de nombreuses espèces aquatiques. Les modèles hydrodynamiques, couplés à des modèles d’équilibre des bateaux, peuvent ainsi étudier le phénomène de batillage16 et la remise en suspension des sédiments au passage des bateaux (LHN, 2006).

d) Transport de polluants et qualité de l’eau

L’évaluation des impacts d’un projet d’aménagement sur la faune, la flore et la qualité des eaux d’une rivière fait parfois appel à l’utilisation de logiciels de modélisation hydraulique, pour simuler des phénomènes biochimiques comme la diffusion de polluants, l’oxygénation et l’eutrophisation des milieux. La modélisation de rejets de stations d’épuration, très courante, peut être fait sur Telemac 2D, qui possède un modèle de qualité de l’eau encapsulé très simple.

Les phénomènes plus complexes de pollution de l’eau nécessitent néanmoins l’emploi de modèles 3D. C’est le cas par exemple d’une étude réalisée dans l’étang de Berre, à l’ouest de Marseille (Figure 2).

L’étang de Berre est un hydrosystème particulièrement complexe à modéliser. C’est une masse d’eau peu profonde, située à proximité de la mer et soumise à divers phénomènes physiques : le vent, la marée, les apports d’eau douce et la pluviométrie. Les effets 3D sont importants du fait de la circulation de l’eau et de la salinité (Durand et. al, 2011). Sa modélisation, par le LNHE, le laboratoire national d’hydraulique et d’environnement d’EDF, avait pour but d’identifier des stratégies de réhabilitation de la qualité de l’eau. Un module de qualité de l’eau a été utilisé afin de représenter et suivre dans le temps le phénomène d’eutrophisation de l’étang.

16 Le batillage est le battement de l’eau sur les berges dû au déplacement des bateaux (Source : Lexique de la DT Nord-Est http://www.sn-nord-est.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?article3107)

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Figure 2: Les phénomènes en jeu dans l’étang de Berre (Source : Durand et al., 2011)

Apports d’eau douce

Marée

Vent

Pluie / Évaporation

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

C) La modélisation hydraulique en milieu maritime et littoral Les modèles hydrauliques construits sur les estuaires, ou le littoral en général, nécessitent la prise

en compte des phénomènes maritimes tels que la marée, les courants et la houle, et donc le recueil des observations qui sont faites de ces phénomènes.

1 Mesure et modélisation de la marée

Le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) est un établissement public administratif dont le siège est à Brest. Il a été désigné en 2010 comme référent national sur l’observation du niveau de la mer, et coordonne ainsi les différents producteurs de données : grands ports maritimes, services maritimes, universités, entreprises, etc., qui s’ajoutent au réseau d’observatoires permanents du SHOM, RONIM, présents dans un grand nombre de ports de métropole et d’outre-mer. Ces mesures en temps réel et en temps différé sont disponibles sur le portail internet Refmar.

L’observation du niveau de la mer a permis de développer des modèles de prédiction de la marée astronomique. Ainsi, depuis 1996, les modèles de marée sont calculés par le SHOM à l’aide du code de calcul Telemac. La différence entre la hauteur de la mer observée et la hauteur prédite par les modèles, est nommée surcote (ou décote lorsque la différence est négative). Celle-ci est souvent liée à la météo (vent, pression atmosphérique) mais peut également être causée par des vagues ou des tsunamis. Le SHOM dispose également depuis 1995 d’une base de données bathymétriques.

L’observation du niveau de la mer par les marégraphes permet de calibrer des outils d’altimétrie satellitale, comme ceux utilisés par le laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS)17, au large de la côte Atlantique, de la Mauritanie à la Norvège. Ces données sont gratuites pour les universitaires et chercheurs. D’autres bases de données existent à l’échelle mondiale, comme celle de l’université de l’Oregon (Oregon state university, OSU), aux États-Unis, qui est mise en ligne18.

Ces données sont essentielles pour entrer les conditions aux limites des modèles hydrodynamiques construits sur les estuaires – comme celui qui a été construit sur l’estuaire de la Gironde, dans le cadre du projet Theseus (voir paragraphe 3.). Si le modèle hydrodynamique est délimité par une frontière au large, ce sont les données du LEGOS qui vont être utilisées ; si la frontière est placée près des côtes, ce sont les données du SHOM.

2 La houle : génération, propagation, déferlement

Les vagues sont générées par le vent, puis se propagent librement en formant la houle. Celle-ci est caractérisée par des valeurs moyennes de direction, de hauteur et de période. Aux abords des côtes, la houle est modifiée par la présence du fond, qui donne lieu à des processus de dissipation d’énergie. A l’approche des plages ou des hauts fonds, les vagues déferlent et transmettent ainsi une partie de leur énergie aux courants. Les vagues et les courants sont les principales causes des mouvements de sédiments sur les plages.

Le Cetmef pilote CANDHIS (Centre d’Archivage National de Données de Houle In-Situ), un réseau national côtier de mesure de houle, dont les données sont ensuite archivées et disponibles sur internet.

17 Laboratoire mixte avec une quadruple tutelle : le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS, Département des Sciences de l’Univers), l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et l’Université Paul Sabatier (UPS)

18 http://volkov.oce.orst.edu/tides/global.html

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I.La modélisation hydraulique : outils et usages

a) La modélisation de la houle et des courants

Il y a plusieurs méthodes permettant de décrire les vagues. La première est l’analyse vague par vague qui décrit les propriétés individuelles des vagues ; la deuxième est l’analyse spectrale, qui décrit la forme de la surface comme une superposition de composantes de formes simples.

Ce deuxième type de modèle permet de simuler la génération et la propagation de la houle en fonction des champs de vent, de la bathymétrie et des courants. La houle enregistrée par une bouée en mer peut être décomposée en une somme d’ondes simples sinusoïdales d’amplitudes et de périodes variées, se propageant dans des directions différentes. L’ensemble de ces données peut être restitué dans un spectre de houle directionnel, qui représente la fréquence (distance à l’origine) et la densité d’énergie normalisée (en couleur) en fonction de la direction de ces ondes. Dans le modèle, chaque noeud du maillage est ainsi caractérisé par une grille spectro-angulaire (Figure 3).

Les courants marins peuvent être simulés par des logiciels hydrodynamiques 2D.

b) L’agitation de la houle dans les domaines côtiers et portuaires

A l’approche des domaines côtiers et portuaires, la houle est soumise à des phénomènes de réfraction, diffraction et réflexion sur les ouvrages, qui peuvent être représentés par l’équation de pente douce, dite de Berkhoff.

Les données d’entrée de ces modèles sont les caractéristiques de la houle aux frontières du modèle, ainsi que les caractéristiques des ouvrages – digues submersibles ou ouvrages perforé, commes les caissons atténuateurs de houle. Des recherches sont en cours aujourd’hui pour améliorer les interactions fluide-structure à l’échelle locale.

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Figure 3: Maillage et grille spectro-angulaire utilisés pour l’atlas des états de mer de la Manche

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

3 Applications : enjeux, acteurs et contexte régleme ntaire

a) Le risque de submersion marine

i. Vigilance submersion marine

Les mesures en temps réel des niveaux de la mer, collectées par le SHOM, alimentent les centres d’alertes aux tsunamis et aux submersions marines, en partenariat avec le commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et Météo France.

Les niveaux marins extrêmes, correspondant à des temps de retour déterminés, ont été estimés par des approches statistiques sur les côtes françaises de la Manche et de l’Atlantique. La méthodologie employée, issue d’un partenariat entre le SHOM et le Cetmef, repose sur une hypothèse d’indépendance des phénomènes de surcote et de marée, qui en s’additionnant forment des niveaux de mer exceptionnels.

ii. Elaboration des plans de prévention des risques littoraux (PPRL)

Suite à la tempête Xynthia de février 2010, qui a causé 53 décès et a touché plus particulièrement la Charente-Maritime, la Vendée et les Côtes-d’Armor, l’État français a accéléré les actions de lutte contre le risque de submersion marine. Des plans de prévention des risques naturels littoraux ont ainsi été mis en place dans les communes jugées prioritaires. Depuis mai 2011, la DGPR pilote la révision du guide d’élaboration des PPRL, qui donne l’état de l’art et les bonnes pratiques à destination des bureaux d’études et des services de l’État. Le Cetmef anime le groupe de travail composé des CETE Nord-Picardie, Méditerranée, Normandie-Centre, Ouest et Sud-Ouest. Au total, 303 communes doivent se doter d’un PPRL d’ici 2013, sous la responsabilité des services de l’État.

La modélisation hydraulique permet de simuler les évènements de submersion marine en prenant en compte à la fois le débit des fleuves, les conditions météorologiques et les signaux de marée. Le Cetmef a d’ailleurs été mobilisé pour simuler la tempête Xynthia et ainsi mieux comprendre le rôle des aménagements côtiers au cours de l’évènement.

iii. Dimensionnement, renforcement et impact des ouvrages de protection

Comme pour la plupart des digues fluviales, les collectivités locales – conseils généraux, syndicats mixtes – sont maîtres d’ouvrage des digues de protection vis-à-vis des risques littoraux. C’est le service technique de l’énergie électrique, des grands barrages et de l’hydraulique (STEEGBH) au sein de la DGPR qui est en charge de l’instruction des projets de renforcement des ouvrages de protection. Dans ce cadre, il peut faire appel à l’expertise du Cetmef, qui a par ailleurs contribué à la rédaction du guide International Levee Handbook à l’échelle internationale, sur les ouvrages de protection dans le domaine fluvial et littoral.

iv. Anticipation du changement climatique

Le BRGM d’un côté, le Cetmef et EDF de l’autre, sont impliqués dans l’élaboration d’atlas de vagues, qui référencent les hauteurs, périodes et directions des vagues sur des périodes historiques et sur des périodes futures, afin d’estimer l’impact du changement climatique sur les états de mer, en utilisant les modèles de projection de Météo France.

Le projet de recherche Theseus, qui a débuté en décembre 2009, est un projet européen qui mobilise 31 instituts de recherche. Dans ce cadre, le Cetmef a construit un modèle avec débordement de l’estuaire de la Gironde, afin d’évaluer les niveaux d’eau du futur.

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I.La modélisation hydraulique : outils et usages

b) La gestion du trait de côte

La stratégie nationale de gestion du trait de côte vise à anticiper les conséquences de l’érosion du littoral, qui a un impact sur les activités humaines, en matière de développement économique, d’urbanisation du littoral, de tourisme et de protection de la biodiversité. Estuaires, deltas, plages, falaises, lagunes ou marais sont des milieux dont l’érosion est le résultat de phénomènes complexes ; principalement des processus mécaniques liés aux mouvements de l’eau.

Le Cetmef a participé à l’élaboration du guide technique pour la gestion du trait de côte, publié en 2010 aux éditions Quae, à destination des services de l’État et des collectivités territoriales (MEDDE, 2010). Il détaille la place de la modélisation hydraulique, qui peut permettre de tester les différentes options de gestion qui sont issues d’une étude de caractérisation géomorphologique du milieu étudié.

En 1995, l’État s’est engagé à réaliser des études pour la reconquête du caractère maritime du Mont Saint-Michel, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Au début des années 2000, un modèle physique de sédimentologie a été développé par le bureau d’études Sogreah, qui a proposé les pistes d’aménagement suivantes :

– Remplacer la digue-route, qui bloque les flux sédimentaires, par un pont-passerelle,– Mettre en place un système de chasse sur le barrage du Couesnon, un des cours d’eau se jetant

dans la baie, afin d’évacuer les sédiments,– Construire un seuil de partage en enrochement, afin de maîtriser la divagation du fleuve.

En 2008, un modèle numérique a été développé par le bureau d’études pour le compte du syndicat mixte du Mont Saint-Michel19, à partir de données mesurées de hauteur d’eau, de vitesse et de concentration de matière en suspension. Le modèle a été finalisé début 2010 et transféré au Cetmef, qui utilise aujourd’hui le modèle pour répondre aux questions ponctuelles du syndicat mixte, concernant par exemple l’influence des chasses du barrage sur l’érosion en aval.

c) Le dimensionnement d’ouvrages portuaires

Les modèles hydrauliques permettent de simuler l’agitation et les courants s’exerçant à l’intérieur de bassins portuaires, et ainsi déterminer des fenêtres d’indisponibilité des ouvrages. Ces résultats alimentent également des études de trajectographie ou de tenue à poste de navires, qui visent à optimiser la navigabilité du port et les ouvrages de protection et d’amarrage des navires.

Un modèle d’agitation et de courantologie a ainsi été construit par le Cetmef pour le compte du grand port maritime du Havre, afin de déterminer les fenêtres d’accès possibles des barges fluviales au projet d’aménagement la Chatière. Ce modèle a d’ailleurs été repris dans le cadre du projet de recherche CTeeSMES (commission technique d’étude et d’évaluation des surcotes marines dans l’estuaire de la Seine) de l’office des risques majeurs de l’estuaire de la Seine (ORMES).

De même, le port de Dunkerque a commandé en 2012 une série d’études dans le cadre de son projet de construction d’un nouveau bassin maritime Baltique-Pacifique. Les différents marchés comprenaient des études d’agitation et de courantologie, de trajectographie et de tenue à poste qui, ajoutées à des études de trafic et de simulation d’exploitation, visaient à proposer des configurations optimales du bassin du point de vue de la sécurité et de la facilité des opérations portuaires.

Les phénomènes de transport sédimentaire peuvent également être inclus dans les modèles d’agitation, afin d’anticiper les besoins en dragage qui permettront de maintenir la profondeur des chenaux d’accès au port (GEODE, 2012).

19 Qui regroupe la Région de Basse-Normandie et le Département de la Manche, la Région Bretagne et les communes du Mont-Saint-Michel, de Beauvoir et de Pontorson.

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

d) Les énergies marines

Les phénomènes marins – houle, marée, courants – sont susceptibles d’être utilisés pour produire de l’énergie. A la suite du Grenelle de l’environnement, un objectif d’installation de 6000 MW d’énergies marines d’ici à 2020 a été fixé. Plusieurs filières énergétiques sont ainsi envisagées : énergies houlomotrice (vagues), hydrolienne (courants), marémotrice (marées), éolienne, solaire, thermique, liée aux gradients de salinité ou encore à la biomasse algale20. L’implantation des différents dispositifs de récupération requiert une connaissance fine des phénomènes marins dans les zones potentiellement intéressantes.

Le Cetmef a ainsi piloté l’étude « SIG Energies marines renouvelables », qui visait à identifier des zones d’intérêt pour la mise en place des énergies marines, à partir d’une cartographie des enjeux et usages de la mer et du littoral, afin de construire un outil d’aide à la concertation. Le projet associait les CETE Normandie-Centre et Méditerranée, ainsi que l’Ifremer et l’ADEME.

Le Cetmef contribue également au projet national de recherche EMACOP sur les énergies marines, côtières et portuaires, piloté par le CGEDD. Ce projet, lancé en septembre 2011 pour une durée de quatre ans, associe le Cetmef et l’université de Nantes. Il a pour objectif de mieux caractériser le potentiel exploitable de l’énergie de la houle, de la marée et des courants (rendement et survivabilité des installations) sur une série de sites, de sélectionner et d’adapter des technologies de récupération d’énergie et d’évaluer leur coût ainsi que leur impact sur la protection de la côte.

Dans un premier temps, des méthodes empiriques ont permis de calculer la propagation de la houle du large vers la côte, pour obtenir sur chaque site une matrice de puissance : hauteur de houle et énergie. Ces critères ont permis de sélectionner 9 sites. Une deuxième phase a débuté en mai 2013, qui comportera un véritable travail de modélisation, afin de prendre en compte les phénomènes de diffraction liés à la présence d’obstacles sur certains sites. Les modèles de propagation de la houle utiliseront des données issues d’atlas de vagues et seront calés à partir de mesures réalisées spécifiquement sur les différents sites.

La modélisation hydraulique est ainsi mobilisée pour représenter un grand nombre de milieux – fluvial, littoral, maritime, estuairien – dans le cadre d’études visant à guider l’action d’une diversité d’acteurs différents : services de l’État (service de prévision des crues, DDT), établissements publics (VNF, Grands ports maritimes), collectivités territoriales, mais également constructeurs privés, dans les domaines de la prévision et de la prévention des risques naturels, de la sécurité de la navigation ou encore de la préservation des milieux aquatiques. Elle est également utilisée dans le cadre de projets de recherche visant une meilleure compréhension des phénomènes complexes représentés ainsi qu’une amélioration des outils.

Le Cetmef a ainsi mobilisé des outils de modélisation hydraulique sur chacun de ces thèmes. Nous allons maintenant nous intéresser de plus près aux processus de développement et de diffusion de ces outils, et à la place qu’occupe le Cetmef dans ces processus.

20 http://www.geolittoral.developpement-durable.gouv.fr/energies-marines-renouvelables-emr-r153.html

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II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique

II.II. Les processus de développement et de diffusion des Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydrauliqueoutils de modélisation hydraulique

A) Historique de développement et de diffusion des outils du Cetmef La modélisation hydraulique est une activité aujourd’hui très répandue en France.

Historiquement, les principaux acteurs étaient la société Sogreah, depuis peu acquise par Artelia et Électricité de France (EDF).

Dès 1946, quelques mois après la création d’EDF, un accord est signé entre l’État, représenté à l’époque par l’office national de la navigation, et EDF, afin de mettre en commun des moyens techniques et financiers pour la création d’un laboratoire national d’hydraulique, devenu depuis le laboratoire national d’hydraulique et d’environnement (LNHE). Cet accord a été prolongé en 1965 avec la signature d’une convention bipartite. En contrepartie du prêt du site de Chatou, qui accueille le laboratoire, l’État n’avait à payer que la moitié des activités de recherche et développement réalisées par EDF. Ce laboratoire a ainsi réalisé, des années 50 à 80, de nombreuses études hydrauliques pour la production d’électricité d’EDF, mais également pour les grands équipements maritimes. A partir des années 90, le LNHE s’est concentré sur les besoins propres d’EDF (Loudière et Pierron, 2006).

En parallèle, le service technique central des ports maritimes et des voies navigables (STCPMVN) a été créé en 1967, mais n’a pas été doté de moyens suffisants pour participer pleinement à la construction d’ouvrages. Il s’est donc chargé essentiellement de production méthodologique et d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Dans le domaine de l’hydraulique, il a créé avec l’Université technologique de Compiègne (UTC) le groupe d’hydraulique numérique en 1991, devenu laboratoire d’hydraulique numérique (LHN) en 2002. Cette équipe commune réunit des chercheurs du laboratoire de mécanique Roberval de l’UTC et des ingénieurs-chercheurs du Cetmef. Plusieurs codes de calcul hydrodynamiques y ont été développés et utilisés pour des objectifs de recherche. Plus récemment ont été créés le laboratoire génie côtier et environnement (LGCE), qui étudie les interactions entre l’hydrodynamique, la morphodynamique et les écosystèmes en zones côtière et littorale, et le laboratoire d’hydraulique de Saint-Venant (LHSV), spécialisé en hydraulique à surface libre, qui associe le LNHE, le Cetmef et l’Ecole nationale des ponts et chaussées. Michel Benoit est aujourd’hui son directeur.

1 L’outil 1D Mascaret

Dans les années 80, plusieurs codes ont été développé dans le cadre de la convention bipartite entre le LNHE et le Cetmef :

• Le code Lido représentait les écoulements transitoire et permanent, sur un bief uniquement.• Le code Sara représentait les régimes permanents fluviaux.• Le code Rezo représentait les écoulements transitoires fluviaux, avec un réseau maillé ramifié,

selon la méthode des différences finies.

Aucun ne permettait de traiter les régimes transcritiques, permettant de représenter le passage d’un régime fluvial à torrentiel, à l’occasion d’une vague de submersion ou de la rupture d’un barrage. L’évolution de la réglementation et des méthodes numériques poussent au développement d’un nouvel outil intégrant un noyau transcritique, appelé Mascaret, par Nicole Goutal du LNHE. Dans les années 2000, les différents codes 1D sont fusionnés dans Mascaret, qui devient un outil complet composé d’un noyau transcritique, le noyau transitoire Rezo et le noyau permanent Sara. Le logiciel utilise l’interface Fudaa, développée par le Cetmef (voir partie 1).

Le logiciel a été commercialisé de 2000 à 2002, notamment auprès d’HydroQuébec. Les

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

nouvelles versions étaient diffusés à Sogreah qui les testait au cours de stages, en parallèle de ses études, et faisait remonter ses remarques au LNHE. Il est gratuit depuis 2008 et, depuis 2011, libre au sein de la chaîne Telemac (voir paragraphe suivant). Aujourd’hui, l’équivalent d’une personne le développe au sein du LNHE. Le code est en effet arrivé à maturité. Les études de submersion, qui ont généré une forte activité de 1991 à 2004, suivent aujourd’hui une méthodologie bien établie, et sont donc directement réalisées au Centre d’ingénierie hydraulique (CIH) d’EDF.

Les enjeux actuels concernant Mascaret se situent au niveau de l’assimilation de données mesurées, permettant d’utiliser le logiciel pour l’annonce des crues par le SCHAPI. Cet algorithme de mathématiques appliquées est issu d’une collaboration entre le LNHE, qui offert son expérience de l’utilisation de Mascaret, le CERFACS21, spécialisé en méthodes de simulation numérique et le SCHAPI, utilisateur final. Cette méthode pourrait également être utilisée pour la téléconduite des ouvrages. Par ailleurs, des travaux de recherche ont été menés ces dernières années sur le couplage de modèles 1D et 2D, notamment par un post-doctorant financé par le Cetmef et l’institut anglais HR Wallingford.

2 La chaîne Telemac

Le code de calcul hydrodynamique bidimensionnel Telemac 2D a été créé en 1987 par Jean-Michel Hervouet, du LNHE. L’espace y est discrétisé sous la forme d’un maillage non structuré à éléments triangulaires, ce qui permet en particulier d’affiner le maillage dans certaines zones particulières.

Différents modules 2D ont été développés et intégrés dans la chaîne dite Telemac :• Sysiphe, pour le transport sédimentaire, qui a intégré le module Subief de transport en suspension• Tomawac, pour la génération et la propagation de la houle,• Artemis, pour l’agitation de la houle.

Ont également été développés un outil hydrodynamique 3D, Telemac 3D. Le LNHE n’a pas développé de modules de calcul de la qualité de l’eau proprement dit, mais utilise celui de l’institut hollandais Deltares, Delwac. Celui-ci est d’ailleurs devenu libre en 2013.

Le LHN, en parallèle, a développé les modèles Reflux, pour l’hydraulique de surface, et Refonde, pour l’agitation de la houle. Il a été décidé en 2004 de faire converger les codes du Cetmef et du LNHE, afin d’en mutualiser les développements.

EDF a commencé la commercialisation de la chaîne Telemac en 1993 ; le laboratoire hydraulique de France, filiale de Sogreah à Grenoble, assurait d’abord la partie technique de cette distribution, avant de prendre en charge en 1998 l’ensemble de la commercialisation, qui revient en 2003 à la société Sogreah. Jusqu’en 2009, elle était distribuée en France par Sogreah, au Royaume-Uni par HR Wallingford, en Allemagne par BAW et au Canada par Hydroquébec. Elle était diffusée librement auprès des partenaires historiques qui contribuaient à son développement : le Cetmef, Sogreah. La chaîne a ainsi été développée conjointement par le LNHE et ses partenaires, principalement selon les besoins opérationnels d’EDF, en lien avec la réglementation.

B) Une nouvelle stratégie de développement et de diffusion

1 Justifications du passage en open-source

En 2009, une nouvelle stratégie de diffusion est adoptée par le LNHE pour la chaîne Telemac, à laquelle est intégré Mascaret en 2011. La chaîne Telemac est diffusée librement sous une licence publique

21 Centre Européen de Recherche et de Formation Avancée en Calcul Scientifique

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II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique

générale GNU (GPL), à l’exception de la bibliothèque des éléments finis BIEF, qui est sous licence publique générale GNU amoindrie (LGPL). Le LNHE en reste propriétaire, à l’exception du module Sysiphe qui possède plusieurs propriétaires, dont le Cetmef.

Ce choix du LNHE avait deux objectifs principaux :

• d’une part, fédérer une communauté de développeurs autour de la chaîne, de manière à démultiplier les ressources de développement

• d’autre part, diffuser plus largement le code afin d’augmenter le nombre d’utilisateurs. La position de Sogreah en tant que distributeur unique pour la France était ainsi devenu contre-productif du point de vue de la diffusion. En effet, sa position la poussait naturellement à freiner l’assistance auprès des utilisateurs, qui étaient ses clients en tant que distributeur de logiciel, mais également ses concurrents en tant que bureau d’études22. Or, l’augmentation du nombre d’utilisateurs permet d’une part d’acquérir une puissance de déboguage du logiciel, par les nombreux retours qu’en font les utilisateurs, mais également d’augmenter la notoriété du code, et ainsi sa crédibilité vis-à-vis notamment de l’agence de sûreté nucléaire.

2 Stabilité de la communauté de développement

Aujourd’hui, la chaîne Telemac-Mascaret est gérée par un consortium qui comprend : Artelia (ex-Sogreah), le Bundesanstalt für Wasserbau (BAW) en Allemagne, le Cetmef, Daresbury Laboratory, un laboratoire anglais, EDF et HR Wallingford en Angleterre. Il y a une répartition des rôles au sein du consortium. Le travail du Cetmef est plus orienté vers l’interface Fudaa, celui de HR Wallingford vers les thématiques d’environnement et de sédimentologie, celui du BAW dans le domaine de la sédimentologie, celui de Daresbury sur le parallélisme et le calcul de performance, et enfin Artelia se charge principalement de l’assistance aux utilisateurs.

Chacun des partenaires s’est engagé à participer à l’amélioration de la chaîne ; les développements sur Telemac sont recueillis par le LNHE fin juin, pour une campagne de validation en juillet-août, et la publication en septembre de la nouvelle version. C’est cependant le LNHE qui y participe majoritairement. Un système de gestion des versions (SVN) vérifie tous les soirs les développements réalisés dans la journée sur une batterie de cas-tests et contrôle le respect des normes de programmation.

Les développements des partenaires, comme ceux du Cetmef, nécessitent plusieurs relectures, dont en dernier lieu celle de Jean-Michel Hervouet, le créateur de Telemac, qui vérifie notamment que les développements proposés ne remplissent pas des fonctions déjà existantes au sein de la chaîne. Son départ prochain à la retraite sera sans doute un moment difficile pour la communauté. C’est en effet lui qui sait comment corriger, optimiser et intégrer un développement sur la chaîne, afin qu’il ne perturbe pas d’autres fonctions. Son savoir-faire reste cependant décrit dans des publications.

Un souci de former une communauté de développeurs dans un domaine si concurrentiel que celui des bureaux d’études, est que ceuxi-ci pourraient être tentés de garder leurs développements pour eux, et se placer en «cavalier seul» de la communauté ; laisser les autres apporter leurs améliorations, et conserver les leurs pour eux seuls, afin de garder les bénéfices que ces améliorations peuvent apporter à leurs études et donc à leurs clients. Mais dans les faits, les bureaux d’études peuvent garder pour eux les développements qui ont été faits dans le cadre d’une étude ; ils peuvent ainsi conserver un pas d’avance sur la concurrence, et verser ce développement dans une version suivante du logiciel. C’est le cas

22 Remarquons que le problème ne semble pas se poser aujourd’hui pour d’autres sociétés comme DHI qui sont dans la même position (voir paragraphe 4), peut-être en raison d’un équilibre différent entre recettes de la distribution et activités de bureau d’études.

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

d’Artelia, qui est engagée au développement de Telemac à hauteur de deux équivalents temps plein par an. Il se passe d’ailleurs le même phénomène de rétention temporaire d’information sur les forums d’utilisateurs des outils privés, comme ceux de DHI (voir paragraphe 4.).

3 Augmentation du nombre d’utilisateurs

Si le passage au libre n’a donc pas encore véritablement démultiplié les ressources de développement, puisque celles-ci restent principalement cantonnées aux partenaires historiques, il a par contre augmenté sensiblement le nombre d’utilisateurs. Si les chiffres sont incertains, du fait de la gratuité de l’acquisition du logiciel, on peut se baser sur le nombre de téléchargements et surtout le nombre de participations au forum d’utilisateurs (9000 aujourd’hui).

Le site internet Telemac-Mascaret propose ainsi un forum pour les utilisateurs. Ce fut d’ailleurs un vrai problème au début pour l’équipe du LNHE. Ils avaient anticipé, du fait du retour d’expérience du passage en libre d’un autre logiciel, Aster23, une croissance progressive de la communauté d’utilisateurs. Mais les premiers instants, Jean-Michel Hervouet a dû consacrer une heure par jour de son temps pour répondre aux questions portant sur le numérique, tandis que Christophe Coulet, d’Artelia, répondait aux questions portant sur l’installation du logiciel, souvent difficile. La décision a donc été prise de dédier une personne à plein temps au forum. Aujourd’hui, les utilisateurs commencent à répondre aux questions des autres.

A côté du forum, qui est gratuit, des contrats d’assistance payants sont toujours proposés par Artelia et Ingerop. Si les besoins ont sensiblement diminué du fait du forum, les contrats offrent des délais de réponse tout de même inférieurs. Par ailleurs, le LNHE a débuté des formations en interne à EDF. Au sein des services de l’État, le Cetmef apporte une assistance aux utilisateurs ; le CETE Méditerranée anime le club d’utilisateurs Mascaret-Telemac depuis 2012, et une formation annuelle d’une semaine est organisée par le SCHAPI avec l’institut de formation de l’environement (IFORE). Enfin, l’institut national polytechnique de Toulouse (INPT) propose deux formations par an de trois jours.

Si le passage au libre représente donc un travail conséquent pour le LNHE – fédérer les développements, répondre au forum – il apporte aussi des informations précieuses sur les problèmes rencontrés par les utilisateurs, ainsi que leurs centres d’intérêt. Par exemple, un thème en vogue aujourd’hui dans la communauté est la pollution par les hydrocarbures. Ce n’est pas un thème qui intéresse EDF a priori, mais cela pourrait le devenir à l’avenir pour la protection des centrales. Par ailleurs, les tests effectués par les différentes structures poussent le LNHE a toujours améliorer son logiciel. Du point de vue d’Artelia néanmoins, le passage en libre a entraîné une plus grande concurrence sur les études.

4 Les autres politiques de développement et de diffu sion

Parmi les outils 1D, il existe plusieurs logiciels gratuits, comme la version 1D de Infoworks ou HEC-RAS (Hydrologic Engineering Centers River Analysis System), développé par l’US army corps of engineers, qui distribue gratuitement le logiciel mais n’offre aucune assistance. En 2D et 3D, les logiciels développés par l’institut hollandais Deltares, Delft 3D et Delwac, sont devenus libres respectivement en 2011 et 2013. Les deux grandes chaînes privées concurrentes de Delft et Telemac sont Mike, développé par la société danoise DHI et Infoworks, développé en partie par HR Wallingford.

La chaîne Mike est développée par la société DHI et distribuée en France par sa filiale DHI

23 Logiciel de simulation numérique en calcul des structures développé depuis 20 ans par EDF R&D pour les besoins de recherche et les études des installations de production et de transport d’électricité, libre depuis 2001 (http://innovation.edf.com/recherche-et-communaute-scientifique/logiciels/code-aster-41195.html).

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II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique

France, qui est aussi un bureau d’études. Jusqu’en 2008, la société soeur de HR Wallingford, Wallingford Software, développait le logiciel de modélisation hydraulique ISIS en partenariat avec la société anglaise Halcrow. Ce partenariat a été rompu et Wallingford Software, devenu Innovyze, développe aujourd’hui Infoworks, sur la base du moteur de calcul ISIS. Il est distribué en France par l’entreprise Geomod.

Ces deux logiciels sont payants ; ils proposent une licence ainsi qu’un contrat d’assistance annuels. Il y a 3 types d’assistance : l’assistance téléphonique, la prise de contrôle de l’ordinateur à distance et l’envoi d’un modèle à deboguer. Les deux logiciels possèdent enfin un forum utilisateurs. En 2012, DHI y a lancé un jeu-concours pour recueillir les besoins en développement des utilisateurs ; ceux-ci devaient ainsi proposer des idées de développement et voter pour les idées des autres.

Dans un domaine proche, un autre exemple de stratégie de développement et de diffusion est celle de l’outil Canoe, logiciel de conception et de diagnostic des réseaux d’assainissement24. Canoe est une co-propriété d’Artelia (équipe Ville&Transport), qui a développé les aspects relatifs à l’hydraulique urbaine, et du laboratoire de génie civil et d'ingénierie environnementale de l’INSA de Lyon, qui s’est chargé du développement de l’interface et de la partie hydrologie. Ce partenariat est toujours actif pour le développement et la maintenance du logiciel, qu’il s’agisse du noyau de calcul ou de l’interface. Ce développement est financé par les ressources issues de la vente du logiciel auprès d’un grand nombre d’agglomérations et de bureaux d’études. Afin que ces ressources soient stables, l’Insa a formé un partenariat avec quelques-uns des utilisateurs – les départements de Seine-Saint Denis et du Val de Marne, la communauté urbaine de Lyon, la ville de Rennes – qui, en contrepartie du financement pérenne du logiciel, guident les développements et bénéficient d’un contrat d’assistance pour son utilisation. Régulièrement sont listés les besoins des partenaires, des développeurs et des autres clients, afin de prioriser les développements (Entretien).

C) État des lieux des compétences en hydraulique en France Les compétences en modélisation hydraulique sont très dispersées sur le territoire français ; les

villes qui concentrent un grand nombre d’acteurs important de la recherche et de l’ingénierie sont Grenoble (INPG, Artelia, EDF), Lyon (CNR, Insa Lyon), Toulouse (Météo France, CERFACS, IMFT et INPT) et Brest (Ifremer) (Loudière et Pierron, 2006). Historiquement, les compétences en hydraulique ont été développées dans deux grandes entreprises, EDF et Sogreah.

1 Des compétences dans le privé

a) LNHE et LHSV

La division R&D d’EDF compte une quinzaine de départements, en mathématiques, informatique, etc. Le département en charge du développement de Telemac est le LNHE, qui comprend 115 agents dont 88 ingénieurs chercheurs et cadres, 16 techniciens et 18 doctorants. Il traite de quatre thèmes : l’hydraulique à surface libre, la sédimentologie, l’écotoxicologie et la microbiologie. Une vingtaine de développeurs travaillent sur l’ensemble de la chaîne Telemac. Des recrutements ont eu lieu dernièrement en réaction à la catastrophe de Fukushima. De même, les énergies alternatives sont un thème porteur aujourd’hui.

Le laboratoire LNHE partipe à des projets de recherche ANR et réalise des études pour le compte des unités de production et d’ingénierie d’EDF. Les études qui sont confiées au LNHE sont des cas complexes, pour lesquels la méthodologie n’est pas encore établie. Dans les autres cas, les études sont

24 Ses concurrents sont Mike urban, Infoworks CS (qui serait utilisé par Veolia, la Lyonnaise des Eaux et les collectivités de Brest, Saint Etienne, Nîmes) et Papyrus.

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

sous-traitées à des bureaux d’études extérieurs (Ingerop ou Sogreah) via des contrats-cadres, les services d’ingénierie utilisant alors le modèle ainsi construit ou uniquement les résultats de l’étude.

b) Les bureaux d’études privés

i. Artelia

Au sein d’Artelia, il y avait historiquement un seul noyau d’utilisateurs de Telemac à Grenoble, qui est aujourd’hui dispersé. Depuis que le logiciel est libre, il est plus difficile de savoir qui l’utilise. Néanmoins, il y a deux référents Telemac dans la région sud-ouest, qui couvre les trois agences de Bordeaux, Toulouse et Pau. Les autres personnes de la région25 ne sont qu’utilisateurs finaux de Telemac, c’est-à-dire qu’ils ne modifient pas le code : il y en a deux à Toulouse, deux à Pau et cinq à Bordeaux. Il y a très peu de personnes qui utilisent Telemac dans les régions Méditerranée et Est. A Nantes, une personne utilise Telemac ainsi que Mike. Dans les régions Ile-de-France et Nord, il y a deux ou trois anciens de l’équipe de Grenoble. Il y a enfin quelques personnes formées dans les agences à l’international, comme aux Emirats. Globalement, la majeure partie des études d’hydraulique sont réalisées à Bordeaux (Entretien).

Une licence Mike a été achetée à Grenoble, afin de réaliser des comparatifs, pour des études où le logiciel doit être utilisé de manière plus ou moins imposée, ou lorsqu’un couplage 1D-2D est nécessaire (voir chapitre suivant). La question d’être plus généraliste sur les outils est toujours ouverte à Artelia.

ii. Ingerop

Au sein d’Ingerop, le pôle principal d’hydraulique fluviale est l’agence d’Aix-en-Provence, qui était auparavant le bureau d’études IPSEAU, créé en 1992 par Laurent Savouyaud, l’actuel responsable d’agence. L’entreprise a été rachetée en 2005-2006 par Ingerop, mais l’équipe a été conservée ; 20 personnes utilisent les logiciels hydrauliques, dont cinq régulièrement. Il y a cinq à six modélisateurs au siège d’Ingerop, situé à Courbevoie. Dans les autres agences ne sont utilisés que des logiciels 1D, à l’exception de l’agence de Rennes, qui fait de la modélisation 2D dans le domaine maritime.

À l’agence Aix-en-Provence, le service qui construit les modèles hydrauliques est celui qui réalise les études venant en amont des projets de construction ; le service qui réalise les études avant-projet, la conception de projets, la maîtrise d’oeuvre et le suivi de travaux ont besoin des modèles réalisés dans les études amont, mais ne font qu’en utiliser les résultats.

iii. Les autres bureaux d’études

Egis Eau, BRL ingénierie ainsi que d’autres bureaux d’études de moindre envergure utilisent également les outils de la chaîne Telemac. Les bureaux d’études disposent souvent de plusieurs outils différents. Ils peuvent s’associer dans le cadre d’études importantes ; par ailleurs, ils sous-traitent souvent la prise de mesures servant à l’alimentation ou à la validation du modèle.

Par exemple, l’agence Egis Eau de Nantes utilise dans 80% des études hydrauliques le logiciel Infoworks, pour des commanditaire publics essentiellement. Son service maritime utilise Telemac pour la courantologie et l’agitation (Entretien).

Plusieurs lieux d’échanges existent sur l’hydraulique, à l’échelle nationale et internationale. À titre d’exemple, la société hydrotechnique est une association créée en 1912 pour fédérer les acteurs de l’eau. Elle vise ainsi à favoriser les échanges scientifiques et techniques et la diffusion des connaissances. Elle organise tous les deux ans la conférence SimHydro, avec l’université de Nice-Sophia Antipolis,

25 Au sens de l’organisation territoriale d’Artelia.

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II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique

l’association internationale pour la recherche en hydraulique (AIRH) et l’association française de mécanique, qui accueille un large public de bureau d’études, de chercheurs, de collectivités et de membres de l’administration.

2 Dans les établissements de recherche publics

a) Le réseau scientifique et technique du MEDDE

Plusieurs établissements mènent des travaux de recherche en utilisant des outils de modélisation hydraulique au sein du réseau scientifique et technique du MEDDE : dans le domaine fluvial, l’Irstea, et dans le domaine maritime, le BRGM et l’Ifremer. Ils utilisent souvent leurs propres codes de calcul, dans le cadre de projets de recherche ou d’études d’expertise pour le compte de l’administration centrale, des collectivités territoriales ou encore des bailleurs de fonds internationaux.

Ainsi, l’Irstea utilise, en plus de Telemac, des logiciels développés en interne comme la suite Rubar, pour l’hydrodynamique et le transport sédimentaire.

Le BRGM utilise des codes libres ou qui le deviennent dans le cadre de convention de recherche. La submersion à terre est modélisée par un code de recherche, SurfWB, développé par l’université de Bordeaux et de Montpellier. La modélisation du tsunami s’appuie sur le logiciel américain Topics, puis les vagues sont propagées par un code vague à vague, peu utilisé en France, appelé Sunwave.

Par ailleurs, le BRGM et l’Ifremer co-développent Mars (Model for Applications at Regional Scales) pour l’hydrodynamique, le transport sédimentaire et la biogéochimie. Pour l’agitation de la houle est utilisé le logiciel libre SWAN, développé par l’université technologique de Delft. Le BRGM a son propre modèle de génération des champs de vent et de pression pour modéliser les cyclones.

b) Universités

Plusieurs universités et laboratoires utilisent maintenant le système Telemac, comme l’institut national polytechnique de Toulouse (INPT) et l’institut de mécanique des fluides de Toulouse (IMFT).

Le laboratoire de mécanique des fluides de l’école Centrale Nantes (UMR ECN / CNRS) a fondé la start-up HydrOcean, qui a notamment développé ICARE, un logiciel hydraulique à surface libre basé sur les équations de Navier-Stokes, permettant de calculer la résistance à l’avancement des bateaux, leur tenue à la mer, leur manoeuvrabilité, etc.26.

Plusieurs unités de recherche en hydraulique et en mécanique des fluides existent au sein de l’institut national polytechnique de Grenoble (INPG), de l’ENGEES, de l’ENSTA ou des universités de Tours, Caen, La Rochelle ou du Havre.

3 Dans les services de l’État et les collectivités l ocales

a) Les centres d’études techniques de l’équipement, des bureaux d’études publics

Les activités de modélisation hydraulique sont très inégalement réparties entre les différents centres d’études techniques de l’équipement (CETE). Les CETE réalisent des études hydrauliques principalement pour le compte des services de l’État situés sur leur territoire, mais aussi parfois des collectivités territoriales ; ils viennent également en appui les uns des autres et contribuent ensemble à des

26 http://www.hydrocean.fr/outils-icare.html

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

pôles de compétences et d’innovation (PCI) thématiques.

i. Le CETE Méditerranée

Les compétences en hydraulique du CETE Méditerranée sont regroupées dans le service Risques inondations littoraux et hydrauliques, au sein du département d’études Risques, eau et construction, situé à Aix-en-Provence. Le service, dirigé par José-Luis DELGADO, comprend dix agents, dont la plupart sont des spécialistes ou experts au titre du comité de domaine Géotechnique et risques naturels. L’équipe est intégrée au sein du PCI «Inondations et aléas côtiers» avec le CETE Sud-Ouest et le CETE Ouest.

L’équipe réalise des prestations pour l’État – le Cetmef pour 50 K€/an et 10% des équivalents temps plein (ETP), les services déconcentrés et la DGPR – et pour le RST – l’Ifsttar, l’Irstea, le BRGM, l’IGN et MétéoFrance. Il s’agit d’activités d’expertise, d’ingénierie, d’assistance à maîtrise d’ouvrage et de recherche. A titre d’exemple, le CETE Méditerranée a rendu un avis d’expertise, à partir d’un modèle 1D, sur l’impact de l’agrandissement de l’aéroport de la Réunion, pour le compte de la DGAC et de la DGITM. Il mène des activités de recherche avec l’Irstea sur l’érosion des digues en cas de surverse, et avec l’Ifsttar sur le projet de Cartino de cartographie automatique des zones inondables. Les activités d’ingénierie concernent des modèles de prévision des crues, des PPR ou des études d’impact d’ouvrages.

Les études d’ingénierie visent à ne pas perdre la main ou à tester des outils, mais elles se raréfient (20% aujourd’hui des activités du service) au profit de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. Aujourd’hui, le CETE Méditerranée ne répond pas à l’ensemble des besoins des ministères. A titre d’illustration, sur les 120 TRI (Territoires à risques d’inondation) identifiés à l’échelle française, de 60 à 70 sont appuyés par les CETE, et seuls une trentaine disposent d’un modèle hydraulique. Le CETE Méditerranée ne se positionne plus sur des appels d’offres, car il n’est souvent pas compétitif. Confronté à des besoins opérationnels concernant les outils de modélisation, il peut être amené à réaliser des développements, par exemple sur des outils de pré- et post-traitement adaptés aux services opérationnels.

Le CETE Méditerranée est par ailleurs impliqué, à la demande de l’office international de l’eau, dans les projets de jumelages européens qui ont été mis en place suite à la directive inondation et la directive cadre sur l’eau : la France paraine ainsi la Turquie avec la Roumanie, et la Croatie avec les Pays-Bas. La DRI, la DGPR, l’Irstea et certaines DREAL sont également mobilisées. Le service a également des partenariats avec l’Onema, l’Agence de l’eau, le CPII – qui diffuse QGIS et MapInfo.

ii. Le CETE Normandie-Centre

La division en charge des études hydrauliques au CETE Normandie-Centre appartient au laboratoire régional de Blois (LRB), au sein du groupe « environnement et risques », dirigé par Stéphane PINEY. Le groupe contient une unité bathymétrie, une unité courantologie et morphologie et une unité risques hydrauliques.

- L’unité Risques hydrauliquesLes deux modélisateurs de l'unité réalisent, pour 10 % de leur temps, des études d’impact pour le

compte du conseil général 61, qui est gestionnaire des routes départementales, ou pour le compte de l’État, dans le cas des routes nationales, avec des outils 1D la plupart du temps. Si l’ouvrage a un impact trop important, le laboratoire propose des pistes d’action, sur la géométrie de l’ouvrage ou des ouvrages de décharge, des zones d’expansion des crues. L’équipe réalise également des atlas des zones inondables, pour 40 % du temps, à partir de la crue centennale ou de la plus forte crue connue. Ces études sont menées pour le compte des DDT de la région Centre et des deux Normandie, dans le cadre des plans de prévention des risques. Enfin, l’unité réalise depuis deux ans des extrapolations de courbes de tarage pour le compte du SPC Auvergne, pour environ 40 % de son temps, à partir de modèles 1D (voir chapitre I).

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II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique

Le LRB s’appuie sur leur unité de bathymétrie et de topographie pour récolter les données de terrain nécessaires à la construction des profils en travers entrés dans les modèles 1D, sur HEC-RAS. En effet, seules des mesures de terrain permettent de repérer de manière précise les circonvolutions ou les seuils qui pourront influer sur l’écoulement de l’eau. Des enquêtes sont également menées pour recueillir le témoignage des habitants au sujet des crues passées.

- L’unité Courantologie et morphologieLes deux modélisateurs de l'unité réalisent des études qui nécessitent l’utilisation de modèles 2D,

sur les logiciels Mike 21 et récemment Telemac. Par exemple, des études d’aménagements sur la Francilienne, pour la direction interdépartementale des routes d’Ile de France, de dimensionnement d’un déversoir, ou encore de courantologie en aval d’écluses, pour guider la gestion des vannes des barrages et la prévention des fosses d’érosion. L’équipe réalise également des études de danger, pour le compte de la DDT – maître d’ouvrage – et de la DREAL Centre – assistant à maîtrise d’ouvrage. La partie géotechnique de l’étude de danger peut être réalisée en interne, par une autre équipe du LRB. Enfin, la participation à l’établissement du PPR submersion marine, pour le compte de la DDT 80, a permis à l’équipe d’acquérir des compétences en calcul de propagation de la houle sur Tomawac.

Le LRB réalise une veille sur les appels d’offre. Mais depuis les cinq dernières années, la demande issue de l’État est forte, concernant la prévention des risques d’inondation et les études de danger de digues. Le LRB réalise des études en propre, mais se positionne parfois aussi en assistance à maîtrise d’ouvrage, lorsque la charge du service ne lui permet pas de réaliser l’étude. Son objectif est de trouver un équilibre entre des assistances à maîtrise d’ouvrage techniquement intéressantes et la réalisation d’études en interne, afin de pérenniser des compétences stratégiques à moyen terme.

iii. CETE Sud-Ouest

Les compétences en hydraulique du CETE Sud-Ouest se trouvent dans le groupe Eau, Risques et Environnement du laboratoire de Bordeaux. Quatre personnes en particulier manient les outils de modélisation hydraulique. Le volet risque est une des problématiques principales du CETE Sud-Ouest. La ville de Bordeaux est particulièrement concernée par le risque inondation, du fait du régime hydraulique fluvio-maritime de l’estuaire de la Gironde. Le volet modélisation hydraulique s’insère cependant dans des études hydromorphologiques plus larges.

En ce qui concerne ses activités de modélisation, le groupe réalise des études d’ingénierie pour le compte des services déconcentrés de l’État – DREAL, DDT, DIR – au sujet de l’impact d’ouvrages routiers, ou de l’impact de mesures d’aménagement sur le risque submersion marine, dans le cadre du retour d’expérience sur la tempête Xynthia.

Le CETE se positionne également en assistance à maîtrise d’ouvrage, en donnant par exemple un avis technique sur des PPR. Il suit de cette façon, pour le compte de la DDT, l’élaboration du référentiel inondation Gironde menée par Artelia dans le cadre d’un projet réunissant les services de l’État et les collectivités locales. Cet outil de connaissance du territoire a permis de proposer un PAPI d’intention, qui permettra d’affiner la stratégie d’aménagement des collectivités et éventuellement de déboucher sur des travaux de protection des zones inondables.

L’équipe suit par ailleurs le projet de recherche Theseus, afin de l’alimenter de connaissances sur le territoire et de faire en sorte que les résultats du projet soient réutilisés par la suite localement.

b) Les services de l’État chargés de la prévention e t de la prévision des inondations

Il existe plusieurs services de l’État compétents dans le domaine de la lutte contre le risque

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

inondation, dont certains commencent à acquérir en interne des savoir-faire en modélisation hydraulique.

Le SCHAPI a pour mission de coordonner la prévision des crues et l’hydrométrie et de développer la recherche pour améliorer les outils utilisés les SPC. Il est organisé en quatre pôles :

– Le pôle informatique, chargé du développement du site vigicrues,– Le pôle acquisition des données – hydrométrie, qui est chargé de l’amélioration du matériel

(capteurs, radars, caméras) et du recueil des données de pluie et de débit de Météo France,– Le pôle vigilance et prévision, chargé de l’organisation de la prévision,– Le pôle modélisation, dirigé par Bruno JANET, chargé du développement des outils pour le

réseau de prévision des crues.

Ce dernier pôle, qui comprend trois personnes compétentes en modélisation, conseille les SPC sur le choix de leurs outils de prévision. La stratégie de modélisation proposée aux SPC préconise ainsi l’emploi d’un nombre limité d’outils, de préférence libres et qui fédèrent une communauté d’utilisateurs, afin de pouvoir faire évoluer les outils en fonction des besoins des SPC tout en mutualisant les coûts.

L’objectif du SCHAPI est de développer un modèle en temps réel pour chacun des grands cours d’eau, en appui à la prévision des crues. Tous les SPC ne disposent pas aujourd’hui d’un modèle hydraulique (cf. carte en annexe 5) ; certains calculent la propagation des débits à partir d’abaques. Pour ceux qui en disposent, il s’agit souvent de logiciels 1D, à l’exception du SPC Gironde Adour Dordogne qui dispose depuis 2010 d’un modèle sur Telemac développé par le LNHE, le Cetmef et Artelia. Certains SPC ont un modèle clé en main, d’autres ont accès aux codes, certains l’ont fait développer par un stagiaire, d’autres ont fait appel au CETE ou à un bureau d’études. D’autres enfin s’appuient sur des modèles déjà existants auprès d’autres structures. Sur le Rhône, c’est le modèle Crue de la CNR qui a été choisi ; sur la Seine et l’Oise, les outils Mike et Hydrariv. Les établissements publics territoriaux de bassins (EPTB) disposent souvent d’outils : c’est le cas de l’EPAMA sur la Meuse, et de l’Entente Oise Aisne.

Les services déconcentrés de l’État, chargés de la réalisation des PPR et des TRI, mais également de la coordination locale des services de prévention des crues, reposent essentiellement sur les compétences en modélisation hydraulique des CETE, des collectivités locales (voir point suivant) ou en dernier ressort des bureaux d’études privés.

c) Les collectivités locales en acquisition de compé tences

L’établissement public d’aménagement de la Meuse et de ses affluents (EPAMA) est un EPTB, c’est-à-dire un regroupement de collectivités territoriales chargé de la gestion équilibrée de la ressource en eau à l’échelle d’un bassin hydrographique.

Les missions de l’EPAMA sont la maîtrise d’ouvrage d’un projet d’aménagement de la Meuse amont, la cartographie des TRI définis sur son périmètre, pour le compte de la DREAL, et l’appui aux collectivités adhérentes pour la commande de leurs propres études hydrauliques.

L’EPAMA cherche à acquérir un modèle hydraulique cohérent à l’échelle de son territoire, afin de pouvoir réaliser en interne des études ponctuelles sur ses projets d’aménagement. Il s’appuie également sur d’autres acteurs locaux compétents en hydraulique. Ainsi, EDF est invité au comité de pilotage de la cartographie des TRI afin de donner son avis sur la méthodologie, notamment sur les lois d’extrapolation nécessaires lorsque les mesures de débit et de hauteur d’eau ne sont pas disponibles sur un temps suffisamment long.

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II.Les processus de développement et de diffusion des outils de modélisation hydraulique

d) Cetmef : un positionnement à l’interface entre re cherche et opérationnel

Le Cetmef, au sein du RST, adopte aujourd’hui plusieurs postures différentes.

i. Recherche et développement

Au sein du consortium de la chaîne Telemac-Mascaret, le Cetmef contribue au développement des logiciels à hauteur de deux ETP par an. Par ailleurs, il mène des projets de recherche, dont certains conjointement avec le LNHE par le biais du laboratoire d’hydraulique Saint-Venant, dans lequel le Cetmef investit quatre agents. D’autres projets de recherche sont menés au sein du LGCE, sur la morphodynamique côtière (sept agents Cetmef) ; au LHN, sur l’hydraulique maritime et fluviale (deux agents) et au laboratoire ANGE, commun entre le Cetmef, l’INRIA et l’université Pierre et Marie Curie, dans les domaines des écoulements géophysiques (deux agents).

ii. Etudes pour le compte de ses partenaires et de l’État

Le Cetmef réalise des études pour le compte des établissements publics avec lesquels il a signé des conventions, à savoir VNF et quelques grands ports maritimes (voir partie 3), notamment de courantologie et de trajectographie pour la sécurité de la navigation et l’impact des ouvrages.

Mais il réalise de plus en plus d’études dans le domaine des risques naturels et de l’environnement. C’est ainsi qu’il réalise également ponctuellement des études pour le compte de l’État, en appui au SCHAPI par exemple. Par ailleurs, il réalise des missions plus atypiques, comme le cas de la modélisation morphodynamique du Mont Saint-Michel (voir chapitre I), au service du syndicat mixte local, qui constitue la contribution de l’État à la préservation du site inscrit au Patrimoine de l’Unesco.

iii. Assistance à maîtrise d’ouvrage auprès des services de l’État

Le Cetmef prend également parfois une posture d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour le compte des services de l’État. Il les accompagne ainsi dans l’élaboration du CCTP et l’audition des prestataires, participe aux réunions d’avancement du projet pour conforter des éléments de méthodologie, apporte son analyse critique du rapport d’étude provisoire et enfin, participe à la valorisation et la diffusion des résultats de l’étude. Il s’agit parfois aussi d’avis informels, sur l’opportunité d’une étude ou ses résultats.

iv. Expertise en cas de contentieux

L'expertise de Patrick Chassé, chef de la mission «Expertise» au Cetmef, a été sollicitée pour la réalisation d'une modélisation hydraulique des débordements sur les terres, dans le cadre de l’instruction du procès de la Faute-sur-mer. Ce procès, à la suite de la tempête Xynthia, devrait débuter en 2014 et oppose les familles des victimes aux personnes ayant construit ou autorisé la construction des maisons en zone à risque.

v. Pilotage des CETE et formation

Par le biais du titre IX, le Cetmef peut sous-traiter une partie de ses activités aux CETE. Il est ainsi l’interlocuteur privilégié de l’administration centrale, qui lui adresse ses demandes, tout comme les CETE sont les interlocuteurs privilégié des services déconcentrés.

Le Cetmef a également un rôle d’animation du réseau des CETE, à travers les sessions de formation dans lesquelles il intervient et l’animation du club «Modélisation hydraulique» regroupant des utilisateurs de Mascaret et Telemac, qu'il réalise avec le CETE Méditerranée depuis 2012 et qui remplace le club «Cours d’eau et environnement» créé en 1998.

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

vi. Gestion de base de données et production méthodologique

Le Cetmef gère la base de données CANDHIS des mesures de houle (voir chapitre I), développe des atlas des vagues avec le LNHE, et produit des guides méthodologiques à destination des services de l’État, des collectivités locales et des bureaux d’études. A titre d’exemple, l’étude Vulnérabilité du territoire national aux risques littoraux, qui a été publiée en décembre 2009 et en 2012 avec le CETE Méditerranée et le CETE de l’Ouest, fait la synthèse des connaissances actuelles sur les risques littoraux.

La répartition des ressources du Cetmef sur l’une ou l’autre de ces activités ou postures est difficile, puisque la plupart des agents en adoptent plusieurs. Globalement, hors laboratoires de recherche, le Cetmef compte une dizaine de personnes ayant des compétences en modélisation hydraulique.

Les compétences en hydraulique en France sont à la fois nombreuses et inégalement réparties sur le territoire. Les services déconcentrés de l’État, les établissements publics comme VNF et les grands ports maritimes et les collectivités territoriales sont les principaux commanditaires d’études hydrauliques dans le domaine de la prévention des risques naturels, de la préservation des milieux aquatiques et de la sécurité de la navigation, auxquels s’ajoutent les aménageurs privés soumis à l’obligation de réaliser des études d’impact. Les services de l’État s'appuient sur les compétences du réseau scientifique et technique (RST), et principalement des CETE, mais les ressources de ces derniers diminuant, de plus en plus sur les bureaux d’études privés. C’est le cas également des collectivités locales, qui du fait de leur statut ne peuvent pas faire appel directement au RST. Les établissements de recherche du RST, comme l’Irstea, le BRGM ou l’Ifsttar, mènent des activités de recherche en partenariat avec des universités, tout en transmettant un certain nombre de savoirs aux services principalement opérationnels que sont les CETE. Le Cetmef, au milieu de ces acteurs, s’est positionné comme un organisme hybride entre la recherche et l’opérationnel. Cela le conduit à mener des activités de recherche, des études innovantes pour le compte de maîtres d’ouvrage publics, des expertises auprès de l’administration centrale et enfin des activités d’animation de réseau auprès des autres services de l’État.

Le chapitre suivant vise à apporter des éléments d’évaluation de l’efficacité de ce positionnement, d’une part par le biais de la satisfaction des services de l’État et des bureaux d’études vis-à-vis des outils que le Cetmef diffuse, et d’autre part, par le biais des besoins exprimés par les directions générales de l’administration centrale qui assurent la tutelle du Cetmef. Enfin, d’autres exemples de positionnement de la part des homologues du Cetmef seront présentés.

III.III. Les besoins exprimés des utilisateurs et de Les besoins exprimés des utilisateurs et de l’administration centralel’administration centrale

A) Besoins des utilisateurs et facteurs de choix des outils

1 Des utilisateurs aux besoins différents

Il existe différents types d’utilisateurs de modèles hydrauliques, qui ont des besoins différents en termes de fonctionnalités des outils : les développeurs et les utilisateurs finaux.

Les développeurs – qui se trouvent dans les laboratoires de recherche principalement, mais aussi au sein du Cetmef et dans quelques CETE – veulent pouvoir accéder au code, afin d’adapter l’outil de calcul à leurs cas d’études. Ils développent également des routines, petits programmes personnels leur permettant de traiter plus facilement leurs données d’entrée (pré-traitement) ou les résultats du modèle (post-traitement). Ils apprécient donc le statut libre de Telemac et la qualité de son noyau de calcul.

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III.Les besoins exprimés des utilisateurs et de l’administration centrale

Les utilisateurs finaux, eux, n’ont souvent pas le temps ou les compétences en programmation nécessaires pour ajouter des lignes de calcul aux logiciels, programmés en Fortran et en Python. Ils cherchent alors à avoir une interface la plus ergonomique possible, leur permettant de prendre en main de manière intuitive le logiciel, et construire le plus vite possible leur modèle. Les utilisateurs finaux sont présents dans les CETE, au Cetmef, dans les bureaux d’études et les collectivités locales. Ils réalisent souvent des activités de modélisation dont la méthodologie est bien établie, en routine. Ceux-là sont beaucoup plus réceptifs aux qualités des logiciels concurrents, Mike et Infoworks, et reprochent à Telemac son manque d’interface et sa complexité d’utilisation.

2 Fonctionnalités techniques

a) Comparaison logiciels 1D : Mascaret et HEC-RAS

Les utilisateurs finaux de logiciels 1D, dans les CETE et les bureaux d’études, ont souligné la facilité d’utilisation de HEC-RAS. Il a ainsi plusieurs avantages.

• Tout d’abord, il est gratuit, possède un site internet avec de la documentation (en anglais), même si aucun contrat d’assistance n’est possible.

• Ensuite, il contient de nombreuses abaques, permettant d’intégrer des ouvrages (buses, seuils, ponts) dans le modèle selon une description géométrique et calculer les pertes de charge correspondantes. Par ailleurs, il représente bien les confluences et la répartition des débits. Mascaret, de son côté, nécessite d’entrer à la main des abaques.

• Enfin, il est très bien couplé avec ArcGIS, le logiciel de cartographie. On peut ainsi localiser les profils en travers, les extraire à partir d’un modèle numérique de terrain et représenter l’enveloppe des zones inondables de manière presque instantanée, grâce à deux extensions payantes (10 000 euros) de ArcGIS, 3D Analyst et Spatial Analyst. Le logiciel QGIS, qui gère les mêmes formats de fichier que ArcGIS, n’est pas encore couplé à HEC-RAS. Avec Mascaret, on peut entrer les profils en travers à partir de Fudaa-Prepro (voir point suivant).

Certains défauts émergent cependant.

• Ainsi, du fait qu’il n’est pas libre, HEC-RAS reste une boîte noire. On ne peut pas avoir une confiance absolue en ses résultats, car il en donne toujours, même quand le régime passe de fluvial à torrentiel, ce que le logiciel ne sait pas traiter normalement.

• Ensuite, Mascaret est plus puissant sur certains points : il représente mieux les pertes de charge sur les écoulements de débordement vers le lit majeur et permet de simuler des ruptures d’ouvrage du fait de son module transcritique.

• Enfin, HEC-RAS ne peut pas être utilisé en prévision des crues, car il n’est pas adapté au calcul en temps réel.

Par ailleurs, Mascaret ne permet pas de simuler la régulation d’ouvrages, à l’inverse de Carima, le logiciel 1D développé par Artelia, qui n’est plus maintenu.

D’autre part, Mascaret comme HEC-RAS ne permettent pas de faire évoluer les profils dans le temps pour simuler les phénomènes d’érosion et de transport sédimentaire. Cela nécessite sous Mascaret l’emploi de logiciels de calcul. L’évolution des fonds est prise en compte dans le logiciel HEC-6T27, de la firme américaine Mobile Boundary Hydraulics, qui est utilisé au BAW pour simuler les phénomènes

27 http://www.mbh2o.com/hec6t.html

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

d’érosion sur de longs linéaires, ainsi que dans le modèle RubarBE de l’Irstea.

Certaines personnes ont testé Mascaret il y a plusieurs années, et ne sont donc pas toujours au courant des améliorations qui ont pu avoir été faites depuis. Cela montre la nécessité de toujours communiquer sur les nouveaux développements.

b) Comparaison logiciels 2D : Telemac, Mike et Infow orks

i. Les logiciels de pré- et post-traitement

La particularité des logiciels commerciaux est le fait que les différentes étapes de la modélisation soient intégrées dans un même logiciel. Ainsi le pré-traitement, qui consiste à rassembler et mettre en forme les données d’entrée et à construire le maillage, et le post-traitement, qui permet la mise en forme et la visualisation des résultats, est intégré dans la même interface que le noyau de calcul. Mike a ainsi un lien avec le SIG à travers un module spécifique de ArcGIS. Dans la chaîne Telemac, de nombreux outils sont utilisés pour réaliser ces étapes.

Le maillage est une des étapes les plus longues de la construction du modèle 2D, et sa qualité détermine celle du modèle.

Le LNHE a beaucoup investi dans le développement d’outils pré- et post-traitement. MATISSE permet de créer différents fichiers utilisés pour les calculs de la chaîne Telemac : le maillage ainsi que la bathymétrie en chaque point du maillage, ou les conditions aux limites. RUBENS permet de visualiser les résultats du calcul, comme les vecteurs vitesse ou la bathymétrie. Les fichiers exécutables de ces deux programmes sont encore disponibles, mais ils ne sont plus maintenus, le LNHE ayant considéré que ce n’était pas son coeur de métier.

L’objectif aujourd’hui est d’être ouvert, de fonctionner avec toutes les interfaces. Aujourd’hui sont utilisés pour construire le maillage : Janet, de l’entreprise allemande Smile Consult ; Blue Kenue28, développé par le National Research Council du Canada, qui permet également de visualiser les résultats ; ou Fudaa Modeleur, qui est en cours de développement au LNHE.

Pour le post-traitement peuvent être utilisés des logiciels de visualisation et d’analyse des résultats d’une modélisation comme Paraview29, un logiciel libre américain, Tecplot qui est payant, développé et distribué par la société américaine TecPlot, Inc. ou encore le logiciel Surfer, qui est lui aussi payant et développé par la société Golden Software.

Enfin, le logiciel de pré- et de post-traitement Fudaa-Prepro a été développé par le Cetmef et est compatbile à la fois avec Telemac et Rubar, de l’Irstea. Il ne permet pas de mailler, seulement d’imposer des conditions limites.

Un inconvénient d’Infoworks est que le maillage est généré à partir du MNT ; en cas d’erreur identifiée sur la topographie, il faut revenir sur le MNT et le modifier, plutôt que de ne corriger que le maillage. Ce problème a été soulevé auprès du développeur. De même les outils cartographiques de Mike s’améliorent progressivement. Par exemple, un utilisateur a diffusé un outil permettant de vectoriser de manière automatique les parcelles d’un plan cadastral.

ii. Couplage 1D-2D et réseaux urbains

On peut également coupler des modèles 1D, utilisés pour représenter les écoulements dans le lit mineur, avec des modèles 2D qui représenteront les écoulements dans le lit majeur, en cas de

28 http://www.nrc-cnrc.gc.ca/eng/solutions/advisory/blue_kenue_index.html29 http://www.paraview.org/paraview/project/about.html

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III.Les besoins exprimés des utilisateurs et de l’administration centrale

débordement. Le couplage peut également être longitudinal, avec des tronçons de rivière modélisés en 1D, et quelques sites plus complexes, le long du cours d’eau, modélisés en 2D. Le calcul ayant tendance à s’alourdir lorsqu’on passe à une dimension supplémentaire, cette astuce permet de bénéficier de la précision du 2D sans allonger inutilement les temps de calcul ; c’est un réel besoin pour les études. Les logiciels Mike et Infoworks permettent très facilement de coupler les logiciels 1D et 2D de manière transversale. Néanmoins le couplage longitudinal est moins efficace, et entraîne des zones de transition non réalistes ; les ouvrages qu’on ne peut représenter en 2D sont alors modélisés de manière implicite par une loi hydraulique. Artelia et le LNHE travaille sur le couplage 1D-2D sur Telemac.

Le couplage avec un module d’hydraulique urbaine, possible sur Mike et Infoworks, permet le déversement de l’eau quand le réseau est saturé, et à l’inverse l’avalement des écoulements dans le réseau ; c’est très utile pour l’étude du risque inondation en milieu urbain. Telemac est instable en cas d’irrégularité topographique fine et brutale (par exemple, en milieu urbain, ou sur des bassins à parois verticales). De même, une lame d’eau très faible sur tout un maillage est difficile à gérer. Sur Mike, on applique la pluie, qui vient se disposer par ruissellement sur le MNT.

Les critères de choix des logiciels pour des usages opérationnels sont donc le confort d’utilisation, fortement lié à l’ergonomie de l’interface et le couplage des différents modules et la rapidité d’exécution, qui nécessite d’utiliser les outils adaptés à la complexité du cas d’étude.

Il semble donc que la chaîne Telemac-Mascaret ait des réelles faiblesses du point de vue des usages opérationnels. Sa gratuiteté ne compense pas les coûts de formation nécessaires pour pouvoir manipuler des outils aussi complexes.

c) Et du point de vue de la recherche...

Il existe des querelles scientifiques autour des modèles à développer pour l’avenir. Certains modélisateurs pensent que l’avenir est au 3D, au vu de l’augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs, ces logiciels ayant à émettre moins d’hypothèses discutables de simplication de la réalité ; d’autres continuent à développer des outils basés sur des équations aux champs de validité plus restreints. Plus globalement, deux logiques s’affrontent : celle de vouloir limiter l’effort de conceptualisation en amont de la modélisation, et de se reposer sur la puissance de calcul du logiciel, et celle de valoriser l’expertise de l’hydraulicien qui émet des hypothèses de simplification en fonction du contexte étudié.

Des débats existent aussi sur les méthodes de discrétisation et les maillages à utiliser.

Par ailleurs, une piste d’avenir pour la recherche sont les outils SPH (Smoothed-particle hydrodynamics) qui, basés sur une méthode Lagrangienne de calcul des équations de Navier-Stokes, ont pour principe d’assimiler le fluide à un grand nombre de particules en interaction. Ces codes, comme le logiciel Spartacus développé par le LNHE, demandent une très grande puissance de calcul, mais permettent de modéliser des écoulements complexes, rapides et turbulents.

3 Autres facteurs de choix des outils : modalités de diffusion et habitudes individuelles

Globalement, que ce soit dans la recherche ou dans un bureau d’études, l’historique d’utilisation d’un logiciel a un poids important sur son utilisation actuelle, en raison de l’investissement qui est nécessaire pour changer de logiciel.

Un des arguments qui peut faire changer de logiciel un service opérationnel est son prix ; le passage en libre de Telemac a ainsi poussé un certain nombre d’utilisateurs, sinon à l’adopter, tout du moins à le tester. Néanmoins, l’assurance d’avoir une assistance réactive ainsi qu’une maintenance

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

pérenne est également un facteur important de choix. Un logiciel libre peut permettre de fédérer une communauté d’utilisateurs et surtout de développeurs, néanmoins les grandes entreprises privées peuvent se permettre de faire payer leurs logiciels car ils ont beaucoup de ressources pour le développement et l’assistance.

Au niveau des services de l’État, même si cela peut évoluer doucement, la barrière de la langue est parfois encore rébarbative, sans être rédhibitoire. Or le site et le forum de Telemac sont en anglais ; c’est le cas également des manuels de HEC-RAS ou Mike.

Au sein des bureaux d’études enfin, l’objectif est de pouvoir répondre à un maximum d’appels d’offres, or les commanditaires cherchent aujourd’hui à imposer l’utilisation d’un outil dans les cahiers des charges, afin de pouvoir réutiliser une ancienne étude ou construire un modèle cohérent à une échelle plus globale ; ils peuvent ainsi imposer un format de fichier ou même un logiciel s’ils s’engagent à en fournir une licence au prestataire. Les bureaux d’études cherchent donc à disposer de plusieurs outils différents.

La fragilité des ressources de développement de certains outils posent également question quant aux stratégies d’acquisition des logiciels. Doit-on utiliser le maximum d’outils possibles, afin de réduire sa dépendance vis-à-vis d’un outil particulier et parer à la disparition de ceux dont le développement cesserait ? Doit-on au contraire fédérer les ressources de développement sur un seul outil, afin de le pérenniser ? Doit-on utiliser un outil privé, et donc être dépendant d’une entreprise extérieure, qui présente l’avantage de disposer de ressources de développement ? Ces questions seront reprises dans la partie 3. Intéressons-nous tout d’abord aux attentes émergeant des tutelles du Cetmef, avant d’analyser d’autres stratégies existantes.

B) Attentes de l’administration centrale

1 Dans le domaine de la navigation

Le bureau du transport fluvial, au sein de la direction des services de transport de la DGITM, est en charge de l’élaboration de la réglementation relative au transport fluvial, dans les domaines suivants :

– Sécurité du transport fluvial : le bureau élabore les règles de la police de la navigation, les normes de construction des bateaux et les règles de conduite.

– Régulation économique du marché du transport fluvial : le bureau définit les règles définissant les obligations des différentes parties – transporteurs, chargeurs, courtiers.

– Systèmes d’information fluviaux : un règlement impose des dispositions techniques pour l’identification et la visualisation des bateaux.

En particulier, le règlement général de police de la navigation intérieure, adopté en 197330, a été abrogé en 201331 dans le cadre de la modification récente du code des transports. Cela rendra caduque dès octobre 2014 les règlements particuliers de police qui s’appliquent localement (voir chapitre I). Des études techniques sont nécessaires dès aujourd’hui afin de réécrire ces réglements, pour le compte de VNF ou des services déconcentrés de l’État. Il est donc important de conserver des compétences en trajectographie au sein d’une organisation comme le Cetmef, capable de fournir une expertise indépendante et reconnue, notamment auprès des préfets signataires des réglements, dans le domaine régalien de la sécurité de la navigation.

30 Décret n° 73-912 du 21 septembre 1973 portant Règlement Général de Police de la navigation intérieure

31 Décret n°2013-253 du 25 mars 2013

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III.Les besoins exprimés des utilisateurs et de l’administration centrale

Les compétences du Cetmef sont également utiles à l’administration pour apporter une expertise lors de contentieux opposant l’État ou VNF à une collectivité territoriale. C’est le cas par exemple sur des affaissements de berges qui ont été attribués à la navigation fluviale, donc à VNF, par la commune riveraine. Des études hydrauliques peuvent permettre d’étudier le réel impact qu’a la navigation sur les berges.

2 Dans le domaine des risques naturels

Enfin, dans le domaine des risques naturels, la DGPR est la commanditaire d’études de la part du Cetmef et des CETE. Du point de vue de la DGPR, le Cetmef a deux compétences précieuses : son expertise technique reconnue et sa compétence en pédagogie et en animation. Il a ainsi trois missions : la construction de méthodologie, la conduite d’expertise – notamment dans le cadre de contentieux opposant l’État aux collectivités territoriales – et l’accompagnement des services à la mise en oeuvre des méthodologies, par exemple par l’animation du club littoral, qui réunit les services de l’État à l’échelle des façades maritimes. Dans le domaine des risques d’inondation, la DGPR a plusieurs interlocuteurs au sein du RST : l'Irstea, le BRGM, le Cetmef et le PCI «Inondations et aléas côtiers».

La maintien des compétences en hydraulique fluviale, maritime et littorale est donc nécessaire du point de vue de l’administration centrale, afin d’apporter une expertise scientifique et technique reconnue et indépendante face aux établissements publics et collectivités territoriales, et de constituer une tête de réseau pour l’ensemble des CETE.

Quelle forme prend ces missions chez les homologues du Cetmef ? Nous nous pencherons sur le cas du Certu, qui en plus d’avoir un statut identique au Cetmef et un avenir au sein du Cerema, travaille sur un domaine proche, l’hydraulique urbaine. Ensuite, nous étudierons le cas de deux homologues européens du Cetmef, travaillant sur les mêmes thématiques.

C) Autres politiques de développement et de diffusion

1 Le CERTU et l’hydraulique urbaine

Un autre service technique central dispose de compétences en modélisation hydraulique, mais dans le domaine de la gestion de l’eau en milieu urbain. Le Certu, future direction Territoires et ville du Cerema, a ainsi développé avec le CETE de l’Est (Rémi WAGNER) deux logiciels, Hydrouti pour l’hydrologie urbaine et Papyrus pour l’hydraulique urbaine. Le logiciel Papyrus était utilisé par plusieurs CETE pour le dimensionnement de nouveaux ouvrages et le diagnostic d’ouvrages existants d’hydraulique urbaine – réseaux de collecte des eaux pluviales et des eaux usées, déversoirs d’orage ou bassin de retenue des eaux pluviales. Aujourd’hui, cette compétence est revenue aux collectivités locales, communes et intercommunalités. Le logiciel n’est plus développé depuis environ trois ans. Néanmoins, il est toujours diffusé, de manière payante, et Rémi WAGNER se charge encore de l’assistance et de la formation des utilisateurs et des nouveaux acheteurs. Aujourd’hui, 180 licences de Papyrus et environ 600 de Hydrouti ont été vendues.

Un nouveau PCI, «Cité Eau», a d’ailleurs été créé le 27 février 2013 à l’initiative du CETE de l’Est et du CETE Ile-de-France, dans le domaine de la gestion urbaine de l’eau ; il est sous tutelle de la direction de l’eau et de la biodiversité (DEB).

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

2 Un homogue étranger : le cas du BAW en Allemagne

Le ministère fédéral allemand du transport, de la construction et de la ville s’est doté de deux grands services techniques, l’institut fédéral pour les ouvrages hydrauliques, BAW (Bundesanstalt für Wasserbau) et l’institut fédéral d’hydrologie, BfG (Bundesanstalt für Gewässerkunde)32. Le BAW vient en appui au ministère et à l’administration fédérale de l’eau et de la navigation (Wasser- und Schifffahrtsverwaltung des Bundes, WSV), qui gère la façade maritime allemande et 7.350 km de voies navigables, principalement l’Elbe, le Rhin et le Danube.

Le BAW est divisé en quatre départements – génie civil, géotechnique, ingénierie hydraulique côtière, basé à Hambourg, et ingénierie hydraulique fluviale, à Karlsruhe.

a) Des missions orientées vers les voies navigables

Le département d’hydraulique fluviale répond aux sollicitations de la WSV sur des questions d’exploitation des biefs, de maintenance des écluses, d’impact de nouveaux ouvrages sur la sécurité de la navigation ou encore de gestion de l’érosion. Un des thèmes actuellement étudié est le retour d’expérience sur l’accident du TMS Waldhof du 12 janvier 2011, qui avait causé la fermeture du Rhin à la navigation pendant deux mois. Une autre étude concerne la construction de nombreuses écluses en un temps restreint, sur la rivière Neckar.

Le BAW ne traite pas de la gestion des risques d’inondation, qui n’est pas du ressort du ministère fédéral, mais des Länder. Le BAW répond parfois aux sollicitations des Länder, sur des questions de digues par exemple, mais dans le cadre d’un contrat rémunéré.

Par ailleurs, le BAW ne réalise aucune étude socio-économique des ouvrages de navigation. La décision de construire est prise en amont ; le BAW se positionne uniquement sur la manière dont les ouvrages doivent être construits. Ce n’est donc pas le BAW qui mène des études de trafic ou de simulation d’exploitation des voies navigables. Ces études sont éventuellement réalisées à l’intérieur du ministère, de la WSV ou d’un autre service technique.

Le BAW répond donc à des questions d’ingénierie innovantes et complexes, auxquelles un bureau d’études privé ne pourrait pas répondre. Le BAW est également sollicité parfois pour donner son avis sur des études réalisées par des bureaux d’études. Enfin, le BAW offre parfois son expertise sur des projets d’envergure internationale, comme le canal de Panama ou le barrage des Trois Gorges.

Outre ses activités d’ingénierie, le BAW a augmenté ces dernières années sa contribution à la recherche appliquée. Il a développé des liens étroits avec plusieurs universités et accueille une dizaine de doctorants. Son conseil scientifique est composé de représentants des différentes disciplines couvertes par le BAW, ainsi que des administrations de tutelle de l’organisme ; ils orientent les activités du BAW.

Enfin, le BAW est également investit dans la production méthodologique. D’une part, des méthodes de modélisation numérique sont construites et diffusées en interne. D’autre part, le BAW contribue à des groupes de travail de l’association DWA (Deutsche Vereinigung für Wasserwirtschaft, Abwasser und Abfall), qui réunit les entreprises et universités dans le domaine de l’eau, des sols et des déchets. Cette association publie régulièrement des guides techniques de référence sur ces sujets.

32 http://www.baw.de/de/die_baw/index.html

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III.Les besoins exprimés des utilisateurs et de l’administration centrale

b) Outils de modélisation hydraulique

Le département de l’ingénierie hydraulique fluviale utilise les outils de modélisation hydraulique à surface libre Telemac et Untrim33, qui résout les équations de Reynolds en utilisant la méthode de calcul aux différences ou volumes finis avec un maillage orthogonal irrégulier. Le code peut être couplé à un module morphodynamique et un module spectral de houle. Il a été développé par le professeur Casulli, de l’université de Trento en Italie. Une convention de partenariat a été établie avec le BAW qui, en échange de l’utilisation gratuite du logiciel, s’est engagé à le développer. Le BAW a ainsi créé des modules permettant notamment d’inclure des conditions aux limites, de manière à rendre l’outil opérationnel pour ses propres besoins. Pr Casulli a passé des conventions avec quelques autres institutions dans le monde, mais globalement son logiciel est encore peu connu. Le département utilise également de nombreux logiciels de modélisation 1D, en particulier HEC-6T, ainsi que des modèles de fonctionnement d’écluse, de simulation du comportement d’un bateau, ou encore des logiciels de mécanique des fluides (OpenFOAM34, STAR-CCM+).

Un des critères de choix d’un logiciel est le fait de pouvoir entrer dans le code afin de l’adapter aux problèmes particuliers traités par le BAW.

L’avantage du code Telemac est son ancienneté, qui fait qu’il a été testé sur de nombreux cas, la plupart des problèmes ayant déjà été détectés et résolus. Il n’y a plus à valider ses résultats avec d’autres logiciels. C’est un argument important, car dans le cadre de certains projets politiquement sensibles, le BAW peut être amené à valider ses simulations avec des modèles internationalement reconnus, comme Delft 3D. Plus globalement, le BAW valide souvent les résultats de ses simulations numériques sur des modèles physiques.

Le département utilise des modèles 1D pour des simulations à long terme (environ 200 ans) menées sur de longs linéaires (environ 200km ou plus), portant sur l’érosion des rivières. Les logiciels 3D sont davantage utilisés dans le département d’ingénierie hydraulique côtière, pour la modélisation des estuaires notamment.

c) Ressources

Aujourd’hui, le département d’ingénierie hydraulique fluviale compte environ 80 personnes, dont plus de la moitié utilisent des outils de modélisation numérique. Le nombre de développeurs est plus restreint, moins d’une dizaine. Ce nombre est stable depuis une dizaine d’années, mais on observe une transition dans les utilisateurs du 1D vers le 2D et le 3D.

Le BAW n’a pas vocation à diffuser les logiciels. Par ailleurs, en tant qu’agence fédérale, il dépend uniquement des ressources de l’État allemand.

Ainsi, le service technique central allemand chargé des voies navigables et du domaine maritime concentre un nombre beaucoup plus important de ressources, dédiées au thème plus restreint des ouvrages hydrauliques. Il est intéressant de voir que dans deux pays soumis aux mêmes réglementations européennes relatives à l’ingénierie publique, les stratégies de développement de compétences publiques ne sont pas les mêmes. Non seulement la place donnée à l’ingénierie privée est beaucoup plus faible, mais les compétences publiques sont concentrées à une échelle nationale, dans un pays pourtant fédéral.

33 http://www.baw.de/methoden/index.php5/UNTRIM34 Logiciel libre développé par OpenCFD Ltd, de ESI group et distribué par la Fondation OpenFOAM. Le développement, la maintenance et la diffusion du logiciel est financé par la vente de contrats d’assistance payants.

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Partie 2 : Enjeux de la modélisation hydraulique et positionnement du Cetmef

3 Le papillon hollandais

L’établissement WL Delft Hydraulics, fondé en 1927, tenait un rôle central dans le secteur de l’hydraulique. Il avait pour mission de réaliser un pont entre la recherche fondamentale et l’opérationnel, en convertissant les modèles de la recherche en outils utilisables par les bureaux d’études. Il coopérait ainsi à la fois avec les universités, en animant un réseau dédié à l’hydraulique fluviale et un à l’hydraulique maritime, et avec les société d’ingénierie. Ce fonctionnement à l’interface entre recherche et ingénierie a été jugé idéal en 2006 par le rapport de suivi de la convention EDF – Cetmef rédigé par le CGAAER et le CGPC (Loudière et Pierron, 2006).

Depuis, l’établissement s’est encore élargi, en fusionnant en janvier 2008 avec GeoDelft, l’institut équivalent dans le domaine du sol, une partie de TNO, dans le domaine des eaux souterraines, ainsi que deux départements de recherche publique dans le domaine maritime et fluvial, pour créer Deltares, qui garde les mêmes missions et statut que Delft Hydraulics. En janvier 2011, le modèle phare de Deltares, Delft3D, devient libre. Il est téléchargeable gratuitement, tandis que des contrats d’assistance sont vendus. Nous n’avons pas pu aller plus loin, faute de temps, dans l’analyse des stratégies de l’institut.

Certains homologues du Cetmef semblent ainsi avoir adopté une posture similaire, à l’interface entre études, expertise et recherche, à la différence que les organismes étrangers semblent disposer, historiquement, de ressources plus importantes. En France, la nationalisation des entreprises d’électricité au lendemain de la seconde guerre mondiale, qui a entraîné la création de l’entreprise publique EDF, était un cas unique en Europe. Alors que le thème moteur de la modélisation hydraulique était la sécurité et l’efficience de la production électrique, il était en Allemagne la navigation, et aux Pays-Bas la prévention des risques naturels dans les deltas35.

Conclusion partielle de la partie 2

Le Cetmef est aujourd’hui confronté à des besoins importants d’expertise en hydraulique, aussi bien dans les domaines dans lesquels des compétences toujours plus importantes sont transférées aux collectivités territoriales et aux établissements publics – aménagement du territoire, construction d’ouvrages ; que dans les domaines qui restent de la compétence de l’État – sécurité de la navigation, risques naturels. Pour l’ensemble de ces thématiques, n’ayant pas les ressources internes suffisantes, le Cetmef joue le rôle de tête de réseau auprès des CETE, qui réalisent un grand nombre d’études d’ingénierie et de recherche.

Par ailleurs, le Cetmef contribue au développement et diffuse aux services de l’État les outils de la chaîne Telemac-Mascaret, en partenariat avec EDF et ses partenaires européens. Ces outils qui sont aujourd’hui libres, semblent une opportunité pour les services de l’État, dont les ressources budgétaires sont diminuées d’année en année. Néanmoins, ces outils sont développés par des chercheurs, et nécessitent pour leur utilisation des compétences solides en hydraulique, mais également en programmation. Or ces compétences, dans le contexte français de forte dispersion des missions relatives à l’hydraulique, semblent difficiles à acquérir. D’autant plus que l’utilisation de modèles de plus en plus complexes peut créer un fossé avec les décideurs publics qui utilisent à terme leurs résultats. Le rôle du Cetmef, à l’interface entre recherche et ingénierie, semble alors à la fois plus nécessaire et plus difficile à tenir pour éviter cet effet «boîte noire».

35 http://www.deltares.nl/en/about-deltares

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Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef

Partie 3Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de: Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmefproduction des outils du Cetmef

Les deux domaines d’activités étudiés soulèvent des problématiques différentes. La simulation d’exploitation appelle au maintien d’un outil encore assez confidentiel et anecdotique en termes d’usages actuels et potentiels, mais dont l’importance est reconnue par les gestionnaires des ports et des voies navigables, et par leurs tutelles. Le bilan des ressources aujourd’hui consacrées à ce logiciel impose une redéfinition des stratégies de développement et de diffusion. Or cela nécessite d’opérer des choix pour chacune des étapes du processus – développement, diffusion, utilisation – qui sont inextricablement liées (Figure 4). De l’autre côté, la modélisation hydraulique est un domaine foisonnant d’outils, d’usages et d’acteurs concernés. Le Cetmef y tient une place particulière, à l’interface entre recherche et opérationnel, et semble ainsi condamné à concilier des postures tout à fait différentes, parmi une diversité d’acteurs de part et d’autre.

Ces deux thématiques révèlent la complexité des facteurs à prendre en compte pour définir des stratégies de développement et de diffusion d’outils d’aide à la décision publique. Cette définition nécessite avant tout de définir des objectifs auxquels doivent répondre les mesures de développement des outils.

Le Cetmef s’est fixé des objectifs lors de l’établissement de sa vision stratégique pour 2020, intitulée CAP 2020, néanmoins, un seul concerne le développement des outils :

« Catalyser la recherche et l’innovation au bénéfice du maritime et du fluvial : Développer un véritable continuum recherche, méthodologie, outils et applications au profit de la communauté maritime, côtière, portuaire et fluviale. » (Cetmef, 2010)

Cet objectif a ensuite été précisé dans le contrat de progrès 2012-2013 :

« Organiser et valoriser la Recherche & le Développement à travers la production de guides, notices, logiciels et innovations à destination des opérateurs publics et privés » (Cetmef, 2011)

On identifie ainsi une cible : « la communauté maritime, côtière, portuaire et fluviale », et une activité, la production d’outils et de méthodologies, mais cela ne nous éclaire pas sur les objectifs stratégiques du Cetmef et la cohérence entre ses différentes missions. Avant d’envisager différentes stratégies possibles de développement, un retour préalable s’impose donc, d’une part sur l’évolution historique des missions du Cetmef et de ses liens avec ses partenaires et sur ses perspectives d’évolution avec la création du Cerema ; d’autre part, sur les attentes actuelles exprimées par ses partenaires.

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Figure 4: Schéma des étapes de la production d'un logiciel d’aide à la décision et choix possibles

DéveloppementDéveloppement DiffusionDiffusion UtilisationUtilisation

- en interne- en partenariat- externalisé

- en interne- au sein du Cerema- par les décideurs- par des bureaux d’études

- État- établissements publics- collectivités locales

DécisionDécision

statut du logicielformationassistance

maintenance

ContratContrat

conventions appels d’offres

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Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef

I.I. Evolution des missions du CetmefEvolution des missions du Cetmef : des statuts qui : des statuts qui changent... et des relations qui subsistentchangent... et des relations qui subsistent

A) Historique des missions du Cetmef et relations avec ses commanditaires

1 Historique du Cetmef

Le Cetmef a été créé en 1998 de la fusion de deux services techniques, le service technique central des ports maritimes et des voies navigables (STCPMVN) et le service technique de la navigation maritime et des transmissions de l’équipement (STNMTE). Ses missions actuelles de production d’outils de modélisation numérique proviennent du STCPMVN, tandis que ses outils de mesure de la houle et de simulation des manœuvres de navires sont issus du STNMTE.

Le STCPMVN est créé à l’initiative du service de navigation Belgique Paris Est par l’arrêté du 20 mars 1969. Il est alors chargé, comme le Cetmef aujourd’hui, de la production de documents techniques, de la réalisation d’études générales et de la formulation d’avis sur des problèmes techniques. Il est, de plus, chargé de réaliser des projets pour le compte des services maritimes et de la navigation. Les liens entre le STCPMVN et le service local de navigation sont alors très forts : ils sont installés dans les mêmes locaux à Compiègne, partagent les mêmes ressources de documentation et le service de navigation réalise des travaux destinés à tester les résultats d’études du STCPMVN. Ce dernier devient autonome à la disparition du service de navigation, en 1978. Il est organisé en deux entités – une division des voies navigables et une division des ports maritimes – s’appuyant sur une unité fonctionnelle qui deviendra par la suite le service de développement des outils informatiques.

Progressivement, le STCPMVN établit des relations avec le monde de la recherche et les bureaux d’études privés. En raison de sa taille restreinte, le service se positionne ainsi en interface entre la recherche et les services opérationnels d’exploitation des ports et des voies navigables (Cetmef, 2008).

Le STNMTE, lui, est constitué en 1990 en reprenant les missions du service technique des phares et balises, créé par un arrêté du 25 avril 1945 : signalisation maritime et fluviale, gestion des réseaux radio, océanographie et modélisation des mouvements de navires. Il dispose de deux sites à Bonneuil-sur-Marne et à Brest.

2 Financement et relation avec les bénéficiaires

a) L’établissement public VNF

i. Historique

VNF a été créé en 1991 sous un statut d’établissement public industriel et commercial (EPIC) dans le but de pouvoir mobiliser des fonds pour investir dans la modernisation du réseau, qui avait connu un sous-investissement important jusque-là. Ses principales ressources sont ainsi la taxe hydraulique, les payages et les recettes domaniales. Les services de navigation de l’État étaient dans un premier temps mis à disposition de VNF. En tant que services déconcentrés de l’État, ils faisaient alors très facilement appel au Cetmef. En tant que service technique central dans le domaine de l’eau, le Cetmef apparaissait comme une référence dans un grand nombre de domaines – hydraulique, mécanique, électrotechnique, génie civil ou géotechnique. Disposant d’une capacité de réponse supérieure à aujourd’hui, il prenait en charge la formation des agents de VNF et diffusait la doctrine en matière d’ouvrages de navigation.

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I.Evolution des missions du Cetmef : des statuts qui changent... et des relations qui subsistent

La réforme de l’ingénierie publique dans le milieu des années 2000 marque un tournant dans les missions des services de navigation. La maîtrise d’œuvre des ouvrages est alors externalisée auprès d’entreprises multi-spécialistes et les moyens humains sont progressivement réduits. Ainsi, alors que les services de navigation de la Seine disposaient de 1500 agents il y a quinze ans, ils en ont 1000 aujourd’hui.

Ces dernières années ont eu lieu un changement de répartition des missions entre l’État et VNF. Ainsi, VNF se sépare de la police de l’eau en janvier 2010, et de la police de la navigation en janvier 2012. Le 1er janvier 2013, les services de navigation sont intégrés à VNF dans le cadre de la loi 2012-77 du 24 janvier 2012. VNF prend alors le statut d’établissement public administratif (EPA), ce qui lui permet de maintenir les agents en position normale d’activité, tout en gardant la pleine gestion de ses moyens humains et financiers. Ces services ont conservé leurs missions au quotidien, mais ils doivent aujourd’hui monter des appels d’offres pour bénéficier des prestations des services de l’État comme le Cetmef, ou élaborer des conventions de partenariat.

La structuration territoriale de VNF ; exemple du bassin de la Seine.

VNF est divisé en sept directions territoriales. La direction territoriale du bassin de la Seine est elle-même découpée géographiquement en quatre arrondissements : Boucles de la Seine, Picardie, Champagne, et Seine Amont, qui comportent chacun plusieurs subdivisions. Elle est composée de trois services fonctionnels : le service technique de la voie d’eau (STV), qui prend en charge le développement de la voie d’eau et la modernisation des ouvrages, le service gestion de la voie d’eau qui gère l’exploitation des ouvrages, et le service du développement et des affaires domaniales, qui gère la relation aux ports et le domaine public fluvial.

Chaque arrondissement dispose d’une agence de développement, sorte de bureau d’études techniques qui gère des projets de moindre envergure que le STV, comme le remplacement de porte d’écluse.

ii. Relation actuelle

Une convention de partenariat a été signée en janvier 2012 pour une durée de trois ans. Le Cetmef s’engage ainsi à assurer la disponibilité de 10,5 équivalents temps plein pour mener à bien un programme comprenant 47 actions selon un ordre de priorité défini, qui sont de cinq types :

– production méthodologique,– contrôle technique,– expertise technique,– animation, capitalisation et diffusion de la connaissance – réunions de clubs, groupes de

travail, journées scientifiques et techniques, etc.,– recherche, développement et innovation.

Ces actions sont financées indirectement par VNF, à hauteur d’un montant annuel de 400 000 euros au titre du programme Infrastructures et Services de Transport, action 11, dédié à VNF.

La procédure de décision pour l’inscription d’une action dans le programme, est la suivante. Un chef de service, au sein d’une des directions territoriales de VNF, contacte dans un premier temps de manière informelle les chefs de département du Cetmef. Si ceux-ci pensent être disponibles, VNF lance une demande d’action au comité de pilotage, composés de représentants de VNF, du Cetmef et de la DGITM, qui se réunit tous les deux mois. Celui-ci a pour rôle d’examiner et de prioriser les projets en fonction des moyens disponibles et des intérêts des deux parties. Chaque mission confiée au Cetmef fait l’objet d’une fiche de suivi.

Le Cetmef participe également à des jurys de concours de maîtrise d’œuvre, par exemple dans le cadre d’un projet pour équiper des barrages de dispositifs de sécurité.

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Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef

b) Les ports maritimes

Afin de renforcer la compétitivité des ports français dans le trafic portuaire européen, marqué par une augmentation rapide des tonnages transportés et le développement de la conteneurisation, le gouvernement français s’est lancé dans une série de réformes relatives à la gouvernance des ports. À la suite de la loi du 13 août 2004, les anciens ports d’intérêt national, dont l’exploitation était déléguée aux chambres de commerce et d’industrie, ont ainsi été transférés aux régions, départements ou regroupements de collectivités territoriales au 1er janvier 2007. À titre d’exemple, le port de Sète a été transféré à la région Languedoc-Roussillon ; ceux de Brest, Lorient et Saint-Malo à la région Bretagne. L’État a donc gardé sous sa tutelle uniquement les ports autonomes, devenus grands ports maritimes en 20.. – Marseille, Bordeaux, Nantes Saint-Nazaire, La Rochelle, Le Havre et Dunkerque – et les ports d’outre-mer.

Depuis la décentralisation, le Cetmef n’effectue plus d’études pour le compte des ports d'intérêt national, qui sont tout de même intégrés aux réseaux animés par le centre. Il a par contre conservé des relations étroites avec certains grands ports maritimes, tissées à l’occasion de mutations de personnel essentiellement. Il a ainsi établi avec le port du Havre, le port de Nantes et le port de la Guadeloupe des conventions de partenariat, ouvrant droit à des prestations sur des dossiers complexes et innovants ainsi qu’à une production méthodologique. Ces conventions ont été signées avec un nombre restreint de ports, du fait des moyens humains limités du Cetmef.

La convention avec le port du Havre prévoit, pour un forfait annuel de 100 000 euros et pendant trois ans, un ensemble de prestations, comme les études de simulation de trafic sur l’écluse François 1er, les études de courantologie et d’agitation réalisée pour l’accès fluvial à Port 2000, et les études de trajectographie dans le cadre du projet Emerhod d’aménagement des berges du Grand canal.

Le partenariat avec le port de Nantes Saint-Nazaire repose sur une convention tripartite avec le CETE de l’Ouest, prévoyant un montant de 60 000 euros pour les deux centres, correspondant à 75 jours de chargés d’études. Les activités sont réalisées dans le cadre du pôle de compétence et d’innovation (PCI) « Infrastructures portuaires et maritimes, ouvrages de protection du littoral » (IPMOPL36) piloté par le Cetmef. Ce PCI réalise entre autres une production méthodologique pour le compte de la DGITM et de la DGPR.

L’établissement public du port de Guadeloupe, nommé « Guadeloupe Port Caraïbes », a été institué par le décret n°2012-1103 du 1er octobre 2012. Il est demandeur d’expertise, sur des sujets qui intéressent beaucoup le Cetmef, comme les séismes et la simulation des rejets de dragage. La convention a été établie pour un montant de 20 000 euros et inclut notamment une étude de simulation portuaire prévue pour 2013.

3 Les services de l’État et l’administration central e

Comme indiqué dans la partie 2, le Cetmef répond à des sollicitations des services de l’État et de l’administration centrale, que ce soit dans le domaine de la navigation, avec la DGITM, ou de plus en plus, dans le domaine de la prévention des risques naturels et de l’aménagement du territoire, avec la DEB et la DGPR.

Le Cetmef est un service à compétence nationale, placé directement sous le ministre chargé des transports. Il est néanmoins financé par les programmes des différentes directions générales du MEDDE (Tableau)

36 http://www.cete-ouest.developpement-durable.gouv.fr/presentation-du-pci-ipl-opl-r478.html

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I.Evolution des missions du Cetmef : des statuts qui changent... et des relations qui subsistent

Tableau 1: programmes finançant le Cetmef

N° Tutelle Nom du programme Crédits AE37 (€) 2012

113 DEB Paysages, eau et biodiversité 25 000

181 DGPR Prévention des risques 143 740

190 DRI Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables

60 000

203 DGITM Infrastructures et services de transport 9 874 596

205 DAM Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture 4 767 723

217 SG Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer

12 033 729

Les logiciels de simulation d’exploitation et de modélisation hydraulique sont financés exclusivement sur le programme 203, comme des opérations ponctuelles négociées chaque année avec la DGITM. Ce programme contient également le budget de fonctionnement du Cetmef. Les logiciels d’hydraulique pourraient logiquement être financés sur le programme 181, car ils sont aujourd’hui très largement utilisés pour la prévention des risques d’inondation, ou sur le programme 113 pour la gestion du trait de côte, mais ce n’est pas le cas.

La négociation des activités réalisées par le Cetmef pour le compte des services de l’État a donc lieu au cours des dialogues de gestion auprès de chaque direction générale.

B) Perspectives d’évolution avec le Cerema Le projet de création du Cerema a été lancé dans le but de conforter les compétences techniques

et scientifiques nécessaires au soutien des politiques du MEDDE, en renforçant les synergies des différents services techniques, en leur permettant de mener une gestion prévisionnelle des emplois, effectifs, compétences et carrières et y en associant les collectivités territoriales (Cetmef, 2012). Défini par la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013, le Cerema sera mis en place le 1er janvier 2014 ; le processus de préfiguration, mené par Bernard Larrouturou, n’est pas encore terminé.

1 Peu d’évolution des missions dans un premier temps

Dans un premier temps tout du moins, l’organisation du Cerema suivra au plus près la structure actuelle des onze services fusionnés. Le centre sera ainsi composé de trois directions techniques : « Territoires et ville » correspondant au Certu, « Eau, mer et fleuves » pour le Cetmef et « Infrastructures de transport et matériaux » pour le Sétra. Les CETE deviendront des directions territoriales, selon leur répartition géographique actuelle.

Les missions respectives des directions techniques et territoriales sont encore en cours de définition précise. Il faut dire qu’une première version du projet de préfiguration du Cerema donnait aux directions techniques un rôle d’animation, de pilotage et de production méthodologique sur leurs différents champs d’activités. Cela revenait à transférer une partie des missions actuelles des services techniques centraux aux directions territoriales, à savoir les activités de recherche, d’ingénierie innovante et d’expertise. Dans un document suivant, ces missions ont été réparties de manière plus homogène entre directions techniques et directions territoriales. Est-ce un simple recul devant l'opposition des agents,

37 Autorisation d'engagement

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Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef

annonçant une différenciation progressive des missions à l’avenir ? La répartition des rôles peut sembler en effet un moyen d’allouer aux mieux les ressources, et d’accentuer la coordination et les échanges d’expérience entre les différents praticiens de la modélisation, ou de toute autre étude technique. Néanmoins, les défenseurs du statu quo estiment que les missions d’animation, d’accompagnement et de production méthodologique ne peuvent être menées à bien que par des personnes ayant un savoir-faire technique, qui ne peut être acquis que par la réalisation régulière d’activités d’ingénierie, d’expertise ou de recherche.

En ce qui concerne les champs d’activités, la direction technique « Eau, mer et fleuves » conservera l’ensemble des domaines actuels relatifs à la modélisation hydraulique : connaissance des aléas naturels, gestion du trait de côte, sécurité de la navigation, auxquels s’ajouteront la qualité de l’eau. Néanmoins, la conception des ouvrages maritimes et fluviaux et l’analyse économique des projets sont transférées au Sétra, tandis que l’exploitation des ouvrages reste de la compétence du Cetmef. Est-ce à dire que les outils de simulation d’exploitation vont être transférés au Sétra, et par conséquent aux CETE qui collaborent avec le Sétra sur les études de capacité du réseau routier ? Les outils Sinavi et Sipor, permettant de mettre en balance l’investissement dans un nouvel ouvrage et une modification des règles d’exploitation, semblent s’ancrer précisément à l’interface entre les deux directions techniques.

2 Une collaboration renforcée entre les directions d u Cerema

C’est précisément ces interfaces entre directions techniques qui pourront être développées dans le cadre d’un établissement commun. Celles qui ont été identifiées dans les documents de préfiguration offrent déjà quelques perspectives d’évolution pour les outils du Cetmef. Ainsi, l’interface entre ville et eau peut laisser envisager un couplage entre les modèles hydrauliques à surface libre du Cetmef et les outils d’hydraulique urbaine du Certu, en l’occurrence Papyrus. Ces couplages, déjà intégrés dans les suites Mike et Infoworks, et utilisés par les bureaux d’études permettent en effet d’étudier le risque inondation en milieu urbain, comme les phénomènes de débordement des réseaux d’eau. Dans le domaine des transports, les outils de prévision de trafic de marchandises devraient sans doute être mutualisés, afin d’étudier la répartition modale entre les transports routiers, fluviaux et ferroviaires. Quant aux logiciels Sinavi et Sipor, les conditions de leur développement en partenariat sont étudiées dans le chapitre III.

Par ailleurs, la création du Cerema peut être l’occasion de redéfinir les relations entre CETE et services techniques centraux, en particulier les modalités de transfert d’outils. Encore que l’intérêt de définir des rôles figés puissent être remis en cause. Actuellement, alors que le Sétra est pour certains outils dans la production méthodologique, pour d’autres dans le développement, tandis que les CETE les utilisent, le Certu a entièrement délégué les activités de développement et de diffusion au CETE de l’Est, et le Cetmef partage des activités de développement, de recherche et de formation avec le CETE Méditerranée notamment.

Enfin, la nouvelle organisation pourra être l’occasion de repenser les activités de communication, avec la création d’une « Direction de la communication et de la diffusion des connaissances » unifiée pour le Cerema.

3 Une place plus importante des collectivités territ oriales

Selon la loi portant création du Cerema, le conseil d’administration de l’établissement associera, outre des représentants de l’État et du personnel, des représentants de collectivités territoriales et des personnes qualifiées extérieures. Celui-ci étudiera les propositions de trois comités d’orientation, l’un régional, l’autre thématique et le dernier, scientifique et technique.

Le Cerema a ainsi pour vocation de répondre aux besoins d’expertise technique et scientifique des

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I.Evolution des missions du Cetmef : des statuts qui changent... et des relations qui subsistent

collectivités territoriales. Cela représente de nombreux utilisateurs potentiels des outils étudiés ici. La simulation d’exploitation pourra en effet être utilisée par les ports décentralisés ; des études de modélisation hydraulique pourront être réalisées pour le compte de syndicats de rivière ou d’établissements publics de bassin. Mais dans les faits, les ressources actuelles du réseau scientifique et technique ne lui permettent déjà pas de répondre à l’ensemble des demandes des services de l’État. Le Cerema peut-il se donner les moyens de répondre à celles des collectivités ?

Les implications de cette nouvelle forme de gouvernance apportée par le Cerema ne sont pas claires aujourd’hui. La réforme de l’ingénierie publique, telle que définie par la circulaire du 22 juillet 2008 (MEEDDAT et MAP, 2008) a ainsi identifié douze champs d’actions reliés au Grenelle de l’environnement, dans lesquels l’ingénierie publique doit se renforcer tout en sortant du champ concurrentiel. La connaissance et la prévention des risques naturels, l’évaluation environnementale, sociale et économique des projets, la recherche d’énergies alternatives et le développement de modes de transport plus respectueux de l’environnement en font partie. Les collectivités territoriales peuvent par ailleurs bénéficier d’une dérogation « in house » au droit communautaire de la concurrence, si elles remplissent deux critères définis par la cour de justice des communautés européennes ; la collectivité doit « exerce[r] sur son cocontractant un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services » et ce cocontractant « réalise l'essentiel de son activité » avec la ou les collectivités qui le détiennent. La place du RST – et a fortiori du Cerema – dans ce dispositif n’a pas été tranchée (Daudigny, 2010). Par ailleurs, la loi de création du Cerema stipule que l’essentiel des missions de l’établissement seront menées pour le compte de l’État.

4 Un nouveau mode de gestion des ressources humaines et financières

Les prestations du Cerema pour le compte de l’État seront programmées annuellement dans le cadre d'un contrat d'objectifs pluri-annuel et soumises à l’approbation du conseil d’administration. Des discussions sont aujourd’hui engagées avec chaque direction générale pour élaborer des conventions pluriannuelles définissant les principales orientations des activités du Cerema. L’établissement pourra, en plus de la subvention du MEDDE, recevoir des financements de la part des collectivités territoriales, et réaliser des opérations commerciales rémunérées.

Le Cetmef recrutait jusqu'à aujourd'hui des fonctionnaires des corps techniques et administratifs du MEDDE ou d'autres ministères par voie de détachement, des doctorants de l'ENTPE ainsi que des chargés de recherche par voie de concours. Les modalités de recrutement du personnel pourraient être facilitées, et autoriser le recrutement temporaire de personnels extérieurs au ministère pour réaliser des missions spécifiques de courte durée.

La création du Cerema apporte ainsi des opportunités au développement et à la diffusion des outils : nouveaux débouchés auprès des collectivités territoriales, nouvelles perspectives de partenariats interdisciplinaires et possibilité de chercher de nouvelles ressources humaines et financières. Néanmoins, toutes les précautions ont été prises pour que le changement institutionnel soit mineur, dans un premier temps. Il aura ainsi des effets modérés, s’il n’est aussi l’occasion de faire le point sur le positionnement du Cetmef vis-à-vis de ses partenaires.

II.II. Attentes actuelles des partenairesAttentes actuelles des partenairesLe Cetmef s'est doté en 2010 d'une vision stratégique à moyen terme. Mais ses actions visent

particulièrement à répondre aux besoins de ses commanditaires, négociés dans le cadre de conventions pluriannuelles ou de dialogues de gestion annuels. En tant que service public, il est attendu que le Cetmef œuvre en effet au service des usagers dans ses domaines de compétences. Néanmoins, cette logique de

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Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef

guichet induit un manque de visibilité à long terme, qui peut être déstabilisant pour les agents. Passons en revue les attentes de chaque type de partenaires, et tentons d’en évaluer la cohérence, ainsi que les implications pour les stratégies de développement et de diffusion des outils.

A) Besoin des commanditaires et positionnement face au privé Les établissements publics VNF et grands ports maritimes étaient jusqu’à il y a quelques années

les principaux commanditaires du Cetmef. Une des attentes du Cetmef vis-à-vis du Cerema est la possibilité de trouver de nouvelles ressources financières, importantes en effet pour maintenir une taille suffisante au service lui permettant de conserver et renforcer ses compétences et son expertise scientifique et technique. Mais quelles sont les raisons qui poussent aujourd’hui ces commanditaires à s’adresser au Cetmef ?

1 Un besoin d’expertise reconnue sur des sujets sens ibles

Les études pour lesquelles l’expertise du Cetmef est mobilisée sont souvent sensibles politiquement. Les projets d’ouvrages hydrauliques, par exemple, sont controversés ; les études de modélisation ont donc pour but non seulement de guider la décision du maître d’ouvrage, mais également de communiquer auprès du public et de convaincre les opposants par l’apport d’éléments objectifs. Elles sont pour cela indispensables, mais ne règlent pas tout : la fiabilité des études est en effet remise en cause par les opposants, qui s’appuient sur les incertitudes relatives à toute modélisation, et toute donnée quantifiée en général.

Ainsi, si la construction de nouveaux ouvrages de navigation peut mobiliser les organisations de navigants ou les différents opérateurs, les thématiques de prévention des inondations ou de gestion des milieux concernent un public plus large encore de riverains, ayant des niveaux d'information différents. Les associations et les collectivités locales sont d’ailleurs de plus en plus compétentes sur ces sujets. Ainsi, des questions soulevées pendant les procédures d'enquête publique peuvent nécessiter de réaliser de nouvelles études. Par ailleurs, des experts sont parfois mandatés par la Commission particulière du débat public pour contrôler la qualité de ces nouvelles études ou des études antérieures.

À titre d’exemple, dans le cadre de la mise en grand gabarit de la petite Seine, des études d’impact ont été réalisées par un bureau d’études, pour vérifier que le projet n’aggravait pas le risque inondation. Pendant l'enquête publique, les opposants ont exigé une expertise sur ces études ; trois experts internationaux ont donc été mandatés pour examiner à la fois le projet de mise à grand gabarit, mais également celui, voisin, de La Bassée, porté par l’EPTB Seine Grands Lacs pour la réduction de l’aléa inondation. Les résultats des deux modèles développés pour ces projets convergeaient, ce qui a donné du crédit aux études.

La qualité reconnue des études est donc un facteur important de leur prise en compte dans la décision. Une piste de solution est d'associer les personnes concernées par le projet à la phase de modélisation, pour recueillir leur expertise mais également pour qu'ils s'approprient les méthodes employées. Par exemple, l'expérience des navigants ou des pilotes est utilisée dans les études de trajectographie pour paramétrer les modèles et vérifier leurs résultats.

2 Des prestations aujourd’hui gratuites, mais des dé lais trop longs

L’expertise reconnue du Cetmef dans le domaine fluvial et maritime donne ainsi une valeur ajoutée aux études. Néanmoins, les entreprises privées ont également acquis des compétences et une visibilité dans ces domaines. Par ailleurs, un défaut unanimement souligné concerne les délais proposés

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II.Attentes actuelles des partenaires

par le Cetmef – des délais trop longs, et quelques fois non respectés. Le manque de visibilité à moyen terme des disponibilités du Cetmef est également problématique. Récemment, le Cetmef s’est retiré d’une mission de contrôle technique auprès de la direction du bassin de la Seine, car elle avait été retardée de quelques mois, faisant ainsi défaut au service de VNF.

D’autres évolutions sont plus structurelles. La diminution des missions et des moyens humains des services de navigation de VNF a ainsi entraîné une perte de compétences à la direction territoriale du Bassin de la Seine sur les thématiques spécifiques de la voie d'eau, qui est renforcée par un turn-over important parmi les agents. Les besoins vis-à-vis du Cetmef ont donc naturellement diminué, au profit d’entreprises privées multi-spécialistes.

Par ailleurs, certains commanditaires reprochent au Cetmef de suivre une logique de recherche, dans le domaine de la modélisation hydraulique tout du moins, qui est inadaptée aux besoins opérationnels. Cette logique se traduit, outre des délais plus longs, par une demande importante de données très précises et le maintien d’un grand nombre de nuances et de réserves dans la présentation des résultats. Ceux-ci ne peuvent alors pas guider efficacement la décision.

Ces inconvénients sont compensés en partie par le mode de rémunération des prestations du Cetmef, dont le prix fixé dans les différentes conventions pluriannuelles est forfaitaire. De plus, faire appel à un service de l’État évite de lancer une procédure d’appel d’offres qui induit des procédures internes de consultation et de notification durant en moyenne six mois. Le travail du Cetmef est ainsi particulièrement apprécié pour des études visant à alimenter une réflexion sur le long terme ou à dégrossir un problème et préciser un besoin d'études.

Le passage à une convention payante, depuis quelques années, a conduit à un meilleur cadrage du plan de charge et un meilleur suivi des études. Néanmoins, les prestations continuent à s’étaler parfois hors des délais, du fait du manque de ressources disponibles au Cetmef, mais également du fait des commanditaires qui se permettent de modifier régulièrement leur commande au fur et à mesure de l’étude. Aller aujourd’hui plus loin encore qu’une convention payante, en donnant un prix, même faible, à chaque prestation du Cetmef, pourrait éventuellement faciliter le déroulement de l’étude. Ainsi, le bénéficiaire pourrait imposer plus facilement un délai, mais serait également incité à bien préciser son besoin et sa demande dès le début.

Cela pourrait-il également permettre de sortir de la logique de conventions, qui favorise certaines structures plutôt que d’autres ? Le Cetmef, dont l’ancêtre a été créé il y a plus de quarante ans par un service de navigation régional, continue à n’offrir ses prestations d’ingénierie qu’à un nombre restreint d’acteurs : VNF plutôt que la CNR, mais surtout certains grands ports maritimes plutôt que d’autres. Le choix de ces acteurs est souvent historique. Justifier ces choix permettrait d’améliorer la visibilité à long terme pour les agents et pour les autres ports, qui ne savent pas aujourd’hui quelles prestations sont possibles de la part du Cetmef.

B) Besoins des tutelles L’administration centrale identifie trois missions principales du Cetmef :

– Production méthodologique– Expertise reconnue et objective face aux collectivités territoriales et établissements publics– Animation de réseau et accompagnement des services de l’État

Il y a un besoin d’expertise technique et scientifique indépendante de la part de l’administration centrale, afin d’arbitrer des contentieux ou donner son avis sur la pertinence d’un ouvrage.

L’indépendance de cette expertise nécessite de repenser les liens qui unissent le Cetmef aux

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Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef

maîtres d’ouvrage, afin qu’il ne soit pas juge et partie des projets. À titre d’exemple, le Cetmef a toujours été amené à donner son avis technique sur les projets d’investissements des ports et des voies navigables – auparavant de manière systématique – alors qu’il réalisait par ailleurs les études concernant certaines parties de ces aménagements, en particulier dans le domaine fluvial.

Cependant, le maintien et le renforcement de cette expertise pointue, dans les domaines des risques naturels, de la sécurité et de la durabilité de la navigation et de l’optimisation des ouvrages, passe par la réalisation régulière d’activités de recherche appliquée ou d’ingénierie innovante, hors des compétences des bureaux d’études privés et pour le compte des gestionnaires d’infrastructures.

Enfin, les missions de production méthodologique et d’accompagnement des maîtres d’ouvrage nécessitent des talents pédagogiques, mais aussi une véritable compréhension des besoins opérationnels des maîtres d’ouvrage, qui sont éloignés des préoccupations de la recherche ou de l’ingénierie de pointe.

Ces différentes missions semblent donc soulever quelques contradictions pratiques. Par ailleurs, le Cetmef a-t-il vocation à réaliser des missions d’expertise pour le compte de l’État uniquement, alors qu’il vient précisément d’acquérir une certaine autonomie en devenant un établissement public ?

C) Besoins des CETE Les CETE n’étant pas impliqués à l’heure actuelle dans les études de simulation d’exploitation,

leurs revendications ne s’appliquent qu’au domaine de la modélisation hydraulique. Elles sont les suivantes :

– orienter les développements vers les besoins opérationnels ; les CETE ayant un fonctionnement de bureau d’études public, la contrainte des délais nécessite des outils relativement simples d’utilisation.

– construire un réseau entre les CETE au sujet de l’hydraulique ; les compétences en hydraulique étant inégalement réparties entre les différents centres, il faudrait renforcer les réseaux d’échanges d’expérience

– avoir une doctrine claire d’utilisation des outils ; le choix d’un outil n’est pas anodin, au vu du temps nécessaire pour se former et de la difficulté à changer d’outil lorsqu’un modèle existe déjà sur le territoire d’étude.

Les différentes attentes des partenaires du Cetmef semblent porter en elles quelques contradictions, liées aux postures différentes qu’impliquent des activités d’expertise, d’ingénierie, de recherche, de production méthodologique et d’animation de réseau. Quelles sont les implications sur les stratégies possibles d’évolution des outils ?

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III.Éléments de réflexion pour de nouvelles stratégies

III.III. ÉÉléments de réflexion pour de nouvelles stratégiesléments de réflexion pour de nouvelles stratégiesLe développement et la diffusion des logiciels étudiés se doivent de reposer sur les qualités

indéniables du Cetmef : la capacité à produire des outils innovants, et à animer des réseaux aussi bien de recherche que dans le monde opérationnel.

A) Ancrer la simulation d’exploitation dans un ensemble plus large

1 Ressources de développement et perspectives de dif fusion

a) Maintien d'un outil public pour une expertise pub lique

Si rien n'est fait pour maintenir en interne des ressources humaines suffisantes, l'évolution la plus probable semble être l'abandon des outils Sinavi et Sipor. Or, la simulation d’exploitation répond à la volonté de l’État de contrôler la pertinence des projets d’investissement de ses établissements publics. Il a besoin de cette compétence au sein du réseau scientifique et technique. En cas d'abandon de Sinavi et Sipor, cette expertise devra s’appuyer sur des outils privés ; c’est la stratégie adoptée par le STAC, après avoir remarqué les insuffisances de son outil interne (voir partie 1). Mais à l’heure actuelle, la comparaison de Sinavi et Sipor avec les autres outils existants dans le privé ne fait pas état d’avantages indéniables de la part des outils du privé ; elle donne par contre quelques pistes d’amélioration pour les outils publics : prise en compte des stratégies d’optimisation de l’éclusier, ergonomie de l’interface. Par ailleurs, l'acquisition d'outils privés prive de la possibilité d'entrer soi-même dans le code de programmation, pour en vérifier la pertinence, et pour l'ajuster aux problématiques spécifiques du Cetmef ; or, la force de ces outils est bien d’être adaptés à chaque étude aux besoins des bénéficiaires. L'acquisition d'outils privés induit donc une dépendance à une société de développement extérieure, ainsi que des coûts d'acquisition et de maintenance.

Si la décision est de conserver l’outil du Cetmef, les conditions de son maintien sont à étudier. Il nécessite de nouvelles ressources humaines, d’urgence – au vu du départ à la retraite du développeur en 2014. Celles-ci peuvent provenir du recrutement d'une nouvelle recrue, de la commande de prestations à des sociétés extérieures, de l’établissement de partenariat de développement, ou encore de l'utilisation d'outils libres de simulation38. La logique de partenariat, si elle peut être coûteuse à mettre en place dans un premier temps, promet un enrichissement par l'ouverture à de nouvelles perspectives et la multiplication des ressources de développement ; c'est donc elle que je retiendrai ici. Plusieurs pistes peuvent être envisagées.

b) Un partenariat vertical

La première s’inspire de la stratégie de développement de l’outil Canoë d’Artelia, qui correspond à une logique de partenariat vertical avec un laboratoire de recherche appliquée et une série de clients publics. Ce partenariat permet le financement pérenne du logiciel qui est vendu, et son adaptation continue aux besoins des maîtres d'ouvrage. Cette stratégie est-elle adaptée au cas de Sinavi et Sipor ? La direction territoriale de VNF Nord-Pas de Calais veut aujourd'hui acquérir le logiciel ; le port du Havre le pourrait sans doute également. Mais pour la plupart des autres ports, les besoins en étude de simulation sont trop peu fréquents.

38 Des outils libres de simulation existent en effet : OMNET++, SimPy Simulation Package, SimTool, le logiciel multi-agent Fungus Agent Simulator . Ils n'ont pas été testés au cours de cette étude.

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Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef

Le logiciel doit-il être gratuit ou payant ? Vu le faible nombre d'utilisateurs potentiels, une licence éventuelle ne couvrirait pas les frais de développement ; la diffusion pourrait éventuellement être intégrée dans une convention de partenariat, qui excluerait de fait les ports n'ayant pas contracté de convention avec le Cetmef. Par ailleurs, le prix peut être un frein à l'adoption du logiciel. L'investissement humain correspondant à une première formation au logiciel est déjà conséquent, au regard du peu d'utilisations qui peuvent être envisagées. Mais dans un second temps, une fois le logiciel approprié, les besoins d'études peuvent augmenter ; on peut alors envisager de faire payer les services de maintenance et d'assistance à plus long terme, ce qui favoriserait l'autonomie des utilisateurs en plus de ne pas pénaliser le plan de charge du Cetmef.

Pour les ports et directions territoriales de VNF n'ayant pas les ressources nécessaires pour utiliser en interne le logiciel, si les ressources du Cetmef ne sont pas maintenues à l’avenir de manière à répondre aux besoins des commanditaires, il faut envisager de diffuser l’outil vers d’autres prestataires. La perspective du Cerema peut alors favoriser la diffusion de l’outil aux CETE, déjà compétents en matière de transport routier. L’outil pourrait également être diffusé plus largement vers les bureaux d’études privés.

Notons tout de même que toute diffusion n'impliquant pas des partenaires de développement nécessitera des besoins d’assistance et de formation sans doute insoutenables. Un partenariat pourrait donc être envisagé avec les universités, ou les bureaux d'études disposant de compétences en développement, comme Artelia.

Là se pose une première question stratégique. En effet, la question de la saturation des ouvrages du Rhône (voir partie 1) est emblématique du souci de positionnement du Cetmef, et des implications que cela a sur les stratégies de diffusion des outils. La CNR aimerait bénéficier des études du Cetmef pour démontrer que les écluses du Rhône sont loin d’être saturées ; l’État également, pour démontrer que les écluses doivent être doublées avant la fin de la concession du Rhône à la CNR. Le Cetmef doit-il diffuser l'outil Sinavi à la CNR, qui aurait les moyens de l'utiliser, voire éventuellement de le développer ? L’outil peut arbitrer le problème du doublement des écluses en objectivant le débat. Mais celui se déplacera sur les données d’entrée du modèle, à savoir l’évolution du trafic dans les prochaines années.

2 Élargissement du champ d’application des outils

a) Développer un outil plus large d'aide à la décisi on dans le domaine maritime et fluvial

Le problème du doublement des écluses du Rhône illustre l’importance d’élargir le champ de développement des outils de simulation, afin qu’il devienne un véritable outil d’aide à la décision multi-critères et autonome. Cet élargissement peut se faire dans plusieurs directions.

La première piste est l’ancrage de l’outil dans une chaîne de prévision des trafics. En effet, l’avis du Cetmef dépend toujours des données de trafic qu’on lui fournit, qu’elles proviennent d’études antérieures réalisées par des bureaux d’études privés, ou d’estimations réalisées par le commanditaire. Cette piste trouve toute sa pertinence dans le contexte du Cerema, puisque le Sétra a justement développé des outils de prévision des transports de marchandises (voir partie 1). Une méthodologie pourrait ainsi être élaborée et validée par l’État. Une première étape pourrait être de réaliser l’état de l’art des outils existants, et d’envisager une adaptation des outils du Sétra aux problématiques fluviales et maritimes. Ce rapprochement serait d’ailleurs un premier pas vers la diffusion éventuelle de l’outil au sein du Cerema.

La deuxième piste est l’ancrage de l’outil au sein d’une véritable analyse socio-économique des projets. L’étude de capacité d’un ouvrage est en effet utilisée pour évaluer la pertinence d’un projet, au

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III.Éléments de réflexion pour de nouvelles stratégies

sein d’autres critères importants, comme l’évaluation des impacts sociaux et environnementaux. Le grand port maritime de Dunkerque réfléchit ainsi à une méthodologie d’analyse à l’échelle du port. Le Cetmef pourrait se positionner sur ces champs, en profitant de l’expérience des autres directions techniques du Cerema.

b) Un partenariat horizontal dans le domaine des tra nsports

Enfin, le Cetmef pourrait se rapprocher des autres services oeuvrant dans le domaine des transports, afin d’intégrer la simulation d’exploitation dans une vision de transport multi-modal. Cette dynamique a d’ailleurs déjà été amorcée, par la participation de Michel Maria, chef de la division transport durable, aux Journées transport et déplacements du RST en juin 2013. Il serait intéressant de suivre les travaux du PCI «Méthodes, outils et démarches pour la modélisation et l'organisation des déplacements» piloté par le CETE Normandie-Centre et le Sétra. S'il n'est pas sûr que les autres services et centres d'études techniques aient les compétences de programmation nécessaires pour développer les codes de calcul Sinavi et Sipor, des questions communes émergent, comme celle des prévisions de trafic de marchandises.

Ainsi, la perspective du Cerema ouvre de nouvelles pistes d’évolution des outils de simulation d’exploitation. Il faut sans tarder intégrer ces outils au sein d’un ensemble plus vaste, que ce soit verticalement, par l’implication plus importante des gestionnaires d’infrastructures et des laboratoires de recherche dans le développement de l’outil, ou horizontalement, par son ancrage dans la problématique plus vaste de gestion des transports de marchandises, voire de la mobilité au sens large.

B) Créer des ponts dans le domaine de la modélisation hydraulique

1 Un outil fort ou une diversité d’outils ?

La modélisation hydraulique est un domaine caractérisé par des compétences nombreuses et dispersées parmi les établissements de recherche et les bureaux d’études, et un grand nombre d’outils concurrents. Les besoins des services publics sont très importants, dans les domaines de la prévention des risques naturels, de la production énergétique ou de la sécurité de la navigation. Néanmoins, les personnes compétentes au sein des services de l’État restent peu nombreuses. Face à ces ressources limitées, deux stratégies opposées sont possibles : d’un côté, diversifier les logiciels utilisés, afin de réduire sa dépendance à l’un d’entre eux ; de l’autre, fédérer une communauté de développeurs et d’utilisateurs autour d’un nombre très faible d’outils, afin de mutualiser les forces.

a) Amélioration des outils de la chaîne Telemac-Masc aret

Multiplier les outils et les partenariats de développement entraînerait un manque de lisibilité auprès des services opérationnels. A l’inverse, préconiser un outil unique revient à s’engager sur son maintien dans le temps et sur son confort d’utilisation. Or, quel est le bilan de la chaîne Telemac-Mascaret ? Son principal atout est d’être libre, donc de pouvoir être adapté aux besoins des différents utilisateurs et aux cas d’études innovants. Néanmoins, les principaux développements sont aujourd’hui réalisés au LNHE, c’est-à-dire dans une logique de recherche, d’une part, et pour satisfaire les besoins de production d’énergie d’EDF, d'autre part. Quelques nuances peuvent être apportées néanmoins :

• D’une part, les centres d’intérêts d’EDF rejoignent largement ceux des acteurs publics, dans le domaine des risques naturels par exemple ; c’est moins vrai sur d’autres thématiques, comme l’érosion du trait de côte ou l’impact d’ouvrages de franchissement de la voie d’eau, qui restent

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Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef

spécifiques aux acteurs publics.

• D’autre part, les autres membres du consortium Telemac peuvent orienter les développements sur d’autres thématiques , comme la sédimentologie ou la qualité de l’eau. On peut regretter que l’institut Deltares, fortement positionné sur la gestion des zones de delta, ne fasse pas partie du consortium.

Le Cetmef devrait s’assurer que les développements suivent bien les besoins des services de l’État, d’une part en les intégrant dans les thématiques de recherche propres aux équipes du Cetmef, et d’autre part par une traduction des logiciels pour les besoins de l’opérationnel, qui passe essentiellement par le développement d’interfaces et de logiciels de pré- et post-traitement qui en facilitent l’utilisation.

En ce qui concerne Mascaret, les avis des services de l’État sont encore plus mitigés. Or les outils 1D sont encore souvent utilisés pour déterminer l’impact d’ouvrages de franchissement. Il y a un réel travail à faire, si l’on veut favoriser un outil unique, pour concurrencer HEC-RAS, notamment sur :– le lien privilégié avec un outil SIG, en continuité avec le travail du CETE Méditerranée,– l’intégration d’ouvrages par une description géométrique plutôt qu’hydraulique,– la stabilité du logiciel.

Ces améliorations devront d’ailleurs faire l’objet de communications et de formations ; c’est déjà le cas auprès des membres du club « Modélisation hydraulique », mais cela devrait également être fait par un envoi de mails, de plaquettes, etc. auprès d’un public plus large.

b) Ouverture aux autres outils de modélisation hydra ulique

Par ailleurs, le mythe de l’outil unique se heurte à plusieurs contraintes. D’une part, le RST et l’ensemble du monde de la recherche est soumis à des guerres de chapelles qui incite chacun à conserver ses outils et éventuellement ses compétences. Par ailleurs, la diffusion des outils au sein des services de l’État – services de prévision des crues, CETE – entraînera des coûts de formation qu’il faut mettre en regard aux avantages offerts par le nouvel outil et l’homogénéisation des pratiques. Enfin, cette diffusion sera encore plus difficile à l’extérieur, auprès des bureaux d’études privés, qui représentent pourtant une grande partie des ressources d’études en appui aux décideurs publics. La chaîne Telemac est déjà largement utilisée par Artelia, mais peu dans les autres bureaux d’études, surtout dans le domaine fluvial.

Un des moyens de la diffuser plus largement est d’imposer son usage dans les cahiers des charges des appels d’offres. L’article 6 du code des marchés publics énonce cependant :

« Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d'un mode ou procédé de fabrication particulier ou d'une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu'une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits. »

Malgré cela, certaines collectivités territoriales ont réussi à imposer l’utilisation de logiciels dans leurs appels d’offres, de deux manières : en imposant un certain format aux données de sortie des modèles, et en fournissant la licence du logiciel au prestataire.

Toutefois, si ces contraintes peuvent être levées, est-on sûr que la communauté de modélisateurs en sera récompensée ? En effet, la compétition entre plusieurs codes, comme l’a souligné le créateur de Telemac, favorise l’émulation et l’amélioration constante des codes. Des idées différentes peuvent émerger dans des contextes différents, dans des structures qui répondent à d’autres préoccupations. Certaines différences fondamentales des outils (méthode de résolution numérique notamment) peuvent par ailleurs offrir des avantages propres.

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III.Éléments de réflexion pour de nouvelles stratégies

Au-delà de l’amélioration d’un outil commun, une piste d’action peut être l’ouverture à d’autres outils. Afin de pouvoir conseiller les maîtres d’ouvrages, et contrôler les études, il ne faut pas que les outils restent des boîtes noires ; les outils commerciaux le sont toujours. Néanmoins, des intercomparaisons, des études, permettent de mieux comprendre l’outil et ses champs d’application. Au BAW, l’outil Delft 3D est ainsi utilisé en plus de Telemac, dans une logique de comparaison et de validation.

2 Une diversité d’activités et de compétences

Ces pistes d’actions imposent de conserver plusieurs activités au sein du Cetmef :

– des activités de recherche appliquée, pour maintenir ses agents à la pointe de l’innovation et ainsi assurer son rôle d’expert auprès de l’État, faire profiter les services de l’État de l’avancée des sciences et des techniques et enfin favoriser les échanges entre instituts de recherche, par l'animation du GIS HED2

(Groupement d’Intérêt Scientifique Hydraulique pour l’Environnement et le Développement Durable).

– des activités spécifiques de développement pour répondre aux besoins de l’opérationnel. Cela nécessite de mettre en place une procédure de recueil et de priorisation des besoins exprimés, de la part du SCHAPI, des CETE et des bureaux d’études.

– des activités de veille et d’intercomparaison concernant les autres outils existants, afin de s’inspirer de leurs avancées et de pouvoir conseiller de la manière la plus objective les maîtres d’ouvrage.

Ces activités sont déjà toutes effectuées au Cetmef ; néanmoins, la répartition des agents sur chacune d’elles n’est pas toujours claire ; et elle semble être le fruit de convictions personnelles plutôt que d’une réelle décision collective.

Par ailleurs, il faut être conscient des incompatibilités qui peuvent exister entre ces différentes missions ; être expert peut éloigner des préoccupations des profanes, qui n’ont ni le même niveau de compétences ni les mêmes échéances de réalisation des études. Il est ainsi important d’inclure dans les réseaux d’information et d’échanges les services qui ne maîtrisent pas la modélisation, voire qui n’en voient pas l’intérêt premier. Chaque partie peut s’enrichir de ce genre d’échanges, qui font remonter des besoins d’études ou de formation.

Enfin, la maîtrise d’un outil technique performant peut faire oublier qu’il n’est pas toujours indispensable. Dans le domaine des risques naturels et de l’aménagement du territoire, une première étape consiste ainsi à synthétiser la connaissance du milieu étudié, et à recueillir les données issues de mesures et d’observations – données historiques, photos aériennes. Ces études permettent, en amont d’une modélisation, d’identifier le problème et les enjeux à étudier, et de rassembler les données d’entrée du modèle. Elles permettent également aux maîtres d’ouvrage de s’approprier les problématiques de leur territoire ; en complément des vidéos souvent produites en sortie des logiciels 2D, elles peuvent ainsi transformer aux yeux des élus et des résidents cet outil obscur qu’est l’outil informatique en un support d’échange et de sensibilisation.

C) Recommandation générales

1 Mieux communiquer sur les activités du Cetmef

De manière plus générale, il est important que le Cetmef communique de manière plus active sur ses activités, ses savoir-faire et les prestations qu'il est capable de proposer ; auprès du RST, mais aussi de ses commanditaires actuels et potentiels. Un bulletin d'information régulier pourrait être adressé à une

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Partie 3 : Vers une redéfinition des stratégies de production des outils du Cetmef

liste de messagerie définie. Un outil intéressant de ce point de vue est également le Wikhydro, un outil collaboratif lancé par la DRI en 2010, afin de favoriser les échanges d’expérience entre les membres du RST et les acteurs de l’eau en général. Un bulletin d’information pourrait tenir informé le réseau des nouvelles contributions. De même, le Cetmef devrait être plus présent au sein des écoles et des universités afin de favoriser de nouveaux recrutements dans ses champs de compétences.

Un autre point important est de clarifier les prestations qui sont offertes par le Cetmef et les règles de priorité qui sont données aux différentes études et activités de développement, que ce soit aux yeux des bénéficiaires ou en interne, auprès des agents.

2 Se doter d'objectifs collectifs

Il pourrait être bénéfique que la future direction « Eau, mer et fleuves » clarifie ses objectifs pour chacune de ses activités de développement et de diffusion, afin de vérifier la cohérence entre ses différentes missions, d’assigner à chaque activité les ressources adéquates et d’évaluer périodiquement l’efficacité de ses stratégies.

Aujourd'hui, le Cetmef dispose du document stratégique « Cap 2020 », donnant les grandes orientations stratégiques du centre à moyen terme ; d'un contrat de progrès présentant les différents projets structurants et leurs indicateurs de suivi, et enfin d'un plan d'actions triennal listant les actions couvertes par ces projets. Il est difficile néanmoins d'extraire de ces trois documents les actions qui concernent la production, la diffusion et l'utilisation des outils de modélisation et de simulation d'exploitation ; celles-ci concernent par exemple les quatre orientations stratégiques du Cetmef.

Cela pourrait faire l’objet d’un travail collectif, avec l'ensemble des agents concernés de la future direction technique, pour insuffler une nouvelle dynamique après la période actuelle qui a été marquée par de fortes incertitudes et craintes pour l'avenir. Un nouveau document pourrait ainsi être élaboré, pour un horizon de temps similaire aux autres documents stratégiques globaux, qui présenterait :

• une méthode de recueil et de priorisation des attentes futures de chaque partenaire : celles de l'administration centrale, des services déconcentrés de l'Etat et des établissements publics, recueillies dans le cadre du renouvellement des conventions ; celles des directions territoriales et éventuellement des collectivités territoriales,

• le positionnement du Cetmef vis-à-vis de ces partenaires,

• les objectifs du Cetmef, en fonction des attentes recueillies et du positionnement choisi, dans les trois activités : développement, diffusion et utilisation (voir figure 4).

• le bilan des ressources affectées à ces activités, y compris les partenariats de développement et de diffusion, en précisant bien le rôle de chacune des directions scientifique et de l'ingénierie sur ces questions,

• la déclinaison des objectifs en actions précises,

• des indicateurs permettant de suivre la réalisation des actions et évaluer la réponse aux attentes des partenaires.

Un schéma du processus d'élaboration est présenté en annexe 6.

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Conclusion

ConclusionConclusionLe Cetmef, issu d’une longue histoire dédiée aux services de navigation et aux ports maritimes,

est aujourd’hui positionné sur plusieurs domaines du développement durable : prévention des risques naturels, promotion du transport fluvial, développement des énergies renouvelables. Réservoir de compétences techniques et scientifiques, il occupe, avec les autres services techniques centraux, une place tout à fait particulière au sein du réseau scientifique et technique du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. Comme l’a dit l’ancien directeur du Cetmef, Geoffroy CAUDE, dans le document célébrant les 10 ans de l’établissement, « de par sa taille modeste sur un champ de compétences extrêmement vaste, [le Cetmef] se doit avant tout d’être comme une passerelle entre le monde scientifique et le monde de l’ingénierie ». Le Cetmef a ainsi adopté un fonctionnement en réseau, en créant des liens avec différents établissements de recherche, mais aussi avec les centres d’études techniques de l’équipement (CETE) et les autres services de l’État – services de prévision des crues, directions interrégionales de la mer.

Le Cetmef est aujourd’hui confronté à un changement institutionnel important, qui voit les huit CETE et les trois services techniques centraux que sont le Cetmef, le Sétra et le Certu, fusionner au sein du centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). C’est l’occasion pour le Cetmef d’évaluer ses stratégies d’action, en particulier dans un domaine qui lui reste réservé, à savoir la production de référentiels méthodologiques et d’outils techniques d’aide à la décision. L’étude de deux familles d’outils, la simulation d’exploitation des ports maritimes et des voies navigables, et la modélisation hydraulique, dessine deux domaines d’activités aux problématiques très différentes.

La simulation d’exploitation appelle ainsi au maintien d’un outil encore assez confidentiel et anecdotique en termes d’usages actuels et potentiels, mais dont l’importance est reconnue par les gestionnaires des ports et des voies navigables, et par leurs tutelles. Le bilan des ressources aujourd’hui consacrées à ce logiciel impose une redéfinition des stratégies de développement et de diffusion. Or cela nécessite d’opérer des choix pour chacune des étapes du processus – développement, diffusion, utilisation – qui sont inextricablement liées. De l’autre côté, la modélisation hydraulique est un domaine foisonnant d’outils, d’usages et d’acteurs concernés. Le Cetmef y tient une place particulière, à l’interface entre recherche et opérationnel, et semble ainsi condamné à concilier des postures tout à fait différentes, parmi une diversité d’acteurs de part et d’autre.

Ces deux thématiques soulèvent néanmoins des problématiques communes, comme la fragilité des ressources sur lesquelles reposent de nombreux outils techniques et la difficulté à gérer à long terme les compétences nécessaires à leur maintien. Une voie prometteuse pour l'avenir semble être l'établissement de partenariats, que ce soit de manière verticale avec le monde de la recherche et les gestionnaires publics, ou de manière horizontale, avec les homologues du Cetmef – services techniques centraux bientôt réunis au sein du Cerema, ou homologues européens. En effet, de nombreuses thématiques sont transversales – prévention des inondations en milieu rural et urbain, gestion des transports – et internationales, du fait de la réglementation européenne, de la mondialisation des transports en particulier maritimes et de l'existence de cours d'eau transfrontaliers.

Les deux thématiques étudiées soulignent également la complexité des processus de développement et de diffusion des outils, qui nécessitent de s’interroger sur la posture à adopter face aux différents commanditaires et vis-à-vis des acteurs privés. Ainsi, le besoin d'expertise provient à la fois de la part des gestionnaires publics, mais également de la part de l'État. Le cas singulier des concessionnaires privés d'infrastructures publiques pose également question : à quelles conditions un outil peut-il trancher

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Conclusion

entre des intérêts contradictoires ? Peut-on utiliser un même outil pour une expertise et une contre-expertise ?

Au final, l’amélioration des stratégies de développement et de diffusion des outils techniques du Cetmef semble passer par la mise en place de partenariats et de procédures permettant de recueillir et d’intégrer les besoins des utilisateurs et des bénéficiaires des études aux développements. Elle nécessite également d’élargir toujours plus la réflexion sur l’évolution des outils au contexte thématique et institutionnel de leur utilisation. Cela permet de ne pas oublier la place qu’a la modélisation au sein des procédures de décision, et les réels déterminants de la qualité d’une modélisation, vis-à-vis de sa capacité à représenter la réalité et de son influence sur la décision finale.

L’avenir des outils informatiques du Cetmef, qui est une question a priori très pointue, soulève en réalité des questions très larges sur des champs divers – sur les justifications de la répartition actuelle de l’ingénierie sur les champs publics et privés, sur l’impact de la modélisation sur un processus de décision, et plus globalement sur la place des savoirs scientifiques et techniques au sein de l’action publique. Par ailleurs, un séjour de quatre mois au sein d’un organisme public en pleine restructuration apporte de nombreux enseignements sur la place des relations humaines au sein d’une structure hiérarchique et d’une procédure de gestion des compétences.

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Références

RéférencesRéférencesBARTHELEMY François, MARTIN Xavier, NICOLAZO Jean-Loïc (2004), La réglementation en matière de sécurité des barrages et des digues, Conseil général des mines, Inspection générale de l’environnement, Ministère de l’écologie et du développement durable, 89pages.

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CHARLES Elodie, Déborah IDIER, Pascale DELECLUSE, Michel DEQUE, Gonéri LE COZANNET (2012), Impact du changement climatique sur les vagues et les flux sédimentaires le long du littoral aquitain, XIIèmes Journées Nationales Génie Côtier – Génie Civil Cherbourg, 12-14 juin 2012

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LOUDIERE Daniel, PIERRON Paul (2003), Rapport sur l'évolution des rapports entre le ministère de l'équipement et Electricité de France dans les champs de la recherche hydraulique, Rapport n° 2003-0251-01 du CGPC et n°766 du CGAAER, 97 pages.

MEDDE, 2012. Protocole d’accord sur le Cerema. Protocole d’accord signé le 30 janvier 2012 entre la ministre de l’écologie et les organisations syndicales CGT, CFDT, UNSA et FSU, 7 pages

MEEDDAT, MAP (2008). Circulaire du 22 juillet 2008 relative à l’évolution des activités d'ingénierie et modalités de retrait du champ concurrentiel, 8 pages.

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Références

Liste des annexesAnnexe 1 : Liste des personnes rencontrées..................................................................................90Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor...................................................................92Annexe 3 : Liste des outils de modélisation hydraulique rencontrés au cours de la mission........98Annexe 4 : Carte des services de prévision des crues (actualisée pour décembre 2012)..............99Annexe 5 : Carte des modèles hydrauliques des services de prévision des crues.......................100Annexe 6 : Schéma d'élaboration du document de cadrage concernant le développement et la diffusion des outils du Cetmef.....................................................................................................101

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Annexe 1 : Liste des personnes rencontrées

Annexe 1 : Liste des personnes rencontréesAnnexe 1 : Liste des personnes rencontréesNom Organisme ou service Type Thématique

Cetmef

Direction Scientifique

LABORIE VanessyaYATES-MICHELIN Marissa

Laboratoire Saint-Venant Recherche Hydraulique

ORCEL Olivier Département Simulation Informatique Modélisation

Développeur Exploitation

POURPLANCHE Alain Département Simulation Informatique Modélisation

Développeur Hydraulique – Exploitation

Direction de l'ingénierie

CHAMBREUIL Alain Département Multimodalité Utilisateur Exploitation

ETIENNE Dominique Département Multimodalité Cadre Exploitation

MICHARD Bertrand Département Environnement et Aménagement

Utilisateur Hydraulique

TIBERI WADIER Anne-Laure Département Environnement et Aménagement

Utilisateur Hydraulique

TRICHET Jean-Jacques Département Multimodalité Cadre Exploitation

Administration centrale (MEDDE)

BEAURAIN Didier DGITM/DST - Bureau du transport fluvial

Tutelle Hydraulique

LA CORTE Yoann DGITM/DIT – Bureau des voies navigables

Tutelle Hydraulique - Exploitation

RENAUD Amélie DGPR/SRNH – Bureau des risques météorologiques

Tutelle Hydraulique

TANGUY Jean-Michel CGDD/DRI Tutelle Hydraulique

Autres services de l'État

PINEY StéphanePREL PaulineKOPP SébastienBONTEMPS ArnaudLAVAUD Emmanuel

LRB, CETE Normandie Centre Utilisateur Hydraulique

FELTS Didier CETE Sud-Ouest Utilisateur Hydraulique

DELGADO José-LuisALQUIER MathieuLAROCHE ChristophePAYA ElodiePONS Frédéric

CETE Méditerranée Utilisateur Hydraulique

JANET BrunoLEPAPE EtiennePIOTTE Olivier

SCHAPI Utilisateur Hydraulique

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Annexe 1 : Liste des personnes rencontrées

CHARLES AlainBECHON Pierre-Marie

SPC Lyon Utilisateur Hydraulique

THURAT Paul-Emmanuel STAC/ACE Division Capacité et Simulation

Utilisateur Exploitation

LY Boris Sétra, Etudes de gestion de trafic Réseau d'utilisateur

Exploitation

Grand Port Maritime

DUJARDIN JulienSANCHEZ Francisco

Port de Dunkerque Bénéficiaire potentiel

Exploitation

BOUTTEMY Vincent Port du Havre Bénéficiaire Hydraulique - Exploitation

MIGUET ChristianPERROUD Estelle

Port de La Rochelle Bénéficiaire Exploitation

RAULOT Pascal Port de Nantes Saint Nazaire Bénéficiaire Exploitation

VNF

LACOURT Hugues VNF – DT Bassin de la Seine Bénéficiaire Hydraulique

JACQUART ChristineTHOREL Xavier

VNF – DT Nord-Pas de Calais Bénéficiaire Exploitation

Etablissements scientifiques

GOUTX David Météo France Utilisateur Hydraulique

PAQUIER André Irstea Développeur Hydraulique

PEDREROS Rodrigo BRGM Utilisateur Hydraulique

Etablissement public territorial de bassin

LEPLUS JérémyGUILMIN Emmanuel

EPAMA Utilisateur Hydraulique

Organismes privés

ANGUIL Guilain EGIS Eau Utilisateur Hydraulique

MAGHERINI Philippe CNR Utilisateur Exploitation

SILVA Piero Artelia Utilisateur Exploitation

LANG Pierre Ingerop Développeur Hydraulique

GOUTAL NicoleHERVOUET Jean-MichelPHAM Chi Tuan

LHNE (EDF) Développeur Hydraulique

COULET Christophe Artelia Développeur Hydraulique

HUARD SébastienFERRI Julien

Ingerop Utilisateur Hydraulique

Organismes européens

KOPMANN Rebekka BAW Recherche Hydraulique

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Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor

Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et SiporSipor

Le logiciel Sinavi a été développé par le Cetmef pour la simulation d'exploitation des voies navigables ; le logiciel Sipor pour celle des ports maritimes. Les deux logiciels reposent tous deux sur la théorie mathématique des files d'attente et permettent de simuler les différentes étapes du trajet d'un bateau dans un port ou dans une voie navigable. Plusieurs scénarios d'évolution des infrastructures et des règles de navigation peuvent ainsi être simulés et comparés en termes d'impact sur l'écoulement du trafic.

1 Fonctionnement du logiciel

a) Modélisation du réseau

La première étape de la modélisation consiste à représenter le réseau considéré. Celui est découpé en segments uniformes, séparés par des gares, auxquels s'ajoutent des points remarquables : dans le domaine fluvial, les écluses, tunnels, ponts-canaux ; dans le domaine portuaire, les cercles d'évitage qui permettent aux navires de réaliser des manoeuvres à l'approche du quai, les bassins dans lesquels se trouvent un ou plusieurs quais de chargement-déchargement et les écluses, qui permettent de maintenir certains bassins à une hauteur d'eau constante, malgré la marée.

Dans le domaine fluvial (Figure 1)

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Figure 1 : Schéma du fonctionnement de Sinavi

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Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor

Le bief, ou tronçon de la voie d'eau, est caractérisé par ses dimensions – longueur, hauteur d'eau, largeur au miroir –, ainsi que par des règles de navigation – vitesse maximale autorisée, fenêtre horaire d'accès au bief. On peut y renseigner également une fréquence et une durée d'indisponibilité, selon des lois aléatoires simulant des incidents ou selon des lois régulières pour mimer une période de chômage (action de vider un bief pour y réaliser des travaux).

Les écluses sont, elles, caractérisées par leurs dimensions – hauteur de chute, largeur et longueur – , la durée de bassinée, composée des durées de remplissage et de vidange de l'écluse ainsi que les durées de manoeuvre d'entrée et de sortie des bateaux. On peut là aussi ajouter une loi d'indisponibilité et un créneau horaire d'ouverture.

Ces éléments, une fois assemblés, permettent de représenter le réseau étudié (voir figure page suivante).

Les bateaux sont regroupés par catégories suivant leurs dimensions et les règles de navigation qui s'imposent à eux. On peut leur affecter des règles de priorité, qui s'appliqueront dans les files d'attentes aux ouvrages, ainsi que des créneaux de navigation, permettant de simuler les escales des bateaux qui ne naviguent pas 24h/24.

On peut, par catégories de bateaux, entrer des durées de manoeuvres spécifiques à l'entrée et à la sortie des écluses. En effet, la durée de manoeuvre dépend non seulement des caractéristiques de l'écluse (manoeuvrabilité des portes, distance de la zone d'attente au sas), mais aussi de la manoeuvrabilité du bateau.

Les règles de croisement et de trématage39 sont entrées pour chaque couple de bateaux et pour chaque tronçon considéré. On peut ainsi définir des alternats, c'est-à-dire des biefs qui sont en sens unique de circulation. La vitesse maximale de navigation est également calculée par bief et par bateau, à partir de leurs dimensions respectives. Si elle est moindre que la vitesse maximale autorisée instaurée dans le tronçon, c'est elle que le logiciel utilisera.

Enfin, on définit les différents trajets empruntés dans le réseau, qui sont définis par une certaine catégorie de bateaux, une gare de départ et une gare d'arrivée. On affecte à chaque trajet une loi de génération du trafic, choisie afin de représenter au mieux la réalité des flux de trafic. L'utilisateur dispose de trois types de lois :

– une loi aléatoire de type loi d'Erlang, dont l'ordre est choisi après analyse des données de dates d'arrivée des bateaux,

– une loi journalière, qui génère un type de bateau tous les jours à la même heure (ce qui convient bien à la simuation des ferry),

– une loi déterministe, pour laquelle on entre chaque date et heure de départ souhaitée

Lors de la simulation, le bateau est généré à sa gare de départ, puis parcourt les différents biefs, ponts-canaux et tunnels et franchit les écluses qui se trouvent sur son trajet, jusqu'à sa gare de destination. Le bateau navigue selon la vitesse maximale autorisée par la réglementation ou par les caractéristiques physiques de la voie d'eau. Il respecte les conditions de croisement et de trématage, et n'est pas contraint par les conditions de vent ni de courant. La règle principale de gestion des files d'attente est le principe du premier arrivé, premier servi, que l'on peut nuancer par la définition de règles de priorité.

39 Dépassement d'un bateau

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Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor

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Figure 2 : Modélisation du réseau de voies navigables de Arleux à Dourges ; Source : étude Cetmef

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Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor

Dans le domaine portuaire

Dans Sipor, on retrouve l'équivalent des biefs – les chenaux, et des écluses (Figure 5). Les cercles d'évitage sont également définis par une durée de parcours et des règles de croisement, mais induisent également des contraintes de navigation spécifiques : si un navire réalise une manoeuvre sur ce cercle, cela induit un temps d'attente au navire suivant.

Par ailleurs, à chaque catégorie de navires est affecté un ou plusieurs quais préférentiels ainsi qu'une loi de chargement-déchargement au quai, qui est définie par un temps de service ou, de manière plus détaillée, par un tonnage, une cadence de (dé)chargement et des horaires journaliers de travail. Chaque catégorie de navires a sa propre loi de génération.

Enfin, la différence fondamentale de Sipor est la prise en compte de la marée. Celle-ci est caractérisée de la façon suivante : sa période, sa période de vives eaux et de mortes eaux et les hauteurs d'eau aux différentes périodes et amplitudes de marée (Figure 4).

Elle induit plusieurs contraintes sur les navires et les différents tronçons. On indique ainsi pour chacun des chenaux si celui-ci est soumis ou non à la marée – certains secteurs du port peuvent en effet être protégés de la marée par une écluse, qui reste ouverte à la pleine mer – et pour chaque catégorie de navires si celle-ci a un créneau d'accès au port restreint autour des plus hautes eaux.

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Figure 3: Schéma de fonctionnement du logiciel Sipor

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Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor

Figure 4 : Schéma des amplitudes de marée ; Source : Site du SHOM. VE : vive eau ; ME : morte eau

Lors de la simulation, le navire généré à l'entrée du port franchit les différents chenaux, zones de manœuvre et écluses qui le mènent à son quai d'affectation. Tout au long du trajet sont prises en compte les règles de navigation, les conditions de marée et les durées de parcours. Une fois le traitement au quai terminé, le navire prend le trajet inverse vers la sortie et subit ainsi les mêmes conditions de navigation qu'à l'aller.

b) Résultats

Les deux logiciels génèrent un fichier d'historique reprenant l'ensemble des passages de bateaux aux différentes gares. Des traitements statistiques de cet historique permettent d'évaluer les indicateurs d'écoulement de trafic tels que :

– le nombre de bateaux générés sur la période de simulation,– les durées de parcours (ou temps de séjour au port) minimales, moyennes et maximales ainsi que

leur distribution,– le taux d'occupation des écluses ou des quais ainsi que le nombre de bassinées effectuées par

chaque écluse,– le temps d'attente dans chaque gare, permettant d'identifier les points d'engorgement sur le réseau,– la durée d'attente par trajet effectué,– par catégorie de bateaux et par types d'attente, les indicateurs suivants : attente totale, attente

moyenne par bateau, nombre de bateaux ayant attendu, attente moyenne par bateau ayant attendu.

On distingue ainsi :– les attentes de sécurité, du fait des règles d'interdiction de croisement ou de trématage,– les attentes d'accès, du fait des créneaux de navigation ou d'accès aux ouvrages,– les attentes d'occupation, liées à l'occupation des écluses ou des quais,– les attentes d'indisponibilité, du fait des pannes et des travaux,– dans le domaine portuaire uniquement, les attentes liées à la marée.

Certains de ces indicateurs sont des données qui peuvent être récoltées par l'exploitant et

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Annexe 2 : Présentation des logiciels Sinavi et Sipor

ainsi permettre de caler le modèle sur des valeurs historiques.

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Figure 5: Vue aérienne et modélisation du port de La Rochelle. Source : rapport d'étude du Cetmef

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Annexe 3 : Liste des outils de modélisation hydraul ique rencontrés au Annexe 3 : Liste des outils de modélisation hydraul ique rencontrés au cours de la missioncours de la mission

Nom Diffusion Développé par Type Site

Modèles Saint Venant

Delft3D libre Deltares 2D, 3D X http://www.deltaressystems.com/hydro/product/621497/delft3d-suite

HEC-6T gratuit US Army Corps of Engineers 1D X http://www.mbh2o.com/hec6t.html

HECRAS gratuit 1D http://www.hec.usace.army.mil/software/hec-ras/Hydrariv commercial Hydratec 1D / 2D X http://hydratecsoft.free.fr/hydrariv_main.htmInfoWorks commercial HR Wallingford Ltd 1D, 2D X http://geomod.fr/gmd-societe/ce-accueil/ce-logiciels/ce-log-suite-infoworks/

ISIS commercial 1D http://www.halcrow.com/isis/Mascaret libre LNHE (EDF) et consortium 1D Tsar, Courlis http://www.opentelemac.org/

MIKE (11, 21, 3) commercial X http://mikebydhi.com/Products/WaterResources.aspxRUBAR (3, 20) commercial Irstea Lyon 1D, 2D RubarBE http://www.irstea.fr/rubar3SOBEK commercial Deltares 2DStream - Egis Eau (ex BCEOM) 1DTELEMAC libre LNHE (EDF) et consortium 2D, 3D Sysiphe http://www.opentelemac.org/WOLF 1D – 2D - université de Liège 2D X http://www.hach.ulg.ac.be/cms/wolf

Modèles de propagation de houleMars - Ifremer http://wwz.ifremer.fr/mars3d/PresentationMike SW commercial DHI http://mikebydhi.com/Products/CoastAndSea/Waves.aspx

Swan libre TU DelftTomawac libre LNHE (EDF) et consortium http://www.opentelemac.org/Wavewatch III libre NOAA, US administration http://polar.ncep.noaa.gov/waves/wavewatch/

Modèles d'agitationArtemis libre LNHE (EDF) et consortium http://www.opentelemac.org/

commercial DHI http://mikebydhi.com/Products/CoastAndSea/Waves.aspx

Transport sédimentaire

Hydrologic Engineering Center, US Army Corps of Engineers

HR Wallingford Ltd et Sir William Halcrow and Partners Ldt

Danish Hydraulic Institute (DHI)

1D, 2D, 3D

http://www.deltaressystems.com/hydro/product/108282/sobek-suite

http://www.citg.tudelft.nl/over-faculteit/afdelingen/hydraulic-engineering/sections/environmental-fluidmechanics/research/swan/

Mike EMS, PMS et BW

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Annexe 4 : Carte des services de prévision des crues (actualisée pour décembre 2012)

Annexe 4 : Carte des services de prévision des Annexe 4 : Carte des services de prévision des crues (actualisée pour décembre 2012)crues (actualisée pour décembre 2012)

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Annexe 5 : Carte des modèles hydrauliques des services de prévision des crues

Annexe 5 : Carte des modèles hydrauliques des Annexe 5 : Carte des modèles hydrauliques des services de prévision des cruesservices de prévision des crues

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Annexe 6 : Schéma d'élaboration du document de cadr age concernant le Annexe 6 : Schéma d'élaboration du document de cadr age concernant le développement et la diffusion des outils du Cetmefdéveloppement et la diffusion des outils du Cetmef

Recueil des attentes

Administration centraleServices déconcentrés

Établissements publics : grands ports maritimes,

VNF

Directions territoriales

Collectivités territoriales

Objectifs pourle développement,

la diffusion etl’utilisation des outils

Actions

Positionnement de la direction technique

Indicateurs de suivi des actions

cf. figure 4

Ressources et partenariats

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Table des sigles

AIRH Association internationale pour la recherche en hydraulique

BAW Bundesanstalt für Wasserbau

BRGM Bureau de recherches géologiques et minières

CANDHIS Centre d'archivage national de données de houle in-situ

Cerema Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement

Certu Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques

CETE Centre d’études techniques de l’équipement

Cetmef Centre d’études techniques maritimes et fluviales

CGDD Commissariat général au développement durable

CGEDD Conseil général de l'environnement et du développement durable

CNR Compagnie nationale du Rhône

CTeeSMES Commission technique d’étude et d’évaluation des surcotes marines dans l’estuaire de la Seine

DDT Direction départementale des territoires

DGALN Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature

DGITM Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer

DGPR Direction générale de la prévention des risques

DIT Direction des infrastructures de transport

DST Direction des services de transport

DREAL Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement

DRI Direction de la recherche et de l’innovation

EDF Électricité de France

EPAMA Établissement public d'aménagement de la Meuse et de ses affluents

EPTB Établissement public territorial de bassin

IFORE Institut de formation de l'environnement

Ifremer Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer

Ifsttar Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux

IMFT Institut de mécanique des fluides de Toulouse

INPG Institut national polytechnique de Grenoble

INPT Institut national polytechnique de Toulouse

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Irstea Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture

INSA Institut national des sciences appliquées

LGCE Laboratoire de Génie Côtier et Environnement

LHN Laboratoire d'hydraulique numérique

LHSV Laboratoire d'hydraulique Saint-Venant

LNHE Laboratoire national d'hydraulique et d'environnement

LRB Laboratoire régional de Blois

MEDDE Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

ORMES Office des risques majeurs de l'estuaire de la Seine

PCI Pôle de compétences et d’innovation

RST Réseau scientifique et technique du MEDDE

SCHAPI Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des crues

Sétra Service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements

SHOM Service hydrographique et océanographique de la Marine

SPC Service de prévision des crues

STCPMVN Service technique central des ports maritimes et des voies navigables

STV Service technique de la voie d’eau

TRI Territoire à risques importants d'inondation

UTC Université technologique de Compiègne

VNF Voies navigables de France

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