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Avenir de l’Agriculture - Agriculture de l’Avenir Conférence de Gembloux, 18 novembre 2015 LES PROTEINES D’ORIGINE ANIMALE : AU CŒUR DE LA SECURITE / DE L’INSECURITE ALIMENTAIRE MONDIALE ? Hervé Guyomard (INRA, France) H. Guyomard Gembloux, 18 novembre 2015

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Avenir de l’Agriculture - Agriculture de l’Avenir

Conférence de Gembloux, 18 novembre 2015

LES PROTEINES D’ORIGINE ANIMALE :

AU CŒUR DE LA SECURITE / DE L’INSECURITE

ALIMENTAIRE MONDIALE ?

Hervé Guyomard (INRA, France)

H. Guyomard Gembloux, 18 novembre 2015

.02

Les protéines alimentaires apportent à l’homme les acides aminés

nécessaires à la synthèse de ses propres protéines

• Composition en acides aminés des protéines variable selon leur origine,

les protéines d’origine animale étant plus riches en acides aminés

indispensables que les protéines d’origine végétale

Transition nutritionnelle

• Convergence accélérée des régimes alimentaires de par le monde

• Augmentation des consommations de protéines d’origine animale

Un enjeu pour la sécurité alimentaire mondiale

• Enjeu de santé publique dès lors que la consommation de produits

animaux serait excessive

• De façon plus générale, enjeu au titre de la sécurité alimentaire

mondiale et des autres défis planétaires, notamment

environnementaux : Pourquoi ?

Introduction : La question

H. B. SCHMITT Conférence INRA, Dijon, 1er juin 201(

.03

Les transitions nutritionnelles

• Première transition nutritionnelle (majeures)

• Seconde transition nutritionnelle (prémisses)

Nourrir le monde de façon durable en 2050 et au-delà : mission impossible ?

• Relever le défi en jouant simultanément sur plusieurs leviers, à la consommation

et à la production

• Réduire les consommations excessives de produits animaux et limiter

l’occidentalisation des régimes alimentaires est un des leviers

Place des protéines d’origine animale dans un futur plus durable : Faut-il

« condamner » les productions animales

• Des défauts (disservices) mais aussi des atouts (services)

Conclusion

C’est l’excès qui doit être condamné

Vrai pour les protéines d’origine animale, comme pour les autres composantes

de l’équation alimentaire mondiale

Introduction : structure de l’intervention

.04

La sécurité alimentaire aux niveaux individuel, familial, national, régional et mondial

existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et

économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de

satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener

une vie saine et active (FAO 1996)

Quatre composantes donc :

• Disponibilité

• Accès

• Stabilité de l’accès

• Utilisation satisfaisante non menacée par des problèmes de santé (hygiène,

infrastructures de santé…)

• + Sécurité nutritionnelle (carences, connaissances nutritionnelles)

Focus ici essentiellement sur les aspects disponibilité (+ sécurité nutritionnelle)

Remarque liminaire :

La sécurité alimentaire, pas uniquement une question de production de biens

agricoles et alimentaires

Les transitions nutritionnelles

.06

Transition nutritionnelle (Popkin 1993, Kearney 2010, Guyomard et

al. 2012)

• Etape 1 : Augmentation des calories ingérées dans des

proportions identiques (macronutriments, produits)

• Etape 2 : Modification de la structure de la diète

• Moins de tubercules, de céréales, de légumes

• Plus de sucres, de graisses, de produits animaux

Seconde transition nutritionnelle (Vranken et al. 2014, Mathijs

2015)

• Etape 3 : moins de calories ingérées; moins de sucres, de graisses

et de produits animaux ; plus de fruits et légumes

• Prémisses

Evolution des régimes alimentaires de par le monde

.07

XXX

• XXX

.08

La majeure partie du monde n’est qu’au début de la première transition

alimentaire

• Accélération du phénomène

• Là où le processus avait autrefois demandé plus d’un siècle (pays

développés), il se réduit à 20 ans dans les pays émergents et 40 ans

dans les pays en développement (Popkin 2006)

Simultanément, occidentalisation des modes de consommation

• Des chaînes alimentaires de plus en plus longues et complexes

• Des biens alimentaires prêts à consommer, transformés, sophistiqués

• Achats en GMS et consommation hors foyer

• Des pertes et gaspillages très importants à la distribution et à la

consommation finale

Evolution des régimes alimentaires de par le monde

.09

Evolution des régimes alimentaires de par le monde

Du champ à l’assiette

Source : UNEP, 2009; d’après Lunkvist et al. 2008 Source : Godfray et al., Science 2010

.010

Simultanément, occidentalisation des modes de consommation…

Et des modes de vie : sédentarisation, moindre activité physique, etc.

Augmentation des risques de surpoids et d’obésité, et des maladies

chroniques associées sous la double influence d’apports caloriques en

excès relativement aux besoins et de déséquilibres nutritionnels

(Shetty 2002, OMS 2003)

Prise de conscience des conséquences des choix alimentaires

• Santé : Seconde transition alimentaire et augmentation de l’activité

physique

• Environnement : Circuits courts et de proximité, produits locaux,

produits issus de l’agriculture biologique, etc.

Evolution des régimes alimentaires de par le monde

.011

Evolution des régimes alimentaires de par le monde

.012

Evolution des régimes alimentaires de par le monde

Nourrir le monde de façon durable en 2050 et

au-delà : mission impossible ?

.014

Nourrir le monde en 2050 et au-delà ?

Défi quantitatif : Prospective Agrimonde (INRA-CIRAD 2008)

La planète pourra théoriquement / quantitativement nourrir plus de 9

milliards d’habitants en 2050 s’il y a …

• Maitrise de la demande alimentaire (quantité et nature des aliments)

• Réduction des pertes & gaspillages tout le long des chaînes alimentaires

(recyclage des déchets et des coproduits via le développement de la bioéconomie et

de l’économie circulaire)

• Maîtrise des usages alternatifs des terres et de la biomasse

• Accroissement de l’offre agricole et alimentaire (surfaces et rendements)

• Augmentation des revenus (croissance économique, développement rural,

développement des agricultures locales)

• Régulation des échanges et de la volatilité des marchés et des prix (politiques

publiques)

.015

Nourrir le monde en 2050 et au-delà ?

La planète pourra théoriquement / techniquement nourrir plus de 9

milliards d’habitants en 2050 à condition, notamment :

• De jouer sur la demande alimentaire et non alimentaire

• Ralentissement de l’occidentalisation des régimes alimentaires dans les pays du

Sud et développement de la seconde transition nutritionnelle dans les pays du

Nord

• Diminution des pertes et gaspillages à la distribution et à la consommation

• Diminution de la concurrence entre usages alimentaires et non alimentaires

• De diminuer les pertes et gaspillages à la production et à la transformation

• Plus ces leviers seront mobilisés, moins l’augmentation requise de la production

agricole sera importante

• Mais il est plus que vraisemblable qu’il sera nécessaire d’augmenter la

production agricole et alimentaire

• Est-ce possible ? Est-ce possible de façon durable ?

.016

Nourrir le monde en 2050 et au-delà ?

Mais il est plus que vraisemblable qu’il sera nécessaire d’augmenter la

production agricole et alimentaire : Est-ce possible ? Est-ce possible

de façon durable ?

Dans le cadre de multiples transitions :

• En plus de la transition démographique et nutritionnelle

• Transition énergétique : Raréfaction des ressources énergétiques fossiles

• Transition environnementale : Dégradation des ressources naturelles (sol, eau, air,

biodiversité)

• Transition climatique : Changement climatique avec augmentation des températures et

des occurrences d’évènements extrêmes

Défi de l’intensification écologique des systèmes agricoles

Place dans ce contexte des productions animales et des protéines

d’origine animale ?

Place demain des protéines d’origine animale :

Faut-il « condamner » les productions animales ?

Augmentation des consommations mondiales de produits animaux

(source : FAO/OCDE 2013)

FAO-OCDE

Augmentation entre 2010-12 et 2022

.019

Perspectives de croissance des productions animales plus

élevées que celles des productions végétales

+ 53 %

+ 47 %

+ 192 % ± ?

+ 220 % ± ?

Valin et al. 2014

.020

Dans une perspective de croissance mondiale de la demande et de

l’offre de produits animaux

Des critiques elles-aussi croissantes à l’encontre des productions

animales et des consommations de produits animaux

Pourquoi ?

• Impacts négatifs sur la santé des consommations de produits animaux

• Impacts négatifs sur l’environnement des productions animales car

• Moins efficiences que les productions végétales : rareté du facteur terre et

concurrence food vs feed (plus généralement food vs feed vs fuel vs fiber)

• Ruminants forts émetteurs de GES : atténuation du changement climatique

• Pollutions diffuses des élevages, notamment des élevages iles plus intensifs

• Bien-être et douleur des animaux

Pourquoi une remise en cause de la consommation et de la

production de protéines d’origine animale ?

.021

Des pertes et des gaspillages de la fourche à la fourchette :Sur les 4 600 kcal/jour/hab. disponibles, 1700 sont utilisées pour nourrir les animaux qui

n’en « rendent » que 500

Source : UNEP, 2009; d’après Lunkvist et al. 2008

.022

Une moindre efficacité énergétique des productions animales

relativement aux productions végétales

Certes, mais très variable selon les types d’animaux et les pays

(systèmes élevage)

Selon les types d’animaux

• Gros ruminants < petits ruminants < porcs < volailles

• Selon les pays (systèmes d’élevage)

Ratio des protéines animales fournies rapportées au contenu

Protéique des matières premières végétales utilisées pour nourrir

les animaux correspondants ; moyenne 2005-07 ; FAO 2011• Allemagne : 0,62

• Chine : 0,95

• Pays-Bas : 1,02

• Brésil : 1,17

• Inde : 4,30

• Nouvelle-Zélande : 10,06

• Mongolie : 14,60

• Ethiopie : 16,95

• Kenya : 21,16

.023

Augmentation 1960-2010 de la production agricole végétale

• Extension des terres cultivées : 20 %

• Augmentation des rendements : 80 %

Contrairement à une idée parfois répandue, il existe des terres cultivables non

encore cultivées

Potentiel de terres cultivables aujourd’hui non cultivées et non boisées : 450

millions d’hectares (Fisher et Shah 2010)

Faim de terres ? (1)

13 milliards d’hectares (FAOStat)

Cultures (1,6)

Pâtures(3,2)

Forêts (3,9)

Impropres (4,1)

.024

Des terres cultivables non encore cultivées sans empiéter sur la forêt

Mais

• De très fortes variabilités selon les études et donc de très fortes incertitudes

• Besoin de terres pour les cultures…. et besoin de pâtures (ruminants)… et usages

non alimentaires (énergie et chimie)

• Accès aux terres « disponibles » ?

• Qualité des terres « disponibles » (terres marginales) ?

• Dégradation des terres déjà cultivées et problématique de leur remédiation

• 1,5 milliard de personnes aujourd’hui dépendant de sols moyennement à très

fortement dégradés

• 12 millions d’hectares cultivés dégradés annuellement

Comme sur les décennies passées, croissance de la production agricole

végétale via le levier des rendements : intensification écologique

Faim de terres ? (2)

.025

Remise en cause des productions animales (ruminants) au titre

des émissions de gaz à effet de serre

Selon la FAO (2006), l’élevage responsable de 18 % des émissions

mondiales de GES

Plus que les transports !

Chiffre à nuancer :

Méthodologies différentes Elevage : méthode de l’ACV avec prise en compte des émissions directes

et indirectes

Transport : méthode de l’inventaire avec prise en compte uniquement des

émissions directes

Prise en compte des facteurs changements d’affectation des sols

(CAS), directs et indirects

Variabilité selon les pays France

Elevage : 13 % (ACV) ou 10 % (inventaire) des émissions nationales

Agriculture : 19 %

Transports : 27 %

Industrie : 20 %

.026

Sources d’émissions de GES d’un élevage de vaches allaitantes

(Belgique ou France)

(CH4)

(CO2)

(N2O, CO2)

(N2O)

(CH4, N2O)Fumiers et lisiers

(CH4, N2O)

GES PRG à 100 ans

(GIEC, 2007)

CO21

CH425

N2O 298

.027

Comment réduire l’empreinte carbone des productions animales ?

Réduire la production de méthane entérique• Efficacité plus grande des animaux via, notamment, le levier de la sélection

(Nkrumah et al. 2006)

• Alimentation via, par exemple, un apport de lipides polyinsaturés permettant

une réduction des émissions aux alentours de 15 % (Martin et al. 2008)

Pratiquer une gestion conservatrice des effluents d’élevage• Importance des conditions du milieu

Mieux gérer l’azote : réduire les rejets, cultiver et utiliser des

légumineuses• Réduction de la fertilisation minérale et autonomie protéique des élevages

Intensification des systèmes• Oui sans conteste à l’échelle

de l’animal (panel g.)

• Selon les cas à l’échelle de

l’exploitation (panel d.)

• Plus d’intrants externes

• Plus d’effluents à gérer

4 000 6 000 8 0000.6

0.8

1.0

1.2

1.4

10

20

30

40

3000 7000 11000

Lait (kg/an)

CH4 (l/kg lait) GES (kg eq CO2/kg lait)

.028

La prairie stocke du carbone

NE de

boeufs

NE

de JB

NE de

veaux

Naisseurs

0

5

10

15

20

25

Emissions brutes

(kg eq CO2/kg vv)

NE de

boeufs

NE

de JB

NE de

veaux

Naisseurs

0

5

10

15

20

25

Emissions nettes

(kg eq CO2/kg vv)

La prairie permanente est un puits de carbone d’intensité comparable à celle de la forêt : 0,5 t C/ha/an (Arrouays et al. 2003, Soussana et al. 2007)

De 20 à 50 % de compensation C selon les systèmes

(de 60 à plus de 100 % du méthane entérique)

.029

L’élevage bovin à l’herbe contribue à améliorer la qualité de l’eau

% de la surface avec au moins une

application de pesticides

0

20

40

60

80

100

0 20 40 60 80 100

% de prairies dans la SAU Teneur en nitrate des eaux de

surfaces (en mg/l)

Source : Réseau National des Donnée sur l'eau

Traitement Institut de l'Elevage, 2006

.030

Les prairies sont une source de biodiversité et fournissent des

services biotiques

Fourniture de services biotiques :

exemple de la pollinisation

Déclin comparé de l’outarde canepetière

(violet) et des surfaces en prairies (vert)

dans la plaine de Niort

Distance de la prairie la plus proche (m)

Pro

port

ion d

e fle

urs

do

nn

an

t d

es g

rain

es (

%)

0 400 900 1600100

40

20

60

80

Source : Arrouays et al. 2009

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1960 1970 1980 1990 2000 2010

Source : Bretagnolle 2004

Conclusion

.032

Réguler les régimes alimentaires des populations

aisées ou en voie de le devenir :

Ressources alimentaires et santé publique

Limiter les pertes & gaspillages : améliorer

infrastructures transport & conservation ; gaspillage lié

aux normes; mobilisation des sous-produits et déchets

Nécessité d’une approche globale : actionner simultanément

plusieurs leviers

Accès à l’alimentation et sous-nutrition :

Réduire pauvreté & extrême pauvreté

Rendements végétaux :

Réduction du « yield gap »’

avec peu d’intrants chimiques

; adaptation au CC

Extension des surfaces

: Une voie étroite

Productions animales :

Volailles & Porcs en syst.

intensifs et/ou en ville

.033

Consommation et production de protéines d’origine animale

Réduire les consommations excessives de produits animaux (santé) et

augmenter leur consommation là où les apports en protéines sont

insuffisantes

Réduire les effets externes négatifs des élevages (GES, pollutions

diffuses)

• Recherche, pratiques et systèmes, politiques publiques

Valoriser les externalités positives de l’élevage

• Plus grande efficacité des porcs et des volailles relativement aux

ruminants (rareté du facteur terre)

• Atouts de l’élevage à l’herbe (stockage du C, qualité de l’eau,

biodiversité, etc.)

• Fertilisation, valorisation de terres difficiles, patrimoine

Merci de votre attention