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La lettre trimestrielle de MERCATOR No 2 - Juillet 2001 - page 1 CNES CNRS/INSU IFREMER IRD METEO-FRANCE SHOM - Biais de la réanalyse PSY1-v1 A001 de 1993-98 - Editorial Chèr(e) Mercatorien(ne), Vous avez été nombreux à lire la première Newsletter MERCATOR, et vos retours enthousiastes nous encouragent à poursuivre dans cette voie. Voici donc la deuxième mouture de la Newsletter, qui s'inscrira chaque trimestre dans votre vie quotidienne, au même titre que les bulletins hebdomadaires de MERCATOR. Pour cette édition, nous nous sommes intéressés à la qualité de la simulation du système PSY-1, en le comparant notamment à la climatologie. Le premier prototype système MERCATOR constitue-t-il une bonne simulation, à vous de le découvrir grâce au dossier réalisé... Il sera bien temps alors de se détendre avec la devinette MERCATOR, avant de conclure sur la qualité des diverses échéances des produits MERCATOR et sur le bloc note. Bonne lecture ! Sommaire l Biais de la r é analyse PSY1 - v1 AOO1 de 1993 - 98 l 1.1 Comparaison qualitative entre climatologie et simulation l 1.2 Liens entre les biais et la circulation moyenne l 1.3 Commentaire sur le niveau moyen de la mer l 2.1 Port é e des biais : é chelles et niveau l 2.2 Etude de l' é volution des biais et confrontation avec PIRATA l 2.3 Commentaire sur l'assimilation des observations in situ l La devinette l Comparaison des é ch é ances l Bloc note Situer la simulation par rapport à la climatologie est une démarche "importante", car on a coutume de dire que la climatologie est le meilleur modèle. Pour cela, nous comparons la climatologie de température et de salinité utilisée dans MERCATOR (Reynaud) avec la moyenne de la simulation avec assimilation de l'altimétrie satellitale (simulation A001 de la configuration PSY1-v1). Ensuite, nous étudions l'évolution temporelle du biais de la simulation et nous confrontons une période récente à des observations du réseau d'observation in situ PIRATA. La finalité de cette étude est de situer la simulation par rapport à la climatologie : "est-on près ou loin de la climatologie"? Bien sûr, être proche n'est pas un objectif pour un système d'analyse et de prévision qui vise aussi à représenter les fluctuations climatiques. Et effectivement, le système MERCATOR reproduit de telles fluctuations (voir Lettre Trimestrielle n°1). Toutefois, on a coutume de dire que la climatologie est le meilleur modèle, et ceci reste souvent vrai aujourd'hui. Cela exprime le fait que les simulations numériques représentent bien les fluctuations intra-saisonnières ou interannuelles, mais que ces simulations sont entachées d'un biais significatif souvent constant dans le temps. Ceci est très regrettable si l'on s'intéresse aux champs absolus et non uniquement à leurs fluctuations. Une "bonne" simulation devrait donc rester dans un voisinage (à définir) de la climatologie, ce qu'on appelle "être non biaisé" en jargon d'assimilation. Qu'en est-il pour PSY1-v1? Cette question constitue le thème de cette étude.

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No 2 - Juillet 2001 - page 1

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- Biais de la réanalyse PSY1-v1 A001 de 1993-98 -

 

Editorial

Chèr(e) Mercatorien(ne),

Vous avez été nombreux à lire la première Newsletter MERCATOR, et vos retours enthousiastes nous encouragent à poursuivre dans cette voie.

Voici donc la deuxième mouture de la Newsletter, qui s'inscrira chaque trimestre dans votre vie quotidienne, au même titre que les bulletins hebdomadaires de MERCATOR.

Pour cette édition, nous nous sommes intéressés à la qualité de la simulation du système PSY-1, en le comparant notamment à la climatologie. Le premier prototype système MERCATOR constitue-t-il une bonne simulation, à vous de le découvrir grâce au dossier réalisé... Il sera bien temps alors de se détendre avec la devinette MERCATOR, avant de conclure sur la qualité des diverses échéances des produits MERCATOR et sur le bloc note.

Bonne lecture !

   

Sommaire

l Biais de la réanalyse PSY1-v1 AOO1 de 1993-98 l 1.1 Comparaison qualitative entre

climatologie et simulation l 1.2 Liens entre les biais et la circulation

moyenne l 1.3 Commentaire sur le niveau moyen

de la mer l 2.1 Portée des biais : échelles et niveau l 2.2 Etude de l'évolution des biais et

confrontation avec PIRATA l 2.3 Commentaire sur l'assimilation des

observations in situ

l La devinette

l Comparaison des échéances

l Bloc note

Situer la simulation par rapport à la climatologie est une démarche "importante", car on a coutume de dire que la climatologie est le meilleur modèle. Pour cela, nous comparons la climatologie de température et de salinité utilisée dans MERCATOR (Reynaud) avec la moyenne de la simulation avec assimilation de l'altimétrie satellitale (simulation A001 de la configuration PSY1-v1). Ensuite, nous étudions l'évolution temporelle du biais de la simulation et nous confrontons une période récente à des observations du réseau d'observation in situ PIRATA.

La finalité de cette étude est de situer la simulation par rapport à la climatologie : "est-on près ou loin de la climatologie"? Bien sûr, être proche n'est pas un objectif pour un système d'analyse et de prévision qui vise aussi à représenter les fluctuations climatiques. Et effectivement, le système MERCATOR reproduit de telles fluctuations (voir Lettre Trimestrielle n°1). Toutefois, on a coutume de dire que la climatologie est le meilleur modèle, et ceci reste souvent vrai aujourd'hui.

  Cela exprime le fait que les simulations numériques représentent bien les fluctuations intra-saisonnières ou interannuelles, mais que ces simulations sont entachées d'un biais significatif souvent constant dans le temps. Ceci est très regrettable si l'on s'intéresse aux champs absolus et non uniquement à leurs fluctuations. Une "bonne" simulation devrait donc rester dans un voisinage (à définir) de la climatologie, ce qu'on appelle "être non biaisé" en jargon d'assimilation. Qu'en est-il pour PSY1-v1? Cette question constitue le thème de cette étude.

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Biais de la réanalyse PSY1-v1 A001 de 1993-98 (suite)

1.1 Comparaison qualitative entre climatologie et simulation

 

l A 100 m

 

figure 1.1.1 : moyenne modèle (gauche) et climatologie (droite) de température à 100m

Dans cette section, nous comparons la climatologie et la simulation pour dresser une liste des différences marquantes. Nous réalisons cette étude sur la période 1993-95 car c'est cette période qui sert de niveau de référence pour l'altimétrie. Il est alors plus facile de relier certains biais [biais : moyenne des écarts] au niveau de référence, ce que nous ferons en section 1.3. Bien sûr, cette période peut sembler trop courte pour "bien" représenter la climatologie de la simulation. Aussi avons nous réalisé la même analyse sur d'autres périodes comme 1993-98 et 1999-2000. A l'exception notoire de la gyre subpolaire (voir Lettre Trimestrielle n°1) et dans une moindre mesure de la bande équatoriale, nous trouvons que les mêmes conclusions s'appliquent.

  C'est la raison pour laquelle nous ne présentons ici que la période 1993-95, les rares particularités étant notées dans le texte. Par ailleurs, nous nous concentrons sur la subsurface (100m, 300m et 1000m). En surface, le modèle est corrigé par un rappel aux analyses de température de surface (analyses quotidiennes Reynolds) et à la climatologie saisonnière de salinité (Reynaud). Les différences avec la climatologie s'expliquent alors beaucoup par les interactions océan-atmosphère et nous avons ici plutôt l'objectif d'étudier les interactions avec la circulation moyenne de l'océan. Enfin, la circulation profonde n'est pas bien connue et nous la traiterons ultérieurement.

Au premier regard, les structures océaniques sont comparables entre la moyenne modèle et climatologie de température à 100m (figure 1.1.1). A y regarder de plus près, on note dans le modèle un front du Gulf Stream moins marqué et davantage côtier.

  Le front que forme le Courant Nord Atlantique (NAC, la continuation du Gulf Stream à l'est de Terre Neuve) est aussi moins marqué et davantage côtier. Dans les tropiques, on note que le gradient est-ouest de température est moindre dans le modèle. Le front du Contre Courant Equatorial Nord (NECC, vers 50°O-80°N) est moins marqué dans le modèle.

 

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l A 300m

 

figure 1.1.2 : moyenne modèle et climatologie de température à 300m

 

l A 1000m

Gulf Stream et Courant Nord Atlantique sont notablement trop à la côte dans le modèle (figure 1.1.2). Le front du Courant des Açores (AC) à l'ouest de Gibraltar est peu visible dans le modèle. Ceci contribue à former une gyre subtropicale trop étendue vers le nord entre 20°O et 45°O. La température est beaucoup plus homogène dans le Golfe du Mexique du côté de la simulation.

  Dans les tropiques, la structure thermique du modèle présente davantage de petites structures que dans la climatologie. La gyre tropicale formée du NECC et du Courant Equatorial Nord (NEC) est à peine formée dans le modèle, à l'inverse de la climatologie.

 

La gyre subpolaire est plus marquée dans le modèle (figure 1.1.3). De plus, au sud-ouest de l'Islande, la Dorsale de Reykjanes sépare plus nettement le Bassin d'Islande et le Canal Imarssuak (sud-est du Gröenland) dans le modèle que dans la climatologie. Le Bassin du Labrador est aussi plus distinct. La Dorsale Medio-Atlantique a aussi un impact plus net sur le modèle depuis la Fracture de Gibbs jusqu'à l'Archipel des Açores (autour de 40°O).

  Talus continentaux et hauts fonds ont aussi une signature plus nette dans le modèle (Bancs de Rockall et Edoras au nord-ouest de l'Irlande, Cap vert, Canaries...). Les eaux méditerranéennes sont moins chaudes dans le modèle. Elles sont entraînées plus loin à l'ouest par la gyre subtropicale du modèle. On ne trouve pas trace des eaux subpolaires le long des côtes américaines au sud de Terre-Neuve.

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figure 1.1.3 : moyenne modèle et climatologie de température à 1000m

 

 

figure 1.1.4 : moyenne modèle et climatologie de salinité à 100m

 

Les cartes de moyenne modèle et climatologie de salinité à 100m (figure 1.1.4) se commentent de manière analogue à la température : Gulf Stream et Courant Nord Atlantique trop côtiers au nord du Cap Hatteras (le point de décollement du Gulf Stream), front des Açores peu marqué, Gyre Subtropicale trop diffuse.

  Le gradient est-ouest de salinité est faible dans la bande équatoriale 10N-5S. En revanche, ce gradient se compare bien à la climatologie entre 10° et 20° de latitude. On voit davantage dans le modèle le Sous-Courant Equatorial (EUC) qui apporte des eaux salées (et froides) dans le fond du Golfe de Guinée.

 

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figure 1.1.5 : moyenne modèle et climatologie de salinité à 300m

figure 1.1.6 : moyenne modèle et climatologie de salinité à 1000m

Le Courant Nord Atlantique est bien moins marqué dans le modèle à 300m (figure 1.1.5) Le Gulf Stream est plus au nord, évinçant les eaux subpolaires des côtes nord américaines au sud de Terre-Neuve. Dans le Golfe du Mexique, on retrouve trace dans le modèle du passage des tourbillons du Golfe alors que la climatologie est plus homogène. 

  La Mer des Sargasses du modèle est nettement moins salée que celle de la climatologie. On voit de l'eau Méditerranéenne dans le Golfe de Cadix, ce qu'on ne voit pas dans la climatologie. La gyre tropicale formée du NECC et du NEC est à peine formée dans le modèle, à l'inverse de la climatologie.

 

On peut formuler les mêmes commentaires pour la salinité à 1000m (figure 1.1.6) que pour la température.

  Noter que le panache des eaux méditerranéennes est moins chaud et moins salé dans le modèle que dans la climatologie. Ces eaux sont donc moins distinctes que les eaux atlantiques environnantes. 

 

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à 100m :Gulf Stream et Courant Nord Atlantique trop côtiers 

à 300m :front des Açores peu marqué

gyre tropicale NECC-NEC peu marquée à 1000m :

température contrainte par la bathymétriepas d'eau subpolaire au sud de Terre-Neuve

panache méditerranéen diffus

 

1.2 Liens entre les biais et la circulation moyenne

On étudie maintenant conjointement les écarts en température et salinité pour mettre en lumière quelques processus dynamiques expliquant ces écarts.

figure 1.2.1 : écarts moyens modèle - climatologie de température et salinité à 100m

 

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On note une forte concordance entre les biais de température et salinité (figure 1.2.1) le long des côtes du Labrador et de Terre Neuve et ce jusqu'au Cap Hatteras. Ces biais sont presque aussi marqués depuis le delta de l'Amazone jusqu'à l'arc des Antilles (eaux trop froides et trop douces). La concordance de structure des biais suggère que ceux-ci soient liés par un unique mécanisme. Pour ce qui est des côtes nord-américaines, on a vu en l'occurrence que la position du front du Gulf Stream est trop septentrionale dans le modèle. Ce Gulf Stream advecte des eaux trop chaudes et trop salées à la côte, et c'est ce mécanisme très classique que l'on retrouve ici. Au large du nord Brésil, le mécanisme est un peu plus complexe. Il est révélé par la moyenne des courants à 100m en 1993-95 (figure 1.2.2).

 

figure 1.2.2 : moyenne des courants à 100m en 1993-95

Le Contre-Courant Equatorial Nord (NECC) advecte entre 5°N et 10°N des eaux chaudes vers l'est depuis la côte brésilienne. Par rapport à la climatologie, le NECC n'est pas assez intense a l'ouest. En revanche, il pénètre trop à l'est puisque l'on trouve des traces de convergence dues au NECC vers 20°O-5°N, tandis que la climatologie suggère une alimentation à 3°N de la branche nord du Courant Equatorial Sud vers 33°O. De façon similaire, le Courant Equatorial Nord (NEC) qui advecte entre 10° et 15°N des eaux froides depuis l'est est à la fois insuffisamment intense et trop pénétrant. Dans la région du dôme de Guinée (20°O-12°N), on ne trouve pas de structure équivalente au biais de température dans le courant moyen. Il semblerait donc que le biais dans cette région ne s'expliquerait ni par l'advection horizontale ni par l'advection verticale. On peut d'ailleurs noter que le biais est bien plus marqué en température qu'en salinité. Ceci suggère le flux de chaleur à la surface en est la cause. Ceci est corroboré par le fait que le modèle accuse en surface dans cette région un biais froid de 1°C.

  Un défaut de stratification en surface impose une correction du flux de chaleur trop importante en surface (+40W/m²). Cet excès de chauffage se concentre alors à la base de la couche de mélange. Il faut noter que la dynamique du dôme est complexe puisque les fluctuations de température de la couche de mélange peuvent être opposées aux fluctuations de la thermocline.

Au delà des biais, on peut noter un phénomène de compensation en densité. En effet température et salinité ont des effets opposés sur la densité, ce qui fait qu'une eau froide et douce pèse autant qu'une eau "normale" ou chaude et salée [variation de densité en kg/m³ ~ -0.2 x variation de température en °C + 0.8 x variation de salinité en psu]. En l'occurrence, l'effet des biais de température et de salinité se compense (Gulf Stream, Courant Nord Atlantique, Brésil-Guyane-Antilles) sauf dans l'Océan Arctique, le Golfe du Mexique et au large de l'Afrique. Ce phénomène de compensation fait qu'en dépit d'erreurs notoires en température et salinité, la densité reste réaliste. Ceci est une propriété profitable au modèle car c'est le gradient de densité (et pas de température ni salinité) qui sert à déterminer les courants.

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figure 1.2.3 : différences moyenne modèle - climatologie de température et salinité à 300m

 

A 300m, ce phénomène de compensation est encore plus flagrant (figure 1.2.3). Seul l'Océan Arctique échappe à la règle. De plus, dans la région du Nord Est brésilien, le biais à 300m est opposé au biais à 100m.

  Cela signifie que la stratification verticale est insuffisante dans le modèle : le brassage des eaux y est plus important que dans la climatologie. C'est ce qu'on observe ici de part et d'autre de la pycnocline [pycnocline=maximum du gradient vertical de densité].

 

figure 1.2.4 : moyenne des courants à 300m en 1993-95

   Toujours à 300m, il y a deux biais notables dans l'Atlantique nord, l'un dans le Bassin d'Islande vers 25°O-55°N et l'autre vers 20°O-52°N au pied des bancs de Rockall et Porcupine. Dans cette région, la circulation du modèle (figure 1.2.4) est très contrainte par la bathymétrie et l'on pourrait presque superposer les lignes de courant sur les isobathes. Le maximum de vitesse au pied du banc de Porcupine semble excessif (40cm/s) ; il est dû au gradient de bathymétrie, l'un des plus fort du domaine modélisé. Il est donc probable que les biais de cette régions sont liés aux interactions de la circulation avec la bathymétrie.

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 Plus au sud, on note un biais en température et salinité associé au front des Açores. Celui-ci est bien marqué dans la climatologie de 45°O à 13°O. On retrouve bien dans le modèle un Courant de Açores (voir figure 1.2.5), mais celui-ci n'est pas assez intense. De plus, vers 36°O, la jonction n'est pas assurée avec une branche du Gulf Stream. Cette absence de jonction peut être rapprochée de la position trop septentrionale du Gulf Stream.

 

figure 1.2.5 : moyenne des courants à 300m en 1993-95

figure 1.2.6 : moyenne des courants à 300m en 1993-95

   Dans la région de la rétroflexion du Courant du Brésil Nord (NBC), on voit un biais chaud et salé. Celui-ci est manifestement lié à la position de cette rétroflexion dans le modèle (figure 1.2.6). Plus précisément, le modèle présente une occlusion permanente vers 47°O-6°N. De fait, on pensait il y a une vingtaine d'années qu'il y avait là une structure permanente, la gyre de Demerara (Georgetown). On sait maintenant que la rétroflexion forme assez souvent une boucle, par exemple avant d'expulser un tourbillon vers la Guyane. On peut d'ailleurs vérifier que cette structure est nettement moins visible dans la moyenne du modèle en 1996-98. Toutefois, le biais de 1996-98 est quasiment identique à celui de 1993-95 dans cette région. La simulation a donc tendance à présenter une rétroflexion trop au nord et trop fermée en boucle, tendance exacerbée en 1993-95. Ces mêmes commentaires s'appliquent à l'identique au sujet de la gyre formée du Sous-Courant du Nord Brésil (NBUC) et du Sous-Courant Equatorial Sud (SEUC) vers 30°O-6°S.

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figure 1.2.7 : différences moyenne modèle - climatologie de température et salinité à 1000m

 

A 1000m, les biais de température et salinité sont très similaires (figure 1.2.7). A l'ouest de la dorsale médio-Atlantique, on retrouve un biais chaud au nord de l'axe du Gulf Stream, donc de même signe que le biais à 300m. Au sud de cet axe, on trouve aussi un biais chaud, cette fois de signe opposé au biais à 300m. Ce biais est lié à plusieurs branches de recirculation du Gulf Stream. On peut aussi noter dans la simulation un jet vers l'ouest à 36°N depuis 24°O.

  A l'est de la dorsale, on retrouve le biais présent à 300m, mais de signe opposé. Cette région est donc trop homogène sur la verticale ce qui explique cette opposition des biais en profondeur. Ce manque de stratification a un autre effet : au Courant des Açores est associé un jet de retour qui advecte vers l'ouest des eaux trop peu froides, participant ainsi au biais chaud de la recirculation sud du Gulf Stream.

 

figure 1.2.8 : moyenne des courants à 1000m en 1993-95

   On peut à ce propos faire un parallèle entre le manque de stratification à 1000m des eaux méditerranéennes et celui à 100m au large du Nord Est brésilien. Dans ces deux cas, une thermocline marquée est associée à un maximum de salinité ; le gradient de vertical densité est donc moins marqué que celui de température. Dans cette simulation, le système a tendance à mélanger des eaux de densités voisines mais de caractéristiques différentes. Ceci peut être lié à la paramétrisation du mélange vertical qui est basé sur un critère de densité. L'examen de profils de température et salinité nous éclairera plus à ce sujet.

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à 100m :gyre tropicale NEC-NECC pas assez intense

dôme de Guinée pas assez stratifié et trop chaudcompensation T-S des biais 

à 300m :stratification verticale trop diffuse au large du Nord Est brésilien

contrainte bathymétrique dominante dans la régions des bancs de Rockall et Porcupinepas de jonction du Courant des Açores avec le Gulf Stream

rétroflexion du NBC trop au nord et trop fermé gyre NBUC-SEUC trop intense à 1000m :

stratification verticale trop diffuse des eaux méditerranéennes

 

1.3 Commentaire sur le niveau moyen de la mer

On a vu dans la section précédente qu'il y avait souvent une compensation des biais de température et de salinité, comme cela arrive dans les modèles d'atmosphère entre température et humidité. Premier effet : pas de signature en densité ; deuxième effet : pas de signature en hauteur dynamique. La hauteur dynamique inclut l'élévation du niveau de la mer par effet stérique dû au changement de masse volumique de l'océan (dilatation thermique ou dilution du sel. Quand les biais n'ont pas de signature en hauteur dynamique, ceux-ci sont tout à fait compatibles avec les observations de niveau de la mer puisque indétectables.

 Cependant, cette compensation n'est pas totale, et une partie des biais de température et de salinité a une signature en hauteur dynamique très significative dans certaines régions. Ainsi, voici le biais de hauteur dynamique correspondant au biais du modèle sur la période 1993-95 (figure ci-contre). Ce biais qui dépasse 15cm en moyenne est en fait le résultat cumulé d'une longue intégration du modèle océanique. Ce modèle est parti de la climatologie qui est utilisée dans cette étude. Il a été intégré pendant 9 années avec des forçages atmosphériques climatologiques (la moyenne de la réanalyse "ERA-15" 1979-1993 du Centre Européen). A l'issue de ces 9 années de simulation forcée [spin-up], le modèle a été intégré pendant 11 années pour arriver jusqu'en janvier 1993, date de début de l'assimilation. Le biais 1993-95 (figure 1.3.1) correspond donc à l'intégrale de la dérive du modèle pendant les 20 années de spin-up, augmentée de l'évolution du niveau de la mer pendant la réanalyse MERCATOR.

 

figure 1.3.1 : biais de hauteur dynamique sur la période 1993-95

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biais significatif du niveau moyen fort lien entre le biais du niveau moyen et le biais thermohalin 

effet stérique dû à la diffusion de la stratification verticale

En conclusion de cette section, on peut souligner le lien fort entre le biais de hauteur dynamique et le biais thermohalin du modèle à travers la circulation moyenne. Corriger de quelque façon que ce soit le niveau de référence de son biais est donc très utile pour la qualité des simulations assimilant les anomalies de niveaux de la mer. Cette amélioration est indispensable à moins d'augmenter l'erreur d'observation altimétrique de l'erreur de hauteur dynamique.

Ce qui est sûr, c'est que cette évolution récente est conforme à l'altimétrie satellitale assimilée depuis 1993 (Topex/Poseidon, ERS-1 et ERS-2). Le biais de 15cm ne correspond donc pas à l'élévation réelle du niveau de la mer constaté depuis le début de années 1990. Ce biais de hauteur dynamique est surtout le résultat de la diffusion de la pycnocline pendant les années de spin-up : la stratification verticale a été diffusée, créant artificiellement un effet stérique de montée du niveau de la mer. Il est toutefois possible qu'une petite partie de la diffusion de la pycnocline soit la réponse naturelle du modèle à la réanalyse ERA-15.

  Le réchauffement des dernières années fait partie de cette réanalyse, et la réponse de l'océan à l'excès de flux de chaleur est cohérent. Cette réponse a été peut-être exacerbée par la durée du spin-up, mais aussi par un rappel en surface à la climatologie Reynaud qui correspond à des années plus froides que les années récentes.

Mis à part l'élévation d'ensemble du bassin, on peut surtout retrouver les trois points faibles de la simulation en terme de biais thermohalin et leurs liens avec la circulation moyenne : Gulf Stream et Courant Nord Atlantique trop côtiers, Courant des Açores pas assez intense et gyre NECC-NEC pas assez intense.

Or, la circulation moyenne est imposée dans la configuration MERCATOR PSY1-v1 à travers le niveau de référence altimétrique (ARL ou MSSH). Il s'ensuit que si l'on corrigeait le niveau de référence actuel de son biais, on pourrait corriger une partie des biais de température et de salinité (la MSSH synthétique utilisée dans PSY1-v1 a ainsi permis de réduire ces biais par rapport à la simulation forcée).

  A titre d'illustration, voici le niveau de référence de A001 en 1993-95 corrigé du biais de hauteur dynamique (figure 1.3.2), ainsi qu'une MSSH synthétique déduite d'observations hydrologiques et courantométriques ((figure 1.3.3) , travail de M.-H. Rio) :

figure 1.3.2 : niveau de référence de A001 en 1993-95 corrigé du biais de hauteur dynamique

 

figure 1.3.3 : MSSH déduite d'observations hydrologiques et courantométriques

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Dans la première partie de cette étude, nous avons décrit les biais du modèle et les processus dynamiques auxquels ils étaient liés. Toutefois, nous sommes restés vagues sur l'importance de ces biais : le biais du Gulf Stream est-il important et celui du dôme de Guinée anecdotique? Dans cette partie, nous allons tenter de préciser la hiérarchie des biais. Ensuite, nous complèterons cette vision statique du biais par l'analyse de séries temporelles avec l'aide d'observations in situ du réseau PIRATA.

2.1 Portée des biais : échelles et niveau

Nous venons de voir que la réanalyse PSY1-v1 1993-98 présentait des biais par rapport à la climatologie Reynaud, biais qui pouvaient typiquement atteindre 3°C au niveau de la thermocline et 0.5psu au niveau de la halocline. Plus exactement, voici quelques statistiques pour l'ensemble du domaine (70°N-20°S) :

 

50% du domaine à moins de 0.76°C à 100m 50% du domaine à moins de 0.54°C à 300m 50% du domaine à moins de 0.31°C à 1000m

l A 100m, le biais moyen (moyenne non pondérée par la surface) en température est de 0.4°C (1.3°C en valeur absolue). L'écart type est de 1.9°C. 50% des points du domaine présentent un biais inférieur à 0.76°C.

l A 300m, le biais moyen est 0.3°C (0.87°C en valeur absolue). L'écart type est de 1.3°C. 50% des points du domaine présentent un biais inférieur à 0.54°C.

l A 1000m, le biais moyen est 0.3°C (0.46°C en valeur absolue). L'écart type est de 0.6°C. 50% des points du domaine présentent un biais inférieur à 0.31°C.

  l A 100m, le biais moyen en salinité est de 0.006psu (0.21psu en valeur absolue). L'écart type est de 0.36psu. 50% des points du domaine présentent un biais inférieur à 0.12psu.

l A 300m, le biais moyen est de 0.06psu (0.18psu en valeur absolue). L'écart type est de 0.22psu. 50% des points du domaine présentent un biais inférieur à 0.11psu.

l A 1000m, le biais moyen est de 0.06psu (0.09psu en valeur absolue). L'écart type est de 0.1psu. 50% des points du domaine présentent un biais inférieur à 0.075psu.

Les biais sont généralement concentrés dans quelques régions spécifiques ce qui explique qu'ils soient souvent faibles. Les échelles spatiales caractéristiques des biais sont celles des processus dynamiques auxquels ils sont liés. Pour le Courant Nord Atlantique, l'échelle est d'environ 1000km.

  Pour le Gulf Stream, l'échelle est moindre (~500km) mais le biais présente une forte anisotropie, en accord avec l'axe moyen du Gulf Stream. Pour le Courant des Açores, l'échelle est d'environ 400km. Dans les tropiques, les échelles vont de 1000km à 4000km. L'anisotropie est souvent marquée, en accord avec la circulation moyenne.

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Biais de la réanalyse PSY1-v1 A001 de 1993-98 (suite)

Toutes les informations qui ont été données jusqu'ici sont des valeurs absolues. Ainsi, des biais de 1°C dans la région du Gulf Stream ou dans la région des Açores apparaissent identiques. Or, il est bon de relativiser le biais par rapport à la dynamique (comme l'inverse d'un rapport signal sur bruit). Nous allons tenter de préciser dans quelle mesure les niveaux d'erreur sont significatifs en comparant le biais avec la variabilité océanique locale.

On peut relativiser le niveau d'erreur à partir de l'écart type de l'écart entre la simulation ym et les observations yo qui ont servi à compiler la climatologie (pas la climatologie elle-même). En principe, si l'écart du modèle aux observations suivait une loi normale, alors 68% des écarts devraient se trouver dans l'intervalle [ -

, + ] et 95% dans l'intervalle [ - 2 , + 2 ] où est la moyenne des écarts, autrement dit le biais. Calculer cet écart type impliquerait de reprendre toutes les observations et de déterminer l'équivalent modèle. Cela serait lourd et uniquement possible sur la période 1993-98. De plus, il faudrait savoir extrapoler les écarts entre les points d'observation au point et au moment d'observation, toutes choses qui dépassent le cadre de cette lettre trimestrielle. Pour se faire quand même une idée, on peut partir de l'erreur relative définie par :

( ym - yo ) / ( yo )

Voici en préambule l'écart type de la climatologie de température à 300m figure ci-dessous :

 

  A titre de comparaison, voici en figure 2.1.2 l'écart type de la climatologie mensuelle de la réanalyse sur la période 1993-98 (calculé sur des moyennes mensuelles) :

figure 2.1.1 : écart type de la climatologie de température à 300m

 

figure 2.1.2 : écart type de la climatologie de température à 300m

L'absence de variance dans la mer du Labrador rappelle à quel point il est difficile de compiler une climatologie à partir d'un échantillonnage très partiel et très hétérogène de l'océan. On peut par exemple avoir des doutes quant à l'échantillonnage dans le Golfe du Mexique ou au-dessus de la dorsale médio-Atlantique vers 15°O-15°S voire le long de la ligne entre Trinidad (61°O-10°N) et le Sahara Oriental (16°O-24°N).

  Climatologie Reynaud et climatologie modèle sont donc assez comparables à 300m, à ceci près que la climatologie du modèle est plus énergétique. En résumé, il y des incertitudes conséquentes sur la climatologie et encore plus sur sa variance. Il est alors difficile de connaître avec précision les barres d'erreur à l'intérieur desquelles la climatologie du modèle devrait se trouver. Nous allons donc tenter d'en obtenir une estimation au prix de quelques approximations.

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On vérifie de façon empirique sur les statistiques de PSY1-v1 relatives à l'altimétrie que cette erreur relative est voisine de 0.8 (voir dans le bulletin technique d'assimilation le diagnostic "standard déviation : ratio misift /data"). Si l'on fait l'hypothèse que la variance des observations est voisine de celle du modèle (ce que l'on pourra vérifier avec des mouillages), alors on obtient l'approximation suivante :

( ym - yo ) ~ 0.8 ( ym )

 

biais de température non significatif à 300msur plus de 50% du domaine

 Voici en figure 2.1.3 l'écart type de la réanalyse sur la période 1993-98 (calculé sur des instantanés, les analyses hebdomadaires) :

   En conclusion de cette section, voici en figure 2.1.4 le rapport du biais à l'écart type du modèle ( ym ). Ce rapport décrit la signification du biais : si l'on admet les approximations précédentes, l'intervalle 2x0.8 doit contenir 95% des points.

figure 2.1.3 : écart type de la température à 300m

 

figure 2.1.4 : significativité du biais de température à 300m

Les régions non grisées (1.6 et plus en module) indiquent que le biais est significatif. Nous retrouvons en fait les régions que nous avons déjà mises en exergue dans la première partie de cette étude. Ce que l'on vérifie ici, c'est que 58% des points présentent un biais non significatif.

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Biais de la réanalyse PSY1-v1 A001 de 1993-98 (suite)

2.2 Etude de l'évolution des biais et confrontation avec PIRATA

Nous venons de voir que la réanalyse PSY1-v1 de 1993-98 présentait des biais significatifs par rapport à la climatologie Reynaud dans certaines régions dynamiquement spécifiques. Cependant, plus de 50% des points présentent un biais non significatif (en ce qui concerne la température à 300m). Nous allons maintenant étudier quelques séries temporelles `a l'aide d'observations du réseau PIRATA. Nous allons chercher en particulier à préciser l'évolution temporelle des biais et voir dans quelle mesure le modèle "fait mieux que la climatologie".

Tout d'abord, voici pour mémoire la position des mouillages PIRATA :

Comme nous nous concentrons sur la réanalyse qui s'achève fin 1998, une partie seulement des mouillages est retenue ici, à savoir 38°O-15°N, 38°O-8°N, 35°O-0°N et 10°O-10°S. Les autres mouillages commencent à émettre depuis 1999 ou 2000 et nous serviront ultérieurement à valider l'analyse "temps réel". Nous allons ici comparer les moyennes journalières de PIRATA aux réanalyses hebdomadaires de PSY1-v1.

 

figure 2.2.1 : série temporelle de température à 100m à 38°O-15°N

  Nous commençons par analyser les séries temporelles à 100m et nous débutons par le mouillage le plus septentrional, celui situé sur le chemin du Courant Equatorial Nord (NEC) à 38°O-15°N. La première partie de cette étude nous a montré que sur la période 1993-95, le biais entre la réanalyse (en rouge) et la climatologie (en vert) était quasiment nul à cette profondeur. Nous le vérifions ici et nous voyons en plus que ce biais varie peu d'une année à l'autre. Si nous comparons le cycle saisonnier de la climatologie et celui de la réanalyse, la tentation est grande de conclure que la réanalyse surestime fortement la variabilité océanique. Or, si nous comparons avec les observations PIRATA (en bleu) pendant l'année 1998, nous voyons au contraire que la réanalyse sous-estime légèrement cette variabilité. Il y a effectivement un biais entre la réanalyse et PIRATA de l'ordre de 1°C (la simulation est trop froide). Nonobstant ce biais, les fluctuations sont comparables en phase.

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Biais de la réanalyse PSY1-v1 A001 de 1993-98 (suite)

figure 2.2.2 : série temporelle de température à 100m à 38°O-8°N

  Le mouillage suivant est situé à 38°O-8°N (figure 2.2.2), sur le chemin du Contre-Courant Equatorial Nord (NECC). Nous avions vu que la réanalyse avait un biais chaud à 100m pendant la période 1993-95. En fait, nous voyons que ce biais concerne surtout le début de la simulation, début issu d'une longue simulation forcée (sans assimilation) : 1994-95 est peu biaisé. A l'instar du signal inter annuel (le NECC est un moteur des anomalies climatiques de la région), le biais varie au cours du temps. La réanalyse suggère ainsi que 1996-98 est plus chaud là que 1994-94. PIRATA confirme le biais chaud de la simulation en 1998. La simulation représente bien l'amplitude et la phase du signal observé, en particulier le franc refroidissement de 1999 lié à l'intensification du NECC.

figure 2.2.3 : série temporelle de température à 100m à 35°O-0°N

  Le mouillage suivant est situé à 35°O-0°N (figure 2.2.3), sur le chemin du Sous-Courant Equatorial (EUC) et présente donc une évolution complexe puisque surface et subsurface (vers 100m) évoluent de façon opposée. En dessous de 200m, le signal varie encore différemment. Cette position a été bien échantillonnée cette dernière décennie grâce aux campagnes hydrologiques (CITHER, ETAMBOT...). La climatologie présente un net signal, en accord avec la réanalyse. Hormis le début de 1993, le biais est faible et fluctue peu : le signal inter annuel se traduit plus en terme de phase qu'en terme d'amplitude. PIRATA présente un signal plus dispersé qu'à 8°N ou 15°N. Ceci peut s'expliquer par la nature oscillatoire de l'EUC et par le grand nombre de modes baroclines à l'équateur. La réanalyse simule convenablement la phase et l'amplitude observée, et en particulier le réchauffement de début d'été lié à l'upwelling équatorial au centre du bassin.

figure 2.2.4 : série temporelle de température à 100m à 10°O-10°S

  Le mouillage suivant est situé à 10°O-10°S (figure 2.2.4), dans une zone peu fréquentée et peu étudiée. Le Sous-Courant Equatorial Sud (SEUC) coule plus au nord vers 6°S, et le dôme d'Angola se situe plus à l'ouest vers 5°E-14°S. A l'instar du dôme de Guinée, ce point présente une évolution complexe avec un signal annuel marqué en surface et un signal plutôt bi-annuel en dessous de 100m. La climatologie présente un signal simple. La simulation n'est pas sans rapport à cette climatologie, sans doute en raison du rappel à cette même climatologie au sud de 15°. En raison du trou dans les observations PIRATA pendant la majeure partie de 1998 à 100m, nous avons présenté les séries à 80m et 120m. Cela permet au passage de noter à quel point 100m sépare bien les signaux souvent décorrélés de surface et de subsurface. Le biais de la réanalyse n'est pas significatif. Le modèle surestime la variabilité et le réchauffement à 100m.

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figure 2.2.5 : série temporelle de température à 300m à 38°O-8°N

  Nous entamons maintenant l'analyse des séries à 300m avec le mouillage situé à 38°O-8°N (figure 2.2.5) car il n'y a pas d'obervations à cette profondeur au mouillage le plus septentrional. Nous avions vu en première partie de cette étude que la réanalyse présentait un biais chaud à 300m, et c'est ce que nous retrouvons ici. Ce biais fluctue avec les années de la même façon qu'à 100m. Nous avions aussi vu que le biais à cette profondeur était lié à un défaut de stratification verticale. Si la variabilité de la réanalyse est sous-estimée à 100m, on trouve ici une surestimation à 300m. Ceci découle naturellement du manque de stratification initiale.

figure 2.2.6 : série temporelle de température à 300m à 35°O-0°N

  A 35°O-0°N à 300m (figure 2.2.6), à la base ou en dessous du Sous-Courant Equatorial (EUC), on trouve un signal très dispersé, qui présente des fluctuations interanuelles importantes, ce qui n'était pas le cas à 100m. Par rapport à la climatologie, la simulation présente un léger biais en 1993-95. Ce biais est plus important en 1996-98, comme le confirme PIRATA.

figure 2.2.7 : série temporelle de température à 300m à 35°O-0°N en 1998

  Si l'on regarde isolément l'année 1998 (figure 2.2.7), on s'aperçoit combien la mesure est complexe, s'agissant pourtant de moyennes journalières. La période la plus remarquable concerne mai-juin : la température observée oscille régulièrement entre deux valeurs, oscillations qui atteignent leur apogée début juin. Le cycle d'assimilation d'une semaine n'est par construction pas adapté à de si hautes fréquences. Toutefois, ces oscillations ne sont pas étrangères au modèle qui présente naturellement des fluctuations du niveau de la mer d'environ 5cm (de pic à pic). Au final, la réanalyse se tire honorablement de cette situation complexe et l'on peut trouver quelques similitudes avec PIRATA.

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En conclusion de cette section, on peut noter que la moyenne de la climatologie est plutôt en accord avec PIRATA. Le cycle saisonnier est souvent grossier, vraisemblablement en raison d'un manque d'échantillonnage. De ce point de vue, en dépit de ses biais, la réanalyse présente un cycle saisonnier plus réaliste. La réanalyse représente convenablement la phase des fluctuations observées par PIRATA. L'amplitude est un peu sous-estimée à 100m, et un peu surestimée à 300m, ceci en raison d'un manque de stratification verticale au début de l'assimilation : la variabilité de la réanalyse est trop diffuse sur la verticale.

 

moyenne de la climatologie en accord avec PIRATAcycle saisonnier de la climatologie souvent grossierfluctuations de la réanalyse en accord avec PIRATAvariabilité de la réanalyse trop diffuse sur la verticale

figure 2.2.8 : série temporelle de température à 300m à 10°O-10°S

  Le dernier mouillage à 10°O-10°S (figure 2.2.8), présente aussi une situation complexe tant le lien avec les couches supérieures est ténu. La réanalyse parait nettement biaisée par rapport à la climatologie, mais PIRATA infirme ce fait. En revanche, la réanalyse surestime l'amplitude du signal, avec un accord variable en phase.

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2.3 Commentaire sur l'assimilation des observations in situ

 

En conclusion de cette section, nous soulignons le challenge que présente l'assimilation des observations in situ dans un modèle significativement biaisé sur la moitié du domaine. Il y a différentes pistes face à cet obstacle : l'éviter en ne retenant des observations in situ uniquement les anomalies, le résoudre en lissant les corrections ou en assimilant la climatologie avec une erreur ad hoc. Il existe aussi deux autres ingrédients : faire un court spin up depuis la climatologie ou en partir directement, et enfin utiliser un niveau de référence altimétrique compatible avec les observations in situ.

En deuxième partie d'étude, nous venons de voir que la réanalyse présentait des biais de grande échelle (~10° de longitude) et que ces biais évoluent peu dans le temps. L'échelle des biais est telle que les biais vont être difficiles à corriger avec les observations in situ éparses de cette décennie, si l'on ne veut pas "étaler la sauce", c'est-à-dire faire un lissage important lors de l'assimilation des observations in situ. Typiquement, si une ligne d'observation in situ (par exemple des mesures XBT sur un navire d'opportunité) traverse une région biaisée, seule la bande située autour de la ligne va être corrigée (comme une trace de pneu dans la terre meuble). Il s'ensuit que des gradients artificiels vont être créés, menant lieu à des instabilités ou propagations complètement injustifiées.

Comme les biais évoluent peu dans le temps, il est envisageable d'utiliser la climatologie comme une super observation (une observation qualitative), avec sa propre erreur associée. Ce second point n'est pas trivial mais une solution convenable semble accessible. Une alternative serait de ne retenir des observations in situ que les anomalies par rapport à une climatologie du modèle, l'état moyen restant inchangé.

  Nous avons vu que le biais résulte de la longue intégration forcée précédant l'assimilation (spin up du modèle). Une possibilité pour réduire le biais serait donc de limiter le spin up à une courte période, voire de débuter l'assimilation directement de la climatologie. La climatologie ne correspondrait naturellement pas bien à la date de début de la simulation (on a vu que le cycle saisonnier est grossier), mais le biais est manifestement plus grand que l'inadéquation de la climatologie. Il est aussi vraisemblable que le modèle ne soit pas équilibré au démarrage depuis la climatologie. Rien n'empêche cependant que le modèle atteigne un état équilibré avec l'assimilation. Cela n'est toutefois possible que si l'on sait fournir un niveau de référence altimétrique (MSSH) convenable. Ce qui est essentiel, c'est que le niveau de référence corresponde bien aux observations in situ. Le cas échéant, les observations altimétriques tireraient le modèle dans une direction, et les observations in situ dans une autre. La disparité de la couverture de ces deux types d'observations conduirait alors à des biais régionaux, et `a toutes sortes de transitoires artificiels.

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- La devinette -

Cela fait peur, non ? Pourtant, ce n'est pas Halloween. Alors quoi ? Le monstre du Loch Ness en balade dans MERCATOR ? Le serpent de mer de l'été ? Cette devinette n'est pas maligne, il faut simplement trouver quel champ du modèle peut présenter une telle structure...

 

Réponse page suivante

 

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- La devinette : Réponse -

Il s'agit de la prévision à une semaine de la profondeur de la couche de mélange entre Islande et Gröenland. Ce qui est intéressant, ce sont les fines structures que l'on retrouve aussi dans le courant à 100m. Cela montre qu'en dépit d'une résolution de 20km dans cette région, le système d'analyse-prévision est capable de maintenir de l'énergie aux petites échelles même après 7 jours de prévision.

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- Comparaison des échéances -

Cet article est une première illustration de la qualité des diverses échéances des produits MERCATOR. Chaque mercredi, le présent système d'analyse-prévision PSY1-v1 produit une analyse pour le jour même (J), ainsi qu'une prévision à une semaine (J+7) et une prévision à deux semaines (J+14). Le système produit aussi deux analyses pour les semaines écoulées (réanalyse ou rétrovision). En l'occurrence, l'analyse antérieure de 2 semaines au jour J (J-14) constitue en principe la meilleure estimation produite par le système. C'est en tout cas celle qui a intégré le plus d'observations satellitales, et le moins de forçages atmosphériques prévus. Pour une date donnée, il est alors possible de comparer ces diverses échéances. Si l'on admet que la rétrovision J-14 constitue une bonne approximation de la réalité, alors on peut l'utiliser comme validation des autres échéances. C'est ce qui est couramment fait en météorologie. Voici en figure 1 cet exercice réalisé pour la date du 27-6-2001, tout d'abord présenté avec le champ de niveau de la mer sur l'ensemble du domaine aux échéances J+14, J+7, J et J-14 :

figure 1 : niveau de la mer aux échéancesJ+14 (haut gauche), J+7 (haut droite), J (bas gauche) et J-14 (bas droite) 

 

 

  

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Tout d'abord, il est agréable de constater qu'il n'y a pas de grosses différences entre les diverses échéances. C'est une propriété appréciable pour un système qui fonctionne de manière intermittente (corrections successives chaque mercredi). Cela témoigne aussi de la cohérence des prévisions du Centre Européen : les forçages atmosphériques prévus sont voisins de ceux analysés. Bien sûr, il y a des différences à l'équateur, au large du Brésil, au large du Cap Hatteras et de Terre Neuve, dans la gyre subpolaire... Mais les ondes tropicales sont bien rendues à 7°S et 7°N. La région de la campagne intensive Pomme est aussi bien représentée. On peut même s'étonner de la cohérence des échéances sur le plateau continental européen, du Golfe de Cadix à la Mer de Norvège. Mais que se passe-t-il à petite échelle ? Voici un début de réponse avec un exemple dans le Golfe du Mexique, région d'importante activité tourbillonnaire.Le champ de vitesse de surface est présenté en figure 2 aux échéances J+14, J+7, J et J-14 :

figure 2 : courant de surface aux échéances J+14, J+7, J et J-14 

Il est clair que les grandes lignes de la circulation sont bien reproduites au jour J ou même en prévision. Mais on perçoit bien l'apport de la rétrovision J-14 par rapport à l'analyse du jour J : il y a plus de détails comme à l'est du Yucatan ou au niveau de l'occlusion entre Cuba et les Etats-Unis.

En conclusion, on peut noter une bonne cohérence entre les diverses échéances. Ceci s'applique à propos de la circulation à grande et à moyenne échelle, et, dans une moindre mesure à la mésoéchelle. Il apparaît aussi que la rétrovision J-14 est plus détaillée que l'analyse du jour J. Elle semble donc à privilégier pour les études réalisées en temps différé.

 

 

  

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- Bloc Note -

 

A lire

l La lettre du pigb-pmrc - Juillet 2001 - n°12(Programme International Géosphère Biosphère)(Programme Mondial de Recherche sur le Climat) "MERCATOR, analyses et prévisions de routine pour l'océan global" (Pierre Bahurel)

  Edition

Corinne GuioseEric Greiner

Auteur

Les articles ont été rédigés par Eric Greiner.

Prochaine édition : début octobre

Un peu de fraicheur sur les côtes, avec les upwelling côtiers et équatoriaux.

Ces remontées d'eau froides constituent un phénomène saisonnier essentiel dans le cycle du carbone. En effet, chaque année vers la même époque, le vent chasse les eaux de surface, pour laisser la place aux eaux plus profondes souvent riches en nutriments, ingrédients indispensables à la production primaire et à la vie marine. Ce phénomène sera mis en vedette dans la prochaine newsletter. Les températures de surfacede MERCATOR seront comparées aux températures de surface satellitales, ce qui constituera la première validation des données MERCATOR en surface.

Des détails et de belles images en octobre prochain.

  Remerciements

Tous nos remerciements à :

l Pierre Bahurel l Laurence Fleury l Pierre Yves Le-Traon l Christian Le-Provost

pour leur précieuse aide pour la rédaction et la relecture de cette lettre.

Adresse

N'hésitez pas à nous faire part de vos remarques, à l'adresse :[email protected]