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PATENTED ©Santakam LOBBYS AGRICOLES: ENJEUX ET CONTROVERSES 3,50€ Décryptage: L’avenir de l’alimentation mondiale, vu par les lobbys Enquête sur les AMAP: Sont-ils des concurrents potenciels? A la découverte du Corporate European Observatory... Focus: Paragua: le soja fait débat

"Patented" - Lobbys agricoles: enjeux et controverses

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LOBBYS AGRICOLES: ENJEUX ET CONTROVERSES

3,50€

Décryptage: L’avenir de

l’alimentation mondiale, vu par

les lobbys

Enquête sur les AMAP:

Sont-ils des concurrents

potenciels?

A la découverte du Corporate European Observatory...

Focus:

Paragua: le soja fait débat

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Article

Les lobbys. Ces fameux groupes secrets, présents un peu partout dans le monde et pourtant très peu ou mal connus. Des groupes secrets aux véritables entreprises, élaircissements sur le mythe du lobbying…

Un mot anglais

comme point de

départ.

A l’origine, le terme de lobby désigne un hall d’entrée, un es-pace où tout le monde est susceptible de se croiser et donc propice aux discussions. En 1830, en Angleterre, on employait le terme de lobby pour désigner les couloirs de la Chambre des communes, un des deux organes qui constituent le Par-lement. Entre deux séances, les membres de groupes de pression pouvaient venir discu-ter avec les parlemen-taires, et donner leur avis voire même les in-ÀXHQFHU�VXU� OHV� ORLV�HQ�cours d’adoption.Aujourd’hui, le terme

de lobby est passé dans le langage com-mun comme un syno-nyme de « groupe de pression », selon le dictionnaire Larousse. Et en ce qui concerne le groupe de pression, OH�GLFWLRQQDLUH�OH�Gp¿QLW�comme suit : « un or-gane de défense d’in-térêts ou de valeurs, qui essaie par divers moyens (campagnes, action directe, pres-VLRQV��HWF���G¶LQÀXHQFHU�la décision politique dans un sens qui lui soit favorable. » 8QH� IRLV� FHWWH� Gp¿QL-

tion énoncée, l’objectif des entreprises de lob-bying devient évident : faire passer l’intérêt de

particuliers, de groupes de personnes ou des entreprises comme un intérêt général. Pour cela, il faut avant tout lui donner un cadre lé-gislatif, autrement dit, faire voter une loi qui sied aux intérêts de ceux qui ont fait appel à l’entreprise de lobbying. Evidemment, qui dit

voter une loi dit entrer dans la sphère poli-tique. Les députés sont donc la cible privilé-giée des lobbyistes, qui peuvent aussi en fonc-WLRQ� GH� OHXU� LQÀXHQFH�accéder directement à des ministres parfois très haut placés…

Carnet d’adresses

Mais comment de simples entreprises parviennent-elles à faire voter une loi ? La réponse tient en deux mots : les contacts. Car un carnet d’adresses bien rempli est essen-tiel dans le milieu du lobbying. Les relations sociales sont au cœur de ce type d’entre-prise. Vie privée/vie publique, la fron-tière est mince dans ce milieu où pour obtenir ce que l’on veut, il faut savoir sé-duire. Emails, pe-tits-déjeuners ou diners « d’affaire », amendements déjà rédigés, pro-messes de sou-tien politique ou

¿QDQFLHU���� 9RXV� DYH]�dit corruption?

Lobbyisme,

démocratie et

corruption, où est

la limite ?

Si le lobbying a une si mauvaise image, c’est que pas très loin, plane le spectre de la corrup-tion. Beaucoup voient en effet ces entreprises d’un très mauvais œil, les accusant d’ache-ter certains politiques pour répondre aux exi-gences de leurs clients, parfois très puissants et dont le soutien pour les politiques peut s’avérer décisif. Bien au-delà, il est légitime de s’inter-roger sur la compati-bilité du lobbying dans des pays qui prône la démocratie. Car dans des pays où l’intérêt du peuple est censé pri-mer sur l’intérêt du par-ticulier, le lobbying, qui fait passer l’intérêt d’un petit groupe de per-sonne avant tout, a-t-il sa place ?

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LES LOBBYS EXPLIQUES

SOMMAIRE

Les lobbys expliqués...p.2

La PAC: «objectif souveraineté» ... p.3

Décryptage «De l’avenir de l’alimention modiale, vu par les lobbys».............p.4-5

Des lobbys au quotidien...p.6

Interview: Rencontre avec Kokopelli...p.7

Enquête: «AMAP, le concurrent inattendu»....p.8-9

Focus: «Le soja, or noir du Paraguay»....p.10-11

C.E.O, bête noire des lobbyistes.....P.12

PATENTED10, rue Alexandre Parodi 75010

Directeur de la publication: Michel BALDIDirecteur de la rédaction: Michel BALDI

LA P.A.C: «OBJECTIF SOUVERAINETÉ»Alors que l’Europe aspire à devenir une superpuissance, capable de rivaliser sur tous les domaines avec la Chine et les Etats-Unis, la question agricole devient de plus en plus essentielle. Car pour faire partie des grands, et éviter des pressions économiques internationales aux conséquences démesurées, un pays, et à plus grande échelle une communauté, doit être capable d’assurer l’alimentation de sa population. C’est dans cet état d’esprit que la PAC a vu le jour et n’a depuis cessé de se développer pour tenter de répondre aux nouveaux besoins européens.

Instaurée en 1957 par le Traité de Rome, la Politique Agricole Commune est une des leçons

tirées de la Seconde Guerre Mondiale. Après les restrictions et pénuries alimentaires pendant la période d’occupation, les diri-geants des pays européen décide d’assurer leur propre souveraine-té alimentaire. Mise réellement en place en 1962, la PAC s’est donnée pour mission principale d’accroitre la productivité agricole européenne. Pour cela, elle s’est ¿[pH�FLQT�REMHFWLIV�SUpFLV���DFFURL-tre la productivité de l’agriculture, stabiliser les marchés, offrir un niveau de vie équitable à la po-pulation agricole, assurer des prix raisonnables aux consomma-teurs et garantir la sécurité des approvisionnements. Entre 1962 et 1984, la politique de la PAC a donc tourné autour de la question GH� O¶DXWRVXI¿VDQFH� DOLPHQWDLUH��Deux stratégies ont été menées de front : la première portait sur

OD� ¿[DWLRQ� GHV� SUL[� SRXU� OHV�agriculteurs, et la deuxième, plus structurelle a notamment favorisé le gel des terres, les aides à la reconversion et aux investissements. Une stratégie qui a visi-

blement portée ses fruits, puisqu’en 1984 l’Europe at-WHLQW� O¶DXWRVXI¿VDQFH� DOLPHQ-taire, et est même excéden-taire. Mais cette réussite sera VRXUFH�GH�QRXYHDX[�FRQÀLWV��notamment sur la gestion des stocks d’excédents. $XWRVX¿VDQWH�j�FRPSWHU�GH�

1984, l’Europe doit désormais apprendre à gérer ses stocks.

Car s’ils apparaissent comme un point positif à première vue, la gestion des stocks nécessite une QRXYHOOH� RUJDQLVDWLRQ� ¿QDQFLqUH��C’est en 1993 que la réforme MacSharry entre en vigueur. Dé-sormais, les aides allouées aux agriculteurs ne seront plus ver-sées en fonction des prix mais aussi en fonction des aides di-rectes, qui sont calculées sur des YDOHXUV�¿[HV�FRPPH�OD�VXSHU¿FLH�des exploitations et aussi leur rendement moyen. Plus concrè-tement, cette réforme s’est donc traduite par une forte diminution des prix de soutien adjugés aux agriculteurs. Cette première réforme sera

suivie en 2000 par l’Accord de %HUOLQ�� SUpVHQWp� RI¿FLHOOHPHQW�comme « une révision à mi-par-cours ». La PAC recentre son ac-tion, en se concentrant sur deux piliers essentiels : l’agriculture et le développement durable. Ce deuxième aspect devient vite

primordial, alors que la question de l’avenir alimentaire européen prend une importance nouvelle. Un nouveau budget de 40,5 mil-liards d’euros par an est voté et la politique de soutien aux prix agricoles est remplacée par une politique de soutien aux revenus agricoles. Calculées uniquement à partir des revenus, les aides al-louées aux agriculteurs diminuent à nouveau. Par la suite, la PAC accordera une importance crois-sante à la dimension écologique et à la préservation de l’environ-nement.

Europe 2020 : le programme

français

Le 26 Juin 2013, le Parlement européen, la Commission et les (WDWV�PHPEUHV�RQW�Gp¿QL� OD�SROL-tique agricole commune pour la période 2014-2020. Aujourd’hui première puissance agricole de l’UE, la France compte bien le rester, et prévoit un budget agri-cole de 64 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Cette ré-forme se caractérisera notam-ment par un soutien important aux éleveurs et à l’agriculture de montagne, une augmentation de 100 millions d’euros pour l’enve-loppe consacrée à l’installation des jeunes agriculteurs, et une priorité renforcée sur la question des pratiques environnementales et de l’agriculture biologique. Pour la France comme pour

l’Union Européenne, il s’agit donc de rester compétitif sur le marché agricole, face à des puissances comme la Chine par exemple.

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Article

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Décryptage Décryptage

DE L’AVENIR DE L’ALIMENTATION MONDIALE, VU PAR LES LOBBYSLa question de la surpopulation est de plus en plus fréquemment posée et une autre question la suit de près : comment nourrir l’ensemble de la planète ? Pour apporter des réponses, deux JURXSHV�V¶DIIURQWHQW���OHV�SXLVVDQWHV�¿UPHV�PXOWLQDWLRQDOHV�GH�O¶DJUR�DOLPHQWDLUH�HW�OHV�V\QGLFDWV�et confédération agricoles. De l’intérêt de chacun, dépend l’avenir de l’alimentation mondiale…

Alors que la ques-tion de la surpo-pulation est de

plus en plus souvent po-sée, un enjeu demeure: comment nourrir les ha-bitants de la Terre ? Au niveau européen,

c’est à Bruxelles que se joue cette partie. Des lobbystes purement agricoles comme ceux de la Confédération Paysanne affrontent ceux des multinatio-nales de l’agroalimen-taire. Intérêts d’un seul, intérêts d’un groupe...

Lobbys agricoles,

lobbys de

l’agroalimentaire :

ce qui les oppose

Parmi les acteurs de cette lutte, la Confé-dération Paysanne est sans doute l’un des plus importants. Et concer-nant l’avenir de l’ali-mentation mondiale, son avis est très clair : la Confédération pay-sanne se positionne en faveur d’une souverai-neté nationale alimen-taire, qui permettrait selon elle de résoudre en grande partie la question de l’avenir de l’alimentation mondiale. Sur leur site, la Confé-GpUDWLRQ� Gp¿QLW� OD� VRX-veraineté alimentaire comme un « droit des populations, de leurs Etats ou Unions à dé-

¿QLU� OHXU� SROLWLTXH� DJUL-cole et alimentaire, sans dumping vis-à-vis des pays tiers. », le dum-ping étant synonyme de concurrence déloyale. Cette souveraineté ali-mentaire passe par la priorité donnée à la pro-duction agricole locale pour nourrir la popula-tion, le droit des agri-culteurs de choisir et produire les aliments de leur choix, ainsi que le droit des états à se pro-téger des importations à trop bas prix, qui favo-riseraient la production extérieure au détriment de la production locale. Face à la Confédéra-

tion Paysanne, les mul-tinationales comptent elles aussi dans leurs rangs des lobbystes, redoutablement armés, grâce à leurs ressources ¿QDQFLqUHV� HW� UHODWLRQV�avec les plus hauts diri-geants. Le cas Monsan-to est sans doute le plus parlant, avec la relation entre les Bush père et ¿OV� HW� OHV� GLULJHDQWV� GH�OD� ¿UPH�� (Q� )UDQFH��l’ANIA, Association Na-tionale des Industries Alimentaires est l’une des associations de dé-fense des entreprises de l’agroalimentaire. A sa tête, Jean-Philippe Girard, chercheur en biologie cellulaire et fon-dateur de l’entreprise (XURJHUP�TXL�VH�Gp¿QLW�

lui-même comme un « homme de réseaux ». Dès son investiture, il a clairement établi les objectifs de son man-dat. Il s’agit pour lui de « mettre en place les leviers nécessaires à la croissance, à l’em-ploi et à la restauration des marges de l’indus-trie alimentaire ». Mais derrière ces termes soigneusement choisis, en quoi consiste réelle-ment le rôle de l’ANIA ? Pour connaitre leurs po-sitions et leurs objectifs, prenons comme point de départ la révision de la loi de modernisation de l’économie (LME), dite Loi Hamon, soute-nue par Stéphane Le Foll, ministre de l’agri-culture en Mars der-nier. Cette loi a comme objectifs le réquilibrage des relations produc-teurs/distributeurs, une transparence accrue avec des clauses puni-tives en cas de trompe-rie alimentaire, et sur-tout, une réorientation de la PAC en faveur des petits éleveurs. Face à cette modernisation en cours, l’ANIA, soutenue par la Fédération Na-tionale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) et par la Coop de France est mon-tée au créneau. Pour Jean-Philippe Girard, la LME n’a fait qu’aggraver

les déséquilibres entre les entreprises du sec-teur de l’agroalimentaire et les entreprises de distributions. Dans un

communiqué du mois de Novembre, il désigne cette loi comme « […] le fossoyeur, depuis son entrée en vigueur, des entreprises agroalimen-taires». Il en réclame donc l’abrogation et la négociation sur la base des tarifs de vente des fournisseurs unique-ment. Les dirigeants de l’ANIA, de la FNSEA et de la Coop ont d’aileurs été reçus à Bercy, où ils ont fait valoir leurs po-sitions. L’ANIA défend donc les intérêts des 13 entreprises de l’agroa-limentaire françaises, qui traitent directement avec sept grandes en-

treprises de distribution. Une vision productiviste HW� WRXUQpH�YHUV� OH�SUR¿W�des entreprises qu’elle représente. Des intérêts qui divergent radicale-ment de ceux défendus par la Confédération Paysanne…

A intérêts

divergents, résultats

différents

Avec des intérêts aus-si opposés, les solu-tions proposées pour résoudre la question de

l’alimentation mondiale sont évidemment diffé-

rente. Les lobbys agricoles

comme la Confédéra-tion Paysanne ont re-cours à des techniques locales et nationales, qui privilégient les pe-tits agriculteurs et non les entreprises. En Septembre dernier, les membres de la Confé-dération se sont réunis sous le slogan « Des fermes, pas des usines ! ». Sur leur site, ils mi-litent en faveur d’une politique agricole, ba-sée sur la garantie de prix rémunérateurs couvrant les frais de production agricoles et des prix équitables pour les consommateurs, le maintien des fermes H[LVWDQWHV��GHV�¿QDQFH-ments favorisant l’ins-tallation de nouvelles structures fermières ainsi que le développe-ment d’une agriculture verte et durable et le dé-veloppemet de la culture de protéines locales, pour favoriser l’indé-pendance des fermes et à long terme la souve-raineté nationale. Ces mesures sont résumées en une phrase, mise en exergue sur leur site «

La mission de l’agricul-ture est de nourrir les hommes et non de pro-duire des agro-carbu-rants ! ». Face à eux, les as-

sociations comme la FNSEA ou l’ANIA dé-fendent l’innovation et la recherche dans les secteurs agroalimen-taires. Elles regrettent notamment que seu-lement 0,5% du chiffre d’affaire des entreprises françaises soit consacré à cette recherche, ar-guant que deux innova-tions sur trois seraient EpQp¿TXHV� j� O¶HQYLURQ-nement. Elles militent pour une augmentation du nombre de brevets dans le secteur de l’ali-mentation et des bois-sons, qui n’en compte que 2%, selon les chiffres du Ministère de l’Agroalimentaire. Dans ce sens, l’ANIA a pour partenaire des instituts et centre de recherches publiques comme l’IN-RA, mais aussi privés.6DQV� RVHU� O¶DI¿UPHU�haut et fort, l’ANIA va donc dans le sens de la culture des OGM et hybrides, qui permet-traient aux entreprises

de l’agroalimentaire dé-tentrice des brevets et techniques de produc-tion de contrôler l’avenir de la production alimen-taire mondiale.

Deux partis antago-nistes, deux solutions pour l’avenir de l’ali-mentation mondiale. D’un côté, les agricul-teurs « traditionnels », qui voient dans la souveraineté nationale alimentaire une solu-WLRQ�HI¿FDFH��GXUDEOH�HW�écologique. De l’autre, des entreprises multina-tionales, qui souhaitent contrôler les moyens de productions, tout en engrangeant des EpQp¿FHV� LPPHQVHV��En France, la lutte fait rage. Contrairement à certains pays comme les Etats-Unis, les lob-bys agricoles ont en-FRUH� XQH� LQÀXHQFH� QRQ�négligeable au sein des commissions politiques. La culture française, très liée à l’agriculture n’y est sans doute pas pour rien. Mais à l’heure R�� OH� SUR¿W� HVW� GHYHQX�le maitre-mot, l’avenir s’annonce plus déli-cat…

© Mathieu Eisinger

L’importance de la libre circulation et reproduction des semences libres de droits pour

l’avenir de l’alimentation mondiale, vu par Ananda Guillet, directeur de Kokopelli

«C’est primordial dans la mesure où sans cela, nous allons droit vers une uniformisation des variétés, ce qui aurait des conséquences inimaginables sur les êtres vivants, humains comme végétaux, pour qui la diversité est essentielle. Et c’est sans compter l’aspect économique de la chose. Lorsqu’un agriculteur utilise des OGM ou même

des hybrides, il est entièrement dépendant de l’entreprise: la semence est patentée, donc il doit la ra-cheter cahque année, avec en plus toute une panoplie d’engrais de synthèse, de produits chimiques, de pesticides… La multinationale a tout à y gagner. Si on va plus loin, cette mainmise des industrie sur la reproduction des semences a même des conséquences sur l’avenir de l’agriculture biologique. En réalité depuis 60ans, on a tué les sols, ils n’ont plus de nutriments. Ça serait un champ de polystyrène que ça serait pareil… Même si tout le monde se réveillait demain en voulant passer à l’agriculture bio, on ne pourrait pas. Il faut être réaliste. /D�TXHVWLRQ�GH�O¶DOLPHQWDWLRQ�PRQGLDOH�HVW�GRQF�WUqV�GLI¿FLOH�j�UpVRXGUH��&HUWDLQV�JRXYHUQHPHQWV�SUp-

sentent les OMG et les hybrides comme une solution mais c’est faux. Il faut savoir qu’entre une tomate naturelle et une tomate hybride la différence est énorme : la tomate hybride, qui est gorgée de produits chimiques et d’eau n’a plus rien à voir avec une vraie tomate. Il n’y a plus de nutriments, de ce qui fait une tomate. Quand on la mange, on mange de l’eau.»

Jade TOUSSAY

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DES LOBBYS DANS LE QUOTIDIENL’action des lobbys est quasiment impossible à voir pour le consommateur. Rares sont ceux qui connaissent véritablement l’impact des entreprises de lobbying de l’agroalimentaire sur des produits qu’ils consomment pourtant au quotidien. Mais derrière les propagandes “gouvernementales” et les “décisions de l’Assemblée”, les lobbyistes ne sont peut-être pas si loin…“Pour votre santé, évitez les ali-

ments trop gras, trop salés, trop sucrés”. Une phrase anodine apparue sur les chaines de télé-vision en 2006, suite à la cam-pagne de l’OMS contre l’obési-té. Sauf que cette phrase est en réalité le fruit d’un ardent travail de lobbyisme des entreprises agroalimentaires, contre l’AFS-SA, l’Agence Française de Sécu-rité Saniraire de l’Alimentation. A l’origine, l’idée émise en 2004 en-visageait la suppression pure et simple des publicités alimentaires pour les enfants, méthode qui a déjà fait ses preuves au Qué-bec et en Suède. Huit ans plus tard en France, rien n’a pourtant changé, si ce n’est l’apparition de ces fameuses phrases d’avertis-sement. Comment en arrive-t-on de la suppression de publicités à un spot publiciatire aux effets très contestés?

“Mangez au moins cinq

fruits et légumes par jour”

Suite à la demande formulée par l’AFSSA, l’ANIA, la princi-pale association de l’agroalimen-taire, avait immédiatement réagi “ Vous aurez des problèmes avec vos chaînes de télé préférées. Laissez-nous en paix, on vous renverra la balle.” Le message est clair. Le ministre de la San-Wp� 3KLOLSSH� 'RXVWH�%OD]\� DYDLW�alors opté pour l’adoption de ces bandeaux préventifs, sans céder complètement à la pression de l’agroalimentaire: à compter de Janvier 2006, ces messages pré-ventifs devaient obligatoirement

être présents dans les publicités alimentaires, sous peine pour les annonceurs de devoir verser une taxe à l’Institut National de Pré-vention et d’Education à la Santé (INPES), correspondant à 1,5% des sommes investies dans la dif-fusion des spots. Malgré des ré-actions virulentes de l’ANIA, cette dernière mesure fut respectée. Mais ce n’est pas là la seule ba-

taille entre lobbyistes et profes-sionnels de la santé...

Des feux tricolores aux

tableaux nutritionnels…

'LI¿FLOH�GH�VDYRLU�TXHOOHV�TXDQ-tités de sucre ou de graisse sont contenues dans les aliments. De petits tableaux nutritionnels sont pourtant censés aider les concommateurs. Mais qui y com-prend quelque chose?En Angleterre, le système des

Feux Tricolores a résolu le pro-blème. Le procédé est simple: à côté de chaque ingrédient utili-Vp���VHO��OLSLGHV��VRGLXP«��¿JXUH�

son grammage, et surtout, un petit rond vert, orange ou rouge. L’idée? Quand la quantité est trop importante et peut nuire à la san-té, le feu est rouge. A l’inverse, si la quantité est faible, il sera vert. Qu’en est-il en France et dans le

reste de l’Europe? C’est la Cor-porate Europe Observatory, une ONG basée à Bruxelles où elle dé-nonce les actions des entreprises de lobbying, qui éclaire l’affaire. En Juin 2010, elle publie un rap-port “Feu rouge pour l’information des consommateurs”, qui dévoile les manoeuvres des groupes de pression, responsables selon elle du rejet des Feux Tricolores par la Comission Européenne. Parmi les arguments avancés par les lobbyistes, une étude en faveur de la mise en place des tableaux, réalisée par l’European Food In-formation Council, un institut en SDUWLH�¿QDQFp�SDU�GHV�LQGXVWULHOV�parmi lesquels Nestlé et Co-ca-Cola et dont la directrice est Joséphine Wills, ex-directrice en chef du lobby du groupe Mars… /H�FRQÀLW�G¶LQWpUrW�HVW�pYLGHQW��$X�total, les lobbysites auront dépen-sé un milliards d’euros dans cette affaire. Une somme dérisoire, par rapport à ce qu’ils aauraien pu perdre avec ces faleux Feux Tri-colores...

6L� YRXV� FUR\LH]� TXH� OHV� OREE\V�ne vous concernait pas, vous voi-là prévenus. Au quotidien, dans l’agriculture comme ailleurs, une décision n’est jamais prise à la légère. Et derrière chacune, des acteurs y jouent leurs intérêts.

©Mondelex2013

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Interview

ANANDA GUILLET «KOKOPELLI NE FAIT PAS DANS LA DEMI-MESURE»

Comment travaillez-

vous ?

Nous sommes très actifs sur le web mais nous sommes essentiellement sur le terrain, en distribuant le plus de semences libres et reproductibles possibles à nos adhérents. Plus techniquement,

nous avons deux modes de distributions. Au niveau de la France, nous commercialisons les semences. Cette gamme « Boutique » est produite par des producteurs professionnels. En France, on compte environ 9000 adhérents, pas forcément du milieu militant.Pour les pays les plus

pauvres, nous avons une gamme «Collections et dons», produite par nos adhérents. Ce sont eux qui parrainent certaines variétés, en récoltent la semence et nous la renvoient.

Nous l’envoyons après par le biais de notre compagnie «Semences sans frontières», à la demande d’ONG ou d’associations européennes. Nous sommes obligés de cibler des organisations reconnues car les coûts engagés sont importants, il faut donc s’assurer que c’est une action sur le long terme. En moyenne, 350 colis, de 1,5kg à 3kg partent tous les ans avec de la documentation pour que les communautés qui les reçoivent puissent devenir autonomes.

Quelle est votre

position vis-à-vis de

vos opposants mais

aussi des associations

similaires?

Nous nous battons ef-fectivement contre la mainmise de l’industrie de la pétrochimie parce que pour nous les se-mences libres et repro-

ductibles doivent appar-tenir au domaine public et ne peuvent pas être soumises à une législa-tion quelconque. Pour l’Etat, Kokopelli est sur liste rouge, à abattre parce que nous sommes les seuls en Europe à aller jusque devant les tribunaux pour notre tra-vail. C’est vraiment du militantiseme. Après nous n’avons

jamais vraiment été confronté directement à des lobbyistes. On se doute que lorsque nous sommes attaqués il y a quelques grands groupes derrière mais ça reste une supposi-tion.Pour les autres asso-

ciations comme «Se-mons la biodiversité», il n’y a pas vraiment de comparaison possible. Kokopelli refuse la de-mi-mesure, alors q’eux cherchent des compro-mis. Notre position est beaucoup plus radicale.

Trois textes de loi

autour de la protection

des entreprises

de semences sont

actuellement étudiés.

Votre position?

Si ces lois visent à entraver le travail de Kokopelli, nous ne les respecterons pas. Nous sommes de toute fa-çon déjà dans l’illégalité aux yeux du gouverne-

ment. Depuis des an-nées, nous subissons des pressions de ce type. C’est une aberra-tion quand on sait que les semences que nous distribuons ne sont pas inscrites au catalogue RI¿FLHO� GHV� YDULpWpV� GX�GNIS (ndlr : Groupement National Interprofessionnel des Semences dont le ca-talogue).

Peut-on parler d’une

volonté mondiale de

changer l’agriculture ?

Oui bien sûr, en France et même en Europe, c’est un sujet dont on parle de plus en plus. Les gens ont envie d’avoir de beaux légumes, de bonnes semences qu’ils peuvent après replanter. Il y a une véritable prise de conscience sur la nécessité de conserver ces vraies variétés. Et dans les pays

pauvres, les gens ont HQ� DVVH]� GH� PRXULU�tout simplement. En Inde, les agriculteurs se suicidaient en buvant du Roundup. C’est très VLJQL¿FDWLI��,O�\�D�XQH�YUDLH�volonté de changer les méthodes. Aujourd’hui au Costa Rica, plus de 80% des communautés de communes qui refusent les OGM. C’est un exploit unique. Ça révèle un mouvement, une révolte mondiale.

'pIHQGUH�OD�ELRGLYHUVLWp��7HOOH�HVW�OD�PLVVLRQ�TXH�V¶HVW�¿[p�'RPLQLTXH�*XLOOHW�HQ������ORUVTX¶LO�FUpH�O¶DVVRFLDWLRQ�.RNRSHOOL�HQ�������$XMRXUG¶KXL��$QDQGD�*XLOOHW�D�UHSULV�OH�ÀDPEHDX�HW�continue à militer en faveur de la libre circulation des semences libres de droit et reproductibles. En France mais aussi dans le monde, Kokopelli plante, récolte et redistribue, offrant à tout un chacun une possibilité d’indépendance alimentaire.

Propos recueuillis par Jade

Tousssay

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Enquête

AMAP: LA REVANCHE DU CONCURRENT INATTENDU ?C’est un fait, les entreprises de l’agroalimentaire pèsent lourd dans la balance économique mondiale. Bien souvent, elles édiectent les règles, et ne laissent que peux de chances aux petits producteurs. Pourtant, depuis plusieurs années, un mouvement de résistance se développe. Les AMAP, Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne se multiplient, portées par des producteurs et des consommateurs las de se plier aux lois du marché agroalimentaire. Enquête sur ces nouveaux modes de produtcion et de distributions.

Une AMAP nait de la ren-contre entre un produc-teur désireux de vendre

ses produits sans passer par le schéma classique de la grande distribution et des consomma-teurs soucieux de la qualité de leurs aliments mais aussi qui sou-haitent participer au développe-ment d’une agriculture plus saine et mieux répartie. Le système de l’AMAP établit une relation directe entre l’agriculteur et le consom-mateur, sans passer par le biais d’intermédiaire comme c’est tou-jours le cas dans la grande dis-tribution. Il n’y a pas de nombre minimal de consommateurs pour démarrer une AMAP. Le CSA (Agriculture Soutenue par la Communauté) conseille à mini-ma une vingtaine de personne, mais ces chiffres restent indica-tifs et certaines AMAP ont démar-

ré avec en tout et pour tout six personnes. De même, il Q¶\�D�SDV�GH�VXSHU¿FLH�PLQL-male d’exploitation requise. Le CSA conseille là aussi un minimum d’un hectare dans le cadre d’une exploi-tation agricole, mais en réa-lité, ce sont les agriculteurs et les consommateurs qui décident de se lancer dans l’aventure, peu importe la VXSHU¿FLH�GX�WHUUDLQ�H[SORL-té. Une fois le groupe for-mé, les membres prennent contact avec les réseaux régionaux, qui les aident à ¿QDOLVHU�OH�SURMHW�HQ�pWDEOLV-sant un cadre juridique.

Car si les AMAP se pré-sentent comme asso-ciation, elles sont toute-

fois soumises à la loi 1901 et considérées comme des

intermédiaires commerciaux, et de ce fait lucratives et soumises aux impôts commerciaux. Cette ¿VFDOLWp� LPSRVpH� DYDLW� SURYRTXp�la colère des agriculteurs des AMAP. Toutefois, en Aout 2013, le ministre de l’Agriculture Ste-SKDQH�/H�)ROO� D� UpDI¿UPp� OD� QD-ture lucrative des AMAP et donc leur imposition, lorsque les re-venus engrangés le permettent. 0DLV� RXWUH� FHW� DVSHFW� ¿VFDO�� XQ�cadre juridique strict réglemente l’organisation des AMAP et les relations entre les membres de l’AMAP. Des contrats sont signés entre les AMAP et les agriculteurs, mais aussi entre les consom-PDWHXUV� HW� OHV� SURGXFWHXU�� D¿Q�d’établir par contrat la périodicité des « paniers » de produit, leur contenu et leur coût. On distingue deux temps de distributions : Au-

tomne/Hiver et Printemps/Eté. Chaque semaine, un lieu et une horaire sont choisis de façon à satisfaire le plus grand nombre de consommateurs, qui peuvent venir récupérer leur panier, dont OH�FRQWHQX�HVW�¿[p�SDU�DYDQFH�HQ�fonction de la saison et des dé-sirs de chacun. Toutefois, agricul-teurs et consommateurs restent conscients de la variabilité des contenus en fonction des récoltes et des aléas climatiques. Pour faire partie d’une AMAP, le

consommateur doit prendre un abonnement annuel ou trimes-triel, dont les coûts peuvent varier de 260 à 550€ pour une période de 22 semaines par exemples. Toutefois, pour rester acces-sible au plus grand nombre, les moyens de paiement sont mul-tiples : les agriculteurs peuvent proposer jusqu’à un règlement en 6 fois, ainsi que divers amé-nagement comme des réductions en échange d’aide journalière à la ferme. Les consommateurs ne sont pas que de simples clients des AMAP. En tant qu’asso-ciation, tous les membres sont considérés comme acteurs, à des degrés différents. Les consom-mateurs prennent donc part aux discussions des producteurs sur la façon de produire et de récolter les produits.

AMAP/Grande distribution,

la faiblesse des uns fait la

force des autres

Après les scandales qui ont fait trembler certaines entreprises de l’agroalimentaire, les consom-mateurs se montrent de plus en SOXV� Pp¿DQWV� TXDQW� j� OD� TXDOLWp�

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Enquête

des produits qui leur sont pro-posés. Et c’est notamment sur ce point que les AMAP se diffé-rencient des grandes surfaces, et séduisent les français. En ef-fet, contrairement aux produits achetés en grande surface et en provenance des quatre coins du globe, les consommateurs des produits issus des AMAP savent exactement comment ont été cultivés les fruits et légumes qu’ils retrouvent dans leurs as-siettes. Les AMAP privilégient en effet un circuit « court », c’est-à-dire une relation directe et privi-légiée entre le producteur et le consommateur. Ce circuit sans intermédiaire garantit la transpa-rence, et permet aux consomma-teurs de contrôler la qualité du produit. Il est aussi avantageux pour les agriculteurs qui peuvent ainsi tenir compte des demandes, suggestions et récriminations des consommateurs et qui donc peuvent plus facilement adapter leurs produits à la demande. Un autre des avantages des

AMAP est bien entendu lié à la TXHVWLRQ� ¿QDQFLqUH�� &DU� HQ� OLPL-tant les intermédiaires entre la production et la vente, les AMAP peuvent se permettre de propo-ser des prix de vente légèrement inférieurs à ceux des produits de grande surface. Mais surtout, les

clients AMAP apprécient de sa-voir où va leur argent et pourquoi. Cette transparence des coûts rassure, surtout dans un contexte de crise où les différences entre les classes sociales sont exacer-bées.

Les AMAP, un concurrent

sérieux pour la grande

distribution?

Mais comment réagissent les entreprises de l’agrolaimentaire, toujours si réactives lorsqu’il s’agit de préserver leur écono-mie? En réalité, elles ne se sou-cient que peu que de ce phéno-mène qui, bien qu’en plein essor GHSXLV�XQH�GL]DLQH�G¶DQQpHV��QH�rassemble aujourd’hui que 200 000 personnes, un chiffre déri-

soire alors que 60% des fruits et légumes sont encore achetés en grande surface. Les AMAP, qui ont étonné dans un premier temps, reste un phénomène mi-noritair mais qui pourrait se dé-velopper au cours des années à venir.

Une révolte donc, encore à l’état embryonnaire mais qui dans le contexte social actuel pour-rait se développer. André BOU-CHUT, syndicaliste et membre de la Confédération Paysanne, n’envisage pas pour l’instant une extension des AMAP en tant que concurrent sérieux de l’agroali-mentaire, en raison notamment du choix des circuits courts, qui s’ils fonctionnent sur une pe-WLWH� pFKHOOH�� VHPEOHQW� SOXV� GLI¿-cilement applicable à l’échelle nationale. Mais face à la toute puissance des industries agroa-limentaires, les AMAP rendent compte d’une volonté nouvelle de changement, à la fois des mo-des de consommation mais aussi des modes de production et de distribution. Et alors que l’avenir alimentaire mondial est en sus-pens, les AMAP pourraient éven-tuellement être une solution envi-sageable…

Les AMAP, solution pour l’avenir de l’alimentation mondiale ?

En 1998, lors du colloque de Rambouillet, la Fadear (Fédération Associative pour le Dévelop-pement de l’Emploi Agricole et Rural) a mis en place la Charte de l’Agriculture Paysanne. Cette FKDUWH��TXL�VHUW�GH�IRQGHPHQW�j�OD�SOXSDUW�GHV�$0$36��Gp¿QLW�GL[�SULQFLSHV��TXL�RQW�SRXU�RE-jectif d’offrir des perspectives d’avenir aux agriculteurs, mais aussi qui peuvent aussi être vus comme autant de solutions pour la question de l’avenir de la population mondiale…. 3ULQFLSH�Q�����UpSDUWLU�OHV�YROXPHV�GH�SURGXFWLRQ�D¿Q�GH�SHUPHWWUH�DX�SOXV�JUDQG�QRPEUH�G¶DF-céder au métier et d’en vivrePrincipe n°2 : être solidaire des paysans des autres régions d’Europe et du mondePrincipe n°3 : respecter la naturePrincipe n°4 : valoriser les ressources abondantes et économiser les ressources raresPrincipe n°5 : rechercher la transparence dans les actes d’achat, de production, de transforma-tion et de vente des produits agricolesPrincipe n°6 : assurer la bonne qualité gustative et sanitaire des produitsPrincipe n°7 : viser le maximum d’autonomie dans le fonctionnement des exploitationsPrincipe n°8 : rechercher les partenariats avec d’autres acteurs du monde ruralPrincipe n°9 : maintenir la biodiversité des populations animales élevées et des variétés végé-tales cultivéesPrincipe n°10 : raisonner toujours à long terme et de manière globale

Jade TOUSSAY

Page 6: "Patented" - Lobbys agricoles: enjeux et controverses

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LE SOJA, OR NOIR DU PARAGUAYSixième exportateur mondial de soja, quatrième pour la production mondiale et premier pour la production moyenne de soja par habitant, en une dizaine d’année, le Paraguay est devenu l’un GHV�SRLGV�ORXUGV�GH�O¶LQGXVWULH�GX�VRMD�PRQGLDO��(QWUH������HW�������OD�VXSHU¿FLH�GHV�H[SORLWDWLRQV�dédiées uniquement à la culture du soja a doublé, atteignant les deux millions d’hectares. Pourtant aujourd’hui, le Paraguay est en plein dilemme. Alors que l’économie autour de ce marché est ÀRULVVDQWH��OH�JRXYHUQHPHQW�YRLW�V¶DIIURQWHU�GHX[�FODQV���FHOXL�GHV�LQGXVWULHOV�EUpVLOLHQV�TXL�RQW�vus dans la terre fertile du Paraguay un investissement en or, et les Campesinos, ses paysans qui refusent l’exploitation de leur terre et la suprématie du soja. Pour chacun de ces acteurs, les enjeux sont considérables…

A O¶RULJLQH� GX� FRQÀLW� SDUD-guayen, les petits paysans regroupés sous la bande-

role des « Campesinos » et les géants industriels sud-américains du soja. Pour l’un, la terre est le seul moyen de survie, pour l’autre XQH� VRXUFH� GH� EpQp¿FHV� � HW� GH�SUR¿WV�� 'HSXLV� SUHVTX¶XQH� GL-]DLQH�G¶DQQpHV��FHV�GHX[�DFWHXUV�s’affrontent et se disent prêts à prendre les armes pour défendre leurs opinions mais surtout leurs intérêts.

Paysans locaux, géants

industriel, l’éternel combat

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d’exception. Ici comme partout dans le monde, la lutte entre les industries de l’agroalimentaire et les paysans fait rage. Les Campesinos, un mouvement de résistance populaire des pe-WLWV� SD\VDQV� FRQWUH� OD� ¿OLqUH� GHV�OGM, lutte contre l’exploitation à outrance de leurs terres par les industries du soja. Pour ces pay-sans aux revenus plus que mo-destes, l’agriculture est l’unique moyen de survie. Mais depuis plusieurs années, ils voient leur principale source de revenus leur échapper. En cause, les groupes industriels sud américains du soja, parmi lesquels l’AAPRE-SID (Association Argentine des

Grands Producteurs de Sojas) ré-putée proche du groupe Monsan-to. Mécanisation du travail, ra-chat des terres agricoles, mais aussi utilisation de glyphosate, un herbicide surpuissant… Les industries n’ont pas lésiné sur les moyens d’exploitation. Et ce, au détriment des paysans locaux…1996. L’industrie du soja pa-

raguayenne prend un tournant. Les forêts sont rasées, pour lais-ser place à d’immenses champs fertiles, que les industriels dé-dient au soja. Mais loin d’être une source d’emploi pour les lo-caux, le développement de cette culture est synonyme de déclin et de mort. Mécanisation de l’agri-culture, rachat des terres pay-sannes par des exploitants bré-siliens et argentins, mais aussi et surtout, intoxication de la terre et des rivières au glyphosate, un désherbant puissant auxquels seuls les OGM peuvent résister. Le parallèle avec le RoundUp de Monsanto est évident. Et les conséquences sont toujours les mêmes : stérilisation des sols, diffusion dans l’air des particules toxiques et intoxication de la po-pulation, qui a déjà causé la mort d’un jeune de 11 ans en 2003. A l’époque, ce drame avait provo-qué la colère des paysans, qui s’étaient pour la première fois ouvertement révoltés. A la tête de ce mouvement de révolte, Anto-nia Cabreira. Pour ce paysan qui défend la biodiversité et le retour

à des techniques de cultures tra-ditionnelles, la lutte contre l’in-dustrie du soja est similaire à une guerre entre les colons brésiliens et les habitants de la région. Mais au Paraguay comme au Mexique et aux Etats-Unis, l’industrie des semenciers est loin d’être inquié-tée…

Parmi les défenseurs des exploi-tations de soja, on trouve sans surprise des bio-technologistes et des biochimistes, mais aus-si des exploitants, pour qui l’ex-ploitation de soja transgénique représente une porte d’accès vers un meilleur niveau de vie. La plupart ces exploitant est d’origine brésilienne et a immi-gré au Paraguay attiré par le marché du soja. Mais se lan-FHU�GDQV�FH�EXVLQHVV�ÀRULVVDQW�a un coût. Il faut compter en moyenne 50 000$ par an, en semences et produits dérivés. Un risque à prendre pour les exploitants, qui vont souvent jusqu’à s’endetter et risquent de tout perdre si la récolte est mauvaise… ou si les Campesi-nos s’en mêlent.Car le mouvement de résis-

tance d’Antonia Cabreira est de plus en plus actif. Sitting, occupa-tion illégale de champs, blocage des tracteurs…Aujourd’hui, les deux clans se disent armés, et prêts à en découdre, si le gouver-nement n’intervient pas…

Entre développement

¿QDQFLHU�HW�UpYROWH�sociale…

Le glyphosate, tout comme le RoundUp est loin d’être sans conséquence sur l’environne-

ment. A cela s’ajoute l’impor-tante déforestation menée par le gouvernement et les entreprises sud-américaine pour agran-dir les champs exploitables. Un lourd tribut, donc, à la fois envi-ronnemental mais aussi culturel, puisque les ruraux quittent leurs villages pour se rendre en ville, où ils tombent souvent dans la mendicité ou la prostitution. Pour le gouvernement cependant, dif-¿FLOH�GH�WUDQFKHU��&DU�VL� OD�FURLV-sance nationale a augmenté de 13% en Aout dernier, c’est en grande partie grâce au marché du soja. Elu en Aout dernier, le président Horacio Cartès a fait de la lutte contre la pauvreté une de ses promesses de campagnes. Mais celui qui s’est présenté comme un « businessman » est aussi le président du conglomérat Grupo Cartes, qui possède une vingtaine d’entreprise dans les secteurs bancaires…et agroali-PHQWDLUHV��&RQÀLW�G¶LQWpUrW�"

Pour les paraguayens, c’est donc une véritable guerre civile DJULFROH�TXL�VH�SUR¿OH���'HV�GHX[�côtés, l’exaspération monte. Le Paraguay, pays où un tiers de la population est considérée comme démuni et où 20% de la popula-tion vit sous le seuil de pauvre-té, est confronté au même choix qu’un pays comme les Etats-Unis. Et sa récente exclusion du Mercosur dont il est pourtant un des fondateurs n’a fait qu’attiser les tensions…

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Jade TOUSSAY

Page 7: "Patented" - Lobbys agricoles: enjeux et controverses

Contre-pied

CORPORATE EUROPEAN OBSERVATORY, LA BÊTE NOIRE DES LOBBYISTES/¶LQÀXHQFH�GHV�OREE\V�GDQV�OH�TXRWLGLHQ�Q¶HVW�SOXV�j�GpPRQWUHU��0DLV�j�%UX[HOOHV��R��VH�MRXH�la majeur partie des décisions politiques européennes, une organisation non-gouvernementale HXURSpHQQH�D�GpFLGp�GH�OXWWHU�FRQWUH�O¶LQÀXHQFH�GHV�JURXSHV�GH�SUHVVLRQ��/HXU�REMHFWLI"�Révéler les dessous de la politique et de l’économie européenne…

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A Bruxelles, où se nouent et se dénouent les intri-gues de la politique eu-

ropéenne, une organisation non gouvernementale a décidé de MRXHU� IUDQF�MHX�� 'HSXLV� TXLQ]H�ans, le Corporate European Ob-servatory (CEO) travaille à dévoi-OHU�PDLV�DXVVL�j�OLPLWHU�O¶LQÀXHQFH�des lobbys et des entreprises, qui participent selon elle à exa-cerber les différences sociales et nuisent à la préservation de l’environnement. Pour faire face à des lobbys et entreprises sur-puissants, l’organisation a décidé de jouer la carte de la transpa-rence. Dans cet objectif, CEO a mis en ligne ses comptes, avec les dépenses annuelles mais aussi les montants des subven-tions versées par des fondations comme Adessium, Isvara, ou In-vestigation Agency, qui toutes se mobilisent pour dévoiler les dé-rives de la société néo-capitaliste actuelle. En 2012, l’ONG a donc récolté 660 930€, pour des dé-penses s’élevant à 656 634€, soit XQ�EpQp¿FH�GH������¼��7UDQVSD-rence des budgets, mais aussi indépendance vis-à-vis de l’UE et des gouvernements des états-membres, dont CEO ne perçoit aucune subvention. $X�VHLQ�GH�O¶pTXLSH��XQH�GL]DLQH�

de chercheurs indépendants im-plantés un peu partout en Europe et dans le monde, mais aussi une équipe purement administrative, composé d’un éditeur, d’adminis-WUDWHXUV� ¿QDQFLHUV�� G¶XQ� DWWDFKp�de presse et un conseil consulta-

tif où chaque membre est respon-sable d’un pays ou d’une région du monde . Sous forme de rapports visibles

sur leur site, CEO rend compte des dysfonctionnements de la po-litique européenne. Parmi leurs thèmes de prédilection, le com-PHUFH��OH�OREE\�¿QDQFLHU��OH�FOLPDW�et l’énergie mais aussi l’agro-ali-mentaire et la EFSA…

“Shame on the bee-killers !”

Roundup pour Monsanto, néo-nicotinoïde pour Syngenta, Bayer et BASF ! Cet insecticide hau-tement toxique est notamment l’un des principaux responsables dans la disparition de 20 à 50% des effectifs des ruches chaque année. Parmi les autres causes de cette disparition, les change-ments climatiques, mais aussi la disparition de la biodiversité au SUR¿W� GH� FKDPSV� IRUPDWpV� VH-lon les normes des entreprises de l’agroalimentaire. En parte-nariat avec Public Eye Award, une association qui pointe du doigt toutes les pratiques com-merciales irresponsables, CEO a publié le 26 novembre dernier un rapport intitulé « Shame on the bee-killers ! ». L’ONG y dé-nonce la lourde stratégie mise en place par les entreprises et leurs lobbys pour préserver leur marché de nouvelles législations �� SXEOLFLWp�� SUHVVLRQV� ¿QDQFLqUHV�et politiques… Syngenta, Bayer et BASF sont même allés de-vant la justice pour poursuivre la Commission Européenne suite à

l’interdiction de commercialiser leurs produits en Europe. Les abeilles, pollinisateurs naturels, sont essentiels à l’environnement et jouent notamment un rôle cru-cial dans la chaine de produc-tions des matières premières alimentaires. Selon le rapport de CEO, leur disparition entrainerait immanquablement une hausse des coûts de production et donc de l’alimentaire. «Si l’abeille dis-paraissait de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre », disait Einstein. Il n’y a plus qu’à espérer qu’Eins-tein se soit trompé…

()6$�HW�FRQÀLW�G¶LQWpUrW�Scandale de la viande de che-

val, excréments dans les plats FKH]� ,.($«� /¶DQQpH� GHUQLqUH��le monde de l’agroalimentaire a été durement secoué. Suite à ces scandales, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments a déci-dé de durcir sa politique et de re-dorer son image… en apparence ! Car un rapport du CEO, datant d’Octobre dernier révèle bien autre chose. Selon une étude menée et publiée par le CEO, ���� VFLHQWL¿TXHV� GH� O¶()6$� VXU�209 seraient concernés par un FRQÀLW� G¶LQWpUrW� HQWUH� O¶()6$� HW�les entreprises de l’agroalimen-taire. Quand est-il de leur neu-tralité supposée, lorsqu’ils sont rémunérés à la fois par la EFSA et par les entrepises de l’agroli-mentaire? Car on le sait bien, on ne crache pas sur la main qui nous fait vivre...