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Pollution de l’air et Santé Publique Denis Zmirou-Navier Faculté de Médecine, Université de Lorraine, Nancy INSERM U1085-IRSET, Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, Rennes (Président de la Commission des Risques liés à l’environnement, Haut Conseil de la Santé Publique)

Pollution atmosphérique & santé publique / Journée Santé Environnement 2014 : l'Air

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Pollution de l’air

et Santé Publique

Denis Zmirou-Navier

Faculté de Médecine, Université de Lorraine, Nancy

INSERM U1085-IRSET, Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, Rennes

(Président de la Commission des Risques liés à l’environnement, Haut Conseil de la Santé Publique)

Eléments de l’exposé

• La pollution atmosphérique a changé

• Enjeux de santé publique, dans les pays

« développés » et dans le monde

• Exposition, risques et inégalités sociales

• Pollution atmosphérique et gaz à effets de serre :

désormais un même combat

Pollution atmosphérique : les enjeux

Une menace « historique » qui demeure présente et rebondit à l’échelle du globe

Le smog de Londres, Décembre 1952

Les mesures ont atteint des niveaux

45 fois supérieurs aux seuils définis

par l’Organisation mondiale de la santé

(OMS). Les autorités de Pékin ont précisé

que la densité de particules de 2,5 microns

de diamètre (PM 2,5) – celles qui pénètrent

le plus profondément dans les poumons

– était «supérieure en de nombreux endroits

à 700 microgrammes par mètre cube».

Il a même atteint 900 en certains lieux.

Le Monde, 13 janvier 2013

Pékin, janvier 2013

Fin décembre 2013, rapporte le service de veille technologique

du ministère des affaires étrangères français, la concentration

de particules fine d’un diamètre inférieur à 10 microns (PM10)

tournait autour de... 700 g/m3 en moyenne.

Avec un pic à plus de 1000 à Delhi, le 26 décembre.

Dehli, 26 décembre 2013

La pollution urbaine « moderne »:

« LA »

5

Pollution atmosphérique et santé:

un champ de recherche très nourri

1967 1990 2012

1587

194258

PubMed: 26 229 publications depuis 1946(août 2013) Epidemiology AND Air pollution

Cancer Asthme Maladies cardio-vasc.

4437 4362 3286

International conference of ISEE/ISES/ISIAQ, Bâle 2013:

1700 participants; 2/3 des communications

Août 2013

Source: Air quality and Health ERS 2010

Health outcomes for which there Is at least some evidence of an association with air pollution :

Acute effectsDaily mortality (heart infarction, respir. conditions)Respiratory hospital admissionsCardiovascular hospital admissionsEmergency room visits for respir/cardiac pbsPrimary care visits for respir/cardiac conditionsU se of respiratory and cardiovascular medicsDays of restricted activityWork absenteeismSchool days missedPhysiological changes, e.g. in lung function

Chronic effectsMortality for chronic cardio-respiratory diseaseChronic respiratory diseases (asthma, COPD)Chronic change in physiological function (e.g. lung function)Lung cancerC hronic cardiovascular diseaseOther effects : Low birth weight; Pre-term deliveryAdversely affected cognitive development ininfants

Bilan des connaissances sur les effets sanitaires de la pollution atmosphérique

La baisse de la

pollution

atmosphérique

particulaire se

traduit par un

gain d’espérance

de vie (1an/15µg.m-3)

USA, 1980-2000

8

Source: Pope et al, 2009. New Eng J Med.

Fine-particulate air pollution and life expectancy

in the United States.

9

Source: Aphekom 2011 (S Medina et al)

Perte d’espérance de vie et PM2.5 en Europe *

* Par rapport à l’objectif OMS

Burden of disease from Air Pollution for 2012 (OMS 2014)

Ambient air pollution (AAP) :

Globally, 3.7 million

deaths were attributable

to AAP in 2012.

About 88% of these deaths

occur in low- and

middle-income countries,

which represent 82%

of the world population.

(…)

The increase is linked to

recent increases in both

air pollution concentrations

and the total population

affected as cities grow.

Global burden of disease

Source: S Lim et al. A comparative risk assessment of burden of disease and injury attributable to 67 risk factors

and risk factor clusters in 21 regions, 1990—2010: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2010

The Lancet, 2012

Burden of disease from Air Pollution

for 2012 (suite)

Ambient air pollution (AAP) : Globally, 3.7 million deaths were

attributable to AAP in 2012. About 88% of these deaths occur in low- and

middle-income (LMI) countries, which represent 82% of the world

population.

Household air pollution (HAP) : Globally, 4.3 million deaths were

attributable to HAP, almost all in low and middle income (LMI) countries.

The South East Asian and Western Pacific regions bear most

of the burden with 1.69 and 1.62 million deaths, respectively.

Almost 600’000 deaths occur in Africa, 200’000 in the

Eastern Mediterranean region, 99’000 in Europe and

81’000 in the Americas.

The remaining 19’000 deaths occur in high income countries.

Des émissions

nationales qui

poursuivent

leur baisse …

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014

kil

oto

nn

es

Emissions nationales de SO2, NH3, Nox, et COVNM

(dont benzène)

SO2

NOx

COVNM

NH3

Evolution des émissions

nationales des particules TSP,

PM1, PM2.5 et PM10, du

SO2, du NH3, des NOx et des

COVNM (dont benzène)

entre 2000 et 2011

(Source : Citepa,

Traitement : HCSP ,

Evaluation du PNSE2)

… et pourtant, les immissions urbaines stagnent

0,0

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

30,0

2007 2008 2009 2010 2011

PM

2,5

µg/

m3

Evolution des teneurs moyennes annuelles nationales en PM2,5

selon le type de stations

Trafic Fond Urbain

0

10

20

30

40

50

60

70

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

NO

2 µ

g/m

3

Evolution des teneurs moyennes annuelles nationales en NO2

selon le type de station

Industrielle Trafic Rural Fond Urbain 0

20

40

60

80

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

O3

µg/

m3

Evolution des teneurs moyennes annuelles nationales en ozone (O3) selon la typologie des stations

Rural Fond Urbain

(Source : Citepa,

Traitement : HCSP, Evaluation du

PNSE2)

Pourquoi l’Europe a-t-elle renoncé ?(Directive CAFE 2008)

Des « normes » de qualité de l’air qui ne sont plus incitatives

• Des lobbies industriels puissants (pétroliers, motoristes,

travaux publics) dans secteurs traditionnels

• Les nouveaux Etats entrants ? Mais D, Gr et Nl …

• La défense des « intérêts économiques » de l’Europe

• Le poids des collectivités territoriales et leurs élus

• Mutation de la pollution atmosphérique :

Nous sommes « tous » pollueurs (habitat/tertiaire, transports)

Année

Moyenne annuelle

Valeurs réelles

Ecrêtement des

valeurs journalières

à 50 µg/m3

Ecrêtement des

valeurs journalières

à 40 µg/m3

Ecrêtement des

valeurs journalières

à 30 µg/m3

2010 24,4 23,9 23,2 21,6

2009 25,2 24,4 23,6 21,7

2008 24,4 23,9 23,2 21,6

2007 26,1 25,0 23,9 21,8

Gains sur la

moyenne annuelle

des PM10 des sites

urbains et

périurbains des

agglomérations de

plus de 100 000

habitants en France

au cours des années

2007-2010 si les

valeurs journalières

ne dépassent pas

respectivement 50,

40 et 30 µg/m3

L'impact moyen de l'écrêtement sur la moyenne annuelle des PM10 est

modeste, variant de l'ordre de 1 µg/m3 pour un écrêtement à 50 µg/m3, à

3 µg/m3 pour un écrêtement à 30 µg/m3 Une politique centrée sur la

gestion des « pics » a donc peu d’impact sur l’exposition au long cours de la

population à la pollution particulaire.

Valeurs réelles = valeurs mesurées. Écrêtement des valeurs journalières à respectivement

50, 40 ou 30 µg/m3 = Valeurs moyennes annuelles recalculées en forçant toutes valeurs

moyennes journalières supérieures à respectivement 50, 40 ou 30 µg/m3 à cette valeur.

Source: HCSP (2012). Pollution par

les particules dans l’air ambiant.

Recommandations sur les seuils

d’information. Rapport de la

Commission spécialisée Risques liés

à l’environnement

Cessons la gesticulation sur les pics !

Cessons la gesticulation sur les pics (suite)

Agir sur les valeurs moyennes annuelles (le « fond ») est beaucoup plus efficace

Sur la qualité de l’air:

une baisse de la moyenne annuelle des PM10 de 26 µg/m3 (situation observée en 2010 à Paris) à 20

µg/m3 réduirait le nombre de jours où au moins un site de fond urbain de l’agglomération dépasse 50

µg/m3 en moyenne journalière de près d’un tiers (de 29 à 20 jours). La réduction du nombre de jours

excédant 40 µg/m3 serait encore plus forte, soit 44% (respectivement 72 et 40 jours de dépassement).

Pour la santé publique:

- Impact sanitaire à court terme d’un écrêtage à 40 µg/m3 des concentrations journalières en PM10

permettrait de réduire la mortalité à court terme de seulement 88 cas en moyenne par an sur 7 grandes

agglomérations.* Ce nombre serait même réduit à 45 si l’on se contentait de respecter la valeur limite

actuelle de 50 µg/m3.

- Impact à long-terme sur la mortalité d’une diminution du niveau moyen de PM2,5 respectivement

à 20, 15 et 10 µg/m3 : le nombre de décès prématurés varierait de 179 à 2864 décès en moyenne par

an sur 9 villes**. Le gain d’espérance de vie à Lyon à 30 ans atteindrait 13 mois pour 10 µg/m3 .

* Bordeaux, Le Havre, Lyon, Paris, Rouen, Strasbourg, Toulouse (**+ Lille et Marseille) Source: HCSP (2012)

Inégalités

sociales

d’exposition à

la pollution

atmosphérique

Lille-métropoleGrand Lyon

Marseille-métropoleParis et

petite couronne

Source: Padilla et al,

Environ. Research, 2014

Prix de l’immobilier(achat, années 2000)

Source: chambre Notaires

Projet Equit’Area : www.equitarea.org

Indicateur composite de « défaveur »

Une situation fortement marquée par l’histoire

de la construction urbaine

Source: Padilla et al,

Environ. Research, 2014

(avec l’aide des ASQA)

Evolution des teneurs en NO2 (terciles, µg/m3)

entre 2002-2005 et 2006-2009

Très fort

contraste: D=15

Fort

contrastes: D= -8

Contrastes: D= 6 Faible contraste: D= 4

Contrastes: D (µg/m3)=P80-P20 (2002-2009)

Pollution atmosphérique et climat

Pour une part, les même causes

La mobilité va croître, ainsi que la consommation énergétique

Une économie moins « énergie intensive »: habitat/3iaire, industrie,

transports (modes doux, transports collectifs, circuits courts

d’approvisionnement … mais aussi motorisations moins émettrices: véhicules

hybrides, électriques, énergies du futur (hydrogène?), nouvelle sévérisation des

normes

• Les énergies faiblement émettrices de GES (géothermie, solaire,

éolien, nucléaire …) … et de polluants

L’action pour la préservation de l’environnement n’est pas une

« charge » mais une facteur de croissance* :

* Stern 2006 - The economics of climate change : Une augmentation de 5-6° de la T° moyenne du globe

au XXIème siècle pénaliserait le PIB mondial de 5 à 10 %. Sa maîtrise coûterait 1% du PIB d’ici 2050

Le 26 janvier 2013 (Davos) : « I got it wrong on climate change – it's far, far worse »

AIE WEO 2013

Cartogramme de densité des émissions cumulées CO2 par pays, 1950–2000

Prévisions de l’AIE en 2035 :

Shares of energy sources

in world primary energy demand

in the New Policies Scenario

WEO 2012

Pollution atmosphérique et climat

Pour une part, les même causes

La mobilité va croître, ainsi que la consommation énergétique

Une économie moins « énergie intensive »: efficacité énergétique

habitat/3iaire, industrie, transports (modes doux, transports collectifs,

circuits courts d’approvisionnement … mais aussi motorisations moins

émettrices: véhicules hybrides, électriques, énergies du futur [hydrogène?],

nouvelle sévèrisation des normes)

• Les énergies faiblement émettrices de GES (géothermie, solaire,

éolien, … le nucléaire …) … et de polluants

L’action pour la préservation de l’environnement n’est pas une

« charge » mais une facteur de croissance* :

* Stern 2006 - The economics of climate change : Une augmentation de 5-6° de la T° moyenne du globe

au XXIème siècle pénaliserait le PIB mondial de 5 à 10 %. Sa maîtrise coûterait 1% du PIB d’ici 2050

Le 26 janvier 2013 (Davos) : « I got it wrong on climate change – it's far, far worse »

Quelques enseignements généraux

Ne pas se tromper de perspective:

Un environnement local qui s’assainit dans les pays riches

Mais des connaissances qui s’aiguisent beaucoup plus vite

D’où un sentiment de dégradation

Il reste encore beaucoup à faire

• Un état de l’environnement local qui se détériore vite dans les

pays émergents et mégapoles des PVD (air, eau, déchets)

• Un état de l’environnement général

en grand péril : le changement climatique

… et ses massives conséquences de santé

Articuler lutte contre la PA et contre les GES

2013 IPCC report

(hausse depuis

années 1861-1880)

Conclusions

• Une menace persistante, mieux comprise, aux impacts locaux

encore importants, quoique moindres, inégalement distribués

• Une menace globale majeure dans un monde aux dimensions

finies. De l’holocène à « l’anthropocène* »

• Une « éthique du futur » (H. Jonas§: « La responsabilité

nous en incombe sans que nous le voulions, en raison de la

dimension de la puissance que nous exerçons quotidiennement »)

* Paul Crutzen.

Prix Nobel de Chimie 1995§ Le principe responsabilité.

Une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Cerf 1993

Goya

« L’homme, par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres

intérêts, par son penchant pour jouir de tout ce qui est à sa

disposition, en un mot par son insouciance pour l’avenir de ses

semblables, semble travailler à l’anéantissement de ses moyens de

conservation et à la destruction même de son espèce […]. On dirait

que l’homme est destiné à s’exterminer lui-même après avoir

rendu le globe inhabitable. »

Système analytique des connaissances positives de l’homme,

1820 Jean-Baptiste Lamarck