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Les actes de tunis les migrations de la connaissance dans l'espace francophone

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Sommaire

Introduction

La participation des ressortissants tunisiens à l’expansion de l’économie de la connaissance au sein de l’espace francophone

- Ahmed Messaoudi, Responsable, Bureau de l’émigration et de la main d’œuvre étrangère, ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi - Lasaad Labidi, Directeur de l’Office des Tunisiens de l’étranger, ministère des Affaires sociales- Borni Salhi, Directeur général de l’Agence tunisienne de Coopération Technique

- Barbara Dätwyler Scheuer, Directrice de coopération, Ambassade de Suisse en Tunisie- Kais Mabrouk, Membre de l’association des Tunisiens des Grandes école, Directeur général de First TV

- Sylvie Mazella, Directrice du laboratoire méditerranéen de Sociologie (LAMES, AMU, CNRS)- Kaies Samet, Maître-assistant de l’enseignement supérieur en sciences économiques, ISG Gabès, Unité de recherche en économie du développement (URED), FSEG Sfax- Sadok Ben Hadj Hassine, Expert de l’Union générale tunisienne du travail, département arabe, International et Migrations

- Chiheb Bouden, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique - Modibo Dagnon, Président du Haut Conseil des Maliens de Tunisie et ancien président de l’Association des Etudiants et Stagiaires Africains en Tunisie

Le retour des migrants de savoir : Quelles dynamiques de réinsertion dans l’économie nationale ?

Un espace universitaire mondialisé : une chance pour la Tunisie ?

Quels effets de l’internationalisation du savoir sur les mobilités au sein de l’espace francophone– essentiellement Afrique et Maghreb ?

Quelles politiques universitaires en Tunisie pour encadrer la mondialisation du savoir ?

Quels outils pour promouvoir les migrations de la connaissance au sein de l’espace francophone à partir de la Tunisie ?

Modalités et impact de l’émigration de savoir tunisienne au sein de l’espace francophone

- Malek Kochlef, Directeur de la coopération bilatérale et avec l'Union Européenne, ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique, des Technologies de l’information et de la Communication - Mona Laroussi, Directrice exécutive, Institut de la Francophonie pour l’ingénierie de la connaissance et la formation à distance- Essaied Laatar, Directeur Général de l’Université Méditerranéenne Libre de Tunisie

- Jacques Attali, Economiste, écrivain, conseiller d’état honoraire, auteur du rapport « La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable ». - Pouria Amirshahi, Député de la 9e circonscription des Français de l’étranger, auteur du rapport de la mission d’information parlementaire « pour une ambition francophone ». - Etienne Alingue, Directeur de la francophonie économique, au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF)

Le débat continue avec :

- Pierre Henry, Directeur général de France terre d’asile

- François Gouyette, Ambassadeur de France en Tunisie- Pierre Henry, Directeur général de France terre d’asile

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8 -16

17-28

28-34

34-38

38 -39Conclusion

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Introduction

François Gouyette, Ambassadeur de France

C’est là l’originalité et la spécificité de l’expérience tunisienne en matière d’éducation depuis l’indépendance : un ancrage dans la langue arabe d’un côté et, de l’autre, une ouverture sur les langues et les civilisations étrangères qui, j’en suis convaincu, donne de nombreux atouts à la Tunisie pour s’insérer dans l’économie mondiale. En effet, dans un avenir proche, avec 750 millions de locu-teurs, l’espace francophone est amené à devenir le 4ème espace géolinguistique après l’anglais, le chinois et l’hindi.

L’importance croissante de l’économie de la connaissance, de la diffusion et de l’utilisation des savoirs dans le processus de développement économique n’est plus à démontrer.

Quels sont les contours de l’économie de la connaissance, un concept désormais largement utilisé, mais qui n’est pas facile à cerner ?

Quels sont le potentiel et la place de l’espace francophone, notamment des pays d’Afrique subsaharienne et du Maghreb  dans cette nouvelle façon d’appréhender l’économie et le développement ?

Quels sont les mécanismes de production, d’utilisation et surtout de diffusion du savoir dans les pays concernés ?

Quels rôles les migrations jouent-elles dans l’évolution et le progrès de cette économie de la connaissance ?

Autant de questions qui seront abordées lors de vos échanges.

Le choix de la Tunisie pour tenir ce colloque n’est pas un hasard : La Tunisie est en effet un pays qui, de longue date, a misé sur l’éducation et la diffusion des savoirs pour porter son déve-loppement national – nous avons tous en tête la priorité don-née à l’éducation par Habib Bourguiba qui y voyait la clé de l’émancipation individuelle et de la modernisation sociale et économique. Faut-il également rappeler que la Zitouna, fondée au 8ème siècle, est sans doute la plus ancienne institution d’enseignement du monde arabe, et invoquer les mânes d’Ibn Khaldoun qui, dès le 14ème siècle, a développé une pensée profondément moderne qui en fait un précurseur de la sociologie et de la science historique d’aujourd’hui ?

La Tunisie est aussi un pays qui, au centre la Méditerranée, est à la croisée géographique de plusieurs mondes, Europe, Afrique, Monde arabe, et se trouve au cœur des probléma-tiques liées aux migrations. C’est enfin un pays qui a, dès l’indépendance, choisi de faire fructifier l’héritage francophone parallèlement à un ancrage fort dans son identité arabe et arabophone, montrant la voie de l’avenir, qui, je crois, ne peut être que plurilingue et fondé sur une conversation à mener de manière sereine entre les héritages, identités et savoirs véhiculés en plusieurs langues.La Tunisie appartient ainsi, depuis sa fondation, à l’organisa-tion de la francophonie, conçue comme un espace politique humaniste. C’est, en effet, son premier président, Habib Bour-guiba qui fut, au lendemain de l’indépendance, l’un des trois chefs de file africains à avoir fondé l’Organisation des États francophones, à côté du Président Léopold Sédar Senghor.

la création d'une communauté de langue française [...] exprime le besoin de notre époque, où l'homme, menacé par le progrès scienti-fique dont il est l'auteur, veut construire un nouvel humanisme qui soit, en même temps, à sa propre mesure et à celle du cosmos.

Première conférence de Niamey 1969

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Pour conclure, je tiens à vous assurer de tout l’intérêt personnel que je porte à la promotion des migrations de la connaissance, et vous souhaite des échanges fructueux sur ce sujet d’avenir, et essentiel pour répondre à nombre de défis qui nous sont communs.

Ainsi, la France est la première destination des étudiants tuni-siens qui souhaitent effectuer une partie de leur cursus à l’étran-ger etle premier partenaire scientifique de la Tunisie : Aujourd’hui plus de 15 000 étudiants tunisiens poursuivent leur formation en France, dont près de 4 000 nouveaux étudiants chaque année.

Le besoin d’un nouvel humanisme, res-pectueux des spécificités des peuples et les rassemblant autour de valeurs uni-verselles communes, a été réaffirmé par la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014, qui stipule, dans son article 39 : « L'État veille (…) à ancrer, à soute-nir et à généraliser l’utilisation de la langue arabe, ainsi que l’ouver-ture sur les langues étrangères et les civilisations humaines et à diffuser la culture des droits de l’Homme ».

C’est là l’originalité et la spécificité de l’expérience tunisienne en matière d’éducation depuis l’indépendance : un ancrage dans la langue arabe d’un côté et, de l’autre, une ouverture sur les lan-gues et les civilisations étrangères qui, j’en suis convaincu, donne de nombreux atouts à la Tunisie pour s’insérer dans l’économie mondiale. En effet, dans un avenir proche, avec 750 millions de locu-teurs, l’espace francophone est amené à devenir le 4ème espace géolinguistique

après l’anglais, le chinois et l’hindi. Cette nouvelle configuration donne à la francophonie un potentiel qui la projette comme une composante majeure de la scène mondiale.

Cette francophonie vivante et active constitue un instrument de la coopération entre la France et les pays francophones de l’Afrique subsaharenne et du Maghreb, notamment s’agissant des questions universitaires, qui seront largement discutées dans le cadre de ce colloque et qui dépassent naturellement la seule question linguistique.Les échanges universitaires et scientifiques sont en effet l’exemple même des migrations et mobilités comme phénomènes bénéfiques et positifs, facteur d’un développement économique plus équitable, et qu’il faut encourager, qu’il s’agisse des diplômés, des étudiants de haut niveau mais aussi des jeunes en formation professionnelle, des chercheurs ou des entrepre-neurs.Pour prendre l’exemple de la Tunisie, le partenariat universitaire et scientifique  franco-tunisien, extrêmement dynamique, constitue un pilier de notre relation bilatérale. Il se construit à travers des flux et des échanges humains et intellectuels perma-nents, source d’enrichissement et de développement mutuel des savoirs, et d’une diffusion des compétences nécessaires au développement économique.

Le fait que la formation supérieure en Tunisie soit à plus de 80% réalisée en français facilite également fortement cette mobilité tempo-raire des étudiants et des chercheurs. Des par-cours universitaires, similaires dans nos deux pays, facilitent ainsi grandement les échanges universitaires et la construction de nouveaux parcours mixtes entre la Tunisie et la France, et ainsi, la migration des idées. Il existe déjà de très nombreux cursus universitaires mixtes entre les formations supérieures fran-çaises et tunisiennes, permettant aux étudiants tunisiens d’obtenir à la fois leur diplôme d’étude tunisien et un diplôme français de nouveau équivalent.

Les programmes de mobilités temporaires et encadrées, soutenues par la France, constituent un élément essentiel de notre coopération.Au-delà, et en complément des échanges universitaires et de formation en amont, nous portons aujourd’hui également une attention particulière en aval à notre collaboration avec les services de l’emploi.

En Tunisie, je pense notamment aux dis-positifs de migrations professionnelles qualifiantes et d’aide à la réinstallation de jeunes diplômés, mis en œuvre par l’OFII en partenariat avec les autorités tunisiennes. Les mobilités de la connais-sance sont donc clairement à encoura-ger, mais il faut aussi apprendre à mieux en comprendre les dynamiques afin de les organiser et les orienter au mieux, au bénéfice d’un développement plus équitable de part et d’autre de la Mé-diterranée et sur le continent africain, espace sur lequel la Tunisie peut s’ap-puyer pour se positionner dans la com-pétition économique mondiale. Vos travaux devront ainsi s’inscrire dans le cadre de la construction d’un espace euro-méditerranéen, et au-delà réfléchir au rôle que le Maghreb, entre Europe et Afrique, peut jouer dans la création d’un large espace universitaire euro-africain.

C’est pourquoi vous êtes aujourd’hui réunis à l’initiative de France Terre d’Asile et de la Maison du Droit des Migrations, et avec le soutien du Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France, pour réfléchir aux enjeux et aux opportunités de ces migrations de la connaissance. Vous vous pencherez sur de nombreuses questions, passionnantes, mais difficiles. Ainsi, comment relever le défi, pour le système universitaire français, d’être présent au Maghreb tout en contri-buant à des formes d'autonomisation des structures académiques maghré-bines ? Comment favoriser le réinvestisse-ment des connaissances acquises à travers des mobilités au profit des pays d’origine ?

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Pierre Henry, Directeur général de France terre d’asile

Les mobilités sont une chance à saisir autant pour la prospérité des pays du Nord que pour le dévelop-pement des pays du Sud. Une chance, à condition de les organiser, une chance à condition de savoir convaincre et de savoir vaincre les frilosités des états et celle des opinions pour en tirer profit. Où cette chance peut-elle le mieux prospérer, sinon dans les pays qui partagent une même langue ? C’est en effet là, dans cet espace linguistique commun que les mobilités, les échanges, les migrations circulaires peuvent se développer, en toute harmonie, et pour le bénéfice de tous.

Voilà trois ans que la maison du droit et des migrations est installée à Tunis. Trois ans qu’avec modestie et persévérance nous travaillons aux côtés des institutions tunisiennes et de la société civile à une meilleure connaissance du phénomène migratoire, qu’il s’agisse des migrations forcées, des migra-tions économiques, ou des migrations clandestines et à tenter de poser et de résoudre quelques questions. La question des migrations forme à elle seule un enjeu de civilisation.Elle est en effet un enjeu économique, culturel. Elle ques-tionne la nature du développement, elle porte en elle une question stratégique qui touche à la paix ou à la guerre, à la souveraineté des États. Voilà pourquoi nous ne devons céder à aucune facilité, à aucun raccourci de la pensée sur cette thématique, et voilà pourquoi nous vous proposons de travailler sur la place particulière qu’occupe la Tunisie dans les migrations de la connaissance à l’intérieur de l’espace franco-phone.

Tout le monde sait ici que de nombreux facteurs, l’apparition de nouvelles technologies, celle de l’information et de la com-munication - les TIC-, l’essor des secteurs Recherche/Dévelop-pement et Innovation au sein des entreprises internationales, la valorisation du capital humain avec le développement de l’éducation et de la formation, une compétition mondialisée, bref tout le monde sait à quel point la combinaison de ces éléments alimente le moteur de la croissance économique.

Ce que personne n’ignore non plus, c’est que pour faire mar-cher le moteur, il faut de la matière grise, et que pour dis-poser de la meilleure matière, les entreprises prospectent le marché international. Voilà ce qui explique pourquoi le nombre de migrants qualifiés dans les pays de l’OCDE a progressé de 50% depuis les années quatre-vingt-dix.

La question des mobilités se pose donc aujourd’hui plus que jamais, et s’il est plus facile pour les plus diplômés de profiter de programmes transnationaux ou des réseaux universitaires pour migrer, il reste beaucoup de matière grise gâchée, de cerveaux qui pourraient alimenter le mo-teur de la croissance, mais qui, faute de mobilité ou faute de projets, faute de mobilité de projets, ne permettent pas d’augmenter la puissance du moteur. Les très nombreux jeunes diplômés Tunisiens, qui sont sans travail, sont les premiers à le savoir.

C’est pour proposer des solutions que nous avons inscrit cette réflexion au menu de ce colloque, et que nous avons choisi d’orienter les mobilités vers un espace, un espace élargi par la langue et à la fois contenu par elle, je veux parler de l’espace francophone. Cette donne linguistique, culturelle, est rarement prise en compte dans le domaine des migrations. Elle nous semble pourtant fondamen-tale, et c’est pourquoi nous avons choisi de la convoquer

Nos arguments tracent toujours le même sillon : les mobilités sont une chance à saisir autant pour la pros-périté des pays du nord que pour le développement des pays du sud. Une chance, à condition de les organiser, une chance à condition de savoir convaincre et de savoir vaincre les frilosités des états et celle des opinions pour en tirer profit.

Où cette chance peut-elle le mieux prospérer, sinon dans les pays qui partagent une même langue ? C’est en effet là, dans cet espace linguistique commun que les mobilités, les échanges, les migrations circulaires peuvent se développer, en toute harmonie, et pour le bénéfice de tous.

Avec des circulations facilitées, les personnes qui vont et viennent au pays transfèrent leurs compétences et leurs revenus améliorent ainsi le système d’éducation et le niveau de vie local notamment dans les pays à revenus intermédiaire ce qui est le cas de la Tunisie..Et pour faciliter les premiers pas, pourquoi ne pas se tourner vers un espace constitué de pays cousins ? La situation de la Tunisie, à la croisée des chemins de la famille du nord et du sud francophone, devrait être la première bénéficiaire de cette option.

Prendre le parti de la francophonie devrait être une évidence ici, au pays d’Habib Bourguiba, l’un des trois pères fonda-teurs de la francophonie -avec ces deux compères, Léopold Sedar Senghor, le Sénégalais, et le Nigérien Hamani Diori. Ils avaient bien compris que la langue n’était pas qu’un ou-til, qu’elle portait des valeurs, d’universalité, de liberté, de solidarité. Qu’elle était un ciment prometteur. Et si l’on en juge la vision qu’en avait Bourguiba, je pense qu’il aurait été, au-jourd’hui avec nous, un ardent défenseur des migrations de la connaissance au sein de l’espace francophone :

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Le français, disait-il voilà plus de 50 ans (en 68 au Canada), représente un étonnant moyen de communi-cation et de rencontre. Sans la conscience du fait francophone et de son étendue, sans la mise en œuvre de la francophonie dans une perspective d’harmonie et de cohésion, Afrique blanche et Afrique noire risqueraient fort de s’enfermer dans une indifférence ou dans une ignorance mutuelle…Loin de porter au repliement, le fait francophone favorise l’insertion dans le monde lui-même, projeté à la pointe avancée du progrès technique, économique, social. S’inscrivant dans une conscience commune et dans une large communauté, permettant un élargissement des relations extérieures, loin de porter à l’autosuffisance, il favorisera l’épanouissement de chaque pays et son accomplissement dans le concert des nations. Il constituera ainsi, une base solide aux échanges générateurs de développement. Il sera l’un des fondements de la paix et de la coopération.

L’espoir que Bourguiba plaçait dans le fait francophone garde la même pertinence aujourd’hui, et il est temps d’accélérer la réalisation de ses vœux. Il est temps que les enjeux de progrès portés par la francophonie soient mieux convoqués, et de manière plus concrète, afin de servir et de soutenir le dévelop-pement.

L’un des chemins tout désigné pour y arriver doit emprunter les routes d’une francophonie de l’intelligence, d’une francophonie de la connaissance, cette matière première immatérielle que l’on dit sans limite et qui serait, forte de son infinité, capable de procurer des crois-sances sans plafonds ! Ne fantasmons cependant pas sur les doubles chiffres promis par certains, mais soyons sûrs que l’économie de la connaissance est, au-delà d’un concept à la mode, le dé-terminant clé d’une vision politique am-bitieuse.

De quoi s’agit-il ? De tout mettre en œuvre pour armer et développer les fondamentaux de cette économie dont la base, avant tout hu-maine, repose sur l’éducation, la forma-tion, et qui, pour exister, doit arracher sa place au sein d’une économie monde, hautement concurrentielle. Vaste chan-tier, déjà en œuvre en Tunisie, et que nous souhaitons aider à prospérer en suggérant ici des pistes d’actions, de réflexions.

La première c’est bien sûr d’envisager les moyens de faciliter la circulation des intelligences et des hommes, d’envisager les modalités de telles mobilités. La Tunisie accueille environ trois mille entreprises étrangères, près de 13 000 jeunes tunisiens poursuivent leurs études en France, et quelques milliers d’étudiants subsahariens (6 000 ) viennent se former ici. Ces chiffres ne suffisent pourtant pas à cacher la forêt des échanges qui n’existent pas -pas encore - et qui pourraient compter pour mieux arrimer la Tunisie au sein d’une économie mondialisée et dont elle doit pouvoir mieux tirer profit.

Comment favoriser l’installation, le développement de l’entreprise internationale et favoriser l’emploi ici mais aussi favoriser la mobilité au sein des groupes internationaux ?

Les mobilités sont bien sûr celle des hommes : il faut envisager le développement des migrations circulaires et penser, à terme, la création d’un visa francophone. Mais les mobilités sont aussi celles des projets, et ce n’est pas faute de les avoir énoncés entre les deux rives de la Méditerranée, et à de nombreuses reprises –exploitation des ressources halieutiques – du solaire – des transports- de l’énergie- mais cent fois sur le métier...

Pourtant, si les mobilités doivent concerner des secteurs à haute teneur en savoir, avec des projets en mesure de soutenir les infrastructures nécessaires à la circula-tion de l’information, à la recherche et à l’innovation, il faut avoir conscience que la connaissance ce n’est pas seulement le savoir des universitaires, des chercheurs, des penseurs, des ingénieurs de Google ou d’Apple. La connaissance touche aussi à tout une quantité de savoir faire, de compétences particulières, pouvant être transmis par l’apprentissage.

Pour démontrer toutes leurs pertinences, les mobilités de projets doivent aussi tenir compte de cette connaissance-là, qui naît des rencontres, des partages, des formations « professionalisantes ». Pour celles-ci aussi, qui intéressent notre jeunesse, il faut favoriser les al-lers retours. Sans échanges, toute forme d’échange, il est plus difficile de se frayer une place de choix dans la compétition internationale.Or c’est bien ce défi-là qui attend la Tunisie. La Tunisie mais aussi le Maghreb, l’Europe du sud.

Comment travailler à des échanges plus équitables avec la francophonie du nord, porter un autre regard, plus vif et plus confiant vers celle du sud ? Comment substituer à la vampirisation des cerveaux un meilleur partage des connaissances et les mettre au service de projets à mener en commun, comment trouver des partenaires et des arguments pour fortifier les volontés politiques ?

Autant de questions qui, je le souhaite, trouveront des éléments de réponse au cours de ce colloque. Et je l’espère d’autant plus qu’une nouvelle donne sécuritaire, liée au terrorisme, risque de venir entraver toutes les mobilités déjà restreintes par la crise économique et son corollaire la peur de l’invasion.

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Lorsque l’on admet au Nord que les jeunes générations doivent vivre avec le terrorisme et le fait sécuritaire, je crains pour le futur que nos nations empruntent la voie la plus facile, celle de la fermeture. Or la fermeture engendre toujours à terme la peur, laquelle génère le conflit, la confrontation. Voilà pourquoi notre obsession pour le futur doit être le maintien, l’organisation, le développement des voies de migrations au sein d’espaces régionaux cohérents.

À nous alors d’imaginer de nouvelles voies de circulation. Celles qui empruntent les chemins de la francophonie, gagneraient à être déblayées. La Tunisie pourrait alors y trouver une place centrale, au cœur même du dispositif. De quoi fortifier, grâce à une croissance confortée, une jeune démocratie pleine d’avenir.

L’Europe hésite sur la voie à suivre et en Afrique, du Nord au sud, les menaces aux frontières limitent les déplacements et augmentent une suspicion qui rétrécit le monde et le droit à circuler. Au risque de freiner les mobilités de la connaissance et avec elles, les perspectives de développement.

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La participation des ressortissants tunisiens à l’expansion de l’économie de la connaissance au sein de l’espace

francophone

Modalités et impact de l’émigrationde savoir tunisienne au sein de l’espace francophone

Ahmed Messaoudi, Responsable du Bureau de l’émigration et de la main d’œuvre étrangère, Ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi (MFPE)

Des échanges des jeunes professionnels sont conclus avec la Suisse. Une convention a été signée avec l’Allemagne pour faciliter le recrutement des ingénieurs tunisiens.Concernant la préparation et l’aide au retour, des programmes pour l'encouragement des compétences tunisiennes à l’étranger pour investir enTunisie ont été mis en place...

Aujourd'hui, nous avons noté près de 1.201.929 tunisiens résidant à l’étran-ger dont 122.486 sont des compétences (diplômés du supérieur, experts, cadres et hommes d’affaires) soit 10.2% de la diaspora. Et pendant l'année 2012, on a constaté un flux d'émigrés de 47.2% qui ont le niveau de l'enseignement secondaire et seulement 16.5% de diplômés de l'enseignement supérieur. Toujours en ce qui concerne l’année 2012, nous avons également mesuré la migration estudiantine à 75.000 étudiants et 157.121 élèves tunisiens, soient respectivement 6.2% et 13.1% de la diaspora dont 98.000 dans les pays francophones.

Par ailleurs,53.1% des migrants de com-pétence tunisiens sont instal-lés dans des pays francophones. Il sosnt répartis de la manière suivante : 44.1% de cette migration se trouve en France avec 54 033 personnes ; 1.9% en Belgique, soit 2 306 ; 0.9% en Suisse qui représente 1 111 personne ; 2.7% au Canada soit 3 238 per-sonnes ; 1.3% en Algérie soit 1 542 personnes et enfin 1.3% au Maroc soit 1 621 personnes. Les 46.9% de la migration de compétence restants sont sur l’ensemble des autres pays d’accueil (non francophones).

En se référant aux grandes régions, on constate que les compétences se concentrent davantage en Europe, puisque en effet 62.8% des migrants

de la connaissance tunisiens sont ré-sidents dans les pays de l’Union euro-péenne, ce qui correspond à un total de 76.920 personnes. Au second rang des régions d’accueil des migrants de com-pétence, nous avons les différents pays Arabes dans lesquels résident 30.1% des migrants. 5.8% soit 7 153 personnes sont en Amérique du Nord et enfin 1 800 compétences tunisiennes, soit 1 800 personnes ont émigré vers l’Afrique, soit 1.5%.

En Europe, c’est la France qui est le pays accueillant le plus de compétencestunisiennes : 54 033 personnes sur un total de 76 920.En Amérique du Nord, la répartition est plutôt équilibrée : 3 238 compétences au Canada et 3 872 aux USA. Enfin, au sein des pays Arabes et contrairement à ce que l’on pourrait penser, sur un total de 36 879 compétences, 1 542 sont en Algérie et 1621 au Maroc.

En ce qui concerne la migration des étudiants tunisiens vers l’étran-ger, leur nombre total est de 75 000, représentant ainsi 6.2% de la diaspora tunisienne. Parmi ceux-là, 47 500 se trouvent dans des pays francophone, soit 63,3 %.A titre d’exemple, je cite la France qui accueille 49.6% en France des étu-diants tunisiens ayant émigré et le Canada, pays au sein duquel résident 7% des étudiants tunisiens émigrés.

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En ce qui concerne la coopération avec la Suisse, il existe deux accords en matière de migration. Le premier est un accord pour la promotion des échanges des jeunes profes-sionnels (150 par an). Le deuxième consiste en la mise en place d’un programme d’aide au retour volontaire, visant à donner la possibilité à ceux qui le souhaitent de rentrer volontairement en Tunisie et de bénéficier d’une assistance leur permettant de dévelop-per un projet de réintégration tout en sachant que chaque retour est organisé en concerta-tion avec les deux gouvernements nationaux.

Un autre exemple serait l’accord ratifié avec l'Allemagne. Le ministère de la formation professionnelle et de l’emploi (via l’ANETI- L’Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant–) a signé une conven-tion avec la GIZ (la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit est l'agence de coopération internationale allemande pour le développement). Pour faciliter le recrutement des ingénieurs tunisiens en Allemagne. Deux opérations pilotes ont été effectuées, la première en 2013 pour le recru-tement de 100 ingénieurs et la deuxième à la fin de 2014 pour le recrutement de 150 ingé-nieurs spécialisés en informatique, électro-nique, électrotechnique, génie civil et génie mécanique. Par ailleurs, il y a également l'ac-cord de coopération bilatérale entre l’ANETI et l'Agence fédérale de coopération allemande qui a été signé en juillet 2013 afin de faciliter le recrutement des spécialités paramédicales.Enfin, je voudrais profiter de cette inter-vention pour vous présenter les services du Ministère de la Formation Profes-sionnelle et de l’Emploi (MFPE) tunisien ainsi que de l’ANETI, agissant pour la promotion des migrations des compétences.

Le MFPE a via son agence l’ANETI mis en œuvre un programme de formation en ligne en langue an-glaise et française au profit des de-mandeurs d'emploi afin d’augmen-ter leur employabilité à l’échelle nationale et internationale. Ce pro-gramme concerne 2000 diplômés de l’enseignement supérieur par an, 1000 seront formés en langue fran-çaise et 1000 en anglais. A la fin de la formation, un diplôme reconnu à l’échelle internationale est délivré aux bénéficiaires, après le passage d’un concours et le succès aux exa-mens organisés en partenariat avec notamment le British Council ou en-core les services culturels français. En outre, l’ANETI a créé un site web en matière de migration permettant le rapprochement entre offres et demandes d’emploi à l’internatio-nal, qui va doter les services d’em-ploi d’une banque de données des compétences tunisiennes candidats à l’émigration et des offres d’emploi à l’international et faciliter aux can-didats à l’émigration de savoir les procédures de recrutement à l’in-ternational par pays de destination tout en permettant aussi aux entre-prises étrangères de déposer leurs offres d’emploi et de bénéficier des services de l’ANETI gratuitement.

Je tiens maintenant à vous présenter les conventions bilatérales existantes en matière de migration et qui participent à la mise en œuvre de la stratégie de la Tunisie pour le développement de l’offre des possibilités d'emploi aux compétences tunisiennes.

Du côté de la promotion de la migration tunisienne vers les pays arabes, le MFPE a détaché un conseiller d’emploi à Qatar et deux conseillers en Libye afin explorer les offres d’emploi et identifier les besoins des institutions de ces deux pays en termes de compétences.

Concernant la préparation et l’aide au retour, des programmes pour l'encouragement des com-pétences tunisiennes à l’étranger pour investir en Tunisie ont été mis en place. En effet, La Tunisie a éla-boré des mécanismes de prise en charge des personnes à travers la création des cellules d’accompa-gnement aux tunisiens à l’étranger porteurs de projets. Par ailleurs, et concernant cette prise en charge, les capacités institutionnelles des porteurs de projet ont été dévelop-pées, via notamment la réalisation des bilans de compétences des personnes ainsi qu'une formation à la création d’entreprise (CEFE).

Je tiens maintenant à vous présenter les conventions bilatérales existantes en matière de migration et qui participent à la mise en œuvre de la stratégie de la Tunisie pour le développement de l’offre des possibilités d’emploi aux compétences tunisiennes. Dans ce contexte la Tunisie a conclu des accords bi-latéraux avec plusieurs pays, dont la France, la Suisse, l'Allemagne, le Qatar et la Libye. Ainsi l’accord tuniso-français en matière de mi-gration et de développement solidaire com-porte des volets se rapportant à la migration professionnelle (Jeunes professionnels, carte compétence et talents, travail salarié et travail saisonnier), aux projets de développement solidaire y compris la formation profession-nelle et aux programmes d’aides aux retours volontaire y compris l’aide financière, la for-mation et l’intégration dans un travail salarié.

Cet accompagnement passe aussi par l'orientation des bénéficiaires vers les projets rentables. Le suivi et l'accompagnement du promoteur durant un an afin de garantir la pé-rennité économique du projet, en réalisant des compléments de for-mations techniques au promoteur. Enfin, le ministère a également mis en place l'accompagnement indi-viduel avant, pendant et après la phase initiale de création de projet, pour déterminer des possibilités, des zones et des secteurs d’inves-tissement rentables. Des centres ressources pour les migrants dans 3 gouvernorats en collaboration entre l’OIM (Organisation internationale pour les migrations), l’OTE (Office des tunisiens à l’étranger) et l’ANETI ont été créés et à titre d'exemple, le nombre total de projets mis en place par les migrants de retour de la Suisse entre juillet 2012 et juin 2014 était de 491 projets pour un montant total de 2.743.000 CHF (soit l’équiva-lent de 2 552 815 € et 5 601 386 TND).

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Les perspectives de l’intervention de l’Office des Tunisiens àl’étranger (OTE) 

Lassaad LABIDI Directeur Général de l’Office des Tunisiens à l’Etranger (OTE)

Les Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) contribuent de manière active au développement de la Tunisie, et notamment au travers des transferts des fonds. Ainsi, sur les 10 dernières années les transferts des TRE représentent des moyennes annuelles supérieures à 5% du PIB et 20% de l’épargne nationale.

L'Office des Tunisiens à l'Etranger (OTE) a été créé en juin 1988. Il a pour mission générale de fournir au gouvernement tu-nisien les éléments et les données lui permettant de mettre en œuvre une politique d'encadrement et d'assistance aux Tunisiens résidents à l’étranger.À cet effet, nous assurons la promotion et l’exécution des programmes d’encadrement des Tunisiens résidents à l’étranger, définissons et mettons en œuvre un programme d’assistance en faveur des Tunisiens à l’étranger, de leurs familles dans le pays de résidence et en Tunisie et élaborons puis exécutons tout programme culturel qui développe et renforce l’attachement des enfants tunisiens à l’étranger à leur patrie. Par ailleurs, un autre aspect important de notre tra-vail consiste à faciliter la réinsertion des Tunisiens émi-grés de retour en Tunisie dans l’économie nationale et à instituer un système d’information continu au profit des Tunisiens résidents à l’étranger et veiller à son suivi.

Pour la mise en œuvre de ces missions, l’Office porte un intérêt spécifique à de nombreux éléments tels que la famille, la jeunesse, les milieux associatifs, en outre un intérêt particulier est porté aux compétences tunisiennes à l’étranger exerçant dans les domaines scientifique, technologique, économique et artistique.

Tout d’abord, revenons-en à l’histoire de l’émigration tuni-sienne. La grande vague de départ à l’étranger des Tunisiens remonte aux années 60 (période de construction et de re-construction de l’après deuxième guerre en Europe). Après, entre 64 et 74 -la plus grande vague-, l’émigration tunisienne a connu un changement typique : elle est passée d’une émi-gration de main-d’œuvre en une émigration de type familial, causée par le regroupement familial et le désir de s’installer et maintenir les liens. Durant les trente dernières années, les

émigrés tunisiens ont diversifié leurs pays de destination en s’orientant plus qu’avant vers les régions du Golfe (en parti-culier Arabie Saoudite, Émirats Arabe Unis, et Qatar) et de l’Amérique du Nord (en particulier le Canada et les Etats-Unis).

Les principales zones d’accueil des Tunisiens résidents à l’étranger en 2012 étaient l’Europe en premier lieu avec untotal de 1 032 412 (84,4% des TRE). Le premier pays d’accueil étant la France avec 54.7%, suivi de l’Italie avec 15.4% et enfin l’Allemagne avec 7.1%. En deuxième position viennentles pays du Maghreb avec 9.6%, en troisième position les Pays arabes avec 4.9% et en dernière position Canada et les USA avec 3%.

L'émergence des USA et du Canada en tant que nouvelles destinations pour l'émigration tunisienne s’est faite à par-tir de 1985, suite à une migration de jeunes plus instruits et mieux formés ou d’étudiants à la recherche de meilleures conditions de formation ou de travail. La migration vers les pays du Golfe s’est faite dans le cadre de la coopération technique.

Depuis la fin des années 1980, la structure sociodémogra-phique de la diaspora a commencé à changer. Nous avons constaté un rajeunissement de la population, une présence de la famille et une féminisation, la présence des hommes d’affaires, des investisseurs, des chercheurs, ainsi qu’une multiplication d’artistes et de nouvelles compétences dans différents domaines de la coopération technique.

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Ainsi, sur les 10 dernières années les transferts des TRE représentent des moyennes annuelles supérieures à 5% du PIB et 20% de l’épargne nationale. Toutefois, il convient de souligner qu’une partie importante des transferts de fonds ne passe pas par les circuits formels (problème du coût des transferts) limitant ainsi la mobilisation des fonds notamment pour des projets de développement.

Les Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) contribuent de manière active au développement de la Tunisie, et notamment au travers des transferts des fonds.

En 2013 les transferts des TRE représentaient 4.9% du produit intérieur brut. Ils contribuaient à équilibrer la balance des payements en absorbant 37% de son déficit dû au déficit de la balance commerciale. En outre, ces transferts sont une grande source des devises, en 2013 ils représentaient 32% du disponible net des devises. Ensuite vient la contribu-tion à la création des projets et le transfert des compétences.

Par ailleurs, selon une enquête TIDO (Tunisian migrant Involved in dé-velopment of the country of Origin) sur la contribution des TRE au développement économique et social réalisée en décembre 2011, la migration contribue aussi au développe-ment du pays à travers le transfert des compétences. Ainsi, selon cette étude 63% des TRE ont un niveau d’instruction supérieur, 25.7% expriment leur intérêt pour participer à une expérience de transferts de compétences et de savoir-faire vers la Tunisie et 85,9 % souhaiteraient être impliqués dans le développement de la Tunisie.

Au regard de ces éléments, permettez-moi de vous présenter désormais les actions concrètes menées par l’Office pour im-pliquer la diaspora au développement de la Tunisie :

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L’information et l’orientation (bureaux d’accueil/ délégation régionales/ attachés sociaux)

Encadrement des associations : l’Office des Tunisiens à l’Etranger (OTE) détient un répertoire des associa-tions de TRE qui va être actualisé.

L’organisation, des journées d’appui au développement dans les régions en collaboration avec les offices régionaux de développement et les structures chargées de la promotion des investisse-ments.

La mobilisation des compétences des TRE dans les domaines stratégiques du développement, notamment dans le domaine économique où l’OTE dispose d’un répertoire des Compétences des Tunisiens à l’étranger.

La Création d’un comité de liaison avec les compé-tences TRE

Cependant, il convient de souligner que nous rencontrons de nombreuses limites pour encourager l’implication de la diaspora dans le développement notamment au regard des difficultés existantes pour l’identification des compétences et le manque de stratégie d’information. En effet, plusieurs compétences ne sont pas inscrites, en outre, le manque de politique claire d’action de mobilisation des compétences et de coordination avec les associations réduit les potentielles implications de la diaspora. Enfin, il apparaît que lorsqu’elle a lieu, la culture de valorisation de la contribution économique de la diaspora se fait souvent au détriment du développement social.

Quelles sont les perspectives de développement de nos outils et instr uments pour la mobilisation de la diaspora de la connaissance ?

Nous prévoyons la création d’un répertoire d’associations de développement au niveau régional par les délégations régio-nales de l’OTE ainsi que la mise en œuvre d’opérations de ju-melage entre des associations des TRE et les associations de développement local en Tunisie. En outre, nous comptons faire des programmes d’intervention sociale et solidaire ciblés, actualiser les données figurant dans le répertoire des associa-tions et des compétences, valoriser et médiatiser les actions solidaires et sociales ayant un impact sur le développement local et organiser des forums pour les hommes d’affaires.

Nous travaillons à l’élaboration d’une académie de l’investisse-ment ainsi qu’à l’établissement d’un programme de valorisa-tion des réussites au travail de la délivrance d’un prix pour les grandes compétences et les hommes d’affaires qui se sont dis-tingués. Enfin, nous misons sur la création d’une plate-forme pour les compétences tunisiennes et les hommes d’affaires TRE

De toute évidence la diaspora Tunisienne constitue au-jourd’hui, avec d’autres acteurs, un levier de développement et de croissance pour le pays. Elle est un réel potentiel de savoir-faire, de solidarités, de ressources humaines et donc elle peut bien contribuer à améliorer les indicateurs de dé-veloppement économique et de développement humain.

« Nous espérons qu’après la phase de transition le contexte sera bien favorable pour mobiliser davantage la diaspora tunisienne pour qu’elle puisse jouer pleinement son rôle dans le développement de la Tunisie. »

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L’ATCT est chargée depuis 1972 du placement des compétences

tunisiennes à l’international et de la coopération sud-sud ou triangu-

laire, en partenariat avec les bailleurs de fonds et les pays bénéficiaires.  Ainsi, L’ATCT a

réussi pendant plus de 42 années d’existence à placer plus de 50 000

coopérants et experts auprès de divers pays notamment arabes et

africains.

Salhi Borni, Directeur général de l’Agence de coopération technique (ATCT), Ministère du Développement, de l’Investis-sement et de la Coopération Internationale.

Les activités de l’ATCT :

Gestion de la banque de candidature et inscription des dossiers des candidats intéressés par le travail dans le cadre de la coopération technique dans les pays ou organismes étrangers.

Placement des compétences tunisiennes auprès d’institutions étrangères pu-bliques et privées, régionales et internationales et d’organismes étrangers implan-tés en Tunisie.

Gestion et suivi des affaires administratives des coopérants et experts exerçant à l’étranger auprès de leurs établissements d’origine et des caisses sociales

Envoi d’experts et consultants tunisiens pour des missions d’assistance technique ou de formation décentralisée…

Organisation en Tunisie des sessions de formations et perfectionnement et des voyages d’études au profit de cadres arabes et africains et ce en collaboration avec des centres d’excellences tunisiens tout en veillant au bon déroulement et à la qualité de la formation fournie.

Les partenaires étrangers de l’ATCTL’ATCT met les compétences tuni-siennes inscrites à sa banque de can-didatures à la disposition de tous les employeurs étrangers, qui souhaitent placer ces compétences. l’ATCT traite les requêtes reçues de ces employeurs par la pré sélection des CV de candidats appropriés, en puisant dans sa banque de candidatures et organise les entre-tiens avec les délégations étrangères tout en veillant au bon déroulement.

En outre, l’Agence met à la disposition des organismes étrangers publics ou privés des experts et des consultants tunisiens pour effectuer des missions

d’appui, de conseil, de formation, d’animation d’atelier de travail ou des

séminaires…

L’ATCT contribue au développement des compétences des pays bénéficiaires dans différents domaines techniques et ce par l’organisation, en Tunisie ou à l’étranger, de formations adaptées aux besoins des cadres des institutions des pays demandeurs, et ce, en colla-boration avec des experts spécialisés des centres de formation tunisiens.

Des sessions de formation sont or-ganisées, des projets de développe-ment réalisés au profit des pays arabes et africains avec l’appui financier de divers partenaires tels que la JICA (Agence Japonaise de Coopération In-ternationale), la BADEA (Arabe Bank for Economic development in Africa), la BID (Banque interaméricaine de dé-veloppement) ou encore l’Organisa-tion Internationale de la Francophonie.

En 2014, l’ATCT a organisé 14 sessions de formation au profit de 209 cadres arabes et africains dans différents thèmes techniques notamment la re-cherche scientifique et la santé, l’agri-culture, l’environnement, l'Energie et des Mines et la formation profes-sionnelle et l’édition du livre scolaire.

Pour une meilleure visibilité sur les marchés étrangers l’ATCT s’appuie sur ses bureaux de représentations à l’étranger qui sont au nombre de 7. Ces bureaux sont supervisés par des conseillers de coopération technique qui sont chargés de la promotion des activités de l’ATCT et de la prospection des besoins en matière de placement de cadres tunisiens, de formation et d’ex-pertise tunisienne. Les représentations sont réparties dans les pays suivants : L’Arabie Saoudite (Ryadh et Jeddah), le Koweit, le Sultanat d’Oman, les Emirats Arabes Unis, le Qatar avec couverture du Bahrein, la Mauritanie avec couverture des pays d’Afrique de l’ouest.

En 2014, L’Agence a pu assurer le recrutement de près de 3380 coopérants dont 45 primo demandeurs d’emploi.

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Barbara Dätwyler, Directrice de Coopération, Ambassade de Suisse

Le nombre des coopérants (terme utilisé pour désigner les cadres des secteurs public et privé qui sont placés à l’inter-national par le biais de l’ATCT) s’élève à 16229 dont 2235 dans l’espace francophone  : 45% travaillent en Europe et prin-cipalement en France (747), en Belgique (184) et en Suisse (80), 41.5% sont au Canada et le reste en Afrique soit 13.5%.

Le nombre des coopérants travaillant au Canada a atteint 928 en 2014. Les principaux secteurs sont l’enseignement et le sport (338), l’administration (192), la santé (164), l’électricité et la mécanique (100) et (134) dans diverses spécialités

Le placement au Canada a enregistré une hausse considé-rable jusqu’au mois de Septembre 2014, date à laquelle le gouvernement fédéral a supprimé le programme Avan-tage Significatif Francophone (FSB) qui a été remplacé par le programme Entrée Express entré en vigueur en Janvier 2015. Dans le cadre de la promotion de la coopération technique pour le placement des compétences tunisiennes au Canada, l’ATCT a participé à l’événe-ment Destination Canada qui a eu lieu du 17 au 19 Novembre 2014 à Paris, ce programme vise à pro-mouvoir le Canada en tant que pays d’accueil.

En tant que correspondant national de l’Organisation In-ternational de la Francophonie, en Tunisie et acteur dans l’espace francophone  l’ATCT participe régulière-ment aux forums que l’OIF organise pour, comme ce fut le cas à Dakar  , échanger et dégager des recommanda-tions sur les perspectives de rapprochement des acteurs économiques dans l’espace économique francophone  .

Pour de plus amples informations sur l’ATCT : http://www.tunisie-competences.nat.tn/

Le retour des migrants du savoir : Quelles dynamiques de réinsertion dans l’économie nationale ?

En ce qui concerne les migrants du savoir, nous nous sommes investis à fond dans ce qu’on appelle « migration et développement »,c’est-à-dire des initiatives qui soutiennent la contribution des migrants de la diaspora et des étrangers pour le développement en Tunisie.

Tout d’abord, permettez-moi de partager deux réflexions d’ordre général:

La première : Le retour des migrants du savoir est un sujet évoqué dans des contextes tran-sitionnels, notamment lorsque dans la période précédente, un pays a perdu une grande partie de sa main d’oeuvre qualifiée, nécessaire à la reconstruc-tion du pays. Je pense surtout à des contextes fragiles comme en Libye, au Sud-Soudan et au Libéria.

Par rapport à la Tunisie, la situation se présente différemment, dans le sens où malgré la mauvaise conjoncture, le pays dispose à la base d’une administration fonctionnelle et d’une économie aux fondations solides, où l’avance de sa-voir d’un migrant qui rentre est moindre que dans les pays précités. Ainsi, l’écart de compétences entre les personnes re-tournées et celles restées au pays n’est pas aussi importante que dans des pays qui ne disposent presque pas de struc-tures. Nous ne devons pas surestimer la contribution d’un retourné ou d’une

En outre, en ce qui concerne la Suisse, une grande partie des personnes ren-trées pendant les trois dernières années de la Suisse en Tunisie n’étaient pas des personnes ayant acquis des ressources, des compétences ou des connaissances durant leur séjour en Suisse. Il s’agissait plutôt d’hommes, majoritairement sans le bac, qui ont traversé la Méditerranée en 2011 pour demander l’asile en Suisse et qui se sont souvent trouvés dans une situation difficile lors de leur séjour en Suisse. Leur réintégration comme membres productifs et non stigmatisés dans leurs communautés est un défi et nécessite un minimum de motivation de la part de ces hommes, une certaine capacité d’influence positive de la part des familles, et un accompagnement personnalisé.

retournée, même si on ne peut pas nier l’effet formateur des années d’expé-rience à l’étranger.

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La seconde réflexion: Le sujet du retour me paraît assez restrictif, du moins si on considère la place de l’économie tunisienne vis-à-vis de l’Europe, où la majorité des Tunisiens Résidant à l’Etranger se trouvent, ainsi que les technologies modernes de commu-nication. Je connais un nombre important de personnes qui font la navette entre les deux pays. Un vol Genève-Tunis en classe économique me coûte TND 500 et ne dure que deux heures, alors que le train Genève-Zurich nécessite trois heures et me coûte TND 350, et ceci en deuxième classe. Nous avons mandaté une étude sur les Tunisiens Résidant en Suisse, étude qui a confirmé les statistiques de l’administration tunisienne selon lesquelles cette communauté dispose d’un contingent

important de diplômés du supérieur, le taux le plus élevé des TRE en Europe. L’étude a relevé également que la ma-jorité de ces membres disposent d’un bon standard de vie et ne pensent pas à rentrer, ce qui n’est guère surprenant. Ainsi, nous voyons des Tunisiens Résidant en Suisse désireux de garder leur domicile en Suisse. Ceux qui ont des affaires en Tunisie font généralement des allers-retours mais gardent leur base en Suisse. Néanmoins, l’étude a clairement confirmé qu’un nombre important de Tunisiens Résidant en Suisse voulait contribuer au développement de la Tunisie.

Pour moi, la discussion ne devrait pas se focaliser sur le retour mais plutôt sur la manière dont les Tunisiens Résidant à l’Etranger peuvent être incités à contribuer au développement de la Tunisie,

quelle qu’en soit la modalité.

Nous avons donc réfléchi sur la façon de structurer notre coopération en matière de migration. D’un côté, nous avons visé à faciliter le retour en dignité de migrants qui n’avaient pas de séjour régulier en Suisse et, d’autre part, de faciliter la contribution des Tunisiens – et particulièrement des Tunisiens Résidant en Suisse – pour le développement.

En juin 2012, nous avons conclu avec la Tunisie un partenariat migratoire. Il s’agit d’une approche compréhensive et novatrice permettant de tenir compte non seulement des défis, mais également des opportunités que les migrations présentent.

Permettez-moi d’illustrer cette approche compréhensive et novatrice de notre partenariat migratoire avec trois exemples concrets :

1Pour le retour volontaire de personnes en séjour irrégu-lier en Suisse, nous avons mis en place, notamment avec l’OTE et l’OIM, le plus grand programme d’aide au retour

volontaire et à la réintégration suisse depuis dix ans.

Ce programme, mis en oeuvre par l’OIM, a vu la création de plus de 850 emplois à travers plus de 500 microprojets approuvés. Durant la phase de réintégration, les parti-cipants bénéficient d’une assistance dans l’élaboration de leur plan d’affaires et d’un accompagnement tout au long du processus de mise en oeuvre du microprojet. Ils peuvent choisir des projets individuels ou impliquer des membres de leur communauté. Idéalement, ces micropro-jets peuvent bénéficier également aux familles des mi-grants ainsi qu’à leur communauté.

Je suis satisfait de pouvoir me rendre utile et de pouvoir sub-venir à mes besoins ainsi qu’à ceux de mes deux associés : l’un est membre de ma famille et l’autre est issu de ma communau-té. Ils m’aident à vendre mes produits et à nettoyer mon local. Ce projet m’a permis de créer par conséquent deux emplois et j’aimerais bien sur le long terme agrandir mon local et recruter du personnel supplémentaire.

Nabil, un grossiste en produits alimentaires de retour en Tunisie depuis 2012, et bénéficiaire du programme m’a confié:

En ce qui concerne les migrants du savoir, nous nous sommes investis à fond dans ce qu’on appelle « migration et développement », c’est-à-dire des initiatives qui soutiennent la contribution des migrants de la dias-pora et des étrangers pour le développement en Tunisie.

2Le deuxième exemple concerne le projet Communauté Tunisienne Résidente en Suisse pour le développement (CTRS) que notre bureau met en oeuvre en partenariat

avec l’OTE, et qui durera jusqu’à fin 2018. Ce projet est en soi assez novateur puisqu’il s’agit du premier projet de diaspora compréhensif au monde, mis en oeuvre par la Coopération suisse avec une équipe en Tunisie.

L’idée de ce projet est partie du constat de la présence de nombreux Tunisiens Résidant en Suisse hautement qua-lifiés et attachés à la fois à la Suisse et à la Tunisie. Cette diaspora est, débordante d’idées et de volonté pour faire valoir son expérience, ses ressources, ses compétences et ses connaissances au profit du développement socio-éco-nomique de la Tunisie. Ce projet a pour objectif d’amélio-rer la contribution des Tunisiennes et des Tunisiens qui vivent en Suisse au profit du développement socio-écono-mique de la Tunisie, notamment à travers le renforcement de l’accompagnement des TRE de la part de l’OTE principa-lement. Le projet CTRS prévoit également le soutien à des microprojets de développement initiés par des associa-tions de Tunisiens en Suisse. Nous sommes actuellement en cours de signature de deux microprojets de dévelop-pement de qualité de la part d’associations de Tunisiens Résidant en Suisse.

Nous avons aussi conclu des partenariats avec la Chambre de Commerce et d’Industrie Tuniso-Suisse, avec des insti-tutions tunisiennes et l’agence ACIM pour inciter des en-trepreneurs tunisiens résidant en Europe à investir en Tuni-sie. Je parle ici des dispositifs CTRS Invest et Twensa Invest. Par rapport à Twensa Invest, sept projets d’entreprenariat ont été sélectionnés pour être soutenus par le conseil tech-nique. Au-delà, le projet prévoit des missions de trans-fert de compétences tunisiennes de Suisse vers la Tunisie.

Cette étude est accessible sur le site www.ctrs.ch.

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Pour conclure, j’aimerais certes partager l’importance du retour des migrants du savoir. En même temps, j’espère aussi que notre discussion tienne compte des différences entre les Tunisiens Résidant à l’Etranger dans différents pays pour atteindre l’objectif ultime : le développement économique de la Tunisie et, particulièrement, des régions défavorisées. Une promotion

3Le troisième exemple est l’Accord relatif à l’échange de jeunes professionnels que nous avons conclu avec la Tunisie et entré en vigueur en août 2014. Cet Accord tient compte des opportunités potentielles qu’un pays francophone comme la Suisse peut offrir à des jeunes diplômés tunisiens pour être plus compétitifs sans aboutir à une fuite de cerveaux. A tra-

vers l’Accord, jusqu’à 150 jeunes professionnels tunisiens peuvent effectuer un stage de perfectionnement rémunéré en Suisse, qui peut durer jusqu’à 18 mois et qui leur permettra de retourner en Tunisie avec plus de compétence et de contribuer, à leur manière, au développement économique de la Tunisie. Nous sommes activement en train de promouvoir l’Accord.

Je suis convaincue de la pertinence de notre coopération avec les Tunisiens Résidant en Suisse, qui tient compte de leur intérêt pour contribuer au développement de la Tuni-sie sans toutefois nécessiter un retour comme précondition.

Kais Mabrouk, membre de l’ATUGE1 (Association des Tuni-siens des Grandes Ecoles)

1L’ATUGE est une association à but non lucratif indépendante et apolitique créée en 1990. L’association, représentée à Tunis, à Paris et à Londres, anime un réseau de 4 500 membres issus des grandes écoles d’ingénieurs et de commerce.Le but de l’ATUGE: faciliter l’accueil en France des élèves Tunisiens dans les classes préparatoires et grandes écoles ; favoriser l’insertion professionnelle et le développement des carrières de ses membres en Tunisie et en France ; promouvoir esprit d’initiative et d’entrepreneuriat ; promouvoir les échanges et les partenariats économiques entre la Tunisie, la France et l’espace européen. www.atuge.org

Le mot migration du savoir n’a plus lieu d’être. Je parlerais plutôt de flux d’intelligence…Aujourd’hui une question se pose : Qu’en est-il de cette intelligence tunisienne qui existe partout dans le monde ?

Je souhaitais juste, dans un contexte où l’on parle de mondialisation, revenir sur le mot migration du sa-voir qui, je pense, n’a plus lieu d’être parce que dans une globalisation on peut être aujourd’hui en Tunisie et demain en France. On peut être également en Tunisie tout en ayant ses intérêts ailleurs. Je parlerais plutôt de flux d’intelligence et pour créer des flux, les conserver et les maîtriser, il faut créer des différences de potentiels.

J’ai entendu dire tout à l’heure que le salaire en Tunisie n’était pas très attirant par rapport à une élite qui vit à l’étranger. Oui, c’est vrai, mais ce n’est pas seulement en se basant sur la partie pécuniaire que l’on pense à rentrer, il y a aussi la vision qui est très importante. Quand on est Tunisien et que l’on vit à l’étranger, et que l’on sait qu’en Tunisie il y a une réelle vision, une volonté d’aller à un endroit précis, cela fait partie des éléments qui nous donnent envie de rentrer et nous attire.

Je fais partie des jeunes boursiers qui sont partis étudier à l’étranger. Je suis revenu en Tunisie il y a un an, de ma propre initiative. Bien que je sois boursier du gouverne-ment tunisien, bien que j’aie signé une convention par la-quelle je m’engageais à rentrer une fois mes études termi-nées ou à rembourser ma bourse dans le cas contraire, en aucun cas je n’ai été  contacté un jour par l’État ou autres pour les rembourser. Je suis rentré de mon plein gré, parce que j’avais envie de rentrer, et la seule structure qui m’a accompagné, c’est l’ATUGE qui m’a aidé à connaître des gens, à faire des contacts dans les entreprises en Tunisie.

du retour est opportune pour les migrants du savoir qui disposent de meilleures perspectives en Tunisie. L’offre de stages de perfectionnement pour des jeunes tunisiens s’inscrit également dans la dynamique de meilleures perspectives en Tunisiepour le retour.

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Jusqu’à 1991, les Tunisiens qui faisaient des grandes écoles à l’étranger ont été très sollicités par le gouvernement pour rentrer, pour les postes de hauts fonctionnaires, et ensuite cela s’est interrompu. Il y a eu une autre politique qui consistait à encourager les jeunes à s’insérer à l’étranger pour drainer des coopérations et nouer des partenariats. Aujourd’hui c’est une question qui se pose : Qu’en est-il de cette intelligence tunisienne qui existe partout dans le monde ? Je viens de découvrir récemment par hasard qu’un Tunisien travaille à la NASA et est sur le point de lancer un satellite. Je l’ai découvert accidentellement alors qu’on est censés avoir une base de données des compétences tunisiennes qui nous permet de savoir ceci. Alors y a-t-il une base de données qui recense les compétences entrepreneuriales ou scientifiques des Tunisiens dans le monde ?

Compte rendu de discussion :

Il y a un problème de connaissance du capital humain tunisien à l’étranger.

Il y a, pour les ingénieurs et les docteurs, une opportunité en Tunisie pour travailler.

La question a été posée de savoir s’il était propice pour le Tunisien qui travaille à la NASA, de rentrer en Tunisie aujourd’hui. Je dirais non, effectivement. J’appelle cependant à maitriser les flux de migrations, à avoir une connaissance des compé-tences qui se trouvent à l’étranger et, en fonction des besoins de la politique gouvernementale, à encourager ces cibles. Je prends un exemple : Nous avons principalement besoin d’entrepreneurs pour qu’ils puissent stimuler, créer des emplois. Je vais peut-être vous étonner : savez-vous qu’à Paris, intramuros, il y a 3 500 chefs d’entreprises tunisiens ? Intramuros, je ne parle pas de la grande ceinture. Et jusqu’à présent, nous ne sommes pas capables de déterminer qui sont ces entrepreneurs. On a travaillé pendant deux ans avec une association dont je fais partie qui s’appelle le Groupe des Entrepreneurs et des Investisseurs Tunisiens à l’étranger, et on a encore du mal à atteindre je dirais 50 ou 60% de cette base de données. Donc il y a un problème de connaissance du capital humain tunisien. Et une fois qu’on aura une connaissance approfondie de ce capital, on saura à quel moment il est propice d’encourager ce monsieur-là à revenir en Tunisie.

Ai-je été sollicité quand j’étais à l’étranger pour rentrer en Tunisie ? Oui, j’ai été sollicité par le biais de l’ATUGE par le groupe Bouebdelli, pour un de leurs établissements, et également par Orange pour un poste proposé à l’époque. Mais je suis entrepreneur, donc ça ne m’intéressait pas. Cependant, j’avais l’opportunité de revenir dans d’autres circonstances : vous savez que le Ministère de l’Enseignement Supérieur recrute constamment des maîtres de conférence, et croyez-moi, des docteurs disponibles en Tunisie, c’est difficile à trouver. J’ai moi-même essayé d’en recruter un l’an dernier, c’est diffi-cile. Je parle des personnes qui ont le diplôme de doctorat et qui sont à la recherche d’un emploi en Tunisie, il y en a peu. Alors oui, il y a des opportunités en Tunisie pour travailler. Pour les ingénieurs et les docteurs, il y a une opportunité, mais est-elle suffisamment attractive aujourd’hui ? Ça, c’est une autre question…

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Un espace universitaire monidalisé :Une chance pour la Tunisie ?

La mobilité étudiante Sud-Nord et Sud-Sud depuis le Maghreb : Quelles évolutions, quels enjeux ?

Sylvie Mazella, Directrice du laboratoire méditerranéen de Sociolo-gie(LAMES), Aix Marseille Université, CNRS, LAMES UMR 7305

Les grandes écoles françaises d’ingénieurs jouaient déjà le rôle de production et de reproduction des élites, avant les Indépen-dances ; elles le jouent encore aujourd’hui pour une partie des élites marocaines et tunisiennes( …)le système public continue à être performant dans le domaine des sciences dures et à pro-duire des étudiants de haut niveau dont une part, à l’instigation des autorités nationales, va poursuivre ou parfaire ses études à l’étranger.

Dans le cadre de la table ronde «  Un espace universitaire mondialisé  : une chance pour la Tunisie ? » organisée par France Terre d’asile et la Maison du droit et des migrations à Tunis. Je reviendrai briè-vement sur l’évolution de la politique d’accueil d’étudiants étrangers en France durant ces dernières décennies, et la re-placerai dans un contexte mondialisé de migration sélective et concurrentielle.

Dans un second temps, j’insisterai sur l’importance de déplacer le regard vers les pays du Maghreb. Regarder ce qui se passe dans les pays du Maghreb, permet de mieux comprendre l’évolution les politiques de gestion des pays d’accueil qui se sont diversifiés et se sont renforcés depuis les pays d’origine. Regarder ce qui se passe au Maghreb permet de comprendre les réponses politiques que ces pays ap-portent à l’injonction mondialisée de transformation universitaire, et de mieux situer ces réponses dans l’histoire nationale universitaire de ces pays. Cela permet aussi de comprendre les mobilités étudiantes Sud-Sud à l’échelle de l’Afrique et du monde arabe, qui sont moins dominantes et beaucoup moins connues, alors qu’elles sont pourtant existantes depuis longtemps, et qu’elles prennent dans le contexte actuel une tournure nouvelle1.

Une mobilité étudiante maghrébine tournée historiquement vers la France

Le flux des étudiants maghrébins va majoritairement du Sud vers le Nord, vers l’Europe, et en particulier vers la France qui reste de loin le premier pays d’accueil des étudiants maghrébins, même si ces dernières années des enquêtes ont montré une diversification des parcours , vers l’Allemagne, les pays de l’Est, vers l’Espagne, le Royaume uni et vers le Canada. La France continue à recevoir 67 % des étudiants de cette région.

Sur les 260 000 étudiants étrangers en France (ce qui représente plus de 11 % de la population étudiante), la moitié des effectifs des étudiants étrangers vient de l’Afrique, dont près de 30 % du Maghreb.

1Cette communication s’appuie sur des recherches empiriques menées individuellement et collectivement depuis 2005, en France, et dans trois pays du Maghreb Algérie, Tuni-sie, Maroc. Je m’appuierai en particulier sur les résultats d’une enquête collective que j’ai dirigée durant 4 ans entre 2005 et 2009. Cette recherche a regroupé une vingtaine de chercheurs algériens, marocains, tunisiens et français. Elle a abouti à la publication d’un ouvrage  La mondialisation étudiante. Le Maghreb entre le Nord et le Sud, Karthala/IRMC.

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Les politiques françaises font et défont en bonne partie la mobilité pour études et l’orientent dans le sens soit d’une mobilité provisoire soit d’une immigration plus pérenne selon les époques, privilégiant tantôt la fermeture tantôt l’ouverture.

Historiquement, la demande étran-gère de formation en France re-

monte au lendemain de l’indépendance. La France a favorisé cette demande. Elle voyait dans la formation de cette jeu-nesse post indépendance l’occasion maintenir son rayonnement culturel dans les cursus universitaires des étu-diants du Sud. Pour s’inscrire à l’univer-sité, il suffisait de fournir une attestation d’équivalence du diplôme ou une attes-tation des autorités du pays d’origine certifiant que le diplôme permettait de s’inscrire dans les facultés du pays d’ac-cueil. Cette inscription donnait droit à une carte de séjour temporaire renou-velable.

Les années 1970, marquent un premier tournant :

la vieille logique de rayonnement cultu-relle de la francophonie et de politique d’aide au développement est intégrée à une politique de « maîtrise » voire de réduction drastique de l’immigration. On introduit l’idée d’une réciprocité des avantages. Un certain nombre de rap-ports et de circulaire vont dans le sens d’un durcissement des procédures d’accueil, afin de limiter un « risque mi-gratoire »

A la fin des années 1990, cette poli-tique d’accueil se modifie à la faveur

de la constitution d’un marché mondial de la formation, où il s’agit désormais de conquérir des parts de marchés. Nombre de rapport dans cette période cherche à analyser comment la France et son sys-tème d’enseignement supérieur doivent se positionner par rapport au marché mondial de la formation, et interroge la finalité de la politique d’accueil des étudiants en France. De 1998 à 2003, On assiste à une politique d’ouverture et d’accueil des étudiants étrangers  ; il s’agit d’atteindre quantitativement un seuil situant la France au palmarès des premiers pays d’accueil d’étudiants étrangers le monde.

A partir de 2003, le seuil d’étudiant étrangers ayant été atteints, l’objectif est désormais est de favoriser la venue des meilleurs et de contribuer par les allers et retours au co-developpement du pays d’origine et du pays d’accueil. La notion d’immigra-

tion choisie est employée, notamment dans le discours du premier ministre Dominique De Villepin en 2006 « aujourd’hui nous ouvrons la voie d’une immigration choisie » (allocution du premier ministre du 9 .02 .2006 au comité interministériel de contrôle de l’immigration).

Au-delà de la politique française, tous les analystes s’accordent à dire que le paysage de l’enseignement supérieur s’est profondément modifié depuis la fin 1990.

l’Organisation mondiale du commerce décline pour la première fois en 1998 la liste des barrières qui entravent le libre échange des services d'éducation dans le monde parmi lesquelles : le monopole d'Etat, la limitation à la circulation, le contrôle des changes et le refus d'assistance financière aux établissements privés.

Toute une lexicologie est présente dans les déclarations, les rapports, les médias : On parle désormais de "marché du service de l'ES", "d'économie du savoir", "de gouvernance autonome de l'université", de démarche qualité de l'université dans le sens mieux adaptée aux besoins du marché de l’emploi.

Quatre grandes phases depuis les indépendances se dégagent :

1998 : une date charnière dans la réforme de l’enseignement supérieur

La déclaration de la Sorbonne marquera en Europe la première étape d'un long processus communément appelé le processus de Bologne (LMD)  : adoption d’un système de diplôme facile et comparable la promotion de la libre circulation des étudiants et des enseignants ; promotion à l’échelle européenne de l’évolution de la qualité de l’enseignement (classements, palmarès des universités…).

Depuis la fin des années 1990, l’enseignement supérieur connaît ainsi partout dans le monde, de profonds bouleversements : le marché de la formation se diver-sifie avec la densification des échanges universitaires, la mise en place de nouvelles modalités de coopération scientifique, l’insertion de l'enseignement supérieur dans la réorganisation du commerce mondial (Accord Général sur le Commerce des Ser-vices), et avec l’ouverture vers le privé et l’utilisation de nouveaux critère de gestion et d’évaluation des établissements universitaires. De nouveaux modes de certification et de nouveau outils d'évaluation se créent  : depuis 2003, on assiste à l’établissement d’un classement annuel des meilleures universités dans le monde par l'université de Shangaï et à la multiplication de clas-sements nationaux via la création de centres de développement de l'enseigne-ment supérieur (comme en Allemagne) ou de cabinets de conseils d'orientation (en France le cabinet SMBG) qui élaborent un classement national des meilleures uni-versités largement diffusé par de puissants organismes de presse.

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Dans ce contexte de réformes, quelle est la position et la réponse du Maghreb ?

Les pays du Maghreb cherchent à répondre à deux difficulté : se positionner dans un contexte de mondialisation de l’économie de la connaissance dont ils ne veulent pas être les exclus ; et sortir de la crise des systèmes universitaires nationaux qui ne participent plus de l’ascenseur social et constituent même un des viviers du chômage. Depuis la fin des années 1980, les diplômés vivent une période de crise de débouchés due à la poussée démographique du système universitaire maghrébin et à une saturation de la Fonction publique et qui ne peut plus assurer comme par le passé un poste de cadre à ces diplômés (dans les années 1960 et 1970).Ce sont les jeunes diplômés qui sont le plus touchés par le chômage parmi l’ensemble des jeunes. Les taux de chômeurs diplômés parmi les chômeurs avoisinant les 20%.

Ces pays tentent de trouver des solutions de différentes manières : - à travers l’adoption du LMD dans leur système universitaire ; - en envoyant leurs meilleurs étudiants se former à l’étranger ; - à travers l’utilisation et la multiplication du double diplôme en lien avec une université étrangère ; - à travers la création de filière professionnelle dans le public et la création d’un secteur privé de l’enseignement supérieur dans les années 2000.

Les Etats du Maghreb sont depuis longtemps des lieux de formation où circulent les étudiants maghrébins, et ils sont de plus en plus aujourd’hui pays d’accueil et “ producteurs ” d’une migration subsaharienne diplômée. Les étudiants qui partent pour des destinations maghrébines cherchent souvent à contourner les orientations autoritaires de systèmes na-tionaux d’orientation rigides qui autorisent ou barrent certaines filières en fonction des résultats obtenus dans le secondaire.

Malgré une crise universitaire et plus largement économique, ces pays continuent de

proposer des formations de qualité, surtout en Tunisie et au Maroc.

Nos études montrent qu’il existe une véritable offre universitaire de proximité à l’échelle

intra-maghrébine et intra-africaine.

Une offre universitaire à l’échelle intra-maghrébine et intra-africaine :

Une autre enquête a pu mettre en évidence un profil d’étudiants (et d’étu-diantes), issus des milieux très aisés de haut responsables politiques mauri-taniens ou des chefs d’entreprise, qui viennent se former en Tunisie dans des filières d’économie et de gestion néces-saires à la bonne reprise d’une entre-prise familiale à leur retour.

Les enquêtes menées dans le cadre d’une recherche collective soulignent qu’au point de départ des étudiants maghrébins ou arabes optant pour une destination maghrébine, il y aurait le projet collectif : celui d’une famille ayant un capital éco-nomico-professionnel à transmettre. Sans pour autant viser à tout prix l’excellence scolaire, ces familles aisées ont besoin que leurs enfants obtiennent les diplômes nécessaires, valorisés et reconnus, qui leur permettront de reprendre et de faire fruc-tifier le capital familial. Une étude sur les étudiants marocains en Tunisie dans la filière des sciences médicales montre des jeunes gens (fils et filles de médecins ou dentistes pour la plupart) qui ont bien intégré cette stratégie familiale et qui se pro-jettent d’ores et déjà dans le mode de vie d’une classe économiquement dominante dans leur pays.

Ces étudiants étrangers souhaitent rentrer chez eux au terme de leur cursus ; les entretiens font explicitement état d’un découplage entre projet d’étude et projet migratoire. D’une part, parce que les conditions socio-économiques (et la légis-lation du marché de l’emploi dans les pays du Maghreb) ne leur permettent pas d’envisager une installation définitive sur place ; d’autre part, parce que le retour semble être une partie intégrante d’un projet professionnel élaboré par la famille. On n’est pas dans le cas d’une fuite des cerveaux.

Les étudiants subsahariens au Maghreb sont en augmentation depuis une quinzaine d’années dans les établissements supé-rieurs privés. Dans certains de ces établissements, les étudiants étrangers représentent près du tiers, voire pour certains établis-sement près de la moitié de leur effectif total, et 80% d’entre eux viennent des pays de l’Afrique subsaharienne (parmi eux des Gabonais, Ivoirien, Camerounais, Maliens).

Il ressort des enquêtes de terrain que la Tunisie est vu par ces étudiants subsahariens comme une alternative à l’Europe : une terre de formation aux filières diversifiées dans le

public et dans le privé, où on y trouve des établissements qui ont adopté les normes du sys-tème éducatif européen LMD, et enfin une terre de formation où les Etat encourage l’accueil

des étudiants subsahariens, dès le premier cycle.

On constate que des familles de cadres supérieurs des pays africains, et même une frange de la classe moyenne supérieure de ces pays, choisissent la voie de la formation privée payante au Maghreb. Cette voie permet à leurs enfants l’accès à une formation supérieure plus diversifiée qui était difficile jusqu’alors, en dehors du quota de bourses délivré par les ministères de l’Enseignement supérieur public, mais qui se fait au prix d’un fort investissement financier pour les non boursiers de ces pays (endettement des étudiants et de leurs parents)

L’enjeu est de jouer au Maghreb, à l’échelle Sud-Sud au niveau de l’Afrique, le transfert de

compétences qui se joue aujourd’hui au niveau Sud-Nord à l’échelle du monde.

Mais cette volonté d’attraction ne se réalisera pas pas sans la mise en œuvre au

Maghreb d’une réforme d’une politique d’immigration plus souple et moins

suspicieuse envers les étudiants subsahariens

Parmi les établissements supérieurs privés nationaux, on trouve ceux issus de la formation professionnelle privée dont l’actionnaire majoritaire est familial. Leurs directeurs défendent une logique quantitative de développement commercial et de rentabilité. Ce sont ces établissements qui accueillent le plus d’étudiants étran-gers. Leurs directeurs cherchent à détourner à leur profit le marché de formation que représente l’augmentation de la demande sociale des étudiants subsahariens. Ils ont multiplié, durant les dix dernières années, les formes d’ac-cord avec les établissements privés et publics des pays de l’Afrique francophone.

Création de différents types d’établissements supérieurs privés au Maghreb

Un deuxième type d’établissements revendique la continuité d’une mission publique dans le privé. Les actionnaires de ces établissements privés sont constitués d’entreprises privées, et d’un regroupement d’enseignants et d’experts issus de la diaspora scientifique maghrébine qui cherche à garantir l’ex-cellence de ces établissements par sa notoriété et son réseau. On y retrouve les figures emblématiques de ces hommes et femmes qui ont défendu activement la création de filières d’excellence scientifiques et techniques du secteur public des années 1990.

La création d’établissements supérieurs privés peut prendre une forme encore plus politique (engageant un partenariat entre les hautes instances des pays concernés), avec la créa-tion d’établissements privés (ou semi-publics) de droit tuni-sien, autofinancés par les frais d’inscription et délivrant des diplômes français et nationaux dans le cadre d’une double diplomation. C’est ce type de création d’établissements qui se rapproche le plus de ce qui appelé Campus offshore dans les analyses de l’OCDE. Dans ce cas, l’université étrangère associés n’est pas actionnaires majoritaires du foncier (établissement et logements étudiants, terrain), et les diplômes délivrés sontnationaux et étrangers avec le plus souvent la mise en place d’un enseignement en binôme entre enseignants natio-naux et étrangers. Les projets les plus avancés au Maghreb, lancés en 2009, sont liés à la France,  soit sous la forme d’un consortium d’établissements transnational2 soit sous la forme d’importation d’un label d’établissement français.Ainsi, le projet Institut Tunis Dauphine (ITD) ouvert en 2009 - cas inédit en Afrique de délocalisation universitaire étrangère - a été encouragé par les autorités tunisiennes et françaises.

Les établissements supérieurs privés qui se sont développés ces quinze dernières années, en particulier en Tunisie et au Maroc, s’appuient sur la demande sociale des étudiants subsahariens pour revendiquer leur développement et leur rayonnement à l’échelle de l’Afrique.

2 C’est le cas de l'Université Internationale de Rabat créée sous la forme d’un consortium académique, et qui a été soutenu par l’ambassadeur du Maroc en France et le PDG de Vivendi. La construction de ce vaste campus de 20 hectares dans la future Technopolis de Rabat figure parmi les premiers projets soutenus par l’Union pour la Méditerranée (UPM).La France a par ailleurs favorisé ce type d’initiative au Caire, à Abou Dahbi, au Vietnam.

Conclusion

Deux configurations principales semblent se dégager dans les mobilités Sud-Sud à l'échelle de l'Afrique. Celle déterminée par le mouvement intra-maghrébin, horizontale et homogène, qui dessine une offre universitaire diversifiée de proximité ; et celle du mouvement Sud-Nord intra-africain, verticale et hiérarchisée qui semble suivre le modèle international Sud-Nord du transfert de compétences, au niveau de l’Afrique. Reste que cette libéralisation claire de l’enseignement supé-rieur qui va dans le sens de la pression des grands bailleurs de fonds internationaux (FMI, Banque mondiale, Agence française de développement)  est un peu particulière. Elle ne s’est pas faite ces dix dernières années au Maghreb sans le contrôle de l’État. Les États maghrébins ne souhaitent pas lâcher la bride par laquelle ils contrôlent le système national de formation. On ne se trouve pas en Tunisie dans le cas d’une logique de décharge de l’Etat. On reste dans un régime qui contrôle, à travers l’autorisation d’agréments pour l’ouverture ou non d’établissement privé, à travers la délivrance ou non des accréditations en licence et en master. On assiste plutôt à une imbrication de logiques publiques et privées dans le fonctionnement de ces établisse-ments. Des logiques marchandes et de gestion entrepreneuriale nationales et internationales s’imbriquent à des logiques d’ins-titutions publiques et de service public, voire d’esprit civique et citoyen dans un contexte post révolutionnaire. D’un autre côté, l’État en Tunisie (et au Maroc) cherche à renforcer via le privé le nouveau dessein que ces pays se donnent : celui d’être des pays producteur de diplômés pour le reste de l’Afrique.

La présence de ces étudiants subsahariens a des retom-bées dans la société d’accueil maghrébine, non seule-ment culturelles et économiques mais aussi politiques. Elle n’est pas sans effet sur certaines orientations des politiques publiques d’enseignement supérieur et d’im-migration. Le Maghreb, à l’instar des pays européens, applique à sa mesure une politique d’immigration choisie. En même temps que les pays de cette région s’ouvrent « au bon » étudiant, boursier d’État ou économiquement solvable, ils réprimandent sévèrement celui qui devient «  clandestin  » à la suite par exemple d’échecs dans sa trajectoire d’études ou de retard dans le paiement trimestriel de ses frais d’inscription dans un établissement privé.

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Quels effets de l’internationalisation du savoir sur les mobilités au sein de l’espace francophone – essentiellement Afrique et Maghreb ?

Kaies Samet, Maître-as-sistant de l’enseignement supérieur en sciences économiques, ISG Gabès, Unité de recherche en économie du développe-ment (URED), FSEG Sfax

Résumé de l’intervention Le nombre de compétences tunisiennes, notamment les enseignants et chercheurs des deux sexes, qui fuit vers l’étranger est de plus en plus important. La Tunisie a pu en tirer profit (option retour et option diaspora) avant la révolution, montrant ainsi que la fuite de cerveaux ne devait pas toujours être considérée comme un fléau.

Dans une période post-révolutionnaire, la Tunisie, en tant que pays d’origine, pourrait bénéficier de tous ses cadres sur le plan économique et ce quel que soit leur pays hôte, dans le moyen et surtout dans le long terme. Sur le court terme, c’est-à-dire en 2012, l’évolution du nombre de compétences tunisiennes à l’étranger, bien qu’il n’ait pas été très important, prouve que la période transitoire qu’a connue la Tunisie, avec un climat caractérisé surtout par l’insécurité et l’instabilité politique, n’était pas encore favorable à une rétention des cadres tunisiens. Ce même climat n’était pas non plus stimulant pour le « gain » de cerveaux.

Il faut attendre le long terme et l’amélioration probable de la situation politique et économique en Tunisie (stabilité politique, absence de corruption, environnement concurrentiel, transparence, etc.) c'est-à-dire un nouvel environnement démocratique, pour envisager le « gain » de cerveaux comme un véritable canal de transfert de technologie du Nord vers la Tunisie et, pourquoi pas, comme un véritable substitut aux canaux de transfert international de technologie traditionnellement reconnus, à savoir le commerce international, le commerce intra-branche et les investissements directs étrangers.

Sadok Ben Hadj Hassine ,Expert de l’Union générale tunisienne du travail, dé-partement arabe, Interna-tional et Migrations

Il y a une sélectivité exagérée qui est pratiquée par les pays du Nord quant aux étudiants qui sont formés, une sélectivité orientée vers certaines spécialités d'ingénierie, scientifiques, de recherche aux dépens d'autres.

Votre séminaire coïncide avec une conférence de presse que nous venons de tenir ce matin. Nous avons protesté et nous avons exprimé nos préoccupations quant à l'absence d'intégration des questions migratoires dans la stratégie du gouverne-ment, et également quant à l'absence de structure gouvernementale qui s'occupe de cette question multidimensionnelle qui concerne les Tunisiens, les Africains, les Libyens, les Maghrébins. J'ose espérer que nos préoccupations seront écoutées dans le cadre du programme du gouvernement et des structures gouvernementales.

Maintenant, on m'a demandé de vous mettre au courant de l'impact et des modalités de la migration. Comment peut-on parler de l’impact et des modalités de la migration des Tunisiens, des cadres tunisiens vers l’espace francophone en Tunisie, si l’on n’a pas de stratégie de migration.

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Néanmoins, nous avons des moda-lités. Nous nous sommes ce matin en-tretenu du cadre des modalités d'or-ganisation d'immigration, des accords bilatéraux, des accords multilatéraux. Je voudrais maintenant faire une petite référence à l'accord de partenariat pour la mobilité entre la Tunisie et l'Union Européenne. Cet accord a été signé par le gouvernement tunisien sans consul-tation de la société civile, ce que nous avons dénoncé. Et, actuellement, des négociations sont en cours pour voir les modalités d'association de la socié-té civile pour la mise en œuvre de ce partenariat de mobilité entre la Tuni-sie et l'Union Européenne. Nous avons

également des accords entre les uni-versités, de coopération, de placement et d’échange. On a aussi des accords avec certains pays pour le placement des cadres, dans le cadre d'une coopé-ration triangulaire, il s’agit d'accords bilatéraux, multilatéraux et d'accords entre les institutions existantes. Je vou-drais préciser que ces accords devraient faire l'objet de révision et d'actualisa-tion, bien que certains aient été actua-lisés, par exemple en 2014, celui entre l'OFII (Office français de l’Immigration et de l’Intégration) et l'ANETI (Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail In-dépendant). Les accords universitaires devraient également faire l'objet d'une

révision. Nous avons des acteurs aussi, le marché, l'environnement est animé par des acteurs qui gèrent cette ques-tion des migrations et je ne peux pas parler de mobilité. Parce que si on parle de mobilité, c'est plus flexible, mais une migration dans un cadre de respect des droits est beaucoup plus cohérente et coïncide avec nos objectifs. Nous, Tuni-siens, nous avons des institutions, oui il y a l'ANETI, l'ATCT (Agence Tunisienne de Coopération Technique), le ministère de l'emploi, les agences privées de place-ment de cadres aussi, suite à la révision de la loi 1975 concernant le placement des cadres que l'UGTT (Union générale tunisienne du travail) a dénoncé.

Aussi, nous constatons que ces agences dévient de leurs missions : nous avons des entreprises multinationales et des investisseurs étrangers des pays européens qui, bien que nous disposions de cadres similaires, recrutent des experts et des cadres étrangers pour gérer ces investisse-ments. Normalement, les pays du Nord devraient être plus solidaires avec nous pour accepter, encourager et promouvoir l'emploi des compétences tunisiennes dans le cas de ces projets d'investissements. Nous avons des bureaux d'études, pourtant nous sommes envahis aussi par des bureaux du Nord qui font tout, du brain-drain, de l'investissement, et qui sont sou-vent, je ne dis pas hors la loi, je ne parle pas non plus de la traite, mais on constate des déviations par rapport aux droits humains.

Il y a également une société civile qui est très active et un programme de volontariat qui mo-bilise également les cadres et qui anime cette mobilité ou cette immigration classée, avec le système de placement des universités et les par-rainages. Mais là, en plus des accords et des insti-tutions et des modalités, nous avons également un système de production de connaissances et de compétences qui favorise l'inadéquation entre ce qui produit et les besoins du marché du travail que ce soit national ou international.

Pour ceux qui posent la grande question de la rentabilité du système de formation et du système d'éducation et d'enseigne-ment supérieur par rapport à l'investissement qui est fait au niveau national ou au niveau de la famille, je rappelle que nous avons à peu près 250 000 chômeurs diplômés. Avec une porte de sortie annuelle de 70.000 à 80.000 ceux avec un taux de placement des cadres qui ne dépasse pas par an depuis la révolution, les 30.000 en plus des recrutements qui sont faits par la fonction publique.

Nous avons besoin d'une grande réforme de l'enseignement supérieur pour faire en sorte que notre système, qui fait par-tie de l'ancienne machine, puisse reprendre son rayonnement, sa reconnaissance à l'étranger et son efficacité. Nous vivons également dans un système où il y a beaucoup de restrictions. Il y a une crise économique au Nord, il y a des restrictions à l'immigration et on parle maintenant de visites de courtes durées, d'échanges scientifiques, d'échanges de boursiers, et des restrictions même aux petits placements. Mais il y a également des restrictions quant aux étudiants qui sont for-més, et une sélectivité exagérée qui est pratiquée par les pays du Nord, une sélectivité orientée vers certaines spécialités d'ingénierie, scientifiques, de recherches aux dépens d'autres. Alors que les autres sont obligés, à la fin du diplôme, de quitter le pays : vous avez terminé vos études, vous partez chez vous, on peut vous aider à monter un projet mais vous partez chez vous, nous n'avons pas besoin de X personnes.

La Tunisie est devenue maintenant une plate-forme de transit et une plate-forme d'information. Nous en sommes fiers, et à l'UGTT nous défendons les droits de nos frères africains, le droit à l'em-ploi, le droit à une vie digne et le droit à l'intégration, aussi, le droit au retour, s'ils veulent rentrer chez eux et nous avons besoin de voir une législation dans ce sens.

Actuellement, nous sommes en période de gestation de réforme de l'enseignement supérieur, de réforme de l'éducation, en phase d'une préparation d'une stratégie de l'emploi, de réforme du marché du travail, on n'a pas non plus de cadre législatif du droit d'asile, ni une législation avancée respectueuse des droits en matière d'emploi des étrangers. Donc comment peut-on parler de stratégie dans ce contexte ?

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Quelle place occupe la Tunisie dans la compétition ou dans cette mobilité et cette immigration ? La Tunisie occupe une place limitée. Il y a des ténors main-tenant qui dominent le marché des compétences et des connaissances, si je peux appeler marché, le monde des connaissances. Les pays comme l'Inde, la Chine et en géné-ral l'Asie, ont développé des plateformes très puissantes et qui jouent des rôles très importants dans cette compétition et dans le placement des compétences. Pour la Tunisie, il y a une polarisation, nous avons une politique qui n'est pas diversifiée, qui est polarisée vers la France et les pays arabes, c'est une politique qui est axée sur l'élément masculin. 90% des compétences sont de sexe masculin, donc il y a une absence à la participation de la femme, les qualifi-cations également sont de placement à l'étranger, sur-tout concentrées au niveau de l'enseignement et des compétences d'enseignement, l'ingénierie, la recherche et la médecine.

Nous constatons une augmentation des flux : en 2003, 20 000 compétences à l'étranger et en 2007, ce chiffre a grimpé à 53 000. Mais ne vous en faites pas, depuis la révolution et avant, depuis 2007, ce flux a complètement baissé. Nous sommes en train de vivre maintenant, à cause des politiques de restrictions et de fermeture, une stabilisation de cet effectif. Donc le contexte actuellement, un contexte international, n'est pas favorable à la prospection, à la promo-tion du placement de l'immigration des compétences alors qu’il y a des propositions pour dynamiser ce processus. On va venir à ça, il y a également des propositions pour accroître cette mobilité ou développer le processus d'immigration de compétence dans le cadre d'un échange gagnant-gagnant, nous devons agir dans les deux sens, du côté tunisien et également du côté des pays francophones.Je rappelle que pourcentage de placement en Afrique ne dépasse pas les 10% de nos compétences.

Discussion :Améliorer un système inégalitaire :

Je pense qu'il faudrait s'inscrire sur une piste de révision des cahiers de charges de l'établissement de l'enseignement supérieur pour voir ce que l’on choisit, l'intérêt général, l'enseignement, la promotion de la recherche scientifique et technologique ou si l’on choisit le capital et le gain.

Il y a des choses qu'il faut clarifier. Le ministère doit s'ins-crire dans une démarche de normalisation et dans une démarche de qualité. C'est nécessaire pour la renommée de notre système d'enseignement supérieur.

Certes, nous avons des écoles prestigieuses qui forment des candidats pour le concours des grandes écoles, nous avons certaines filières technologiques qui sont également presti-gieuses, mais il y a beaucoup à faire dans le secteur privé. Et là je précise en partenariat avec nos amis du Nord parce qu'ils sont impliqués dans ce système.

Un diplômé tunisien est confronté, une fois qu'il est sur place à plusieurs problèmes :

problème de normalisation, problème de reconnaissance, problème d'intégration, d'examen

et de test.

Prenons l'exemple des médecins, il y a un problème de salaire. Un médecin diplômé, qui est docteur en Tunisie, débarque en France. On lui dit non, vous devez refaire un certain nombre de tests et d'examens. S’il veut accéder directement à un emploi, il est affecté à des filières où il sera moins bien rémunéré que son collègue français. Il y a une disparité de salaire selon l’origine de votre diplôme, français ou tunisien. Si vous prenez deux Tunisiens, un diplômé en France et l’autre venu tardivement en France avec un diplôme tunisien, et bien le premier à moins de chance - surtout pour certaines spécialités- de tomber dans le chômage.

Les études le montrent, le Tunisien qui a fait ses études de licence et master en Tunisie et qui

est allé parfaire sa formation ou suivre un stage a beaucoup de difficulté pour s'intégrer dans le cadre du

marché du travail en France ou dans d'autres pays. Et il est soumis à un

certain nombre de réglementations et de conditionnalités.

En ce qui concerne les difficultés qui ont été mentionnées pour les étudiants étrangers, moi personnellement, je vous conseille de vous organiser et de construire des partenariats avec les organisations estudiantines tunisiennes. Il faudrait également que les ministères représentés par certains d’entre vous dans le cadre de ce colloque, se mettent d'accord. Il faudrait que les ministères concernés aussi soient à l'écoute de ces conditions. Nous trouvons que c'est regrettable de voir que nos frères africains vivent dans des conditions que nous condamnons ailleurs, au Nord, donc il faudrait qu'on tienne le même langage en défendant nos ressortissants en Europe.

Nous vous défendons également, en ce qui concerne les accords de migration circulaire, ces accords concernant les étudiants tunisiens qui sont ici. Et pour ce qui est de la question d'employabilité, elle s'est posée auparavant, en effet, avec le directeur général de la main-d’œuvre étrangère et lors d'un séminaire où on a eu un petit échange concer-nant l'emploi de nos frères africains en Tunisie, d'une façon surtout irrégulière et illégale, et de l'absence des droits pour les travailleurs qui sont employés dans pas mal d'entreprise.

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Quelles politiques universitaires en Tunisie pour encadrer la mondialisation du savoir ?

Intervention spontanée: Chiheb Bouden, Ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Il est, au moment du colloque, Directeur général de l’enseignement supé-rieur, de la recherche scientifique et des technologies de l’informa-tion et de la communication.

Notre objectif est de faire de la Tunisie un hub dans lequel on peut inviter des étudiants venant des pays amis à venir vivre en Tunisie pendant un certain moment, avoir un service de qualité pour avoir des diplômes de qualités , avoir une vie universitaire de qualité.

La mobilité est une chose très importante pour toute dynamique économique et pour toute sorte d'échangesculturels. Cela permet aux gens de mieux se connaître, d'échanger, de rapprocher les cultures. Mais pour nous, être Africain est aussi très important, parce cela nous permet - aussi bien au niveau interafricain qu’intermaghrébin- de nous compléter sur le plan économique, sur le plan du développe-ment industriel comme au niveau des échanges et des mar-chés. Évidemment, l’un des aspects de la mobilité peut être la mobilité universitaire, et depuis la création des universités tunisiennes nous avons toujours réservé des places à des étudiants venant d'ailleurs.

Lorsque j'étais étudiant, j'avais des camarades de classe Libanais, Syriens, Palestiniens, Mauritaniens, Marocains, mais aussi Subsahariens, et en grand nombre. Évidemment, ce nombre a fluctué selon les périodes : le flux des étudiants tunisiens a pu faire en sorte que le nombre- ou les places réservées aux étudiants étrangers ait baissé, ou qu’il ait été dilué sur le nombre d’institutions d’enseignement supérieur créées en Tunisie. Personnellement, je suis très convaincu de l'importance

de l’accueil des étudiants étrangers et, du temps où j'étais enseignant et directeur de l'ENIT (Ecole nationale d’in-génieurs de Tunis), je n’ai pas arrêté de le dire aux anciens ministres  : il faut avoir des étudiants étrangers en Tunisie car en rentrant chez eux, ils seront les meilleurs ambas-sadeurs de la Tunisie. Parce qu'en faisant des études à l'étranger, on se sent quelque part citoyen d'un pays et ça reste pour la vie.

En 2000, une loi permettant le dé-veloppement des universités privées en Tunisie a été adoptée. Cette loi a été révisée en 2006 puis en 2008 et je crois qu'il est grand temps de la révi-ser encore une fois, pour l'améliorer et lui donner plus d'éléments de réus-site. Au départ, cette loi a permis un démarrage relativement timide, avec la création de quelques institutions, mais on assiste à un vrai boom ces dernières années. Aujourd'hui, on compte quelque 63 ou 64 institutions d'enseignement supérieur privées. Cer-taines sont réellement d'un excellent niveau et nous en sommes fiers, et d'autres sont à améliorer, c'est le moins que je puisse dire.

Pourquoi cet enseignement supérieur privé ? D'abord, c'est une ouverture parce qu'on ne peut pas garder un seul en-seignement public plutôt guidé par le ministère. Et puis l'enseignement supé-rieur privé est un service que la Tunisie peut offrir, comme tout autre service celui de la santé ou un autre, d’autant plus que nous avons un grand nombre d’enseignants de bon niveau. C'est aussi l’occasion de diversifier l'offre, pour les Tunisiens tout comme pour nos amis qui viennent de l’extérieur de nos fron-tières, parce que ces institutions ont une souplesse qu'une institution d'ensei-gnement public peut ne pas avoir.

La situation est que nous avons un nombre assez important d’université privées.

Quelles sont les étapes suivantes  ? Effectivement, je l'ai dit tout à l'heure, la loi et le cahier des charges des institutions qui gèrent ces institutions privées sont aujourd'hui à changer, pour une amélioration de la qualité du service et de l'enseignement offert. Pour cela, nous devons d’abord instaurer des procédures de qualité obligatoire. Nous pensons aujourd'hui à la mise en place d'un système d'ac-créditation, et nous avons pour cela créé une agence nationale d'accrédi-tation, mais nous voulons également aller sur des accréditations interna-tionales, données par des organismes qui sont reconnus, selon des standards internationaux, afin de permettre une meilleure visibilité de notre ensei-gnement supérieur. Lorsque je parle d’accréditation, je ne parle pas uniquement du privé mais aussi du public.

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Nous avons également besoin d’une amélioration du système de recrutement des enseignants, parce qu’aujourd’hui, nos institutions privées n’ont peut-être pas le cadre législatif qui leur permet de recruter des enseignants permanents de bon niveau. Le taux d’encadrement reste relativement faible et les institutions privées recourent beaucoup aux enseignants du public. C’est donc là un effort que nous devons faire, nous devons créer le cadre législatif pour encourager l'enseignant à aller travailler dans le privé dans les mêmes conditions que lorsqu'il choisit de travailler dans le public. Cela signifie qu’il faut lui offrir des perspectives de carrières.

D’autre part, les institutions privées sont pour la plupart des petites institutionsnucléiques et il est grand temps de les appeler à se rapprocher les unes des autres, à se compléter, à se fédérer entre elles et à créer en quelque sorte des universités avec une masse critique plus importante et surtout qui se complètent par l'équipe-ment et l'expérience etc.

Une autre façon de mettre notre enseignement supérieur au niveau internatio-nal et de mesurer la qualité de l'enseignement, c'est l'instauration des doubles diplômes.  Nous avons mis au point ce système dans beaucoup d’institutions publiques, et cela existe aussi dans des institutions d'enseignement supérieur privées. Ainsi, lorsqu’une école ou une université étrangère s’associe avec une école tunisienne, qui va délivrer elle-même le diplôme, il s’agit d’une reconnaissance tacite de la qualité de l’enseignement délivré par cette institution.

C’est aussi un système d’émulation. Personnellement, j'ai mis en place des systèmes de doubles diplômes dans l’université publique où j'étais, et c'était extraordinaire parce que cela a permis de créer une ambiance complètement nouvelle chez mes étudiants, les gens maintenant travaillent davantage, ils veulent être parmi les meil-leurs pour pouvoir bénéficier d'une place en double diplôme, qui leur permettra de bénéficier d'une mobilité internationale, etc.

Une mobilité à l'internationale est quelque chose qui n'a pas de prix parce que, outre le fait d'avoir le deuxième diplôme, cela ouvre l'esprit, cela donne une vision différente des choses et puis cela permet de connaître d'autres cultures, d'autres marchés et, plus tard, de trouver un emploi à

l'international, d'avoir un CV plus riche.

Aujourd'hui, il est grand temps de com-mencer à lever ce clivage public/pri-vé, à réfléchir à des partenariats entre le secteur public et le secteur privé. Comment ? C'est encore à réfléchir car nous n'avons pas de solution miracle, parce que nous venons juste d'ouvrir ce dossier, lors du conseil des univer-sités du 23 décembre dernier. Nous avons consacré un conseil des univer-sités à la réforme de l'enseignement supérieur privé et, ce qui en a découlé, c'est la création de comités de réflexion visant à réfléchir au développement de cet enseignement supérieur privé

Il y a également des choses importantes qui ont été soulevées par les intervenants tout à l'heure : ce sont les universités qui ont l'esprit citoyen. Effectivement, beaucoup d'universités privées ont un objectif quasiment lucratif, ce sont des sociétés qui vendent du savoir. Or, le savoir n'a pas de prix, ce n'est pas une marchandise, le savoir est un service qui est offert. Tout un chacun qui peut investir dans une université privée doit avoir justement à l'esprit qu’il offre un service public, et l'esprit même de ces sociétés ou de ces institutions d'enseignement supérieur privées ne doit pas être un esprit de société mais plutôt un esprit d'institution à but non lucratif, où tous les bénéfices sont réinvestis soit sous forme de matériel, de moyen pour l'institution mais aussi, pourquoi pas, de bourses pour les étudiants.

Les challenges aujourd'hui sont les suivants : avoir un service de qualité, et lorsque je dis service, c'est tout ce qui inclut l'enseignement supérieur, parce que si nous voulons attirer les étudiants qui viennent depuis l’extérieur de nos frontières, il faut que ça soit un service intégré. Il faut qu'ils soient bien hébergés, bien informés avant de venir et il faut qu'ils trouvent tous les services qui ont été mentionnés. L’obtention du visa doit être facilitée. Pourquoi ne pas préparer le visa avant de venir, ou enfin un pré-visa avant de venir et une formalité à l'arrivée, etc.… ? Ces universités où il y aura plus d'étudiants qui viennent de l’étranger représenteront une plateforme d'échange de cultures et de partage. Elles permettront de nouer des amitiés, de créer des réseaux et serviront au développement de nos économies mutuelles. Ceci est particulièrement vrai lorsque je parle des pays Africains, nous avons des problématiques qui se rapprochent et nous devons nous compléter à travers ces activités.

Aujourd'hui, je veux aussi poser la question des universités offshore. Offshore, c’est-à-dire soit étrangères installées en Tunisie, soit tunisiennes qui s'externalisent, qui vont s'implanter dans d'autres pays voisins, amis. Cela n’est pas en-core autorisé par la réglementation tunisienne en vigueur, toutefois nous devons y réfléchir. En effet, notre objectif est de faire de la Tunisie un hub dans lequel on peut inviter des étudiants venant des pays amis à venir vivre en Tunisie pendant un certain moment, avoir un service de qualité pour avoir des diplômes de qualités , avoir une vie universitaire de qualité.

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Compte rendu de discussion :

Sur le traitement des étudiants étrangers en Tunisie :

Intervention de Blamassi Touré, ancien Président de l’AESAT (Association des Etudiants et Stagiaires Africains en Tunisie), aujourd’hui chargé des partenariats associatifs et institutionnels de la Maison du Droit et des Migrations :Entre 2002 et 2008 la Tunisie a expulsé plus de ressortissants maliens que l’Union Européenne réunie. L’obtention de visa pour certains étudiants est très difficile et il arrive que des étudiants – pourtant inscrits de manière régulière à l’université -, arrivent à l’aéroport de Tunis et soient renvoyés chez eux.

En ce qui concerne l’accès au séjour, les étudiants doivent fournir plusieurs do-cuments et notamment une attestation de présence de l’université, or celle-ci n’est délivrée qu’après un mois de pré-sence effective en cours, poussant les étudiants dans une irrégularité. Sachant que chaque personne en situation de séjour irrégulier doit s’acquitter d’une pénalité de 20 dinars/semaine.

Ces nouvelles dispositions précarisent grandement la

situation des étudiants puisqu’ils se retrouvent automatiquement dans des situations d’irrégularité

elles cumulent les pénalités en l’absence de délivrance des documents néces-saires par les universités (attestation de présence notamment) pour un dépôt de carte de séjour dans les délais impartis par le Ministère de l’intérieur.

La loi de finance complémentaire de 2014 crée une amende de 300 tnd en cas de renouvellement en retard ou de perte de carte de séjour.

Nous avons déjà été témoins d’expulsions d’étudiants, du fait notamment de la question du cumul de pénalités et de l’impossi-bilité pour certains de régulariser leur séjour, faute de moyens financiers. Est ce que tout ceci ne constitue pas un frein à la promotion de l’enseignement supérieur Tunisien en Afrique Sub-saharienne ?

Ma seconde question concerne la répartition des quotas, pour l’accès des étudiants subsahariens au sein de l’enseignement supérieur public. Un quota de seulement un étudiant par an a été fixé et en premier cycle, pour la Centre Afrique par exemple. C'est-à-dire s’il est en master, ce n’est même pas la peine d’essayer. Selon quel principe la répartition se fait-elle et comment expliquer tel ou tel quota ?

Malheureusement, je suis moi-même choqué par la qualité de l'accueil qui est donné à certains étrangers, lorsque je vois dans quelles conditions précaires sont logés, par exemple, nos amis libyens qui sont venus en Tunisie pour se faire soigner !Je suis tout à fait sensible à ces choses-là, et on essayera ensemble de faire avancer les choses, d'abord de vous écouter, de voir les problématiques et de faire peut être une feuille de route pour pouvoir introduire des améliorations et donner certains avan-tages et certaines zones de confort pour nos invités étrangers.

Réponse de Chiheb Bouden

J'exprime le souhait de rencontrer l'Association des Etudiants et Stagiaires Africains en Tunisie (AESAT) pour une réunion de travail dans laquelle on pourra peut-être étaler toutes les problématiques que rencontrent nos amis subsahariens et nos amis non-tunisiens qui sont là pour effectuer leurs études, afin d'identifier les difficultés qu'ils rencontrent. On essayera d'agir, dans les limites de nos possibilités pour améliorer les choses.

La question des quotas d’étudiants a été posée deux fois.

Les quotas ce sont, à ma connaissance, des accords intergouvernementaux qui se discutent dans le cadre des commissions mixtes. Personnellement, avant d'arriver au ministère, je n'ai pas cessé de revendiquer d'élargir ces quotas parce que j'ai la conviction profonde que ces étudiants représentent d'abord une richesse pour notre enseignement supérieur. Parce que c'est dans la diversité qu'on arrive à évoluer et s'enrichir mutuellement et lorsqu'on a des cultures différentes, des gens qui viennent d'origines différentes, on apprend et puis ce sont nos meilleurs ambassadeurs dans leurs pays, le jour où ils rentrent.

Peut-être qu’aujourd'hui la législation ne permet pas beaucoup aux étrangers de travailler en Tunisie, mais peut être que cela viendra un jour. Et quoi qu’il en soit, le jour où ils rentreront dans leurs pays, ces étrangers seront des ambassa-deurs de la Tunisie. Ils auront également

laissé une richesse extraordinaire aux jeunes Tunisiens qu'ils auront côtoyés, en termes d'échanges culturels, de par-tage. Ils auront permis de briser un peu ce mur, parce que le jeune Tunisien, le lycéen Tunisien, ne connaît pas beaucoup de chose sur l'Afrique ni sur

les pays voisins, sur les pays arabes qui parlent la même langue. Il est donc tout à fait bénéfique pour nos jeunes d'échan-ger, d'avoir cette occasion de recevoir des jeunes de leur âge, de partager avec eux des choses et de connaître leurs cultures.

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Il est toutefois également vrai qu’il y a des considérations diplomatiques et souvent même économiques à ces accords. Parce que c'est sur ces quotas-là que l'on peut en fait fixer un nombre de place.

Il est d’autre part grand temps de mettre au point un guichet unique qui permettrait aux étudiants étrangers de traiter leurs dossiers de visa aussi bien que leurs sécurités sociales etc. On pourra peut-être débattre, je serais réellement ravi de vous recevoir et de discuter avec l’AESAT.

Modibo Dagnon Président du Haut Conseil des Maliens de Tuni-sie et ancien président de l’Asso-ciation des Etudiants et Stagiaires Africains en Tunisie (AESAT)1

La première phase, la phase d’intégration culturelle et sportive, a duré quinze ans. Cette phase a instauré en Tunisie un espace de prise de contact entre des sub-sahariens des régions différentes : pour que les Maliens et les Gabonais se retrouvent, il faut qu’il y ait un espace de communication…

1Créée en 2003, l'Association des Etudiants et Stagiaires Africains en Tunisie est depuis 2009 un partenaire scientifique du Ministère Tunisien de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique. L’association a notamment pour objectif de faciliter l'intégration des étudiants africains en Tunisie. Issus de près de 24 pays africains, leur nombre est estimé à environ 10 000

Le fait que la Tunisie soit bilingue, c'est-à-dire arabe/français, a donné un fruit que la Tunisie récolte aujourd’hui. Supposons que la francophonie n’existe pas et que la Tunisie se soit isolée dans la langue arabe seulement, je crois que tous ces étudiants sub-sahariens n’auraient pas été aussi présents. Nous disons alors merci à la francophonie sur cette base, même si nous avons des critiques à l’égard de cette institution.

Je sais qu'il y a quelques années c'était essentiellement aussi sur des conditions sécuritaires. Cette barrière sécuritaire, j'espère qu'elle n'y est plus aujourd'hui et que l'on est un peu plus ouvert à recevoir des étudiants étrangers. Évidemment, il y a des mesures de sécurité qu'il faudra toujours prendre, mais il ne faut pas s'autocensurer pour des raisons purement sécuritaires.

L’intégration scientifique : le choix de ce thème n’est pas aléatoire, il est inspiré d’un double constat. D’une part l’ouverture faite à l’intégration des sub-sahariens ici, en Tunisie,  est presque exclusive-ment scientifique, compte tenu de la difficulté d’obtenir légitimement un contrat de travail  : À part quelques rares travailleurs sub-sahariens dans des ambassades et quelques institutions étrangères, ce sont les étudiants et stagiaires qui ont la facilité d’accès à une carte de séjour temporaire et annuelle.

D’autre part, si la communauté sub-saharienne en Tunisie est majoritairement constituée d’étudiants et stagiaires, force est d’apprécier le fait qu’elle est encadrée grâce à l’association des étudiants et stagiaire africains en Tunisie. Ce constat m’amène à considérer l’AESAT comme espace d’intégration scientifique des sub-sahariens vivant ici, en Tunisie.

Dès sa création l’association a été placée sous la tutelle du ministère de l’enseignement supérieur. Ce fait est en soit un acte d’intégration scientifique qui a permis à l’association de regrouper la communauté sub-saharienne en tant qu’organe fédérateur. Ce regroupement a nécessité une démarche graduelle, partant de l’organisation de tournois sportifs, de journées culturelles, à l’initiation d’activités scientifiques.

La première phase, la phase d’intégration à proprement parlé culturelle et sportive, a duré quinze ans. Cette phase a instauré en Tunisie un espace de prise de contact entre des sub-sahariens des régions différentes : pour que les Maliens et les Gabonais se retrouvent il faut qu’il y ait un espace. Chacun peut venir étudier ici en Tunisie, mais un Camerounais ou un Sénégalais, pour qu’ils se retrouvent, ce n’est pas facile. C’est

que tout le monde est noir, mais il n’y a pas de contact à pro-prement parlé. Il faut qu’il y ait un espace de communication entre les Africains.

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L’AESAT a dans un premier temps offert cette possibilité, mais a aussi permis aux

Tunisiens de découvrir de près l’Afrique noire et ses cultures multi couleurs. Après

quinze ans de travail, d’intégration interne et avec l’environnement Tunisien, une autre

phase a commencé il y a cinq ans.

La deuxième phase se distingue par des activités qui visent à renforcer les liens entre l’AESAT et son ministère tutelle. L’association s’est focalisée sur des activités à vocation scien-tifique : des colloques, des tables rondes, des séminaires aux-quels prennent part d’anciens dirigeants de l’AESAT qui sont aujourd’hui des cadres dans leurs pays respectifs du Gabon, du Burkina, du Mali.Si on voit aujourd’hui que la salle est pleine de sub-sahariens, c’est parce qu’on est dans une autre phase, qui n’est plus ni sportive, ni culturelle à proprement parlé. Le travail com-mence à donner des fruits ...

Quels outils pour promouvoir les migrations de la connaissance au sein de l’espace francophone à partir de la Tunisie ?

Malek Kochlef, Directeur de la coopération bilatérale et avec l’Union Européenne, ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique, des Tech-nologies de l’information et de la Communication.

Nous avons consolidé une offre de bourses et de places académiques pour plus d'une trentaine de pays africains. L’an dernier nous avons enregistré près d'un millier d'étudiants étrangers, les 2/3 étant Africains.. Notre coopération avec l'Afrique est dynamique, bien en place, elle est en constante évolution en termes de nombre, d'investissement et de bénéficiaires

Je commencerai par une lapalissade : le savoir et les hommes du savoir sont mondialisés, globalisés par nature, ça c'est un fait. Il y a une lutte globale internationale sur les talents, ce qui fait que les économies cherchent à attirer les meilleurs talents là où ils se trouvent. Donc, une lutte sans merci pour les ressources humaines, fait qu'un ministère comme le nôtre, un pays comme le nôtre, a le devoir d'être acteur dans cette dynamique, et de ne pas seulement subir cette compétition au niveau des talents.

La Tunisie possède une image de marque, celle d’un pays qui a accordé à l'éducation un effort phénoménal par rapport à sa situation. C'est un pays qui, historiquement, a investi dans l'éducation dès son indépen-dance, et qui continue à le faire aujourd'hui, en dédiant près de 2% de son PIB à l'enseignement supérieur. C’est une part très haute par rap-port à tous les pays du monde. Elle dédie près de 1% de son PIB à la recherche et développement, ce qui nous place au 1er rang africain au niveau des dépenses en recherches et développement. La Tunisie a franchi des pas importants au niveau de l'accès à l'éduca-tion, à la démocratisation de l'enseignement supérieur.

Mais la bataille maintenant, c'est une bataille de la qualité. Il y a 20 ans, en 1995, nous avions 100 000 étudiants dans nos universités, main-

tenant nous sommes à 350 000 étudiants, donc il y a une massification et un souci important

de préserver la qualité

Nous sommes vraiment persuadés, au niveau du ministère, de l'importance de la coopération internationale en ma-tière de partenariat universitaire et scientifique. Beaucoup d'actions au niveau de ce volet se font aussi bien au ni-veau du ministère qu'au niveau des institutions universitaires, des facultés, des écoles, des centres de recherches.

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Je vais vous donner quelques point sur ce que le ministère à fait à ce niveau-là pour les étudiants africains, dans le cadre de l’année de l’Afrique. Il y a eu beaucoup d'activités, beaucoup d'actions sur plusieurs niveaux  : économique, académique, politique, etc. Pour notre ministère, ce qui a été fait, c’est la consolidation d'une ancienne offre, une offre de bourses et de places académiques pour plus d'une trentaine de pays africains, 31 pays exactement. Dans les quatre ou cinq der-nières années nous avons doublé le nombre de bénéficiaires africains.

Chaque année, il y a beaucoup de demandes pour aug-menter le nombre des quotas. Nous avons été très at-tentifs à cela, il y a eu beaucoup de nouveaux ac-cords avec les pays d'Afrique francophone. Ainsi, par exemple, l'année dernière, nous avons enregistré près d'un millier d'étudiants étrangers, les 2/3 étant Africains.

On appréhende cela d'un autre point de vue, parce que c'est une voie importante de collaboration dans le futur, de lien, avec ces pays, et chaque année nous essayons de d'améliorer notre programme au niveau des procédures, du nombre, etc.

Au niveau de l'enseignement supérieur public, la majeure partie de ces étudiants bénéficient de bourses, c'est une

forme d'aide publique au développement.

Notre coopération avec l'Afrique est dynamique, bien en place, elle est en constante évolution en termes de nombre, d'investissement et de bénéficiaires. La Tunisie est également un partenaire assez actif au niveau des programmes européens, notamment au niveau d'Horizon 20-20, qui est le grand programme de financement de la recherche au niveau européen. Nous avons une très bonne participation, nous sommes de très peu derrière l'Afrique du Sud, l'Egypte et le Maroc, mais en terme rela-tif nous sommes meilleurs. Au niveau de la participation à l'ancien programme-cadre nommé FP7, nous avions eu une centaine d'institutions tunisiennes également, un finance-ment européen de l'ordre de 14 ou 15 millions d'euros, donc c'est une bonne participation.

Ces dernières années, il y a une très forte dynamique au niveau des partenariats internationaux. Une chose vraiment mar-quante c'est qu'au niveau des coopérations internationales nommées par le ministère, une attention particulière et un accent très fort sont mis sur les offres de mobilité de bourses en faveur des étudiants tunisiens. Nous nous félicitons d'avoir de très bons et nouveaux programmes avec les Etats-Unis, et avec bien sûr un certain nombre de pays européens. On parle également de plusieurs centaines de bénéficiaires de programmes d'échange avec le Japon, le Corée, l'Inde, etc. Ainsi, il y a toute cette dynamique, que nous comptons bien entendu poursuivre.

Il y a également le volet des coopérations scientifiques. Evidemment, il existe beaucoup de programmes, de partena-riats avec les pays du Nord, avec l'Europe, avec les Etats-Unis, le Japon, etc. Avec l'Afrique, on commence à avoir un certain nombre de programmes de mobilité scientifique, de finance-ment conjoint de projets de recherches. A cette heure-ci, une réunion importante est en train de se tenir au ministère avec des collègues sud-africains pour sélectionner des projets qu’on va financer ensemble, mais on le fait également avec de nombreux pays de l’Afrique du Nord, comme on le fait avec tous les pays du pourtour méditerranéen.

Egalement, en terme relatif, nous sommes les meilleurs de notre région pour ce qui est de la participation au

grand programme de mobilité européen qui est ex «Erasmus Mundus», maintenant, «Erasmus Plus».

Nous pensons que s’il y a une évolution future au niveau de la collaboration scientifique, elle se tournera vers un certain nombre de pays africains, qui sont prêts à collaborer à ce niveau-là.

Compte rendu de discussion :Sur l'importance et l'intérêt de la coopération universitaire Sud-Sud 

Il est vrai que nous avons un programme d'échange avec le Sénégal. Il est le seul au niveau de l'Afrique subsaharienne, et nous en avons avec un certain nombre de pays du Nord de l'Afrique comme le Maroc et l'Algérie. Nous envoyons des étudiants tunisiens étudier la médecine à la faculté Cheikh Anta Diop au Sénégal, qui est une référence au niveau africain donc nous nous en félicitons.

Ce que nous avons fait avec les pays du Sud, c'est d’envisager des mini Erasmus Mundus avec l'Algérie et le Maroc, on en discu-tera également avec le Sénégal. Nous avons une démarche qui consiste à diversifier les outils de cette coopération et à engager une dynamique de coopération universitaire totale, sans se baser outre mesure sur des quotas. Elle vise des projets de mobilité à tous les niveaux, même de courte mobilité, au niveau des universités. Nous sommes en train d’en discuter avec l'Algérie et le Maroc actuellement, avec d'autres pays sans doute plus tard.

Cet aspect de mobilité Sud-Sud est très important et les étudiants tunisiens qui partent à la faculté Cheikh Anta Diop sont extrêmement satisfaits et sont d'un très bon niveau.

C'est une coopération qui est très satisfaisante.

Pendant une génération, la dernière génération, la Tunisie a perdu son standing au niveau africain, au niveau de sa diploma-tie, ça c'est clair. Regardez la Tunisie au niveau des années 70, il y avait beaucoup plus de programmes, y avait beaucoup plus d'experts tunisiens qui participaient à la coopération en Afrique. Mais il y a une perte de standing mais ça, a duré une généra-tion et c'est entrain d'être reconstruit. L'année dernière, c'était une année de l'Afrique, mais nous sommes dans l'Afrique, et avoir notre stratégie africaine, là il faudrait que ça avance, c'est une question qui implique beaucoup d'acteurs publics, d'acteurs privés.

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Concernant les liens université-industrieÉvidemment, si on parle du système national d'innovation tunisien, on va s'apercevoir que nous avons mis en place toutes les composantes du système, mais que ce sont les articulations qui ne fonctionnent pas suffisamment bien, et parfois assez mal. Au niveau de ce qu'on appelle le « triple Helix », c’est à dire la triade innovation, industrie, université, la recherche et innova-tion, cela fonctionne assez mal au niveau de ces articulations.

Il y a des projets, notamment un grand projet engagé avec l'Union européenne avec 12 millions d'euros de financement, c’est leprojet PASRI (http://www.pasri.tn/) qui s'adresse à la gouvernance de ce système, mais c'est vrai,c'est un problème qui existe.

Au niveau des sciences sociales qui sont marginalisées

S'il y a un enseignement à tirer au niveau du système universitaire tunisien après la révolution, c'est qu'il y a une classe politique qui n'a rien vu venir. Il y a une mauvaise lecture de ce qui se passe dans le pays et c'est cela concorde avec la marginalisation des sciences humaine sociales, de l'économie, de la sociologie, etc. Pourtant, il existe de très bons programmes de coopération.

Nous avons un système dans lequel la biologie, la biotechno-logie, c'est pratiquement la moitié des chercheurs, la moitié des labos, la moitié des financements. C'est également une chose qui tient peu à la typologie de la formation qui existe et à la typologie du système de recherche  : ce n'est pas une marginalisation méthodique ou quelque chose dans ce sens, mais c'est plutôt qu’il y a des secteurs qui sont plus visible que d’autres au niveau du système national de recherche.

Sur les questions de restrictions à la mobilité.

Il y en a beaucoup, le visa bien enten-du, mais l’ambassade du Canada  nous impose par exemple la réciprocité au niveau des échanges  ! Si on envoie quelqu'un faire son plan de formation au Canada, il faudrait qu’un canadien vienne en Tunisie également. Bien entendu, ce n’est pas faisable. Mais nous avons en-tendu le message et ce sera aujourd'hui beaucoup plus difficile d'aller au Cana-da, comme dans les pays européens. Il y a eu un long processus de discus-sion piloté par le ministère des affaires étrangères avec la Commission euro-péenne et les pays européens sur ce que l'on appelle le partenariat pour la mo-bilité, qui n'a débouché sur pas grande chose de concret. Nous avons même des problèmes concernant les gens qui partent en mobilité sur des projets financés par l'Union Européenne et sur lesquels il n’y a même pas de facilité au niveau de la mobilité et des visas.

Sur les politiques de compensation 

C'est un fait, les cerveaux partent là où ils ont les meilleures conditions pour s'ex-primer, et donc on ne peut pas arrêter ce flux là d'une façon volontariste. Alors il faudrait essayer de tirer meilleur profit de ces compétences, et ce que nous faisons au niveau du ministère, c'est une démarche de structuration de la diaspora. Nous travaillons avec des associations, nous impliquons beaucoup de chercheurs tuni-siens dans un certain nombre d'événements scientifiques, pour l'évaluation des activités de recherche en Tunisie. Beaucoup de tunisiens de la diaspora participent à des appels conjoints que l'on a avec la France et d'autres pays européens, etc. Des associations très actives comme les ingénieurs tunisiens en Amérique du Nord, NATEG (North American Tunisian Engineers Group) qui ont des programmes avec le ministère, etc; C'est l'approche que l'on peut adopter, faute de mieux  : essayer de nouer des partenariats là où ils sont.

Sur la performance économique du système national de recherche en Tunisie 

Les composantes du système sont là, c'est un des pays qui investit le plus en Afrique par rapport à son PIB en matière de recherche (1%). Au niveau de la performance du système, au niveau de la publication par exemple, nous publions la moitié de l'ensemble des publications scientifique du Maghreb, alors que nous sommes 10% de sa population. Donc à ce niveau-là, il y a quand même des choses qui se font. Au niveau des brevets, c'est encore la question des performances scientifiques, l'articulation un peu de cette triade entre l'université, recherche et industrie qui manque, je l'ai mentionné. Seules quelques universités par an ont déposé des brevets internationaux tunisiens, pas plus, et ça c'est une question qui est importante à résoudre. Nous sommes dans une phase de l'histoire du système national de la recherche où il y a beaucoup d'actions au niveau de la gouvernance du système, au niveau de l'articulation entre les composantes du système, à mettre en place. Peut-être que cela va prendre un peu de temps.

L’université francophone C'est une excellente idée mais je ne sais pas pourquoi on attend toujours…Soyez-sûr que nous sommes là si le projet est faisable. Mais cela n'implique pas que le ministère, cela implique d'autres partenaires. Ceci dit au niveau des partenariats universitaires, il y a des discussions très avancées pour des institutions en Tunisie, des institutions en partenariats étroits avec des pays étrangers. Il y a quelques chantiers qui vont s'ouvrir à ce niveau là, en matière de partenariat, il y a de grands projets en discussion qui entrent dans la stratégie d'action internationale du ministère.

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Mona Laroussi,Directrice exécu-tive, Institut de la Francophonie pour l’ingénierie de la connaissance et la formation à distance (IFIC).

L’IFIC, institut situé en Tunisie, couvre les 800 universités francophones du réseau de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF). L’IFIC fait la promotion de la politique numérique dans toutes les universités membres (http://ific.auf.org/ et http://www.foad-mooc.auf.org/)

La francophonie en chiffres : Les pays membres et les observateurs de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) représentent 14% de la population mondiale, 14% du revenu national brut mondial, 20% des échanges mondiaux de marchandises.En 2010  le monde comptait 220 millions de franco-phones sur une population de 7 milliards, soit 3% (une personne sur 32)En 2050 le nombre de francophones approchera les 700 millions sur une population d’environ 9 milliards, soit 8% (une personne sur 13) 90% des jeunes francophones (15-29 ans) vivront en Afrique.

Le projet MIRRTICE, c’est une mobilité virtuelle que l’on offre aux laboratoires de recherche, aux étudiants et aux encadrants. Il aide à construire des laboratoires de recherche dans les pays du sud, à faire valoir leurs recherches et à aider les jeunes chercheurs à publier dans leur langue ou dans la langue française.

L’IFIC a mené il y a un an, une enquête sur les chercheurs dans le monde francophone, dans la région de pourtour méditerra-néen et en Afrique subsaharienne. Il est apparu clairement qu’il y avait très peu de diplômés confirmés (dans le sens doctorat et thèse) en Afrique subsaharienne et même dans le pourtour méditerranéen, sans compter l’Europe.

À partir de là, nous avons choisi de développer une politique de promotion de la recherche dans les pays francophones. Une recherche qui ne se limiterait pas uniquement à des thèses mais allant jusqu’à l’habilitation

Pour cela on a créé le projet MIRRTICE (MIse en Réseau de la Recherche en TICE). C’est une mobilité virtuelle que l’on offre aux laboratoires de recherche, aux étudiants et aux encadrants. Le but de ce réseau est de laisser leurs richesses aux pays fran-cophones tout en les aidant, en les encourageant, afin que l’Afrique garde son savoir, ses connaissances et les consolide. C’est un projet qui aide à construire des laboratoires de recherche dans les pays du Sud, à faire valoir leurs recherches et à aider les jeunes chercheurs à publier dans leur langue ou dans la langue française.

Le projet MIRRTICE compte actuellement 30 laboratoires répartis sur les deux rives de la Méditerranée. De ce projet est née l’idée d’un incubateur doctoral. Tous ceux qui ont cadré une thèse mesurent la difficulté de la première année de thèse : « Comment rédiger ma thèse ? Comment situer ma problématique ? Comment limiter ma problématique ? Comment est ce que je peux synthétiser tous les articles que j’ai consultés et faire sortir ce qu’il faut ? »

Dans le but de répondre à ces questions on a mis en place un incubateur doctoral en ligne avec l’aide de deux grandes universités. Au moment où l’étudiant termine sa formation, il possède un canevas de thèse rédigé avec toutes les probléma-tiques, avec tout ce qu’il faut faire dans une thèse, les moyens d’accéder à des articles, et avec un planning sur trois ans de ce qui va se passer.

On a aussi travaillé sur la possibilité de contextualiser les usages par rapport aux pays du sud. Si un chercheur du Sud part au Nord, il va travailler sur des problématiques du Nord qui n’ont peut-être rien à voir- ou peu- avec les siennes. L’avantage c’est d’avoir la possibilité de contextualiser notre recherche par rapport à nos pays.

On encourage aussi ceux qui apparaissent comme les « meilleurs étudiants ». Ainsi, sur les quarante étudiants de l’incubateur doctoral, il y en aura dix « meilleurs » qui

bénéficieront d’une bourse de mobilité.

Nous voulons que les connaissances de l’Afrique restent en Afrique. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Nous facilitons l’accès à la formation. Nous consolidons les connaissances mais nous ne déplaçons pas réellement les gens. On les garde dans leurs pays, pour travailler dans leurs pays.

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Essaied Laatar : Directeur Général de l’Université Méditerranéenne Privée de Tunis

Avant la vie scientifique, il y a une vie culturelle d'intégration. Il faut d'abord intégrer nos étudiants (notamment étrangers) dans leur cadre

ou espace pour qu'ils soient productifs au niveau scientifique, pédagogique, technologique, etc (….) Puisque nous allons former de

futurs ambassadeurs, il faut qu'on leur offre la possibilité de connaître la culture du pays , il faut qu'ils se fassent une idée des

développements socio-économiques…et surtout, il faut leur donner la possibilité de vivre comme les

étudiants tunisiens

Selon moi, il y aurait quatre éléments à prendre en compte pour développer et consolider, et même améliorer la mobilité : Tout d’abord, nous avons un système d'enseignement, un système qui doit être fonctionnel par le biais du travail dans le respect des normes universitaires internationales.

Nous avons ensuite un deuxième élément, celui de la vie universitaire. En effet, avant la vie scientifique il y a une vie culturelle d'intégration. Il faut d'abord intégrer nos étudiants dans leur cadre ou espace pour qu'ils soient productifs au niveau scientifique. Concernant cette dimension-là, nous avons institué la création des délégués, en charge de la gestion de la vie universitaire au niveau de la faculté.

La troisième dimension est celle de l'espace social. En effet, nous voulons que nos étudiants aient une vie sociale, c'est pour cela que nous gardons contact avec les ambassades, que ce soit de France, des pays de l'Afrique subsaharienne ou autres.

Et la quatrième dimension où il nous semble pertinent d’agir est celle de l'espace international, de l'AUF, de l'espace francophone ou encore de l'espace euro-méditerra-néen. À cet effet, nous avons signé des conventions pour la promotion du travail à l’échelle internationale : nous avons des doubles diplômes au sein de notre uni-versité avec des universités étrangères, des partenariats, des conventions…Ce qui nous permet de participer à la promotion de la mobilité de nos étudiants

Par ailleurs, nous avons choisi de proposer que les sujets de mémoires ou les projets de fin d'étude au niveau de la licence soient co-encadrés, soit par une entreprise africaine car elle connaît la problématique du développement socio-écono-mique de son pays et des orientations, soit avec des pays dont l'industrie est tunisienne. A ce niveau-là, nous avons des conventions avec l'UTICA (l’Union Tunisienne de l’Industrie, du commerce et de l’Arti-sanat), CONECT (Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie) et des entreprises, pour permettre à nos étudiants de s'ouvrir à un autre cadre que le cadre universitaire. Puisqu'on va former des futurs ambassadeurs, il faut qu'on leur offre la possibilité de connaître la culture du pays et d'autres pays, il faut qu'ils se fassent une idée des développements socio-économiques, des différentes offres de formations des universités et surtout il faut leur donner la possibilité de vivre comme les étudiants tunisiens.…Je suggère aussi que nos étudiants habitent dans des foyers universitaires, pour côtoyer d'autres étudiants tunisiens ou étrangers.

Par ailleurs, je tiens à insister sur le fait qu’il n’y pas que ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et technologique qui est invité à intervenir dans ces dimensions-là, il y a aussi d'autres ministères comme par exemple le ministère des affaires sociales. En effet, nos étudiants n’ont pas de couverture sociale, et nous essayons donc de trouver des solutions pour pouvoir leur faciliter les soins.

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D'autre part, nous avons remarqué que les étudiants ne savent pas se déplacer dans le pays, ils sont juste limités à l’itinéraire entre le chemin de l'université et la maison. C’est pourquoi l’Université Méditerranéenne Privée de Tunis organise de temps à autre des excursions pour qu'ils changent de cadre et s'intègrent, et c'est aussi l'occasion pour eux de découvrir la Tunisie. Nous organisons également des conférences. Les étudiants arrivent à créer différents contacts, ils deviennent même amis avec certaines personnes qui pourront les aider à avoir un stage ou qui leur proposeront des invitations à leurs journées culturelles, etc.

De manière générale, je pense qu'il faut créer des canaux communiquant entre le public et le privé, essayer d'avoir des conventions au niveau culturel, scientifique, et insister sur l’intégration de nos étudiants au sein de l'espace franco-phone.

Compte rendu de discussion :Une meilleure intégration des étudiants étrangers :

Un suivi à distance :

À propos de la mobilité :

Dans notre structure on a ce que l'on appelle le bureau des relations internationales  BRI: notre philosophie consiste à accueillir l'étudiant depuis la date de son inscription au sein du milieu universitaire, incluant sa vie sociale et sa vie socio-économique aussi. En fin d'année, on organise une fête de remise de diplôme et on lui propose d’intégrer notre association des anciens diplômés de la faculté, qui englobe 25 pays dont 20 pays subsahariens. Cette association donne la chance de se réunir avec d'autres étudiants qui peuvent aider à connaître un peu plus la faculté, mais c'est aussi une chance de faire un suivi et essayer d'optimiser tout ce poten-tiel scientifique. C'est pour cela qu'on ne s’arrête pas au statut d’étudiant mais au contraire, on crée un environ-nement favorable qui donne envie de revenir en Tunisie après leurs années d'enseignements, on fait en sorte qu’ils apprennent à aimer la faculté ainsi que la vie universitaire, sociale et socio-économique ici. Donc voilà, en plus de la mobilité, je pense que c'est une question de traçabilité aussi, car à mon avis je trouve bien de suivre le parcours de ces étudiants.

On a d'autre part des étudiants travaillant dans le secteur des banques, d’autres qui occupent la fonction publique. On a alors essayé de leur créer un environnement fa-vorable en mettant en place un Forum pour chaque master, pour que nos étudiants utilisent cette tech-nologie de l'information de communication.

Par exemple, un étudiant au Tchad, Mali, Congo, ou même en Côte d’Ivoire pourra avoir accès à ce Forum

en rapport avec les masters de gestion des organisations, master de gestion des risques finance-assurance, etc.

Ce Forum est sous la supervision de l'association des an-ciens diplômés de la faculté, pour pouvoir avoir un sui-vi complet concernant les étudiants, comment ils sont en train de se mouvoir dans cet espace, que ce soit l'espace in-ternational, euro-méditerranéen, francophone ou même maghrébin. C'est pourquoi je suggère d’avoir un plan de traçabilité incluant tous ces espaces. Nous avons aussi des programmes financés par l'Institut Fran-çais de Tunisie et les coopérations du ministère des affaires étrangères, dernièrement, le Mali en a bénéficié.

Grâce à tout cela, nous essayons de faire le suivi de nos étudiants, mais c'est un parcours du combattant. Mais, ça n'empêche pas que je suis d'accord avec ce qu’a suggéré hier Monsieur Chiheb Bouden, il faut qu'il ait des passerelles et une charte de communication entre les ministères et les institutions concernées, pour que l'on soit toujours au diapason de tout ce qui se passe, pour pouvoir offrir un service citoyen à nos étudiants.

Sur la « rentabilité » des institutions d'enseignement :Tout d'abord on dit 'privé' pas 'libre' monsieur, et puis on constate la rentabilité de différents côtés : Soit chiffrée soit non-chiffrée, c’est-à-dire soit en argent, soit en production scientifique, de taux des réussites des étu-diants, ou de taux d'insertion professionnelle, le taux aussi de participation de nos étudiants aux concours, et les prix reçus dans ces concours-là ! Donc ce n'est pas de la génération spon-tanée, ce n'est pas fortuit, mais il faut qu'il ait tout un travail derrière ça ! Quand on amène un étudiant, c'est vrai qu'il faut que le taux de réussite et le taux d'insertion professionnelle soient bons, et qu'il faut aussi que l'institution produise une bonne production scientifique. Et comme on a dit, l'institution fournit un service citoyen et l'institution elle-même doit être citoyenne.

Chaque année par exemple, nous organisons un congrès international. Cette année, il sera organisé soit à Tunis soit à Paris et on y invite des prix Nobel. Tenant l'exemple du taux de réussite qui s'approche de 92%, c'est un bon taux contrai-rement au taux d'insertion de diplômés, qui n'est pas fortuit. Voilà pourquoi il faut faire les certifications dans la formation, par exemple pour le français, le DELF, pour l'anglais c'est le TOEIC, car il y a certaines formations qui sont horizontales, les certifications CISCO, les certifications MICROSOFT, de telle sorte on augmente l'employabilité et le taux d'insertion de nos diplômés. Pour cette raison, nos diplômés arrivent à être insérés, nos enseignants sont de très bonne qualité, il y a beaucoup de professeurs de mérite. Voilà, cette formation est entourée d'un bon encadrement. Il faut aussi avoir des es-paces, des équipements adéquats, il faut suivre les évolutions pédagogiques, maintenant on parle de pédagogie inversée, etc; donc il faut suivre tout ça.

Comme on est affilé au réseau REMERGE, le réseau méditer-ranéen, donc en relation avec d'autres universités, cela nous permet une certaine ouverture et une certaine mobilité. Et pour que ces étudiants soient nos meilleurs ambassadeurs, il faut bien les encadrer au niveau enseignement et formation. Et pour qu'ils aient une bonne mobilité, il faut bien s'occu-per d'eux, en les insérant dans le milieu universitaire, social et dans l'espace francophone qui comporte beaucoup de programmes. Il y a aussi certains moyens à mettre en œuvre, donc, pour nous ce n'est pas une question de rentabilité financière extrême. Mais, il faut quand même consentir certaines dépenses pour pouvoir former un étudiant qui est bien ancré dans cet environnement. De telle manière, il pourra se mouvoir dans cet espace et commencer à faire ses choix.

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On a parlé hier de l'effet de la migration sur cet espace-là, mais pas des causes  ! Est-ce qu'ils sont à la quête d'un savoir, ou cherchent-ils à améliorer leurs conditions matérielles, etc. ? Donc je pense qu'il faut connaître ces causes et les hiérarchi-ser. Car je pense qu'un migrant c'est quelqu'un qui a du mérite, il quitte le foyer familial, parental, part de son environnement, il va ailleurs, donc c'est une ouverture sur la circulation des hommes, des biens, des capitaux et des idées aussi. Je trouve que c'est enrichissant pour la Tunisie.

Notre planète est devenue un simple village grâce auquel on gère l'information de communication, les moyens de commu-nication, donc il faut aller jusqu'au bout pour pouvoir rentabi-liser tout ça. D'un autre côté, même si une équipe composée de nos étu-diants participe à un concours quelconque et remporte un prix quelconque, c'est aussi une rentabilité pour nous. En ef-fet, c'est en louant un espace, en amenant des coaches pour encadrer nos étudiants et en essayant de gagner le prix que cela sera une rentabilité.

À propos de l’insertion professionnelle des étudiants

Si l'étudiant est bien encadré dès le début, c’est-à-dire, si l'institution lui procure des stages dans les entreprises, permet au corps professionnel de former les étudiants et que l'institution fournit des certifications, là on aura assuré tous les ingrédients pour que l'étudiant soit facilement bien inséré professionnellement. Le chômage, c'est peut-être dû au fait que le système a été déconnecté de l'environnement socio-économique. C'est pourquoi je suggère qu'on ajoute une ou deux années de formation professionnelle pour l'étudiant, pour qu'il arrive à s'insérer et à s'adapter à cet environnement-là. Au niveau de l'Union Générale des Travailleurs, Tunisiens au niveau de l'UTICA, on en parle, en effet, on parle d'un dialogue national où on essaye de mettre tous les acteurs concernés sur la même longueur d'onde.

Le débat continue avec :

Jacques Attali, Economiste, écrivain, conseiller d’état honoraire, auteur du rapport « La francopho-nie et la francophilie, moteurs de croissance durable »

Ouvrir la France aux talents étrangers, c’est aussi permettre les créations de richesses et d’emplois en France.

Jacques Attali est l'auteur d'un rapport adressé au Président de la République en 2014 intitulé : « La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable ». Parmi les 7 axes proposés pour développer une francophonie économique, l’un vise particulièrement à « favoriser la mobilité et structurer les réseaux des influen-ceurs francophones et francophiles »

La France aurait-elle intérêt, pour développer une francophonie économique, à repenser sa politique de visas ? Si oui, comment en convaincre les Français dans un contexte politique, économique et de sécurité, qui invite au repli identitaire ?

La circulaire Guéant sur les étudiants étrangers, du 31 mai 2011, même si elle a été abrogée le 31 mai 2012 a eu un effet désastreux. Son image reste nuisible malgré son abrogation. La concurrence se durcit entre les pays pour la captation de ce marché international des compétences.

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La France doit repenser sa politique de visa, pour attirer les meilleurs étudiants, chercheurs et entrepreneurs. La politique de visa française à l’égard des élites est encore trop restrictive pour attirer les talents étrangers. A titre d’illustration, le mathématicien Béninois Wilfrid Gangbo a choisi de s’installer à Atlanta, au Département de Mathématiques du Georgia Institute of Techno-logy, plutôt qu’en France pour poursuivre ses travaux de recherche en mathématique en partie à cause de problèmes de visa. Cette situation est d’autant plus paradoxale que ce mathématicien francophone poursuit des recherches sur la « théorie du transport », sur la base des travaux initiés en 1781 par le mathématicien français Gaspard Monge.

En permettant aux talents de mieux circuler dans l’espace francophone le risque d’exode des cerveaux ne risque-t-il pas encore de s’accentuer, appauvrissant davantage les pays les plus économiquement faibles ?

Les pays francophones en développement ont intérêt à ce que leurs étudiants bénéficient des meilleurs formations possibles, et celles-ci se trouvent souvent hors du territoire national. Une partie non négligeable de ces étudiants revient ensuite dans son pays d’origine. Et chaque pays doit créer une bonne gouvernance, pour attirer et conserver ses élites. Sinon, chacun ne peut s’en prendre qu’à lui-même si ses cadres partent. On ne peut exiger de personne de vivre dans une dictature ou un pays corrompu.

Pouria Amirshahi, Député de la 9e circonscription des Français de l’étranger, auteur du rapport de la mission d’informa-tion parlementaire « pour une ambition francophone »

La libre-circulation des francophones est nécessaire si nous voulons créer une véritable communauté, dynamique et consciente de son potentiel. Fermer les frontières par peur des risques sécuritaires serait une erreur.

Pouria Amirshahi, Député de la 9e circonscription des Français de l’étranger, est l’auteur d’un rapport d’informa-tion sur la francophonie éducative, culturelle et économique intitulé « Pour une ambition francophone ». Il a été adopté à l’unanimité en janvier 2014 par la Commission des Affaires Étrangères de l’Assemblée Nationale.

Quelle est votre vision de terrain à propos de la situation des mobilités de la connaissance dans votre  zone d’action qui recouvre 16 pays africains ?

Au-delà des déplacements pour cause de conflits, de changements climatiques, de pénuries agricoles, il existe aussi des mobi-lités positives, des parcours de formation et d’emploi. De plus, pour nombre de ces pays, la mobilité est une culture ancrée : on peut par exemple penser au grand couloir pastoral qui relie le Mali au Bénin tout en longeant la frontière qui sépare le Burkina Faso du Niger, et qui est encore très utilisé. C’est pourquoi tenter de créer des frontières absolument hermétiques serait d’une part impossible, mais surtout une erreur.

Émergent désormais des enjeux nouveaux, notamment l’installation de populations immigrées dans les pays qui autrefois étaient des terres de passage, notamment au Maghreb (hors Libye et Mauritanie).

L’immigration professionnelle est peu développée en France. Le nombre d’immigrants qualifiés originaires des pays hors OCDE était estimé en 2007 à 235 311 en France, contre 426 630 en Allemagne et 662 969 au Royaume-Uni. Ouvrir la France aux talents étrangers, c’est aussi permettre les créations de richesses et d’emplois en France. Plus de 2 millions d’emplois en France sont aujourd’hui créés par des groupes étrangers. L’ouverture aux autres ne doit pas être perçue comme un risque mais comme une chance. Le repli sur soi conduira à l’asphyxie de notre économie et de notre culture.

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Vous évoquez souvent une « francophonie moderne » en plaidant pour une «  francophonie des projets ». Qu’entendez-vous  par là et pourquoi cet espace serait-il à même de favoriser le développement d’une éco-nomie de la connaissance ?

Il s’agit de faire entrer de plain-pied la francophonie - soit 270 millions de personnes – dans une mondialisation qui voit s’organi-ser des aires géoculturelles autour de langues centrales. Nous pouvons travailler à l’émergence d’un sentiment d’appartenance à la communauté francophone mondiale, par exemple en favorisant l’enseignement de la littérature francophone (et non uni-quement de France), et en multipliant les contacts au sein de notre communauté. On pourrait par exemple se fixer pour objectif de réunir la communauté scientifique francophone internationale autour d’une revue de référence. Il n’est pas admissible que, dans le domaine des connaissances, une langue efface les autres. De même, nous pouvons connecter les instituts de recherche francophones répartis dans le Monde. Enfin pourquoi ne pas imaginer, demain, que nos écoles et instituts français deviennent des instituts et écoles…francophones. Cette volonté de cohésion devra être prolongée par la convergence nos contenus éducatifs, scientifiques, économiques et culturels : normes, diplômes, brevets…

Si l’ambition est au rendez-vous, nous pourrions développer une véritable aire géoculturelle telle que celles qui existent déjà autour de l’espagnol, du portugais ou de l’arabe. La langue française, résolument moderne, doit être vue comme une force qui permettra de nous projeter ensemble dans des projets dynamiques, générateurs de commun, et

non seulement comme un patrimoine à préserver.

Des grands pôles urbains se développement, à Alger, Abidjan, Casablanca, Tunis mais aussi dans des villes secondaires en développement et aux infrastructures satisfaisantes. Des universités, des pôles technologiques, des plateaux de médecine, des centres d’affaires etc. sont autant de facteurs stimu-lants pour ce que vous appelez la « mobilité des connaissances ».

Vous plaidez pour un passeport francophone. Quel serait son intérêt, à qui serait-il destiné et est-il au-jourd’hui raisonnable de l’envisager alors que les frontières se ferment pour des raisons de sécurité ?

Un visa francophone permet une plus grande circulation des acteurs éducatifs, économiques, scientifiques, artistiques, culturels, afin que ceux-ci se rencontrent, échangent, partagent leurs connaissances. La libre-circulation des francophones est donc nécessaire, si nous voulons créer une véritable communauté, dynamique et consciente de son potentiel. Fermer les frontières par peur des risques sécuritaires serait une erreur : d’une part, la fermeture des frontières n’empêche pas la circulation des personnes. Il vaut mieux de fait privilégier un système de circulation légale permettant la libre circulation des personnes, qui permettra d’identifier les acteurs qui circulent sur notre territoire.

D’autre part, nous devons privilégier urgemment la coopération avec les pays d’Afrique subsaharienne, car la sécurité ne saurait s’améliorer sans un développement et une consolidation effectifs de ces pays. Cela passe évidemment par des politiques de coopération, d’autant plus à l’heure où cette région attire un nombre croissant d’investisseurs non-francophones. C’est pourquoi nous devons absolument valoriser le potentiel des relations entre cultures francophones. La libre-circulation des personnes est donc une évolution nécessaire à l’émergence d’un projet francophone structuré et dynamique.

Etienne ALINGUE, Directeur de la francophonie économique, au sein de l’Organisation internatio-nale de la Francophonie (OIF)

Il apparait qu’une stratégie visant à accroitre la proximité linguistique et culturelle entre les acteurs économiques des pays francophones pourrait concourir au développement des flux commerciaux et d’investissement entre les pays francophones et in fine à la création de richesse et d’emplois, dans les pays du Sud comme du Nord.

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Dans quelle mesure une stratégie visant à développer la mobilité au sein de la Francophonie pourrait modi-fier les rapports économiques mais aussi culturels entre les pays du Nord et ceux du Sud ?

La mobilité en général, et plus particulièrement celle des facteurs de produc-tion (capital productif, capital humain) est un levier important de croissance et de développement. Parfois suscitée par les Etats (le Canada par exemple ou la France par rapport à l’immigration choisie), le débat sur la mobilité des acteurs économiques dans l’espace francophone a souvent été évité, alors que des besoins réels avaient été identifiés par certains pays membres, plus particulièrement, en matière de circulation des artistes.

La transformation en cours de l’économie mondiale (ou la construction de l’espace fran-cophone) engendrera des besoins des mou-vements des personnes, surtout ceux des jeunes actifs vers des gisements d’emplois et pôles de croissance potentielle d’une part et tant le décalage entre les demandes et les offres de compétence seront.

La mobilité des personnes et notamment des acteurs économiques est un élément décisif pour accroître l’insertion des pays du Sud dans l’espace économique francophone, en particulier, et dans l’espace économique mondiale, en général. La circulation des idées, des innovations et les développements des partenariats innovants constituent le fondement de la construction d’une économie mondiale durable

Dans l’article 29 de la déclaration de Kinshasa, la Francophonie s’engage à

« Créer, au sein de l’espace francophone, les conditions propices à la mobilité des personnes, en particulier

les opérateurs économiques, les jeunes, les universitaires, les artistes et les acteurs culturels »

On ne saurait aborder la question de mobilité sans se référer aux accords commerciaux internationaux ou régionaux négociés ou en cours. A titre d’illustration, les accords de partenariat économiques Euro-ACP intègre le commerce des services, dont le mouvement temporaire des per-sonnes physiques est un des modes de prestation.

Un des défis majeurs qui se pose est la question du contrôle des frontières extérieures, des conditions d’admission au sein du territoire des ressortissants étrangers.

Selon les études sur les liens entre l’économie et la proximité linguistique, un certain nombre de corrélations ont pu être établies, de manière plus ou moins fortes. On sait qu’il existe un lien positif entre les flux économique – commerce et investis-sement – et les flux migratoires et la proximité linguistique. L’impact sur le PIB par tête et l’emploi dans le pays d’accueil le pays d’origine semble toutefois moins lié aux flux migratoires qu’au surplus de flux commerciaux et d’investissement que permet le partage d’un langue,  grâce à un taux d’ouverture commercial plus important, à une diminution des couts de transaction induits par ce partage ainsi qu’une proximité culturelle.

Sur cette base, il apparait qu’une stratégie visant à accroitre la proximité linguistique et culturelle entre les acteurs économiques des pays francophones pourrait concourir au développement des flux commerciaux et d’investissement entre les pays franco-phones et in fine à la création de richesse et d’emplois, dans les pays du Sud comme du Nord.  Des actions favorisant le dévelop-pement de communautés de pratiques, au travers des réseaux des professionnels francophones notamment, le développement des échanges entre étudiants et chercheurs, ou le développement des liens entre les petites et moyennes entreprises semble-raient en particulier intéressantes. Cela nécessite de desserrer la contrainte pesant sur la mobilité des personnes, notamment du Sud vers le Nord.

Quelles approches et quels outils l’OIF envisage-t-elle de développer pour accroitre la mobilité ?

A ce jour, il n’y a pas eu d’approches for-melles et/ou d’outils stricto sensu relatifs à la promotion de la mobilité que l’OIF envisage de développer. Il existe cependant des actions dans des certains programmes de l’OIF, sans nécessairement faire partie d’une approche intégrée : Forum de la langue française, pro-gramme jeunes volontaires franco-phones, forum mondial des femmes francophones, programme de soutien à

la circulation des artistes francophones du Sud, programme de développement des échanges économiques interrégio-naux, etc.

L’OIF, à travers certains de ses pro-grammes, crée ou renforce des réseaux francophones dans l’ensemble de ses domaines d’intervention. La concerta-tion et le partage d’expérience, l’iden-tification des problèmes et solutions communs, la participation de tous aux

débats d’idée et à la conception et mise en œuvre des normes et règles inter-nationales, au travers d’actions de plai-doyer,   font partie des outils de la fran-cophonie pour développer un savoir et une action commune au sein des pays francophones, ainsi que les relations culturelles et d’affaires entre eux.

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Conclusion

Pierre Henry, Directeur général de France terre d’asile

La seule manière aujourd'hui de maintenir ouverts des canaux de circulation, c'est de parler de mobilité de projet, parce que le projet scientifique, industriel, universitaire, culturel, sera toujours accepté

par la population, par l'opinion publique.

Si nous avons employé tout au long de ce colloque le terme de « mobilité de projet », c'est que cela résulte d'une véritable réflexion. Il y a aujourd'hui, pour des raisons économiques et pour des raisons sécuritaires, de véritables blocages autour de la question des migrations et, soyons clairs, ce n'est pas seule-ment au Nord que ces blocages ont lieu.

Dans toutes les sociétés la question des frontières est posée, la question des politiques de circulation est posée,

et nous devons y répondre.

Et je crois que la seule manière aujourd'hui de maintenir ouverts des canaux de circulation, c'est de parler de mobilité de projet, parce que le projet scientifique, industriel, univer-sitaire, culturel, sera toujours accepté par la population, par l'opinion publique. Alors que si vous abordez cette question de migration sous un angle général et générique, sous l’angle de la liberté de circulation, je pense que ça laisse toujours de côté un aspect, celui de la liberté d'installation et évidemment celui de la question du partage de la ressource disponible.

J'appelle donc à une réflexion globale, j’appelle à ne pas se laisser aller à la facilité des termes et des débats dans lesquels nous sommes enfermés entre le Sud et le Nord, depuis des décennies. À ce propos une question m'a été posée directe-

ment sur l'accord migratoire franco-tunisien, je n'ai pas à y répondre car je n’en suis pas responsable, mais sachez qu’il y a une véritable documentation dessus et sur les raisons pour lesquels il n'est pas atteint. Mais je crois qu'au-delà de ça, ce sont d'autres voies qu'il faut découvrir et documenter, et c'est la raison pour laquelle je parle et je pense « enjeu de civilisa-tion », que je parle d’espace euro-méditerranéens et d'espace francophone dans lesquels inscrire des projets de développe-ment. Et à partir de ce moment-là nous sommes partenaires.

Si l'Europe a oublié qu'elle avait un Sud, il faut aujourd’hui qu’elle s'en souvienne comme le fait la Tunisie qui sait se rappeler qu’elle a aussi un Sud. Il ne s'agit pas d'opposer les Sud les uns aux autres mais de travailler dans des intelligences croisées, entremêlées. Je crois qu'il y a un véritable travail à faire pour relancer cette coopération.

Dans tous les cas, vouloir accroître la mobilité en francophonie ne saurait se faire sans tenir compte des deux visions contraires, à savoir : 

- Celle défendant l’idée d’une politique migratoire structurée autour d’un cadre juridique commun garantissant un en-semble des droits à tous les migrants économiques (approche horizontale) 

- Celle de ceux qui pensent que les Etats doivent garder leurs prérogatives sur le contrôle des frontières et l’accès aux marchés de travail nationaux. Ils prônent une approche sécuritaire et plus sélective, avec la mise en place des dispositifs différen-ciés en fonction du statut du migrant (étudiant, chercheur, travailleur hautement qualifié ou saisonnier).

La création d’un passeport francophone est-il aujourd’hui –en période de tension sécuritaire – encore envisageable ?

Quelle pourrait être sa nature ? Quels seraient ses avantages ?

Cette question est très politique. Ce point est une volonté de la Francophonie mais qui n’a pas encore connu de développe-ment concret.

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Un grand merci aux équipes de la Maison du Droit et des Migrations et de France terre d’asile pour leur appui à l’organisation du colloque

- Anaïs Elbassil, coordinatrice

- Blamassi Touré, chargé des partenariats associatifs et institutionnels

- Maë Coat , chargée d’appui à la coordination

- Sarah Meghirbi, stagiaire chargée d’appui à l’organisation du colloque

- Dalel Laroussi, chargée de la permanence

- Kaïs Mnasri, chargé de l’observatoire

- Bochra Kouch, chargée de mission juridique

- Georgina Yale, stagiaire AESAT

- Matthieu Tardis, responsable du Secrétariat Administratif Général de France terre d’asile

- Brigitte Martinez, Chargée de mission, France terre d’asile.

Voilà, je n’épuise pas le débat en disant cela, mais j'essaye au contraire de l'ouvrir avec toutes les organisations qui sont in-téressées à cette question, qui ont une vision humaniste, et qui en font un enjeu de civilisation.

Ce colloque a été d'une grande qualité, dégageant un certain nombre de pistes. Il y a évidemment, en ce qui concerne la Tunisie elle-même et l'amélioration de la gouvernance, la mise en commun des compétences à l'intérieur des minis-tères entre le privé et le public, ça, c'est évidemment la tâche de nos amis tunisiens. Il y a la question de l'amélioration de législation à l'égard des étrangers qui s'est posée et, ce qui est méritoire, c'est que la question ne regardait pas seulement les étudiants subsahariens mais l'ensemble des étrangers qui arrivent en Tunisie et qui viennent pour y travailler.

La promotion des migrations circulaires reste à construire, elle n'est pas encore actée dans la nature des titres de séjour ni dans les accords bilatéraux signés entre le Nord et le Sud. Il existe des partenariats avec la Suisse et l'Allemagne, mais ce que chacun a pu noter c'est qu’il y a une demande de défini-tion de stratégie globale, notamment au sujet du retour et de l'accompagnement à la réinsertion des compétences. Quels besoins ? Comment favoriser le retour et l'investissement ?

Il y a un certain nombre de pistes qui ont été dégagées autour de grand projets. Parmi ces grands projets, il y a la banque des migrations et du développement, il y a d'autres projets qui sont très importants parce qu'ils touchent à la mémoire, à ce que monsieur appelait les humanités du savoir, aux sciences sociales et à la question de l'identité propre à chaque nation, à chaque continent. Il me paraît évident que la question de la mémoire mérite d'être posée autour d’un musée, et pourquoi pas à la Gou-lette comme il l’a été suggéré, sur la mémoire des migrations.. Et puis il y a cette question de l'université francophone du savoir qui est un grand projet. Il y en a d'autres qui méritent d'être approfondis et sur lesquels nous allons interroger évidemment les institutions francophones.

Tout ce que nous venons de faire interroge le modèle de société que nous voulons et il est clair que cela passe par des réformes profondes, par un enseignement, par un régime de recherche et une formation

revalorisée. Il s'agit simplement de dégager une volonté politique de faire de ces questions un vrai facteur de dynamique et de développement, de garantir des promotions de diplômes à hautes capacités

d'employabilité et, disant cela, ce n'est pas les opposer avec d'autres secteurs de la société, il s'agit simplement d'en faire une complémentarité.

Une initiative de France Terre d’Asile et de la Maison du Droit des Migrations,avec l’appui de l’Union européenne et de l’Institut Français de Tunis, pourréfléchir aux enjeux et aux opportunités de ces migrations de la connaissance.

www.france-terre-asile.orgwww.maison-migrations.tn