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Alain Boscher – Visite Actuelle – 15 octobre 2014 Page 1 De la charte de la visite médicale à la charte de l’information promotionnelle Simple toilettage ou changement de paradigme ? La nouvelle version de la charte de la visite médicale vient d’être signée le 15 octobre par Patrick Erard et Dominique Giorgi, respectivement Présidents du LEEM et du CEPS. Annoncée comme une simple mise à jour, la refonte du texte est plus profonde dans son esprit que les apparentes adaptations des dispositions pourraient le faire croire. Il s’agit de donner plus d’ampleur à la fonction d’informateur thérapeutique et de tenir compte des évolutions à venir. Globalement, la charte de 2014 ressemble à celle de 2004, car elle en reprend strictement le plan : préambule, missions, qualité de l’information, déontologie, contrôle. Mais nouveauté plus importante qu’il n’y paraît, on est passé de la « visite médicale » à « l’information promotionnelle ». Le mot de visite médicale n’est même plus cité, pas plus que celui de visiteur, remplacés par des périphrases « information par démarchage ou prospection visant à la promotion » et par celui de « personnes exerçant une activité d’information par démarchage ou prospection visant à la promotion ». Dans l’attente de l’émergence d’une nouvelle appellation et pour plus de clarté, on les appellera provisoirement « informateurs ». Le préambule Ce préambule reprend les principes de 2004 en ce qui concerne l’objectif de renforcement de la « qualité de l’information visant à la promotion sur les médicaments pour en assurer le bon usage, dans le but d’éviter les dépenses inutiles ». Par contre, le concept de visite médicale disparaît au profit « d’information promotionnelle des médicaments, quel qu’en soit le support ». Interprétation possible : tous ceux qui concourent à l’information au sens large sont-ils soumis à la charte (attachés scientifiques,) ? Non seulement le mot de visite médicale est abandonné, mais avec lui la fameuse expression « de façon exclusive et en dehors de toute activité commerciale ». C’est en particulier l’un des éléments de définition du

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De la charte de la visite médicale à la charte de l’information promotionnelle Simple toilettage ou changement de paradigme ?

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De la charte de la visite médicale à la charte de l’information

promotionnelle Simple toilettage ou changement de paradigme ?

La nouvelle version de la charte de la visite médicale vient d’être signée le 15 octobre par Patrick Erard et Dominique Giorgi, respectivement Présidents du LEEM et du CEPS. Annoncée comme une simple mise à jour, la refonte du texte est plus profonde dans son esprit que les apparentes adaptations des dispositions pourraient le faire croire. Il s’agit de donner plus d’ampleur à la fonction d’informateur thérapeutique et de tenir compte des évolutions à venir. Globalement, la charte de 2014 ressemble à celle de 2004, car elle en reprend strictement le plan : préambule, missions, qualité de l’information, déontologie, contrôle. Mais nouveauté plus importante qu’il n’y paraît, on est passé de la « visite médicale » à « l’information promotionnelle ». Le mot de visite médicale n’est même plus cité, pas plus que celui de visiteur, remplacés par des périphrases « information par démarchage ou prospection visant à la promotion » et par celui de « personnes exerçant une activité d’information par démarchage ou prospection visant à la promotion ». Dans l’attente de l’émergence d’une nouvelle appellation et pour plus de clarté, on les appellera provisoirement « informateurs ». Le préambule Ce préambule reprend les principes de 2004 en ce qui concerne l’objectif de renforcement de la « qualité de l’information visant à la promotion sur les médicaments pour en assurer le bon usage, dans le but d’éviter les dépenses inutiles ». Par contre, le concept de visite médicale disparaît au profit « d’information promotionnelle des médicaments, quel qu’en soit le support ». Interprétation possible : tous ceux qui concourent à l’information au sens large sont-ils soumis à la charte (attachés scientifiques,…) ? Non seulement le mot de visite médicale est abandonné, mais avec lui la fameuse expression « de façon exclusive et en dehors de toute activité commerciale ». C’est en particulier l’un des éléments de définition du

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visiteur médical dans la convention collective. Ceci ne contribue pas à renforcer la différence entre VM et délégué pharmaceutique, même si la convention collective distingue bien au sein des métiers de la promotion ce qui relève de l'information promotionnelle par démarchage ou prospection (VM) et de la vente. Cette rédaction semble bien montrer une évolution vers un métier unifié de la promotion du médicament et du produit de santé en général. Quelle interprétation en sera faite au sein des entreprises et par les certificateurs ? De même, le public visé est élargi à tous les professionnels « habilité à prescrire, dispenser et utiliser ces médicaments » et non plus restreint aux médecins de ville et médecins et pharmaciens hospitaliers. Les missions des personnes exerçant une activité d’information La mission de base reste d’informer dans le strict respect de l’AMM, des dispositions légales, de la charte et des orientations de l’entreprise. L’obligation de situer le médicament dans la stratégie thérapeutique recommandée par l’HAS, l’ANSM, l’InCa et la commission de transparence reste inchangée. Il convient toujours d’informer « sur tous les aspects réglementaires, pharmaco-thérapeutiques et médico-économiques relatifs au médicament », c’est à dire en trois mots : le RCP, le prix et les conditions de remboursement. Par contre, quatre nouveautés dans ce chapitre : 1 - La gestion des risques. Conformément à la loi Bertrand, il est interdit de faire « la promotion d’un médicament faisant l’objet d’une réévaluation du rapport bénéfice risque ». Et il doit être remis aux professionnels « l’ensemble des documents de minimisation des risques prévus par le plan de gestion des risques ». 2 - Pour les médicaments sous statut temporaire. Il est interdit de présenter un médicament sous ATU. La présentation d’un médicament sous RTU est possible « sous réserve qu'elle soit dissociée de toute communication promotionnelle, qu'elle soit validée par l'ANSM et accompagnée de la remise des documents destinés au recueil systématique de l'information sur cette RTU. » 3 – Si des prescriptions hors AMM sont constatées, « l’autorité administrative peut demander à l’entreprise concernée de communiquer auprès des professionnels de santé, pour rappeler le cadre de prescription défini par l’AMM et, le cas échéant, pour diffuser des

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messages correctifs qu’elle juge utiles. » Les « informateurs » peuvent être chargés de cette information. Les laboratoires peuvent prendre eux-mêmes cette initiative en informant l’ANSM. 4 – Il est fait une distinction entre la promotion et les « programmes d'apprentissage » proposés par les informateurs. Ces programmes doivent être « dissociés de toute communication promotionnelle portant sur le médicament du programme ». La qualité de l’information Rien de nouveau en ce qui concerne l’élaboration des documents et leur contenu : respect du RCP, actualisation, utilisation des études post AMM sous réserve, publicité comparative possible. Les contenus et les modalités de la formation des informateurs se voient précisés. Il est toujours nécessaire de disposer du diplôme et il est prévu que celui-ci peut être obtenu par la VAE (validation de l’acquis de l’expérience). Le contenu de la formation continue au sein des laboratoires reste du ressort de l’entreprise en ce qui concerne les connaissances scientifiques, mais il est précisé que celle-ci doit porter sur le produit et son environnement (chose déjà systématique dans toutes les entreprises). Par contre, le contenu de la formation sur le réglementaire est précisément décrite : le médicament, ces modalités de prise en charge, la pharmacovigilance, la déontologie, la loi DMOS et la transparence des liens, la publicité, la charte et la certification, l’organisation du système de soins. Il s’agit en fait d’entériner ce que les certificateurs demandaient déjà. L’évaluation des connaissances devra être systématique au moins une fois par an, portant sur les formations dispensées et réalisées de façon aléatoire et traçable. L’attribution de la carte est contingente à la réussite de la validation de cette formation continue. Le respect des exigences individuelles de formation sera validé annuellement par l’AGVM (association pour la gestion de la formation des VM) et les données tenues à la disposition de l’HAS. Quant aux documents promotionnels utilisés, ils devront être validés a priori par l’ANSM (loi Bertrand). Les documents à remettre restent les mêmes, avec un ajout qui allait de soit : la fiche d’information

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thérapeutique, les fiches de bon usage, les documents de minimisation des risques… La déontologie Les obligations déontologiques vis-à-vis des patients, des entreprises concurrentes ou de l’assurance maladie restent identiques, même s’il existe quelques modifications de rédaction. En ce qui concerne l’entreprise, l’informateur doit toujours remonter les informations de pharmacovigilance et aussi (nouveauté) les « usages non conformes au bon usage ». Disposition à rapprocher de la définition des missions (voir plus haut). Les nouveautés déontologiques portent sur les obligations avec les professionnels de santé. Il convient bien sûr toujours de respecter les fréquences de visite, de ne pas perturber le fonctionnement des cabinets, de s’assurer que le professionnel connait l’identité de l’informateur, de demander l’assentiment pour les visites accompagnées, de collecter les informations sur les professionnels conformément à la loi informatique et liberté. L’interdiction de remettre des échantillons est étendue aux dispositifs médicaux, aux produits cosmétiques ou aux compléments alimentaires. (Parenthèse : ceci tend à élargir la charte au-delà du médicament et à effacer d’avantage la frontière entre les différents statuts). Par contre, un nouveau chapitre concerne la visite à l’hôpital. Il précise que les informateurs devront porter un badge professionnel, respecter les conditions d’accès et de circulation définies par le règlement intérieur et le « caractère collectif ou non de la visite » ! En outre « L'accès aux structures à entrée restreinte (blocs opératoires, secteurs stériles, réanimation,…) est interdit sans accord préalable, à chaque visite. » Même exigence d’accord préalable de la hiérarchie pour les rencontres avec les personnels en formation, y compris les internes ou en présence de la hiérarchie. Par ailleurs, il est interdit « de rechercher des données spécifiques (consommation, coût…) propres aux structures internes et aux prescripteurs ». En ce qui concerne le respect de la DMOS (article 4113-6 du code de la santé publique), il est toujours d’actualité. Les rédacteurs de cette charte

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ont toutefois ajouté une mention concernant les invitations impromptues, non formellement citées dans la DMOS. Pas de changement avec les pratiques actuelles. La charte rappelle également les dispositions de la loi sur la transparence des liens d’intérêt. Le contrôle de l’activité Les obligations du pharmacien responsable, du point de vue des contenus des documents, de leur traçabilité, de la formation et du contrôle des procédures restent inchangées. En ce qui concerne les remontées d’information par les professionnels de santé, il est prévu dorénavant que « l’entreprise se donne également les moyens de mesurer ses actions contribuant au bon usage, à la détection des prescriptions non conformes à celui-ci et sur les mesures visant à les corriger ». Nul doute que cet ajout va nécessiter la mise en place de nouveaux dispositifs en interne ! Les process de certification restent inchangés. Mais, grande nouveauté : la création d’un observatoire national de l’information promotionnelle. « Cet observatoire a pour vocation de mesurer la qualité des pratiques de promotion à partir de critères objectifs, vérifiables et transparents. » Chaque entreprise devra faire réaliser une enquête chaque année sur la qualité des pratiques promotionnelles auprès des professionnels de santé. Les résultats de l’ensemble des entreprises seront agrégés et synthétisés par un tiers de confiance. Le comité paritaire (LEEM / CEPS) analysera les éventuelles détériorations de la qualité. Le CEPS se réservant le droit de fixer des objectifs annuels d’amélioration et d’imposer éventuellement des sanctions financières. La précédente charte, puis la loi Bertrand prévoyaient la possibilité de limitation quantitative du nombre de visites par classe pharmacologique, ce qui avait fait l’objet d’un avenant en 2005 pour 3 classes. La nouvelle version de la charte élargit ce contrôle aux aspects qualitatifs de l’activité. Une annexe à la charte décrit par le menu la méthodologie de l’enquête et les points qui devront être analysés. Dernière précision, la première vague d’enquête devrait avoir lieu en 2014 ! Un report de cette date est à prévoir !