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Parole d’expert Daniel DE VOS Chercheur microbiologiste Une organisation conjointe avec BIOLIEGE La phagothérapie, l'alternative de demain aux antibiotiques ?

Biotech Santé | La phagothérapie, une alternative aux antibiotiques ? par Daniel De Vos | Liege Creative, 02.05.12

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DESCRIPTION

On constate aujourd’hui de plus en plus que des bactéries multirésistantes aux antibiotiques émergent partout dans le monde, rendant les traitements presque impossibles. La phagothérapie, c’est-à-dire l’utilisation de virus de bactéries comme antibactériens, est une voie alternative aux antibiotiques prometteuse. Avant son utilisation en médecine quotidienne moderne, un nombre important d’obstacles doivent cependant encore être levés. Ces obstacles ne sont fondamentalement pas d’ordre scientifique et technique mais plutôt médico-légal et relèvent de sa non-compatibilité avec nos modèles pharmaco-économiques actuels. Il faut rappeler qu’historiquement, la phagothérapie s’est développée dans l’ex-Union Soviétique et qu’elle se pratique actuellement plutôt de façon sporadique et surtout, sous couvert de la déclaration d’Helsinki. Néanmoins, suite à la crise prévisible de l’antibiothérapie, un nombre croissant de microbiologistes se penchent à nouveau sur cette pratique dans leur recherche de traitements antibactériens.

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Parole d’expert

Daniel DE VOS – Chercheur microbiologiste Une organisation conjointe avec BIOLIEGE

La phagothérapie, l'alternative de demain aux antibiotiques ?

Avec le soutien de :

Daniel De Vos, PhD

Laboratoire de Technologie Moléculaire et Cellulaire, Centre des Grands Brûlés,

Hôpital Militaire Reine Astrid (HMRA), Bruxelles, Belgique.

LIEGE CREATIVE, Château de Colonster, Liège 2 mai 2012

La phagothérapie, l’alternative de demain aux antibiotiques?

“Superbugs”

Résistance aux antibiotiques (AB)

•  Que s’est-il passé avec ces ‘médicaments miracles’ ? Une certaine nonchalance naïve dans une société trop commercialisée (Barry Kreiswirth).

•  Mais ! Egalement un manque de connaissance de la biologie évolutionnaire (une médecine trop méchanistique) → utilisation d’une substance statique non-évolutive comme antimicrobien vs une cellule vivante (bactérie) → résistance assurée !

•  Deux aspects méconnus : l’antibiotique lui-même (rôle naturel, phase planctonique/biofilm bactérien…) et l’intégration de la notion d’évolution (fondement de la biologie !) (>< durabilité)

Bactériophages ou Phages

•  Antimicrobien évolutif et auto-amplificateur •  ‘Virus’ de bactéries (incluant les “Superbugs”) •  Un couple co-évolutif (médecine Darwinienne

ou évolutionnaire) •  Phages = contrôleurs (prédateurs) bactériens

Structure d’un bactériophage

Tête

Queue

Plaque terminale

Fibres

Le phage lytique qui ‘tue’ et le lysogène qui attend

Phagothérapie ?

Une alternative potentielle à la crise mondiale des résistances bactériennes aux antibiotiques ?

(The Antibiotic Crisis)

La phagothérapie consiste dans l’utilisation des contrôleurs naturels des bactéries, les virus bactériospécifiques ou phages (mangeurs de bactéries) contre les bactéries pathogènes afin de contrôler une infection ou une colonisation bactérienne non souhaitée. ‘Danger phage’ !?! Aucune infection eucaryotique à phage n’a pu être rapportée jusqu’à ce jour, tandis qu’aucune séquence de traces d’ADN de phage n’a pu être détectée dans le génome humain (>< séq’s de rétrovirus – 8 - 10 %) (Mi et al, Nature 403, 785-789 (2000).

•  On estime le nombre total de particules phagiques sur terre à : 4-6 x 1031 = 10 x le nombre de procaryotes (Bergh. 1989. Nature 340: 467-468) (Whitamn et al. 1998. PNAS 95: 6578-6583)

•  109 phages par ml d’eau de surface

•  Nous-mêmes sommes en permanence porteurs de phages et nous en consommons constamment

Nous vivons dans un océan de phages

Phages vs. Antibiotiques PHAGE

•  Très spécifiques (espèce et, même, souches)

•  Le développement d’une préparation : relativement facile et peu côuteux

•  L’agent infectieux doit être connu (diagnostiques rapides, cocktails)

•  Pas d’effets secondaires spécifiques connus (Attention : aspect immunomodulatoire, interférence oncologique, impact environnemental)

ANTIBIOTIQUE

•  Non spécifique (incluant flore commensale)

•  Le développement d’un nouvel AB : long et cher

•  Large spectre, agent infectieux ne doit pas être connu

•  Effets secondaires multiples, impact écologique énorme

“Host-mediated phage amplification during the cholera epidemic likely contributed to increased environmental phage abundance, decreased load of environmental V. cholerae and, hence, the collapse of the epidemic” Faruque et al. Self-limiting nature of seasonal cholera epidemics: Role of host-mediated amplification of phage. Proc Natl Acad Sci U S A. 2005 Apr 26;102(17):6119-24.

Phagothérapie : un potentiel de pleine durabilité

Un  exemple  :  le  choléra  

Phagothérapie : un potentiel de pleine durabilité Interactions phage/bactérie dynamiques (co-évolution) • an "arms race", consisting of the repeated origin and fixation of new parasite virulence and host defence traits

Les phages sont les contrôleurs naturels des bactéries dans tout système écologique • phage will rapidly and drastically reduce the population of the most abundant bacteria, thus preventing the best competitors from building up a high biomass

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Time periods

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ub

Med

)Une renaissance?

•  Une réelle renaissance dans le monde occidental qui se reflète par une augmentation exponentielle de la littérature sur le sujet;

•  Essais thérapeutiques en cliniques; •  Un intérêt significatif également

dans l’agro-industrie et à la Défense.

But (R)Amener les phages chez le

patient sous forme d’un produit de qualité et sécurisé, et d’une manière

flexible et durable.

J’ai besoin des phages… Maintenant !

Obstacles rencontrés dans le développement de la phagothérapie 1/ La perception d’un phage comme « l’ennemi de

la vie » 2/ L’absence d’un cadre régulateur adapté, bien

que ça bouge dans le domaine… 3/ Le manque de bons produits définis : sécurisés

et caractérisés 4/ Brevets (probablement le problème le plus

important !) 5/ Émergence de résistances et impact écologique

Perception subjective des phages comme l’ennemi de la vie

(LP Villarreal, 2005)

Vécu dans les rapports avec les comités éthiques, les assurances, le staff médical

Le cadre régulateur 2007-2012

•  Pas de cadre régulateur spécifique actuellement (classification EMA comme “Biological” ou vaccin… en discussion);

•  Après avoir défini officiellement la position aux autorités de la CE et à l’ITF, le phage est positionné ► comme médicament (2011!);

•  En 2007, notre option était le Comité d’Ethique de notre institution; •  Mais : également possible, La déclaration d’Helsinki; •  Et aujourd’hui, bien que toutes les autorités aient été contactées et que les

discussions se multiplient, nous vivons toujours dans le même carcan.

Future Virol. (2012) 7(4), 379-390. (Open Access!) “A specific framework with realistic production and documentation requirements, which allows a timely (rapid) supply of safe, tailor-made, natural bacteriophages to patients, should be developed” Un cadre régulatoire spécifique pour la phagothérapie doit être développé

Un cocktail de phages (BFC-1) avec contrôle de qualité

•  Un manque de produits bien définis et caractérisés

•  Souvent l’interaction récepteur-phage entre la bactérie et les phages n’était pas optimale (empirisme) Présence d’endotoxines.

•  Une production “GMP-like”

Sécurité et contrôle de qualité Caractérisation  du  phage  :  

•  Détermination  du  morphotype  •  Analyse  complète  du  génome  (ADN)  et  protéome  (confirmer  l’absence  lysogeny  de  

gène  de  toxines)  •  Tester  l’absence  de  phage  lysogénique  (mitomycin  test)  dans  la  bactérie  hôte  de  

production  de  phage  

Tests  de  CQ  par  des  laboratoires  qualifiés  et  accrédités  sur  la  préparation  finale  :  •  Titre  du  phage  (agar  overlay  method)  •  pH  (PhEu  )    •  Cytotoxicité  (ISO10993-­‐5)  •  Pyrogenicité  (10  ml/kg  de  lapin,  suivant  l’  USP)  •  Stérilité  (PhEu)  •  Confirmer  la  morphologie  et  l’activité  des  phages  vis-­‐à-­‐vis  des  bactéries  cibles    

(Transmission  Electron  Microscopy)  

BFC 1

•  Le protocole modeste et prudent ne permettait pas une évaluation adéquate de l’efficacité;!

•  L’application de BFC-1 ne montrait aucun effet néfaste secondaire;!•  Les staffs, médical et soignant, se sont familiarisés avec le concept de

la phagothérapie et sont convaincus de la sécurité et du potentiel contre les bactéries multi-résistantes rencontrées chez les brûlés;!

•  Ainsi, nous sommes convaincus que cette étude sur le terrain est un petit pas dans l’implémentation de la phagothérapie dans un futur proche.!

Verbeken et al., Future Medicine, 2, 485-491, 2007. Merabishvili et al., PLoS ONE. 2009; 4(3): e4944. Kutter et al, Current Pharmaceutical Biotechnology,11, 69-86, 2010.

Application thérapeutique chez le Brûlé, ‘une modeste étude pilote’

Application de phages à l’Hôpital Militaire Reine Astrid à Bruxelles, Belgium (sous couvert d’Helsinki)

Application de phages dans une plaie de guerre à l’Hop. Mil. de Gori, Géorgie

HMRA, Bruxelles

Eliava Institute, Tbilis

‘Prêt-à-porter’ vs ‘Sur mesure’ Pirnay et al., 2010 Pirnay et al., 2012

IP-issues!

Conclusion

Un petit pas a été réalisé dans la ré-implémentation de la phagothérapie en

routine clinique, mais un pas plus grand a été réalisé dans le domaine des

infections bactériennes

Problèmes majeurs ?

•  Le cadre juridique •  Brevets (environnement de concept

pharmaco-industriel non durable) •  Solution : une démarche depuis la base et le

renouveau de la recherche fondamentale ! •  Déduction : cliniciens et patients,

scientifiques et industriels de bonne foi, unissez-vous !

Activités en cours et perspectives

•  Etude multicentrique pour décoloniser les porteurs de MRSA (UCL – Prof. Laterre/HMRA)

•  Développement d’un cocktail contre A. baumannii (MHKA.UGent) •  Etudes scientifiques de base (isolement et caractérisation

génomique et protéomique de phages et leurs interactions bactériennes – KUL/HMRA/UGent)

•  Etudes de la co-évolution “in vitro” and “in vivo” (animal) Article en révision chez AEM (Prof. Buckling Exceter, UK)

•  Le développement d’un cadre régulateur adéquat (thèse de doctorat, KUL/HMRA/ERM)

•  Mise au point d’un protocole spécifique pour plaies chroniques (ULB, Prof. del Marmol)

Effect  of  bacteriophage  cocktail  BFC  1  on  nasal  and  pharyngeal  carriage  of  Pseudomonas  aeruginosa  and  

Staphylococcus  aureus  in  ICU  patients  

A  prospec)ve  ,  randomized,  double-­‐blind,  placebo-­‐controlled,  mul)center  study  

 

Forma)on  Candidat  Officier  Supérieur    (Med  Cdt  Sophie  De  Roock)  

 2  x  20  pa)ents  (14  up  )l  now)  

 

Study  MED  11:  “Evalua0on  of  the  impact  of  phage  –  bacterium  coevolu0on  on  phage  

therapy”  

WP1:  Evolu)on  of  resistance  to  mul)ple  phages:  simultaneous  versus  sequen)al  treatment    

   

“Phage  cocktails    vs    

sequen)al  applica)on  of  single  phages”  (in  coll.  With  Prof.  Buckling)  

   

Résultats,  après  100  généra0ons  bactériennes  in  vitro  

Densité  de  Bactéries  traitées  

Propor0on  de  bactéries  résistantes  au  phage  u0lisé  

Propor0on  de  bactéries  résistantes  à  tous  les    phages  

Two  phages  (red  circles)  applied  sequen)ally  can  be  beWer  than  a  4  phage  cocktail  (blue  circles):  same  growth  inhibi)on  but  less  resistance!  

Hall et al, sub. AEM, 2012

Phages  can  prolong  survival  of  caterpillars    (larvae  of  the  waxmoth  Galleria  mellonella)  

Mixture  is  best  in  this  context!  Hall et al, sub. AEM, 2012

“EHEC”

Enteroaggregative, Shiga toxin/verotoxin-producing E. coli (EAggEC STEC/VTEC) strain O104:H4 in Germany caused over 4,000 cases of diarrhea – 3,167 without the hemolytic-uremic syndrome (16 deaths) and 908 with the hemolytic-uremic syndrome (34 deaths)

Screening of phage collection against ’EHEC’ O104:H4 (in BSL 3 lab)

EHEC  O104:H4  K12  

‘EHEC’ phages

§ Two potent phages were isolated § DNA sequencing is nearly finished

«  3S  »  Myovirus   «  NES  »  Myovirus  

L’équipe des phages •  Serge Jennes, Thomas Rose, Sophie Deroock, Patrick Soentjens, Pierre

Neirinckx, Geert Laire. Burn Wound Centre, Queen Astrid Military Hospital, Brussels, Belgium.

•  Gilbert Verbeken, Gunther Verween, Peter De Corte, Florence Bilocq, Véronique Cornu, Dirck Schoeters, Bruno Pascual, Daniel De Vos and Jean-Paul Pirnay. Laboratory for Molecular and Cellular Technology (LabMCT), Burn Wound Centre, Queen Astrid Military Hospital, Brussels, Belgium.

•  Martin Zizi. Department of Physiology (FYSP), Vrije Universiteit Brussel, Brussels and Section Health of the Division Well-Being (Belgian Defence Staff), Queen Astrid Military Hospital, Brussels, Belgium.

•  Luc Van Parys. Section Health of the Division Well-Being (Belgian Defence Staff), Queen Astrid Military Hospital, Brussels, Belgium.

•  Maya Merabishvili, Nina Chanishvili, Marina Tediashvili, Nino Lashkhi, Thea Glonti and Revaz Adamia. Eliava Institute of Bacteriophage, Microbiology and Virology (EIBMV), Tbilisi, Georgia.

•  Mario Vaneechoutte. Laboratory of Bacteriology Research (LBR), Ghent University Hospital, Gent, Belgium.

•  Rob Lavigne, Wesley Mattheus and Guido Volckaert, Isabelle Huys,. Laboratory of Gene Technology (LoGT), and the Unit of pharmacy and Law ,Katholieke Universiteit Leuven, Leuven, Belgium.

•  Victor Krylov and M. Yu Beburov. Laboratory of Bacteriophage Genetics, State Institute for Genetics and Selection of Industrial Microorganisms (SIGSIM), Moscow, Russia.

•  Jan Mast. Unit Electron Microscopy, Veterinary and Agricultural Research Centre (VAR), Brussels, Belgium.

•  Angus Buckling, Evolutionary Biology Unit, Exeter University, UK