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Couverture des pertes_de_substance_cutanee_de_la_main_et_des_doigts

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Approche pratique de la couverture des pertesde substance cutanée de la main et des doigts

SpringerParisBerlinHeidelbergNew YorkHong KongLondonMilanTokyo

Approche pratiquede la couverture des pertesde substance cutanéede la main et des doigts

Dominique Le NenWeiguo HuJacky Laulan

ISBN-13 : 978-2-287-72095-6 Springer Paris Berlin Heidelberg New York

© Springer-Verlag France, 2007Imprimé en France

Springer-Verlag France est membre du groupe Springer Science + Business Media

Cet ouvrage est soumis au copyright. Tous droits réservés, notamment la reproduction et la représentation latraduction, la réimpression, l’exposé, la reproduction des illustrations et des tableaux, la transmission par voied’enregistrement sonore ou visuel, la reproduction par microfilm ou tout autre moyen ainsi que la conserva-tion des banques de données. La loi française sur le copyright du 9 septembre 1965 dans la version en vigueurn’autorise une reproduction intégrale ou partielle que dans certains cas, et en principe moyennant le paiementde droits. Toute représentation, reproduction, contrefaçon ou conservation dans une banque de données parquelque procédé que ce soit est sanctionnée par la loi pénale sur le copyright.L’utilisation dans cet ouvrage de désignations, dénominations commerciales, marques de fabrique, etc. mêmesans spécification ne signifie pas que ces termes soient libres de la législation sur les marques de fabrique et laprotection des marques et qu’ils puissent être utilisés par chacun.La maison d’édition décline toute responsabilité quant à l’exactitude des indications de dosage et des modesd’emploi. Dans chaque cas, il incombe à l’usager de vérifier les informations données par comparaison à lalittérature existante.

SPIN : 12053971

Maquette de couverture : Nadia Ouddane

Dominique Le NenService de chirurgie orthopédique, traumatologique et plastiqueCHU, Hôpital de la Cavale BlancheBoulevard Tanguy Prigent29609 Brest Cedex

Weiguo HuService de chirurgie orthopédique, traumatologique et plastiqueCHU, Hôpital de la Cavale BlancheBoulevard Tanguy Prigent29609 Brest Cedex

Jacky LaulanUnité de chirurgie de la mainService d’orthopédie 1CHU Trousseau37044 Tours Cedex 9

Collection Approche pratique en orthopédie – traumatologiedirigée par Christian Fontaine et Alain Vannineuse

Dans la même collection :

– Fractures de l’extrémité proximale du fémurA. Vannineuse, Ch. Fontaine, Springer-Verlag France, 2000

– La gonarthroseM. Bonnin, P. Chambat, Springer-Verlag France, 2003, 2005

– Pathologie ligamentaire du genouPh. Landreau, P. Christel, Ph. Djian, Springer-Verlag France, 2003

– Fractures du genouCh. Fontaine, A. Vannineuse, Springer-Verlag France, 2005

– Biomécanique de l’épaule – De la théorie à la cliniqueP. Blaimont, A. Taheri, Springer-Verlag France, 2006

Bakhach JosephInstitut Aquitain de la Main56, allée des tulipes33600 Pessac

Bellemère PhilippeClinique Jeanne d’Arc21, rue des Martyrs44100 Nantes

Beustes-Stefanelli MatthieuInstitut Gustave RoussyService de chirurgie oncoplastique39, rue Camille Desmoulins94805 Villejuif Cedex

Brunelli FranscescoInstitut de la mainClinique Jouvenet6, square Jouvenet75016 Paris

Carlier AlainService de chirurgie plastique, maxillo-faciale, de la main et microchirurgieCHU Sart TilmanB-4000 LiègeBelgique

Casanova DominiqueService de chirurgie plastiqueHôpital NordChemin des Bourrely13915 Marseille Cedex 20

Casoli VincentService de chirurgie plastique – brûlésHôpital Pellegrin-Tripode1, place Amélie Raba-Léon33076 Bordeaux Cedex

Chammas MichelService de chirurgie orthopédiqueet traumatologique 2Hôpital Lapeyronie371, avenue du Doyen Gaston Giraud34295 Montpellier Cedex 5

Bertrand CouletService de chirurgie orthopédiqueet chirurgie de la mainHôpital Lapeyronie371, avenue du Doyen Gaston Giraud34295 Montpellier Cedex 5

Dos Rémédios CarlosService d’Orthopédie BHôpital Roger SalengroRue du Pr. Émile Laine59037 Lille Cedex

Dréano ThierryService d’orthopédie-traumatologieHôpital Sud10, boulevard de Bulgarie35056 Rennes Cedex 2

Dubert ThierryUrgences Mains de l’Est ParisienClinique la Francilienne16, avenue de l’Hôtel de Ville77340 Pontault-Combault

Duteille FranckService des brûlés adultes et enfantsCHU Hôtel-DieuPlace Alexis Ricordeau44093 Nantes Cedex 1

Fabre AlainService d’orthopédie-traumatologieHôpital d’instruction des arméesRobert Picqué351, route de Toulouse33998 Bordeaux ARMÉES

Gay AndréService de chirurgie de la main Hôpital de la Conception 145, boulevard Baille13005 Marseille

Genestet MarieClinique Jeanne d’Arc21, rue des Martyrs44100 Nantes

Liste des auteurs

Guimberteau Jean-ClaudeInstitut Aquitain de la Main56, allée des tulipes33600 Pessac

Hu WeiguoService de chirurgie orthopédique,traumatologique et plastiqueHôpital de la Cavale BlancheBoulevard Tanguy Prigent29609 Brest Cedex

Hugon SébastienUnité chirurgicale du membre supé-rieur Lambersart – Lille467, Avenue du Général Leclerc59155 Faches Thumesnil

Laulan JackyUnité de chirurgie de la mainService d’orthopédie 1CHU Trousseau37044 Tours Cedex 9

Le Nen DominiqueService de chirurgie orthopédique,traumatologique et plastiqueHôpital de la Cavale BlancheBoulevard Tanguy Prigent29609 Brest Cedex

Liot MaxenceService de chirurgie orthopédique,traumatologique et plastiqueHôpital de la Cavale BlancheBoulevard Tanguy Prigent29609 Brest Cedex

Marcucci LucienneCentre Hospitalier Privé Saint-Martin18, Rue des Rocquemonts14000 Caen

Nardella DanieleService de chirurgie plastique,maxillo-faciale et de la mainCHU Sart TilmanBât B354000 LiègeBelgique

Pinsolle VincentService de chirurgie plastiqueet reconstructriceGroupe Pellegrin-TonduPlace Amélie Raba-Léon33076 Bordeaux Cedex

Popov NicolaïService de chirurgie orthopédiqueet chirurgie de la mainHôpital Lapeyronie371, avenue du Doyen Gaston Giraud34295 Montpellier Cedex 5

Prodhomme GrégoryService d’Orthopédie BHôpital Roger SalengroRue du Pr. Emile Laine59037 Lille Cedex

Rivera Juan CarlosService de chirurgie orthopédique,traumatologique et plastiqueHôpital de la Cavale BlancheBoulevard Tanguy Prigent29609 Brest Cedex

Saint-Cast YannCentre de la Main2, rue Auguste Gautier49100 Angers

Schoofs MichelUnité chirurgicale du membre supérieurLambersart – Lille467, avenue du Général Leclerc59155 Faches Thumesnil

Siret PierreService d’orthopédie-traumatologieHôpital Sud10, boulevard de Bulgarie35056 Rennes Cedex 2

Voche PhilippeService de chirurgie plastique,reconstructrice et esthétiqueCHU Trousseau37044 Tours Cedex 9

VIII Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Sommaire

Introduction ................................................................................. 1D. Le Nen

Méthodes et applications pratiques

Cicatrisation dirigée et greffes cutanées ...................................... 9J.C. Rivera

Membrane Intégra® ...................................................................... 17V. Casoli

Bases vasculaires des lambeaux pédiculés (main et doigts) ........ 23J. Laulan

Classification des lambeaux cutanés ............................................ 31D. Le Nen

Lambeau interosseux postérieur en îlot à flux rétrograde et savariante technique avec pédicule étendu ..................................... 49W. Hu

Lambeau antébrachial radial ou lambeau « chinois » ................ 55A. Carlier

Lambeaux pédiculés sur l’axe ulnaire .......................................... 63J.-C. Guimberteau

Lambeau médial de l’avant-bras .................................................. 73W. Hu

Lambeau interosseux antérieur en îlot à flux rétrograde............ 79W. Hu

Lambeaux de pronator quadratus ............................................... 85D. Le Nen

Autoplasties locales de la face dorsale de la main....................... 91C. Dos Remedios, G. Prodhomme

Lambeaux pédiculés du dos de la main....................................... 97J. Bakhach

Lambeaux musculaires pédiculés de la main .............................. 107D. Le Nen

Lambeaux cutanés en îlot de la paume : thénar et hypothénar... 111M. Schoofs, S. Hugon

Lambeau cutané péninsulaire de l’éminence thénar ................... 115D. Le Nen

Lambeaux du pouce ..................................................................... 119F. Brunelli

Lambeaux avec dissection pédiculaire des doigts longs.............. 133T. Dréano, P. Siret

Lambeaux cutanés latérodigitaux péninsulaires.......................... 147V. Pinsolle

Lambeau cutané « Hueston dorsal »............................................ 151V. Pinsolle

Lambeaux cross-finger .................................................................. 155A. Gay, D. Casanova

Lambeau sous-dermique homodigital palmaire retourné oulambeau Flip-Flap ........................................................................ 161P. Voche, M. Beustes-Stefanelli

Lambeaux à pédicule adipofascial du dos des doigts longs........ 167P. Bellemère

Lambeaux pulpaires sans dissection pédiculaire ......................... 175T. Dubert

Principe du doigt banque ............................................................ 179M. Chammas, B. Coulet, N. Popov

Lambeau inguinal de McGregor .................................................. 185L. Marcucci

Lambeaux libres à la main ........................................................... 195F. Duteille

X Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Sommaire XI

Levée d’un lambeau cutané pédiculé : principes, trucs et astuces.. 211D. Le Nen

Surveillance des lambeaux pédiculés et libres ............................. 221M. Liot

Stratégie et applications particulières

Prise en charge initiale d’un traumatisme de la main avec pertede substance (pluri)tissulaire ....................................................... 227M. Genestet

Lésions du complexe pulpo-unguéal ........................................... 233T. Dubert

Reconstruction du pouce en urgence .......................................... 241D. Le Nen

Main de blast ................................................................................ 249A. Fabre

Spécificités de la main du sujet âgé ............................................. 257Y. Saint-Cast

Synthèse

Couverture des pertes de substance cutanée de la main :« comment je fais » au quotidien................................................. 263J. Laulan, D. Le Nen

Introduction

D. Le Nen

Jamais la chirurgie réparatrice des pertes de substance cutanée de la main n’afait autant de progrès qu’au cours des trente dernières années, essentiellementgrâce à une meilleure connaissance de la vascularisation cutanée et aux pos-sibilités de lever des lambeaux en îlot à flux rétrograde. Le chirurgien puiseainsi dans une gamme de procédés techniques lui permettant de traiter n’im-porte quelle perte de substance cutanée. Mais le lambeau s’inscrit dans unelogique de prise en charge globale du traumatisme ouvert de la main et n’enreprésente souvent que l’une des étapes, en l’occurrence, l’ultime.

Étiologies

Le polymorphisme lésionnel rend vaine toute tentative de classification. Lemécanisme causal et les lésions observées sont les facteurs déterminant la dif-ficulté de l’acte initial, le pronostic fonctionnel et le résultat à distance.

Si la plupart des pertes de substance cutanée requérant une couverture etun comblement sont traumatiques, certaines sont la conséquence d’une exérèsetumorale ou de brûlures profondes (fig. 1). Le chirurgien peut aussi être amenéà traiter une séquelle traumatique créant une perte de substance cutanée : unbilan complet de la main et du patient s’imposent pour choisir le meilleurprogramme thérapeutique (fig. 2).

Fig. 1 – Main de presse chauffante. Plancutanéo-tendineux cartonné (brûlure du3e degré).

2 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Traitement initial : la bonne stratégie

D’emblée, opposons les pertes de substance cutanée simples aux pertes de sub-stance cutanée complexes. Dans le premier cas, il ne s’agira que de remplacerle revêtement cutané par l’un des multiples procédés de plastie cutanée, puisédans les « livres de recettes » dont nous disposons actuellement, véritables « livresde chevet » du jeune chef de clinique (fig. 3). Dans le deuxième cas, toute unestratégie se met en route, maintenant bien validée, commençant par la stabi-lisation osseuse. En cas d’atteinte tendineuse, il faudra choisir entre réparationou greffe en un ou en deux temps, ou encore faire appel à un transfert tendi-neux. En présence d’une ischémie, la revascularisation s’impose le plus souventen fonction de critères communément admis. Le lambeau, geste final, doit êtrepensé en fonction de la qualité du revêtement et en fonction des gestes futurs,gestes dont l’opérateur doit déjà avoir une idée en urgence (fig. 4).

Fig. 2a, b – Séquelle de plaie par balle au niveau de la première commissure. a) Aspect austade de séquelle, cicatrice instable ; b) Ouverture de la première commissure maintenue parun brochage provisoire.

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Fig. 3 - Perte de substance cutanée « simple » du dos de lamain. Seule la peau est à remplacer.

Introduction 3

En urgence, se pose toujours une question essentielle : quand couvrir ?Autant la plupart des pertes de substance relèvent d’une couverture la plusrapide possible, en urgence ou en urgence légèrement différée (24 voire48 heures) ; autant, après blast, la temporisation est la sécurité. La stratégieglobale immédiate doit être bien réfléchie, car elle se situe dans le temps(fig. 5).

Il arrivera que certaines erreurs de planification initiale ou de modificationsde stratégie en cours d’évolution n’aient pas de retentissement sur le résultatfinal. A contrario, on regrettera parfois une décision prise, par exemple unlambeau choisi alors qu’un autre eût été plus adapté (fig. 6).

« Commandements » du chirurgien réparateur

La chirurgie « réparatrice » appliquée ici à la main est l’une des disciplineschirurgicales les plus riches, requérant la prise en compte de l’ensemble deslésions tissulaires et, donc, une connaissance globale et approfondie dans desdomaines très variés : la traumatologie osseuse et ostéo-articulaire, la chirurgiedes tendons, celle des vaisseaux et des nerfs (microchirurgie), enfin la chirurgie

Fig. 4a-c – Pertes de substance cutanée com-plexes de la main. a) Main de portière ; auxlésions cutanées s’associent des lésions tendi-neuses ; b) Main prise dans un rouleau, avecdécollement cutané et lésions osseuses asso-ciées ; c) Accident agricole ; perte de substancecutanée, associée à un fracas ostéo-articulaireet pertes de substance tendineuse.

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plastique. Souvent reléguée au rang des disciplines « annexes », surtout dansnos services d’orthopédie, la chirurgie réparatrice se trouve grandie par l’exi-gence technique demandée, la course d’obstacles qu’elle constitue parfois, pourun résultat qui s’offre d’emblée à la vue de tous.

La chirurgie réparatrice nécessite le recours à un certain nombre de lam-beaux, de multiples recettes, qu’il n’est pas possible d’appréhender en totalité.Mais qui peut le plus peut le moins. Le chirurgien de la main se doit d’enposséder la plupart, tant il est vrai qu’il doit davantage combler le défect avecle lambeau adapté qu’adapter la couverture au seul(s) lambeau(x) qu’il connaît.

4 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

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Fig. 5a-e – Main de portière. a) Aspect aprèsparage : avulsion complète des tendons, de lamoitié dorsale des métacarpiens, des phalangesproximales et moyennes des doigts longs ;b) Après greffes osseuses et utilisation d’undoigt-banque, couverture par un lambeau« chinois » sans décroisement ; c) Aspect radio-graphique à distance ; d) Désyndactylisation ;e) Aspect clinique après de multiplesretouches, avec neuf ans de recul.

Pour les plus jeunes d’entre nous, la chirurgie des lambeaux passe aussi parun apprentissage au laboratoire d’anatomie, tradition séculaire du chirurgienen formation. Il l’aide à démystifier ce lambeau réputé techniquement diffi-cile, à surmonter ses craintes – mais bien imparfaitement, car les vaisseaux nesont pas toujours individualisables et les tissus parfois non dissécables. Desaides opératoires attentionnées, un premier lambeau aidé, viennent compléterutilement cette mise en situation sans stress que constitue la dissection cada-vérique. À l’aire de l’image toujours en progression, ne nous privons pas dela visualisation filmée d’un lambeau levé, disséqué, tourné sur le site receveurpar un senior expérimenté.

Introduction 5

Fig. 6a-d – Main de portière. a) Aspect après parage : pertes de substance tendineuse et osseuseplus ou moins complète des métacarpiens des doigts longs ; au niveau du pouce, seuls per-sistent le plan cutanéotendineux antérieur et les pédicules vasculaires ; b) Après greffes osseuseset espaceur en ciment provisoire au niveau du pouce, couverture par un lambeau « chinois »non décroisé ; c) Aspect à distance d’une désyndactylisation : le problème du pouce reste entier ;l’avulsion des phalanges étant complète, une greffe osseuse conventionnelle risque de se lyser ;d) Indication d’un transfert osseux vascularisé : un lambeau de radius pédiculé sur l’artère inter-osseuse antérieure est réalisé. A posteriori, peut-être aurait-il fallu proposer d’emblée unecouverture pour les doigts longs (chinois), associée à une couverture, en urgence ou en urgencedifférée, par un lambeau composite ostéocutané pour le pouce, évitant ainsi la syndactylisa-tion de la première commissure.

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c d

Au terme de ce chapitre introductif, je souhaiterais vivement remercier monami Christian Fontaine, qui a eu la gentillesse et nous a fait l’honneur de nousconfier la direction de cet ouvrage, et adresser mes plus vifs remerciements àl’ensemble des auteurs de ce livre pour leur investissement et le partage deleur expérience.

6 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

MÉTHODESET APPLICATIONS PRATIQUES

Cicatrisation dirigée et greffes cutanées

J.C. Rivera

La cicatrisation dirigée et les greffes cutanées occupent encore une place dechoix dans le concept de « l’échelle ou pyramide reconstructrice » (« Startingat the beginning of the reconstructive ladder is still a good place to begin ») enchirurgie de la main (fig. 1) (1). Ces techniques sont souvent, à tort, délé-guées aux chirurgiens en formation, sous prétexte qu’il s’agit de thérapeutiques« simples ». En fait, elles imposent, outre une technique sans faille, un suiviet une surveillance rigoureux, qui conditionnent au final leur succès.

Fig. 1 – Pyramide des indications decouverture après une perte de substancecutanée.

Particularités topographiques du plan cutané de la main

La peau dorsale est assez semblable à celle du reste du corps : fine, lâche, élas-tique, mobile sur les tendons et les articulations. Pour sa réparation, souplesseet élasticité seront nécessaires.

La peau palmaire, responsable du tact grâce aux terminaisons nerveusesde Meissner et de Pacini, est épaisse, adhérente au plan profond, et dépourvuede poils. Pour sa réparation, on aura besoin de sensibilité et d’adhérence. Demanière générale, les défects de la peau dorsale sont souvent greffés, alorsque ceux de la peau palmaire sont laissés en cicatrisation dirigée (la greffecutanée, en particulier de peau totale, est considérée comme un « dernierrecours ») (2).

10 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Cicatrisation dirigée (figs. 2, 3, 4)

Elle doit être considérée comme un traitement à part entière, et non commeune abstention thérapeutique. La cicatrisation dirigée ou « assistée », consis-tant à utiliser au mieux les processus de cicatrisation spontanée, est classi-quement divisée en trois phases :

– la détersion suppurée (variable, traitée par des méthodes médicales ouchirurgicales) ;

– le bourgeonnement (sain, atrophique ou hypertrophique ; traité par miseen place d’un microclimat chaud et humide) accompagné d’une rétractioncicatricielle centripète ;

– l’épidermisation ou épithélialisation (3).

La phase de détersion suppurée est raccourcie par la réalisation d’un paragechirurgical soigneux et l’utilisation de pansements humides.

Le contrôle parfait de la qualité du bourgeon charnu permet une repousseépithéliale plus rapide (4). Mais bourgeonnement et épidermisation se dérou-lent simultanément ; de l’équilibre ou non de ces deux phases dépend la cica-trisation des plaies traitées de cette manière.

Fig. 2a, b – Patient de 50 ans, hospitalisé pour une plaie par scie circulaire intéressant la facedorsale de la main droite, partant de la face ulnaire de la phalange proximale du pouce, sepoursuivant le long de la première commissure, et s’étendant à travers la face dorsale des 4 méta-carpo-phalangiennes des doigts longs. Un procédé de type « doigt-banque » utilisant l’index aété utilisé pour reconstruire les articulations métacarpo-phalangiennes du majeur et de l’annu-laire. L’auriculaire a été arthrodésé. La première commissure a bénéficié d’un protocole de cica-trisation dirigée (a). On peut apprécier, six mois après, la bride commissurale résiduelle, sansretentissement fonctionnel majeur (b).

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Cicatrisation dirigée et greffes cutanées 11

Fig. 3a-d – Patiente de 75 ans, prise en charge pour brûlures du deuxième degré avec de l’huilede friteuse (a, b). Le protocole de cicatrisation dirigée s’est révélé efficace avec un recul de deuxmois (c, d).

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La cicatrisation dirigée s’accompagne d’un phénomène délétère : la rétrac-tion cicatricielle des berges cutanées. Cette évolution, si elle est bénéfique dansla réduction des pertes de substance cutanée dans d’autres sièges, peut entraînerdes déformations majeures dans la main, notamment au voisinage des com-missures interdigitales. Les myofibroblastes et les ponts de collagène entraî-nent un phénomène rétractile important (50 à 70 % de la surface de la plaielorsque les tissus voisins sont souples et mobiles), que ne semble arrêter quela greffe de peau totale (5). Dans la paume de la main, la cicatrisation dirigéeest couramment utilisée après aponévrectomie dans le cadre des maladies deDupuytren. Elle donne d’excellents résultats si elle ne traverse pas transver-salement un pli de flexion (sous peine d’obtenir une « bride » rétractile) et sides structures dites « nobles » ne sont pas dénudées (tendon, etc.).

12 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 4a, b – Patiente de 45 ans, hospitalisée pour brûlures de flamme de briquet (a). Il s’agis-sait de brûlures pulpaires du deuxième degré, qui ont cicatrisées complètement après trois moisde traitement (b).

ba

Indications de la cicatrisation dirigée

– Brûlure superficielle peu étendue– Avulsion ou PDS cutanée peu étendue, sans exposition tendineuse ou

vasculo-nerveuse– Risque de rétraction ++

Greffes cutanées (figs. 5, 6, 7, 8)

Il faut retenir que plus l’épaisseur du derme est réduite, moins la greffe cutanéeest exigeante sur la qualité du sous-sol, meilleure sera sa prise, meilleure lacicatrisation de la zone donneuse, mais plus grande sera la rétraction et moinsbons seront la qualité du revêtement, la récupération sensitive et l’aspect esthé-tique. Le lit à greffer doit être bien vascularisé, non infecté et l’hémostase doitêtre parfaite (6). Idéalement, un bourgeon bien rouge obtenu par la cicatri-sation dirigée ou un muscle est un excellent site receveur pour la greffe.

Cicatrisation dirigée et greffes cutanées 13

Fig. 5 – Prélèvement d’un greffon de peau totale. (Collection D. Le Nen.)

Fig. 6a-c – Patiente de 56 ans, aux antécédents d’hémiplégie, adressée pour séquelles debrûlure (a). Idéalement, un lambeau était indiqué (tendons exposés) mais, vu le terrain, l’as-pect inflammatoire et l’exposition tendineuse depuis plusieurs jours, nous avons opté pour unecicatrisation dirigée. Après quinze jours de pansements, une greffe semi-épaisse est mise enplace (b). Trois mois après, la cicatrisation est complète (c).

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Généralement, il faut respecter à la main, notamment à la face palmaire etau niveau des commissures, la notion d’ « unités fonctionnelles » pour unrésultat esthétiquement irréprochable. Toute greffe doit être immobilisée enpériode postopératoire, pour éviter les phénomènes de glissement, et la rétrac-tion de la greffe doit être prévenue par une prise en charge précoce avec unegreffe d’épaisseur adéquate.

En général, les greffes de peau intermédiaires ou semi-épaisses (split-thick-ness : 0,015 inch ou 0,3-0,5 mm) sont réservées pour la région dorsale, voireles commissures. La paume est plutôt greffée en peau totale (full thickness :0,045 inch ou 0,8-1,5 mm) (fig. 5). Les meilleurs résultats du point de vuede la sensibilité seraient obtenus avec des greffes de peau totale prélevées enzones pileuses (la présence de corpuscules sensitifs laissant espérer une resen-sibilisation), mais l’apparition possible d’une pilosité palmaire est malvécue (2).

14 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

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Fig. 7a-d – Patient de 45 ans qui a bénéficié d’un lambeau d’O’Brien pour couvrir un moignonde pouce droit et, dans le même temps opératoire, d’une greffe de peau totale sur le site donneuraux dépens du bord ulnaire de la main (a, b, c). Un mois et demi après, la cicatrisation estcomplète (d).

Cicatrisation dirigée et greffes cutanées 15

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Fig. 8a-g – Patient de 50 ans, victime d’un traumatisme complexe de la main avec fracturede la palette métacarpienne et large ouverture cutanée dorso-radiale (a). Après ostéosynthèse(b), décision d’un traitement par cicatrisation dirigée (c), suivie de greffe de peau totale (d).Résultat à distance (e-g). (Collection D. Le Nen.)

Les sites habituelles de greffe de peau totale chez l’adulte sont : la région hypo-thénarienne ou la face médiale du bras (petite surface), la région inguinale(grande surface). Chez l’individu de race noire, une greffe aux dépens de la plantede pied peut éviter une dyschromie. Il faut éviter la prise de greffe en face anté-rieure du poignet, qui laisserait planer le doute avec une cicatrice de phlébo-tomie, pas toujours bien vécue par le patient (et parfois son entourage).

Les tendons et os dénudés, ainsi que les pédicules vasculo-nerveux, nedoivent pas être greffés et doivent bénéficier d’une couverture par un lambeau(sauf si le péritendon est intact ou que l’os, sur une petite surface, est recou-vert de son périoste).

La prise de greffe se faisant par revascularisation à partir de la profondeur,elle doit être parfaitement immobilisée et en étroit contact avec la zone rece-veuse, sans espaces morts ni mouvements possibles de cisaillement.

16 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Comment prévenir un échec de greffe cutanée

– Une bonne technique et un lit receveur parfait (bourgeon rouge) sontles garants du succès. En effet, une indication chirurgicale posée au mauvaismoment (fond fibronécrotique blanchâtre, bourgeon rose pâle, infectionlocale, etc.) et les erreurs techniques (mise en place de la surface dermique« brillante » à l’envers ; coagulum laissés sous la greffe) sont aussi des causesd’échec.

– Un hématome et une immobilisation imparfaite de la greffe sont lescauses les plus fréquentes de retards cicatriciels ou de prise incomplète dela greffe. L’hématome peut être évité en utilisant un lavage au sérum phy-siologique sous la greffe, puis un pansement de type bourdonnet ; de même,l’immobilisation concourt à la prévention du saignement.

– La perforation ou « forage en tarte » (pie-crusting) d’une greffe de peautotale ou de peau mince non expansée est prudente mais pas nécessaire siune hémostase soigneuse est faite.

Références

1. Turner A, Parkhouse N (2006) Revisiting the reconstructive ladder. Plast Reconstr Surg118: 267-8

2. Browne E (1999) Skin grafts. In: Green D, Hotchkiss R, Pederson W (eds), Hand Surgery,4th ed. Churchill Livingstone, Philadelphia, 1759-82

3. Revol M (1993) Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts. In:Revol M, Servant J (eds), Manuel de Chirurgie, plastique, reconstructrice et esthétique,Pradel, Paris, 647-81

4. Servant JM, Revol M (1989) Pertes de substance superficielles : Cicatrisation dirigée [45-050]. In: EMC, techniques chirurgicales – Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique.Elsevier, Paris.

5. Schwanholt C, Greenhalgh DG, Warden GD (1993) A comparison of full-thickness versussplit-thickness autografts for the coverage of deep palm burns in the very young paediatricpatient. J Burn Care Rehabil 14: 20-33

6. Fischer J (1996) Skin grafting. In: Georgiade’s Plastic, Maxillofacial and ReconstructiveSurgery, 3rd ed. Williams & Wilkins, Baltimore, p 13-8

Membrane Intégra®

V. Casoli

Les méthodes dites « simples » de couverture des pertes de substance cutanéede la main et des doigts, en dehors des lambeaux, sont représentées essen-tiellement par la technique utilisant la matrice extracellulaire dermique de typeIntégra®. En effet, l’expansion cutanée nécessite une surface cutanée saine deproximité suffisamment large et souple, permettant l’expansion, et la thérapiepar pression négative (VAC) pourrait s’appliquer sur une surface large commele dos ou la face palmaire de la main mais, en pratique, elle est difficilementutilisable, car trop douloureuse et risquant de léser les éléments vasculo-nerveux (1).

L’Intégra® est une membrane bicomposite avec une couche de régénérationdermique poreuse tridimensionnelle (entrecroisement de fibres de collagène[origine bovine] réticulées entre elles par des glycoaminoglycanes [requin]) etune couche superficielle de substitution épidermique temporaire (silicone).Développée par J.F. Burke et I.V. Yannas dans les années 1980 (2), elle est dis-ponible en France depuis 1997 et utilisée pour la couverture temporaire desbrûlures cutanées aiguës (3, 4), en chirurgie reconstructrice pour les séquellescicatricielles (5, 6), les tumeurs cutanées et les lambeaux (région de prélèvement).

Une fois mise en place sur un sous-sol bien vascularisé, la membrane vas’intégrer progressivement en quinze jours à trois semaines, par l’infiltrationet le maintien, à l’intérieur des micropores du support artificiel, d’élémentssanguins et de cellules issues du milieu extracellulaire. Une fois l’intégrationobtenue, la partie la plus superficielle de l’Intégra® (silicone) est enlevée pourêtre remplacée par une greffe dermo-épidermique autologue fine.

Cette technique permet ainsi de retrouver un néoderme « identique » auderme normal reproduisant une peau plastique, souple, presque élastique.

Depuis quatre ans, notre équipe utilise cette membrane pour la couverturede pertes de substance traumatique complexes avec exposition tendineuse et/ouosseuse et articulaire (7).

Technique

Nous illustrons la technique de couverture par Intégra® avec le cas d’unepatiente âgée de neuf ans, présentant un sarcome des parties molles de la main,localisé au niveau de la poulie A1 de l’index droit. Il avait été décidé de réa-liser une chirurgie d’exérèse large, mais conservant les doigts (fig. 1). L’exérèse

18 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

carcinologique exposait les pédicules vasculonerveux de l’index depuis lapaume jusqu’au niveau de la base de la phalange proximale de l’index. Lestendons fléchisseurs de l’index et du majeur étaient aussi exposés. L’exérèseétait réalisée sous garrot pneumatique, puis une hémostase soigneuse était réa-lisée au lâchage du garrot (fig. 2).

L’hémostase soigneuse est le point capital de cette technique chirurgicalecar l’Intégra® ne souffre pas la présence d’hématome en son contact. L’Intégra®

est fixée en périphérie par des points dermiques non résorbables. Cette mem-brane de couleur jaunâtre est ici colorée en rouge par le contact avec le sous-sol (fig. 3). Un pansement compressif très intime associant de la Bétadine®

crème sur le pourtour de l’Intégra® et un tulle gras permet de maintenir par-faitement l’Intégra® sur son sous-sol. L’ouverture de la première commissureet l’extension digitale sont bien sûr maintenues à l’aide d’une attelle réaliséesur mesure. Les pansements se font tous les trois jours, en respectant uneasepsie rigoureuse, afin d’éviter toute infection de la membrane. L’intégrationse fait progressivement, avec des changements de couleur de l’Intégra®, passantdu rouge au rose puis, progressivement, du rose à l’orange, enfin à une couleur« chamois-blanc ». En général, trois semaines après l’implantation, la couleur« chamois-blanc » est obtenue et indique que le néoderme est formé (fig. 4).

Fig. 1 – Sarcome des parties molles de lamain, localisé au niveau de la poulie A1 del’index droit. Il est décidé une chirurgie d’exé-rèse large.

Fig. 2 – Levée du garrot. Hémostase soi-gneuse.

Fig. 3 – Fixation de la membrane Intégra®. Fig. 4 – Aspect à trois semaines.

Membrane Intégra® 19

Lors de la deuxième intervention chirurgicale, la couche de silicone est enlevée(fig. 5). On voit ici le sous-sol obtenu avec une couverture de la perte desubstance parfaitement bien vascularisée (fig. 5). Une greffe dermo-épider-mique est appliquée sur ce sous-sol selon la technique habituelle. La patientea bénéficié de séances de kinésithérapie cinq fois par semaine. Les figures 6a-c montrent le résultat à six mois dans les positions d’extension et de flexionmaximales.

Fig. 5 – Sous-sol obtenu, avec une couver-ture de la perte de substance parfaitementbien vascularisée, prête à recevoir une greffede peau.

Fig. 6a-c – Résultat à distance.

ba

c

20 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Indications

Cette technique est adaptée à la couverture des pertes de substance exposantles tendons et/ou les os et les articulations, monodigitales ou pluridigitales,en créant un plan de glissement tendineux et/ou une néoformation capsulairepour les articulations métacarpophalangiennes ou interphalangiennes, et enretrouvant une finesse des contours des doigts et de la main.

Notre expérience d’utilisation de cette membrane bicomposite pour la cou-verture d’éléments vasculo-nerveux a été réalisée principalement dans l’exé-rèse tumorale de la main.

Avantages

Les avantages de cette technique sont sa facilité d’utilisation et le fait que l’onévite le sacrifice cutané d’un lambeau.

Inconvénients

Cette technique a le désavantage de nécessiter deux temps opératoires avecun délai d’attente d’environ trois semaines entre sa mise en place et la greffedermo-épidermique. Le produit est coûteux, avec un coût d’environ 5,5 eurosau cm3.

Trucs et astuces

Pour garantir le résultat, rappelons quelques impératifs :– obtenir une perte de substance parfaitement vascularisée, sans colo-

nisation bactérienne ;– une hémostase parfaite avant la pose de l’Intégra® avec contact intime

sur la perte de substance ;– il est contre-indiqué de poser l’Intégra® sur une perte de substance

tendineuse isolée de petite taille, car le sous-sol tendineux faiblement vas-cularisé, n’autorisera pas la vascularisation de l’Intégra®.

Conclusion

L’utilisation de cette membrane bicomposite représente une technique chi-rurgicale simple et adaptée pour l’obtention d’une couverture cutanée stable,fonctionnelle et esthétique. Dans les cas cliniques où les éléments à recouvrirsont bien vascularisés, l’utilisation de ce produit a, pour nous, bouleversé lesindications chirurgicales habituelles en chirurgie plastique et reconstructricequi, dans ces situations, faisaient utiliser des lambeaux irrigués par un pédi-cule vasculaire individualisé prélevé à distance de la perte de substance.

Membrane Intégra® 21

Références

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Bases vasculaires des lambeaux pédiculés (main et doigts)

J. Laulan

Il est nécessaire de connaître certaines bases anatomiques pour comprendrele support vasculaire et pouvoir réaliser les principaux lambeaux pédiculés utilesà la couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts.L’objectif n’est pas de faire un exposé exhaustif, mais de souligner les pointsanatomiques permettant la réalisation de ces lambeaux.

Description des axes artériels (fig. 1)

Artère ulnaire et artères interosseuses (fig. 1 : 1 à 7)

Dans la partie proximale de l’avant-bras, l’artère ulnaire (AU) (fig. 1 : 1) donnele tronc des artères interosseuses (AIO) qui se divise rapidement en deuxbranches. L’artère interosseuse postérieure (artère IOP) passe dans la loge pos-

Fig. 1 – Vue dorsale schématique des axesvasculaires et de leurs anastomoses. 1 : artèreulnaire ; 2 : artère interosseuse postérieure ;3 : artère interosseuse antérieure ; 4 : brancheperforante proximale ; 5 : branche perforantedistale ; 6 : branche anastomotique du 5e

compartiment ; 7 : rameau dorsal de l’artèreulnaire et ses branches de division ; 8 : artèreradiale ; 9 : rameau carpien palmaire ; 10 :artère intercompartimentale 1-2 (entre 1er et2e compartiments) ; 11 : arcade dorsale ducarpe.

24 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

térieure et descend dans le septum entre l’extenseur du 5e doigt et l’extenseurulnaire du carpe (fig. 1 : 2). L’artère IOP s’épuise à l’avant-bras dans 2 à 5 %des cas (1, 2, 3). L’artère interosseuse antérieure (artère IOA) descend en avant(fig. 1 : 3) et donne en particulier deux branches qui perforent la membraneinterosseuse (MIO) (4). La branche perforante proximale (BPP) émergeenviron 10 cm au-dessus de l’interligne et descend dans le septum entre longet court extenseurs du pouce (fig. 1 : 4). Elle constitue l’axe vasculaire dulambeau interosseux antérieur (4). Mais dans 30 à 50 % des cas, la BPP naîtd’un tronc commun avec la branche perforante distale (BPD), de localisationplus distale (3, 4). La BPD traverse la membrane interosseuse 4 à 5 cm enamont de l’interligne (fig. 1 : 5) et s’anastomose avec l’artère IOP (1, 4). Cetteanastomose entre la BPD de l’artère IOA et l’artère IOP est constante quandl’artère IOP est présente et constitue une arcade (fig. 1 : 5-2) située enmoyenne 35 mm en amont du processus styloïde de l’ulna (1). Elle permetla réalisation du lambeau interosseux postérieur à flux rétrograde classique (2).À partir de cette arcade entre les artères IO naissent en particulier : une branchevers l’épiphyse radiale, permettant de lever un greffon osseux pédiculé (5), etsurtout une branche qui paraît prolonger la BPD de l’artère IOA (fig. 1 : 6)et descend dans le 5e compartiment pour s’anastomoser avec l’arcade dorsaledu carpe (1). Cette branche est constante et permet de reporter plus distale-ment le point de rotation des lambeaux interosseux (6).

En amont du poignet, l’AU donne une branche collatérale, le rameau dorsal(fig. 1 : 7), présent dans 99 % des cas (7). Il naît 2 à 5 cm en amont du pisi-forme, passe sous le fléchisseur ulnaire du carpe et se divise en deux branches :la branche ascendante vascularise la peau ulnaire de l’avant-bras et constituele support vasculaire du lambeau de Becker (7) ; la branche descendante pré-sente une anastomose constante avec l’arcade dorsale du carpe qui offre la pos-sibilité de transformer ce lambeau péninsulaire, en un lambeau en îlot à fluxrétrograde par section du rameau dorsal de l’artère ulnaire (6). Sa branchedistale médiale échange une anastomose constante, sur le bord ulnaire de laMCP, avec le réseau palmaire, et constitue la base du lambeau paramétacar-pien ulnaire à flux rétrograde (8).

L’artère radiale et ses branches (fig. 1 : 8 à 11)

L’artère radiale (AR) (fig. 1 : 8) donne de nombreuses branches pour les tégu-ments de la face antérolatérale de l’avant-bras, qui sont à la base du lambeaudit « chinois » (9). Elle donne aussi des branches perforantes distales qui per-mettent de prélever des lambeaux fascio-graisseux au niveau de la face anté-rieure de l’avant-bras sans avoir à sacrifier l’AR (10). Au niveau du processusstyloïde radial, elle donne naissance au rameau carpien palmaire (fig. 1 : 9) quichemine sur la face palmaire de l’extrémité distale du radius, au bord distaldu carré pronateur. Cette branche collatérale est constante et permet de pré-lever au niveau de la face antérieure de l’épiphyse radiale un greffon osseuxpédiculé (11). Le rameau palmaire (branche radiopalmaire) se détache de l’ARjuste avant que celle-ci ne s’incline latéralement. Il s’anastomose classiquementavec l’AU pour former l’arcade palmaire superficielle (APS).

Bases vasculaires des lambeaux pédiculés (main et doigts) 25

Puis l’AR passe dans la tabatière anatomique et donne d’autres branchescollatérales dont un rameau qui remonte entre les 1er et 2e compartiments desextenseurs et vascularise l’extrémité distale du radius (fig. 1 : 10) ; il permetde prélever un greffon osseux pédiculé pour le traitement des pseudarthrosesdu scaphoïde (12). Dans son trajet carpien, l’AR donne en particulier unebranche dorsale participant à la formation de l’arcade dorsale du carpe (fig. 1 :11), la branche dorsale du pouce et la première artère métacarpienne dorsale.Puis l’AR assure essentiellement la vascularisation du pouce et de l’index ets’anastomose avec le rameau profond de l’AU pour constituer l’arcade pal-maire profonde (APF).

Le réseau palmaire (figs. 1 et 2)

L’arcade antérieure du carpe (fig. 1 : 9) est constante (5, 11, 13). Elle estformée par le rameau carpien palmaire de l’AR anastomosé avec le rameauantérieur de l’AIOA et parfois avec une branche homologue de l’AU (14). Leréseau palmaire superficiel est essentiellement alimenté par l’AU. Il donne nais-sance aux artères digitales palmaires communes (ADPC). L’arcade palmairesuperficielle (APS) est inconstante : le plus souvent, l’AU vascularise les troisderniers doigts et la moitié ulnaire de l’index ; le pouce et la moitié radiale del’index sont parfois uniquement vascularisés par l’AR. Il faut donc faire un testd’Allen ou mieux un examen Doppler systématique avant de réaliser un lambeauchinois. L’arcade palmaire profonde (APP) est pratiquement constante (13). Elleest formée par l’AR et le rameau profond de l’AU. Elle donne des rameaux versle carpe, des perforantes pour le réseau dorsal et des branches descendantes, dontl’artère principale du pouce qui est constante. Le réseau palmaire donne desbranches perforantes anastomotiques avec le réseau dorsal et, en particulier, lerameau perforant distal ou branche commissurale (fig. 2 : *).

Les ADPC se divisent en artères digitales palmaires propres (ADP) ouartères collatérales. Les ADP dominantes sont situées du côté de l’axe passantpar la 3e commissure (15). Il faut en tenir compte, surtout pour les deux doigtsextrêmes, dans les replantations et pour la réalisation de lambeaux palmaires

Fig. 2 – Représentation schématique des réseaux vasculaires de la main et des doigts. ADC :arcade dorsale du carpe ; AMD : artère métacarpienne dorsale ; APP : arcade palmaire pro-fonde ; APS : arcade palmaire superficielle ; ADP : artère digitale palmaire propre ; * : anasto-mose commissurale.

26 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

en îlots neurovasculaires. Les ADP sont anastomosées entre elles par troisarches palmaires (16). Les deux premières sont situées en regard des cols desphalanges ; la troisième est localisée en regard de la base de la phalange distale.Ceci offre la possibilité de lever une palette cutanée proximale avec une desdeux ADP qui sera revascularisée a contrario grâce à la présence de ces arcadesdigitales. C’est la base du lambeau collatéral digital (17). Enfin, les ADP four-nissent des branches à destinée dorsale qui ont été bien étudiées par Braga-Silva et al. (18). Ils ont montré en particulier que la branche naissant à lapartie moyenne de la phalange proximale était constante (fig. 3). Elle réaliseune anastomose fiable entre le réseau palmaire et le réseau dorsal, dont nousreverrons l’utilité.

Le réseau dorsal (fig. 1 et 2)

Le réseau dorsal profond

L’arcade dorsale du carpe (fig. 1 : 11) est habituellement constituée par laréunion de branches carpiennes homologues des artères radiale et ulnaire. Ellesiège sous les tendons extenseurs, en regard de la rangée distale du carpe. Ellereçoit des branches provenant en particulier de l’anastomose entre les artèresinterosseuses (fig. 1 : 6) et du rameau dorsal de l’artère ulnaire (fig. 1 : 7).Elle donne naissance aux 2e, 3e et 4e artères métacarpiennes dorsales (AMD),de façon directe ou par l’intermédiaire de l’arche basimétacarpienne qui reçoiten outre des branches perforantes provenant de l’arcade palmaire profonde(APP) (13). La première AMD naît de l’artère radiale. Utilisée à flux direct,elle constitue le support vasculaire du lambeau cerf-volant décrit par Foucheret al. (19). Les AMD descendent à la face dorsale de l’espace intermétacar-pien, parallèles aux métacarpiens, sous les tendons extenseurs et les jonctionsintertendineuses, dans le fascia, voire dans le muscle interosseux correspon-dant. Chacune est accompagnée par deux veines (20). Outre des branches

Fig. 3 – Représentation schématique des branches dorsales des artères digitales palmairespropres, d’après Braga-Silva et al. APS : arcade palmaire superficielle ; IPP : articulation inter-phalangienne proximale.

musculaires et pour les tendons extenseurs adjacents, chaque artère donne de4 à 8 branches perforantes cutanées, entre la tête et la base du métacarpien(21). Chaque artère s’anastomose au niveau des têtes métacarpiennes avec leréseau palmaire par la perforante commissurale. Cette branche commissuraleest constante (fig. 2 : *).

Il est donc possible de réaliser un lambeau en îlot à pédicule axial basé surl’artère métacarpienne perfusée à contre-courant, via l’anastomose interméta-carpienne distale avec le réseau palmaire (20). Mais, si ces artères sont tou-jours présentes au niveau des 1er et 2e espaces intermétacarpiens, l’anatomiedes autres artères métacarpiennes est plus variable (21, 22).

Réseau dorsal superficiel, sous-dermique (figs. 2, 4, 5)

Après avoir reçu l’anastomose palmaire, chaque AMD donne une branchesous-dermique rétrograde et une branche distale. La branche sous-dermiquerécurrente naît en aval de la jonction intertendineuse et est constante. Sil’AMD est absente, elle provient alors de la branche dorsale (anastomosecommissurale) de l’ADPC (22, 23). Quaba et Davison ont été les premiersà montrer qu’il n’était pas nécessaire de prélever l’artère métacarpienne et qu’ilétait possible d’avoir une palette cutanée vascularisée par le réseau superfi-ciel, grâce à la présence de cette branche sous-cutanée rétrograde ; mais lepoint de rotation reste limité au niveau de l’anastomose avec le réseau pal-maire (24) (fig. 4).

La branche distale se divise en deux branches digitales dorsales propres pourles doigts adjacents. Elles vascularisent la face dorsale de la phalange proxi-male et s’anastomosent avec les branches dorsales provenant des ADP, consti-tuant un réseau longitudinal sous-dermique. Ce réseau longitudinal dorso-latéral est constant au niveau de la phalange proximale, même si l’AMD estabsente (fig. 5). Dans ce cas, la branche distale est alimentée par la branchecommissurale provenant de l’ADPC. Il est donc possible, grâce à ce réseaudorsolatéral et à ses anastomoses avec l’artère collatérale correspondante, dereporter plus distalement le point de rotation du lambeau. C’est la base dulambeau métacarpien à pédicule étendu (22). De même, il existe toujours uneanastomose entre les réseaux vasculaires dorso-latéraux de la phalangeproximale, de part et d’autre de la commissure ; c’est la base du lambeauboomerang décrit par Legaillard et al. (25).

Ce réseau superficiel dorsal, alimenté par les branches dorsales des ADP,permet aussi de réaliser des lambeaux à charnière latérale (lambeau cross-finger), des lambeaux homodigitaux dorsaux à vascularisation rétrograde (26),et aussi de petits lambeaux homodigitaux à pédicule adipofascial (27).

Conclusion

La connaissance des axes vasculaires et des anastomoses permet de com-prendre et de réaliser des lambeaux pédiculés fiables. Ils permettent d’assurer

Bases vasculaires des lambeaux pédiculés (main et doigts) 27

28 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

a

Fig. 4a-e – Lambeau de Quaba-Davison. a) Représentation schématique de la branche récur-rente et du dessin du lambeau ; b) Traumatisme IPP et nécrose secondaire exposant l’articula-tion ; c) Levée d’un lambeau de Quaba-Davison ; d) Le lambeau est tourné sur la perte de sub-stance ; e) Aspect en fin d’intervention.

Fig. 5 – Le réseau dorsal en l’absence d’artère métacarpienne dorsale. La branche récurrenteet la branche distale sont présentes et alimentées par l’anastomose commissurale. ADC : arcadedorsale du carpe ; APP : arcade palmaire profonde ; APS : arcade palmaire superficielle ; * :anastomose commissurale.

b c

ed

la couverture de la majorité des pertes de substance cutanée de la main et desdoigts.

La richesse du réseau anastomotique à la face dorsale du poignet offre lapossibilité de lever des lambeaux en îlot à flux rétrograde permettant de couvrirla main. À la face dorsale de la main et des doigts, il existe un réseau sous-dermique à distribution longitudinale, riche et constant. Les anastomoses dis-tales avec le réseau palmaire offrent la possibilité de lever des lambeaux cutanésdorsaux vascularisés a contrario, dont le point de rotation peut être reporté àla partie moyenne de la phalange proximale, permettant alors de couvrir lapartie distale des doigts.

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30 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Classification des lambeaux cutanés

D. Le Nen

De quoi parle-t-on et comment en parler ? Quoi de plus « simple » qu’unlambeau cutané et, pourtant, quoi de plus complexe à classer (1) ? La multi-plication des lambeaux découverts, surtout depuis les années 1980, rend dif-ficile l’intégration de toutes leurs caractéristiques dans une seule classification.Nous aurons dans ce chapitre deux objectifs :

– adopter une dénomination précise, basée davantage sur des données ana-tomiques et physiologiques que sur le nom de tel ou tel auteur ;

– corriger la confusion fréquente entre le type anatomique (le tissu) et letype vasculaire, pour désigner un lambeau. C’est ce que nous souhaitons pro-poser ici.

Étudier un lambeau suppose au préalable l’intégration première de notionssur la vascularisation cutanée. D’ores et déjà, il est primordial de bien com-prendre la dissociation existant entre la vascularisation cutanée, indépendantede la main du chirurgien, et la composition du pédicule vasculaire du lambeau,directement décidée par cette même main.

Angioarchitecture cutanée

La peau est irriguée par des artères de manière directe ou indirecte (2, 3). Toutessont issues de la profondeur, dans la région sous-fasciale. La destinée primor-diale de la vascularisation cutanée est le derme. Il est vascularisé de façon trèsdense par des vaisseaux de très petit calibre et un plexus dermique très richepeut être mis en évidence dans toutes les localisations. De ce plexus, des vais-seaux très fins montent vers les papilles épidermiques. L’épiderme lui-même n’estpas vascularisé : il s’alimente par imbibition aux dépens du derme sous-jacent.

Artères cutanées directes (à la base d’un lambeau dit « axial »)

Ce sont des artères à long parcours, cheminant dans l’hypoderme, donc supra-fasciales (fig. 1). Elles donnent naissance à des artérioles qui se distribuent spé-cifiquement à la peau. Ces artères sont peu nombreuses au niveau des membres :par exemple, le rameau dorsal de l’artère ulnaire à l’avant-bras. La plupart d’entreelles sont en fait des artères neurocutanées, accompagnant un nerf sensitif (fig. 2).Ces artères vascularisent le nerf par des artérioles, délivrent des branches pourla peau et engendrent des anastomoses avec le système périfascial (4).

32 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Artères septales

Elles naissent, perpendiculairement à la surface cutanée, d’un tronc principal,cheminent soit entre les loges musculaires, soit dans un septum vrai, et ontdeux destinées après avoir franchi le fascia au travers d’une boutonnière : lesunes vont directement dans le tissu adipeux sous-cutané enrichir le réseauhypodermique, les autres participent à la constitution du réseau périfascial(fig. 3). Ce plexus vasculaire périfascial délivre ensuite des branches à destinéecutanée. Seules les branches issues du réseau anastomotique périfascial méri-tent véritablement le nom d’artères « fasciocutanées ».

Fig. 1 – Vue anatomique d’une artèrecutanée cheminant dans la graisse supra-fasciale.

Fig. 2a-c – Artère neurocutanée surale.a) Schéma d’après X. De Soras et al. ;b) Vue anatomique de l’artère, satellite dunerf sural ; c) Même vue agrandie.

ba

c

Classification des lambeaux cutanés 33

Artères musculocutanées

Les muscles reçoivent leur vascularisation par des pédicules de calibrevariable. Ces pédicules qui vascularisent le muscle donnent des branches àla peau. Ces branches, issues soit de l’artère musculaire, soit d’une ramifi-cation intramusculaire, traversent d’emblée le fascia et alimentent, perpen-diculairement à la surface cutanée, les réseaux parallèles dans toutes les zonescharnues (réseau périfascial, réseau hypodermique et dermique) (fig. 4).Chaque perforante assure la perfusion d’un îlot de plusieurs centimètres dediamètre.

Fig. 3a-c – Artères septales. a) Schéma de levée d’un lambeau « chinois ». Le lambeau est« relié » à l’axe radial par un septum intermusculaire entre le brachioradial (BR) et le fléchis-seur radial du carpe (FCR), contenant des artérioles dites septales ; b) Vue par transillumina-tion d’un lambeau « chinois ». Les astérisques correspondent à des artérioles septales ; c) Vuede profil d’un septum authentique, attaché sur l’ulna (U), contenant l’artère interosseuse pos-térieure, situé entre l’extenseur ulnaire du carpe et l’extenseur du petit doigt.

b

a c

34 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Synthèse

Les artères cutanées viennent constituer de véritables réseaux anastomotiquesvasculaires, avec de la profondeur à la surface (fig. 5) :

– des anastomoses sous-fasciales, entre perforantes musculocutanées etseptocutanées ;

– un réseau anastomotique directement suprafascial, qui fait office de réseauvéritablement axial ;

– un réseau anastomotique hypodermique, entre artères cutanées ou neu-rocutanées mais aussi artères septocutanées et musculocutanées, venues de vais-seaux en profondeur, et le réseau périfascial superficiel ; ces anastomoses consti-tuent un relais de vaisseaux à direction verticale et longitudinale ;

– enfin un réseau anastomotique dermique et sous-dermique alimenté partoutes ces artères.

Fig. 4 – Vue anatomique d’une perforantemusculocutanée, issue du muscle, traversantle fascia et se ramifiant dans le tissu adipeuxsous-cutané.

Fig. 5 – Schéma d’ensemble, très représentatif, de l’angio-architecture cutanée, d’après R. Casey.

Classification des lambeaux cutanés 35

Applications chirurgicales

Les artères cutanées ou neurocutanées autorisent la levée de lambeaux cutanéo-adipeux. L’inclusion du fascia est ici facultative. Mais, si l’on veut augmenterla fiabilité et le ratio longueur/largeur, le fascia épargne les plexus suprafascialet intratissulaires (réseau anastomotique sous-cutané), ce qui permet d’étendrele territoire par ailleurs restreint d’une artère cutanée.

Un lambeau nourri par des artères septales nécessite impérativement la levéedu fascia.

À la main, très rares sont les indications de lambeaux levés sur des artèresmusculocutanées.

Anatomie chirurgicale des lambeaux cutanés

Un lambeau cutané peut être défini par trois critères classiques : l’anatomiedescriptive, le mode migratoire, et enfin le sens du flux artériel.

Anatomie descriptive du lambeau

Un lambeau est schématiquement constitué de deux parties : la « palette »cutanée ou lambeau proprement dit, et son pédicule. Pour chacune d’entreelles, il est possible de définir la structure tissulaire et la structure vasculairequi les composent (fig. 6).

Fig. 6 – Un lambeau est constitué de deux parties : la « palette » cutanée ou lambeau pro-prement dit (a) et son pédicule (b).

a b

La palette cutanée

Il est habituel et commode de dénommer un lambeau selon le tissu qui leconstitue.

Lambeaux dermo-épidermiques

Ils ne sont plus guère employés en raison de leurs contraintes d’utilisa-tion (position inconfortable, temps de sevrage, séquelles inesthétiques dusite donneur, etc.) (fig. 7). Nous avons recours à des procédés plus« modernes ». Il s’agit en fait de « greffes de peau pédiculées », à mi-cheminentre une greffe cutanée et un lambeau, dont la finesse prend tout sonintérêt dans la main brûlée par exemple (5). Ils sont vascularisés par lesplexus dermiques et sous-dermiques, leur plan de dissection passant souset au ras du derme.

Lambeaux cutanéo-adipeux (dits lambeaux cutanés)

Ils sont levés de pleine épaisseur ou, parfois, après dégraissage partiel (fig. 8).Le plan de dissection passe au-dessus du plan fascial. La graisse offre un mate-lassage de qualité, autorisant par ailleurs le glissement des structures sous-jacentes, mais aussi une couverture stable dans le temps, sans risque d’ulcé-ration. Ces lambeaux sont vascularisés par des artères cutanées directes ouneurocutanées (vascularisation dite axiale). Parfois, ils sont levés sans artèrescutanées individualisables : ils vivent alors grâce aux plexus dermique, sous-dermique et hypodermique sous-jacents. Leur levée doit obéir au respect durapport longueur/largeur, qui varie selon les régions de 1/1 à 1,5/1, voire 2/1.C’est le cas de toutes les autoplasties locales au dos de la main ou au niveaudes commissures (lambeaux d’échanges), dont il existe des modalités trèsvariées (fig. 9).

36 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 7 – Lambeau-greffe recouvrant une pertede substance cutanée sur deux doigts.

Fig. 8 – Lambeau cutanéo-adipeux inguinalde McGregor.

Classification des lambeaux cutanés 37

Lambeaux fasciocutanés

Emportant peau, graisse et fascia, ils sont parmi les plus employés pour leurqualité tissulaire et leur sécurité vasculaire (fig. 10). Leur plan de dissectionpasse immédiatement sous le fascia. Ils sont souvent minces, donc très adaptésà la main. Plusieurs types d’artères irriguent ces lambeaux :

– les artères cutanées directes ou neurocutanées ;

– le fascia, qui est inclus par sécurité ou par nécessité, apportant une vas-cularisation par l’intermédiaire d’un réseau vasculaire suprafascial (6), véritableréseau axial, qui entretient des connexions avec les artères cutanées.

Ainsi, la levée de tels lambeaux autorise-t-elle un rapport de 3/1, voire 4/1.

ba

dc

e

Fig. 9 – Multiples procédés de plastiesd’échanges.

38 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 10 – Vue chirurgicale montrant la soli-darisation du fascia au derme par des pointsde fil résorbable, dans le but de prévenir le« savonnage » entre ces deux structures.

Lambeaux fasciaux

Ils ont un plan de clivage superficiel qui doit préserver une faible épaisseurde tissu adipeux ou de tissu aréolaire, par une dissection au large, pour desraisons vasculaires. Leur intérêt réside dans le caractère esthétique du sitedonneur, qui est auto-fermant. On les appellent aussi lambeaux « adipofas-ciaux » ou fascio-adipeux (par exemple, les lambeaux digitaux).

Lambeaux ostéocutanés ou ostéomusculocutanés (fig. 11)

En chirurgie reconstructrice, les pertes de substance composites peuvent fairel’objet d’une réparation par une association tissulaire vascularisée par un pédi-cule unique, plus rarement indiquée à la main.

Fig. 11 – Lambeau ostéocutané de fibula,utilisé pour combler à distance une perte desubstance osseuse et cutanée.

Le pédicule

Structure tissulaire

Le pédicule peut être constitué de tout ou partie de la structure tissulaire com-posant la palette cutanée. On distingue ainsi deux types de lambeaux (fig. 12) :

– les lambeaux dits péninsulaires, composés de l’ensemble des tissus com-posant la palette cutanée. Ici, il n’y a pas de dissection du pédicule vasculaire.Ils sont peu mobiles et obligent à un sacrifice cutané inutile, au retentisse-ment esthétique non négligeable. Les autoplasties locales, les lambeauxd’échanges sont des lambeaux péninsulaires ;

– les lambeaux insulaires sont constitués d’une partie seulement des tissuscomposant la palette cutanée. Ils ont pour caractéristique essentielle d’être trèsmobiles, d’éviter un sacrifice cutané, et d’être plus esthétiques.

Classification des lambeaux cutanés 39

La composition tissulaire du pédicule peut varier avec, le plus souvent pourla main : un pédicule vasculaire seul (lambeau en îlot vasculaire), vasculo-nerveux (lambeau en îlot neuro-vasculaire), ou adipofascial.

Pour une même palette cutanée ou fasciocutanée, certains lambeaux peuventavoir un pédicule variable dans sa constitution. C’est le cas notamment auvoisinage des articulations, où existent des arcades anastomotiques. Parexemple, le lambeau « ulno-dorsal », levé sur le rameau dorsal du nerf ulnaire,peut être levé comme lambeau péninsulaire ou insulaire, et, dans ce cas, avecun pédicule antéro- ou rétrograde (7, 8).

Constitution du pédicule vasculaire

Le pédicule d’un lambeau représente ses attaches nourricières, c’est-à-dire sonapport artériel et son drainage veineux, superposables ou séparés (fig. 13).

Fig. 12a, b – Schéma repré-sentant la structure tissulairedu pédicule. a) Lambeau enîlot, comportant une dissec-tion pédiculaire ; b, c) Lam-beaux péninsulaires, avecpédicule plus ou moins large,ne comportant pas de dissec-tion pédiculaire.

a c

b

Fig. 13a-d – Schéma illustrant la structure vasculaire du pédicule. a) Pédicule artério-veineuxbien individualisable ; b) Pédicule avec axe artériel dominant ; c) Pédicule avec axe veineux domi-nant ; d) Pédicule neuro-vasculaire.

CONSTITUTION VASCULAIRE DU PÉDICULE

a b c d

Artère

Veine

Nerf

Micro-artériole

Micro-veinules

Lambeau cutané ou fascio-cutané

Lambeaux à pédicule artério-veineux défini

Dans ce cadre, les vaisseaux sont parfaitement et macroscopiquement indivi-dualisables :

– soit l’artère est emportée avec sa (ou ses) veines comitantes, sans chercher àdissocier les éléments et en conservant si possible une atmosphère graisseuse autourdes vaisseaux, d’autant plus qu’il s’agit de vaisseaux fins. C’est le cas des lambeauxfasciocutanés à vascularisation septocutanée, comme les lambeaux interosseux anté-rieur et postérieur. Le pédicule artério-veineux, dont sont issues les artétioles sep-tales, est disséqué et mobilisé pour atteindre la perte de substance à couvrir ;

– soit la présence du pédicule est connue, mais la dissection se fait au large,comme dans le cadre du lambeau de McGregor (fig. 14) (9), sans forcémentaller chercher les éléments vasculaires (lambeau péninsulaire cutanéo-adipeuxà vascularisation axiale, par l’intermédiaire de l’axe artério-veineux circonflexeiliaque superficiel).

40 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Plus les vaisseaux contenus dans le pédicule sont fins, plus large devraêtre le pédicule, d’une part pour prendre le plus de veinules et d’artériolespossibles, et d’autre part pour sécuriser la prise du lambeau en évitant deblesser ces mêmes vaisseaux.

ba

dc

Fig. 14a-d – Lambeau à pédicule artério-veineux bien individualisable. a) Schéma de la vas-cularisation ; b) Lambeau de McGregor ; la base du lambeau, tubulisée pour faciliter les soins,contient le pédicule vasculaire ; c) Vaste perte de substance cutanée dorsale de la première com-missure ; d) Couverture par un lambeau interosseux postérieur, lambeau à pédicule artério-veineux bien individualisable.

Classification des lambeaux cutanés 41

Lambeaux à pédicule artériel ou veineux dominant

Dans ce cas, le pédicule comporte seulement l’un des deux constituants par-faitement individualisables macroscopiquement : l’artère ou la veine, l’autreétant de petite taille (fig. 15). Ces lambeaux « veineux » ou « artériels » onten commun un mode de dissection univoque, emportant un large pédiculeadipeux ou fascio-adipeux, englobant les éléments vasculaires, sans chercherà les dissocier.

Les lambeaux « veineux » tirent leur vascularisation artérielle des micro-artérioles incluses dans la graisse cutanée. Ils sont adaptés à la main, vu laprésence de nombreuses veines dorsales, mais leurs résultats sont contradic-toires (10). De plus, il existe des incertitudes quant aux limites du lambeauet à la longueur du pédicule à ne pas dépasser.

De même, les lambeaux artériels, d’indication exceptionnelle (lambeau deRose) (10), possèdent un réseau de microveinules comitantes dans la graissepédiculaire (fig. 16).

ba

Fig. 15a, b – Lambeau à pédicule artériel ou veineux dominant. a) Schéma d’un lambeau àpédicule artériel dominant ; b) Schéma d’un lambeau à pédicule veineux dominant.

Fig. 16 – Schéma illustrant un lambeau àpédicule artériel dominant décrit par Rose. Ils’agit d’un lambeau cutané de doigt, vascula-risé par un pédicule collatéral, après avoirséparé le nerf de l’artère et laissé ce premieren place.

Lambeaux à pédicule neuro-vasculaire

Encore appelés « lambeaux neuro-cutanés », il s’agit de lambeaux axiaux, dontle pédicule est composé d’un nerf sensitif, dont la vascularisation artérielle estfournie par les plexus vasculaires situés autour et dans le nerf, sous la forme soitd’un plexus anastomotique, soit d’un authentique axe au contact du nerf, et leretour veineux assuré inversement par une grosse veine satellite ou des micro-veinules (11) (fig. 17). Nous appelons ces lambeaux plutôt lambeaux cutanésou fasciocutanés à vascularisation axiale, avec un pédicule neuro-vasculaire.

À la face palmaire de la main, la relation artère-nerf cutané est importante,avec des artères bien individualisables car de bon calibre (12). On distingueainsi les lambeaux de Littler, homodigitaux en îlot sur un pédicule collatéral,contenant un nerf, une artère de bon calibre et des microveinules (fig. 18).

42 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 17a, b – Lambeaux à pédiculeneuro-vasculaire. a) Avec artère domi-nante ; b) Avec veine dominante.

a b

ba

c

Fig. 18 – Lambeau homodigital en îlotneuro-vasculaire de l’hémipulpe ulnaire dumajeur, pour combler une perte de substancecutanée du pouce.

À la face dorsale de la main, la parenté anatomique entre la disposition desnerfs cutanés et des veines permet la levée de lambeaux « neuro-veineux », auxdépens des rameaux superficiels du nerf radial ou du nerf ulnaire (fig. 19) (13,14). Le pédicule doit être dessiné large (3 cm), mais il existe une incertitudequant à la longueur du pédicule. L’apport artériel est fourni par le nerf et desmicro-artérioles ou une artère, situés dans la graisse pédiculaire.

Lambeaux sans pédicule artério-veineux défini

Deux situations sont rencontrées :

– soit, effectivement, le lambeau ne comporte pas de vaisseaux macrosco-piquement individualisables dans le pédicule ;

– soit il s’agit du mode de prélèvement, ignorant le type vasculaire, repo-sant davantage sur des règles de prélèvement traditionnelles (ratio 2/1) assu-rant la sécurité vasculaire du lambeau. Les lambeaux cutanés, voire fasciocu-tanés péninsulaires, tels que les « autoplasties locales » à la main, relèvent dece mode de vascularisation. Ces lambeaux nommés improprement « auhasard » sont en fait des lambeaux sans dissection pédiculaire.

Les lambeaux pulpaires, tels que celui d’Atasoy, qui a une charnière consti-tuée de tissu adipeux et de structures vasculaires et nerveuses terminales, etdont la mobilisation assure l’avancée du lambeau, mais de façon relativementmodérée, sont des lambeaux sans pédicule vasculaire défini (fig. 20).

Mode migratoire

Il s’agit de la façon dont le lambeau atteint la perte de substance à couvrir.Nous pouvons définir des lambeaux libres ou sans « charnière », et les lam-beaux « pédiculés » ou à charnière.

Classification des lambeaux cutanés 43

Fig. 19 – Schéma, inspiré des travaux deJ. Bertelli et Z. Khoury, de lambeaux cutanésà pédicule neuro-vasculaire avec axe veineuxdominant.

Lambeaux sans charnière

Sans charnière, c’est-à-dire libres, micro-anastomosés, ces lambeaux sont uti-lisables de différentes manières :

– physiologique, avec reconstitution d’un circuit artério-veineux : artèrebranchée sur une artère, veine sur une veine, en termino-terminal ou termino-latéral, et habituellement sans rétablissement d’un flux de sortie, sauf dans lecadre d’un lambeau « pontage » ;

– non physiologique, tel le lambeau veineux artérialisé : ici, seul le circuitartériel est rétabli, le retour veineux se faisant par suintement.

Lambeaux avec charnière

Avec une charnière, c’est-à-dire pédiculés. Nous évoquerons ici deux types delambeaux pédiculés déjà étudiés, péninsulaires et en îlot :

– les lambeaux péninsulaires ont une utilisation plutôt locale, car le main-tien d’une charnière cutanée large limite leur rotation. Ils peuvent nécessiterun temps de sevrage. Ils atteignent la perte de substance par rotation, trans-lation, translocation, retournement, ou rotation axiale ;

– les lambeaux en îlot ont davantage une utilisation régionale, car laminceur et souvent la longueur de leur pédicule autorisent un arc de rota-tion plus important.

44 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

b

a

c

Fig. 20a-c – Lambeau d’Atasoy. a) Schémadu lambeau ; b, c) Hémi-Atasoy pulpaire.

Cette charnière peut être provisoire, dans le cadre d’un lambeau deMcGregor ou d’un cross-finger, qui sont des lambeaux à distance de la perte desubstance, ou définitive quand il s’agit d’un lambeau à usage local ou régional.

Enfin, cette charnière pourra être proximale (lambeau à pédicule proximal),distale (lambeau à pédicule distal), transversale ou oblique. L’intérêt d’une char-nière proximale est le sens physiologique du flux artériel, mais aussi veineux.Cependant une charnière distale est parfois utile ; c’est le cas par exemple dela couverture du poignet par le lambeau médial de l’avant-bras péninsulaire.Une charnière latérale est possible au dos de la main, car il existe à ce niveauune grande richesse vasculaire et de nombreuses arcades anastomotiques, maisavec un risque de sacrifice veineux et des petites branches nerveuses sensitives.

Sens du flux artériel

On définit enfin les lambeaux à flux artériel antérograde ou direct, par oppo-sition aux lambeaux à flux artériel rétrograde, bénéficiant de l’apport vascu-laire des cercles anastomotiques péri-articulaires le plus souvent (fig. 21).

Classification des lambeaux cutanés 45

b

a

Fig. 21a, b – Arcades anastomotiques péri-articulairesautorisant la levée de lambeaux à flux rétrograde. a) Auniveau du poignet : 1, artère radiale ; 2, artère ulnaire ;3, artère interosseuse postérieure ; 4, arcade dorsale ducarpe ; 5, arcade palmaire profonde ; 6, arcade palmairesuperficielle ; b) Au niveau des doigts : 1, arcade dorsaledu carpe ; 2, arcade palmaire profonde ; 3, arcade palmairesuperficielle ; 4, rameaux cutanés ; 5, anastomoses avec leréseau interosseux.

Classification des lambeaux selon la difficulté technique

Rappelons ici un mode de classification graduée, proposée par Oberlin (15),fondée sur la difficulté technique. L’incidence de cette classification est directesur la notion d’apprentissage au préalable au laboratoire d’anatomie, d’autantque l’on passe du grade I au grade IV (tableau I).

46 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Grade IPas de dissectin rapprochée d’un pédicule vasculaire. Peut être réalisé sansl’aide d’un chirurgien habitué à ce lambeau. Peut être fait sans avoir vuréaliser ce lambeau par un autre opérateur. Peut être réalisé en clinique,sans dissection cadavérique préalable.

Grade IIPas de dissection rapprochée d’un pédicule vasculaire. Peut être réalisé sansl’aide d’un chirurgien habitué à ce lambeau. Peut être fait sans avoir vuréaliser ce lambeau par un autre opérateur. Nécessité d’une dissection cada-vérique préalable.

Grade IIIDissection facile d’un gros pédicule vasculaire. Nécessité d’avoir vu faire celambeau par un opérateur entraîné. Dissection cadavérique préalable nécessaire.

Grade IVNécessité de l’habitude de la dissection des très petits vaisseaux = expériencede la microchirurgie. Nécessité d’avoir vu faire ce lambeau par un opéra-teur entraîné. Si possible faire son premier cas avec l’aide d’un chirurgienhabitué à ce lambeau. Dissection cadavérique préalable indispensable.

Grade I Grade II Grade III Grade IV

Hueston dorsal Lambeau en drapeau Lambeau homodigital Lambeau « chinois »en îlot uni ou bipédiculé libre

Lambeau latéro- Lambeau médial de Lambeau en îlot à Lambeau interosseuxdigital l’avant-bras pédicule distal postérieur

[péninsulaire]

Lambeau Lambeau de grand Lambeau cerf-volant Lambeau brachialcross-finger dorsal pédiculé latéral libre

Lambeau thénarien Lambeau inguinal Lambeau métacarpien Lambeau de grand[péninsulaire] dorsal à pédicule distal dorsal libre

Lambeau « chinois » Lambeau scapulaire etpédiculé parascapulaire libres

Lambeau médial del’avant-bras en îlot vasculaire

Lambeau brachial latéralpédiculé

Lambeau scapulaire etparascapulaire pédiculés

Tableau I – Classification selon le degré de difficulté (C. Oberlin).

Classification des lambeaux cutanés 47

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de couverture des membres. Expansion Scientifique Française, Paris

Remerciements. Les photographies de dissection sont issues du labora-toire d’Anatomie de Brest (Service du Pr Bernard Sénécail).

Lambeau interosseux postérieur en îlot à flux rétrograde et sa variante techniqueavec pédicule étendu

W. Hu

Décrit indépendamment et quasi simultanément par Zancolli et Masquelet,le lambeau interosseux postérieur est un lambeau fasciocutané en îlot, vascu-larisé par l’artère interosseuse postérieure. Il est utilisé pour traiter les pertesde substance cutanée de la main sous forme d’îlot à pédicule distal.

Bases anatomiques

Le trajet de l’artère interosseuse postérieure (IOP) peut être représenté parune ligne unissant l’articulation radio-ulnaire distale à l’épicondyle latéral.Après être passée sous l’arcade fibreuse d’insertion des muscles extenseurs, l’ar-tère IOP chemine dans un septum intermusculaire entre l’extenseur ulnairedu carpe (cubital postérieur), en dedans, et l’extenseur propre du petit doigt,en dehors, en livrant de nombreuses branches cutanées étagées, qui assurentla vascularisation de la face postérolatérale des deux tiers distaux de l’avant-bras. L’artère IOP se termine au voisinage du poignet par des anastomosesavec des rameaux de la branche perforante inférieure de l’artère interosseuseantérieure (IOA).

Dans la technique décrite initialement sous la forme d’îlot à flux rétrograde,les anastomoses entre l’artère IOP et la branche descendante de l’artère IOAsont respectées. Ainsi, le pédicule de ce lambeau est plus court que celui dulambeau antébrachial radial, ce qui limite son utilisation aux pertes de sub-stance du dos de la main et de la face palmaire, sans dépasser les métacar-piens des doigts longs (fig. 1).

Compte tenu de la participation constante de la branche perforante infé-rieure de l’artère IOA au réseau anastomotique dorsal du poignet, nous avonsproposé d’allonger le pédicule du lambeau IOP en ligaturant la branche per-forante inférieure de l’IOA en amont de l’anastomose avec l’IOP. Le principede dissection distale du pédicule est identique à celui du lambeau IOA. Lepoint de pivot du lambeau peut être ainsi reporté au niveau de la face dorsalede l’articulation radio-carpienne, permettant au lambeau d’atteindre la partiela plus distale de la main. Le lambeau ainsi prélevé est vascularisé à flux rétro-grade par le réseau anastomotique dorsal du poignet (fig. 2).

50 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Technique de levée de la forme typique

Le lambeau IOP peut être levé sous anesthésie loco-régionale. Afin de faci-liter le repérage de l’artère IOP et de ses branches cutanées, nous recom-mandons de lever le lambeau sous garrot pneumatique brachial sans procéderà une exanguination du membre par bandes d’Esmach.

Tracé du lambeau

La ligne repère du trajet de l’artère IOP est tracée sur la peau entre l’épicon-dyle latéral et l’articulation radio-ulnaire distale, l’avant-bras étant en prona-tion et le coude fléchi. Le point d’émergence de l’artère IOP et de la plusproximale des perforantes cutanées se situe à la jonction entre le tiers proximalet le tiers moyen de cette ligne. Les limites du lambeau cutané sont tracéesensuite, en incluant au moins ces points d’émergence.

Repérage du pédicule distal

L’absence d’anastomoses distales entre les deux artères interosseuses dansenviron 3 % de cas impose le repérage du pédicule distal du lambeau avantson prélèvement. Les 3 ou 4 cm distaux de la ligne repère du lambeau sontincisés, l’interstice entre les tendons extenseur ulnaire du carpe et extenseurpropre du petit doigt est disséqué, ce qui permet la visualisation de la partiedistale du pédicule IOP et ses anastomoses avec son homologue antérieur.

Dissection du lambeau

L’incision débute par le bord ulnaire de l’îlot cutané. La peau, le tissu sous-cutané et le fascia recouvrant l’extenseur ulnaire du carpe sont incisés. Ce fascia

Fig. 1 – Schéma du prélèvementd’un lambeau IOP classique.

Fig. 2 – Schéma du prélèvementd’un lambeau IOP à pédiculeétendu.

Lambeau interosseux postérieur et variante technique avec pédicule étendu 51

est solidarisé à la peau par quelques points provisoires, pour éviter toute trac-tion intempestive. Pendant toute la durée de l’intervention, une hémostasetrès soigneuse est primordiale pour éviter un hématome. La dissection se pour-suit en soulevant la face profonde du lambeau du corps charnu de l’exten-seur ulnaire du carpe, de dedans en dehors. À ce stade, en réclinant le muscle,il est possible de visualiser le pédicule et la disposition des perforantes cuta-nées. L’incision est poursuivie le long de la ligne repère, puis sur le versantradial du lambeau. La face profonde du lambeau est soulevée du corps charnude l’extenseur propre du petit doigt, de dehors en dedans. L’artère IOP estensuite ligaturée, immédiatement en amont de l’émergence d’une perforantecutanée de bonne qualité. Le lambeau est levé de proximal à distal, avec unehémostase soigneuse à la pince bipolaire.

Variante avec pédicule étendu (figs. 3, 4)

Lorsqu’un long pédicule est nécessaire, il est possible d’avancer le point depivot du lambeau en ligaturant la branche perforante inférieure de l’artère IOAen amont de la première anastomose entre les deux artères interosseuses. La

Fig. 3a-d – Il s’agit d’une patiente de 50 ans, qui présente une large perte de substance cutanéede la première commissure au niveau de la main gauche, suite à une nécrose septique (a). Laperte de substance cutanée intéresse toute la commissure (en avant jusqu’au 3e métacarpien).Un lambeau IOP fasciocutané de 16 × 8 cm est prélevé avec ligature de la branche descen-dante de l’artère IOA, en amont des anastomoses distales entre les deux artères interosseuses (b).Le pédicule du lambeau est disséqué jusqu’à un centimètre proximalement à l’articulation radio-carpienne, ce qui permet d’amener le lambeau en îlot à flux rétrograde au niveau de la pertede substance cutanée. Le site donneur du lambeau est greffé d’emblée. L’évolution de cetteintervention est favorable avec un résultat fonctionnel final satisfaisant (c, d).

a b

c d

dissection du pédicule se poursuit de proximal à distal, à la pince bipolaire,en laissant une couche de tissu cellulograisseux autour du pédicule. Il estconseillé de ne pas pousser la dissection du pédicule au-delà de l’articulationradio-ulnaire distale, afin de préserver une bonne vascularisation rétrogradeissue du réseau anastomotique dorsal du poignet.

Mise en place du lambeau

La tunnellisation du lambeau est possible, à condition qu’elle soit large.Pour éviter tout risque d’hématome compressif, l’hémostase doit être faite avecbeaucoup d’attention avant la mise en place du lambeau à la main. Le pan-

52 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 4a-d – Il s’agit d’un patient de 27 ans, travailleur manuel, droitier, qui présente une ampu-tation du pouce, de l’index, du majeur et de l’annulaire de la main droite lors d’un accidentde travail. La prise en charge initiale a été effectuée dans un autre établissement avec échec detentative de réimplantation des quatre doigts. Le moignon d’amputation était ensuite recou-vert par un lambeau de McGregor. Nous avons réalisé dans un premier temps un transfert du2e orteil gauche pour reconstruire le pouce droit. Trois mois après, afin de lui donner une pincesolide, nous avons effectué un transfert en monobloc des 2e et 3e orteils droits, pour restaurerles 3e et 4e rayons. L’évolution de ces trois orteils transférés a été satisfaisante, mais par impru-dence, il a été victime d’une brûlure du troisième degré de la face dorsale des deux orteils trans-férés en monobloc avec exposition des tendons extenseurs (a). Il a été ensuite réalisé une cou-verture de ces pertes de substance par un lambeau IOP avec pédicule étendu (b). Ce lambeau,prélevé avec une taille supérieure à la perte de substance, a permis secondairement une désyn-dactylisation de ces deux orteils transférés, sans créer de trouble cutané. À un an postopératoire,le patient a récupéré une fonction satisfaisante de la main droite avec une pince pollicidigitalesolide (c, d). Une sensibilité de bonne qualité est retrouvée au niveau des trois orteils trans-férés avec un test de Weber à 6 mm sur chaque doigt. Il a repris son travail de chef d’équipedans une usine agro-alimentaire un an après le traumatisme initial.

a b

c d

sement doit être souple et non compressif. Le poignet est immobilisé en exten-sion par une attelle palmaire pendant les dix premiers jours postopératoires.

Soins postopératoires

Une congestion veineuse, un œdème et une éventuelle tension de surface dulambeau doivent être dépistés pendant les premiers jours postopératoires. Ilest primordial de bien maintenir le poignet en extension lors des premierspansements, afin d’éviter tout étirement du pédicule vasculaire.

Avantages et inconvénients

L’avantage principal du lambeau IOP par rapport aux lambeaux de l’artèreradiale ou ulnaire est la conservation des axes vasculaires principaux de l’avant-bras. Le revêtement cutané apporté est fin, la couleur est satisfaisante, lesséquelles au niveau du site donneur sont en général modérées. Grâce à lavariante technique du pédicule étendu, le lambeau peut atteindre la partie laplus distale de la main.

Son inconvénient principal, par rapport aux autres lambeaux de l’avant-bras, est la difficulté technique pour les débutants.

Lambeau interosseux postérieur et variante technique avec pédicule étendu 53

Trucs et astuces

– Opérer sous garrot, mais sans exsanguination du membre, afin de faci-liter le repérage du pédicule et ses branches perforantes cutanées.

– Vérifier les anastomoses distales.– Inciser le bord ulnaire en premier, pour identifier facilement l’exten-

seur ulnaire du carpe.– Garder un large « pédicule fascial » en cas de prélèvement d’un petit

lambeau cutané, afin d’assurer une vascularisation suffisante.– Utiliser la pince bipolaire pour l’hémostase et pour « disséquer » le pédi-

cule distal en laissant une couche de tissu cellulograisseux, en cas de pré-lèvement d’un lambeau avec pédicule étendu.

– Immobiliser le poignet en extension stricte pendant la période post-opératoire, y compris pendant le pansement.

Indications

Les indications du lambeau IOP sont larges en couverture cutanée de la maingrâce à une vascularisation relativement fiable, un territoire cutané important,un pédicule long (sous forme de pédicule étendu). C’est le lambeau idéal pourla couverture cutanée de la face dorsale de la main et de la première com-missure.

Références

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2. Masquelet AC, Penteado CV (1987) Le lambeau interosseux postérieur. Ann Chir Main 6:131-9

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54 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeau antébrachial radial ou lambeau « chinois »

A. Carlier

Basé sur l’artère radiale, le lambeau antébrachial radial (LAR) est un lambeauseptofasciocutané. Introduit en 1981 par Yang et al. (1) comme lambeau libre,puis en 1982 par Lu et al. (2) comme lambeau pédiculé rétrograde, le lambeauantébrachial radial a révolutionné les possibilités de prélèvement des lambeauxpédiculés. En effet, la fiabilité démontrée du drainage veineux rétrograde,contraire aux notions anatomiques habituelles, a conduit à la création d’autreslambeaux basés sur ce principe, tels que le lambeau interosseux postérieur.

Bases anatomiques

L’artère radiale (AR), branche de division de l’artère brachiale, naît habituel-lement au niveau de la fosse antécubitale en regard du col du radius, à deuxou trois travers de doigt du pli du coude. De sa situation subfasciale au pli ducoude, l’AR suit longitudinalement un trajet linéaire antérolatéral dans l’avant-bras. Dans son tiers supérieur, elle passe superficiellement au muscle rond pro-nateur (pronator teres), habituellement recouverte par le bord antérieur du corpsmusculaire du brachioradial (brachioradialis). À la partie moyenne de l’avant-bras, alors que ce muscle se latéralise, l’artère radiale se place au-dessus du corpscharnu du chef radial du fléchisseur superficiel des doigts (flexor digitorum super-ficialis) pour rejoindre la face antérieure du long fléchisseur du pouce (flexorpollicis longus). À ce niveau, l’artère radiale est latérale au fléchisseur radial ducarpe (flexor carpi radialis), et médiale au brachioradial (brachioradialis) touten se superficialisant progressivement, pour gagner la région antébrachialedistale, où elle reste dans la même position au niveau de la gouttière du pouls.Au rebord radial du poignet, elle glisse en dessous des tendons du long abduc-teur du pouce (abductor pollicis longus) et du court extenseur du pouce (extensorpollicis brevis) pour rejoindre, dorsalement, la tabatière anatomique juste aprèsavoir donné son rameau palmaire. Enfin, l’artère radiale rejoint la base de lapremière commissure pour entrer dans la paume et constituer, après avoir donnédifférentes branches dorsales, l’arcade palmaire profonde (arcus palmaris super-ficialis) (présente dans plus de 97 % des dissections) (3).

Dès sa naissance au niveau du coude, l’artère radiale s’insinue dans leseptum intermusculaire qui sépare la loge antérieure des loges latérale et pos-térieure de l’avant-bras. Il est donc essentiel de bien appréhender le trajet de

56 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

ce septum qui dessine un axe légèrement oblique de dedans en dehors et dehaut en bas, depuis son origine au niveau du centre de la fosse antécubitalejusqu’au niveau de la gouttière du pouls.

Tout au long de ce trajet antébrachial, après avoir donné l’artère récurrenteradiale au niveau du coude, l’artère radiale (d’un diamètre de l’ordre de 2,6 mm)donne naissance à des artérioles destinées aux structures avoisinantes (muscles,tendons, périoste, nerfs, etc.), mais également des branches à distributioncutanée antébrachiale antérieure et radiodorsale. Celles-ci quittent l’artère ensuivant un trajet septal intermusculaire pour se distribuer, en un vaste réseauaux fascias antébrachiaux et à la peau. Ces artérioles ont un diamètre de l’ordrede 0,3 à 0,5 mm. Il existe souvent une quinzaine de branches septocutanéesavec une distribution préférentielle au niveau de la moitié distale de l’avant-bras (en moyenne 9 de ces branches s’y retrouvent). La branche septocutanéela plus importante apparaît souvent à 7 à 8 cm du pli du poignet.

L’artère radiale est systématiquement accompagnée d’au moins deux veinessatellites ou comitantes (qui présentent un diamètre de l’ordre de 1,5 mm).Ces veines, munies de valves, constituent un système de drainage profond,parallèle à l’artère radiale. Elles présentent entre elles de nombreuses connexionsétablissant, par « cross-over » ou par « by-pass », un drainage à double sens (anté-rograde ou rétrograde) (4). Ces veines satellites drainent les veinules septo-cutanées correspondantes. En outre, de ce côté de l’avant-bras, au niveau sous-cutané, le passage de la veine céphalique et de ses affluents constitue unsystème de drainage superficiel annexe.

L’innervation cutanée de la région antébrachiale est assurée par le nerfcutané latéral de l’avant-bras (n. cutaneus antebrachialis lateralis) et par la bran-che antérieure du nerf cutané médial de l’avant-bras (n. cutaneus antebrachialismedialis). Leurs rameaux s’arborisent à la surface du fascia antébrachial.

Technique de levée de la forme typique (figs 1, 2)

Alors même qu’il existe plusieurs variantes, la forme la plus originale de pré-lèvement du LAR, en particulier en traumatologie de la main, est un lambeausepto-fasciocutané à pédicule distal, utilisé par exemple pour la couverture despertes de substance dorsale de la main et du poignet (fig. 1).

Fig. 1a, b – Variantes proximale (a)et distale (b) du lambeau septo-fasciocutané à pédicule distal.

a b

Lambeau antébrachial radial ou lambeau « chinois » 57

Avant de prélever le lambeau, il est impératif de pratiquer un test d’Allenau poignet dans le but de vérifier la suppléance de l’artère ulnaire au niveaude la main (5).

Le prélèvement se fait sous anesthésie au moins locorégionale, sous garrot(après exsanguination partielle permettant de laisser encore l’arbre vasculairevisible), avec utilisation de moyen de grossissement optique et d’un bistouriélectrique bipolaire.

En théorie, le lambeau peut emporter virtuellement toute la peau anté-brachiale antérieure, et une bande dorsoradiale de 5 à 6 cm sur le rebord latéro-dorsal de l’avant-bras (compte tenu de la distribution septocutanée déjà rappelée).Le lambeau peut donc être très large et très long (20 cm de longueur pour10 cm de largeur), mais peut aussi être très petit (quelques centimètres). Ilest dessiné en fonction de la perte de substance à couvrir.

Pour ce faire, l’axe de l’artère radiale est représenté sur la peau, oblique-ment depuis la région centrale de la fosse antécubitale jusqu’au niveau de lagouttière du pouls où l’artère peut être palpée (au besoin étudiée par échoDoppler). Ensuite, le dessin du lambeau est défini en traçant d’abord sa limitedistale. Celle-ci se localise en fonction du point pivot styloïdien radial. Enutilisant un arc de rotation, le chirurgien transpose la limite proximale dudéfect à couvrir à la limite antébrachiale distale du lambeau. À partir de celle-ci, la superficie à couvrir peut être schématisée au niveau antébrachial, en déve-loppant la surface à inciser par rapport à l’axe de l’artère radiale, avec un tierslatéral et deux tiers médiaux.

La dissection commence par la mise en évidence du pédicule vasculaire dansle tiers distal de l’avant-bras. Une incision longitudinale ou en zigzag, dansl’axe de la gouttière du pouls, permet de visualiser l’artère radiale et ses comi-tantes, dans le septum intermusculaire. Ce premier temps permet de corrigerau besoin l’axe de dissection et parfois de réaliser en début d’intervention untest d’Allen complémentaire (clampage et levée du garrot) pour confirmer lasuppléance ulnaire. Ensuite, le deuxième temps permet l’incision du bordmédial du lambeau, en arrêtant la dissection au niveau de l’axe du pédicule.

a

1

2

3

54

1

23

1

Fig. 2a, b – Visualisation, au niveau d’un lambeau antébrachial vas-cularisé par l’artère radiale, du septum intermusculaire contenant les trèsfins vaisseaux venant irriguer la peau. a) Schéma et coupe du lambeau ;1, artère radiale ; 2, septum ; 3, lambeau fascio-cutané ; 4, fléchisseurradial du carpe ; 5, brachioradial ; b) Vue per-opératoire du lambeau.(Collection D. Le Nen.)

b

La section emporte la peau, le tissu sous-cutané et le fascia profond antébra-chial en bloc. Il est utile de suturer le fascia au plan cutané sur le pourtourdu lambeau pour éviter que le glissement des plans incisés ne fasse perdre leniveau correct de dissection. Celle-ci doit en effet rester subfasciale.

Le plan subfascial est levé en prenant soin de ligaturer ou de coaguler soi-gneusement les perforantes qui y sont rencontrées (pince bipolaire). De médialen latéral, le fléchisseur ulnaire du carpe (flexor carpi ulnaris), le long palmaire(palmaris longus), puis le fléchisseur radial du carpe (flexor carpi radialis) sontsuccessivement rencontrés. Il importe de respecter très soigneusement, surtoutdans le tiers distal de l’avant-bras, l’épitendon de ces structures, pour garantirune vascularisation péritendineuse lors de la couverture par greffe cutanée. Lorsde cette dissection, les nerfs cutanés sont repérés, et au besoin disséqués avecune longueur adéquate pour éventuellement réinerver le site receveur. Arrivéeau rebord latéral du fléchisseur radial du carpe, la dissection s’arrête pour res-pecter le septum intermusculaire comprenant l’artère et ses branches septo-cutanées. En soulevant le lambeau, il est souvent possible de voir leurs arbo-risations.

Ensuite, le troisième temps chirurgical permet l’incision du bord radialdu lambeau selon le même principe que précédemment décrit. Ainsi, le fasciadu brachioradial est emporté avec les éléments cutanés et la dissection se portemédialement. Le brachioradial est récliné latéralement, ce qui permet devisualiser l’émergence du rameau superficiel du nerf radial (à quatre traversde doigt du processus styloïde radial). Ce rameau doit être impérativementpréservé. Au cours de ce temps de dissection, la veine céphalique et sesbranches sont repérées (et au besoin soigneusement prélevées pour utilisa-tion ultérieure). Le septum intermusculaire est ainsi isolé en ayant pris soinde le respecter (fig. 2).

Le quatrième temps libère et ligature par double point l’artère radiale aubord proximal du lambeau. Celle-ci est alors solidarisée, après section, au fasciaet à la peau. Dès ce moment, la levée du lambeau peut se faire de proximalen distal en descendant précautionneusement au niveau de l’espace septal entrele fléchisseur radial du carpe médialement et le brachioradial latéralement. Ilimporte d’être extrêmement précis lors de la libération du septum profondé-ment à l’artère radiale. Les branches musculaires et périostées sont contrôlées,en respectant les branches fasciocutanées, et en alternant la dissection de partet d’autre de l’espace septal. Le lambeau peut ainsi être levé jusqu’au niveaude son point pivot.

De là, il est transposé au niveau du site receveur, soit par un tunnel sous-cutané, soit en incisant la peau et en le plaçant adéquatement. Toute mise entension excessive et toute torsion du pédicule doivent être évitées. Le lambeauet son pédicule peuvent être passés sous les tendons de la tabatière anatomique.Cet artifice de décroisement, qui place le point de pivot au sommet de l’angleentre le premier et le deuxième métacarpiens augmente l’arc de rotation d’en-viron 7 à 8 cm.

Le lambeau est suturé en place, avec au besoin suture microchirurgicale deveines sous-cutanées et des nerfs sensitifs (dans la forme classique, il faut cepen-dant noter que les veines et les nerfs sous-cutanés utilisables sont souvent loca-

58 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

lisés distalement et donc rarement utilisables comme tels. À ce sujet, l’artificede Wu et al. (4) est utile à considérer.

Après suture du lambeau, le site donneur est habituellement couvert parune greffe de peau fine (prélevée de préférence en-dehors du membreconcerné). Une attelle plâtrée antébrachiale est conseillée, pour permettre lacicatrisation des lésions traumatiques et assurer une meilleure prise de la greffecutanée. Un drain est utile au niveau du site receveur pour éviter des héma-tomes.

Variantes

La distribution vasculaire du pédicule radial et son diamètre sont tels qu’il estpossible d’imaginer un grand nombre de variantes :

– prélèvement de deux palettes cutanées sur l’axe radial ;– variante pédiculée proximale : le dessin cutané se situe au niveau du tiers

distal de l’avant-bras ; le lambeau est levé sur un pédicule proximal ;– variante fasciale n’emportant que le fascia et le tissu sous-cutané, la peau

étant levée comme une greffe de peau épaisse ;– lambeau composite tel que fasciocutanéo-tendineux ou musculocutané

(avec prélèvement de tendon ou muscle, constituant des lambeaux d’unitéfonctionnelle), cutanéo-osseux (avec prélèvement d’une baguette osseuse àcheval sur le tiers moyen et le tiers distal du rebord latéral du radius) (fig. 3) ;

– le lambeau peut aussi être utilisé comme lambeau porte-vaisseaux, comptetenu du passage à plein canal de l’artère radiale dans l’axe du lambeau (il estalors levé en lambeau libre au niveau de l’avant-bras controlatéral, l’artèresuturée au site receveur par microchirurgie) ;

– l’expansion cutanée peut être appliquée au LAR, ce qui augmente la tailledu lambeau et permet parfois d’obtenir une fermeture directe du site donneur(avec l’inconvénient de nécessiter deux temps de chirurgie) ;

– à la suite de Chang (6), divers auteurs (7, 8, 9) ont décrit le lambeau fascialradial rétrograde. Cette dernière variante est utile à considérer, évitant le pré-lèvement de l’artère radiale mais avec des risques non négligeables d’atteintedu nerf radial.

Soins postopératoires

Le suivi postopératoire est assuré par une fenêtre d’observation dans le pan-sement. La tache ischémique et l’étude Doppler du flux artériel sont princi-palement analysées. La mesure de la température cutanée n’est pas suffisam-ment fiable pour être utilisée. L’utilisation d’un laser Doppler peut être utile,mais n’est pas indispensable. Le premier pansement est réalisé, sauf problème,vers le troisième jour postopératoire. L’immobilisation plâtrée est maintenueen fonction des lésions traumatiques traitées. Le patient reçoit habituellementune thérapeutique à visée anti-agrégante pendant cinq jours.

Lambeau antébrachial radial ou lambeau « chinois » 59

Indications

La distribution vasculaire du pédicule radial, les dimensions potentielles dulambeau sont telles que ce lambeau et ses variantes présentent une très grandeversatilité. Ce large spectre d’application peut être utilisé en urgence pour lacouverture de presque toutes les pertes de substance cutanée de la main, pourautant que les arcades palmaires soient intactes, au besoin avec reconstruc-tion tendineuse ou osseuse. Les indications les plus fréquentes correspondentaux couvertures des pertes de substances dorsales de la main et du poignet,aux amputations multidigitales, aux avulsions et dégantages de la main (fig. 4).L’apport de vaisseaux de bons diamètres peut servir ultérieurement pour desreconstructions secondaires, telles que les transferts d’orteil.

Sa forme fasciale peut être utilisée même en cas de correction de séquellesde brûlures.

Sa variante libre est « sans limite », permettant de reconstruire un grandnombre de pertes de substance cutanée dans tous les domaines correspondants(orthopédie, ORL, etc.).

Avantages

Ce lambeau est devenu un standard de la chirurgie reconstructrice grâce à safiabilité et à son anatomie relativement constantes (artère de 2,6 mm de dia-

60 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

a

c

b

d

Fig. 3a-d – Séquelles d’une amputation trans-IP du pouce traitée par lambeau composite.a) Dessin d’un lambeau composite peau + os (radius) ; b) Levée du lambeau ostéocutané ;c, d) Résultat à distance, après réalisation d’un lambeau de Littler (lambeau pulpaire en îlotneurovasculaire, unipédiculé, à flux antérograde) de resensibilisation de la néopulpe du pouce.(Collection D. Le Nen.)

mètre avec un excellent drainage veineux), à sa technique de prélèvementsimple (vaisseaux superficiels), à sa versatilité (un grand nombre de variantes),à ses dimensions et à son axe de rotation avec un long pédicule.

La qualité de la peau antébrachiale (souple, fine) assez équivalente à la facedorsale de la main (et du poignet) en fait une palette cutanée de choix pourla couverture de ses pertes de substance (même s’il faut tenir compte de lapilosité plus importante du côté latéral de l’avant-bras).

Le LAR peut être facilement proposé chez les personnes âgées, compte tenude la faible incidence de l’athérosclérose au niveau de l’artère radiale.

Inconvénients

Au plan esthétique, le site donneur ne pouvant le plus souvent être fermé direc-tement (sauf artifice), une greffe de peau fine est justifiée. Celle-ci peut nepas prendre en totalité (30 à 50 % des cas), en particulier si l’épitendon n’apas été soigneusement respecté (dans le tiers distal de l’avant-bras en parti-culier), et peut cicatriser avec un aspect inesthétique non négligeable (rétrac-tion, hypertrophie, etc.), en particulier chez la femme. Au niveau du site rece-veur, ce lambeau peut présenter un aspect bombant qu’il convient secondairementde corriger par plasties en Z multiples, à sa périphérie.

Du point de vue fonctionnel, le risque théorique d’une hypovascularisa-tion au niveau de la main existe, suite au sacrifice d’une de ses artères prin-cipales. Le risque d’ischémie est exceptionnel, mais il est décrit (il peut êtreévité si le test d’Allen est bien utilisé), de même que des nécroses digitalesdistales tardives (en cas de pathologie artérielle ulnaire). La sélection rigou-reuse des patients et la compensation qui s’installe dans les six mois (aug-mentation progressive du diamètre de l’artère ulnaire et développement dessystèmes interosseux) rendent cependant ce risque fonctionnel moins impor-tant.

Il existe aussi des risques de fracture du radius (si le prélèvement emporteplus de 40 % de l’épaisseur du radius et si la baguette osseuse n’est pas taillée

Lambeau antébrachial radial ou lambeau « chinois » 61

Fig. 4a, b – Lambeau antébrachial. a) Pour une perte de substance de la face dorsale de lamain ; b) Pour la face dorsale des doigts. Il faut prévoir dans ce cas une désyndactylisationsecondaire. Même sans l’artifice du décroisement, comme dans le cas présent, le lambeau peutatteindre les IPD, voire l’extrémité des doigts. (Collection D. Le Nen.)

a b

en tranches triangulaires), de dysesthésies dans le territoire radial voire denévrome de son rameau superficiel, d’œdème de la main avec risque de raideurarticulaire, de perte de force.

62 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Trucs et astuces

– La suture du fascia et de l’artère radiale au plan cutané, l’utilisationde moyens de grossissement optique sont des artifices qui rendent plus sûrle prélèvement.

– En cas d’altération de l’épitendon, certains utilisent la couverture tendi-neuse par glissement des masses musculaires sous-jacentes pour permettreune meilleure prise de la greffe cutanée (fléchisseur superficiel des doigts,par exemple).

– Nous avons plutôt recours à une greffe cutanée au niveau du sitedonneur quelques jours après le lambeau, pour favoriser l’apparition d’untissu de granulation qui en optimalise la prise.

– L’immobilisation plâtrée nous paraît impérative pour éviter lesinconvénients de la prise incomplète de la greffe cutanée au niveau du sitedonneur.

Références

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Lambeaux pédiculés sur l’axe ulnaire

J.-C. Guimberteau

Décrit par Lovie en 1984 en tant que transfert libre microchirurgical, c’estce même auteur qui en 1988 le propose en transfert pédiculé en îlot rétro-grade. Le lambeau antébrachial ulnaire, comme son homologue radial, appar-tient aux lambeaux à vascularisation septale.

Bases anatomiques

L’artère ulnaire chemine avec le nerf ulnaire dans le fond d’une vallée anato-mique entourée, en dedans, du muscle fléchisseur ulnaire du carpe (cubitalantérieur) et, en dehors, du corps des fléchisseurs superficiels de l’annulaireet de l’auriculaire. Aux tiers inférieur et moyen de l’avant-bras, sur six centi-mètres de long, cette artère est superficielle, n’étant recouverte que par la peau,la graisse sous-cutanée et le fascia superficialis (fig. 1). En revanche, au tierssupérieur, les relations cutanées et vasculaires sont moins évidentes, et l’élabo-ration d’un lambeau en îlot rétrograde cutané est plus aléatoire. Les com-munications artérielles sont constituées par une série de branches antérieures,antérolatérales et postérieures issues de l’artère sous la forme de mésovaisseaux.Les branches à visée cutanée sont au nombre de deux ou trois, d’environ uncentimètre de long, développées au niveau de la face antérieure de l’artère,dont le diamètre peut varier de 0,5 mm à 1 mm. Elles sont espacées de 15 mmà 25 mm, ce qui fait que, pour un lambeau de taille moyenne, soit en général10 cm de long sur 6 à 7 cm de large, il n’est pas rare d’avoir au moins deuxpédicules de bonne qualité. Cela permet de séparer le lambeau en deux parties

Fig. 1 – Aux tiers distal et moyende l’avant-bras, l’artère ulnaire estsuperficielle.

64 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

distinctes et de l’utiliser dans deux sites séparés (fig. 2). Le retour veineux dulambeau antébrachial ulnaire dépend de deux systèmes : un réseau superfi-ciel, sous la dépendance de la veine basilique (médiale) de l’avant-bras, trèsutile dans les transferts libres microvasculaires et un réseau profond, repré-senté par les deux veines ulnaires comitantes, assurant à elles seules le drai-nage veineux dans la forme pédiculée en îlot rétrograde.

Technique de levée de la forme typique du transfert cutané

Avant l’intervention, le test d’Allen, le contrôle des pouls et, éventuellement,un Doppler ou un bilan artériographique, sont effectués, pour s’assurer descapacités supplétives de l’artère radiale.

Le lambeau est dessiné sur l’avant-bras, le long de l’axe vasculaire ulnaire,vers la jonction entre le tiers moyen et le tiers inférieur, de façon à ce que lemuscle fléchisseur ulnaire du carpe soit son axe longitudinal (fig. 3).

Une incision en baïonnette est réalisée au poignet ; le pédicule vasculairey est repéré sur un lac, après qu’il ait été séparé du nerf. L’incision est alorscommencée du côté médial du lambeau jusqu’au contact du muscle fléchis-

1. ISLAND SKIN FLAP.

FLEXORS SUPERFICIALIS FLEXORS PROFONDUS

VENOUSSUPERFICIAL NETWORK

FLEXORS CARPIULNARIS

ULNAR NERVE

ULNAR ARTERY

MEDIAN NERVE

2. ISLAND SKIN FLAP. VENOUSSUPERFICIAL NETWORK

FLEXORS SUPERFICIALIS

FLEXORS PROFONDUS

MEDIAN NERVE

ULNAR NERVE

FLEXORS CARPIULNARIS

ULNAR PEDICLE

a b

Fig. 2a-c – Schémas du lambeau fasciocutané centré sur l’artèreulnaire. a, b) Coupes ; c) Vue globale.

c

Lambeaux pédiculés sur l’axe ulnaire 65

seur ulnaire du carpe, dont le fascia est sectionné et récliné avec précaution.Puis on aborde le bord antérieur du muscle en position subfasciale, et l’ondescend dans la vallée vasculonerveuse. Une légère traction vers le haut de laberge du lambeau permet de découvrir les petits pédicules vasculaires sagit-taux venant de l’artère ulnaire et vascularisant directement la peau (fig. 4). Lecôté latéral du lambeau est alors incisé à son tour jusqu’au contact des flé-chisseurs superficiels de l’annulaire et de l’auriculaire. Là encore, on incise lefascia et l’on descend dans la vallée vasculonerveuse en position subfasciale.Bien sûr, si l’on désire réaliser un lambeau libre, il est indispensable à ce stadede repérer une veine superficielle de bon calibre, ce qui ne manque pas à cetendroit. Au fond de cette vallée, la dissection entre le nerf ulnaire et le pédi-cule vasculaire est poursuivie, et de nombreuses ligatures sont effectuées entrele pédicule et les branches à visées nerveuses, osseuses, musculaires et tendi-neuses. Il reste enfin à isoler le pédicule à ses extrémités distale et proximale,et à les lier en fonction de la nature du lambeau, soit libre, soit pédiculé. Onpratique alors un clampage du pédicule ulnaire au niveau de la partie proxi-male par rapport aux branches à visée cutanée. Cela permet de noter unebonne vascularisation de la main et du transfert cutané par un flux rétrogradevenant des arcades palmaires. Le lambeau en îlot est alors retourné de 180°,et peut ainsi servir à recouvrir un grand nombre de types de pertes de sub-stance cutanée de la main (fig. 5).

Pour la mise en place, on prend la précaution de remettre le garrot, afind’éviter la turgescence du lambeau (fig. 6). Le site donneur est facilement

Fig. 3 – Levée d’un lambeau fasciocutané vascularisé par l’artère ulnaire.

a

b

Fig. 4 – Visualisation des petits pédicules vas-culaires sagittaux issus de l’artère ulnaire etvascularisant la peau.

fermé, sans besoin de greffe cutanée complémentaire. La cicatrice résiduelleest, le plus souvent, de bonne qualité et bien dissimulée sur le bord médialde l’avant-bras.

Variantes

Ce qui est particulièrement intéressant au niveau de ce pédicule, c’est le faitque, sur environ 6 cm de long, c’est-à-dire dans une zone allant du tiers infé-rieur de l’avant-bras jusqu’au niveau de l’entrée dans le canal de Guyon, l’ar-tère ulnaire présente, dans son schéma le plus classique, non seulement aumoins deux rameaux antérieurs pour irriguer la peau, comme nous l’avons vuprécédemment, mais aussi des rameaux postérieurs pour l’ulna et des rameauxantérolatéraux pour les tendons fléchisseurs superficiels et la gaine communecarpienne (fig. 6). Cette multiplicité des possibilités de combinaison, grâce à

66 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 5 – Un lambeau en îlot est levé, pouvantêtre retourné de 180° pour recouvrir uneperte de substance cutanée de la main.

Fig. 6b – Dissection des différentes branches.

Fig. 6a – Schéma montrantla variété des transferts pos-sibles (cutanés, tendineux,etc.) à partir des branchesissues de l’axe ulnaire.

6 cm

Flexor

Ulna bone

Superficialis

Skin

cette remarquable richesse vasculaire, permet de donner aux transferts ulnairesleur véritable spécificité.

Transferts tendineux de fléchisseurs

Le pédicule ulnaire donne, au tiers inférieur du poignet, juste avant le réti-naculum des fléchisseurs, des branches au nombre de deux à trois, d’environun millimètre de diamètre, issues de sa face antérolatérale et se dirigeant àtravers la gaine digitocarpienne vers les tendons fléchisseurs superficiels, essen-tiellement du majeur, de l’annulaire et de l’auriculaire, grâce à un mésotendon,fin, transparent, agissant comme un véritable mésentère (fig. 7).

Le principe de base est donc de remplacer la zone de glissement digitale(zones I et II) par la zone de glissement naturelle du poignet et de la paume,soit les zones III, IV et V.

Il est possible d’associer en même temps un lambeau cutané sur le même axevasculaire, pour reconstruire la surface cutanée digitale. Cette nouvelle techniqueest actuellement notre technique habituelle pour la reconstruction des systèmesfléchisseurs des doigts dans les classes III et IV de la classification de Boyes(fig. 8). Le fait très important est de pouvoir apporter une solution techniqueen un seul temps opératoire, évitant les deux temps de la technique de Hunter.

Lambeaux pédiculés sur l’axe ulnaire 67

a bFig. 7 – Transfert tendineux.

Fig. 8 – Il est possible d’associer un lambeaucutané au transfert tendineux.

Transferts osseux

Parmi les branches postérieures, on peut classer les branches à visée osseuseen deux types :

– type A : branches issues directement du pédicule ulnaire (70 % des cas) ;

– type B : branches développées aux dépens de la branche dorsale dite« dorso-ulnaire » (30 % des cas).

La dissection doit être minutieuse et, pour le type A, on conseille deconserver un fragment de muscle avec le pédicule, pour éviter de disséquerla branche musculaire, dont la lésion pourrait provoquer une hémorragie inter-stitielle. En général, le saignement corticospongieux est très important et debonne qualité (fig. 9).

Notre principale indication est, le plus souvent, la pseudarthrose itérativedu scaphoïde et la nécrose du lunatum au stade 4.

68 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

a b

Fig. 9a, b – Transfert osseux (a) et ostéocutané (b).

Soins postopératoires

Ils sont très simples. Il faut juste surveiller l’œdème postopératoire et une éven-tuelle tension du lambeau.

Complications

Sur 572 transferts, nous avons eu huit cas de nécrose, dont un causé par uneexcision peropératoire exagérée de graisse, ayant entraîné une lésion vasculaire.Un autre lambeau a nécrosé au quatrième jour chez un patient jeune sansantécédent particulier, et sans raison apparente. Ceci représente une fréquencede 1,35 %.

Avantages et inconvénients

La vascularisation du lambeau antébrachial ulnaire est constante, avec un pédi-cule de calibre important et de longueur appréciable. La technique opératoireest aisée (1 h).

L’arc de rotation est très large, permettant à la palette d’atteindre toutes lesrégions de la main et des doigts. La peau est fine et de faible pilosité, maisla surface du prélèvement cutané est relativement limitée (10 × 3 cm).

Ce lambeau cutané peut aussi être un lambeau sensible grâce aux branchesterminales des nerfs cutanés latéral et médial de l’avant-bras (fig. 10).

Par ailleurs, ce lambeau présente une telle richesse vasculaire (le plus souventdeux ou trois artères de bon calibre) que cela permet de diviser la palettecutanée initiale en deux ou trois petits lambeaux, plus faciles à manœuvrer,et qui peuvent ainsi couvrir des pertes de substance sur des doigts différentsou à la paume (fig. 11).

Ce lambeau peut comporter plusieurs îlots tissulaires de différentesnatures : un îlot osseux situé sur le bord médial du tiers distal de l’ulna, etun ou plusieurs îlots tendineux pour la reconstruction du système fléchisseurdigital, ce qui en fait l’originalité (figs. 12-14). Les séquelles du site donneursont dissimulées sur le bord médial de l’avant-bras.

Lambeaux pédiculés sur l’axe ulnaire 69

Fig. 10 – Ce lambeau peut êtreresensibilisé grâce aux branches ter-minales des nerf cutanés latéral etmédial de l’avant-bras.

Fig. 11 – La surface du prélèvementcutané est relativement limitée(10 × 3 cm), utilisable comme dans lecas présent comme lambeau bifolié.

Fig. 12 – Le lambeau peut com-porter plusieurs îlots tissulaires dedifférentes natures : un îlot osseux,cutané et un ou plusieurs îlots ten-dineux.

L’inconvénient majeur de ce lambeau est le sacrifice d’un axe vasculairemajeur de la main. En théorie, la dissection du nerf ulnaire pourrait induiredes troubles neurologiques, mais aucun cas n’a jusqu’ici été rapporté dans lalittérature.

70 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

a

c

Fig. 13 – Homme de 53 ans, opéré à deuxreprises auparavant pour récidives de maladiede Dupuytren. Utilisation d’un lambeaucutané de 8 × 3 cm divisé en deux.b

Trucs et astuces

– Rechercher les branches cutanées les plus proximales possibles, lorsque lepédicule ulnaire émerge de la masse musculaire du fléchisseur ulnaire du carpe.

– Disséquer le pédicule jusqu’à la visualisation de la séparation entre sonrameau superficiel et son rameau profond, car on peut parfois se laisserabuser par des branches « pseudo-profondes » en amont, qui raccourcissentalors la longueur du pédicule.

– Si l’on souhaite diviser le lambeau en deux parties, pour deux doigtsou la paume et un doigt, il faut chercher une branche proximale et uneautre au tiers moyen.

– Ne pas se contenter d’une dissection du tiers distal de l’avant-bras,car vers le tiers moyen, on peut y trouver des branches cutanées de boncalibre.

– Ne pas disséquer le nerf ulnaire à sa face postérieure. Cela est inutileet potentiellement iatrogène.

– Suturer le lambeau avant le lâchage du garrot, sinon la tension tissu-laire est très gênante.

Lambeaux pédiculés sur l’axe ulnaire 71

a b

c

d

Fig. 14 – Patient opéré trois fois de suturedes fléchisseurs, ténolyse, rupture, greffe depalmaire long en deux temps. Puis ensuite untransfert en îlot vascularisé cutanéo-tendineuxen 1 temps opératoire a été effectué. Résultatfonctionnel.

e f

g

Indications

– Reconstructions de tout type de perte de substance cutanée, d’originetraumatique ou non, quel que soit le niveau, quel que soit le doigt et quelleque soit la surface, avec ou sans nerf pour la resensibilisation.

– Reconstruction des structures osseuses digitales, avec si nécessaire lesystème fléchisseur et la surface cutanée.

– Reconstruction des systèmes fléchisseurs et des poulies, avec ou sansreconstruction de la surface digitale en un temps opératoire.

Références

1. Guimberteau JC, Goin JL, Panconi B, Schumacher B (1988) The reverse ulnar artery forearmisland flap in hand surgery: about 54 cases. Plast Reconstr Surg 81: 925

2. Guimberteau JC, Panconi B (1990) Recalcitrant nonunion of the scaphoid treated with avascularized bone graft on the ulnar artery. J Bone Joint Surg Am 72: 88-97

3. Guimberteau JC, Panconi B, Boileau R (1993) Mesovascularized island flexor tendon: newconcepts and techniques for flexor tendon salvage surgery. Plast Reconstr Surg 92: 888-903

4. Guimberteau JC (2001) New ideas in hand flexor tendon surgery. Institut Aquitain de laMain (ed), chap. 2, p 16-44

72 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeau médial de l’avant-bras

W. Hu

La vascularisation du bord médial de l’avant-bras par le rameau dorsal de l’ar-tère ulnaire a été étudiée par C. Becker et A. Gilbert (1). Ils ont décrit en1988 un lambeau cutanéo-adipeux basé sur cette artère avec une vascularisa-tion antérograde (fig. 1). L’avantage de ce lambeau par rapport aux lambeauxde l’artère radiale et de l’artère ulnaire est sa simplicité technique de prélève-ment sans interruption d’un axe principal de la main. Le site donneur, situésur le bord médial de l’avant bras, est relativement facile à cacher. Son incon-vénient principal est la brièveté de son pédicule qui ne lui permet que d’at-teindre le poignet et les têtes des métacarpiens. Nous avons proposé en 1994une modification originale de ce lambeau sous forme d’îlot à flux rétrogradeaugmentant considérablement son arc de rotation (2).

b

a

c

Fig. 1a-c – Lambeau médial de l’avant-bras à pédicule antérograde. a) Schéma de la distribu-tion sous-cutanée du rameau dorsal de l’artère ulnaire. 1 : artère ulnaire ; 2 : rameau dorsal del’artère ulnaire ; 3 : pisiforme ; 4 : muscle fléchisseur ulnaire du carpe (FUC) ; 5 : branchesmusculaires ; 6 : passage du rameau dorsal de l’artère ulnaire sous le FUC ; 7 : rameau des-cendant vers le poignet (artère du lambeau de Weiguo Hu) ; 8 : rameau récurrent (artère dulambeau de Corinne Becker) ; b) Schéma du pédicule du lambeau médial à pédicule antéro-grade ; c) Schéma du lambeau médial à pédicule antérograde. (Figs a, b : Collection D. Le Nen.)

74 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Bases anatomiques

Le rameau dorsal de l’artère ulnaire naît 1 à 4 cm au-dessus de l’interligneradiocarpien. Après avoir contourné le bord médial de l’ulna en passant sousle muscle fléchisseur ulnaire du carpe (cubital antérieur), il atteint le tissu sous-cutané du bord médial de l’avant-bras en se divisant en deux branches cuta-nées :

– la branche ascendante se dirige vers l’épicondyle médial selon un trajetlongitudinal et donne de nombreuses collatérales pour vasculariser les deuxtiers distaux du bord médial de l’avant-bras, ce qui correspond à une surfacede 7 à 8 cm de large sur 15 à 18 cm de long ;

– la branche descendante se dirige vers la face dorsale du 5e métacarpienavec le rameau dorsal du nerf ulnaire. Son calibre, à la naissance, varie de0,6 à 1,1 mm de diamètre. Durant sa course, il irrigue le bord ulnaire dupoignet, le versant médial de la face dorsale de la main et le muscle abduc-teur du petit doigt. En amont de l’in-sertion du tendon de l’extenseurulnaire du carpe (cubital postérieur), ilenvoie un rameau transversal endedans qui passe sous ce tendon pours’anastomoser avec le rameau trans-verse du carpe de l’artère radiale.Quinze à vingt millimètres plus loin,en aval de l’insertion de l’extenseurulnaire du carpe, il envoie un autrerameau transversal en dehors pours’anastomoser avec l’artère métacar-pienne dorsale du 4e espace sous lestendons extenseurs (fig. 2).

En constatant que la branche descendante du rameau dorsal de l’artèreulnaire participe d’une manière constante au réseau anastomotique dorsal dupoignet, nous avons réalisé en 1994 notre premier cas clinique de lambeaumédial de l’avant-bras en îlot à flux rétrograde.

Technique de levée du lambeau à flux antérograde (fig. 3)

Le lambeau est dessiné sur le bord médial des deux tiers distaux de l’avant-bras ; sa limite antérieure est représentée par le tendon du long palmaire (petitpalmaire) et sa limite postérieure par l’extenseur (commun) des doigts. La lon-gueur du lambeau est calculée en fonction de la surface à couvrir et ne doitpas dépasser la jonction du tiers moyen et du tiers supérieur de l’avant-bras.On incise alors la peau et le tissu sous-cutané en emmenant éventuellementle fascia antébrachial. Le lambeau est ensuite levé de proximal en distal. Lerameau dorsal de l’artère ulnaire est identifié 2 à 4 cm au-dessus du pisiforme,en réclinant le corps charnu du fléchisseur ulnaire du carpe. Dans la tech-

Fig. 2 – Vue anatomique de la branche des-cendante du rameau dorsal de l’artère ulnaire.

Lambeau médial de l’avant-bras 75

ba

dc e

gf

Fig. 3a-g – Enfant de 9 ans prise en charge à distance d’un grave syndrome de Volkmannayant entraîné une déformation en flessum du poignet à plus de 90° (a). Après ténolyse, arthro-lyse et ostéotomies de l’ulna et du radius, la déformation du poignet a pu être corrigée, lais-sant une vaste perte de substance cutanée antérieure (b). La couverture cutanée est assurée parun lambeau médial de l’avant-bras péninsulaire à flux antérograde, et le site donneur recou-vert immédiatement par une greffe de peau mince dermo-épidermique (c-e). La correction semaintient avec six mois de recul (f-g). (Collection D. Le Nen.)

76 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

nique décrite initialement par C. Becker, le lambeau était levé en péninsu-laire en conservant une charnière cutanée distale qui occasionnait souvent uneplicature inesthétique. La proposition de G. Dautel de prélever ce lambeauen îlot vrai peut pallier cet inconvénient, mais ne permet pas de corriger labrièveté du pédicule qui limite son arc de rotation (3).

Technique de levée en forme d’îlot à flux rétrograde (fig. 4)

a b

Fig. 4a, b – Lambeau médial de l’avant-bras à pédicule rétrograde. a) Principe du pédicule dulambeau médial à pédicule rétrograde ; b) Schéma du lambeau médial à pédicule rétrograde.(Fig. a : Collection D. Le Nen.)

Le premier temps de levée est identique à celui du lambeau à flux antéro-grade. La dissection se poursuit en ligaturant le rameau dorsal de l’artèreulnaire en amont de sa bifurcation en deux branches cutanées. La branchedescendante du rameau dorsal de l’artère ulnaire est ensuite disséquée au large,en conservant une couche de tissu cellulo-adipeux. Il faut, à ce moment, veillerà ne pas léser le rameau dorsal du nerf ulnaire qui le croise à sa face profonde.Pour éviter une congestion veineuse, il est conseillé de conserver une veinesuperficielle dans le pédicule distal. La dissection doit s’arrêter 1 cm en avaldu pli de flexion du poignet pour éviter de léser de fins rameaux artériels etveineux qui rejoignent le réseau anastomotique dorsal du poignet en amontet en aval de l’insertion du tendon de l’extenseur ulnaire du carpe.

Le lambeau est ensuite tourné distalement avec une vascularisation à fluxrétrograde permettant d’atteindre la partie la plus distale de la face dorsale oupalmaire de la main et la phalange moyenne des doigts longs. Le site donneurest fermé soit par suture directe si sa largeur ne dépasse pas 3 à 4 cm, sinonune greffe dermo-épidermique est utilisée (fig. 3).

Avantages et inconvénients

Le lambeau médial de l’avant-bras, comme les lambeaux interosseux, a l’avan-tage de ne sacrifier aucun axe vasculaire principal de l’avant-bras. La tech-nique de dissection est relativement simple. La peau est fine et peu pileuse.Les séquelles esthétiques du site donneur à la face médiale de l’avant-bras sontrelativement faciles à cacher. Sous forme d’îlot à flux rétrograde, ce lambeauprésente un arc de rotation important lui permettant d’atteindre la phalangemoyenne des doigts longs.

Lambeau médial de l’avant-bras 77

Fig. 5a-h – Homme de 43 ans présentant, suite à un traumatisme balistique, une perte desubstance osseuse de 3 cm des 2e et 3e métacarpiens, une destruction des tendons extenseursde l’index et du majeur, et une vaste perte de substance cutanée de la face dorsale de la maindroite (a, b). Après un parage complet de la plaie, une greffe corticospongieuse a été prélevéeaux dépens de la crête iliaque pour combler « en monobloc » la perte de substance osseuse des2e et 3e métacarpiens. La reconstruction des tendons extenseurs est effectuée dans le mêmetemps opératoire par une greffe tendineuse en utilisant le tendon de l’extenseur propre del’index. La couverture cutanée est assurée par un lambeau médial de l’avant-bras en îlot à fluxrétrograde, et le site donneur recouvert immédiatement par une greffe dermo-épidermique (c-f).L’évolution postopératoire a été favorable avec une récupération fonctionnelle satisfaisante (g,h). Le patient a repris son travail de manutentionnaire trois mois après le traumatisme.

ba

dc

fe

hg

L’inconvénient principal de ce lambeau par rapport aux autres lambeauxde l’avant-bras est la brièveté du pédicule, même sous forme d’îlot à flux rétro-grade. Pour atteindre les doigts, il est nécessaire de prélever un long lambeaupour compenser cette brièveté.

Indications

Les meilleures indications du lambeau médial de l’avant-bras sont les pertesde substance cutanée dorsale ou palmaire du versant ulnaire de la main et desdoigts ulnaires (fig. 5).

Références

1. Becker C, Gilbert A (1988) Le lambeau cubital. Ann Chir Main 2: 1362. Hu W, Le Nen D, Dubrana F et al. (1998) Le réseau anastomotique dorsal du poignet,

conception nouvelle de la base anatomique commune de trois lambeaux en îlot à flux rétro-grade de l’avant-bras. Ann Orthop Ouest 30: 105-16

3. Merle M, Dautel G (1992) Lambeau antibrachial de l’artère cubitale. In: La main trau-matique, Tome 1 : L’urgence. Masson, Paris, pp. 148-54

78 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeau interosseux antérieuren îlot à flux rétrograde

W. Hu

Décrit par nous-même en 1991, il s’agit d’un lambeau fasciocutané ou com-posite (avec peau, os, tendon, nerf ) en îlot à flux rétrograde, prélevé sur labranche perforante proximale de l’artère interosseuse antérieure (IOA).

Bases anatomiques

L’artère IOA participe à la vascularisation dorsale du poignet par ses deux branchesperforantes proximale et distale. Selon le mode de perforation de la membraneinterosseuse, on distingue deux types de variation : le type I et le type II.

Type I (fig. 1)

Les deux branches perforantes perforent la membrane interosseuse à deuxniveaux différents. Cette variation est observée dans près de deux tiers des cas.

La branche perforante proximale perfore la membrane interosseuse 8 à 12 cmau-dessus de l’interligne radiocarpien. Son calibre au niveau de sa naissancevarie de 0,9 à 1,5 mm de diamètre. Accompagnée de deux veines satellites,elle chemine dans l’espace entre le long extenseur du pouce et le court exten-seur du pouce, prenant contact avec le tiers distal du radius pour atteindre laface dorsale de l’épiphyse radiale et le versant latéral du poignet. Durant sacourse, elle envoie cinq à sept rameaux septocutanés qui vascularisent la peau

a b

Fig. 1a, b – Vascularisation du lambeau IOA de type I. a) Schéma de la vascularisation ; 1, artèreIOA ; 2, branche perforante proximale ; 3, branche perforante distale ; 4, branche terminaleantérieure de l’artère IOA ; 5, artère IOP ; b) Schéma du lambeau.

80 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

des deux tiers distaux de la face dorsale de l’avant-bras, et trois à cinq rameauxmétaphysaires et épiphysaires qui vascularisent la face postérieure du tiers distaldu radius et, enfin, plusieurs rameaux musculaires destinés aux extenseurs dupouce et des doigts longs. Cette cartographie constitue la base anatomique dulambeau interosseux antérieur que nous avons largement décrit.

La branche perforante distale perfore la membrane interosseuse 4 à 5 cmau-dessus de l’interligne radiocarpien. Son calibre à son origine varie de 0,9 à1,6 mm de diamètre. Accompagnée de deux veines satellites, elle chemine versla face postérieure du poignet entre la membrane interosseuse et les extenseursdes doigts longs. Durant sa course, elle envoie également des rameaux auxextenseurs du pouce et des doigts longs, à la face dorsale de l’épiphyse radialeainsi qu’au plan cutané du tiers distal de la face dorsale de l’avant-bras. Maisces rameaux sont beaucoup moins importants en nombre et en calibre queceux issus de la branche perforante proximale. Deux à trois centimètres au-dessus de l’articulation radio-ulnaire distale, cette branche perforante distaledonne un rameau se dirigeant en bas et en dedans pour s’anastomoser avecl’artère interosseuse postérieure (IOP) dans 97 % des cas de notre série. Elleémet ensuite, un centimètre plus loin, un autre rameau parallèle au derniervers la face postérieure de la tête ulnaire pour former le cercle artériolaire dela tête ulnaire en s’anastomosant avec les rameaux terminaux de l’artère IOP.Elle poursuit ensuite son trajet en se divisant en trois rameaux terminaux. Leplus latéral est destiné à la face dorsale de l’épiphyse radiale où il s’anastomoseavec des rameaux issus de la branche perforante proximale. Les deux rameauxmédiaux passent sous les extenseurs des doigts longs pour atteindre la facedorsale du poignet, où ils s’anastomosent avec la branche transverse dorsale ducarpe de l’artère radiale et les rameaux transverses dorsaux du rameau dorsalde l’artère ulnaire.

Type II (fig. 2)

Les deux branches perforantes traversent la membrane interosseuse par untronc commun qui se situe en moyenne 7 cm au-dessus de l’interligne radio-carpien, avec des extrêmes allant de 5 à 10 cm. Cette variation est observéedans près du tiers des cas. Le mode de participation de ces perforantes à lavascularisation dorsale du poignet est très proche de celle du type I.Quelle que soit la variation anatomique, la branche perforante distale parti-cipe toujours à la vascularisation dorsale du poignet par ses deux rameaux ter-minaux internes.

Fig. 2 – Vascularisation dulambeau IOA de type II. 1, ArtèreIOA ; 2, branche perforanteproximale ; 3, branche perforantedistale ; 4, branche terminaleantérieure de l’IOA ; 5, artèreIOP.

Lambeau interosseux antérieur en îlot à flux rétrograde 81

Techniques de levée

L’incision doit être commencée au bord ulnaire du lambeau en incluant lefascia en profondeur. La dissection progresse sous le fascia, de dedans en-dehors, jusqu’au muscle long extenseur du pouce. En réclinant ce muscle endedans, on visualise l’émergence des branches perforantes de l’artère inter-osseuse antérieure. Le dessin du lambeau s’adapte selon le type anatomiquede la branche perforante proximale.

Type I

Dans le type I, pour obtenir un long pédicule, il est préférable de dessiner lelambeau le plus distal possible, sans dépasser le pli d’extension du poignet.On isole soigneusement cette branche perforante proximale au niveau de sonémergence. On ouvre ensuite la membrane interosseuse en aval, ce qui permetd’isoler le tronc de l’artère IOA et ses deux veines jusqu’au niveau de l’émer-gence de la branche perforante distale, tout en protégeant le nerf IOA.L’incision du bord radial est ensuite réalisée et le lambeau est levé de dehorsen dedans en ménageant le rameau superficiel du nerf radial. L’artère IOA estensuite ligaturée en amont de sa branche perforante proximale et en aval desa branche perforante distale. La dissection distale du pédicule est poursuiviesur la branche perforante distale, si cela est nécessaire. Les anastomoses entrel’artère IOP et la branche perforantedistale de l’artère IOA ne sont pasindispensables pour assurer la vascula-risation du lambeau à flux rétrograde.Le point de pivot théorique le plusdistal du lambeau se situe au niveaude la tête du capitatum, mais il estconseillé d’arrêter la dissection dupédicule au niveau de l’articulationradiocarpienne. Ce lambeau ainsiprélevé peut atteindre la phalangemoyenne des doigts longs avec unevascularisation en îlot à flux rétrograde(fig. 3).

Type II

Lorsqu’il s’agit d’un type II, il est conseillé de dessiner le lambeau au niveaudu tiers moyen de l’avant-bras, afin d’obtenir un maximum de longueur dupédicule. Les rameaux cutanés ascendants doivent être clairement identifiéset conservés solidement avec le lambeau. Le tronc de l’artère IOA est ligaturéproximalement et la dissection du pédicule se poursuit distalement, sans néces-sairement ouvrir la membrane interosseuse. Dans ce type de variation, il nefaut pas confondre la branche perforante proximale, qui se situe dans l’espace

Fig. 3 – Prélèvement du lambeau interosseuxantérieur en îlot à flux rétrograde.

entre le court extenseur du pouce et le long extenseur du pouce, et quichemine à la face postérieure du tiers distal du radius, et la branche perfo-rante distale, qui se situe profondément entre la membrane interosseuse et lestendons extenseurs.

Variantes

Il est possible de prélever les deux lambeaux interosseux (antérieur et posté-rieur) à flux rétrograde dans le même temps opératoire, pour couvrir deuxpertes de substance cutanée au niveau de la main, par exemple, la face dorsaleet la paume (4) (fig. 4).

82 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

a b

Fig. 4a, b – Double lambeau interosseux. a) Prélèvement simultané des deux lambeaux inter-osseux ; b) Transfert des lambeaux combinés des deux artères interosseuses en îlot à flux rétro-grade.

Avantages et inconvénients

Le lambeau IOA, comme le lambeau IOP, a le grand avantage de ne sacrifieraucun axe vasculaire principal de l’avant-bras. Il peut être prélevé composite(avec peau, os, tendon, nerf ).

L’inconvénient principal de ce lambeau est la difficulté technique pour lesdébutants. Sa dissection est exigeante et doit être réalisée en s’aidant de moyensoptiques grossissants.

Trucs et astuces

– Opérer sous garrot, mais sans exsanguination du membre, afin de faci-liter le repérage du pédicule et ses branches perforantes cutanées.

– Inciser le bord ulnaire en premier pour identifier facilement le longextenseur du pouce.

– Utiliser la pince bipolaire pour l’hémostase et pour « disséquer » lepédicule distal en laissant une couche de tissu cellulograisseux.

– Immobiliser le poignet en extension stricte en postopératoire, ycompris pendant le pansement.

Indications

Les indications du lambeau IOA sont larges en couverture cutanée de la main,grâce à une vascularisation relativement fiable, un territoire cutané important,un pédicule long. C’est le lambeau idéal pour des pertes de substance com-posites (peau, os, tendon…) du dos de la main, du pouce, de la phalangeproximale des doigts longs (fig. 5).

Lambeau interosseux antérieur en îlot à flux rétrograde 83

Fig. 5a-g – Homme de 45 ans, victime d’un accident par scie circulaire. a) Il présente unelarge perte de substance osseuse et cutanée du pouce gauche. Cette perte de substance s’étenddu tiers moyen du premier métacarpien jusqu’à la moitié de la phalange moyenne ; b-e) Unlambeau IOA ostéocutané est prélevé en îlot à flux rétrograde (type I), ce qui permet de traiterles pertes de substance osseuse et cutanée du pouce en un seul temps. Le site donneur dulambeau est fermé de première intention ; f) La consolidation osseuse est obtenue trois moisaprès l’intervention ; g) La fonction finale du pouce gauche est satisfaisante, malgré l’absencedes articulations métacarpophalangienne et interphalangienne.

ba

dc

fe

hg

Références

1. Hu W, Martin D, Foucher G, Baudet J (1994) Le lambeau interosseux antérieur. Ann ChirPlast Esthét 39: 290-300

2. Hu W, Martin D, Baudet J (1994) Thumb reconstruction by the anterior inter-osseousosteocutaneous island flap. Eur J Plast Surg 17: 10-6

3. Hu W, Martin D, Baudet J (1993) Reconstruction de la colonne du pouce par lambeauxostéocutanés de l’avant-bras. Ann Chir Plast Esthét 38: 381-91

4. Hu W, Le Nen D, Dubrana F et al. (1998) Le réseau anastomotique dorsal du poignet,conception nouvelle de la base anatomique commune de trois lambeaux en îlot à flux rétro-grade de l’avant-bras. Ann Orthop Ouest 30: 105-16

84 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeaux de pronator quadratus

D. Le Nen

Le muscle carré pronateur (pronator quadratus PQ) est levé dans sa forme habi-tuelle avec un pédicule proximal (1). Il est peu utilisé, mais garde quelquesindications dans la couverture des pertes de substance cutanée modérées del’avant-bras, du poignet, voire de la paume.

Bases anatomiques (1, 2)

Le muscle, épais et profond, est plaqué entre radius et ulna sur lesquels il s'in-sère. Il mesure 48 à 50 mm en hauteur et 30 à 40 mm en largeur. Le pédi-cule principal du muscle est l’axe vasculonerveux interosseux antérieur (artère= 2,1 mm de diamètre), dont la longueur varie de 70 à 80 mm après éven-tuellement dissection intraneurale des nerfs du muscle long fléchisseur dupouce. L’artère interosseuse antérieure (IOA), accompagnée de deux veinessatellites et du nerf, passe profondément par rapport au muscle et lui aban-donne quelques branches. Elle donne plusieurs rameaux perforant la mem-brane interosseuse (MIO) pour le plan profond des extenseurs, avantd’aborder le muscle PQ, puis un dernier rameau perforant à hauteur variablederrière le muscle, qui s’anastomose dans la loge postérieure avec l’artère inter-osseuse postérieure (IOP) et se termine par plusieurs branches dans l’arcadedorsale du carpe (fig. 1). Avec l’artère radiale, l’artère IOA prend part à l’ar-cade transverse du carpe au bord distal du muscle, et se termine par de finesbranches dans l’arcade transverse antérieure du carpe.

Technique de levée de la forme typique

Le muscle et le pédicule sont abordés par voie antérieure à partir du pli deflexion du poignet, en reprenant si besoin un abord existant, et remontantsur 12 à 15 cm. En passant entre fléchisseur radial du carpe et long palmaire,puis dans l’interstice entre long fléchisseur du pouce et fléchisseur profonddes doigts, on découvre le muscle.

Dans la forme à pédicule proximal, le muscle est levé avec son pédicule dedistal en proximal, après avoir procédé à la ligature de l’anastomose avec l’ar-cade transverse antérieure du carpe, et en liant les perforantes selon les besoins.Son arc de rotation autorise la couverture de n’importe quelle partie de la face

86 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

antérieure l’avant-bras (en cas de libération haute), les faces latérale et médialedu poignet, jusqu’au pli de flexion proximal du poignet (mais pas au-delà),même en flexion du poignet.

En fin d’intervention, la suture du muscle, par des points séparés de fil àrésorption lente au derme du site receveur, permet de couvrir la perte de sub-stance. Le muscle est greffé en peau mince expansée ou non, dans le mêmetemps ou à distance.

Variantes

Le nerf interosseux peut être laissé en place, ce qui entretient la trophicité dumuscle et évite un risque inutile de lésion du pédicule vasculaire. Mais rienn’empêche de le sacrifier.

L’insertion du muscle en zone spongieuse sur le radius et l’existence derameaux musculopériostés issus de l’artère IOA permettent de lever le lambeauavec une baguette osseuse antérieure.

Il est possible d’augmenter l’arc de rotation distal en levant le lambeau avecun pédicule rétrograde. Le lambeau peut être levé de plusieurs manières :

– soit sur le réseau de l’arcade dorsale du carpe, par l’intermédiaire de l’ana-stomose entre le rameau perforant de l’artère IOA et l’artère IOP à travers lamembrane interosseuse (fig. 2). Après ligature du tronc de l’artère IOA aubord proximal du muscle, le lambeau peut être retourné et le pédicule libéré

a b

Fig. 1a, b – Vueanatomique dupédicule IOA etdu muscle PQ.a) Vue globale ;b) Vue agrandie.Notez plusieursrameaux perfo-rants la MIO(RP).

Lambeau de pronator quadratus 87

au plus bas après ouverture de la MIO (le gain distal sera d’autant plus impor-tant que le rameau perforant naît plus haut) pour atteindre la base des méta-carpiens (3). Mais le lambeau peut aussi être passé à travers la MIO vers laface dorsale de l’avant-bras et de la main, pour couvrir une perte de substancedorsale du poignet (2) ;

– soit sur les anastomoses avec l’arcade transverse antérieure du carpe. Lelambeau peut atteindre le canal carpien, le carpe, la base des métacarpiens,mais n’atteint pas les commissures, ni la portion distale de la paume de lamain (fig. 3).

L’indication en transfert libre reste exceptionnelle (4).

Avantages et inconvénients

L’absence du muscle ne laisse aucune séquelle sur la pronation. Sa levée estmoins facile qu’il peut y paraître, car il est profond.

a b

Fig. 2a, b – Schémas d’une vue palmaire de l’avant-bras et de la main avec levée d’un lambeaude PQ [modifiés d’après (3)]. a) Un lambeau musculaire avec un segment osseux est prélevé,à pédicule distal, après avoir ligaturé le pédicule IOA en amont du muscle PQ ; b) Pour aug-menter l’arc de rotation distal, la MIO est ouverte, le lambeau est levé sur la dernière perfo-rante dorsale.

88 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

e

Fig. 3a-g – Patient de 40 ans, traité pour séquelles de plaie du nerf ulnaire au poignet, aveccicatrice fibreuse et instable, et névromes récurrents. Couverture par un lambeau de PQ à pédi-cule distal sur les anastomoses palmaires (a-c). Après libération maximale, le lambeau atteintle bord distal du retinaculum des fléchisseurs (d, e). Résultat avec deux ans de recul (f, g).

a b

c d

f g

Indications

– Pertes de substance cutanée de 4 × 5 cm.– Couverture ou enveloppement du nerf médian après fibrose périneurale,

neurolyse itérative ou greffe nerveuse (5).– Protection de sutures tendineuses et/ou nerveuses au poignet sur cica-

trices instables.

Références

1. Dellon AL, McKinnon SE (1984) The pronator quadratus muscle flap. J Hand Surg (Am)9: 423-7

2. Fontaine C, Millot F, Blancke D, Mestdagh H (1992) Anatomic basis of pronator qua-dratus flap. Surg Radiol Anat 14: 295-9

3. Rath S, Hung LK, Leung PC (1990) Vascular anatomy of the pronator quadratus muscle-bone flap: a justification for its use with a distally based blood supply. J Hand Surg (Am)15: 630-6

4. Dautel G, Merle M (1993) Pronator quadratus free muscle flap for treatment of palmardefects. J Hand Surg (Br) 18: 576-8

5. Voche P, Merle M (1997) The use of pedicular flap from the squared pronator muscle inthe prevention and treatment of neuritis. Report of 8 cases. Ann Chir Plast Esthet 42: 587-92

Lambeau de pronator quadratus 89

Trucs et astuces

– L’abord du muscle et de sa face profonde est plus aisé en commen-çant par le bord radial.

– Le muscle est facilement repéré en profondeur par ses fibres à direc-tion transversale.

– Pour faciliter l’hémostase des branches perforantes, la MIO peut êtreincisée.

– Le muscle étant épais et le pédicule profond, une éventuelle reprisepour excédent musculaire peut être proposée en toute sécurité.

– Afin d’augmenter l’arc de rotation d’un lambeau à pédicule distal surl’arcade transverse antérieure du carpe, on peut positionner le poignet enlégère flexion palmaire.

Autoplasties locales de la face dorsale de la main

C. Dos Remedios, G. Prodhomme

Les autoplasties locales sont l’équivalent de lambeaux péninsulaires, cutanéspurs en général, adjacents à une perte de substance cutanée, fréquemmentutilisés en chirurgie reconstructrice. Les autoplasties locales apportent unequalité tissulaire identique à celle des défects cutanés à couvrir. Leur réalisa-tion est limitée à la main par le faible capital cutané disponible. La face dorsalede la main est le site privilégié des autoplasties locales, car il n’existe pas detractus fibreux sous-cutanés cloisonnant la région comme c’est le cas à lapaume. Les prélèvements cutanés ne doivent pas altérer la fonction globalede la main. Ainsi, les espaces commissuraux, le bord ulnaire de la main et letalon de la paume de la main sont des sites donneurs à proscrire.

Techniques des autoplasties locales

Autoplasties de transposition (figs 1, 2)

Elles sont utiles en cas de perte de substance de forme allongée. Le lambeauest dessiné perpendiculairement et à la base de la perte de substance cutanée.

Fig. 1a, b – Schémas d’un lambeau de transposition. a) Dessin du lambeau ; b) Résultat aprèstransposition sur le site receveur.

a b

92 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Le plan de décollement se fait jusqu’en surface du péritendon des extenseursdes doigts longs et du pouce. Le site donneur est recouvert par une greffecutanée ou laissé en cicatrisation dirigée s’il est de petite taille.

Autoplasties de rotation (fig. 3)

Les dimensions du tracé quadrangulaire à angles arrondis doivent respecter lerapport largeur/longueur égal à 1,5. De même ici, le décollement doit respecterle péritendon, la perte de substance laissée est en cicatrisation dirigée ou greffée.

Autoplastie d’avancement : lambeaux VY ou YV

En transformant une incision en V en une incision en Y, la suture distale dela pointe du lambeau en V permet un allongement cutané, alors qu’un rap-prochement cutané est possible lorsque la pointe du lambeau en Y est trans-formée en V.

a b

c d

Fig. 2a-d – Cas clinique d’un lambeau de transposition pour la couverture de la première com-missure ; a) Schéma des lambeaux possibles ; b) Bride cicatricielle ; c) Lambeau en place ; d)Résultat à distance avec l’aspect à trois semaines de la greffe de peau mise en place sur le sitedonneur. (Collection D. Le Nen.)

Autoplasties locales de la face dorsale de la main 93

Autoplastie d’échange : plasties en Z et LLL (figs 4, 5)

Les plasties en Z ont un intérêt particulier en cas de cicatrice rétractile dorsaleou en cas de rétraction modérée au niveau des espaces commissuraux. Lelambeau en LLL décrit par Dufourmentel associe deux lambeaux de rotationpermettant un échange cutané. Il est utilisé en cas de perte de substancecutanée de forme losangique ou rendue losangique. La réalisation de cetteautoplastie nécessite un tracé préopératoire précis. À partir du losange ABCD,le lambeau est tracé par deux lignes droites DE et EF dont la longueur estidentique et égale au côté du losange. On repère ainsi le prolongement des

a b

Fig. 3a, b – Schémas d’un lambeau de rotation. a) Dessin du lambeau ; b) Résultat après rota-tion sur le site receveur.

a b

Fig. 4a, b – Schémas d’un lambeau de type LLL. a) Dessin du lambeau ; b) Résultat aprèsmise en place de la plastie sur le site receveur.

droites CD et BD et on trace, sur la bissectrice de l’angle qu’elles forment auniveau du point D, le segment DE. On trace enfin le segment EF qui estparallèle à l’axe du losange AC.

94 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

a

b

c

d

e

Fig. 5a-e – a) Perte de substance « rendue losangique » au dos de la main et proche du 3e

espace commissural. b, c) Couverture par un lambeau de type LLL. d, e) Résultat à 7 ans.(Collection D. Le Nen.)

Autoplasties locales de la face dorsale de la main 95

Indications

Les autoplasties locales peuvent être proposées pour couvrir des petites pertesde substance cutanée isolées de la face dorsale de la main et des espaces com-missuraux.

Avantages

Ils sont nombreux : geste technique simple et rapide, faible morbidité, texturecutanée identique entre les sites donneur et receveur, glissements en rotationet en translation autorisant des échanges cutanés, et fiabilité de ces lambeaux« au hasard », sans dissection pédiculaire.

Inconvénients

Ils nécessitent une souplesse cutanée normale. En présence de troubles trophiqueslocaux perturbant la vascularisation dermique et sous-dermique (cicatrices, adhé-rences, œdème, contusion, fragilité cutanée), ils ne peuvent être proposés.

Ce qu’il faut retenir de ces lambeaux

– Impératif = souplesse cutanée.– Ils créent une perte de substance cutanée secondaire, sauf le LLL.– Nécessité d’un décollement large des lambeaux.– Respect des éléments nerveux et veineux, si possible.– Le sens du flux importe peu (lambeaux « au hasard »).– Pas de pédicule vasculaire individualisable.– Indications : petites pertes de substance cutanée.

Trucs et astuces

– La souplesse et l’élasticité de la peau dorsale sont des critères essentielsavant d’envisager une autoplastie locale. Le pincement de la peau dorsaleou une peau dorsale qui autorise la fermeture complète des doigts signentune réserve cutanée suffisante pour la réalisation de ces autoplasties.

– La réalisation d’un décollement sous-cutané des lambeaux soulevés estindispensable pour éviter les sutures cutanées en tension, pour respecterl’excédent cutané dorsal, enfin pour permettre une rotation correcte, sansrisque de souffrance veineuse en particulier.

– La réalisation d’un «back-cut » à la base du lambeau permet d’augmenterl’arc de rotation et l’avancement du lambeau. Mais le « back-cut » doit êtremodéré, car il réduit la largeur du pédicule et donc la fiabilité du lambeau.

– Les plasties en YV ou en VY sont très utiles dans la chirurgie de lamaladie de Dupuytren, en transformant les incisions en V de Bruner enincisions transversales en Y.

Références

1. Legré R (2004) Les « petits lambeaux » en chirurgie de la main. Chir Main 23: 119-302. Le Nen D (1998). Traitement des pertes de substance cutanée de la main. Conférences d’en-

seignement de la SOFCOT n° 66, Expansion Scientifique Française, Paris, 123-353. Merle M, Dautel G (1997). La main traumatique. L’urgence. Petites pertes de substance de

la main (2e éd ), 63-1654. Ebelin M, Auclair E, Leviet D (1991) Couvertures de la main et des doigts. Éditions

Techniques – Encycl. Méd. Chir. (Paris, France), Techniques chirurgicales – Chirurgie plas-tique, 45700, 20 p

5. Dufourmentel C (1962) La fermeture des pertes de substance cutanée limitée. « Le lambeaude rotation en L pour losange » dit « LLL ». Ann Chir Plast 7: 61-6

6. Servant JM (1994) Les lambeaux cutanés. Chirurgie Plastique Reconstructive et Esthétique.Flammarion Médecine Sciences, Paris, p. 29-52

96 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeaux pédiculés du dos de la main

J. Bakhach

Les travaux anatomiques récents ont puisé dans la face dorsale de la main uneréserve de lambeaux précieux pour la reconstruction des pertes de substancedes doigts. La présence d’une laxité cutanée naturelle, d’une peau fine et soupleet d’une coloration identique à celle de la peau digitale dorsale font d’elle lesite donneur idéal.

Organisation vasculaire de la face dorsale de la main

Pour approcher ces différents lambeaux, il est fondamental de comprendrel’architecture vasculaire de la face dorsale de la main et ses connexions avecle réseau vasculaire digital dorsal d’une part, et palmaire d’autre part. Ces com-munications avec le réseau palmaire représentent le substratum anatomiquedes différents lambeaux dorsaux de la main à îlot rétrograde (fig. 1).

Fig. 1 – Le réseau artériel de laface dorsale de la main et desdoigts avec en 1 les communi-cantes nourricières du lambeaumétacarpien dorsal, en 2 celles dulambeau digitométacarpien dorsalrétrograde et en 3 celles dulambeau dorsocommissural.

L’artère métacarpienne dorsale naît de l’arcade dorsale du carpe, court aucontact du fascia interosseux dorsal et passe sous les jonctions intertendineusesen direction de la commissure. Elle envoie tout le long de son trajet de mul-tiples branches qui traversent l’espace intertendineux extenseur et se jettentdans le réseau sous-cutané dorsal de la main. Elle envoie aussi des branchespour le muscle interosseux dorsal, les diaphyses métacarpiennes qui bordentl’espace et les tendons extenseurs correspondants.

Au niveau du col métacarpien, l’artère métacarpienne dorsale contracte uneanastomose constante avec l’artère digitale palmaire commune. C’est l’artèredu lambeau métacarpien dorsal rétrograde.

Elle se divise ensuite en deux branches terminales pour les faces dorso-latérales des doigts qui bordent la commissure. Chaque branche se jette dansle réseau digital dorsal qui s’organise selon une orientation préférentielle lon-

98 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

gitudinale en position latérale. Ce réseau artériel hypodermique s’anastomosed’une part, avec son homologue controlatéral et d’autre part, avec les branchesdorsales de l’artère digitale palmaire propre (collatérale). Ces dernières sesituent :

– en regard du milieu de la phalange proximale. C’est l’artère du lambeaudigitométacarpien rétrograde ;

– en regard du col phalangien formant le réseau artériel péri-articulaire.C’est l’artère du lambeau dorsocommissural.

Lambeau métacarpien dorsal rétrograde

Bases anatomiques

Axée sur le trajet des artères métacarpiennes dorsales, la palette cutanée estcentrée sur l’espace intermétacarpien (1, 2). Le point pivot se place au niveaudu col métacarpien, lieu d’anastomose du réseau métacarpien dorsal et de l’ar-tère digitale palmaire commune.

Les artères métacarpiennes dorsales obéissent à des variations anatomiques ;celles des deux premiers espaces sont constantes, alors qu’elles ne sont retrou-vées que dans 70 % des cas dans le troisième espace et dans seulement 30 %des cas dans le quatrième espace. Si l’artère est absente, elle est remplacée parun réseau artériolaire suprafascial, d’où l’intérêt d’inclure systématiquementle fascia interosseux dorsal dans le prélèvement.

Technique opératoire

Le dessin du lambeau est centré sur l’espace intermétacarpien sans dépasserla ligne carpienne en proximal. La largeur du lambeau doit être adaptée à laperte de substance sans dépasser 2,5 cm, avec un point pivot situé entre lestêtes métacarpiennes. Le prélèvement du lambeau commence par l’expositiondu pédicule en levant la peau qui le recouvre dans le plan dermique. Tout leréseau veineux sous-cutané est respecté. La palette cutanée est ensuite inciséeet le lambeau levé de proximal en distal. La dissection débute dans le plandu paratendon jusqu’à visualisation du sinus intertendineux. Les tendonsextenseurs sont donc écartés et l’artère métacarpienne dorsale repérée. Elle estligaturée et levée avec le fascia en rasant les muscles interosseux dorsaux. Ladissection se poursuit en distal jusqu’aux jonctions intertendineuses, sectionnéà son tour puis levé en masse avec le lambeau. La dissection du pédicule estensuite complétée en disséquant en masse tout le tissu cellulograisseux quil’entoure jusqu’au point pivot situé entre les têtes métacarpiennes.

Les variantes techniques sont nombreuses. Elle peuvent inclure une unitétendineuse pour la reconstruction du système extenseur digital (extenseurpropre de l’index ou de l’auriculaire) et/ou une unité osseuse (tiers de la dia-physe métacarpienne) (fig. 2). La pointe proximale de la palette cutanée peutatteindre l’articulation radiocarpienne, augmentant ainsi l’arc de compétence.

Lambeaux pédiculés du dos de la main 99

Une forme particulière, rapportée par Quaba (3), consiste à lever la palettecutanée dans le plan supratendineux sans inclure l’artère métacarpiennedorsale. Elle respecte ainsi le fascia interosseux dorsal et les jonctions inter-tendineuses (cf. fig. 4 p. 28).

Avantages et inconvénients

Une immobilisation postopératoire en extension des articulations métacarpo-phalangiennes est nécessaire pour éviter les tractions sur le pédicule vascu-laire. Néanmoins, elle peut générer des raideurs articulaires. La forme axialeest plus sûre sur le plan vasculaire que la forme à pédicule hypodermique,mais avec des risques supérieurs d’adhérences tendineuses. Ce lambeau pré-sente une fiabilité constante, mais son arc de compétence ne dépasse pas lesarticulations interphalangiennes proximales.

e

Fig. 2 a-e – Lambeau métacarpien dorsalcomposite tendinocutané. a) Perte de sub-stance cutanée dorsale et de tout l’appareilextenseur de la phalange proximale de l’indexdroit ; b) Un lambeau métacarpien dorsalcomposite cutanéotendineux incluant l’ex-tenseur propre de l’index est levé ; c) Lelambeau en place reconstruisant la couverturecutanée et l’appareil extenseur ; d) Résultat àsix mois avec récupération d’un triple enrou-lement ; e) Et d’une extension interphalan-gienne proximale complète.

a b

c d

Lambeau digitométacarpien dorsal rétrograde

Bases anatomiques

Décrit par Bakhach en 1999 (4), ce lambeau est basé sur les anastomoses entrela branche de division terminale de l’artère métacarpienne dorsale et la branchedorsale de l’artère digitale palmaire propre (collatérale) en regard du milieude la phalange proximale.

Technique opératoire

Le lambeau est centré sur l’espace intermétacarpien et le pédicule correspondà l’ensemble de la bande hypodermique de la commissure et de la face dorso-latérale de la base de la phalange proximale. La largeur du pédicule est aumoins d’un centimètre incluant tout le réseau artériolaire et les veines de drai-nage. La palette cutanée est placée entre la ligne carpométacarpienne enproximal et les têtes métacarpiennes en distal. Le point pivot est placé sur laligne dorsolatérale au milieu de la phalange proximale.

Après exposition du pédicule vasculaire, la palette est incisée et levée deproximal en distal dans le plan du péritendon extenseur. Au-delà des jonc-tions intertendineuses, la dissection plonge entre les deux cols métacarpienset repère l’extrémité distale de l’artère métacarpienne dorsale. Cette dernièreest ligaturée et levée avec toute l’ambiance cellulograisseuse. Ensuite, l’ana-stomose entre l’artère digitale palmaire commune et la branche terminale pourle doigt sain est ligaturée. La dissection se poursuit sur la face dorsolatéraledu doigt traumatisé, levant le pédicule jusqu’au milieu de la première pha-lange. Une bande de pédicule d’un centimètre de largeur au moins est levée,entre la ligne médiane dorsale et le ligament de Cleeland.

Ce lambeau est généralement levé sous forme cutanée pure, mais peutinclure une unité tendineuse :

– l’extenseur propre de l’index avec le lambeau du deuxième espace pourreconstruire le système extenseur de l’index ou du majeur ;

– ou l’extenseur propre de l’auriculaire avec le lambeau du quatrièmeespace pour reconstruire le système extenseur de l’annulaire ou de l’auri-culaire.

Avantages et inconvénients

Le territoire de compétence de ce lambeau est très large. Il permet de couvrirtoutes les pertes de substance importantes des faces dorsales des deux dernièresphalanges des doigts longs. L’avantage principal de ce lambeau est de ne pasnécessiter une immobilisation des articulations métacarpophalangiennes avecpossibilité de rééducation précoce (fig. 3).

100 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeaux pédiculés du dos de la main 101

Fig. 3 a-h – Lambeau digitométacarpien dorsal rétrograde. a) Délabrement de la main gauchepar coup de fusil avec amputation de l’index et perte de substance latérale radiale des deux der-nières phalanges du majeur ; b) Un lambeau digitométacarpien dorsal de la deuxième commis-sure de 5 × 2 cm est levé. La palette cutanée est disséquée dans le plan sustendineux ; c) Au-delàde la jonction intertendineuse, la dissection plonge dans l’espace commissural, levant l’extrémitédistale de l’artère métacarpienne dorsale ; d) Le lambeau est repositionné sur le site donneur etle garrot lâché ; e) La palette cutanée est étalée sur la perte de substance avec des points de suturelâches sans aucune striction vasculaire ; f) Aucune immobilisation métacarpophalangienne n’estnécessaire et la rééducation peut être entreprise rapidement ; g) Le résultat à trois mois avec récu-pération d’une extension digitale complète ; h) Et un triple enroulement physiologique.

a b

c d

e

f

g h

Lambeau paramétacarpien ulnaire

Bases anatomiques

Décrit par Bakhach en 1995 (5, 6), le lambeau paramétacarpien ulnaire estbasé sur le rameau ulnaire de la branche descendante du rameau dorsal del’artère ulnaire. Ce rameau court parallèlement au cinquième métacarpien enposition dorsomédiale. Il contracte des anastomoses constantes avec l’artèredigitale palmaire propre médiale de l’auriculaire situées de part et d’autre del’articulation métacarpophalangienne. Ces anastomoses constituent les basesdu lambeau paramétacarpien ulnaire à pédicule rétrograde. La constance decette branche donne à ce lambeau une nette supériorité par rapport au lambeaumétacarpien dorsal du quatrième espace.

Technique opératoire

La palette cutanée est dessinée à cheval sur le bord dorso-ulnaire de la mainsans dépasser le pli dorsal du poignet en proximal et le col du cinquième méta-carpien en distal. La largeur peut facilement atteindre trois centimètres. Lepoint pivot est généralement placé au niveau de l’anastomose distale en regardde la base de la phalange proximale et le pédicule, d’une largeur d’un centi-mètre, est positionné sur la face dorsomédiale de l’articulation métacarpo-phalangienne.

La peau qui recouvre le pédicule est levée en premier dans le plan dermiqueen respectant toutes les veines de drainage sous-cutanées. Ensuite, la dissec-tion de la palette cutanée progresse de proximal en distal. Il est possible depréserver les branches terminales du rameau dorsal du nerf ulnaire sauf cellequi accompagne l’artère nourricière du lambeau. En radial, la dissection doitrespecter le paratendon des extenseurs de l’auriculaire alors qu’en ulnaire elledoit emporter le fascia des muscles hypothénar au contact de laquelle cheminel’artère du lambeau. À hauteur du pédicule, une bande hypodermique d’aumoins un centimètre de largeur est levée, en continuité avec le lambeau etcentrée sur son axe. Le pédicule est levé au ras de la dossière du système exten-seur jusqu’au point pivot en regard de la base de la phalange proximale.

Une fermeture primaire du site donneur est obtenue si la largeur de lapalette ne dépasse pas trois centimètres. Une immobilisation postopératoireest nécessaire pendant une semaine, prenant les interphalangiennes en exten-sion et laissant libre la métacarpophalangienne.

Levé souvent sous forme cutanée pure, le lambeau paramétacarpien ulnairepeut également être composite, comprenant une unité tendineuse « extenseurpropre de l’auriculaire », une unité nerveuse « branche médiale du rameaudorsal du nerf ulnaire » comme greffe nerveuse vascularisée et enfin une unitéosseuse prélevée aux dépens de la diaphyse du cinquième métacarpien. Lapalette cutanée peut aussi être resensibilisée.

102 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Avantages et inconvénients

Le territoire de compétence du lambeau paramétacarpien ulnaire couvre latotalité de l’auriculaire et de l’annulaire jusqu’à l’interphalangienne proximale,en plus des faces dorsale et palmaire des articulations métacarpophalangiennesdes doigts longs (fig. 4). Le lambeau paramétacarpien ulnaire est fiable de parla constance de sa vascularisation artérielle. Son inconvénient majeur est delaisser une cicatrice sur la face sociale de la main.

Lambeaux pédiculés du dos de la main 103

Fig. 4 – Lambeau paramétacarpien ulnaire.a) Amputation totale par chaîne de moto del’auriculaire droit ; b) Une réimplantationdigitale est conduite avec succès ;c) Apparition d’une nécrose cutanée sur lebord ulnaire avec exposition osseuse. Unlambeau paramétacarpien ulnaire est le seulà pouvoir couvrir cette perte de substance ;d) Le lambeau est repositionné sur le sitereceveur et revascularisé ; e) Le lambeau estmis en place recouvrant toute la perte de sub-stance ; f, g) Le résultat à distance.

a b

c d

e f

g

Lambeau dorsocommissural

Bases anatomiques

Décrit par Valenti en 1990 (7), il est prélevé sur la face dorsale des 2e, 3e

ou 4e commissure. Le lambeau dorsocommissural est vascularisé selon unmode rétrograde au travers du réseau dorsodigital de la phalange proximaleet de ses connexions avec le réseau palmaire au niveau du cercle anastomo-tique péri-articulaire de l’interphalangienne proximale.

Technique opératoire

La palette cutanée est dessinée sur la face dorsale des 2e, 3e ou 4e commis-sure. Le pédicule est placé sur la face dorsolatérale de la phalange proximaledu doigt à reconstruire et le point pivot en regard du col de la phalange proxi-male. Après exposition du pédicule et dissection de la couverture cutanée dansle plan dermique, le lambeau est incisé et levé de proximal en distal avec toutela graisse commissurale. Le prélèvement du pédicule amène une bande hypo-dermique d’un centimètre de large entre le tendon extenseur en arrière et leligament de Cleeland en avant. En profondeur, la dissection passe au ras dela dossière du système extenseur et du périoste phalangien jusqu’au col pha-langien où se trouve l’anastomose avec le réseau palmaire, branche nourricièredu lambeau.

Une immobilisation digitale postopératoire est nécessaire. La fermeture dusite donneur ne peut être obtenue de première intention que si la largeur dulambeau est petite, ne dépassant pas un centimètre. Dans le cas contraire, unegreffe de peau est nécessaire après une période de bourgeonnement comblantle site donneur.

Avantages et inconvénients

Ce lambeau est très utile pour les pertes de substance dorsales de petite dimen-sion des deux dernières phalanges. Il couvre l’appareil unguéal, mais présentel’inconvénient majeur de détruire la zone commissurale, qui est fondamen-tale pour la dynamique des doigts longs.

104 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Trucs et astuces

Un certain nombre de gestes techniques opératoires sont impératifs poursécuriser au maximum le prélèvement de ces différents lambeaux cutanés.

– La dissection doit se faire sous garrot pneumatique sans exsanguina-tion préalable du membre supérieur. Ceci évite de vidanger complètementle circuit vasculaire et permet de mieux visualiser les structures, en parti-culier veineuse au cours du prélèvement.

Références

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Lambeaux pédiculés du dos de la main 105

(suite)

– Dans le dessin de la palette cutanée, la largeur du lambeau doitdépasser légèrement celle de la perte de substance et la longueur du pédi-cule doit prévoir un centimètre de plus pour prendre en compte le coudeformé par la transposition du lambeau.

– Il ne faut jamais chercher à individualiser les éléments du pédiculevasculaire, ce qui induirait un risque de lésion ou de vasoconstriction. Ladissection doit emporter en masse le pédicule avec son ambiance cellulo-graisseuse.

– Avant l’étalement de la palette cutanée, il faut la repositionner sur sonsite donneur et lâcher le garrot. Ces lambeaux à bas débit doivent être revas-cularisés avant d’être positionnés sur le site receveur (évitant les points desuture à effet de striction).

– Le pédicule doit être passé à ciel ouvert. La tunnélisation n’est pasconseillée (risque de compression veineuse).

– La fermeture du site donneur peut être facilitée par l’adjonction d’in-cisions de décharge.

Lambeaux musculaires pédiculés de la main

D. Le Nen

Les petits muscles répartis dans la main représentent des lambeaux potentiels,mais peu expansibles, pour couvrir des pertes de substance cutanée limitées (1)(fig. 1). Leur emploi est anecdotique, car il existe pour les mêmes indicationsd’autres solutions : les lambeaux cutanés ou simplement la cicatrisation dirigée(par exemple, dans la paume de la main, même une plaie largement ouvertepeut se fermer sans séquelles par simple cicatrisation dirigée).

a

c

b

Fig. 1a-c – a) Dissection de la paume, avecexposition des muscles palmaires. APB,abductor pollicis brevis (court abducteur).L, lombrical, ADM, abductor digiti minimi(abducteur du petit doigt) ; b) Schéma d’unedissection de la paume, avec exposition desmuscles palmaires et leur arc de rotation ; c)Schéma d’une vue de la face dorsale de lamain. IOD, muscles interosseux dorsaux ; 1er

IOD, muscle premier interosseux dorsal.

108 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeaux musculaires utilisables sans séquelle

Certains lambeaux musculaires ont un « coût » modéré, et de fait sont utili-sables sans séquelles ou presque :

– les muscles interosseux dorsaux permettent par exemple de traiter uneostéite métacarpienne de voisinage (2) ;

– les lambeaux de muscle lombrical, très étroits, sont utiles pour couvrirdes petites pertes de substance de la paume (3, 4) (fig. 2). Seule la vasculari-sation des 2e et 3e lombricaux semble fiable pour une transposition. Leursbranches dominantes, issues de l’arcade palmaire superficielle et de l’artère digi-tale palmaire commune, pénètrent invariablement le muscle à la jonction entrele tiers proximal et le tiers moyen. Cette vascularisation est indépendante decelle du fléchisseur profond auquel le muscle est annexé. Le lombrical peutêtre utilisé de deux façons : sans interrompre son attache tendineuse au flé-chisseur profond (le lombrical se trouve toujours sur le côté latéral du tendonauquel il est annexé), en étalant le muscle sans excès sur la zone de défect ;soit libéré sur ses vaisseaux, l’arc de rotation ainsi créé permettant au muscled’atteindre l’entière paume, voire au-delà du pli de flexion du poignet. Lelambeau sera laissé en cicatrisation dirigée, greffé en peau totale ou en peaumince non expansée. La simplicité, la rançon cicatricielle et l’absence deséquelles en font un lambeau intéressant (fig. 3).

Lambeaux non utilisables en première intention

D’autres lambeaux ne doivent pas être employés de première intention, vu leretentissement de leur sacrifice :

– le court abducteur du pouce doit être évité, compte tenu de son impor-tance fonctionnelle (fig. 1). Muscle le plus superficiel de l’éminence thénar,il est fin. Son pédicule majeur est issu de l’axe radial. Il pénètre la face pro-fonde du muscle près de son insertion. Basé sur ce pédicule, ce lambeau atteintla face palmaire du bord radial du poignet ;

Fig. 2 – Dissection de la paume, avec expo-sition des muscles palmaires. Les petits cro-chets réclinent le 2e lombrical.

– l’abducteur du petit doigt (abductor digiti minimi) est le plus superficieldes hypothénariens (figs 1, 4). Son pédicule, issu de l’axe ulnaire, entre parla face profonde et proximale du muscle. Il peut être employé dans les pertesde substance du bord ventro- ou dorso-ulnaire de la main et du poignet, chezdes patients n’ayant pas une haute demande fonctionnelle pour le petit doigtou s’il existe des antécédents d’amputation de l’auriculaire ;

Lambeaux musculaires pédiculés de la main 109

a b

Fig. 3a-c – Cas clinique. a) Perte de substancetraumatique de la paume à évolution torpide ;b) Excision, couverture avec un lambeau delombrical ; c) Greffe de peau totale hypothé-narienne.

c

Fig. 4 – Dissection de la paume, avec expo-sition des muscles palmaires. Levée d’unlambeau aux dépens de l’ADM.

– le plus large des interosseux, le 1er interosseux dorsal, est un lambeauclassique. Son sacrifice perturbant la fonction de la pince pollici-digitale, ilest raisonnable de limiter ses indications (sauf peut-être en cas de dénerva-tion par lésion du nerf ulnaire ou en présence d’un index séquellaire, voireamputé). Son pédicule, issu de l’axe radial, passe entre ses deux chefs d’in-sertion et pénètre le muscle près de son origine. Libéré sur son pédicule d’ori-gine, il peut couvrir les premier et deuxième métacarpiens.

Court palmaire

Le court palmaire (palmaris brevis), muscle fin et sous-cutané du talon de lamain, peut être levé, mais il fait l’objet de variations trop importantes.

Il est possible d’utiliser un muscle de l’avant-bras, retourné sur son inser-tion distale, avec une vascularisation rétrograde à partir du réseau palmaireou dorsal du carpe : le fléchisseur radial du carpe (5) ou le brachioradial, levésavec l’axe radial ; le carré pronateur (pronator quadratus) sur l’axe interosseuxantérieur.

Indications des lambeaux musculaires

Ces lambeaux peuvent couvrir des petites pertes de substance cutanée de lapaume ou du canal carpien, traumatiques ou après excision tumorale. Dansles récidives de neurolyses du nerf médian au canal carpien ou les névromesdans la paume (interosseux palmaires, lombricaux), ils offrent un néoparanèvrevascularisé.

Comme pour tout lambeau musculaire, le tissu est particulièrement adaptéà l’exposition d’un métacarpien ou pour traiter une ostéite. Les 2e et 3e musclesinterosseux peuvent, par exemple, être employés pour les métacarpiens cen-traux, l’abducteur du petit doigt ou le 1er interosseux dorsal pour les méta-carpiens extrêmes (avec les réserves émises auparavant).

Références

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110 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeaux cutanés en îlot de la paume :thénar et hypothénar

M. Schoofs, S. Hugon

La paume de la main représente un site de prélèvement de lambeaux fascio-cutanés de taille suffisante pour couvrir des pertes de substance palmaires éten-dues des doigts longs et du pouce. La vascularisation de la paume de la mainet des doigts détermine la technique de prélèvement de chaque lambeau. Nousdistinguons la zone thénarienne, la zone hypothénarienne et le triangle médio-palmaire.

Vascularisation de la paume de la main

L’arcade palmaire superficielle est complète quand l’artère ulnaire rejoint le rameaupalmaire de l’artère radiale, ou l’artère digitale palmaire propre radiale de l’index,ou une artère contributive du côté radial. Les variantes sont nombreuses.

L’artère ulnaire émet constamment une ou plusieurs branches hypothénariennes,dont l’artère digitale palmaire propre ulnaire du petit doigt. Dans 25 % des cas,l’artère ulnaire alimente la totalité de l’arcade palmaire superficielle et émet troisartères digitales palmaires communes. L’anastomose avec le rameau palmaire del’artère radiale est présente dans 25 % des cas, et avec une branche de la premièreartère métacarpienne dorsale dans 20 % des cas. Plus rarement, on trouve uneartère médiane ou une branche issue de l’arcade palmaire profonde.

L’arcade palmaire profonde est rarement incomplète. Elle est constituée parl’anastomose de l’artère radiale avec un ou deux rameaux profonds de l’artèreulnaire. Des communicantes rejoignent les deux arcades, de même les artèresmétacarpiennes palmaires rejoignent les artères digitales palmaires communes.Les connexions anatomiques entre les deux réseaux existent toujours. La peaupalmaire est vascularisée par des perforantes issues de l’arcade palmaire super-ficielle et de ses branches. L’artère digitale palmaire propre ulnaire du petitdoigt vascularise la partie distale de l’éminence hypothénar, le rameau pal-maire de l’artère radiale la partie thénarienne (1).

Lambeau fasciocutané thénarien

Le lambeau fasciocutané thénarien est prélevé de taille correspondante à laperte de substance à traiter. Après avoir repéré le rameau palmaire de l’artèreradiale en regard du tubercule du scaphoïde ou au niveau de la gouttière

112 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

radiale, la dissection se poursuit de proximal en distal en passant sous le fascia.Le rameau moteur thénarien du nerf médian doit être préservé. En cas delambeau libre, le réseau anastomotique périphérique est ligaturé pour isolerle lambeau sur son pédicule, le rameau palmaire de l’artère radiale.

En cas de lambeau à pédicule rétrograde, le rameau palmaire de l’artèreradiale est ligaturé pour isoler le lambeau sur un point pivot, dont le choixdépendra de la perte de substance à traiter et des variantes anatomiques del’arcade palmaire superficielle. Une branche sensitive distale du rameau super-ficiel du nerf radial ou un rameau perforant inconstant du nerf digital pal-maire commun du deuxième espace peut éventuellement être suturé à un nerfdigital palmaire propre (collatéral).

Fig. 1a-f – Perte de substance palmaire et dorsale de l’index gauche (a, b). Couverture parlambeau fasciocutané thénarien en îlot rétrograde centré sur l’artère digitale palmaire communedu deuxième espace. Résultat fonctionnel et esthétique à trois mois (c-f).

e f

a b

c d

Le site donneur est autofermant par la mise en opposition de la colonnedu pouce. La surface de prélèvement peut atteindre 6 × 3 cm.

Les meilleures indications sont les pertes de substance palmaire du pouce,de la première commissure, du deuxième et du troisième rayons (2-5) (fig. 1).

Lambeau fasciocutané hypothénarien

L’artère digitale palmaire propre (collatérale) ulnaire du petit doigt, non domi-nante mais constante, sert de pédicule au lambeau fasciocutané hypothéna-rien. La taille du lambeau étant précisée, la dissection débute par la recherchede l’artère digitale palmaire propre (collatérale) ulnaire du petit doigt, un peuen amont de la région métacarpophalangienne. Le nerf digital palmaire propre(collatéral) est préservé. La dissection de distal en proximal dans le plan sub-fascial atteint l’émergence de l’artère sur l’arcade palmaire superficielle. Lesperforantes alimentant le lambeau fasciocutané hypothénarien doivent être pré-servées. En cas de lambeau en îlot à pédicule rétrograde, le point pivot sesitue sur la digitale palmaire propre (collatérale) ulnaire du petit doigt, si pos-sible en amont de la phalange moyenne. Une utilisation à pédicule proximalou comme lambeau libre est envisageable. Le site donneur est autofermantjusqu’à 2 × 3 cm (7-8) (fig. 2).

Lambeaux cutanés en îlot de la paume : thénar et hypothénar 113

Fig. 2a-d – Polytraumatisme main droite. Perte de substance du petit doigt. Confection d’unlambeau fasciocutané hypothénarien en îlot rétrograde pour couverture de l’articulation inter-phalangienne distale et de la phalange distale (a-c). Résultat fonctionnel et esthétique à troismois (d).

a b

c d

Lambeaux médiopalmaires

La peau palmaire de la main susjacente à n’importe quel pédicule vasculairepeut être prélevée en îlot sur une ou des perforantes ou avec le pédicule lui-mêmepour réaliser un lambeau fasciocutané à flux direct ou à flux rétrograde (8).La séquelle cicatricielle verticale en zone médiopalmaire peut poser un pro-blème (9). Une variante de lambeau à dessin transversal atténue la séquellecicatricielle (10).

114 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Références

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Trucs et astuces

– Avant de réaliser un lambeau fasciocutané thénarien, il faut prendrele pouls du rameau palmaire de l’artère radiale sur le tubercule du sca-phoïde. S’il est présent, le pédicule sera confortable, même pour unlambeau libre.

– L’absence de tendon palmaire long (palmaris longus) laisse suspecterune variante anatomique d’arcade palmaire superficielle incomplète.

- Lors de la dissection des pédicules, il faut garder de la graisse péri-vasculaire pour assurer le retour veineux du lambeau en îlot.

Lambeau cutané péninsulaire de l’éminence thénar

D. Le Nen

L’éminence thénar représente un site de prélèvement de lambeaux (fascio)cuta-nés pour couvrir des pertes de substance palmaire ou dorsale de la phalangedistale des doigts longs. Il s’agit de la forme la plus connue et la plus anciennedes lambeaux du talon de la main (lambeaux péninsulaires) qui peuvent êtrelevés libres ou en îlot à pédicule distal.

Bases anatomiques

Ces lambeaux « au hasard » sont levés avec une charnière, sans tenir comptede l’apport vasculaire. En respectant un ratio longueur/largeur de 2/1, voireau maximum 3/1, leurs dimensions atteignent en général 1,5 cm par 2,5 ou3 cm. Ils sont parfaitement fiables.

Dessin de la forme typique

Le lambeau présente trois côtés. La charnière est distale de manière généralepour couvrir une pulpe, en revanche proximale pour couvrir la face dorsalede la phalange distale. Le siège du lambeau se trouve en pleine éminencethénar. L’axe longitudinal du lambeau est dans l’axe du doigt.

Technique de levée

– Après incision des trois côtés, le lambeau est levé en le surdimension-nant légèrement. La peau et la graisse sous-cutanée sont incisées jusqu’aumuscle, en prenant soin de laisser en profondeur les éléments nerveux des-tinés au pouce.

– Le site donneur est laissé en cicatrisation dirigée, ou fermé partiellementen VY, si l’on a pris soin de dessiner le lambeau avec un V au niveau du côtéopposé à la charnière.

– En fléchissant le doigt concerné et en l’amenant devant l’éminence thénar,on rapproche la zone donneuse du site du lambeau. Les berges de la palettecutanée sont soigneusement suturées sur celles de la perte de substance àcouvrir.

116 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

– On termine par un pansement au tulle gras et un système souple decontention du doigt au site donneur (bandes en tissu, par exemple).

– Un deuxième temps de sevrage est nécessaire : section de la charnière,remodelage du lambeau sur le site receveur, éventuellement complément defermeture par VY ou petite greffe cutanée.

Variantes

– La variante avec charnière proximale n’est concevable sur la face dorsalede la phalange distale qu’en cas d’exposition osseuse avec destruction de l’en-semble de l’appareil unguéal.

– Au niveau du petit doigt, le lambeau peut être prélevé sur l’éminencehypothénar, selon les mêmes modalités.

Soins postopératoires

Il existe un risque septique (macération) ou de désunion. Une surveillance etdes pansements réguliers s’imposent.

Après le sevrage, une rééducation immédiate, voire le port d’une orthèsedynamique d’extension, prévient la raideur en flexion. Une rééducation sen-sitive est utile, car ce lambeau, surtout chez l’enfant, se resensibilise en un anà dix-huit mois de façon partielle.

Fig. 1a-c – Lambeau thénarien destiné àcouvrir une perte de substance dorsale de laphalange distale du petit doigt. a) La pertede substance après parage ; b) Fixation dulambeau ; c) Résultat à distance. La dys-chromie et le galbe du lambeau rappellent,dans une certaine mesure, l’aspect d’un ongle.

a b

c

Indications

La meilleure indication est l’avulsion dorsale totale exposant la phalange distale(fig. 1). Une avulsion pulpaire peut être couverte par un lambeau thénarien,s’il n’y a aucune solution locale possible, au mieux sensible (fig. 2).

Avantages

– Lambeau fiable, apportant une peau stable de bonne qualité.– Excellent résultat cosmétique.– Resensibilisation partielle de qualité plus ou moins grande, surtout chez

l’enfant.

Lambeau cutané péninsulaire de l’éminence thénar 117

Fig. 2a-e – Lambeau thénarien destiné àcouvrir une perte de substance pulpaire del’index. a) Traumatisme pluritissulaire com-plexe, avec avulsion pulpaire ; b) Lambeau thénarien. Sevrage à J15 ; c-e) Résultat fonctionnelà distance.

a

c

b

d

e

Inconvénients

– Lambeaux nécessitant un deuxième temps de sevrage.– Le risque de raideur est prévenu par un sevrage à quinze jours au

maximum.– L’immobilisation en flexion peut compromettre la surveillance ou la réédu-

cation en cas d’atteinte associée pluritissulaire au niveau du même doigt.

Références

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118 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeaux du pouce

F. Brunelli

Les lésions pulpaires représentent l’un des problèmes les plus fréquents aux-quels les chirurgiens de la main ont à faire face, que ce soit en urgence ou enreconstruction secondaire. Les procédés proposés pour leur traitement sontinnombrables, si l’on considère les techniques de base et leurs modifications.En effet, l’importance fonctionnelle des extrémités des doigts doit exiger unegrande attention de la part des chirurgiens. Dans les cas des lésions complexes,nous devrions aussi prendre en compte le devenir de l’appareil unguéal quiest un élément important, non seulement sur le plan esthétique, mais aussisur le plan fonctionnel, car il assure à la pulpe un contre-appui efficace. Parailleurs, les séquelles d’ongles décollés, voire capotés, et les résidus matricielsectopiques sont très handicapants et nécessitent des reprises ultérieures. Dansl’idéal, le traitement devrait s’efforcer de conserver à la fois la longueur dudoigt, d’apporter un recouvrement suffisamment épais et surtout sensible, per-mettant une cicatrisation rapide avec le minimum de séquelles. Une expériencechirurgicale suffisante est nécessaire pour utiliser sans danger certaines de cestechniques qui, entre des mains moins expertes, peuvent considérablement etdéfinitivement aggraver les lésions initiales. Avant de nous engager dans desprocédés compliqués, n’oublions donc pas les techniques les plus simples. Dansles cas où, malgré des pertes de substance cutanée importantes, la phalangedistale reste étoffée par un tissu sous-cutané de bonne qualité, la cicatrisationdirigée apportera le meilleur résultat possible. Les lésions avec expositionosseuse nécessitent au contraire un traitement chirurgical. La plupart des chi-rurgiens sont actuellement d’accord sur le fait qu’il ne reste plus beaucoup deplace pour les greffes cutanées qui apportent des résultats médiocres. Il vautdonc mieux faire appel aux lambeaux cutanés.

Par rapport au type de la lésion et aux exigences du patient, on peut consi-dérer les lambeaux locaux, les lambeaux en îlot et les lambeaux à distance.Nous prendrons en considération dans ce chapitre seulement les deux pre-miers groupes, leur description sera limitée aux lambeaux les plus utiles, dumoins dans notre expérience, qui permettent de restaurer au mieux l’unitéfonctionnelle de la phalange distale dans la grande majorité des cas. La connais-sance de l’anatomie vasculaire nous aidera dans le choix du lambeau le plusfiable. En effet, si les lambeaux locaux sont utilisables indifféremment auxdoigts longs et au pouce, les indications changent sensiblement lors de l’uti-lisation des lambeaux en îlot.

120 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Enfin, n’oublions pas que, si des efforts considérables sont justifiés pourconserver l’apparence d’une pulpe chez une jeune fille, un travailleur manuelserait mieux traité par un simple raccourcissement digital qui aura dans laplupart des cas le maximum de chances d’apporter un doigt souple, sensibleet indolore dans de plus courts délais.

Lambeaux locaux

Les lambeaux locaux trouvent leur indication dans les pertes de substance limi-tées, représentées par des amputations transversales ou légèrement obliquesemportant moins d’un quart de la longueur de la pulpe (capital osseux main-tenu). Ils prévoient le soulèvement d’une zone cutanée en continuité avec laperte de substance à recouvrir, sans décollement étendu de pédicules vascu-laires. Les plus utiles sont : le lambeau en V-Y, le lambeau quadrangulaired’avancement-rotation, le double lambeau latéral d’avancement.

Lambeau V-Y

Appelé aussi lambeau de Tranquilli-Leali (8) ou d’Atasoy (1), ce lambeau esttrès utile dans la reconstruction des amputations transversales ou légèrementobliques, palmaires ou dorsales. La région cutanée palmaire de la phalangedistale qui reste intacte est soulevée jusqu’au plan osseux, emportant dans sonépaisseur les terminaisons vasculaires et sensitives qui permettront au lambeaude garder presque intact son capital vasculonerveux. Son potentiel d’avance-ment est limité à environ 7 mm.

Technique opératoire (simple)

Elle est relativement aisée. Après parage adéquat de la plaie, une incision en V(nous préférons une incision en U) est effectuée jusqu’au pli digital distal. Lelambeau pivote sur une charnière de tissu sous-cutané pulpaire, son avancementest obtenu en libérant sa face profonde du périoste de la phalangette sous-jacente,tout en respectant les terminaisons vasculaires et nerveuses qui sont incluses dansl’épaisseur du lambeau. Après avoir libéré le pédicule à la base du lambeau etsoulevé la palette cutanée, le lambeau est glissé jusqu’à la région apicale et fixéavec une aiguille intradermique dans la phalangette. Deux fils cutanés stabilisentlatéralement le lambeau, et la région proximale est laissée à la cicatrisation dirigée ;la guérison est complète deux ou trois semaines plus tard. Il n’est en effet pas sou-haitable de suturer les berges proximales du lambeau (comme dans la descriptionoriginale) pour éviter toutes rétractions secondaires ou strangulation du pédicule.

Fiabilité vasculaire (excellente)

La richesse de la vascularisation de la région rend ce lambeau extrêmementfiable. L’arcade pulpaire et ses terminaisons sont soulevées en bloc avec lelambeau et glissent dans le même sens que le déplacement de la palette cutanée.

Lambeaux du pouce 121

Récupération sensitive (excellente)

Il s’agit de l’un des lambeaux qui reconstituent au mieux la sensibilité pul-paire. Les terminaisons sensitives des deux nerfs digitaux palmaires propressont emportées intactes dans la palette cutanée, et la tension au niveau dupédicule est modeste et n’entraînera pas de douleurs ou d’intolérance au froid,si l’on respecte la limite de déplacement distal du lambeau qui est d’environ7 mm.

Lambeau quadrangulaire d’avancement-rotation

Décrit par Hueston en 1966 (4), ce lambeau est particulièrement utile dansles amputations en léger sifflet latéral. Il prévoit le soulèvement « en drapeau »de la région pulpaire restée intacte qui est transposée pour recouvrir la pertede substance ; la palette cutanée reste nourrie par un seul des deux pédiculesvasculonerveux. Son potentiel d’avancement est d’environ 1 cm.

Technique opératoire (simple)

Il s’agit d’un lambeau quadrangulaire délimité par une incision en L dont labranche verticale est à l’union entre les peaux palmaire et dorsale. La dissec-tion commence au niveau de la branche verticale d’une façon assez superfi-cielle, pour laisser en place l’un des deux pédicules collatéraux (le pédiculeopposé à la charnière sur laquelle pivote le lambeau). La branche transversaleest ensuite incisée, en prenant garde de ne pas abîmer la gaine du tendonlong fléchisseur. La dissection se fait progressivement plus profonde, au rasde la phalange, pour emporter toutes les terminaisons vasculaires et sensitivesprovenant du pédicule opposé à la branche verticale qui seront responsablesde la vascularisation et de l’innervation du lambeau. Une fois la palette cutanéesoulevée en drapeau, elle est stabilisée par transfixion à la phalangette avecune aiguille hypodermique et quelques fils. En fonction de sa taille, la régiondonneuse peut être laissée en cicatrisation dirigée ou bénéficier d’une petitegreffe de peau.

Fiabilité vasculaire (excellente)

Les branches distales du pédicule collatéral incluses dans la charnière et cellesprovenant de l’arcade pulpaire assurent une excellente vascularisation à celambeau. Par ailleurs, la direction du glissement du lambeau correspond ausens dans lequel sont orientés les vaisseaux, ce qui rend la technique encoreplus fiable.

Récupération sensitive (moyenne)

La dissection sacrifie obligatoirement tous les rameaux nerveux issus du pédi-cule collatéral qui est laissé en place (celui opposé à la charnière). La partiedu lambeau qui avance le plus, celle qui assure la couverture du défaut pul-paire, est donc aussi celle qui sera la moins sensible. Il est donc essentiel deprivilégier l’hémipulpe dominante lors du dessin du lambeau. Ainsi, pour

l’index, la branche verticale sera tracée du côté ulnaire pour préserver au mieuxla sensibilité de l’hémipulpe dominante du côté radial ; l’inverse sera proposépour le cinquième doigt. Pour ces raisons, hormis les cas exceptionnels, nousn’utilisons pas ce procédé pour le pouce, car tous nos efforts doivent alorsêtre mis en œuvre pour conserver une sensibilité proche de la normale.

Double lambeau latéral d’avancement

Deux triangles cutanés sont dessinés sur la face latérale de la phalange distaleet glissés jusqu’à la région apicale où ils sont suturés l’un à l’autre. Nous n’uti-lisons cette technique, décrite par Kutler en 1947 (5), que pour des indica-tions exceptionnelles (cf. infra).

Technique chirurgicale (simple)

La base du triangle correspond au niveau de l’amputation. Cette base doitmesurer environ un tiers de la longueur de la pulpe. La pointe de chaque tri-angle est dessinée à l’extrémité latérale du pli digital de l’IP ou, si plus detissu est nécessaire, un peu plus proximal. Les deux triangles sont incisés aubistouri et décollés du plan osseux, tout en gardant la continuité du pédiculesous-cutané proximal qui maintiendra en vie les lambeaux. Quelques filscutanés réunissent la base des deux lambeaux sur la ligne médiane et les régionsdonneuses sont laissées en cicatrisation dirigée. Les fibres du ligament deCleland sur la face latérale de l’articulation interphalangienne rendent diffi-cile le déplacement des deux triangles, et le glissement distal est inférieur à5 mm.

Fiabilité vasculaire (moyenne)

La région où les deux lambeaux triangulaires sont prélevés est vascularisée pardes branches provenant des artères collatérales palmaires. Elles sont très fines,profondes, la plus importante d’entre elles passant au-dessous du ligamentinterosseux de Flint. Par ailleurs, leur parcours est transversal et ne corres-pond pas à la direction de glissement longitudinal des lambeaux (fig. 1). Iln’est donc pas exceptionnel d’observer une souffrance distale des lambeauxqui peut provoquer une désunion de la suture avec, comme conséquence inévi-table, l’exposition de la phalangette.

122 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 1 – Dissection anatomique montrant lavascularisation de la face latérale de la pulpe.

Lambeaux du pouce 123

Récupération sensitive (moyenne)

Les terminaisons nerveuses ne sont que partiellement prises dans l’épaisseurdes lambeaux et la cicatrice au milieu de la pulpe peut gêner la récupérationsensitive qui reste donc sensiblement inférieure à celle fournie par le lambeaud’avancement palmaire.

Lambeaux en îlot pour la pulpe du pouce

Les lambeaux en îlot que l’on décrit pour les doigts longs ne trouvent quedes indications exceptionnelles pour la reconstruction pulpaire du pouce. Enrevanche, d’autres procédés pourront être utilisés pour le pouce, mais serontextrêmement risqués au niveau des doigts longs.

Les différences fondamentales sont les suivantes :– le pouce est environ 30 % plus court que les doigts longs. Cela repré-

sente un avantage, car sa pulpe peut être plus facilement rejointe par des lam-beaux qui ne pourront pas être utilisés dans les doigts longs, comme parexemple le lambeau cerf-volant. En revanche, c’est un handicap quand il s’agitd’obtenir un glissement distal en disséquant le pédicule, comme dans les lam-beaux en îlot direct, ou d’effectuer un lambeau à contre-courant qui se trou-vera trop près de la région traumatisée ;

– en règle générale, les artères digitales palmaires propres du pouce ne sontdissécables que jusqu’au pli de flexion digital proximal, point où elles pren-nent leur origine à partir de la division de l’artère principale du pouce (fig. 2).La marge de manœuvre se trouve donc encore plus restreinte par cette limite,alors que les artères des doigts longs peuvent être suivies facilement jusqu’àl’arcade palmaire superficielle ;

Fig. 2a, b – Préparationanatomique illustrant ladisposition des artères digi-tales palmaires du pouce etleur origine de la divisionde l’artère principale dupouce. a) Avant ouverturede la gaine du tendonfléchisseur ; b) Après lesoulèvement du tendonpour montrer l’anastomosesous-tendineuse au niveaudu col de la phalangeproximale.

a b

– le pouce présente une vascularisation dorsale autonome et indépendantedes artères palmaires (fig. 3). Cela permet de séparer complètement la peaupalmaire du reste du doigt (comme prévu dans le soulèvement du lambeaude Moberg) sans risque de nécrose distale, complication qui peut se rencon-trer au niveau des doigts longs. Cette vascularisation dorsale est, par ailleurs,à la base du lambeau dorso-ulnaire qui sera décrit par la suite ;

124 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 3 – Radiographie de la peau dorsale d’undoigt long (à gauche) et d’un pouce (àdroite) après injection par matériel radio-opaque On peut remarquer la situation frag-mentaire du circuit artériel dorsal du doigt,dépendant des artères palmaires, par rapportà celui du pouce, où il existe un axe continusur le côté ulnaire.

Fig. 4 – Comme pour les doigts longs, il peuty avoir au niveau du pouce une différence decalibre entre les deux artères, et c’est l’artèrecollatérale ulnaire (repère noir) qui est domi-nante.

*

Les petites pertes de substance pulpaires seront ici traitées par les lambeauxlocaux déjà décrits au début de ce chapitre, sans différences substantielles parrapport aux doigts longs. Trois lambeaux dédiés au pouce nous aident à recons-truire les défauts plus importants et nous permettent de recouvrir la plusgrande majorité des lésions. Bien sûr, d’autres options sont possibles et trou-vent leurs indications dans des cas particuliers. Nous pensons en particulierau lambeau « cross-finger », aux lambeaux en îlots hétérodigitaux et aux lam-beaux pulpaires libres, pour lesquels nous renvoyons le lecteur aux autres cha-pitres de l’ouvrage.

Lambeau d’avancement palmaire

Ce lambeau aurait pu être classé dans les lambeaux locaux, mais nous avonspréféré le décrire dans ce cadre, car il est particulièrement dédié au pouce etparce qu’il demande, dans certaines circonstances, une vraie dissection de sonpédicule. Recommandé par Moberg en 1964 (7), il permet de restaurer uneanatomie pulpaire proche de la normale, grâce à l’avancement de la peau pal-maire restée intacte. Cette peau palmaire est complètement détachée du restedu pouce jusqu’à l’émergence de l’artère principale du pouce à la racine du doigt.Les risques de nécrose digitale distale sont pratiquement inexistants et cela grâceà l’autonomie du système artériel dorsal et à la relative brièveté du doigt. C’est,à notre avis, le meilleur lambeau pour la reconstruction des pertes de substancede petite et moyenne taille et nous tendons à l’utiliser même pour les cas quipourraient être traités par des lambeaux de type Atasoy, cela pour éviter les cica-trices palmaires. Son avancement peut atteindre, voire légèrement dépasser, les2 cm, à condition de libérer l’origine de l’artère principale du pouce et de mettrele pouce en flexion. Les risques de raideur sont moins importants qu’aux doigtslongs, du fait de la majeure souplesse de la peau commissurale et de la non-extériorisation du pédicule. Nous ne trouvons pas plus d’avantages à utiliser lamodification apportée par O’Brien, qui prévoit la transformation de ce lambeauen îlot bipédiculé disséquant les artères et les nerfs au niveau de la région méta-carpophalangienne, puisque la libération de l’artère principale du pouce, touten gardant intact le revêtement cutané, permet davantage de glissement distal.

Technique chirurgicale (simple)

L’incision est latérale, à l’union des peaux palmaire et dorsale, des deux côtés,jusqu’au niveau du pli de flexion digitopalmaire et au-delà, si cela est néces-saire. Tous les tissus sont disséqués avec soin à partir de l’os et de la gaine dutendon long fléchisseur, en coagulant à la pince bipolaire les petites branchesdes artères pour prévenir un hématome. Les deux pédicules collatéraux sontaisément reconnaissables dans le tissu sous-cutané et ils sont suivis jusqu’à lanaissance de l’artère principale du pouce. Elle peut, en cas de besoin, êtrelibérée des adhérences aux tissus avoisinants dans le premier espace intermé-tacarpien pour obtenir plus de mobilité. Le lambeau ainsi libéré est glissé dis-talement, où il est fixé à la phalange distale avec une aiguille hypodermique,la suture cutanée sur les deux côtés stabilise définitivement le lambeau (fig. 5).

Lambeaux du pouce 125

Une ou deux plasties en Z latérales peuvent aider à combler la différence delongueur entre la peau palmaire et la peau dorsale.

Fiabilité vasculaire (excellente)

Les deux pédicules collatéraux étant englobés dans le lambeau, sa fiabilité vas-culaire est excellente. Par ailleurs, la richesse vasculaire de la région et la pré-sence des branches artérielles provenant de la région palmaire de la main,souvent de l’arcade superficielle, assurent une vascularisation satisfaisante,même en cas d’étirement de l’artère principale.

Récupération sensitive (excellente)

Le lambeau de Moberg restitue à l’extrémité du pouce une sensibilité trèsproche de la normale. Bien sûr, la discrimination se voit légèrement diminuée

126 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

a b

c d

e f

Fig. 5a-f – a) Séquelles d’un traumatisme au niveau de l’interphalangienne, traumatisme ayantabouti à une pulpe douloureuse et peu sensible ; b) Dissection du lambeau d’avancement pal-maire jusqu’à l’artère principale du pouce ; c) Glissement distal du lambeau pouvant facile-ment atteindre deux centimètres ; d) Stabilisation du lambeau ; e-f) Résultat à deux ans lorsd’une intervention pour canal carpien.

par rapport à une pulpe normale, mais ce défaut est très bien toléré par lepatient et l’adaptation est, en règle générale, excellente. L’absence de cicatricepulpaire, la topographie sensitive maintenue et la texture cutanée similaire per-mettent d’obtenir un meilleur résultat qu’avec les autres procédés actuels, etnous privilégions cette technique, quand cela est possible.

Lambeau dorso-ulnaire

Ce lambeau, décrit en 1993 (2), utilise la peau de la face ulnaire de la régionmétacarpophalangienne du pouce. Les artères digitales dorsales propres dupouce sont, contrairement à celles des doigts longs, indépendantes du réseauartériel palmaire. Des deux artères, c’est celle qui est située sur le côté ulnairequi est la plus importante et à la base de la vascularisation du lambeau. Lepoint de pivot principal pour nourrir ce lambeau à contre-courant est repré-senté par l’arcade du repli proximal de l’appareil unguéal (fig. 6). Un pointde pivot supplémentaire est fourni par l’anastomose entre les artères dorsaleset palmaires au niveau du col de la phalange proximale. Ce lambeau peut êtreutile pour la reconstruction des pulpes gravement endommagées et non recou-vrables avec le lambeau de Moberg.

Lambeaux du pouce 127

Fig. 6 – Dissection anatomique de la facedorsale du pouce. La vascularisation artérielleest constituée par deux axes localisés sur lescôtés des tendons extenseurs (repère blanc).L’axe ulnaire est dominant ; sont visibles, debas en haut, deux repères blancs indiquant res-pectivement (repère gauche) l’origine de l’ar-tère dorso-ulnaire et (repère droit) l’anasto-mose avec le réseau dorsal. L’arcade du repliproximal de l’ongle, point de pivot du lambeauà contre-courant, est aussi clairement visible.

Technique opératoire (difficulté moyenne)

Le lambeau est dessiné, de la taille appropriée, en regard de l’articulation méta-carpophalangienne, sur sa face dorso-ulnaire, et centré sur le prolongementproximal de l’artère digitale dorsale ulnaire qui est tracée à 1 cm en dedansdu grand axe du pouce. L’intervention commence par une incision à la limitedistale du lambeau, elle est superficielle pour respecter le tissu sous-cutané etl’artère qu’il contient. Une autre incision, elle aussi superficielle, est effectuéesur le dessin de l’artère digitale dorsale ulnaire. Deux volets cutanés dermo-épidermiques sont soulevés en direction dorsale et palmaire à partir de cettedernière incision. La dissection emporte une languette de tissu sous-cutané,centrée sur l’axe de l’artère, d’une largeur équivalente à la largeur du lambeau.Aucune recherche de l’artère ne doit être faite ; elle risquerait d’être blessée,surtout lorsqu’elle est très fine. La dissection du pédicule doit s’arrêter à 1,5 cmdu repli proximal de l’appareil unguéal. À ce stade, le lambeau peut êtresoulevé de proximal en distal, en commençant par cliver l’îlot cutané du plan

** *

sous-jacent, en prenant garde de ne pas abîmer le péritendon de l’extenseurqui devra, dans la plupart des cas, recevoir la greffe cutanée. Il est ensuite fixépar quelques points cutanés à la région receveuse (fig. 7). Il faut porter uneattention particulière pour éviter toute tension ou compression au niveau dupédicule sous-cutané qui est retourné de 180° et qui est éventuellement laisséà la cicatrisation dirigée. Au moment de l’incision proximale, on peut éven-tuellement disséquer le nerf digital dorsal ulnaire du pouce, s’il s’agit d’unecouverture de perte de substance pulpaire importante. Le nerf, situé entre 1et 2 cm du grand axe du pouce, est sectionné à environ 2 cm de la limiteproximale du lambeau (ou plus selon le cas) pour permettre le rebranchementà l’un des nerfs digitaux palmaires propres (collatéraux).

128 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

a b

c d

Fig.7a-d – a) Pulpe dystrophique etdouloureuse du pouce suite à un écra-sement ; b) Dessin du lambeau dorso-ulnaire ; c) Résultat à 15 jours ;d) Résultat à 12 mois.

Dans certains cas, le lambeau a été utilisé comme un lambeau en « cross-finger » pour recouvrir les pertes de substance pulpaires des doigts longs (fig. 8).Le pédicule provisoire contenant l’artère dans son épaisseur était alors constituéd’une languette de tissu sous-cutané et de peau pour lui donner plus de sta-bilité. Le temps nécessaire pour l’autonomisation était de deux ou troissemaines, le sevrage étant effectué seulement après un test de clampage.L’immobilisation a été obtenue grâce à un simple pansement stabilisant lepouce et le doigt à recouvrir ; la position d’immobilisation a été bien sup-portée et elle est relativement confortable grâce à la position en « intrinsèqueplus » du doigt à recouvrir.

Fiabilité vasculaire (moyenne)

L’artère nourricière du lambeau peut être, dans certains cas, extrêmement fine,ce qui la rend très sensible à toutes dissections traumatiques ou aux tractions,même minimes, sur le pédicule, dans le positionnement distal de la palettecutanée. Nous tenons encore à souligner l’importance de ne pas rechercher,pendant la dissection, l’artère du lambeau. Plus qu’un vrai îlot, ce lambeaudoit être considéré comme un « pseudo-îlot » et son pédicule sous-cutané doitêtre prélevé « en bloc » sans geste traumatisant, à l’intérieur de son atmo-sphère cellulo-graisseuse. Malgré ces réserves, les bases assez solides de sa vas-cularisation artérielle justifient à notre avis l’utilisation de ce procédé, surtoutsi nous tenons compte des séquelles relativement négligeables du site donneur.

Récupération sensitive (décevante)

La mauvaise récupération sensitive est sans doute le point faible de cette tech-nique en cas de reconstruction pulpaire. Même si au bout de quelques mois,on récupère une sensibilité de protection satisfaisante, la discrimination desdeux points descend rarement en dessous de 10 mm. Par ailleurs, aucune dif-férence significative n’a été observée entre les patients pour lesquels le nerf dulambeau avait été reconnecté et ceux pour lesquels nous n’avions effectuéaucune suture nerveuse. La qualité de la récupération sensitive semble êtreplutôt en rapport avec l’âge du patient et la qualité du sous-sol du site receveur.

Lambeaux du pouce 129

a b

c d

Fig. 8a-d – a) Avulsion pulpaire quasi-complète d’un troisième doigt ;b) Couverture avec lambeau dorso-ulnaire en version « cross-finger » ;c) Résultat à deux ans au niveau dusite receveur ; d) Couverture aveclambeau dorso-ulnaire en version« cross-finger » ; d) Résultat du sitedonneur.

Au niveau du pouce, une sensibilité de protection semble assez bien toléréepar les patients qui retrouvent un usage correct de leur doigt. Cela semblesurtout dû au fait qu’ils sont obligés d’utiliser leur pouce, et la rééducationfonctionnelle, essentielle à la récupération, constitue une aide précieuse.

Lambeau cerf-volant

La réalisation d’un lambeau prélevé sur la face dorsale de l’index commelambeau neuro-vasculaire en îlot a été proposé par Foucher en 1978 (3). Dansnotre expérience, le lambeau cerf-volant, utile pour la couverture d’autresrégions du pouce ou de la face dorsale de la main, trouve peu d’indicationsdans les reconstructions complètes de la pulpe. En effet, sa richesse vasculairene permet pas toujours de nourrir un lambeau capable de rejoindre les régionsapicales du pouce. Par ailleurs, son innervation, dépendant du nerf radial, posedes problèmes d’intégration sensitive. Il peut toutefois être utile en cas d’am-putation en sifflet palmaire à un niveau plus proximal, par exemple, au niveaude l’articulation interphalangienne (fig. 9). Le débranchement-rebranchementdu nerf du lambeau à l’un des deux nerfs digitaux palmaires peut être utilepour diminuer les inconvénients liés à la récupération sensitive (4, 5).

130 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

a b

c

Fig. 9a-c – a) Reconstruction d’une ampu-tation apicale du pouce en sifflet palmaire auniveau de la base de la phalange distale ;b) Résultat à 15 jours ; c) Résultat à six moisde l’intervention.

Technique opératoire (difficulté moyenne)

Le lambeau est dessiné sur la face dorsoradiale de la phalange proximale del’index. Une incision sinueuse sur le côté radial du deuxième métacarpien pro-longe proximalement le dessin du lambeau jusqu’au tendon du long exten-seur du pouce. Les deux volets cutanés de l’incision sinueuse sont soulevésd’une façon assez superficielle pour maintenir intact le tissu sous-cutané. Parla suite, une languette de tissu sous-cutané, emportant le fascia sous-jacent et

d’une largeur équivalente à la base du lambeau, est détachée du plan muscu-laire de la première commissure jusqu’à l’émergence de l’artère nourricière. Àce stade, le lambeau peut être soulevé de distal en proximal, en commençantpar cliver l’îlot cutané du plan sous-jacent et en faisant attention de ne pasabîmer le péritendon de l’extenseur qui devra, dans la plupart des cas, rece-voir une greffe cutanée. La palette cutanée est alors complètement soulevéeavec son pédicule constitué d’une bandelette de tissu sous-cutané contenantl’artère, les veines superficielles et les rameaux sensitifs du nerf radial destinésà l’innervation de la face dorsale de l’index. Le fascia est emporté pour faci-liter la dissection et donner plus de stabilité au pédicule. Comme pour lelambeau précédent, il n’est pas nécessaire de rechercher le pédicule vasculaire.Au contraire, nous conseillons de prélever le tout « en bloc » jusqu’à l’émer-gence de l’artère nourricière du lambeau. Elle doit être identifiée à son émer-gence de l’artère radiale, à la base du premier espace intermétacarpien. Cecireprésente le point le plus délicat de la dissection, car toute blessure, dissec-tion inappropriée ou tension au niveau de l’origine de cette artère, risque deprovoquer la nécrose du lambeau. Le « cerf-volant » ainsi prélevé est tunne-lisé pour recouvrir la perte de substance.

Fiabilité vasculaire (moyenne)

La face dorsale du premier espace intermétacarpien est principalement vas-cularisée par deux artères provenant de l’artère radiale à l’endroit où elle plongeentre la base du premier et du deuxième métacarpiens pour former l’arcadepalmaire profonde. De ces deux artères, l’une est superficielle au fascia (et c’estl’artère du lambeau cutané), l’autre est profonde et longe le corps du deuxièmemétacarpien (fig. 10). Ces artères ont un calibre variable et inversement pro-portionnel l’une à l’autre. Toute dissection ayant pour but de voir l’artère,risque de la blesser quand elle est trop fine. Comme le lambeau précédent,le lambeau cerf-volant doit être considéré comme un pseudo-îlot à partir dumoment où le prélèvement est fait « à l’aveugle » jusqu’à l’émergence de sonpédicule. Par ailleurs, nous avons constaté des souffrances de la palette cutanéedans certains de nos cas pour lesquels nous avons poussé le prélèvement au

Lambeaux du pouce 131

a b

Fig. 10a, b – a) Disposition des artères du premier espace intermétacarpien dorsal ; en bas,avec le repère blanc, l’artère superficielle du lambeau cutané, en haut l’artère profonde qui longele deuxième métacarpien sous la fascia ; b) Grossissement microscopique du point d’originedes deux artères à partir de l’artère radiale (point délicat de la dissection).

*

niveau de la face dorsale de la phalange proximale de l’index. Nousconseillons de prélever le lambeau un peu plus proximal et plutôt sur le côtédorsoradial pour éviter ces inconvénients. Ce lambeau a donc du mal à êtretout à fait fiable, s’il est destiné à atteindre les régions apicales du pouce.

Récupération sensitive (décevante)

Comme pour le lambeau dorso-ulnaire, la récupération sensitive du lambeaucerf-volant est médiocre. Si l’on maintient la continuité des branches origi-naires provenant du nerf radial, l’intégration corticale est difficile ; si l’ondénerve le lambeau, la récupération n’est que partielle et dépend du tissuavoisinant, comme pour un lambeau « cross-finger ». Si enfin, on procède audébranchement-rebranchement du nerf du lambeau avec l’un des nerfs digi-taux palmaires, la récupération n’est que très partielle et similaire à celleobtenue, encore une fois, avec un lambeau « cross-finger » et dépassant diffi-cilement la qualité d’une sensibilité de protection. Nous tenons toutefois àsouligner que, pour ce qui concerne la récupération sensitive, nous avonsobtenu des différences substantielles avec d’autres techniques plus lourdes etdifficiles, telles que le lambeau en îlot hétérodigital ou le lambeau libre depulpe d’orteil. Paradoxalement, au niveau du pouce qui est le doigt le plusimportant, une sensibilité diminuée permet de retrouver un usage correct dudoigt et il nous semble qu’une récupération partielle soit mieux tolérée qu’unesensibilité croisée.

Références

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Bone Joint Surg 46: 817-258. Tranquilli-Leali E (1935) Ricostruzione dell’apice delle falangiungueali mediante autoplas-

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132 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeaux avec dissection pédiculairedes doigts longs

T. Dréano, P. Siret

Les pédicules vasculaires des doigts longs étant représentés par les deux artèresdigitales palmaires propres (dites « collatérales »), il est théoriquement possiblede lever un lambeau sur l’un ou l’autre des pédicules, voire les deux. Néan-moins, nous déconseillons les lambeaux d’avancement bipédiculés au niveaudes doigts longs, car la peau dorsale distale est vascularisée par des branchesdorsales issues de ces mêmes artères collatérales ; le sacrifice obligé de cesbranches, pour obtenir l’avancement souhaité, peut entraîner une nécrose dela peau dorsale. Les lambeaux à dissection pédiculaire des doigts longs serontdonc des lambeaux unipédiculés sur ces artères collatérales. Ils ont des carac-téristiques communes :

– il s’agit de lambeaux en îlot vasculaire ou plus souvent neurovasculaires(donc sensibles) ;

– ils nécessitent l’intégrité des deux artères collatérales : il faut prendre gardeà une séquelle traumatique ou à des antécédents de chirurgie au niveau dudoigt concerné, et réaliser un test d’Allen digital préopératoire ;

– la dissection du pédicule vasculaire est toujours réalisée au large, pourconserver les veinules assurant le retour veineux. Il faut, dans la réalisation deces lambeaux, s’aider de moyens grossissants, et réaliser une hémostase soi-gneuse ;

– le site donneur est soit laissé en cicatrisation dirigée, soit greffé en peauépaisse ;

– tous ces lambeaux ont un risque postopératoire d’engorgement veineuxqui régresse en quelques jours ;

– ils peuvent être levés à flux antérograde (forme la plus fréquente) ou àflux rétrograde.

Lambeaux à flux antérograde homodigital

Bases anatomiques

Le prélèvement de ces lambeaux est basé sur l’anatomie de l’artère collatérale.Le prélèvement est conseillé du côté ulnaire pour les deuxième et troisièmerayons, et côté radial pour les quatrième et cinquième rayons. Ainsi laisse-t-on intacte l’hémi-pulpe dominante du doigt. On évite aussi d’être confrontés

134 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

à des variations anatomiques (artère de petit calibre, voire inexistante, auniveau de l’artère collatérale radiale de l’index et ulnaire du cinquième rayon).

Dessin de la forme typique

Nous prendrons comme exemple le lambeau de Venkataswami-Subrama-nian (1), (ou lambeau VSS) deuxième manière (avec dissection en îlot) (2).Il s’agit d’un lambeau pulpolatéral, triangulaire à base distale. Le sommet estsitué sur la projection du pédicule vasculonerveux, en regard ou en amont dupli de l’interphalangienne distale (fig. 1).

Technique de levée de la forme typique

Le lambeau est levé de distal en proximal, en utilisant une voie d’abord soiten hémi-Bruner, soit plutôt une voie d’abord médiolatérale. La dissection dupédicule vasculaire est réalisée au large, en conservant l’ambiance graisseusepéripédiculaire. Elle peut remonter proximalement jusqu’au niveau commis-sural (fig. 2). L’avancement du lambeau est obtenu par l’élasticité du pédicule,sa médialisation, et surtout la mise en flexion de l’IPP. En libérant jusqu’à lapaume, on peut gagner en longueur au niveau du pédicule. L’étendue de ladissection dépend de l’avancement désiré (figs. 3, 4). L’extension de la dis-section jusque dans la paume permet aussi, en positionnant la métacarpo-pha-

Fig. 1 – Dessin cutané du lambeau VSS. Fig. 2 – Levée du lambeau VSS.

Fig. 3 – Positionnement du lambeau VSS(notez le flessum IPP).

langienne en flexion, de diminuer le flessumIPP. L’avancement obtenu au niveau dulambeau est d’environ 10-15 mm.

Variantes

Il existe des variations au niveau du dessin dulambeau. Ces variations du dessin permettentde répondre aux problèmes de couverture depertes de substance plus étendues :

– le lambeau peut être pulpaire, avec untracé le plus simple possible, rectangulaire,tracé qui dépend en fait du défect. Le tracéde ce lambeau peut dépasser la lignemédiane sur la pulpe. Il porte alors le nom

de lambeau pulpaire en îlot homodactyle (figs. 5, 6) ;– le lambeau peut être dorsolatéral, avec une zone de prélèvement de l’îlot

cutané qui déborde largement la face dorsale. Il s’agit du lambeau de Joshi (3)(fig. 7). La peau dorsale est vascularisée par les branches artériolaires prove-nant de l’artère collatérale.

Soins postopératoires

Ces lambeaux présentent un risque d’engorgement veineux qui régresse enquelques jours. Il existe une hypersensibilité au niveau de la zone de l’îlot trans-posé, accessible aux techniques de désensitivation.

Le problème essentiel de ce type de lambeau est le flessum IPP. Nousconseillons la mise en place d’une orthèse dynamique d’extension à partir duquinzième jour post opératoire, une fois l’autonomisation du lambeau obtenue.

Lambeaux avec dissection pédiculaire des doigts longs 135

Fig. 4 – Lambeau VSS en place.

Fig. 5a-c – Lambeau pulpaire en îlot homo-dactyle (dessin). a) Dessin du lambeau ;b) Schéma de la levée du lambeau; c) Dissectionanatomique : levée du lambeau.

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136 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

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Fig. 6a-g – Lambeau pulpaire en îlot homo-dactyle. a) Perte de substance pulpaire distaletransversale exposant le plan osseux ; b) HémiBruner, exposition du pédicule neuro-vascu-laire ; c) Levée de la palette cutanée, exposantl’insertion du fléchisseur profond ; d) Lam-beau en place après avancement. Vue latérale ;e) Lambeau en place après avancement. Vuedorsale ; f, g) Résultat à trois semaines.(Collection D. Le Nen.)

La mobilisation en flexion peut être (et doit être si possible) débutée enactivo-passif dès le premier jour postopératoire.

La greffe au niveau du site donneur, si elle est choisie, nécessite les soinshabituels des greffes cutanées.

Indications

Ces lambeaux sont utilisés pour couvrir les défects cutanés pulpaires :– l’utilisation la plus simple est la plastie d’échange pulpaire, indiquée dans

les pertes de substance de la pulpe dominante (fig. 8) ;

Lambeaux avec dissection pédiculaire des doigts longs 137

Fig. 7a, b – Lambeau de Joshi. a) Schéma ;b) Dissection anatomique.

a

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Fig. 8a-d – Plastie d’échange pulpaire.a) Schéma du lambeau ; b) Amputation pul-paire distale oblique ; c) Levée du lambeau ;d) Lambeau en place. (Figs b, c, d :Collection D. Le Nen.)

a

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– l’indication idéale pour le lambeau VSS est le sifflet latéral ;– le lambeau pulpaire permet la couverture de défects plus importants ;– le lambeau de Joshi permet une rotation de la peau dorsale qui se retrouve

alors en position pulpaire. Il permet la couverture de défects plus grands, maisavec une peau moins sensible, moins épaisse et moins adaptée à la pulpe, alorsque la peau transposée dans les deux autres types de lambeaux est de meilleurequalité aux plans mécanique et sensitif.

Ces lambeaux sont contre-indiqués dans les pertes de substance pulpairetotales ou subtotales, et nécessitent, nous l’avons déjà vu, l’intégrité des deuxaxes artériels.

Avantages

Ces lambeaux sont fiables. Ils sont prélevés au niveau du doigt traumatisé.Les qualités mécaniques pulpaires sont préservées.

Inconvénients

Ces lambeaux nécessitent la mise en flexion de l’IPP pour obtenir un avan-cement satisfaisant, avec en contrepartie le risque de raideur. Leur taille etleur avancement reste limités. Si l’on choisit une voie d’abord médiolatérale,celle-ci doit rester parfaitement latérale car la cicatrice a une forte tendanceà la rétraction et à la médialisation, pérennisant ainsi le flessum IPP.

Lambeaux à flux antérograde hétérodigital

Ces lambeaux sont utilisés pour la couverture de défects pulpaires au niveaudu pouce. Ce sont des lambeaux sensibles. Pour pouvoir mobiliser le lambeauen îlot jusqu’à la colonne du pouce, il faut disséquer le pédicule vasculonerveuxjusqu’à l’arcade palmaire superficielle. Il y a nécessité de ligaturer l’artère digi-tale palmaire propre du doigt adjacent, qui naît de la même artère digitalepalmaire commune. Il faut aussi réaliser une dissection intraneurale. La lon-gueur pédiculaire utile est de 8 à 10 cm. Le transfert peut être ensuite tun-nellisé ou transféré à ciel ouvert vers la pulpe du pouce. Nous préférons letransfert à ciel ouvert, car il existe toujours un œdème au niveau du pédi-cule ; il peut aussi exister une compression au niveau d’un tunnel, surtout surune peau palmaire peu extensible.

Les deux types de lambeau antérograde hétérodactyle les plus utilisés sontle lambeau pulpaire et le lambeau dorsal de la phalange moyenne (2, 4).

Lambeau pulpaire ou lambeau de Littler (fig. 9)

La forme typique utilise l’hémi-pulpe ulnaire du quatrième doigt (5). La limitelatérale du lambeau est la ligne médiane. Il est possible de s’étendre médiale-ment, au-delà de la ligne médiolatérale, recrutant ainsi le territoire des branches

138 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeaux avec dissection pédiculaire des doigts longs 139

Fig. 9a-h – Lambeau de Littler. a) Dissection anatomique ; b-d) Dissection et levée du lambeaupulpaire sur son pédicule ; e) Préparation d’un tunnel sous-cutané ; f) Greffe de peau totale surle site donneur ; g) Résultat à trois jours ; h) Résultat chez un autre patient à un mois. (Figs b-h :Collection D. Le Nen.)

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terminales à destinée dorsale issu du nerf digital palmaire propre.Proximalement, le lambeau peut être étendu à la demande sur la face médialede la phalange moyenne. Distalement, ce lambeau ménagera quelques milli-mètres de pulpe distale, de manière à limiter la morbidité du prélèvement età améliorer les conditions de prise de la greffe de peau.

Nous préférons, pour réaliser ce type de lambeau, une voie d’abord de typehémi-Bruner digitale, puis un Bruner standard palmaire. Le lambeau est levéde distal en proximal. La variante la plus fréquente consiste à prélever l’hémi-pulpe ulnaire du majeur. Il faut ligaturer l’artère digitale palmaire propre radialedu 5e doigt.

L’avantage de ce lambeau est qu’il apporte une peau palmaire, donc dequalité satisfaisante.

Les inconvénients sont la morbidité au niveau du site donneur, le problèmed’intégration corticale, et les douleurs au froid qui sont fréquentes, voire quasiconstantes.

Lambeau dorsal de la phalange moyenne (lambeau de Büchler) (fig. 10)

Le lambeau est prélevé au niveau de la face dorsale de la phalange moyennedu médius le plus souvent, plus rarement de l’annulaire (6). La vascularisa-tion est assurée par la branche dorsale de l’artère collatérale (en général, l’ar-tère collatérale radiale). Le drainage veineux est assuré par les veines comi-tantes, mais l’on peut réaliser une anastomose microchirurgicale des veinesdorsales au niveau du site receveur. L’innervation dépend des rameaux dorsauxdes nerfs collatéraux.

Ce lambeau emporte toute la face dorsale de la phalange moyenne, res-pectant l’appareil extenseur. La branche dorsale du nerf collatéral est dissé-quée, clivée avec dissection intraneurale, puis sectionnée et rebranchée auniveau du site receveur.

Ce lambeau est utilisé pour les pertes de substances du pouce. Il entraînemoins de morbidité au niveau du site donneur. Il apporte une peau dorsalede qualité mécanique moins bonne qu’une peau palmaire. Il nécessite desgestes de microchirurgie, avec une suture de la branche dorsale du nerf col-latéral et d’une veine au niveau du site receveur.

140 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 10a, b – Lambeau de Büchler. a) Schémadu lambeau ; b) Dessin du lambeau sur unepréparation anatomique.

b

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Au total, ces deux lambeaux sont indiqués dans les défects étendus dupouce, quand il existe une contre-indication à la réalisation d’un transfertprélevé aux dépens du gros orteil. En pratique, si le premier est encore utilisé,le second l’est rarement.

Lambeaux à flux rétrograde

Nous décrivons le lambeau homodigital unipédiculé à flux rétrograde ou àpédicule distal.

Ce lambeau a été imaginé par plusieurs auteurs dans sa version non sen-sible (7). Brunelli proposa secondairement la suture du nerf collatéral (8).

Bases anatomiques

Ce lambeau est vascularisé en flux rétrograde par une artère digitale palmairepropre (dite « collatérale »). Entre les deux artères collatérales, il existe troisarcades anastomotiques constantes décrites par Brooks : une anastomose proxi-male au niveau de la plaque palmaire de l’IPP ; une anastomose moyenne auniveau de la plaque palmaire de l’IPD ; et enfin une anastomose distale auniveau de la pulpe. Ces anastomoses suffisent à assurer la vascularisation d’undoigt par une seule artère collatérale (fig. 11). C’est l’anastomose moyennequi assure la vascularisation de ces lambeaux a contrario (fig. 12).

Lambeaux avec dissection pédiculaire des doigts longs 141

Fig. 11 – Réseau anastomotique antérieur. Fig. 12 – Anastomose moyenne des artèrescollatérales (flèche).

Dessin du lambeau

Le lambeau est prélevé au niveau de la face palmaire de la phalange proxi-male, de préférence du côté du doigt correspondant au pédicule non domi-nant. Le dessin prend la forme d’un rectangle qui peut s’étendre jusqu’au bordlatéral de l’IPP et qui mesure en moyenne 3 cm sur 2 cm (fig. 13).

Technique de prélèvement

On réalise une contre-incision proximale à la zone de prélèvement du lambeaupour contrôler le pédicule (fig. 14). Dans la forme artérielle pure du lambeau,l’artère est ligaturée à ce niveau, alors que le nerf est laissé intact. En aval, on

réalise soit une voie d’abord en hémi Bruner, soit une voie d’abord médio-laté-rale. La dissection va de proximal à distal. Dans la forme artérielle pure, on dis-sèque au ras du nerf collatéral. La dissection va en profondeur jusqu’à la gainedes tendons fléchisseurs en avant, jusqu’au plan des extenseurs en arrière, en res-pectant le péritendon. Cette dissection s’arrête au milieu de la phalange moyennepour ménager l’arcade anastomotique de l’interphalangienne distale (fig. 15).

142 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

b

Fig. 13a, b – Lambeau a contrario. a) Sché-mas du lambeau ; b) Dessin du lambeau surune préparation anatomique.

Fig. 14 – Lambeau a contrario. Repérage dupédicule.

Fig. 15a-c – Lambeau a contrario. Dissection.a) Schéma. Levée du lambeau ; b) Levée dulambeau sur une préparation anatomique ;c) Lambeau en place sur une préparation ana-tomique.

a

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a

Variantes

Ce lambeau peut être utilisé danssa forme resensibilisée. La tech-nique de prélèvement est plussimple, car il n’y a pas à disséquerle nerf qui est pris avec l’ensembledu pédicule, avec une dissectiontoujours réalisée au large de cepédicule. Le nerf ainsi prélevé estensuite suturé sous microscope aunerf collatéral correspondant à la perte de substance, pour donner un lambeausensible. Dans cette forme, il faut disséquer le nerf proximalement par unevoie d’abord en hémi-Bruner, puis en Bruner, pour recouper le nerf collatéralaprès dissection intraneurale dans la paume, et réaliser un enfouissement intra-musculaire pour éviter tout névrome (fig. 16).

Soins postopératoires

La zone donneuse est couverte par une greffe de peau totale, qui nécessite lessoins habituels. On déconseille la mise en place d’un bourdonnet, car il existedes risques de compression. Ce lambeau présente une stase veineuse postopéra-toire habituelle, qui régresse en quelques jours car le drainage veineux de celambeau est faible.

Indications

Il peut être proposé dans les larges pertes de substance pulpaire des doigtslongs, de 2 cm sur 2,5 cm, ou 2,5 cm sur 3 cm. On l’utilise alors dans sa formeresensibilisée.

Il peut aussi être utilisé pour des pertes de substance dorsale des doigts,depuis la phalange moyenne jusqu’à la base de l’ongle. On l’utilise alors pré-férentiellement dans sa forme artérielle pure.

Avantages

Ce lambeau permet de traiter les pertes de substance pulpaires étendues enun seul temps, avec un bon résultat fonctionnel, car il autorise une mobili-sation immédiate. Le résultat esthétique est satisfaisant, car la peau est soupleet bien vascularisée. Il permet au plan sensitif un résultat utile, avec une récu-pération satisfaisante de la sensibilité dans sa forme resensibilisée. Au planmécanique, le tissu palmaire prélevé au niveau de la phalange proximale estun compromis acceptable, il est moins bon que la peau pulpaire, mais meilleurque la peau dorsale.

Lambeaux avec dissection pédiculaire des doigts longs 143

Fig. 16 – Lambeau a contrario. Forme resensibi-lisée. Flèche : nerf collatéral en attente de suture.

Ce lambeau, par rapport au lambeau antérograde, a un arc de rotation plusimportant et couvre des pertes de substance plus étendues, car on n’est paslimité par le problème de l’avancement. Il n’y a pas de nécessité, pour avancerle lambeau, de mettre en flexion l’IPP.

Inconvénients

Ce lambeau sacrifie une artère collatérale avec des risques d’intolérance aufroid. Il semble donc justifié pour la reconstruction de défects pulpaires impor-tants. En revanche, il est plus discutable pour couvrir une perte de substancedorsale.

Un autre inconvénient est la section d’un nerf collatéral sensitif dans laforme resensibilisée, avec un risque potentiel de névrome au niveau de la zonedonneuse, et une perte d’une partie de la sensibilité digitale.

Au total, ce lambeau peut être proposé dans les pertes de substance éten-dues et symétriques, dépassant les capacités des lambeaux d’avancement directsur un doigt avec deux artères collatérales, et avec une intégrité de l’arcademoyenne. La peau palmaire transposée est un bon compromis au plan sensi-tif, surtout dans sa forme resensibilisée, et au plan mécanique.

Lambeau de Rose

Ce lambeau peut être utilisé en homodigital ou en hétérodigital, à flux directou a contrario (9). Il exploite la participation de l’artère collatérale à la vas-cularisation dorsale du doigt. Le pédicule est constitué de la seule artère col-latérale.

Dessin du lambeau

Le lambeau est losangique, à cheval sur le pédicule collatéral, formé pour unemoitié de peau dorsale et pour l’autre moitié de peau palmaire. Il s’agit d’unlambeau artériel pur, n’incluant pas le nerf collatéral. Ce lambeau a un arc derotation étendu. La dissection est possible indifféremment d’un côté ou del’autre du doigt.

Inconvénients

Ce lambeau sacrifie une artère collatérale digitale et ne doit être utilisé quelorsqu’aucune autre solution n’est possible.

144 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Conclusion

Nous utilisons de manière préférentielle les lambeaux à dissection pédiculairedes doigts longs dans leur forme homodigitale, à flux antérograde et rétro-grade.

Il faut toujours, dans le dessin du lambeau, surdimensionner la taille de lapalette par rapport à la perte de substance, et s’aider d’un patron taillé dansune compresse.

Dans les pertes de substance transversales ou à biseau dorsal, le lambeaupulpaire en îlot est parfaitement indiqué. Il reste possible si le biseau palmaireest limité. Dans les biseaux obliques, il demeure possible, mais le côté de laperte de substance conditionne le choix du pédicule.

Lorsque la perte de substance intéresse toute la pulpe, le lambeau a contrarioapporte une solution fiable.

Remerciements. Nous remercions Monsieur Guy Tudy pour ses croquisdes lambeaux.

Références

1. Venkataswami DR, Subramanian N (1980) Oblique triangular flap: a new method of repairfor oblique amputations of the fingertip and thumb. Plast Reconstr Surg 66: 296-300

2. Merle M, Dautel G (1992) La main traumatique. Tome 1 : L’urgence. Masson, Paris3. Joshi BB (1974) A dorsal island flap for restoration of sensation after avulsion injury of

finger-tip pulp. Plat Reconstr Surg 54: 175-824. Gilbert A, Masquelet AC, Hentz RV (1990) Les lambeaux artériels pédiculés du membre

supérieur. Expansion Scientifique Française, Paris5. Littler JW (1953) The neurovascular pedicled method of digital transposition for recons-

truction of the hand. Plast Reconstr Surg 12: 303-196. Büchler U, Frey HP (1990) Lambeau dorsal de la phalange moyenne. In: Les lambeaux

artériels pédiculés du membre supérieur. Gilbert A, Masquelet AC, Hentz RV. ExpansionScientifique Française, Paris, p 116-20

7. Lai CS, Lin SD, Yang CC (1989) The reverse digital artery flap for fingertip reconstruc-tion. Ann Plast Surg 22: 495-500

8. Brunelli F, Mathoulin C (1990) Lambeaux digitaux en îlot. In: Les lambeaux artériels pédi-culés du membre supérieur. Gilbert A, Masquelet AC, Hentz RV (eds). ExpansionScientifique Française, Paris, p 132-8

9. Rose E (1990) Lambeaux digitaux artérialisés en îlot en chirurgie réparatrice de la main.In: Les lambeaux artériels pédiculés du membre supérieur. Gilbert A, Masquelet AC, HentzRV. Expansion Scientifique Française, Paris, p 110-5

Lambeaux avec dissection pédiculaire des doigts longs 145

Lambeaux cutanés latérodigitaux péninsulaires

V. Pinsolle

Bases anatomiques

Ce lambeau suit l’axe latéral du doigt, mais il ne s’agit pas d’un lambeau« axial ». Sa vascularisation est assurée par les réseaux dermiques et sous-cutanés.

Dessin de la forme typique (fig. 1)

Il faut prélever la peau de la face latérale du doigt avec une charnière proxi-male. Pour conserver une bonne fiabilité au lambeau, il convient de placer salimite distale à la moitié de la phalange moyenne.

Technique de levée de la forme typique (1)

• Inciser les trois côtés du lambeau.• Décoller sa face profonde dans le plan sous-cutané, sans léser le péritendon

et en laissant les veines dans le lambeau, jusqu’au ligament de Cleland quiprotège le pédicule vasculonerveux digital palmaire propre (collatéral).

• Inciser le ligament de Cleland et finir de lever le lambeau en laissant lepédicule collatéral en place.

• Mettre en place le lambeau par rotation-translation sur la perte de sub-stance à couvrir.

• Greffer le site donneur en peau épaisse en brisant, si besoin, la suturepalmaire de la greffe pour éviter une bride (fig. 1).

Fig. 1 – Dessin du lambeau laté-rodigital dans sa forme typique.Comme l’incision palmaire dulambeau croise le pli de flexionde l’articulation interphalan-gienne proximale, il est néces-saire de briser la suture anté-rieure de la greffe (2).

148 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Indications

Le lambeau latérodigital est utile pour traiter les brides cicatricielles com-missurales. En traumatologie, il sert essentiellement pour les petites pertes desubstance de la face palmaire, mais aussi dorsale, de la phalange proximaledes doigts longs, jusqu’à l’articulation interphalangienne proximale.

Avantages

Les avantages sont la simplicité et rapidité de dissection.

Inconvénients

Couverture assez modeste du fait de la faible largeur du lambeau (10-15 mmmaximum selon les patients), convenant essentiellement pour des pertes desubstance longitudinales. En traumatologie, il faut s’assurer que la base du

Fig. 4 – Nécrose précoce de l’un des lam-beaux, certainement à cause de la contusioninitiale proche de la charnière du lambeau.

Fig. 5 – Résultat à huit mois après réalisationd’un lambeau intermétacarpien de rattrapage.

Fig. 2 – Pertes de substance de la face dorsalede la phalange proximale et de l’IPP des 3e,4e et 5e rayons.

Fig. 3 – Après parage, trois lambeaux latéro-digitaux permettent de couvrir les pertes desubstance.

lambeau qui va le nourrir n’a pas été lésée, car elle est en général proche dela perte de substance (figs. 2-6).

Références

1. Bunnell S (1948) Skin and flexion contractures. In: Bunnell S (ed) Surgery of the Hand.2nd ed. JB Lippincot, Philadelphia, p 152-3

2. Colson P (1984) Le lambeau latérodigital. In: Tubiana R. Traité de chirurgie de la main.Masson, Paris, p 261

Lambeaux cutanés latérodigitaux péninsulaires 149

Fig. 6a, b – Résultat fonctionnel à dix-huit mois après greffes tendineuses.

a b

Lambeau cutané « Hueston dorsal »

V. Pinsolle

Bases anatomiques

Il s’agit d’un lambeau cutané rectangulaire de rotation-avancement « au hasard »de la face dorsale de la phalange proximale ou de la phalange moyenne desdoigts longs. Sa vascularisation est assurée par les réseaux dermiques et sous-cutanés au niveau de la charnière du lambeau. Il est connu sous le nom delambeau de « Hueston dorsal », même si le lambeau décrit par Hueston étaitpalmaire (1).

Dessin de la forme typique (fig. 1)

Le dessin est rectangulaire comprenant toute la phalange, sauf une charnièrelatérale. Une petite contre-incision de quelques millimètres sur cette charnièreaméliore la mobilisation du lambeau (« back cut »).

Technique de levée de la forme typique(perte de substance de l’IPP)

– Inciser les trois côtés du lambeau.– Décoller le lambeau de pleine épaisseur en respectant le péritendon.

Fig. 1 – Le lambeau est levé etretourné. Le péritendon est par-faitement visible et respecté.(Collection D. Le Nen.)

152 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

– La perte de substance triangulaire à la base de la phalange est laissée encicatrisation dirigée ou greffée en peau totale.

– Si l’avancement est insuffisant, recommencer l’opération sur la phalangemoyenne en changeant le côté de l’incision (fig. 2).

Variantes

Yii et Elliot ont proposé de confectionner un VY au niveau du bord proximaldu lambeau (2). Il faut le tailler sur la face dorsale de l’articulation métacarpo-phalangienne, et non aux dépens du lambeau au niveau de la phalange proxi-male. Cet artifice est très utile si l’on n’a pas pu épargner le péritendon dusystème extenseur, par exemple en confectionnant une plastie de retourne-

a b

Fig. 2a, b – a) Dessin de deux lambeaux de Hueston dorsaux pour couvrir la face dorsale del’articulation interphalangienne proximale ; b) Les lambeaux en place. Les deux triangles peuventêtre greffés ou laissés en cicatrisation dirigée.

Fig. 3a-c – a) Perte de substance de la facedorsale de l’IPP ; b) Levée et avancement d’unlambeau de Hueston prélevé à la face dorsalede la phalange proximale. Perte de substancelaissée en cicatrisation dirigée ; c) Rééducationen flexion avant la fin de la cicatrisation.(Collection D. Le Nen.)

a

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b

ment pour reconstruire la bandelette médiane au niveau de l’IPP. L’avantagede cet artifice est de permettre la fermeture du site donneur.

Soins postopératoires

Il faut immobiliser l’IPP (ou l’IPD) en extension le temps de la cicatrisation(10 à 15 jours). En revanche, il ne faut pas attendre la cicatrisation de la zonedonneuse pour débuter la mobilisation.

Indications

Les indications sont les suivantes : face dorsale des doigts, exposition des ten-dons extenseurs, de l’articulation IPP (lambeau d’avancement sur la phalangeproximale, éventuellement associé à un lambeau de recul sur la phalangemoyenne) (figs. 3, 4) ou de l’IPD (lambeau d’avancement sur la phalangemoyenne) (fig. 5).

Avantages

Les avantages sont la simplicité, la fiabilité et le peu de séquelles.

Lambeau cutané «Hueston dorsal » 153

Fig. 4a-d – a) Dessin d’un lambeau avec V proximal ; b) Levée du lambeau ; c) Fermeturecomplète du site donneur avec Y proximal ; d) Résultat à distance en flexion complète.(Collection D. Le Nen.)

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Inconvénients

Le gain de peau est faible, au maximum 10 mm par lambeau. Ne pas hésiterà utiliser deux lambeaux à charnières opposées pour l’IPP, car une perte desubstance du soufflet nécessite beaucoup de peau pour ne pas avoir de limi-tation à la flexion.

Références

1. Hueston J (1966) Local flap repair of fingertip injuries. Plast Reconstr Surg 37: 349-502. Yii NW, Elliot D (1994) Dorsal V-Y advancement flaps in digital reconstruction. J Hand

Surg [Br] 19: 91-7

154 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

a b

Fig. 5a, b – a) Perte de substance de la face dorsale de l’IPD d’un doigt long ; b) Prélèvementd’un lambeau de Hueston dorsal de rotation-avancement sur la face dorsale de la phalangemoyenne.

Lambeaux cross-finger

A. Gay, D. Casanova

Le lambeau cross-finger est un lambeau régional au hasard, pédiculé, prélevésur le doigt adjacent à la perte de substance. Décrit par Cronin en 1951 (1)pour la couverture des pertes de substance palmaire, à partir d’un lambeauprélevé sur la face dorsale de la phalange moyenne des doigts longs, ce lambeauprésente aujourd’hui de nombreuses variantes. Dans tous les cas, le prélève-ment de ces lambeaux implique la mise en place d’une greffe au niveau dusite donneur. Les risques de rétraction et d’adhérences de cette greffe à l’ap-pareil extenseur ne sont pas négligeables et nous font préférer, dans les mêmesindications, les lambeaux prélevés au dos de la main, lorsque ceux-ci sont réali-sables (2). Les lambeaux cross-finger ne nécessitant aucune dissection du doigtlésé, ils restent très utiles pour la couverture de doigts replantés ou revascu-larisés (3).

Technique de prélèvement

Choix du site donneur

Le choix du doigt donneur est fonction de la topographie de la perte de sub-stance. Il peut être guidé par une simulation de positionnement. Dans lamesure du possible, on essaie d’éviter un prélèvement au niveau de l’index,pour préserver la pince pouce-index pendant la durée de l’immobilisation. Lelambeau est dessiné à la face dorsale de la phalange moyenne. Idéalement, ilfaut prélever toute l’unité fonctionnelle, située entre les plis de flexion IPP etIPD, même s’il est possible de prélever un lambeau de taille adaptée à la pertede substance. L’intérêt de cette approche est d’assurer la bonne vascularisa-tion du lambeau, mais également d’obtenir un résultat esthétique satisfaisantau niveau du site donneur (4) (fig. 1).

Levée du lambeau

Le décollement se fait au ras du péritendon de l’extenseur qu’il faut préserver(fig. 1c). La rotation sur la charnière latérale du doigt permet facilement leretournement du lambeau pour s’adapter à la perte de substance palmaire dudoigt voisin. La suture cutanée doit être soigneuse, pour obtenir un bon affron-tement des berges de la plaie et favoriser la revascularisation du lambeau parces berges (fig. 1d). La perte de substance du dos du doigt est immédiate-

156 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 1a-e – Plaie de la face antérieure del’index avec perte de substance cutanée.a) Réparation d’une plaie des tendons flé-chisseurs, associée à la perte de substancecutanée ; b) Décision de couverture par unlambeau cross-finger prélevé sur le troisièmedoigt. Tracé du lambeau ; c) La dissectionemporte l’ensemble du tissu sous-cutané,mais laisse le péritendon en place ; d) Lelambeau est suturé sur le site receveur ;e) Résultat à six mois sur le site donneuraprès greffe de peau mince.

a b

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ment greffée en peau mince ; dans notre expérience, la greffe de peau totalen’a pas beaucoup amélioré le résultat fonctionnel et esthétique du site donneur(fig. 1e) (2). Les doigts sont immobilisés par un pansement en syndactylie etla mobilisation des métacarpo-phalangiennes est immédiatement entreprise,pour éviter leur enraidissement. La séparation du pédicule se fait au quin-zième jour sous anesthésie locale.

Variantes techniques

Cross-finger désépidermisé retourné

Ce type de lambeau peut être proposé pour des pertes de substance dorsale (5).Il en existe deux versions :

– dans la première, l’épiderme du lambeau est excisé au bistouri jusqu’auderme, qui apparaît blanc. Le lambeau désépidermisé est ensuite levé avec unecharnière située du côté de la perte de substance cutanée. Une greffe de peauest alors placée sur les deux sites (donneur et receveur) ;

– dans la seconde (version habituelle), on dessine le même type de lambeau,mais en conservant le plan épidermique (fig. 2). Le décollement cutané est faitau bistouri, au ras de l’épiderme, en respectant le plan veineux et la graissepéritendineuse, avec une charnière opposée au défect (fig. 2b). Un lambeaudésépidermisé dont la charnière est, cette fois-ci, du côté de la perte de sub-stance, est alors prélevé, le plan de dissection profond est réalisé au contactdu péritendon (fig. 2c). Ce lambeau est alors retourné pour être appliqué surla perte de substance. Le décollement épidermique est repositionné sur le doigtdonneur, et une greffe de peau mince est posée sur le tissu adipeux vascula-risé retourné (fig. 2d).

Contrairement aux habitudes en matière de greffe de peau, celle-ci ne serapas plaquée par un bourdonnet pour ne pas compromettre la vascularisationdu lambeau. Les soins postopératoires sont identiques à ceux réalisés en casde cross-finger classique. L’utilisation de ce type de lambeau est particulière-ment intéressante dans la prise en charge des pertes de substance du lit del’ongle.

Cross-finger resensibilisé

Le rameau sensitif dorsal du doigt donneur est disséqué proximalement pourêtre ensuite suturé au nerf digital palmaire propre (collatéral). Cette techniquesemble très séduisante sur le plan théorique, mais la complexité technique sur-ajoutée par la dissection et la suture nerveuse ne nous semble pas justifiée, auvu des excellents résultats obtenus en termes de sensibilité en utilisant la tech-nique originale. Pour mémoire, Kleinert et al. retrouvent une sensibilité dis-criminatoire inférieure à 8 mm au two-point test chez 70 % de leurs patients.L’utilisation du cross-finger resensibilisé ne se justifie pour nous que lorsquece lambeau est utilisé dans la couverture des pertes de substance pulpaire du

Lambeaux cross-finger 157

158 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 2a-f – Prélèvement d’un lambeau cross-finger desépidermisé-retourné pour la couvertured’une perte de substance unguéale du majeur.a) Lésion initiale ; b) Sur le doigt adjacent,dessin d’un lambeau avec, dans un premiertemps, levée du plan épidermique, avec unecharnière opposée au défect ; c) Puis vient lalevée du lambeau désépidermisé, dont la char-nière est du côté de la perte de substance ;d) Lambeau en place ; e) Aspect dans les suites ;f) Résultat fonctionnel et cosmétique à distance.

a b

c

e

d

f

pouce, la branche sensitive dorsale de l’index est alors suturée sur le nerf col-latéral radial du pouce (6).

Lambeaux cross-finger 159

g h

Fig. 2g-h – Résultat fonctionnel et cosmétique à distance.

Trucs et astuces

– La greffe de peau sur le site donneur est beaucoup plus aisée si elleest mise en place avant de suturer le lambeau sur le site receveur.

– Pour éviter une flexion excessive des IPP en cas de lésion distale, onpeut dessiner un lambeau oblique qui facilite le positionnement des doigts.Une courte contre-incision réalisée à la partie proximale de la charnièrecutanée permet également d’obtenir un meilleur avancement du lambeau(back-cut).

– Le lambeau cross-finger peut également se révéler très utile lors desreplantations de doigt, en utilisant les veines dorsales pour réaliser unpontage veineux (7).

Conclusion

Le lambeau cross-finger permet de couvrir de manière fiable et simple d’im-portantes pertes de substance de la face palmaire ou de la face dorsale (versiondésépidermisée) des doigts. On doit néanmoins lui reprocher les deux tempsopératoires et la peau pileuse qu’il apporte (gênant sur la face palmaire du

doigt). Dans notre expérience, nous n’avons pas eu à déplorer de séquelle fonc-tionnelle au niveau du doigt donneur et les séquelles esthétiques de son pré-lèvement semblent négligeables lorsque toute la face dorsale de la phalangemoyenne a été prélevée.

Références

1. Cronin TD (1951) The cross finger flap: a new method of repair. Am J Surg 17: 419-252. Paterson P, Titley OG, Nancarrow JD (2000) Donor finger morbidity in cross-finger flaps.

Injury 31: 215-83. Foucher G, Merle M, Debry R (1982) The reversed de-epithelialized flap. Ann Chir Main

1: 355-74. Kisner WH (1979) Cross finger flaps. Am Fam Physician 19: 157-605. Pakiam IA (1978) The reversed dermis flap. Br J Plast Surg 31: 131-56. Nishikawa H, Smith PJ (1992) The recovery of sensation and function after cross-finger

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rized vein graft carrier in ring avulsion injuries. J Hand Surg [Am] 15: 155-9

160 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeau sous-dermique homodigital palmaireretourné ou lambeau Flip-Flap

P. Voche, M. Beustes-Stefanelli

Bases anatomiques (fig. 1)

En complément d’une étude initiale (1), un travail récent (2) a confirmé l’exis-tence de nombreuses branches palmaires étagées, issues de chaque artère digitalepalmaire propre (artère collatérale), au nombre moyen de dix par côté (extrêmescinq à quinze), soit une tous les 5 à 10 mm, destinées au tissu adipeux sous-der-mique palmaire, qu’elles vascularisent par l’intermédiaire d’un réseau anastomo-tique développé entre elles et avec leurs homologues controlatérales.

Dessin cutané de la forme typique

Il réalise un volet dermo-épidermique en U palmaire, levé en couverture delivre à charnière controlatérale au pédicule choisi pour le lambeau, d’une lon-gueur identique ou légèrement supérieure à celle de la perte de substance. Lelambeau sous-dermique homodactyle palmaire retourné est de nature adipeuse,de forme rectangulaire, avec trois bords libres et une charnière représentée parun pédicule collatéral digital.

Technique de levée de la forme typique (3) (figs 2-4)

Après dessin et levée du volet dermo-épidermique palmaire, le lambeau estdisséqué en commençant la libération par son bord libre, du côté opposé au

Fig. 1 – Étude anatomique montrant larichesse de la distribution vasculaire adipeusepalmaire issue d’une artère collatérale.

Zone de libérationdu pédicule

Le lambeausous-dermique

Volet dermo-épidermique

Fig. 2 – Principe technique de levée dulambeau sous-dermique homodactyle.

162 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 3a-g – Homme de 67 ans présentantune amputation distale de l’annulaire gaucheavec perte de substance dorsale en regard dela phalange moyenne restante. a) Lésion ini-tiale ; b) Levée du volet dermo-épidermiquepalmaire sur le bord ulnaire et levée du lam-beau sous-dermique homodactyle sur le pédi-cule collatéral radial ; c) Mise en place et fixa-tion du lambeau au niveau de la perte desubstance ; d) Fermeture du volet dermo-épi-dermique palmaire ; e) Mise en place de lagreffe de peau mince sur le lambeau ; f) Vuedorsale à six mois ; g) Vue palmaire à sixmois.

a b

c d

e f

g

Lambeau sous-dermique homodigital palmaire retourné ou lambeau Flip-Flap 163

a b

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e f

Fig. 4a-f – Homme de 30 ans victime d’une brûlure électrique de la main. a) À la face dorsaledes IPP de l’index et du majeur droits, exposition articulaire et perte de substance de la ban-delette centrale du tendon extenseur. Vue de la perte de substance avec préparation de la recons-truction tendineuse par plastie de retournement selon Snow ; b) Abord palmaire et levée dulambeau sous-dermique sur l’index ; c) Mise en place des lambeaux après brochages obliquesd’arthrorise temporaire de protection des reconstructions tendineuses ; d) Greffe de peau semi-épaisse ; e) Vue dorsale à six mois ; f) Vue palmaire de l’index à six mois.

pédicule choisi (fig. 2), soit au ras du pédicule controlatéral. Le lambeau estisolé proximalement et distalement par section aux ciseaux fins, en veillant àréaliser une hémostase minutieuse, puis en profondeur au-dessus de la gainedes tendons fléchisseurs dans un plan de dissection qui est avasculaire. Cettedissection est poursuivie jusqu’à isolement du lambeau sous-dermique sur sonpédicule. Pour permettre la transposition du lambeau par rotation axiale dupédicule associée à une dorsalisation du tissu sous-dermique, le pédicule (nerf,artère et tissu cellulaire périvasculaire pour préserver le retour veineux) estlibéré dorsalement, latéralement et médialement (fig. 2). Pour minimiser lerisque de torsion ou de coudure, la dissection est complétée par une libéra-

tion circonférentielle du pédicule en amont et en aval du lambeau sur un cen-timètre. Un tunnel sous-cutané est réalisé au niveau de la peau dorsolatéraleséparant la perte de substance du pédicule du lambeau. Le lambeau peut alorsêtre transposé à la face dorsale et ses berges libres sont suturées aux bergescorrespondantes de la perte de substance (fig. 3c). L’hémostase palmaire estcomplétée si besoin, puis le site donneur est fermé par repose et suture duvolet dermo-épidermique (fig. 3d). Le lambeau est recouvert par une greffe depeau semi-épaisse de manière immédiate (fig. 3e) ou différée.

Variante théorique (3) (non réalisée cliniquement)

Le pédicule collatéral digital peut être sectionné distalement ou proximale-ment au lambeau, pour réaliser un lambeau graisseux en îlot à grand arc derotation.

164 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Trucs et astuces

– Dessiner un lambeau d’une largeur minimale de 2 cm pour garantirla fiabilité vasculaire par inclusion systématique minimum d’une à deuxbranches à destinée palmaire, issues de l’artère collatérale.

– Bien libérer le pédicule vasculaire proximalement et distalement dulambeau pour éviter tout phénomène de torsion sur son axe.

– Disséquer et manipuler délicatement le lambeau et le suturer sanstension pour prévenir toute déchirure.

– Choisir comme pédicule du lambeau celui situé le plus proche de laperte de substance pour atteindre aisément la berge opposée.

– Ne pas greffer immédiatement le lambeau mais, soit le laisser en cica-trisation dirigée s’il est de petite taille, soit greffer en peau semi-épaisse àJ8 après apparition d’un tissu de bourgeonnement.

Soins postopératoires

Les soins opératoires sont les suivants :– pansement gras, compresses humides ;– pas d’immobilisation nécessaire ;– main surélevée de principe ;– contrôle à 48 h ou 72 h.

Indications

Les pertes de substance dorsale des doigts longs et du pouce avec face pal-maire intacte, d’une longueur de 2 cm minimum, situées de l’interligne méta-carpophalangien jusqu’à l’éponychium et ne dépassant pas les deux tiers laté-

raux de la face dorsale, car le lambeau ne peut atteindre la ligne de jonctionpalmo-dorsale controlatérale.

Avantages

Les avantages sont une relative facilité de dissection, la reproductibilité, la fia-bilité vasculaire si la longueur est d’au moins 2 cm, le caractère homodigital,le respect des deux artères collatérales, l’absence de séquelles du site donneur(fig. 3g), un seul temps opératoire en cas de greffe immédiate ou en l’absencede greffe.

Inconvénients

Les inconvénients sont la finesse et la relative fragilité lors de la dissection, laprise parfois difficile des greffes de peau immédiates.

Références

1. Voche P, Merle M (1996) Vascular supply of the palmar subcutaneous tissue of fingers. BrJ Plast Surg 49: 315-8

2. Beustes-Stefanelli M (2005) Le lambeau sous-dermique homodigital palmaire retourné oulambeau Flip-Flap : étude anatomique, raffinements techniques et expérience clinique.Mémoire DU lambeaux, Bordeaux

3. Voche P, Merle M (1994) The homodigital subcutaneous flap for cover of dorsal fingerdefects. Br J Plast Surg 47: 435-9

Lambeau sous-dermique homodigital palmaire retourné ou lambeau Flip-Flap 165

Lambeaux à pédicule adipofascial du dos des doigts longs

P. Bellemère

Bases anatomiques

La vascularisation artérielle cutanée dorsale des doigts longs est assurée par unfin réseau anastomotique longitudinal situé dans le tissu adipofascial entre lederme et l’appareil extenseur. Ce réseau est alimenté par des branches sagit-tales dorsales bien systématisées, issues des artères digitales palmaires propres(collatérales) (1, 2, 3). Au-delà du tiers proximal de la phalange proximale, ladisposition anatomique de ce réseau d’alimentation présente en effet une dis-tribution constante et identique pour tous les doigts longs, et symétrique entrele côté radial et le côté ulnaire du doigt (4). Ce réseau comprend des artériolesde plus gros calibre au nombre de 4, situées à hauteur de l’interphalangiennedistale, au milieu de la phalange moyenne, ainsi qu’au milieu et au tiers distalde la phalange proximale (2, 4, 5). L’espacement maximum entre deux arté-rioles sagittales est d’environ 12 mm de part et d’autre de l’articulation inter-phalangienne proximale. Des lambeaux cutanés dorsaux homodigitaux peuventainsi être prélevés en îlot, pédiculés sur une de ces branches sagittales trèscourtes, comme l’a proposé Bertelli (3). Mais la richesse du réseau anastomo-tique, dans le tissu adipofascial situé latéralement et au dos du doigt, permeten fait la levée de lambeaux à pédicule plus long, adipofascial, avec une grandesouplesse d’utilisation. Il peut s’agir de lambeaux cutanés à pédicule adipofas-cial à flux rétrograde prélevés au hasard, comme l’a montré Del Bene (5), delambeaux à flux antérograde ou rétrograde dont le pédicule adipo-fascial estcentré sur au moins une artériole principale, comme nous l’avons proposé (6),ou encore de lambeaux sous-cutanés adipo-fasciaux purs (7).

Dessin du lambeau

Le lambeau peut être prélevé au dos du doigt, de la phalange proximale à laphalange distale. Son dessin peut être quadrangulaire, rectangulaire ou ova-laire, avec une limite latérale pouvant se situer sur la face dorsolatérale dudoigt. Sa taille maximum est déterminée par celle d’une unité fonctionnelle,soit environ 2,5 cm sur 2,5 cm. Au-delà de cette surface, le préjudice esthé-tique et fonctionnel lié au prélèvement du lambeau est trop important.

168 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Technique de levée : lambeau cutané adjacent à la perte de substance à flux rétrograde (fig. 1)

Il s’agit, dans notre expérience, du type de lambeauadipofascial le plus fréquemment utilisé, permettant decouvrir une perte de substance dorsolatérale du doigtsituée en aval des deux tiers proximaux de la phalangeproximale.

Le prélèvement du lambeau est réalisé sous garrotpneumatique, à l’aide de grossissement optique.

Le bord distal du lambeau correspond au bordproximal de la perte de substance cutanée. Le prélè-vement de ce lambeau doit faire en sorte que son pédi-cule soit le plus long et le plus distal possible, tout enrestant dans les limites du tissu sain. La perte de sub-stance étant légèrement latéralisée, cela permet de pré-lever obliquement le pédicule du côté le moins trau-matisé. Le lambeau est prélevé en incisant d’abord surtrois de ses bords les tissus cutané et sous-cutané enrespectant le péritendon de l’appareil extenseur.L’isolement du pédicule s’effectue d’abord par unelevée en bloc du tissu adipofascial, en libérant sa faceprofonde du bord latéral de l’appareil extenseur et dusquelette, et sa face superficielle par une incision entre

le derme et l’hypoderme. Ces gestes déterminent un plan adipofascial danslequel cheminent les artères sagittales et leur réseau anastomotique. Le pédi-cule peut alors être libéré en incisant obliquement ce plan adipofascial, defaçon à inclure au moins une artère sagittale visible par transparence dans laracine du pédicule (fig. 2). La largeur du pédicule est au maximum de 10 mmet au minimum de 5 mm. Il faut en effet conserver une atmosphère fascio-graisseuse incluant un réseau veineux communiquant entre les réseaux veineuxdorsal et palmaire, pour assurer le retour veineux du lambeau (8).

Le garrot est lâché avant le positionnement définitif du lambeau, afin devérifier sa revascularisation.

La zone de prélèvement du pédicule est fermée par une suture cutanéedirecte. Le site donneur du lambeau est couvert par une greffe de peau totale,prélevée sur le bord ulnaire de la main avec une fermeture directe du site deprélèvement.

Variantes

Lambeau cutané à distance de la perte de substance à flux rétrograde(fig. 3)

La présence de lésions cutanées (contusion ou lésion cicatricielle), adjacentesà la perte de substance, contre-indique la levée d’un lambeau adjacent. Le

Fig. 1 – Schéma du prin-cipe du lambeau adjacentà flux rétrograde.

Lambeaux à pédicule adipofascial du dos des doigts longs 169

Fig. 2a-g – Lambeau adjacent à flux rétro-grade. a) Traumatisme du dos de la phalangemoyenne de l’index avec perte de substancecutanée, osseuse et tendineuse ; b, c) Dessindu lambeau ; d) Prélèvement du pédicule ;e) Mise en place du lambeau avec une greffe depeau totale sur le site donneur ; f, g) Résultat.

a b

c d

e f

e

lambeau et son pédicule peuvent alors être prélevés à distance en zone saine.Le pédicule du lambeau est ici beaucoup plus long que dans le cas d’unlambeau adjacent. Le principe de prélèvement du lambeau et de son pédiculereste cependant identique (fig. 4).

170 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 4a-f – Lambeau à distance à flux rétrograde. a) Séquelle de fracture ouverte de la pha-lange moyenne par écrasement avec ostéite ; b) Dessin du lambeau ; c, d) Prélèvement dulambeau et de son pédicule ; e, f) Résultat.

Fig. 3 – Schéma du principe du lambeau àdistance à flux rétrograde.

a b

c d

e f

Lambeau cutané à flux antérograde

Ce type de lambeau est indiqué pour les pertes de substance cutanée situéesaux deux tiers proximaux de la phalange proximale. Le lambeau est prélevéen aval de la perte de substance avec un pédicule à flux antérograde. Le prin-cipe de prélèvement du lambeau est le même que pour un lambeau à fluxrétrograde. Le lambeau à flux antérograde peut également être prélevé aucontact (lambeau adjacent) ou à distance de la perte de substance (fig. 5).

Lambeau dorsal adipofascial pur

Le prélèvement s’effectue en désépidermisant le lambeau et en ne gardant quele tissu adipofascial. Cela permet la possibilité d’un retournement du lambeauautour de son pédicule, plutôt qu’une simple translation ou une rotation d’unlambeau cutané. Le lambeau retourné est ensuite greffé en peau totale.

Indications

Ces lambeaux sont destinés aux pertes de substance cutanée dorsales ou dorso-latérales des doigts longs qui n’excédent pas 25 mm de diamètre, quel que

Lambeaux à pédicule adipofascial du dos des doigts longs 171

a b

c d

Fig. 5a-d – Lambeau adjacent à flux antérograde. a) Séquelle d’ostéoarthrite fistulisée de labase de la phalange proximale ; b, c) Prélèvement du lambeau et de son pédicule adipofascial ;d) Positionnement du lambeau et couverture du site donneur par une greffe de peau totale.

soit leur siège. Le choix du type de lambeau adipofascial dépend de la pertede substance, dont il faut apprécier quatre critères : son siège, sa taille, l’éten-due des lésions cutanées adjacentes et son caractère latéralisé ou non.

Lambeau adjacent à la perte de substance

Il est indiqué lorsque la perte de substance est latéralisée sur la face dorsaledu doigt et que le tissu cutané avoisinant est de bonne qualité, c’est-à-direnon contus, s’il s’agit d’un patient vu en urgence, et non cicatriciel, pour unpatient vu secondairement. La migration du lambeau par translation-rotationest, dans ce cas, bien plus importante qu’un simple lambeau de transpositionde type Hueston dorsal.

Lambeau à distance de la perte de substance

Il est indiqué lorsqu’un lambeau adjacent n’est plus réalisable, soit du fait dusiège de la perte de substance ou de sa taille, qui ne permettent plus le pré-lèvement d’un pédicule suffisamment long et distal, soit du fait d’une mau-vaise qualité trophique du tissu cutané adjacent. Le pédicule du lambeau estalors beaucoup plus long que dans le cas d’un lambeau adjacent, et cela auto-rise un arc de rotation plus important.

Lambeau dorsal adipofascial pur désépidermisé

Retourné et greffé, il partage les mêmes indications que les lambeaux adipo-fasciaux cutanés. Toutefois, son arc de rotation et sa migration sont plus impor-tants, du fait du retournement possible de ce lambeau. Cela peut s’avérer utiledans certaines indications limites pour un lambeau cutané, notamment en pré-sence d’une perte de substance très étendue sur la longueur du doigt.

Avantages

Les lambeaux adipofasciaux partagent les avantages des lambeaux homodigi-taux en respectant, contrairement aux lambeaux hétérodigitaux, les doigts sainsadjacents.

Ce sont des lambeaux fiables, dont la technique de levée est aisée (5, 6, 9).Leur prélèvement respecte les axes artériels principaux du doigt et épargne lescommissures et le dos de la main, ce qui évite des cicatrices rétractiles ou ines-thétiques.

Leurs possibilités de couverture sont bien plus importantes que celles deslambeaux de transposition simple de type Hueston dorsal, qui ne permettentqu’une migration limitée, parfois au prix d’une « oreille » disgracieuse.

Ils offrent une grande souplesse d’utilisation par le choix du dessin dulambeau et de la longueur de son pédicule (lambeau adjacent ou à distance),ainsi que la possibilité d’un pédicule à flux antérograde ou rétrograde, per-mettant de s’adapter au mieux à chaque situation.

172 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Leur rançon cicatricielle est minime, car la greffe de peau totale sur la zonede prélèvement s’intègre parfaitement au dos du doigt.

Inconvénients

Leur migration maximum se limite à un intervalle d’unité fonctionnelle (dudos de la phalange proximale au dos de la phalange moyenne, ou du dos del’IPP au dos de l’IPD, ou vice versa). Au-delà d’un tel intervalle, la longueurdu pédicule risquerait d’entraîner des troubles vasculaires, en particulier vei-neux ainsi qu’une redondance tissulaire inesthétique.

Leur possibilité de couverture n’excède pas 2,5 cm sur 2,5 cm, parfois unpeu plus dans le sens de la longueur pour un lambeau désépidermisé adipo-fascial pur.

Les lambeaux adipofasciaux purs peuvent avoir des échecs de cicatrisationde la greffe de peau totale (30 % des cas par Tremolada (7)) et entraînerd’autres problèmes cutanés comme la survenue de kystes épidermiques. Cesinconvénients peuvent en limiter l’indication, notamment chez des patientsà forte pilosité.

Références

1. Oberlin C, Sarcy JL, Alnot JY (1988) Apport artériel cutané de la main : application à laréalisation des lambeaux en îlot. Ann Chir Main 7: 122-5

2. Strauch B, De Moura W (1990) Arterial system of the fingers. J Hand Surg [Am] 15: 148-54

3. Bertelli JA, Pagliei A (1994) Direct and reversed flow proximal phalangeal island flaps.J Hand Surg [Am] 19: 671-80

4. Braga-Siva J, Kuyven C R, Fallopa F, Albertoni W (2002) An anatomical study of the dorsalcutaneous branches of the digital arteries. J Hand Surg [Br] 27: 577-9

5. Del Bene M, Petrolati M, Raimondi P et al. (1994) Reverse dorsal digital island flap. PlastReconstr Surg 93: 552-7

6. Bellemère P, Poirier P, Gaisne E et al. (2006) Les lambeaux cutanés à pédicule adipofascialde la face dorsale des doigts longs Chir Main 25: 63-8

7. Tremolada C, Abbiati G, Del Bene M, Blandini D (1998) The subcutaneous laterodigitalreverse flap. Plast Reconstr Surg 101: 1070-3

8. Moss SH, Schwartz KS, Von Drasek-Ascher G et al. (1985) Digital venous anatomy. J HandSurg [Am] 10: 473-82

9. Pelissier P, Casoli V, Bakhach J et al. (1999) Reverse dorsal digital and metacarpal flaps: areview of 27 cases. Plast Reconstr Surg 103: 159-65

Lambeaux à pédicule adipofascial du dos des doigts longs 173

Lambeaux pulpaires sans dissection pédiculaire

T. Dubert

Destinés aux petites pertes de substance distales de la pulpe, les lambeaux pul-paires sans dissection pédiculaire sont de deux types : avancement de proxi-mal à distal d’un lambeau unique (Tranquilli-Leali/Atasoy), ou translation laté-rale de deux lambeaux latéraux (Kutler).

Bases anatomiques

La mobilisation de ces lambeaux est rendue possible par la souplesse du tissusous-cutané. Aucune continuité cutanée n’est conservée. La vascularisation estassurée par les vaisseaux contenus dans le tissu sous-cutané (1-2).

Lambeau de Tranquilli-Leali/Atasoy (figs. 1, 2)

Dessin de la forme typique

C’est un triangle isocèle à base distale et à sommet proximal. La base est laberge proximale de la perte de substance. Il faut inclure toute la largeur de l’extré-mité digitale en allant latéralement jusqu’à la jonction peau palmaire/peaudorsale. Le sommet proximal du lambeau est placé sur le pli de flexion inter-phalangien distal (IPD) ou au-delà, mais pas en amont. Les côtés du trianglesont légèrement arrondis de façon à emporter le plus de largeur de pulpe dis-talement.

Fig. 1 – Perte de substance pulpo-unguéaleexposant l’extrémité de la phalange distale quiest fracturée. La cicatrisation dirigée estcontre-indiquée. Il n’y a pas de fragment distalreplantable. C’est une bonne indication decouverture distale par un lambeau de Tran-quilli-Leali/Atasoy. La perte de substancedistale du lit unguéal peut être soit couvertepar une greffe de lit unguéal, soit par l’extré-mité du lambeau désépidermisé.

176 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Technique de levée

Il faut faire un bon parage de la base distale traumatisée, inciser latéralementsans aller trop profond, car l’incision croise les pédicules collatéraux de chaquecôté, décoller la face profonde du lambeau à sa partie distale.

Latéralement, il faut sectionner petit à petit de la surface à la profondeurtout ce qui retient l’avancée du lambeau. Les freins principaux se trouventgénéralement en regard des pédicules. Attention à ne pas ouvrir le canal digitalau niveau de la zone donneuse, qui sera laissée à la cicatrisation dirigée.

Le lambeau est fixé en bonne position par une broche (aiguille) longitu-dinale introduite de distal à proximal dans la phalange distale, et par quelquespoints latéraux. Il faut alors faire des retouches distales (excision de deux tri-angles latéraux) pour donner un bel aspect arrondi à la nouvelle pulpe. Lapartie distale du lambeau peut être désépidermisée et rabattue à la face dorsaleen cas de perte de substance distale du lit unguéal (3).

Indications

Ce lambeau est indiqué pour couvrir les petites pertes de substance distalesdes pulpes avec exposition de l’os (4-5). Au-delà de 5 millimètres, il faut uti-liser une autre technique. L’indication idéale est l’amputation passant par lahouppe phalangienne. Si l’os n’est pas exposé, il vaut mieux la cicatrisation diri-gée avec ou sans pansements semi-occlusifs (6).

Avantages

C’est un lambeau très simple à réaliser, pratiquement sans risque, utilisablesur les doigts longs comme sur le pouce.

a b

Fig. 2a, b – (de face et de profil). Le lambeau est en place, après translation et fixation distalepar une broche axiale dans la phalange distale. L’extrémité de la broche est protégée par uneboule. L’ablation de la broche peut être programmée en consultation trois semaines après l’in-tervention. Il est possible d’utiliser une aiguille à la place de la broche. La zone donneuse estlaissée à la cicatrisation dirigée qui laissera moins de séquelles qu’une greffe de peau.

Lambeaux pulpaires sans dissection pédiculaire 177

Inconvénients

Il ne peut couvrir que les petites pertes de substance.

Soins postopératoires

La zone donneuse est laissée en principe en cicatrisation dirigée. On peut aussila couvrir par une greffe de peau, ce qui raccourcit le délai de cicatrisation etrend les pansements immédiats moins douloureux (particulièrement chez lesenfants).

Lambeaux de Kutler (fig. 3)

Moins souvent utilisés, ils peuvent être utilesdans certaines formes cliniques particulières depertes de substance distales.

Dessin de la forme typique

Les deux lambeaux triangulaires ont leur base àla partie distale et médiane de la pulpe restante.Les sommets des triangles sont situés latéralementen proximal, en regard des pédicules collatéraux.

Technique de levée

Les principes techniques sont les mêmes quepour le lambeau de Tranquilli-Leali/Atasoy. Lesdeux bases des lambeaux se rejoignent sur la lignemédiane et sont suturées par quelques points. Lafixation par broche est inutile. Les zones don-neuses peuvent souvent être suturées d’emblée,évitant la cicatrisation dirigée.

Indications

Ces lambeaux sont indiqués lorsque la perte de substance distale de la pulpen’atteint pas toute la largeur du doigt. La reconstruction par lambeaux deKutler donne alors un meilleur résultat qu’un « trop petit » lambeau deTranquilli-Leali/Atasoy.

Références

1. Tranquilli-Leali E (1935) Reconstruzione dell’appice delle falangi unguali mediante auto-plastica volare pedunculata per scorimento. Infort Traum Lavoro 1: 186-93

Fig. 3 – Perte de substancedistale exposant la phalange,mais ne concernant pas toute lalargeur de la pulpe. C’est unebonne indication de lambeauxde Kutler. Deux petits lam-beaux triangulaires à base distalesont transférés sur la perte desubstance. Les zones donneusessont refermées d’emblée.

2. Atasoy E, Igakimidis E, Kastan ML et al. (1970) Reconstruction of the amputation fineriewith a triangulaire volar flap: a new surgical procedure. J Bone Joint Surg [Am] 52: 921

3. Dumontier C, Tilquin B, Lenoble E, Foucher G (1992) Reconstruction des pertes de sub-stance distales du lit unguéal par un lambeau d’avancement pulpaire désépiderminé. AnnChir Plast Esthét 37: 553-9

4. Chow SP, Ho E (2000) Open treatment of fingertip injuries in adults. J Hand Surg [Am]7: 470-6

5. Foucher G, Merle M, Michon J (1986) De la cicatrisation dirigée au transfert microchi-rurgical de pulpe d’orteil. Indications et résultats. Chirurgie 112: 727-35

6. Mennen U, Wiese A (1993) Fingertip injuries management with semi-occlusive dressing.J Hand Surg [Br] 18: 416-22

7. Kutler W (1947) A new method for fingertip amputation. JAMA 133: 29-30

178 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Principe du doigt banque

M. Chammas, B. Coulet, N. Popov

Les traumatismes pluridigitaux graves sont caractérisés par leur fréquence, lefait que les grandes fonctions affectées à la main sont compromises en tota-lité ou en partie, et la complexité du traitement.

Restauration fonctionnelle optimale, qui ne veut pas dire obligatoirementanatomique, avec mobilisation précoce, pulpes sensibles, aspect esthétique,intégration dans le schéma moteur représentent les objectifs à atteindre.

Le procédé du doigt banque est l’un des principes essentiels de la prise encharge thérapeutique en urgence de ces traumatismes (1-3). La technique dudoigt banque est l’utilisation de tout ou partie d’un doigt traumatisé au profitd’une amélioration fonctionnelle et/ou esthétique de la main restante. Le pré-lèvement de tissu sur un doigt sain, inclus dans le concept de doigt banquepar Foucher (2), sort à notre avis de ce cadre.

Classification (2)

Transfert global d’un doigt mutilé en urgence

L’exemple le plus marquant est la pollicisation d’un doigt lésé (4). Cela sortdu cadre strict de la couverture des pertes de substance cutanée.

Utilisation en urgence d’une partie d’un doigt qui doit être sacrifié

Cela se voit en cas de doigt non réimplantable, ou si l’étendue des lésionsvoue un doigt à une impasse fonctionnelle et à une amputation secondaire (5).Ici, comme le signale Foucher « l’audace est permise » (2). Ce doigt devientun site donneur privilégié pour la reconstruction des doigts voisins conser-vables. Il n’y a pas de morbidité surajoutée liée à la zone de prélèvement. Tousles types de tissus peuvent être transférés sous réserve de leur intégrité : peau,complexe unguéal, os, articulations (greffes ostéochondrales libres, transfertostéo-articulaire libre vascularisé isolé ou composite cutanéotendineux),tendons, vaisseaux (fig. 5), nerfs digitaux palmaires et dorsaux. Le transfertse fait soit en pédiculé (lambeau cutané ou composite doigt croisé), soit enîlot (îlot cutané ou composite hétérodactyle), soit en libre (transfert vascula-risé ou non, cutané ou composite).

180 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Stockage sur place du doigt banque pour utilisation différée (2)

Cela peut s’imposer en cas de lésions étendues, où le bilan de vitalité tissu-laire ne peut être fait initialement.

Timing

L’utilisation du principe du doigt banque est à privilégier au stade de l’ur-gence. Toutefois, dans certains cas, son application différée sera préférable sile doigt mutilé est conservable jusque-là.

En cas de traumatisme par écrasement, de lésions étendues par blast, decontamination bactérienne importante, la plus grande prudence devra êtreapportée à toute dissection supplémentaire susceptible d’aggraver les lésionset de couper les ponts vis-à-vis d’une reconstruction secondaire. Un ou plu-sieurs parages au bloc opératoire peuvent être nécessaires.

L’insuffisance d’expérience de l’opérateur, l’état du blessé, qui peut avoird’autres sites lésionnels pouvant mettre en jeu le pronostic vital, constituentdes freins au principe du doigt banque en urgence au profit d’une prise encharge différée.

Principe du doigt banque appliqué à la couverturedes pertes de substance cutanée

Tubiana écrivait (6) : « On n’amputera jamais un doigt sans avoir envisagéau préalable l’utilisation de sa peau ». Il peut s’agir d’une couverture cutanéeisolée ou combinée dans le cadre d’un transfert composite.

Greffe de peau

C’est la technique la plus simple. En pratique, il s’agit essentiellement degreffes de peau totale. Autant que possible la peau banque aura une textureet une épaisseur adaptées au site receveur. La peau dorsale est privilégiée. Lapeau palmaire, du fait de son épaisseur, prend plus difficilement.

Chéiroplastie ou « fillet flap »

Elle est appelée plastie de récupération par Tubiana (6, 7), « fillet pedicle » parBunnell. Une chéiroplastie peut être considérée pour couvrir une perte de sub-stance de la main ou d’un doigt, lorsqu’un doigt adjacent est le siège de lésionsnon réparables ostéoarticulaires ou tendineuses, mais avec un revêtement cutanésuffisamment indemne et vascularisé (fig. 1). Le doigt sacrifié est préparé entenant compte de la perte de substance à réparer et en préservant les pédiculesvasculonerveux (fig. 2a). Le revêtement cutané est relevé au ras de l’épitendon ;tendons, squelette, complexe unguéal sont enlevés. La résection proximale du

Principe du doigt banque 181

squelette se fait au niveau métacarpien et permet une plus grande mobilisationcutanée ainsi qu’un meilleur aspect de la commissure. Pour l’index, la résectionest un peu plus distale que la métaphyse proximale (fig. 2b). La pulpe distalen’est en général pas incluse, compte tenu de son épaisseur, sauf si la perte desubstance a une certaine profondeur. Les téguments sont ensuite rabattus surla zone à couvrir. Afin de mieux adapter la chéiroplastie en cas de perte de sub-stance sur le bord radial ou ulnaire de la main, l’incision longitudinale du doigtdonneur est pratiquée sur son bord ipsilatéral à la perte de substance. Afin

a b

Fig. 1a-b – Traumatisme dorsal par blast des troispremiers rayons avec perte de substance diaphysairedes trois premiers métacarpiens. Index non conser-vable, voué à la raideur. Perte de substance cutanéeétendue dorsale.

Fig. 2a-b – Reconstruction des 1er et 3e métacarpiensau moyen des phalanges de l’index. Réfection de la1re commissure par chéiroplastie de l’index.

a b

d’augmenter l’arc de rotation, une incision circulaire à la base du doigt, en res-pectant les pédicules, transforme la chéiroplastie en lambeau en îlot. La surfacede couverture que peut donner une chéiroplastie peut être approchée par leproduit de la longueur du doigt par sa circonférence. La cheiroplastie a de nom-breux avantages : fermeture immédiate de la perte de substance par un revête-ment d’excellente qualité, peau sensible et cicatrisation rapide (fig. 3).

En cas de lésion pédiculaire, le lambeau sera beaucoup plus limité et obéiraaux règles des lambeaux prélevés au hasard (« random ») (figs 4 à 7).

Lambeaux en îlot

Tous les lambeaux en îlot digitaux peuvent être utilisés à partir d’un doigtnon conservable sous réserve de l’intégrité vasculaire. Pour la reconstructiond’une pulpe dominante, on fera appel de préférence à un lambeau en îlot pal-maire neurovasculaire pour la qualité de la sensibilité obtenue.

182 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

a b

c

Fig. 3a-c – Résultat final.

a b

Fig. 4a-b – Traumatisme palmaire par blast des troispremiers rayons avec dévascularisation du pouce,index non conservable.

Principe du doigt banque 183

Fig. 5 – Vue opératoire. Revascularisation dupouce et reconstruction du nerf collatéralulnaire du pouce par transfert du pédiculeulnaire de l’index sur le pouce, amputationdu 2e rayon à sa base. L’artère transférée estmarquée par des flèches.

Fig. 6 – Vue opératoire. Réfection de la1re commissure par la peau de l’index en« random flap ».

a b

c

Fig. 7a-c – Résultat final.

Lambeaux libres

L’application principale réside dans la reconstruction pulpaire par transfert depulpe libre vascularisée à partir d’un doigt non réimplantable ou fonction-nellement sacrifié (8). L’exploration première du site receveur permet de repérerles pédicules et d’analyser leur viabilité. Le lambeau pulpaire est relevé sur ledoigt donneur avec un ou ses deux pédicules palmaires neurovasculaires. Lalongueur pédiculaire doit permettre une anastomose sans tension en zone sainesur les deux versants, donneur et receveur. Le retour veineux est assuré soitau moyen du réseau veineux superficiel palmaire s’il s’y prête, soit par le biaisd’une veine dorsale avec inclusion de peau dorsale. Le résultat en termes desensibilité, qualité du revêtement font de cette technique une technique dechoix lorsqu’elle est possible.

Le principe de chéiroplastie peut être utilisé sous la forme de lambeau libreen cas de difficulté d’adaptation de la forme pédiculée.

Outre la couverture cutanée, le lambeau libre provenant du doigt banquepeut jouer le rôle de lambeau porte-vaisseau pour la revascularisation (9).

En cas de lésions des deux mains, ces techniques peuvent être appliquéessur la main controlatérale.

Couverture cutanée et transfert composite

L’apport cutané sert ici de plastie « d’augmentation », par exemple en cas dereconstruction articulaire par transfert composite articulaire et tendineux,quand le revêtement cutané du site receveur est insuffisant.

Références

1. Alpert BS, Buncke HJ (1978) Mutilating multidigital injuries: use of a free microvascularflap from a nonreplantable part. J Hand Surg [Am] 3:196-8

2. Foucher G (1992) Le doigt banque. In: Cahiers d’Enseignement du GEM. ExpansionScientifique Française, Paris, p 146-52

3. Schoofs M, Raoult S, Février P et al. (1994) Stratégie du doigt banque. Ann Chir Main13: 240-6

4. Foucher G, Rostane S, Chammas M et al. (1996) Transfer of a severely damaged digit toreconstruct an amputated thumb. J Bone Joint Surg [Am] 78: 1889-96

5. Dautel G (1997) Le doigt banque. In: Merle M, Dautel G (eds) La main traumatique,l’urgence (2e ed). Masson, Paris, p 331

6. Tubiana R (1984) Les lambeaux cutanés. In: Tubiana R (ed) Traité de Chirurgie de la Main.Masson, Paris, p. 182-214

7. Le Nen D (1994) Couverture cutanée de la main. In: Cahiers d’Enseignement du GEM.Expansion Scientifique Française, Paris, p 19-36

8. Teran P, Araya E, Casado C (2002) Reconstruction of a pulp defect using a free finger-pulp flap from a non-replantable digit. Br J Plast Surg 55: 158-9

9. Brandt K, Khouri RK, Upton J (1996) Free flaps as flow-through vascular conduits forsimultaneous coverage and revascularization of the hand or digit. Plast Reconstr Surg 98:321-7

184 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeau inguinal de McGregor

L. Marcucci

Le lambeau inguinal est un lambeau « axial » pédiculé à distance. Il s’agit d’unlambeau très fiable pour les couvertures des grandes pertes de substance dumembre supérieur, même si son inconvénient majeur est de nécessiter deuxtemps opératoires. Il reste un lambeau de choix dans l’arsenal thérapeutiquede la chirurgie de la main, en urgence ou en chirurgie réglée.

McGregor, en 1972 (1), propose ce lambeau, en s’inspirant de la vascula-risation du lambeau deltopectoral, centré sur un pédicule artérioveineuxpropre, en recherchant un lambeau cutané dans une zone de prélèvementdépendant d’un système vasculaire constant, anatomiquement fiable etpouvant être transféré aisément, tout en laissant un préjudice esthétique accep-table. La zone, correspondant à l’artère circonflexe iliaque superficielle, luiparaît le site de prélèvement idéal, permettant de lever un grand lambeauinguinal, avec l’avantage de pouvoir réaliser une tubulisation qui autorise unemobilisation de la main.

Bases anatomiques

L’artère circonflexe iliaque superficielle est une branche constante (fig. 1) dela face latérale de l’artère fémorale (isolément ou d’un tronc commun avecl’artère épigastrique inférieure). Elle naît de 2,5 à 3,5 cm sous le ligamentinguinal et mesure environ 1 mm de diamètre. Elle a un trajet ascendant,

Fig. 1 – Origine et trajet de l’ar-tère circonflexe iliaque superfi-cielle, branche latérale constantede l’artère fémorale.

186 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

infrafascial au niveau du muscle sartorius, se divisant en deux branches à sontiers moyen : une branche profonde, restant suprafasciale, qui va entourerl’épine iliaque antérosupérieure (EIAS), et une branche superficielle infra-fasciale, passant sous l’EIAS pour se diviser en un réseau sous-dermique. C’estcette branche qui vascularise le lambeau (2).

Le pédicule veineux est composé d’un réseau satellite des artères, qui sedraine dans la veine fémorale et d’un réseau superficiel indépendant se jetantdans la veine grande saphène.

Les dimensions du lambeau peuvent atteindre 30-35 cm de long sur 15 cmde large. Dans les lambeaux de grande taille, la vascularisation de la portionla plus latérale est assurée par les anastomoses des réseaux vasculaires sous-cutanés. On peut sans risque prélever jusqu’à la partie latérale de la paroi abdo-minale. Pour McGregor (1), la longueur maximale ne doit pas dépasser lesdeux tiers de la distance séparant l’émergence de l’artère iliaque circonflexesuperficielle et l’articulation sacro-iliaque.

Technique de prélèvement

Bilan préopératoire

Il faut rechercher l’existence de cicatrices opératoires dans la zone de prélè-vement. Les cicatrices d’appendicectomie ne sont pas des contre-indications.Il faut éviter ce lambeau en cas de cure de hernie.

Installation

Le patient est installé en décubitus dorsal, avec un billot sous la fesse ipsila-térale, ce qui permet de parfaitement dégager la crête iliaque.

Préparation

Le premier temps opératoire consiste à parer et à réparer, voire à seulementrepérer les différentes structures lésées au niveau de la perte de substance àcouvrir. Puis vient la mesure des dimensions du lambeau nécessaire. Le choixdu côté du prélèvement est guidé par la localisation de la perte de substanceet le confort donné par la position du membre receveur. On choisit généra-lement le côté ipsilatéral, mais ceci n’est pas une règle.

Tracé du lambeau (2, 3, 4) (figs 2, 3)

C’est l’étape préparatoire la plus importante. Il est indispensable de tracer lesincisions cutanées en tenant compte des repères anatomiques :

– repérage premier du ligament inguinal, en joignant par un trait l’épinedu pubis à l’EIAS ;

Lambeau inguinal de McGregor 187

Fig. 2 – Axe dulambeau.

Fig. 3a-c – a) Tracé du lambeau de part et d’autre du trajet de l’artère circonflexe iliaque super-ficielle ; b) Vue peropératoire du tracé d’un lambeau de taille moyenne ; c) Vue peropératoiredu tracé d’un lambeau de grande taille. (Fig. 3a, b : Collection D. Le Nen.)

b

a

c

– puis repérage de l’émergence de l’artère circonflexe iliaque superficielle,environ 2,5 cm au-dessous du ligament inguinal, par la palpation de l’artèrefémorale (grossièrement à deux travers de doigts) ;

– l’axe du lambeau est tracé, correspondant à la ligne rejoignant le pointd’émergence de l’artère à l’EIAS ;

– on peut alors centrer le dessin du lambeau autour de cette ligne, selonles nécessités de taille pour la couverture de la perte de substance. Le lambeaudessiné prend la forme d’une raquette, présentant à son origine, de part etd’autre de l’émergence de l’artère, une largeur de 2,5 cm (deux travers dedoigts). Il va en s’élargissant vers la partie latérale. Schématiquement, la lon-gueur du pédicule à tubuliser correspond à la distance séparant l’émergencede l’artère du lambeau et l’EIAS ; les dimensions du lambeau proprement dit,destiné à couvrir le défect cutané, sont calculées à partir de l’EIAS.

Levée du lambeau (fig. 4)

Le prélèvement débute à la partie distale ou latérale, en emportant tout letissu sous-cutané, en restant suprafascial. Au bord supérieur du prélèvement,on poursuit la dissection jusqu’au ligament inguinal ; en revanche, au bordinférieur, il faut repérer le bord latéral du muscle sartorius. Quand on arriveà son bord latéral, il faut emporter le fascia recouvrant le muscle pour ne pasléser le paquet artérioveineux.

188 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 4a-c – Levée dulambeau aux abordsdu sartorius : prise dufascia dans le lambeaupour « sécuriser » lalevée. a) Schéma ;b) Vue cadavérique ;c) Vue clinique. (Fig.b, c : Collection D. LeNen.)

a

b c

Lambeau inguinal de McGregor 189

Il n’est pas nécessaire de poursuivre la dissection jusqu’à l’émergence de l’ar-tère. On s’arrête au bord médial du muscle sartorius, mais il est possible d’in-ciser la peau plus loin pour avoir une élasticité plus grande.

Lors de la dissection, il faut prendre garde au nerf cutané latéral de la cuisse,qui passe entre le tenseur du fascia lata et le sartorius. Ce nerf passe en prin-cipe à distance du prélèvement, mais il peut être sujet à des variationsanatomiques.

Fermeture du site donneur (fig. 5)

Elle est toujours possible et doit être réalisée avant la fixation de la paroi dulambeau sur le site receveur. Il ne faut pas hésiter à décoller les téguments dela paroi abdominale, parfois jusqu’à l’ombilic. L’élasticité cutanée, dans lesegment supérieur, est importante ; en revanche, sous la crête iliaque, elle estquasi nulle. On peut s’aider de la mise en flexion des hanches (coussin sousles genoux pendant les premières heures). Un drainage est utile dans les grandslambeaux, en raison de l’important décollement.

Fig. 5 – Fermeture du sitedonneur sur lames ou drains deRedon, avant la mise en place dulambeau sur la main.

Tubulisation du pédicule

Pour le confort du patient et des soins infirmiers, il est préférable d’avoir untube fermé, mais ceci est difficile à réaliser en cas de pannicule adipeux impor-tant et ce n’est pas indispensable. Il faut de toute façon vérifier que la tubu-lisation ne compromet pas la vascularisation du lambeau et, en cas de doute,lâcher des points.

Adaptation du lambeau à la perte de substance (fig. 6)

Il faut toujours commencer par fixer la partie distale du lambeau. Au contraire,si le lambeau est tubulisé à sa base, il vaut mieux commencer par le pointd’angle. La position du membre doit être étudiée pour le meilleur confort dupatient, permettant la meilleure mobilité. La portion pédiculaire peut se situerindifféremment sur le bord radial ou ulnaire de la main, l’important est quel’on puisse mobiliser les doigts et le poignet en pronation-supination.

Dégraissage de la zone distale ? (fig. 7)

On peut se permettre un dégraissage au niveau de la zone distale du lambeauen cas d’épaisseur excessive, mais il faut rester très prudent pour ne pas léserle réseau artériel.

Pansement postopératoire

Le pédicule est recouvert d’un pansement gras, ainsi que les zones de sutures.Le pansement doit permettre de surveiller la coloration du lambeau en lais-sant une large fenêtre.

La contention du membre supérieur doit être efficace, pour faire face auréveil à une éventuelle phase d’agitation. Il est souhaitable d’immobiliserl’épaule et le coude par un bandage de type Dujarrier dans les premièresheures. En revanche, il ne doit pas comprimer le lambeau. La contention peutêtre limitée si l’anesthésiste réalise un bloc plexique, ce qui a le double avan-tage de limiter la mobilité du membre au réveil et, surtout, celui de procurerun bloc antalgique pendant les premières heures postopératoires.

190 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 6a-e – Patient de 25 ans, victime d’unaccident de la voie publique en moto. Pertede substance de la face dorsale du poignetavec fractures ouvertes de l’extrémité distaledu radius et des métacarpiens (a, b). Parageet ostéosynthèse (c). Prélèvement, puis adap-tation du lambeau (d, e).

ba

dc

e

Lambeau inguinal de McGregor 191

ba

dc

f

e

g

Fig. 7a-g – Patient de 35 ans victime d’un accident de la voie publique : perte de substancedorsale de la main et lésion des extenseurs (a). Un lambeau de McGregor est décidé. Un patronde la perte de substance est découpé dans un gant (b). Le calque est reporté sur la région ingui-nale, permettant de dessiner le futur lambeau (c). Levée du lambeau qui commence par lebord latéral (d). Un dégraissage (2 temps) donne au lambeau un aspect esthétique tout à faitacceptable (e). Résultat en flexion-extension à distance, sans reconstruction de l’appareil exten-seur, le patient n’ayant pas souhaité une chirurgie complémentaire, étant satisfait du résultatau plan fonctionnel (f, g). (Collection D. Le Nen.)

Variantes

Dans le tracé du lambeau

D’autres tracés sont possibles : soit l’axe du lambeau est dessiné de l’émer-gence de l’artère à 2,5 cm au-dessous de l’EIAS (5, 6, 7), soit le lambeau estdessiné autour de l’axe du ligament inguinal, mais décalé un tiers au-dessuset deux tiers au-dessous (8).

Le slip flap et le string flap de Mitz (9)

Le lambeau inguinal horizontal, ou slip flap, est taillé en crosse de hockey. Ilest fémorofessier. Il laisse une cicatrice de prélèvement horizontale, basse, lataille du lambeau prélevé peut être au maximum de 9 cm sur 25 cm.

Le mini lambeau inguinal ou string flap est centré sur le pli inguinal, vas-cularisé par une perforante cutanée qui se situe immédiatement en-dehors desvaisseaux fémoraux. Il peut être intéressant pour une perte de substance loca-lisée sur un doigt. Sa longueur utile est de 10 cm sur 6 cm de large. Ses indi-cations sont exceptionnelles, la couverture digitale relevant plutôt des lam-beaux locaux ou régionaux.

Lambeau composite ostéocutané

Un prélèvement de crête iliaque est possible (vascularisation de la crête parune branche de la circonflexe iliaque superficielle). Le tracé du lambeau doitêtre bien pensé, pour disposer la greffe osseuse au niveau souhaité, tout enautorisant la couverture de la perte de substance cutanée.

Suites opératoires

Dès le premier jour postopératoire, l’épaule et le coude peuvent être libérés,le patient est autorisé à allonger les jambes. Dans notre expérience, le leverest possible dès le troisième jour, ainsi que la marche. D’autres équipes n’au-torisent que la mise au fauteuil.

Les soins locaux, hormis les premiers pansements, sont faits sous la douche,le patient étant assis ou debout selon son état général.

La mobilisation de la main peut être commencée dès les premiers jours,elle est d’autant plus aisée que le pédicule est plus long.

La sortie est autorisée à partir du sixième jour, après avoir organisé les soinsavec l’équipe soignante à domicile.

Sevrage

La revascularisation se fait par le site receveur dans un délai de trois semaines.Le sevrage est donc possible sans risque à ce moment-là. Certains auteurs (3, 5)

192 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

raccourcissent le délai à 15 jours avec des épreuves de clampage du pédicule.Le sevrage est réalisé par section du pédicule et fermeture du site donneur,puis adaptation de la zone de section du lambeau à la berge de la perte desubstance cutanée.

Dégraissage

Il est souvent nécessaire de réaliser un dégraissage du lambeau, au maximum lamoitié de la surface en un temps. Celui-ci est souvent associé à une réadaptationcutanée par des recoupes. On peut réaliser un dégraissage par lipo-aspiration mais,étant donné qu’il est souvent nécessaire de retendre les berges cutanées, ce procédén’offre que peu d’avantages. Il peut donc être nécessaire de réaliser plusieurs tempsde dégraissage (en général deux), chaque fois à six semaines d’intervalle.

Avantages

– Dimensions du lambeau, plus grandes que celle des lambeaux régionauxde l’avant-bras.

– S’agissant d’un lambeau à distance, il ne sacrifie pas d’axe vasculairemajeur comme le lambeau chinois, l’artère radiale pouvant être nécessaire lorsde temps ultérieurs de reconstruction.

– Grande facilité technique dans la réalisation, ainsi que reproductibilité.– Excellente fiabilité.– Séquelles esthétiques peu visibles au niveau du site de prélèvement (cica-

trice dissimulée dans le maillot de bain).

Inconvénients

– Nécessité de plusieurs temps opératoires : sevrage, puis dégraissage(s),souvent obligatoire(s) chez les patients ayant un pannicule adipeux important.

– Difficulté des soins postopératoires avec un risque d’infection, vu la loca-lisation abdomino-pelvienne, facilement évitée par des pansements soigneuxet réguliers (douche +++).

– Difficulté de la rééducation. De plus, la position déclive de la main nepermet pas de lutter efficacement contre l’œdème postopératoire.

– Difficulté à récupérer une autonomie chez les patients âgés, avec un enrai-dissement rapide, une récupération de la mobilité de l’épaule et de la marchequi reste difficile.

Indications

Le lambeau inguinal a une place de choix dans les grandes pertes de substancedu membre supérieur, de la main (face dorsale ou palmaire), du poignet oude l’avant-bras, jusqu’au coude.

Lambeau inguinal de McGregor 193

Il est en particulier indiqué lorsque la perte de substance concerne la facedorsale du poignet, qui contre-indique le prélèvement d’un lambeau interos-seux postérieur.

En cas d’échec d’un lambeau d’avant-bras, il constitue un recours fiable.Chez la femme, il ne laisse pas de cicatrice visible, comme le fait par

exemple un lambeau antébrachial.

Références

1. McGregor IA, Jackson IT (1972) The groin flap. Br J Plast Surg 25: 3-162. Tassin X, Teot L (1993) Lambeau inguinal. In: « Lambeaux cutanés, osseux et musculaires

du membre inférieur ». F Bonnel, L Téot, E Lebreton et al. (eds). Sauramps, Montpellier3. Legré R, Samson P, Magalon G (1996) Chirurgie des pertes de substance cutanée du membre

supérieur. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris) Techniques chirurgicales. Chirurgie plastiquereconstructrice et esthétique, 45-690, 20 p

4. Baron JL, Bénichou M, Louchahi N et al. (1991) Techniques et indications actuelles dulambeau inguinal pédiculé en chirurgie de la main. À propos de cent observations. AnnChir Plast Esthét 36: 31-44

5. Masquelet AC, Romana MC, Gilbert A (1993) Les lambeaux musculaires et cutanés.Tome 2 : Les lambeaux de couverture au membre supérieur. Springer, Paris

6. Chow JA, Bilos J, Hui P et al. (1986) The groin flap in reparative surgery of the hand.Plast Reconstr Surg 77: 421-5

7. Pederson W, Lister G (2005) Skin flaps. Green’s operative hand surgery. Elsevier – ChurchillLivingstone, Baltimore

8. Guiga M, Fourati MK, Meherzi A et al. (1988) Notre expérience des lambeaux inguinauxpédiculés. À propos de quatre-vingts cas. Ann Chir Main 7: 79-84

9. Mitz V, Guiga M, Staub S, Vilain R (1982) Prélèvement esthétique des lambeaux ingui-naux : Le « slip flap », le « string flap ». Ann Chir Plast 27: 165-9

194 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeaux libres à la main

F. Duteille

Lambeau de fascia du Serratus anterior

Bases anatomiques

La vascularisation du fascia du serratus anterior (FSA) est assurée, comme pourle lambeau musculaire du serratus anterior, par le pédicule thoracique, branchede division de l’artère thoracodorsale. La totalité du FSA est vascularisée parcette artère. Il n’y a donc pas de limite à son prélèvement.

Dessin de la forme typique

Le prélèvement du lambeau sera fait en fonction de la perte de substance enessayant de garder l’axe vasculaire au centre.

Technique de levée

Le malade est mis en position latérale, le bras à la retourne de manière à avoiraccès à la fosse axillaire. La voie d’abord est identique à celle du serratus ante-rior : incision 1 à 2 cm en avant du rebord antérieur du latissimus dorsi. Cedernier est rejeté vers l’arrière. Puis le pédicule thoracodorsal est individualiséà la partie proximale de la voie d’abord et disséqué de proximal en distaljusqu’à retrouver le pédicule thoracique qui est ligaturé. Le fascia est ensuiteséparé du muscle (sur quelques centimètres) le long du bord postérieur demanière à être individualisé. Puis l’aide tracte légèrement sur le fascia, per-mettant à l’opérateur de soulever progressivement le fascia du bord postérieurvers le bord antérieur. Tout au long de cette levée, il faut thermocoaguler àla pince bipolaire les branches vasculaires partant du pédicule thoracique età destinée du muscle serratus anterior. Une fois le FSA levé, il est sevré parsection du pédicule thoracodorsal (fig. 1).

196 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 1a-f – Patient de 22 ans présentant une « main de portière » avec perte de substance de laface dorsale de la main et mise à nu des tendons et du 2e métacarpien (a). Levée d’un lambeaude fascia de serratus anterior dont on peut remarquer la surface et la finesse (b). Le lambeau estmis en place et revascularisé (c). Avec un recul d’un an, on peut remarquer le bon résultat cos-métique (absence de surépaisseur) et le résultat fonctionnel (absence d’adhérence des élémentstendineux) (d-f).

ba

d

f

c

e

Trucs et astuces

– Tout au long de la dissection, il est important d’hydrater régulière-ment le fascia de manière à éviter son dessèchement.

– Si la longueur du pédicule nécessaire est modérée, on peut théori-quement conserver le pédicule thoracique. Cependant la section de cedernier donne beaucoup de jour et facilite la dissection.

– Le temps difficile correspond à la levée du fascia en regard direct dupédicule, car il existe alors un nombre important de branches musculairesà coaguler sans léser le pédicule thoracique.

– Chez le patient pléthorique, il peut être difficile de séparer le fasciades structures graisseuses se situant entre les deux muscles.

Lambeaux libres à la main 197

Variantes

L’importance et l’épaisseur du FSA sont relativement variables en fonction despatients. Notamment, il n’existe pas toujours de corrélation directe entre l’étatnutritionnel et l’épaisseur du fascia.

Soins postopératoires

Le fascia correspond à une lame vasculaire dont le risque majeur est son des-sèchement. Aussi, contrairement aux lambeaux musculaires, le lambeau deFSA est greffé dans le même temps opératoire que sa réalisation (après avoirvérifié sa revascularisation après les anastomoses vasculaires). Le lambeau n’estpas surveillé et le premier pansement est réalisé au quatrième ou cinquièmejour postopératoire.

Indications

Le lambeau de fascia est intéressant dans la couverture des pertes de substancede la main, essentiellement au niveau de sa face dorsale. Il permet de couvrirdes surfaces importantes (environ 20 sur 10 cm). La longueur du pédiculepeut être particulièrement intéressante, car elle permettra de décaler lesanastomoses vers un territoire sain (plus proximal par rapport à la perte desubstance). Cet argument est particulièrement intéressant dans les cas d’écra-sement où les axes vasculaires près de la perte de substance sont souventinflammatoires, entourés d’une gaine de fibrose.

Avantages

– Surface importante.– Longueur du pédicule.

Inconvénients

– Dissection non aisée.– Variabilité de l’épaisseur.

Lambeau de fascia superficialis temporalis (FST)

Bases anatomiques (fig. 2)

Le FST est une lame vasculaire de glissement située entre le fascia du muscletemporal (en profondeur) et le cuir chevelu (en superficie). Il est vascularisépar les vaisseaux temporaux superficiels qui s’arborisent à l’intérieur du FST.

Dessin de la forme typique

Le FST correspond à un triangle équilatéral (d’environ 12 à 15 cm de côté)situé en zone chevelue temporale, dont la pointe inférieure se place 3 à 4 cmau-dessus du tragus de l’oreille.

198 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 2 – Lambeau FST. a) Schéma de la levéedu lambeau. 1 : Cuir chevelu avec visualisa-tion des bulbes pileux ; 2 : Fascia du muscletemporal ; 3 : FST levé sur ses vaisseaux ;b) Schéma du plan de dissection du lambeauFST. 1 : Cuir chevelu ; 2 : Bulbes ; 3 : Fasciadu muscle temporal ; 4 : Muscle temporal ; 5 :Fascia superficialis et ses vaisseaux ; c-e) Levéed’un lambeau FST.

ba

dc

e

Lambeaux libres à la main 199

Technique de levée

Le pédicule peut être d’abord repéré au Doppler. L’incision est réalisée de façonlégèrement décalée afin d’éviter toute lésion vasculaire. La dissection com-mence en zone chevelue et doit trouver un plan de dissection entre le fasciaen profondeur et les bulbes chevelus en superficie. Une fois le fascia disséquédans sa partie superficielle (séparé du cuir chevelu), les vaisseaux temporauxsuperficiels sont visibles à la partie superficielle du FST. Ces derniers sont alorsdisséqués et individualisés dans la région prétragienne.

Le FST est ensuite incisé et séparé du fascia du muscle temporal dans sapartie la plus haute. Il est alors nécessaire de faire l’hémostase précautionneusede toutes les branches de l’artère temporale superficielle. On pratique de lamême façon sur le bord latéral et médial du lambeau (de manière à avoir unprélèvement de lambeau triangulaire), en prenant soin de conserver l’artèretemporale superficielle dans le lambeau. Puis le lambeau est soulevé en le sépa-rant totalement du fascia du muscle temporal. Le FST ne tient plus alors quepar ses vaisseaux nourriciers qui sont disséqués au plus loin.

Trucs et astuces

– Le plan de dissection dans la partie superficielle du lambeau est leplus difficile en raison du risque de lésion des vaisseaux et du pédicule. Leplus simple est de se repérer par rapport aux bulbes pileux qui doivent êtrevus, mais qui doivent toujours rester « à l’intérieur » du cuir chevelusoulevé.

– Le plan de dissection profond (entre FST et fascia temporal) est unplan avasculaire qui peut être disséqué au doigt assez rapidement.

– La dissection du pédicule dans sa partie prétragienne est assez diffi-cile en raison du caractère sinueux des vaisseaux avec des trajets tortueuxet parfois aberrants.

Variantes

Certains auteurs ont décrit la possibilité de séparer le FST en lames superfi-cielle et profonde vascularisées par le même pédicule. Cette étude essentiel-lement anatomique n’a pas été confirmée par des séries cliniques.

Soins postopératoires

Comme le FSA, le fascia correspond à une lame vasculaire dont le risquemajeur est son dessèchement. Il sera greffé dans le même temps opératoireque sa réalisation.

Indications

La finesse du FST est particulièrement intéressante dans la couverture despertes de substance de la main. La taille des vaisseaux permet des anastomoses

sans incongruence avec des artères intermétacarpiennes, voire avec la partieproximale d’une artère digitale. Sa taille permet de couvrir de façon complèteun doigt. En revanche, en raison de la longueur du pédicule, il ne permetpas de branchement à distance de la perte de substance.

Avantages

– Absence de séquelles.

Inconvénients

– Dissection non aisée.– Vaisseaux de petite taille et pédicule court.

Lambeaux scapulaires (ortho et para)

Bases anatomiques (fig. 3)

L’artère circonflexe scapulaire est une branche de l’artère subscapulaire quiprend naissance au niveau de la région axillaire. Après avoir contourné la fosseaxillaire d’avant en arrière, elle se divise en deux branches perpendiculaires :une branche à axe horizontal vascularisant le lambeau orthoscapulaire et unebranche à axe vertical vascularisant le lambeau parascapulaire. Les veines dedrainage sont comitantes à l’artère et suivent le même trajet. La particularitédes lambeaux scapulaires est d’avoir un mode de vascularisation axial (l’artèrenourricière chemine dans la peau) et non pas fasciocutané comme la plupartdes lambeaux cutanés.

Dessin de la forme typique

Le dessin du lambeau inclut le point d’émergence de l’artère circonflexe sca-pulaire au niveau du dos. Ce point se situe entre le bord latéral de la scapula(juste sous l’articulation glénohumérale) et la fosse axillaire. Sur un patientavec le bras en adduction, l’artère sera très proche de la scapula. Plus le brassera en abduction et plus l’artère va se latéraliser pour aller vers la fosse axillaire.

Pour le parascapulaire, son axe central se situe le long du bord latéral de lascapula. Sa longueur moyenne est environ de 10 à 12 cm. Celle-ci pourraêtre prolongée, en sachant que la partie distale du lambeau vit alors sur unevascularisation au hasard. La largeur est fonction des besoins, mais il faut savoirque la fermeture est souvent difficile au-delà de 4 cm.

Pour l’orthoscapulaire, l’axe central est perpendiculaire au précédent. Lesmêmes principes de longueur et de largeur peuvent y être appliqués.

200 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeaux libres à la main 201

Fig. 3a-c – Lambeaux scapulaire et parascapulaire. a) Schématisation de la vascularisation deslambeaux scapulaire et parascapulaire. 1 : Artère circonflexe scapulaire ; 2 : Branche descen-dante ; 3 : Branche transverse ; 4 : Lambeau scapulaire ; 5 : Lambeau parascapulaire ; b, c) Levéed’un lambeau scapulaire. (Collection D. Le Nen.)

b

a

c

Technique de levée (fig. 4)

Nous décrirons ici le lambeau parascapulaire.

202 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 4a-g – Enfant de 5 ans ayant mis samain dans une bétonnière et présentant, aprèsnécrosectomie sur peau contuse, une perte desubstance au niveau de la tabatière anato-mique avec mise à nu de différents élémentsnobles (a, b). Un lambeau parascapulaire estdessiné (c) et levé (d). Le lambeau est mis enplace et revascularisé (aspect du pansement àJ + 5) (e, f). Avec un recul de cinq ans, etaprès la réalisation d’un transfert vasculariséarticulaire d’orteil pour la reconstruction dela 2e MCP, le résultat tant fonctionnel quecosmétique est honorable (g).

ba

d

f

c

e

g

Il est préférable de repérer les vaisseaux (trajet et abouchement au niveauaxillaire) au Doppler avant l’incision. Ce repérage doit être réalisé avec le brasdans la même position que lors du prélèvement chirurgical (le plus simpleétant de réaliser le Doppler une fois le patient endormi et installé). Le patientest positionné en décubitus latéral (opposé au côté du prélèvement), l’épauleen abduction et le bras en extension. L’incision en forme de U est ensuiteréalisée dans la partie distale du lambeau centré sur l’axe artériel précédem-ment repéré. La levée du lambeau va se faire de proximal en distal. L’incisioncutanée est poursuivie à la demande selon les barres verticales du U initié audépart. Le plan de décollement se situe théoriquement en suprafascial. Pourdes raisons de sécurité, les vaisseaux étant vraiment situés juste au-dessus del’aponévrose, il est intéressant de disséquer dans un plan subfascial. Au fur età mesure de la levée du lambeau, on peut vérifier la vascularisation de cedernier (vérification du pouls capillaire cutané) qui témoigne de l’absence defaute technique.

À l’approche de la région axillaire, la dissection est poursuivie dans un plansuprafascial et les vaisseaux circonflexes scapulaires sont disséqués. Une foisces derniers individualisés et mis sur un repère (tissu ou silicone), l’incisioncutanée proximale est terminée en pointe. Il faut alors disséquer avec délica-tesse car le lambeau n’est plus retenu que par ses vaisseaux nourriciers. Onpeut fixer transitoirement le lambeau par deux points cutanés afin d’évitertout incident ou traction sur les vaisseaux. Ces derniers sont disséqués vers larégion antérieure en fonction de la longueur de pédiculé souhaité.

La zone de prélèvement est fermée directement quand cela est possible. Encas d’impossibilité, on est alors généralement obligé de faire une greffe de peaumince.

Lambeaux libres à la main 203

Trucs et astuces

– Le repérage du pédicule, une fois le patient installé et endormi, faci-lite beaucoup le dessin du prélèvement (surtout si la largeur du lambeauest faible) et l’émergence de l’artère circonflexe scapulaire.

– La dissection première dans un plan subfascial évite toute lésion desvaisseaux.

Variantes

Lambeau orthoscapulaire

Ce lambeau est vascularisé par l’une des branches de division de l’artère cir-conflexe scapulaire (celle ayant un axe horizontal). Les modalités de prélève-ment sont identiques à celle du parascapulaire, mais sa rançon cicatricielle estgénéralement moins dissimulable.

Lambeau bifolié

Il consiste à prendre en même temps les lambeaux para- et orthoscapulaires, tousles deux vascularisés par l’artère circonflexe scapulaire. L’existence de deux palettescutanées à axe perpendiculaire est particulièrement intéressante quand il existedeux pertes de substance voisines mais séparées par un élément cutané sain.

Prélèvement d’un élément osseux scapulaire associé

Le bord latéral de la scapula peut être prélevé en même temps que le lambeauparascapulaire. Ce prélèvement osseux nécessite cependant, afin de préserverles éléments anastomotiques vasculaires, de garder en continuité le lambeaucutané, les attaches musculaires du teres major (grand rond) et du teres minor(petit rond) et la zone de scapula prélevée.

Soins postopératoires

Il n’y a pas de particularité dans le mode de surveillance du lambeau scapu-laire. Comme tout lambeau cutané, il est facilement surveillé (recolorationcutanée, chaleur…).

Indications

Les lambeaux scapulaires conviennent parfaitement à la couverture des zonespalmaires. Ils sont un peu épais et on pourra préférer d’autres lambeaux enzone dorsale. La longueur du prélèvement possible (> 20 cm) peut être par-ticulièrement intéressante en cas de perte de substance débordant la main(poignet, voire plus proximal).

Avantages

– Grande longueur du prélèvement possible.– Plusieurs variantes possibles (bifolié, prélèvement osseux…).

Inconvénients

– Séquelles cosmétiques du prélèvement.

Lambeau de serratus anterior (SA)

Bases anatomiques

Le SA (dentelé antérieur) est un muscle composé de neuf digitations.Les cinq dernières sont vascularisées principalement par la branche thoraciquede l’artère thoracodorsale et accessoirement par les artères intercostales. Sesfonctions sont doubles : muscle respiratoire accessoire et stabilisateur de la

204 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

scapula sur le grill costal lors des mouvements de l’épaule. Il est innervé parle nerf thoracique long. Ce nerf devra être soigneusement respecté au coursde la dissection afin d’éviter une scapula alata.

Dessin de la forme typique

Théoriquement, les cinq dernières digitations peuvent être prélevées.Cependant, afin d’éviter toute déstabilisation de la scapula, seules les trois der-nières sont habituellement prélevées. La taille et la forme du lambeau serontfonction de la perte de substance.

Technique de levée

Le malade est mis en position latérale, le bras à la retourne de manière à avoiraccès au creux axillaire. L’incision cutanée se situe 1 à 2 cm en avant du bordantérieur du latissimus dorsi. Ce dernier est rejeté vers l’arrière. Puis le pédi-cule thoraco-dorsal est individualisé à la partie proximale de la voie d’abordet disséqué de proximal en distal jusqu’à retrouver le pédicule thoracique quiest ligaturé. Le pédicule thoracique est alors disséqué et soulevé du SA jusqu’àla partie musculaire qui va être prélevée. Cette dernière est bien sûr fonctionde l’importance de la perte de substance. Le lambeau est alors soulevé du plancostal et sectionné au bistouri électrique sur ses bords latéral et médial de façonà le laisser uniquement pédiculé sur ses vaisseaux nourriciers.

Lambeaux libres à la main 205

Trucs et astuces

– Si la longueur du pédicule nécessaire est faible, on peut éviter de liga-turer le pédicule thoracique de manière à garder toute la vascularisationdu latissimus dorsi. Cependant la visibilité est moindre et complique unpeu la dissection.

– Le lambeau a toujours intérêt à être positionné « à l’envers » au niveaude la perte de substance (vaisseaux en profondeur) de manière à ce que lepédicule ne soit pas superficiel, mais protégé par le muscle.

– Il peut être intéressant de garder une petite lame triangulaire muscu-laire à la partie proximale du muscle juste en regard des vaisseaux. En effetune fois le muscle retourné, cette petite lame triangulaire pourra protégerune partie du pédicule.

– Lors de la section des bords latéral et médial, il est intéressant decoincer des compresses entre les côtes et le muscle de manière à stabiliserce dernier et à éviter tout soubresaut.

Variantes

– Formes associées à un prélèvement costal. Il existe un réseau anastomotiquevasculaire entre le muscle SA et les côtes qui peuvent donc être prélevées dans

le même temps opératoire. Il s’agit bien sûr des côtes en regard des faisceauxmusculaires prélevables, à savoir la septième, la huitième ou la neuvième. Lerisque majeur du prélèvement costal est le pneumothorax. Si deux côtes adja-centes sont prélevées, il existe un risque de hernie pulmonaire.

– Formes réinnervées. Le nerf moteur est bien visualisé lors de la dissection,il est donc tout à fait possible de le « rebrancher ». Les résultats fonctionnelssont soumis aux aléas de la chirurgie nerveuse.

– Formes avec palette cutanée. Elles peuvent être intéressantes si un prélè-vement de peau est nécessaire ou pour faciliter la surveillance du lambeau(palette cutanée « monitor »).

Soins postopératoires

La surveillance d’un lambeau musculaire est toujours plus difficile que celled’un lambeau cutané. La surveillance doit donc être rapprochée (1/heure lepremier jour ; 1/2 heures le deuxième jour… jusqu’au cinquième jour). Il fautvérifier l’aspect vivant et saignant du lambeau (notion assez empirique). Toutemodification d’aspect est à prendre en considération. Il est bien sûr intéres-sant d’avoir une équipe formée à la surveillance. La greffe de peau mince estgénéralement réalisée entre le sixième et le huitième jour.

Une petite palette cutanée peut être prélevée pour faciliter la surveillance,mais impose alors de positionner le lambeau « dans le bon sens » et d’avoirl’inconvénient d’avoir les vaisseaux en superficie.

Indications

Le muscle SA, bien que relativement fin, reste toujours un élément épaisau niveau de la main. Son indication reste limitée aux pertes de substanceimportantes avec phénomène de cavitation (traumatisme balistique, écrase-ment…) ou aux plaies torpides avec ostéite.

La forme réinnervée peut être utilisée pour redonner une fonction à unemasse thénarienne.

Un prélèvement costal peut être intéressant quand il existe une perte desubstance complexe (tissulaire et osseuse) ou la côte pourra remplacer le méta-carpe.

Avantages

– Très long pédicule permettant de se « brancher » très à distance de laperte de substance.

– Possibilité d’effectuer un prélèvement pluritissulaire (muscle, os, peau).

Inconvénients

– Problème du lambeau musculaire au niveau de la main : souvent tropépais.

206 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Lambeau brachial latéral

Bases anatomiques (fig. 5)

Il s’agit d’un lambeau fasciocutané vascularisé par des branches artérielles issuesde la branche postérieure de l’artère brachiale profonde. L’artère brachiale pro-fonde chemine, accompagnée du nerf radial, entre le muscle triceps en arrièreet le brachial antérieur en avant. Cette artère se divise (au niveau du tiers distaldu bras) en une branche antérieure et une branche postérieure. Cette dernièrequi chemine entre le muscle brachioradial et le triceps est l’artère nourricièredu lambeau brachial externe. Tout au long de son trajet dans le septum entreles deux muscles, l’artère va détacher des artères cutanées qui vont permettrele prélèvement du lambeau.

Lambeaux libres à la main 207

ba

Dessin de la forme typique

Comme son nom l’indique, l’axe central du lambeau correspond à l’axe latéraldu bras (fig. 5a). Pour dessiner le lambeau, il faut donc repérer à la main leseptum qui sépare la loge antérieure de la loge postérieure du bras (entremuscle brachial et chef latéral du triceps). Pour effectuer ce repère, il fautmettre le bras du patient dans la même position que pour l’intervention :épaule en abduction, coude en flexion et avant-bras en pronation. Les limitespostérieure et antérieure du lambeau sont fonction des besoins. En revanche,au-delà de 4 à 5 cm, la zone donneuse est difficilement autofermante. La partieinférieure prend généralement une forme elliptique pour faciliter la fermeture

Fig. 5a-b – Schéma du lambeau brachial latéral. a) Axe du lambeau sur la face latérale dubras ; b) Schéma en coupe du lambeau BE. 1 : Branche postérieure de l’artère brachiale pro-fonde ; 2 : Humérus ; 3 : Septum ; 4 : Lambeau fasciocutané. (Collection D. Le Nen.)

et ne dépasse pas la tête radiale. Il n’existe théoriquement aucune limite proxi-male, le prélèvement cutané pouvant s’étendre jusqu’au niveau de la régiondeltoïdienne.

Technique de levée

Le membre supérieur est positionné sur une table à bras avec si possible ungarrot stérile qui facilite l’installation. Le bras est mis dans la même positionque lorsque le dessin a été effectué. On met un drap stérile sous le coude demanière à faciliter la dissection. L’incision commence par la partie postérieuredu lambeau car elle est généralement plus aisée. L’incision comporte le plancutané et le fascia du muscle triceps brachial. Cet fascia est alors fixé au plancutané par des fils résorbables de manière à éviter tout savonnage entre lesdeux plans. Puis, alors que l’aide tracte légèrement sur le fascia du triceps,l’opérateur « rase » le muscle jusqu’à rentrer en contact avec l’humérus. Il doitnormalement avoir visualisé l’artère du lambeau et éventuellement le nerf radialdans la partie haute. Le même principe est appliqué pour la partie antérieuredu lambeau avec le fascia du brachial et du brachioradial. La dissection visua-lise le nerf radial ainsi que la branche antérieure de l’artère brachiale profondequi est normalement plaquée contre le muscle brachial (qu’il ne faudra biensûr pas confondre avec la branche postérieure). Une fois les deux parties (anté-rieure et postérieure) disséquées, le lambeau n’est plus solidaire du bras quepar ses attaches osseuses. Le décollement est fait de distal en proximal en sou-levant le lambeau cutané au ras de l’os.

208 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Trucs et astuces

– Lorsque l’on soulève le lambeau de proximal en distal, on peut parsécurité emporter une bandelette de périoste huméral afin d’éviter toutelésion du pédicule.

– La branche antérieure de l’artère brachiale profonde peut être sec-tionnée d’emblée (juste au niveau de sa division), ce qui facilite la mobi-lisation du lambeau et sa dissection.

– Le nerf radial peut être individualisé et mis sur un repère (tissu ousilicone) pour le protéger, mais il pourra y avoir une parésie postopératoiretransitoire.

Variantes

– Forme septale pure. Comme tout lambeau fasciocutané, le lambeau brachiallatéral peut être prélevé sous sa forme fasciale pure. Le lambeau est alors plusfin (bien que la forme cutanée soit déjà assez fine) et les rançons cicatriciellessont moins importantes. Sur le plan technique, cette forme est plus difficile.

– Forme cutanéo-osseuse. Un fragment corticospongieux peut être prélevéaux dépens de l’humérus. La baguette est alors prélevée en regard direct del’artère nourricière du lambeau. Au vu de la littérature, cette forme n’a passuscité beaucoup d’intérêt.

Soins postopératoires

La surveillance est aisée pour la forme cutanée (temps de recoloration) et neprésente aucune particularité. Pour la zone donneuse, la fermeture est faitede façon directe si cela est possible. La qualité de la fermeture (deux plans,surjet) conditionne bien sûr la qualité de la cicatrice. Il persiste cependantsouvent un creux au niveau de la zone de prélèvement que l’on peut essayerde minimiser en mettant des points de rapprochement entre les muscles desloges antérieure et postérieure, en prenant garde au nerf radial…

Quand la fermeture directe est impossible, il ne sert à rien de forcer surles berges. On a alors recours :

– à une greffe de peau mince : jamais expansée ; elle laisse souvent desrançons cicatricielles assez sévères ;

– à une greffe de peau totale, qui donne un meilleur résultat cosmétiqueau prix d’une prise moins certaine ;

– au derme artificiel, qui a des inconvénients connus (trois semaines depansement et deux temps opératoires), mais qui donne un résultat équivalentà la greffe de peau totale sans ses inconvénients.

Indications

La peau du lambeau brachial latéral est fine et s’adapte bien à la main, toutparticulièrement à la face dorsale et la première commissure. La forme avecprélèvement osseux pourra éventuellement rendre service au coup par coup.

Avantages

– Peau relativement fine et adaptée au revêtement cutané de la main.– Possibilité d’obtenir un pédicule long.

Inconvénients

– Rançon cicatricielle souvent importante en raison de l’élargissement secon-daire de la cicatrice.

– Risque de lésion du nerf radial lors de la dissection.

Références

1. Masquelet AC, Romana MC, Gilbert A (1993) Les lambeaux musculaires et cutanés,Tome 2 : Les lambeaux de couverture au membre supérieur. Springer, Paris

2. Strauch B, Yu HL (1993) Atlas of microvascular surgery. Anatomy and operativeapproaches. Thieme, New York

Lambeaux libres à la main 209

Levée d’un lambeau cutané pédiculé :principes, trucs et astuces

D. Le Nen

Lever un lambeau en îlot est en apparence simple, mais bien lever un lambeau,avec une fiabilité optimale, est plus difficile. Le succès d’un lambeau, commetout acte de chirurgie en général, commence avec la planification préopéra-toire ; il n’est définitivement acquis qu’après la période postopératoire. Il fautsavoir que chaque étape de la couverture d’un défect cutané par un lambeauen îlot peut être à l’origine d’un échec par nécrose.

Planning préopératoire

Le choix du lambeau se fait selon l’expérience de l’opérateur, le siège et l’étatdu site receveur, le point de rotation et la longueur pédiculaire potentielle dulambeau.

Expérience de l’opérateur

Elle est primordiale, basée sur la dissection au laboratoire d’anatomie et lapratique clinique de lambeaux, dont le nombre est devenu presque inchif-frable. Mais il existe, dans les différents « livres de recettes de lambeaux », desstandards dont la pratique régulière permet d’accroître la fiabilité.

Siège de la perte de substance

Il représente le facteur logique pour le choix du lambeau pédiculé.

État du site receveur

L’existence d’une fibrose locale ou régionale, d’une brûlure, sont des élémentsimportants à prendre en compte ; leur présence pourra obliger à agrandir laperte de substance initiale pour se retrouver en zone saine.

212 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Point de rotation et longueur du pédicule présumés

Ils permettent de choisir le lambeau qui atteindra le plus aisément la pertede substance à couvrir.

Préparation du site receveur

Le parage, sur lequel nous ne reviendrons pas, est primordial, devant aboutirà une plaie propre aux berges cutanées saines (fig. 1).

Fig. 1a, b – a) Fractures ouvertes avec pertes de substance cutanée étagées de la main et desdoigts ; b) Aspect après parage et lavage soigneux.

b

a

Dessin du lambeau proprement dit

Dimension

« Surdimensionner » légèrement le dessin du lambeau prévient la réalisationd’une suture en tension, source d’ischémie cutanée ou de difficulté au retourveineux.

Crayon démographique

Employer un crayon dermographique, et parfois, pour les grandes pertes desubstance, réaliser un calque, par exemple à l’aide d’un gant, est utile, sinonindispensable (fig. 2). Le dessin du point de rotation et du trajet du pédiculedoivent figurer au crayon, ce qui permet de parfaitement positionner le niveauen hauteur et en largeur de la palette cutanée ou fasciocutanée (fig. 3). Uneerreur d’estimation de la longueur pédiculaire de un ou de deux centimètrespeut conduire à une couverture incomplète du défect cutané.

Levée d’un lambeau cutané pédiculé 213

Lambeau composite

Parfois, un lambeau composite (os-peau en particulier) sera levé. S’il s’agit d’unlambeau avec pédicule ostéocutané, la levée concomitante des deux tissus estdifficile et les erreurs de dessin fréquentes. Il faudra préférer, si l’on n’en a pasune certaine habitude, un lambeau cutané en îlot associé à une greffe osseusenon vascularisée conventionnelle (crête iliaque, par exemple).

Technique proprement dite

Instrumentation

Elle comprend une boîte de plastie, une micro-instrumentation (bien qu’ellene soit pas systématique), et souvent aussi une magnification par lunettes gros-sissantes, une pince bipolaire pour l’hémostase, du sérum tiède.

Garrot pneumatique

Travailler sous garrot, quand cela est possible (lambeau distal), est d’un confortévident. Une question souvent débattue est de savoir s’il faut vider ou non lesang veineux avant le gonflage du garrot. L’absence de vidange veineuse rendles vaisseaux bien visibles, ce qui facilite donc la dissection ; mais le risque enest la congestion veineuse, avec turgescence des veines, rendant la dissectionhémorragique avec présence de sang noir.

Fig. 2 – Calque réalisé avec un gant, coupéaux dimensions de la perte de substancecutanée. Ce calque est ensuite reporté sur lesite donneur.

Fig. 3 – Vue peropératoire du traitementd’une perte de substance de la face dorsale dela main par un lambeau interosseux postérieur.* : point de pivot ; P : pédicule ; L : lambeau.

Dissection de la palette cutanée

Lever un lambeau cutanéograisseux ne pose pas de difficulté technique par-ticulière ; lever un lambeau fasciocutané nécessite la fixation du fascia à la peaupar des points d’amarrage dermofasciaux (par exemple au fil résorbable tressédécimale 2). La solidarisation évite des phénomènes de cisaillement des affé-rences vasculaires cutanées (fig. 4). L’hémostase devra être très soigneuse, à lapince bipolaire, complétée après le lâcher de garrot, dans le but d’éviter unhématome qui peut conduire à la perte du lambeau. Dans le cas d’un lambeaufasciocutané à vascularisation septocutanée (lambeau antébrachial radial, inter-osseux postérieur ou antérieur, etc.), la présence d’un réseau septal habituel-lement minuscule oblige à disséquer avec une infinie douceur, l’inconvénientde cette disposition vasculaire étant une certaine fragilité aux manipulations(fig. 5). Surtout, il faut procéder à une dissection atraumatique de la palettecutanée : éviter par exemple de saisir la peau avec des pinces à griffes et pré-férer la tenue du lambeau entre les doigts, non traumatisant.

214 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 4 – Point entre le derme et le fascia dansle cadre d’un lambeau fasciocutané.

Fig. 5 – Lambeau antébrachial vascularisé parl’artère radiale. Visualisation du septum inter-musculaire (Septum) contenant les vaisseauxtrès fins venant irriguer la peau.

Levée du pédicule

Une règle fondamentale consiste à disséquer le pédicule vasculaire d’autantplus à distance que les vaisseaux sont fins (fig. 6). Ainsi, dans la réalisation d’un

ba

Fig. 6a, b – Pédicule vasculaire d’un lambeau métacarpien a contrario (a) et d’un lambeaucerf-volant de Foucher (b). Remarquer la largeur de ces pédicules, permettant de prendre lesstructures nourricières artérielles et veineuses en toute sécurité.

Levée d’un lambeau cutané pédiculé 215

lambeau métacarpien a contrario par exemple, on ne cherchera pas à voir lepédicule, mais on lèvera une large bande de tissu adipofascial, évitant ainside blesser l’artère et les veines nourricières. Ici aussi, l’hémostase de toutes lespetites branches destinées aux structures adjacentes est impérative au niveaudu pédicule, car un hématome dans celui-ci ou dans le septum peut entraînerune compression et la perte du lambeau par thrombose.

Lâcher du garrot

Le garrot devra être levé avant de tourner le lambeau, ce qui permet, d’unepart, son autonomisation vasculaire et, d’autre part, de compléter l’hémostase(fig. 7).

Passage du pédicule

Pour atteindre le site receveur, il ne faudra passer le pédicule sous un tunnelpréparé à l’avance que si cette manœuvre ne comporte aucun risque de com-pression (fibrose, cicatrice cutanée rétractile, radiodermite, etc.). Au moindredoute, nous préconisons plutôt la réalisation d’une incision pour le passagedu pédicule qui sera, soit refermée en l’absence de tension, soit laissée ouverteou éventuellement greffée (fig. 8). Parfois, de principe notamment chez l’en-fant, le pédicule peut être laissé exposé ; il est alors réséqué entre deux liga-tures après autonomisation deux à trois semaines plus tard. Cela permet, parexemple pour un lambeau interosseux postérieur, d’étendre son arc de rota-tion et de couvrir au-delà de la limite habituelle, constituée par les phalangesproximales. Il existe d’autres techniques « d’allongement pédiculaire » par dis-section plus poussée du pédicule, ou par utilisation de la technique de l’YV(fig. 9). Lors du retournement du lambeau en îlot, il faudra éviter un certainnombre d’erreurs comme les chevalets, les porte-à-faux et torsions qui peuventcompromettre sa vascularisation (fig. 10).

ba

Fig. 7 – Levée de garrot suite à la dissectiond’un lambeau interosseux postérieur.

Fig. 8 – Lambeau antébrachial couvrant uneface dorsale de main, après ouverture auniveau du trajet pédiculaire.

Suture du lambeau

Celui-ci doit être positionné sur le site receveur en « tension physiologique »,ce qui suppose d’avoir au préalable calculé de façon assez précise les dimen-sions de la perte de substance (une légère surdimension est préférable). Unlambeau dessiné trop petit risque de souffrir par tension au niveau de sesmicrovaisseaux cutanés ou, tout simplement, de ne pas couvrir tout le défect ;au contraire, un lambeau cutané trop grand risque d’avoir un aspect« brioché ». Dans le cadre d’un lambeau à charnière provisoire, comme lelambeau de McGregor, l’affrontement parfait, derme à derme, entre le lambeauet les berges du site receveur est impératif (fig. 11). On évitera, si ce lambeau

216 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

a

c

Fig. 10 – Torsion pédiculaire d’un lambeaucerf-volant.

b

Fig. 9 – Schéma du procédé de l’allongementpédiculaire en YV dans le cadre d’un lambeauinterosseux antérieur [dessins d’après Hu W,Martin D, Foucher G, Baudet J (1994) Lelambeau interosseux antérieur. Ann ChirPlast Esthét 39: 290-300].

Levée d’un lambeau cutané pédiculé 217

est réalisé à distance du traumatisme, l’aspect invaginé de la ligne de sutureen pratiquant un « contre-lambeau », c’est-à-dire un décollement sur quelquesmillimètres des berges cutanées invaginées du site receveur (fig. 12). Lors dela réalisation d’un point unissant le lambeau au site receveur, l’apparition d’unsillon ou d’un aspect blanchâtre de la peau autour de ce point, synonyme detension, doit conduire à l’ablation de ce dernier, sous peine d’observer unesouffrance ultérieure du plan cutané, le plus souvent veineuse (fig. 13). Parfois,mieux vaut un petit pansement au tulle gras qu’un point de trop !

Fig. 11 – Affrontement parfait des bergescutanées entre lambeau et site receveur.

Fig. 12 – Décollement des berges d’une pertede substance (« contre-lambeau »), pour per-mettre un affrontement adéquat entre lelambeau et le site receveur.

Fig. 13 – Le point de trop ! Il doit être enlevé.

Pansement

Il sera modérément compressif au niveau du site donneur, si une greffe de peauà été réalisée dans le même temps opératoire, mais assez lâche au niveau dupédicule et du point de pivot, en raison du risque de compression, sourced’ischémie. La palette cutanée sera laissée exposée sur une petite surface, per-mettant aux infirmières et au chirurgien la surveillance postopératoire.

Immobilisation

Nous immobilisons systématiquement le segment de membre dans une attelleplâtrée ou un plâtre circulaire fenêtré, dans le but d’éviter toute tension oucompression intempestive du pédicule et du lambeau (transports ou retour-nement du patient dans son lit…).

Période postopératoire

Elle est primordiale et nécessite une très bonne « complicité » entre l’équipeinfirmière et le chirurgien. Cette surveillance est simple et ne nécessite quede fréquentes visites du patient, la détection par un personnel compétent etformé de tout incident, et surtout une réaction adaptée du chirurgien à toutincident de parcours.

Pour augmenter les chances de succès

Afin d’augmenter les chances de succès, le patient est installé dans une chambrechaude (27 °C), le membre opéré en position allongée dans le plan du lit.Sont prescrits de manière systématique des macromolécules et vasodilatateurs ;une anticoagulation à visée prophylactique des thromboses veineuses seule-ment est prescrite. Il faut inciter le patient à ne pas fumer ; cela nuit autantà la chirurgie des lambeaux qu’à la consolidation osseuse !

Chaleur cutanée

La chaleur cutanée du lambeau est un critère peu utile et source d’erreurs.

Couleur du lambeau

La couleur du lambeau à la recherche de signes de souffrance est plus fiable.Il faut savoir qu’un lambeau en îlot cutané a, en général, une couleur rosepâle (fig. 14). S’il est blanc, il y a peu de chance qu’il souffre d’ischémie, caril s’agit la plupart du temps d’un lambeau à bas débit. En revanche, l’expé-rience nous a montré que les signes de souffrance cutanée sont pratiquementtoujours veineux : un piqueté bleuté (fig. 15), un lambeau globalement cya-nique sont des signes d’alarme ou de souffrance devant conduire, selon lacause, à lâcher quelques points sténosants ou sous tension, à faire l’hémostased’un saignement sous le lambeau ou dans un tunnel, à utiliser des sangsues.Les signes de souffrance sont en général précoces : la surveillance sera donctrès rapprochée dans les premières heures. En d’autres termes, si le lendemainde la réalisation d’un lambeau en îlot, celui-ci reste bien vascularisé, sans signede souffrance veineuse, il « passera » bien. Il faut avoir conscience que l’onpeut perdre un lambeau en raison d’un saignement postopératoire (hématome,infiltration hématique entre fascia et plan cutané dans le cadre d’un lambeauseptocutané, etc.) (fig. 16).

218 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Temps de recoloration

Le temps de recoloration est un critère de surveillance fiable et rassurant pourl’équipe infirmière.

Conclusion

Patience, calme, méthode, rigueur et obstination sont les qualités vers lesquellesdevraient tendre les chirurgiens pratiquant la levée d’un lambeau.

Levée d’un lambeau cutané pédiculé 219

Fig. 14 – Aspect peropératoire d’un lambeauinterosseux postérieur : rose pâle.

Fig. 16 – Nécrose d’un lambeau interosseuxpostérieur par défaut de surveillance : héma-tome constitué progressivement.

Fig. 15 – « Piqueté » bleuté d’une souffranceveineuse.

Surveillance des lambeaux pédiculés et libres

M. Liot

La réussite d’un lambeau relève souvent du détail. On ne peut concevoir unetelle chirurgie sans une technique irréprochable, mais aussi sans une sur-veillance rigoureuse qui débute dès le temps opératoire. Des conditions opti-males doivent être réunies afin de dépister précocement toute complication,et ce jusqu’à la cicatrisation et la stabilité du lambeau.

Planification du lambeau

Dès la décision chirurgicale prise, la stratégie de couverture doit prendre encompte un certain nombre de paramètres :

– l’état général du patient, sa compréhension du geste et sa complianceprévisible aux soins postopératoires ;

– il faut offrir à l’équipe soignante les meilleures conditions de surveillancedu lambeau, de soins locaux et de nursing ;

– le choix du lambeau doit être réfléchi, en fonction du siège de la pertede substance et de l’expérience du chirurgien. La plupart du temps, l’optionla plus simple doit être retenue.

Au cours de l’intervention, le chirurgien acquiert la meilleure expertise dela qualité du site receveur. Il est aussi le seul à connaître le trajet exact dupédicule, la situation des microsutures dans le cadre d’un lambeau libre, oules difficultés techniques rencontrées. Il est donc l’interlocuteur privilégié del’équipe d’infirmières ou de l’interne de garde, en cas de complication post-opératoire, voire de reprise par un autre opérateur.

Pansement au bloc opératoire

La réalisation du pansement en fin d’intervention est un temps particulière-ment important. Il est toujours assuré par le chirurgien lui-même :

– la contention et l’étanchéité par compresses vis-à-vis des sutures cutanéesaide à prévenir le risque de contamination ;

– le pansement ne doit en aucun cas être compressif pour le pédicule oule membre opéré, source d’ischémie, de stagnation veineuse, d’œdème et dedouleurs ;

222 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

– il comporte un accès pour la surveillance du lambeau à travers une fenêtre.Sa première réfection sera moins douloureuse et facilitée par l’emploi de tullegras ;

– en plus de leur rôle postural, la confection d’attelles rigides sur mesureprotège le site opératoire d’éventuels traumatismes ou d’une compression,sources de souffrance du lambeau, tout en permettant une mobilisation la plusprécoce possible (fig. 1).

Fig. 1 – Attelle en « coquille », immobilisantparfaitement le poignet et la main et autori-sant aisément la surveillance d’un lambeau oud’un doigt replanté.

Surveillance postopératoire

D’une manière générale, le membre supérieur doit être dans le plan du lit oulégèrement surélevé, pour limiter l’œdème. Une feuille postopératoire détaillée,au besoin avec un schéma, accompagne le patient à la sortie du bloc opéra-toire. Elle précise clairement les consignes de surveillance, les prescriptionsmédicamenteuses, de soins ou de rééducation.

La surveillance postopératoire se fait en milieu spécialisé, au sein d’uneéquipe rodée à cette chirurgie. La chambre doit se trouver à un endroit « stra-tégique » dans le service, proche du poste infirmier, ce qui facilite la sur-veillance, les soins réguliers, la température ambiante pouvant être réglée à lademande.

Dépistage d’une modification dans les caractéristiques du lambeau

Les lambeaux sont des transferts tissulaires incluant leur propre vascularisa-tion. Cette dernière est au centre des préoccupations et impose les modalitésde surveillance.

Les mesures de surveillance font partie intégrante de la prise en charge chi-rurgicale. Elles permettent de dépister des complications dans les plus brefsdélais et de réagir en conséquence. Tout retard de prise en charge peut com-promettre les chances de sauver le lambeau.

Une surveillance, quasi horaire le premier jour, contrôle le bon état généraldu patient, relève ses constantes (pouls, température, pression artérielle, satu-ration) et dépiste localement des signes de souffrance du lambeau en fonc-tion de sa coloration, de sa température locale ou de la rapidité du pouls capil-laire, s’il intègre une palette cutanée. L’insuffisance veineuse, complication laplus fréquente, entraîne plutôt une cyanose avec accélération du pouls capil-laire. L’insuffisance artérielle est source de pâleur avec froideur. Tous deux sontischémiants et présagent un échec.

Surveillance des lambeaux pédiculés et libres 223

Une souffrance précoce, voire immédiate, témoigne d’une torsion du pédi-cule, d’un point de fermeture compressif, d’une posture inadéquate ou d’unhématome. Il peut aussi s’agir d’une thrombose de l’anastomose en cas delambeau libre. Il est généralement admis que le risque de thrombose des micro-sutures est important durant les cinq premiers jours, diminuant ensuite aprèsendothélialisation des microsutures. Un examen du pédicule au Doppler por-table est préconisé par certaines équipes, afin de s’assurer de sa perméabilité.

Ainsi, on peut être amené à refaire un pansement (serré ou imbibé de sang,risquant de faire garrot lorsque le sang sèche), à modifier une attelle (posi-tion inadéquate), à réaliser un geste local simple au lit du malade (ablationsimple d’un point « de trop »). La reprise chirurgicale est parfois requise, lors-qu’il s’agit d’évacuer un hématome, de faire une hémostase ou de reprendreune anastomose. À un stade plus tardif, le geste peut constituer en une nécro-sectomie, un repositionnement du lambeau ou un lavage pour sepsis.

Le terme ultime de la souffrance du lambeau, la nécrose, est un dramepour le patient et pour le chirurgien, car le problème pour lequel la cou-verture fut requise reste entier (fig. 2). Alors quelle solution choisir ? Un autrelambeau ou une simple cicatrisation dirigée, dont on connaît les risques à lamain ?

Fig. 2 – Nécrose d’un lambeau pulpaire auniveau d’un pouce.

Pansements dans le service

Les pansements, au mieux en présence du chirurgien, peuvent être espacés,sauf en cas de suppuration ou de macération (lambeau inguinal) nécessitantdes soins quotidiens. On recherche un hématome ou des signes d’inflamma-tion, sources de thrombose du pédicule. Le site donneur n’est pas oublié. Lespremiers jours, l’emploi de compresses tièdes héparinées améliore les chancesde survie, une aiguille de drainage trempée dans l’héparine peut éviter unengorgement veineux.

À l’ablation du pansement, le maintien du poignet dans la même positionest souvent « vital », par exemple pour un lambeau antébrachial, comme pourun lambeau interosseux postérieur (risque d’élongation du pédicule, sourcede souffrance du lambeau).

Rééducation

Plus qu’ailleurs, la chirurgie des lambeaux à la main se veut reconstructrice, maisaussi fonctionnelle. Une rétraction cicatricielle, une raideur, un syndrome adhé-rentiel limitant la fonction du membre, peuvent pénaliser le résultat final malgréune couverture satisfaisante du site receveur. Il convient donc d’appliquer à cetype de chirurgie les règles de la chirurgie de la main et de mobiliser les arti-culations et les tendons le plus tôt possible, ce qui permet de lutter dans le mêmetemps contre l’œdème. La rééducation est entreprise dans, puis hors de l’attelle,avec des consignes très précises quant à la position du poignet (fig. 3).

224 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 3 – Séance de rééducation postopératoireimmédiate.

Traitements associés

L’emploi d’anticoagulants ou de vasodilatateurs est très discuté. Une antibio-thérapie n’est pas systématique, mais fonction du terrain préopératoire, de laprésence de matériel d’ostéosynthèse ou de l’exposition d’un os ou d’une arti-culation.

Enfin une alimentation riche en protéines, un soutien psychologique etl’arrêt impératif du tabac constituent autant de mesures contribuant au succès.

Situation particulière : les lambeaux libres

Étant donné que le pédicule nourricier constitue le seul apport sanguin vers lelambeau, la perméabilité des microsutures vasculaires est essentielle à la survie tis-sulaire. Une thrombose peut survenir au niveau de la microsuture artérielle ou vei-neuse (ou les deux), mettant immédiatement le lambeau en danger dans tous lescas. Il est largement reconnu que l’origine principale de ces thromboses est la tech-nique chirurgicale. En effet, l’inclusion de structures adventitielles, le traumatismeintimal, une exposition des structures sous-intimales représentent des risques iden-tifiables d’échec par thrombose. La compression par un hématome, la torsion dupédicule lors de la mise en place du lambeau ou la fermeture « sous tension »constituent d’autres causes fréquentes d’échec. D’autres facteurs moins palpables,dont certains sont discutés, représentent des risques supplémentaires d’échec : l’in-fection préopératoire du site chirurgical, les états hypercoagulables, l’interpositionde greffes veineuses. Les mesures de surveillance étudiées auparavant permettentde réagir au plus vite en cas de suspicion de thrombose vasculaire.

STRATÉGIEET APPLICATIONS PARTICULIÈRES

Prise en charge initialed’un traumatisme de la mainavec perte de substance (pluri)tissulaire

M. Genestet

Le bilan lésionnel initial est capital pour établir la stratégie thérapeutique ; ildoit être fait dès les urgences (voire en situation préhospitalière), mais il seraplus précis au bloc opératoire après détersion.

La perte de substance est souvent pluritissulaire : cutanée, tendineuse, vas-culaire, nerveuse, et/ou osseuse. Par ailleurs, elle peut toucher un ou plusieursrayons de la main.

L’objectif sera de restaurer une pince pollicidigitale la plus fine, stable, puis-sante, sensible et mobile possible.

En situation préhospitalière

Quelle que soit l’équipe prenant en charge le patient (sapeurs-pompiers,médecin du SAMU), elle doit s’attacher à prévenir la structure d’accueil et àaller vite (SAMU, hélicoptère), le délai d’ischémie chaude en cas de dévas-cularisation étant court (six heures), pour optimiser le pourcentage de réus-site d’une éventuelle replantation.

Les premiers soins consistent en :– une première détersion au sérum physiologique et une désinfection avec

réalisation d’un pansement bétadiné ;– la mise en place d’une voie veineuse périphérique avec perfusion d’an-

talgiques et antibioprophylaxie IV ;– selon les habitudes de chacun, une anesthésie locorégionale sera au mieux

réalisée ;– la récupération et le conditionnement des fragments dévascularisés sur

les lieux de l’accident (compresse humide, double sachet plastique, puis glace).

En milieu hospitalier

Le projet thérapeutique doit être établi dès les urgences, selon le bilan lésionneleffectué par le chirurgien lui-même. Dès lors, plusieurs questions se posent :

– réimplantation ou non ?– amputation d’attente ou définitive ?

228 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

– reconstruction en urgence ou différée ?– chirurgie en un ou plusieurs temps ?

Le patient sera informé avec psychologie de la nature des lésions et de laplanification des différents temps chirurgicaux de reconstruction qui peuventen découler, ce qui n’est pas toujours aisé, ni réalisé dans les meilleures condi-tions dans le cadre de l’urgence.

La prise en charge en urgence est globale, selon le principe de hiérarchiethérapeutique et du « Tout en un temps avec mobilisation précoce » décritpar Michon et Foucher (1). Elle comprend :

– le parage ;– la stabilisation osseuse ;– la revascularisation ;– les sutures nerveuses et tendineuses ;– enfin, et seulement enfin, la couverture cutanée.

Parage

L’évaluation de la vitalité du revêtement cutané est délicate (décollementcutané, ecchymoses sont des facteurs de mauvais pronostic). Le parage doitêtre « carcinologique » et parfois renouvelé, lors d’un deuxième temps chi-rurgical à quarante-huit heures, si la vitalité des tissus (peau, muscles, etc.)est douteuse initialement. La détersion mécanique par lavage abondant esteffectuée au sérum bétadiné et/ou à l’eau oxygénée. Le parage est réalisé sansgarrot pour apprécier au mieux la vitalité des tissus lésés, sauf en cas de sai-gnement important gênant le bilan lésionnel.

Stabilisation osseuse

L’ostéosynthèse doit être suffisamment stable pour permettre une mobilisa-tion précoce et rapide, car elle ne constitue que la première étape d’une inter-vention souvent longue. De la stabilité dépend la qualité de l’acte chirurgical(réparations vasculaires, nerveuses, etc.) et la simplicité des suites opératoires.

L’embrochage multiple divergent (broches de Kirchner diamètre 6 à10/10e mm) est souvent utilisé en raison de sa simplicité et de l’absence d’aborddévascularisant, mais l’usage de vis ou de plaques n’est pas contre-indiqué (2).

En cas de perte de substance osseuse, une greffe osseuse intercalée (greffoncorticospongieux à partir d’un doigt banque ou de la crête iliaque, ou greffonradial aux dépens du tubercule dorsal de Lister) est réalisable si la couverturecutanée est satisfaisante ; cette greffe rétablit la longueur du doigt lésé.

En cas de perte de substance distale, la greffe osseuse devra être vascula-risée pour être viable et n’être pas résorbée.

Au moindre doute sur le parage ou la couverture, le squelette est stabilisépar brochage et/ou fixateur externe et la reconstruction osseuse reportée secon-dairement.

Prise en charge initiale d’un traumatisme de la main 229

Par ailleurs, l’étendue des lésions ostéocartilagineuses (> 50 % de la surfacearticulaire) nécessite parfois une arthroplastie digitale en urgence, si l’intégritéde l’appareil capsuloligamentaire le permet (implant en Silastic® le plussouvent), voire une arthrodèse interphalangienne (IPD en position de fonc-tion à 10-20° de flexion ; IPP selon la cascade suivante : D2 à 25°, D3 à 30°,D4 à 35° et D5 à 40° de flexion), mais le sauvetage articulaire des IPP doittoujours être tenté, notamment au niveau des doigts ulnaires, plus mobileslors des prises de force.

Revascularisation

Les sutures vasculaires microchirurgicales sous microscope se font au fil nonrésorbable 10/0 (ou 11/0 distalement et/ou chez l’enfant) : au mieux une artèreet deux veines après dissection des deux extrémités, parage et adventicectomiecirconférentielle.

Lorsqu’il existe une perte de substance artérielle ou une contusion étendue(souvent sous-estimée), interdisant toute suture terminoterminale sans tension,la revascularisation peut se faire par :

– suture croisée d’une artère digitale palmaire propre (collatérale) déroutéesur l’autre, quand la section siège à deux niveaux différents sur les deux axes,évitant ainsi les aléas d’un pontage. Cet artifice est cependant contre-indiquési un geste complémentaire palmaire est envisagé (ténolyse, greffe ner-veuse, etc.) ;

– pontage veineux (greffon inversé, prélevé à la face palmaire du poignetle plus souvent). Au niveau du pouce, le pontage sera branché proximalementsur l’une des branches de l’artère radiale, pour faciliter l’abord et l’accessibi-lité des sutures (dans la tabatière anatomique ou plus bas dans le sommet del’espace M1-M2).

Reconstruction nerveuse

La réparation primaire a montré sa supériorité par rapport à toutes les tech-niques de reconstruction secondaire (orientation globale du nerf, revasculari-sation).

Les nerfs digitaux palmaires propres (collatéraux) sont réparés par suturedirecte épi-périneurale au fil de nylon non résorbable 9/0 ou 10/0. En cas deperte de substance nerveuse liée au mécanisme lésionnel ou à la résection ner-veuse après recoupe en zone saine (la contusion nerveuse est difficile à évaluer,se basant sur la présence d’un hématome sous l’épinèvre et la palpation dunerf s’il est en continuité), un manchonnage veineux ou une greffe nerveusecourte (nerf interosseux postérieur ou branche du nerf cutané latéral de l’avant-bras) évitent toute suture sous tension. L’enrobement nerveux par plaque desilicone (3), comme chambre de repousse nerveuse, peut également être utilisé(alternative aux greffes courtes) pour des pertes de substance du nerf médianou du nerf ulnaire à l’avant-bras (zones de moindre mobilité) (fig. 1).

Si la perte de substance est trop importante ou si l’environnement est défa-vorable, un deuxième temps de greffe nerveuse (à partir d’un site opératoireà distance notamment sural) est envisagé. On s’attachera au moins en urgenceà rétablir l’orientation globale du nerf (en s’aidant de la vascularisation épi-neurale), à en repérer et à en fixer les deux extrémités au fil non résorbable,pour éviter toute rétraction nerveuse et préserver au maximum la longueur,facilitant ainsi la réparation secondaire.

Reconstruction tendineuse

L’appareil extenseur et les tendons fléchisseurs sont suturés, selon Tsuge auPDS boucle 4/0 ou en cadre selon Kessler modifié pour les fléchisseurs, et leslésions proximales des tendons extenseurs ; surjet de 4/0 ou 5/0 pour les lésionsdigitales des extenseurs.

Les pertes de substance tendineuse de l’appareil extenseur doivent être répa-rées en urgence dans la mesure où leur couverture est assurée, sans oublier deréparer les lésions de la sangle métacarpophalangienne :

– reconstruction par adossement tendineux (effet ténodèse) en urgence,surtout pour les extenseurs en zone 6 et 7 ;

– plasties de Snow ou de Burkhalter et Aiache pour reconstruire la ban-delette centrale en zone 3 (multiplicité des plasties décrites dans la littératureau niveau des pertes de substance digitale) ;

– plastie de retournement de Foucher pour les grandes pertes de substanceen zones 3-4-5 ;

– pour les grandes pertes de substance plus proximales :• greffes tendineuses en un temps : greffon prélevé sur un doigt banque (4),

hémi-fléchisseur radial du carpe, ou long palmaire entiers ou dédoublés endeux bandelettes pour reconstruire deux extenseurs adjacents, notamment dansles mains de portière ;

230 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 1 – Principe d’enrobement nerveux (veineux ou chambre de repousse).

Prise en charge initiale d’un traumatisme de la main 231

• ou greffes tendineuses en deux temps si l’atteinte du squelette risque d’en-traîner des adhérences périostées (avec mise en place en urgence de confor-mateurs de Hunter en silicone) ;

– Transfert de l’extenseur propre de l’index pour réanimer une grande pertede substance du long extenseur du pouce.

En cas de perte de substance des fléchisseurs ou de contusion étagée impo-sant une résection :

– si le revêtement cutané est satisfaisant ou qu’une couverture par lambeauest réalisée dans le même temps en urgence, le premier temps de reconstruc-tion s’effectue au mieux : réparation des poulies A2 et A4 et mise en placed’un conformateur en silicone (deuxième temps de greffe tendineuse selonHunter programmé le plus souvent à trois mois du traumatisme et auminimum huit semaines après celui-ci) ;

– sinon, les deux temps de reconstruction tendineuse sont effectués à dis-tance, ce qui péjore le résultat (risque important d’adhérences).

Il est également important de restaurer les poulies fondamentales du canaldigital, A2 et A4.

Couverture cutanée

Le type de couverture, détaillé dans les autres chapitres du livre, est fonctionde multiples facteurs :

– facteurs intrinsèques : bases vasculaires et anatomie, siège et profondeurdes lésions (un péritendon intact indique une greffe de peau ; une atteintetendineuse et/ou ostéoarticulaire indique des lambeaux locaux, régionaux,pédiculés ou libres, ou le repositionnement de la peau restante si la vitalité lepermet), patient et « tares » associées, notamment tabagisme actif, méca-nisme, etc. ;

– facteurs extrinsèques : lésions associées, notamment patient polytrauma-tisé, habitudes du chirurgien, etc.

Ces facteurs conduisent à poser l’indication d’une simple cicatrisationdirigée (rare, mais qui ne doit pas être considérée comme un abandon thé-rapeutique) jusqu’à la couverture par lambeau libre à l’autre extrême de l’ar-senal thérapeutique (fig. 2).

Conclusion

La prise en charge des traumatismes de la main avec perte de substance plu-ritissulaire s’effectue au mieux en urgence stricte ou légèrement différée avant« l’orage cicatriciel » et selon le principe du « tout en un temps » décrit parFoucher, dans le but de faciliter la rééducation et ainsi de minimiser lesséquelles, notamment en termes de raideur articulaire.

Références

1. Michon J, Foucher G, Merle M (1977) Traumatismes complexes de la main, Traitementtout en un temps avec mobilisation précoce. Chirurgie 103: 956-64

2. Le Nen D, Hu W, Genestet M et al. (2004) Ostéosynthèse stable dans le traitement desmains complexes par le « brochage multiple ». Chir Main 23: 100-8

3. Lundborg G, Dahlin LB, Danielsen N et al. (1982) Nerve regeneration in silicone cham-bers: influence of gap length and of distal stump components. Exp Neurol 76: 361-75

4. Foucher G, Braun F, Merle M et al. (1970) Le « doigt banque » en traumatologie de lamain. Ann Chir 34: 693-8

232 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 2a-d – Homme de 40 ans, droitier, victime d’une « main de portière » gauche, lors d’unaccident de voiture. Il présente une perte de substance cutanée étendue de la face dorsale dela main, une perte de substance des tendons extenseurs et une exposition ostéoarticulaire (a).Le traitement proposé comporte une réinsertion capsuloligamentaire des MCP exposées, laréanimation des extenseurs par suture après dédoublement tendineux (b), la couverture parlambeau inguinal type McGregor à pédicule temporaire (c, d).

ba

c d

Lésions du complexe pulpo-unguéal

T. Dubert

La reconstruction par lambeau des extrémités digitales n’est indiquée que sila phalange ou les tendons sont exposés. Dans tous les autres cas, il vaut mieuxchoisir la cicatrisation dirigée. La meilleure reconstruction du complexe pulpo-unguéal est la replantation des fragments lorsqu’elle est possible (1).

Ce chapitre traite des techniques de reconstruction lorsqu’il n’y a pas defragment replantable et lorsque l’os est exposé. Il s’agit ici de décrire la stra-tégie thérapeutique, plus que la description des lambeaux eux-mêmes qui sontdécrits ailleurs dans cet ouvrage.

Reconstruction dorsale

La perte de substance concerne l’unité unguéale. Il faut bien différencier lelit de l’ongle et la matrice unguéale.

Lit de l’ongle

Le lit de l’ongle peut être reconstruit par une greffe de lit d’ongle qui est bienpréférable à une greffe de peau (2, 3, 4). Cette greffe n’est utile que si la pertede substance mesure plus de 3 mm de diamètre (4) ; les petites pertes de sub-stance seront comblées par la cicatrisation spontanée, à condition d’être cou-vertes par une table unguéale (naturelle ou prothétique).

La greffe peut être posée directement sur l’os, ou sur un sous-sol constituépar un lambeau palmaire désépidermisé à sa partie distale et basculé à la facedorsale (5). La greffe de lit d’ongle peut être prélevée au niveau d’un orteil(fig. 1) ou sur une région adjacente au traumatisme, restée intacte au niveau

Fig. 1 – Greffe de lit d’ongle au niveau du grosorteil. L’ongle est soulevé partiellement ou tota-lement en fonction de la taille de la perte de sub-stance à combler. La greffe doit être suffisam-ment fine pour laisser apercevoir la lame debistouri en transparence lors du prélèvement.Plus la greffe est fine, plus elle prend facilementet moins elle laisse de séquelle sur le sitedonneur. Lorsque cela est possible, il est plussimple de prélever la greffe sur le doigt trauma-tisé lui-même ou sur un doigt voisin.

234 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

du doigt traumatisé. Dans tous les cas, la greffe doit être très fine, prélevéetangentiellement au bistouri froid. Le « truc », pour juger de l’épaisseur aumoment du prélèvement, est de vérifier que la lame du bistouri est visible entransparence à travers la greffe (4).

La fixation de la greffe sur le site receveur est réalisée par des fils résor-bables très fins (PDS 5-0 ou 6-0). La table unguéale du doigt traumatisé oud’un autre doigt, ou une prothèse unguéale est fixée par dessus de façon àaplanir les sutures en modelant la cicatrisation. Cette prothèse doit être pousséejusqu’au fond du repli unguéal proximal pour éviter les synéchies à ce niveau.La table unguéale est fixée par un point en X passant par les replis unguéaux,et respectant la matrice (fig. 2).

Fig. 2 – Fixation de la table unguéale (anato-mique ou prothétique). La fixation se fait par unpoint en X (résorbable chez l’enfant). L’aiguilledoit passer par les replis unguéaux latéraux etépargner la matrice.

Matrice unguéale

La matrice unguéale ne peut pas être remplacée par une greffe non vascula-risée. En cas de perte de substance importante touchant la matrice unguéale,il faut commencer par compléter l’excision de la matrice. Pour que cette exci-sion soit complète, il faut aborder la matrice en soulevant largement le repliunguéal proximal. La couverture de l’ensemble de l’unité unguéale peut êtrealors réalisée soit par un lambeau, soit par un transfert libre d’unité unguéaled’orteil.

Couverture par greffe ou lambeau digital

Une greffe de peau est rarement possible, car la résection de l’unité unguéaledoit inclure le périoste pour éviter la survenue de résidus unguéaux. Il est doncpréférable de couvrir la perte de substance par un lambeau. Suivant l’état dudoigt et des doigts voisins, on peut faire soit un cross-finger désépidermisé,soit un lambeau en îlot homodigital à pédicule rétrograde. L’aspect esthétiquesera d’autant plus acceptable que le lambeau aura une forme proche de l’unitéunguéale d’origine.

Lésions du complexe pulpo-unguéal 235

Reconstruction par transfert libre partiel d’orteil

Le transfert libre d’unité unguéale d’orteil est prélevé « sur mesure » sur lepremier ou le deuxième orteil. Il est préférable d’y inclure un fragment osseuxet une partie de la pulpe, et cette technique s’adresse donc plutôt aux pertesde substance étendues.

Eponychium (repli unguéal proximal)

Cette structure doit être reconstruite et recouvrir la partie proximale de la pro-thèse unguéale. Un lambeau local à pédicule latéral est la solution la plussimple (fig. 3). Lorsque ce n’est pas possible, le « cross-finger » peut être unebonne solution.

Fig. 3 – Reconstruction d’une perte de substance du repli unguéal proximal (eponychium) parun lambeau local. Après cette reconstruction, une table unguéale (naturelle ou prothétique)doit impérativement être poussée dans le repli proximal néoformé pour éviter les synéchies àce niveau.

Reconstruction palmaire

La technique dépend essentiellement de la taille de la perte de substance.

Perte de substance mesurant moins de 5 mm

C’est l’indication idéale d’un lambeau de Tranquilli-Leali/Atasoy.

Perte de substance mesurant entre 5 et 10 mm

Le lambeau de Tranquilli-Leali/Atasoy est trop petit ; il faut avoir recours àun lambeau en îlot antérograde homodigital.

Perte de substance mesurant plus de 10 mm

Un lambeau en îlot antérograde homodigital serait trop petit, il faut avoirrecours à un lambeau en îlot rétrograde homo- ou hétérodigital, à un lambeauthénarien ou à un transfert de pulpe (fig. 4).

Expositionde la matrice

unguéale

Dessin dulambeau

Le lambeaurecouvrela matrice

Greffe de peau

Pertes de substance transversales

La reconstruction dépend du niveau de l’amputation par rapport à la matriceunguéale.

Si la lésion passe par le lit unguéal et que la matrice est respectée :– Lambeau de Tranquilli-Leali/Atasoy, si la lésion est très distale (il reste

environ 50 % de lit unguéal). Le lambeau est fixé à l’extrémité du doigt pourcouvrir la tranche osseuse. La reconstruction dorsale est inutile. L’ongle seraun peu court, mais le résultat sera acceptable ;

– Reposition–lambeau, si la lésion est plus proximale, et que l’on disposed’un fragment non replantable. Le principe de cette technique est de reposerla partie dorsale en greffe sur une pulpe reconstruite par un lambeau (1, 6-7).La technique (fig. 5) consiste à exciser toute la pulpe du fragment amputé,

236 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 4a-d – Transfert libre d’hémipulpe de gros orteil. a) La perte de substance dépasse 15 mil-limètres, expose le tendon et l’os et siège sur une pulpe dominante (pouce) ; b) La pulpe estprélevée avec son pédicule (artère et au moins un nerf ), et une veine dorsale ; c) La séquelleau niveau du pied est très minime ; d) Aucun lambeau local ne peut redonner un galbe pul-paire aussi satisfaisant.

a b

c d

Trucs et astuces

La mesure de la taille de la perte de substance est toujours sous-estimée :il faut se souvenir qu’une pulpe normale dépasse de plusieurs millimètresl’extrémité de la phalange.

Lésions du complexe pulpo-unguéal 237

en ne conservant que le segment osseux et l’appareil unguéal solidaires. Cetensemble est ostéosynthésé par une broche axiale sur la partie proximale dela phalange distale. La pulpe est ensuite reconstruite par un lambeau (lambeauen îlot homodigital antérograde le plus souvent). L’extrémité de la broche estutilisée pour fixer le lambeau au bout du doigt. Ce procédé n’est utilisableque si la matrice unguéale a été épargnée par le traumatisme.

Si la lésion a traumatisé la matrice (amputation à travers ou en amont dela matrice), une reposition-lambeau donnerait un résultat catastrophique. Iln’y a plus assez de pulpe pour un lambeau de Tranquilli-Leali/Atasoy. Il restedeux options : le raccourcissement avec couverture distale par un lambeau, lareconstruction par un transfert libre d’extrémité complète d’orteil (fig. 6).

Fig. 5a-d – Reconstruction d’une amputation distale par « reposition-lambeau ». a)L’amputation très distale enlève une grande partie du lit unguéal mais respecte la matrice. Laphalange est fracturée. Presque toute la pulpe est amputée ; b) Le fragment distal est débar-rassé de toute la pulpe en conservant la table unguéale, le fragment de phalange et le lit del’ongle ; c) Le fragment distal est reposé puis ostéosynthésé par une broche axiale ; d) La pulpeest reconstruite par un lambeau en îlot homodigital antérograde.

ab

c d

Pertes de substance latérales

C’est un cas particulier de combinaison de perte substance pulpo-unguéale,qui ne concerne qu’un côté de l’extrémité du doigt. C’est une bonne indica-tion de transfert partiel d’orteil composite ongle/os/pulpe lorsque l’amputa-tion dépasse 50 % de la largeur. Lorsque la perte de substance est plus petite,on peut accepter un rétrécissement de l’ongle, et reconstruire l’hémi-pulpemanquante par un transfert en îlot de la pulpe adjacente.

Au niveau du pouce

Les indications sont les mêmes que pour les doigts longs. La seule différenceconsiste à utiliser le lambeau de Moberg-O’Brien, c’est-à-dire un lambeau enîlot homodigital antérograde pédiculé sur les deux axes vasculonerveux. Celambeau apporte une plus grande quantité de tissu.

Conclusion

Les indications ne sont pas uniquement fonction des considérations anato-miques. Pour les lambeaux homodigitaux, il faut préférer ceux qui donnentla meilleure sensibilité. Les lambeaux libres doivent être réservés aux grandespertes de substance des pulpes dominantes.

238 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 6a-c – Perte de substance complète dela phalange distale. Reconstruction pulpo-unguéale par transfert libre de la phalangedistale du deuxième orteil. a) Amputationcomplète chez une jeune fille de 18 ans ;b) Le transfert comprend toute la phalangedistale du deuxième orteil, avec le supportosseux, la pulpe et l’unité unguéale complète ;c) Le résultat final, plus acceptable sur le planesthétique, et sensible.

a b

c

Références

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Lésions du complexe pulpo-unguéal 239

Reconstruction du pouce en urgence

D. Le Nen

L’indication d’une chirurgie de reconstruction du pouce après traumatismecomplexe pris en charge secondairement est, dans une certaine mesure, plusaisée que dans le contexte de l’urgence car, d’une part, les techniques sontrelativement bien codifiées et, d’autre part, le choix technique définitif estsouvent fait à l’occasion d’une réunion de service.

Mais dans le contexte différent qu’est celui de l’urgence, la codification etsurtout les décisions à prendre devant un traumatisme complexe du poucesont plus difficiles, le chirurgien se retrouvant seul devant une situation quel-quefois difficile à gérer. L’expérience de l’opérateur et la connaissance des nom-breux procédés de reconstruction sont alors les uniques recours.

Dans la prise en charge des traumatismes graves de la main, l’atteinte dupouce est en pratique soit isolée, soit associée à celle d’un autre doigt et, enparticulier, l’index. Dans ce dernier cas, il faudra autant que possible tirer partiede ce doigt, quand il n’est pas « récupérable », pour la reconstruction de pertesde substance du pouce (principe du « doigt banque »).

Vouloir reconstruire le pouce par tous les moyens disponibles, avec pourobjectif d’obtenir un doigt mobile, stable, sensible et, au mieux, esthétique,est le but vers lequel tout chirurgien doit tendre. Les procédés ne manquentpas, ils peuvent être combinés à l’infini, selon les associations souhaitées et lasensibilité de l’opérateur.

En pratique, deux questions essentielles se posent dans l’urgence :quand reconstruire et comment reconstruire ?

Quand reconstruire ?

En clair, doit-on reconstruire en urgence vraie ou légèrement différée ? Il esttoujours préférable de traiter de telles lésions, et en général toutes lésions dela main, en urgence. De nombreuses études de la littérature et l’expérienceau quotidien ont montré que la réparation en urgence ou en urgence différéeétait le meilleur garant d’un résultat sans les complications redoutables quesont la pseudarthrose et le sepsis. À la main, se rajoute le risque spécifique deraideur secondaire à la fibrose. Ainsi, en dehors des cas où une replantationimpose une prise en charge immédiate, l’attitude n’est pas stéréotypée. En par-ticulier, en cas d’hésitation sur le choix technique, il est toujours plus rai-sonnable de couvrir la main par un pansement provisoire, de discuter l’indi-

242 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 1a-g – Patient de 27 ans, reçu suite à un accident par ensileuse (a). Le bilan initial retrou-vait une avulsion complète du pouce avec pertes de substance ostéo-cutanée, tendineuses et ner-veuses, de la base du premier métacarpien à l’interphalangienne. Seule la phalange distale du pouceétait intacte (b). La reconstruction fut réalisée de manière chronologique : 1) parage et lavage abon-dant au sérum physiologique, prélèvement d’une veine de l’avant-bras pour la réalisation d’unpontage veineux inversé entre l’artère collatérale au niveau de l’interphalangienne et l’artère radialedans la tabatière anatomique. Ce geste artériel fut réalisé « sur la table », en commençant par l’ana-stomose distale ; 2) greffe osseuse en utilisant les fragments restants («os banque»), fixés par demultiples broches de Kirschner, ce qui permit de restituer la continuité osseuse ; 3) pontage veineuxdorsal ; 4) en raison de l’avulsion haute de l’appareil extenseur, réalisation d’un transfert de l’ex-tenseur propre de l’index sur le long extenseur du pouce. Aucun geste ne fut réalisé au niveau dulong fléchisseur avulsé ; 5) levée d’un grand lambeau interosseux postérieur dessiné en «L», auto-risant la couverture complète de la première commissure, et de la circonférence du pouce, large-ment exposés (c-e). À un an, après consolidation, sans geste osseux complémentaire, et après resen-sibilisation par l’intermédiaire d’un lambeau hétérodigital en îlot à pédicule neurovasculaire, seulela trapézométacarpienne est bien mobile. Les prises pollicidigitales pouce-index, pouce-médius,termino-terminales et termino-latérales étaient excellentes et le test de Weber à 6 mm (f, g).

a

b

d

c

e

g f

Reconstruction du pouce en urgence 243

cation et de reconstruire dans les vingt-quatre voire au maximum les quarante-huit heures suivantes. Nous avons aussi la possibilité du recours à une greffede peau « provisoire », si la perte de substance cutanée n’est pas étendue.

Comment reconstruire ?

Utilisera-t-on un tissu de voisinage ou un tissu prélevé à distance ? Dans cedernier cas, utilisera-t-on un transfert composite (peau + os, etc.) ou non ?

En pratique, l’indication de reconstruction d’un pouce se pose de manièredifférente, que l’on dispose ou non d’un doigt banque.

Amputation complète isolée du pouce

L’attitude dépend de la conservation ou non du segment amputé, et s’il estprésent, de son état de conservation et de délabrement (replantable ou non).

Avec le segment amputé disponible

Il est actuellement possible d’aller très loin dans la conservation d’un pouceamputé, même très endommagé (fig. 1). Tout peut donc être tenté, et toutest préférable, quels que soient l’âge et le terrain, pour conserver un pouce,à un geste secondaire, par transfert d’orteil par exemple.

Sans le segment amputé disponible

Les méthodes sont nombreuses, mais « coûteuses ». Elles varient selon le niveaud’amputation (1) (fig. 2). Dans la majorité des cas, il vaut mieux obtenir une

Fig. 2 – Les sept zones d’amputation dupouce selon Merle.

MCP

IP

TM

cicatrisation stable du moignon (fermeture per primam ou greffe cutanée) etréaliser secondairement l’une des techniques suivantes :

– le transfert d’orteil, et en particulier le transfert « sur mesure » (niveaux 1,2, 3), reste le procédé le plus esthétique, mais ses résultats fonctionnels dépen-dent principalement de la repousse nerveuse (2, 3). Plus le patient est âgé,moins bonne sera la récupération sensitive ;

– le transfert composite, dans les niveaux 2 surtout, a le grand avantage deproposer un allongement « extemporané » d’un pouce amputé, emportant oset peau, au prix d’un doigt non esthétique et peu sensible. Les modalités deprélèvement font appel à des lambeaux cutanés, dont le pédicule possède desconnexions osseuses permettant la prise concomitante de peau et d’os. Cesont : le lambeau chinois composite (radius + lambeau antébrachial) (4), leslambeaux interosseux antérieurs composites (radius + lambeaux IOA) (5, 6, 7),mais d’autres possibilités de transferts sur des artères très accessoires du poignetou de la main ont été décrits (8) ;

– l’allongement progressif selon la technique de Matev (9) garde encore derares indications, dans les séquelles d’amputation entre les niveaux 1 et 4, enraison essentiellement de la longueur du traitement et de l’aspect inesthétiquedu néo-pouce ;

– la pollicisation d’un doigt sain peut être proposée dans les amputationsde niveau 4 à 6 (10, 11, 12). Nous préférons transférer l’annulaire.

Traumatisme complexe isolé du pouce (en continuité)

Chaque tissu lésé peut être remplacé, le but étant de laisser le moins de séquellepossible au niveau du site donneur.

– En cas de perte de substance osseuse, certaines règles sont à présent bienétablies, comme ne jamais réaliser une greffe corticospongieuse non vasculari-sée à une extrémité sous peine de la voir se résorber (« coked hat » de Gilles (12)).En revanche, lorsqu’il s’agit d’une greffe intercalaire, il est possible de préleverun greffon osseux seul non vascularisé, ou bien un greffon composite avec oset lambeau cutané en particulier. L’os seul vascularisé n’a pratiquement pasd’indications dans les traumatismes ouverts de la main (8). En cas de fracasostéo-articulaires de la MCP et/ou de l’IP du pouce, l’arthrodèse représentela meilleure solution.

– Une perte de substance au niveau d’un nerf est difficile à traiter enurgence. En cas de contusion ou d’avulsion, il faut savoir différer le geste enrepérant simplement le nerf en urgence, et proposer secondairement une greffenerveuse ou, en cas d’avulsion, un transfert pulpaire pédiculé, voire excep-tionnellement, une neurotisation à partir de certaines branches sensitives dunerf radial (13). Il faudra au moins réparer le nerf digital palmaire propre (col-latéral) ulnaire, au mieux les deux nerfs collatéraux du pouce.

– Les artères seront réparées par suture directe, greffes veineuses inversées,exceptionnellement en déroutant une artère donneuse d’un index sain ; lesveines seront réparées par suture directe, greffe veineuse non inversée ou dérou-tement d’une veine voisine.

244 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

– Une perte de substance cutanée peut être traitée par l’un des nombreuxlambeaux locorégionaux, voire à distance, dont nous disposons. Toute la pano-plie des lambeaux pourrait ici être passée en revue, tant les possibilités sontmultiples (4, 5, 6, 14, 15). Nous avons pour habitude de proposer le procédéle plus simple en premier, souvent local, pour aller crescendo vers des procédésplus complexes, de plus en plus éloignés du site receveur, au « coût » plusimportant pour le patient. Du côté palmaire, l’avulsion pulpaire du pouce estune situation fréquente qui, lorsqu’elle expose la phalange distale, conduit àdes soucis de couverture pour obtenir une pulpe bien matelassée. Le lambeaudécrit par Littler (16) répond bien à ces exigences, offrant, à partir du trans-fert de l’hémipulpe ulnaire du majeur, un pouce esthétique, fonctionnel, avecune sensibilité croisée, mais efficace, le test de Weber étant le plus souventnormal ou allongé de 1 ou 2 mm. Chez le sujet âgé, le résultat dépendant dela repousse nerveuse, il faut préférer pour des raisons évidentes ces transfertspédiculés qui confèrent une sensibilité immédiate et discriminative. L’avulsiontotale du plan cutané palmaire du pouce, moins fréquente, ne peut être recons-truite par un lambeau hétérodigital. Chez un sujet jeune, il s’agit d’une excel-lente indication, en urgence ou légèrement différée, d’un transfert libre d’hé-mipulpe latérale du gros orteil ipsilatéral, avec anastomoses dans le sommetdu premier espace intermétacarpien ou dans la tabatière anatomique (fig. 3).Cependant, le test de Weber est en moyenne souvent de 10 mm (3). En casd’atteinte cutanée dorsale, si la perte de substance cutanée est distale au niveaudu complexe unguéal, les possibilités sont limitées et le recours au transfert àpartir du gros orteil est indiqué, plutôt secondairement. Si la perte de sub-stance est proximale, un lambeau sensible n’est pas nécessaire, les lambeauxcerf-volant de Foucher (17) aux dépens de l’index et celui de Brunelli (18)aux dépens de la base du pouce sont les plus intéressants.

Reconstruction du pouce en urgence 245

Fig. 3a-c – Patient de 22 ans, victime d’un acci-dent d’usine. Il se présentait avec une avulsiontotale du revêtement cutané antérieur du poucedroit (a). Un transfert libre d’hémi-pulpe ipsila-

térale est levé (b). L’artère dorsale du premier espace est suturée à l’artère radiale, en termino-terminale dans le sommet de l’espace M1-M2 à la main. Le résultat à distance est esthétique,la pulpe bien matelassée, le test de Weber à 12 mm (c).

a

c

b

246 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 4a-f – Patient de 75 ans, adressé suite à un traumatisme par tondeuse à gazon. Il pré-sentait initialement un fracas ouvert du pouce et de l’index (a). Le pouce, siège de lésionsosseuses majeures (fractures comminutives étagées du col du premier métacarpien à la pha-lange distale) associées à des lésions des parties molles importantes, a été régularisé. L’indexétait le siège d’un traumatisme ostéo-articulaire ouvert de l’IPP et de la base de P1. Nous déci-dions en urgence d’ostéosynthéser le fracas articulaire de l’IPP par brochage multiple, puis depolliciser l’index reconstruit sur le premier métacarpien (b, c). Avec 18 mois de recul, et aprèssepsis ayant guéri après une reprise chirurgicale, l’ostéosynthèse est consolidée avec un recur-vatum acceptable, le pouce présente une mobilité trapézométacarpiene normale permettant uneabduction complète et une bonne pince pollicidigitale (d-f) ; le test de Weber est à 6 mm.

a

c

e

b

d

f

Reconstruction du pouce en urgence 247

a b

d

f

c

e

Fig. 5a-f – Patient de 75 ans adressé suite à un traumatisme de la main par tondeuse à gazon.Il présentait une amputation totale de l’index, trans-IPP avec un fragment de la base de laphalange moyenne, et une amputation du pouce avec un fragment de la base de la phalangedistale (a, b). En urgence, au vu de l’âge, nous décidions de ne pas replanter les segments digi-taux. Une pollicisation du moignon de l’index fut réalisée, montée par deux broches (c). Avecun recul d’un an, la fonction du néopouce est optimale, et surtout, la sensibilité satisfaisanteavec un test de Weber à 6 mm (d-f).

Traumatismes complexes du pouce (en continuité ou non)et d’un doigt long

L’existence d’un doigt long sévèrement traumatisé est quelquefois une « chance »pour le pouce. Il est possible d’utiliser le principe du « doigt banque » (souvent,il s’agit de l’index), sans avoir, de ce fait, recours à des structures saines auniveau de la main.

Ce sont donc la présence d’un site donneur providentiel et les possibilitésde transferts composites qui rendent la méthode très intéressante : soit le trans-

fert d’un tissu seul, qui peut être de la peau (greffe cutanée, lambeau), unephalange, un vaisseau, un nerf collatéral ; soit un transfert composite (nerf etvaisseaux, peau et phalange, articulation entière...). Au maximum, un segmentde doigt, distal avec l’appareil unguéal, ou proximal (moignon d’index), peutêtre transféré. Enfin, toutes ces structures sont utilisables de deux manières :libres, avec micro-anastomoses ou, mieux, pédiculées, avec le grand avantagede la conservation d’une sensibilité discriminative immédiate, solution à pri-vilégier chez le sujet âgé, lorsqu’elle est possible. Ainsi, il faudra toujours mettreen valeur les potentialités de tout tissu traumatisé d’un doigt long, même sévè-rement, pour valoriser un pouce gravement traumatisé, et ce, quels que soientl’âge et le terrain (figs. 4, 5).

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248 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Main de blast

A. Fabre

Le tableau lésionnel des plaies de la main par explosion est probablement sanségal sur le plan de la gravité. Tout oppose le caractère brutal et dévastateurde l’agression à la complexité et la fragilité des unités fonctionnelles de la main.Les blessures de la main par effet de souffle ou lésions de blast sont provoquéespar des engins explosifs et s’accompagnent le plus souvent de plaies par éclat.Lors des conflits récents, la majorité des plaies de guerre des membres a étéle fait de polycriblages, dus a des explosions d’armes déflagrantes (1, 2). Lesconflits civils, les attentats aveugles, les bombes artisanales ou les accidentsindustriels relèvent de mécanismes lésionnels très voisins. Nous ne retiendronsdans ce chapitre que les formes les plus dramatiques de ces « mains de blast »,qui déclinent fracas ostéochondraux, pertes de substance, ischémie et surin-fection et qui, de ce fait, posent des problèmes de couverture bien particu-liers (fig. 1). Les lésions occasionnées par des explosifs mineurs (pétards, etc.),qui ne provoquent que des lésions superficielles et pour lesquelles toutes lesaudaces microchirurgicales sont permises, ne seront pas abordées ici.

Fig. 1 – Main de blast.

Mécanismes lésionnels

Une plaie de la main par projectile est la conséquence d’un transfert d’énergiebrutal d’un corps solide en mouvement qui va perforer une structure anato-mique de grande densité osseuse sur une faible épaisseur. Les projectiles péné-trants peuvent être séparés en deux groupes ; d’une part les balles, auxquelleson peut rajouter les cartouches de chasse, et d’autre part les éclats, qui accom-pagnent les phénomènes de blast et qui font l’objet de cet exposé. Les éclatsont un comportement totalement aléatoire, projetés par l’engin explosif lui-même ou arrachés à l’environnement par l’effet de souffle.

250 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Une explosion est le résultat d’une décomposition chimique quasi instan-tanée d’un solide ou d’un liquide en gaz expansif, responsable d’un phéno-mène de souffle, dont la propagation fulgurante est à l’origine d’une onde dechoc. Cette onde de choc ou blast provoque quatre effets élémentaires (3) :

– le blast primaire, ou effet de souffle proprement dit, est susceptible d’en-traîner des arrachements de la main ou du membre supérieur dans les cas lesplus violents ; le blessé, très proche de l’explosion, survit rarement à ses lésions ;

– la projection de projectiles, ou blast secondaire, qui accompagne le souffle,est le principal mécanisme des lésions de polycriblages. Les éclats observés sontde toute taille et de toute nature, responsables de lésions superficielles commed’amputations traumatiques (fig. 2) (4). Les blessures des victimes d’attentatssont actuellement comparables aux plaies de guerre, elles sont essentiellementle fait de polycriblages, les bombes artisanales sont utilisées pour propulserdes fragments métalliques tranchants comme des clous ;

– la projection de la victime dans l’espace est à l’origine de blessures sur-ajoutées, ou blast tertiaire, du membre supérieur, elles sont comparables à deslésions de chute d’un lieu élevé ;

– les brûlures sont également fréquentes, elles caractérisent le blast quater-naire, elles sont causées par l’explosion elle-même ou par un incendie secon-daire, les mains découvertes étant bien sûr très exposées.

Les blessures par mine du membre supérieur sont rares et le plus souventmortelles. Le terme « mine » désigne classiquement un engin explosif enterréfonctionnant comme un piège ; par extension, les dispositifs explosifs disposésà la surface du sol (ou sous-munitions) peuvent être assimilés à cette défini-tion. Chez le non-combattant, les lésions sont fréquemment bilatérales, carelles concernent essentiellement les enfants victimes de leur curiosité ou lesruraux lors du travail de la terre (fig. 3). Les associations lésionnelles sont fré-quentes (face, membre supérieur), ce qui en accroît encore la morbidité. Cetype de mécanisme peut engendrer des amputations traumatiques bilatérales,d’autant plus graves qu’elles surviennent chez des sujets jeunes.

Fig. 2 – Amputation de la main droite parexplosion d’une bombe.

Fig. 3 – Main de mine.

Main de blast 251

Réponse tissulaire à l’agression

La main n’oppose qu’une très faible résistance à un tel mécanisme lésionnelet les filières ostéo-fasciales insufflées par les gaz de l’explosion provoquentune pétalisation des chaînes digitales et un éclatement des massifs thénariens.Les plans profonds sont dilacérés et tatoués de débris variés, les muscles intrin-sèques fragiles sont dévitalisés ou menacés par un syndrome de loge. Autourd’une zone centrale d’attrition s’observent des lésions périphériques isché-miques et douteuses. Pour les traumatismes à haut transfert d’énergie, des blocstissulaires complets peuvent avoir totalement disparu, et il s’agit le plus souventdes bords ulnaire ou radial de la main (fig. 4). La densité ostéochondrale àla main est telle que les plaies par projectile épargnent rarement les articula-tions. La libération brutale d’énergie pulvérise les frêles chaînes articulaires etdisloque le massif carpien (fig. 5).

La première commissure ouverte est très exposée au contact de l’enginexplosif. L’effet de cisaillement commissural entraîne des fractures-luxationsde la colonne du premier rayon, des lésions ostéoligamentaires, cutanées, mus-culotendineuses, voire neurovasculaires pour les plus graves. Toussaint et al. (5)ont proposé une classification en quatre stades de ces lésions :

-– le premier stade associe une atteinte cutanée et musculaire de la pre-mière commissure sans lésions ostéoligamentaires ;

– le deuxième stade associe aux lésions précédentes une atteinte distale desdeux premiers rayons ;

– le troisième stade se caractérise par une luxation fracture de l’articulationtrapézométacarpienne associée à une dilacération de la première commissure ;

– enfin le quatrième stade correspond aux dévascularisations complètes dupouce.

L’atteinte commissurale fait toute la gravité de ces lésions qui sont à l’ori-gine de séquelles majeures.

Fig. 4 – Main de blast par engin explosif. Fig. 5 – Explosion d’une bombe artisanale.

Les lésions vasculaires à la main mettent rarement en jeu le pronostic vital,le réseau de suppléance maintient un équilibre vasculaire, même dans les situa-tions extrêmes, sauf pour les doigts qui sont rapidement menacés parl’ischémie. Pourtant, ce réseau vasculaire, même s’il apparaît continu à l’ex-ploration, doit faire l’objet de toutes les attentions, car les différentes tuniquesdes parois ont subi les effets de l’onde de choc, souvent bien en amont de lamain. À ce stade, aucune exploration instrumentale « extensive » n’est sou-haitable, afin de ne pas mettre en péril une situation précaire en provoquantdes spasmes intempestifs, tout au plus peut-on apprécier la vascularisationdistale (pouls capillaire, remplissage des pulpes).

Le tatouage en profondeur de corps étrangers, l’attrition des tissus, l’effrac-tion des filières synoviales et des coulées celluleuses, le confinement de la plaieet l’ischémie latente réalisent un milieu deculture propice à la pullulation bacté-rienne. Les phénomènes septiques domi-nent la physiopathologie de ces plaies dela main par blast. Toute suture étancheprimitive est à proscrire et la réalisationde couvertures par greffe ou lambeau seradifférée sous peine d’emprisonner une col-lection septique ou d’hypothéquer lecapital tissulaire. La difficulté vient plutôtdes lambeaux suspects d’ischémie quiseront préférentiellement laissés en placeaprès avoir été dégraissés, surtout s’ils par-ticipent à la couverture d’un élémentnoble, et parés itérativement (fig. 6).Avant de procéder à la régularisationd’un doigt, chaque structure anatomiquedevra faire l’objet d’un bilan lésionnelprécis car, à ce niveau, les mesures conser-vatoires sont de rigueur pour une éven-tuelle exploitation secondaire.

Problèmes de couverture

La prise en charge d’une main de blast s’accompagne le plus souvent d’unclimat particulier : le blessé est profondément choqué, marqué par l’angoisseet la stupeur (attentats, accidents, agressions, etc.) qui accompagnent les trau-matismes graves de la main ou des deux mains ; le chirurgien est confronté àune lésion inhabituelle, déconcertante par l’ampleur du délabrement et dontla physiopathologie n’est pas toujours bien connue.

La maîtrise de ce type de lésions passe par une démarche systématique et rai-sonnée, tant l’ampleur de la tâche paraît déroutante : hémostase, parage et sta-bilisation sont les grands principes de prise en charge en urgence de ces plaiesaprès une décontamination complète de la lésion. Un tableau de choc hypovo-

252 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 6 – Lambeau tissulaire en voie denécrose.

Main de blast 253

lémique, un blast thoracique, un polycriblage, une atteinte céphalique, rachidienneou abdominopérinéale seront systématiquement recherchées ; le blast ORL, bienque moins préoccupant dans un premier temps, ne doit pas être négligé.

Pour ces grands délabrements de la main, nous pensons comme Iselin (6)que le traitement d’urgence doit impérativement être suivi d’une repriseprécoce et systématique. En effet, la couverture ne peut se concevoir que surune main revascularisée (à partir d’un ou des deux troncs artériels radial et/ouulnaire), décontaminée, avec des chaînes digitales alignées et stabilisées. Dansles jours qui suivent le traumatisme, la plaie est anfractueuse, les berges cuta-nées ont une vitalité précaire et les phénomènes septiques sont latents. Lesloges de l’avant-bras sont tendues, parfois siège de polycriblages ou de lésionsde brûlures, quant elles n’ont pas étélargement ouvertes par des fascio-tomies de décharge (fig. 7). Lorsque lalésion est bilatérale (manipulationd’engin explosif ), la main dominanteest généralement la plus atteinte. Dansce contexte, la levée d’un lambeau loco-régional paraît donc aléatoire, car lesréseaux vasculaires superficiel etprofond fortement ébranlés par leblast sont menacés de phénomènes despasmes. Les tentatives de réparation microchirurgicales (5, 7) ou d’anasto-moses pour lambeaux libres précoces sont également vouées à l’échec la plupartdu temps. La fiabilité est donc indiscutablement de rigueur, la couverture dif-férée et le lambeau à distance s’imposent, la conduite à tenir que nous pré-conisons est schématiquement rappelée dans le tableau I.

Fig. 7 – Blast de la main et de l’avant-bras.

Physiopathologie des lésionsde blast de la main Principes de prise en charge

Plaie délabrée → Hémostase, parage, stabilisation

Perte d’un bloc composite fonctionnel → Projet de reconstruction forcément limité

Évolutivité des lésions → Couverture différée

Insécurité tissulaire → Lambeaux à distance

Tableau I – Physiopathologie des lésions de main de blast.

Le lambeau inguinal, lambeau pédiculé à distance, s’est avéré particulière-ment fiable dans notre expérience, ses capacités de couverture sont largementsuffisantes pour couvrir une perte de substance de la main, la rançon esthé-tique peut être considérée comme mineure chez un mutilé de la main, la partieproximale du membre supérieur étant préservée (fig. 8). Ses capacités d’irri-gation et de drainage peuvent être déterminantes en attendant la période desevrage. Comme le lambeau n’est pas exploité dans sa version maximale, ilfaut prendre soin de tubuliser le pédicule sur une longueur suffisante pourfaciliter la suture peropératoire et les pansements.

254 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Fig. 8a-g – Blessé militaire de 25 ans victime d’une main de blast par grenade, alors qu’il était enposte en Afrique. Le bilan initial faisait état d’une avulsion du bord ulnaire de la main emportantles axes des quatrième et cinquième rayons (a). La colonne du pouce était préservée, l’arcade pal-maire superficielle avait disparu, les deuxième et troisième métacarpiens étaient le siège de frac-tures comminutives, la plaie était souillée (b). Un deuxième parage, réalisé à 48 heures, retrouvaitune plaie anfractueuse laissant s’écouler un liquide louche (c). Le quatrième jour, après un ultimeparage (d), la couverture était réalisée par un lambeau inguinal levé sur mesure avec un pédiculesuffisamment long pour faciliter l’affrontement des berges de suture (e). Les suites étaient simples,le pansement était parfaitement accessible, la main a pu être surélevée et le pouce mobilisé enattendant le sevrage qui n’a posé aucun problème particulier à 21 jours (f). Résultat à distance (g).

a b

c

d

e

f

g

La programmation du lambeau impose la confection d’un pédicule étanchede 10 cm environ. L’erreur serait, face à une perte de substance modérée, delever une version minimale du lambeau inguinal. Nous avons vu que l’insé-curité tissulaire était l’une des caractéristiques de ces mains de blast, la qualitéde l’affrontement des berges du lambeau sur le site receveur est donc plus quejamais primordiale pour les suites. Elle sera d’autant facilitée que la mainpourra être mobilisée à distance de la paroi abdominale.

Conclusion

La physiopathologie des lésions de la main de blast nous incite à la plus grandeprudence en matière de couverture des grands délabrements. Un lambeau pédi-culé à distance comme le lambeau inguinal réalisé en urgence différée nousparaît une stratégie de choix dans ce contexte dramatique.

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Main de blast 255

Spécificités de la main du sujet âgé

Y. Saint-Cast

Avec l’âge, surtout à partir de la septième décennie, le revêtement cutané dela main perd son élasticité, devient plus fin, sec et fragile (1, 2). La flacciditéde la peau, en augmentant la surface de l’enveloppe tégumentaire, peut consti-tuer un réel avantage pour la réalisation des lambeaux, à condition de s’adapterà la finesse et à la fragilité de la peau.

a b

c d

e f

Fig. 1a-f – Troisième récidive d’un sarcome de bas grade chez une femme de 72 ans.Reconstruction en un seul temps sous bloc brachial, après exérèse compartimentale (a, b). Lebord radial de la main a été recouvert par un lambeau interosseux postérieur, dont le drainageveineux a été amélioré par une anastomose veineuse, afin d’éviter une turgescence du lambeau ;le pouce a été reconstruit par pollicisation du quatrième doigt (c-e). Résultat à distance (f).

258 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Sur le plan fonctionnel, préserver la capture manuelle est un objectif prio-ritaire, d’autant qu’une altération d’acuité visuelle peut s’associer, rendantencore plus précieuses les capacités tactiles de la main. L’âge semble en effetpeu altérer l’innervation de la peau (3).

Techniquement, il faut exploiter les modifications tégumentaires (finesseet excédent), en privilégiant les lambeaux locaux qui peuvent couvrir plus lar-gement que chez l’adulte jeune. Tous les autres types de lambeaux, notam-ment les lambeaux en îlot ou libres, sont possibles pour peu que l’on respectela texture fine et dissociable des différents éléments qui font l’épaisseur dulambeau (figs. 1, 2). Pratiquement toutes les pertes de substance peuvent êtretraitées sous anesthésie locorégionale.

Lors de la réhabilitation fonctionnelle, il faut veiller à maintenir une bonnehydratation pour lutter contre la sécheresse de la peau (4) et se méfier desmassages trop vigoureux.

En conclusion, les sujets âgés peuvent bénéficier des progrès thérapeutiquesdans les pertes de substance cutanée. Ils méritent que l’on prenne du temps,à toutes les étapes de la prise en charge : lors de la décision chirurgicale, en

Fig. 2a-e – Amputation de la pulpe chez unpatient de 70 ans (a, b). Reconstruction parlambeau prélevé sur la face dorsale du majeur(c). Notez l’artifice de la résection de l’épo-nychium pour augmenter la surface visible dela tablette unguéale (b). Comme pour le sujetjeune, le lambeau a été sevré au quinzièmejour. Résultat à distance (d, e).

a b

c d

e

Spécificités de la main du sujet âgé 259

différant au besoin l’acte chirurgical afin de mieux apprécier l’état physiolo-gique et les ambitions fonctionnelles ; lors de la réalisation technique afin depréserver des structures fragiles ; lors de la réhabilitation fonctionnelle en s’in-vestissant dans le suivi et l’acquisition des objectifs. Ces conditions étantréunies, on ne sera que rarement déçu d’une prise en charge globale ambi-tieuse et exigeante.

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SYNTHÈSE

Couverture des pertes de substance cutanéede la main : « Comment je fais » au quotidien

J. Laulan, D. Le Nen

En guise de synthèse, il nous a paru intéressant d’évaluer les habitudes desdifférents auteurs concernant leurs indications, les principaux points tech-niques de la réalisation des lambeaux sur le terrain, et leurs habitudes dans lesuivi postopératoire. L’objectif de cette évaluation était de voir s’il était pos-sible de dégager des constantes ou des tendances fortes parmi les différentsopérateurs. Quinze d’entre eux ont répondu à un questionnaire type. Voicila synthèse de leurs réponses.

1 - Dans quel délai réalisez-vous la couverture d’une perte de substance cutanée : en urgence ou en urgence différée ?Votre choix est-il systématique ou fonction des conditions locales ?

Tous les auteurs s’accordent sur la nécessité d’une couverture en urgence ouen urgence différée (dans les premiers jours), en insistant sur l’importance duparage initial. Cependant, quatre d’entre eux précisent que certains méca-nismes lésionnels (délabrement, arc électrique, etc.) ou un doute sur la qualitédu parage leur fait différer la couverture. Enfin, deux auteurs préfèrent réa-liser les lambeaux libres de façon différée précoce. Il faut rappeler à ce proposles travaux de Godina qui avait montré que le taux de succès était meilleursi le lambeau libre était réalisé dans les soixante-douze premières heures aprèsle traumatisme (1).

2 - Quel est votre lambeau préféré pour les pertes de substance :1) de la face dorsale de la main, 2) de la première commissure,3) de la paume, 4) de la face dorsale de l’IPP, et 5) de la pulpe ?

Quelques auteurs ont donné plusieurs réponses pour le même site, parfois enfonction de l’étendue de la perte de substance.

Pour la face dorsale de la main, le lambeau le plus souvent cité est le lam-beau interosseux postérieur (LIOP) (2). Le lambeau de McGregor (3) est citédeux fois, ainsi que le lambeau de fascia de dentelé antérieur (4) ; ils sont biensûr préconisés en cas de perte de substance étendue. Les autres lambeaux (bra-

chial latéral libre, fascia temporal superficiel libre, lambeau ulnaire) ne sontcités qu’une seule fois chacun.

Pour la première commissure, là aussi c’est le LIOP qui est le plus souventcité, puis le lambeau brachial latéral libre (5) qui est cité par deux auteurs.Les autres lambeaux (dorsoradial, fasciocutané thénarien, cerf-volant, ulnaire)ne sont cités qu’une fois chacun.

Pour la paume, la cicatrisation dirigée vient en tête. Le lambeau chinoispédiculé (6) est cité quatre fois ; le LIOP et le lambeau brachial latéral libre (5)sont cités deux fois chacun. Le lambeau ulnaire (7) est cité deux fois et leparamétacarpien ulnaire (8) une fois.

Pour la face dorsale de l’IPP, les lambeaux cités par les différents auteurssont nombreux.

Les lambeaux locaux viennent en tête. Parmi eux, le plus fréquemment utiliséest manifestement le lambeau de Hueston dorsal simple (lambeau proximald’avancement) ou double (avancement proximal et recul distal) ; deux auteurssignalent l’intérêt de combiner le lambeau d’avancement proximal à une plastieen V-Y reportée à la face dorsale de la MP (9). Les lambeaux en îlot à pédi-cule cellulograisseux sont cités deux fois (10).

Après les lambeaux locaux, les lambeaux prélevés aux dépens de la face dorsalede la main viennent en deuxième position (11, 12, 13), puis les lambeaux pré-levés aux dépens d’un doigt adjacent qu’il s’agisse d’un lambeau cross-finger(désépidermisé-retourné) ou du lambeau boomerang (14).

Pour la pulpe digitale, le lambeau d’avancement en îlot (16) est cité sixfois, le lambeau d’Atazoy (15) cinq fois. Le lambeau de Littler (17) et le trans-fert libre de pulpe d’orteil sont cités deux fois. Les autres lambeaux (cross-finger, Hueston palmaire, ulnaire, thénarien péninsulaire) sont cités une seulefois chacun.

3 - Levez-vous un lambeau pédiculé avec ou sans garrot ?Quelles sont les raisons de votre choix ?

Tous les auteurs utilisent un garrot, essentiellement pour des raisons à la foisde confort et de fiabilité de la dissection. Deux précisent aussi que son utili-sation limite la perte sanguine.

4 - Si vous utilisez un garrot, réalisez vous lavidange par simple surélévation ou avec une bande ?

Si le garrot fait l’unanimité, ce n’est pas le cas pour ce qui concerne la tech-nique d’exsanguination. Plus des trois quarts des chirurgiens ayant répondupréfèrent une vidange partielle par simple surélévation, pour mieux repérerles structures vasculaires. Moins du quart restant privilégient une vidange laplus complète possible par bande, pour éviter la gêne occasionnée par un éven-

264 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

tuel saignement veineux. Ce résultat illustre bien la pratique quotidienne :laisser du sang dans les vaisseaux améliore leur visibilité, mais la dissectionrisque d’être gênée par un saignement veineux... Il faut savoir naviguer entreCharybde et Scylla !

5 - Faites-vous un tunnel pour passer le pédicule d’un lambeau en îlot ? Est-ce une attitude systématiqueou dictée par les conditions locales ?

Pour les trois quarts des auteurs, il faut privilégier une ouverture du pont cutanépour prévenir toute compression vasculaire. Pour éviter l’exposition du pédi-cule, soit il est recouvert par une greffe cutanée (deux réponses), soit l’ouver-ture du pont cutané est décalée (une réponse). Pour certains d’entre eux, cetterègle est intangible, pour d’autres elle peut être transgressée si les conditionslocales sont très favorables (tissus parfaitement souples, non cicatriciels etbonne tonicité du pédicule, etc.).

Un quart des auteurs privilégie la tunnellisation du pédicule, soit pour desraisons esthétiques, soit pour éviter l’exposition du pédicule. Mais tous saufun précisent qu’ils n’hésitent pas à ouvrir le pont cutané au moindre doutede compression vasculaire, en particulier veineuse, ou en cas de conditionslocales défavorables.

Là encore... pas de vérité absolue. La sécurité est probablement d’ouvrir lapeau pour éviter toute compression vasculaire, mais se pose alors le problème(relatif ) de l’exposition du pédicule qui peut justifier d’une protection pargreffe cutanée. En zone cutanée souple, si la tunnellisation n’est pas hémor-ragique, on peut parfois ne pas ouvrir le pont cutané.

6 - Au niveau du site de prélèvement, quelle est votre attitude :fermeture directe, cicatrisation dirigée ou greffe ? En cas de greffe, quel est votre site de prélèvement privilégié ?

Bien sûr, tous les auteurs privilégient la fermeture directe chaque fois qu’elleest possible sans tension excessive. Les trois sites, cités par plusieurs, qui seprêtent particulièrement à une fermeture directe sont la face dorsale de l’avant-bras (LIOP), la face dorsale de la main (lambeaux métacarpiens dorsaux etvariantes) et, bien sûr, le site de prélèvement inguinal du lambeau deMcGregor.

À l’exception d’un auteur qui l’utilise régulièrement, la cicatrisation dirigéen’est pratiquement jamais utilisée, sauf pour les petites pertes de substance dela face palmaire des doigts découvertes après prélèvement d’un lambeau digital.Elle laisse en effet un « système ouvert » et provoque des rétractions.

Si la fermeture directe n’est pas possible, la plupart des auteurs réalisent unecouverture immédiate, qui est le plus souvent assurée par une greffe de peautotale prélevée à la face médiale du bras ou sur le bord ulnaire de la main.Les autres sites de prélèvement (pli de flexion du coude, bord médial de l’avant-

« Comment je fais » au quotidien 265

bras, pli de flexion du poignet, pli inguinal) n’apparaissent qu’une ou deux foischacun dans les réponses. Il ne faut pas oublier le doigt banque, rappelé à justetitre par un auteur. Deux auteurs privilégient plutôt les greffes de peau semi-épaisse. Un seul utilise des greffes de peau mince, voire du derme artificiel « quiassure une meilleure qualité cicatricielle ». Enfin, certains préfèrent une greffesecondaire, systématique (une réponse) ou si le prélèvement du lambeau a crééun creux (une réponse) ; le bourgeonnement permet alors d’obtenir un com-blement avant la greffe. Celle-ci est réalisée de une à trois semaines après le pré-lèvement du lambeau. Les grandes greffes de peau mince, évoquées par deuxauteurs, sont prélevées à la cuisse (une réponse) ou au cuir chevelu (une réponse).

7 - Quelle est votre attitude concernant le site receveur :drainage systématique ou non, types de sutures et de fils utilisés ?

Le drainage est systématique seulement pour la moitié des auteurs ; deux d’entreeux précisent utiliser plutôt une lame de Delbet ou des crins de Florence. Pourl’autre moitié, le drainage se fait à la demande (fonction du risque hémorra-gique de la surface à couvrir et du lambeau) ; il est d’utilisation exceptionnellepour l’un d’entre eux.

Pour 85 % des auteurs, l’utilisation de points séparés est systématique. Deuxchirurgiens utilisent parfois un surjet.

La majorité utilise du fil résorbable (Vicryl®). Seuls cinq auteurs sur quinzeutilisent du fil non résorbable. Enfin, deux auteurs précisent utiliser des agrafes,parfois pour l’un et souvent pour l’autre.

8 - Dans le suivi postopératoire, quels sont vos critères de surveillance ? Utilisez-vous des traitements associés,du chauffage, une immobilisation, et/ou d’autres méthodes ?

Pour tous les auteurs, les critères de surveillance sont des critères cliniques, domi-nés par la coloration du lambeau et le pouls capillaire. Un auteur expliquebien que c’est une affaire de petits trucs et d’impression clinique : recolora-tion à la pression, qualité des berges, couleur à jour frisant, etc. Un seul auteurutilise aussi un monitorage de la température cutanée.

Certains n’utilisent aucun traitement associé. Pour les autres, les réponsessont très variables, et il n’y a manifestement aucun consensus sur le sujet. Lesvasodilatateurs sont cités cinq fois, l’héparine est citée trois fois et avec desréserves, et l’acide acétylsalicylique deux fois. Les autres (hémodilution, blocaxillaire continu) ne sont cités qu’une fois, de même que les antalgiques !

Le chauffage n’est pas utilisé par cinq auteurs et parfois par un. Les autrestendent à l’utiliser régulièrement, le plus souvent en chauffant la chambre ouen utilisant une lampe.

L’immobilisation paraît plus ou moins systématique pour neuf auteurs. Pourd’autres, elle n’est indiquée que si le pédicule ponte une articulation ou paraîttendu.

266 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts

Deux autres consignes sont signalées à deux reprises : d’une part, la néces-sité d’observer un repos strict les premiers jours et, d’autre part, la suréléva-tion du membre pour favoriser le drainage veineux.

9 - Utilisez-vous un traitement préventif des cicatrices dystrophiques ?

Seuls deux auteurs utilisent de façon régulière des produits siliconés (plaquesou gels), en particulier chez l’enfant et les sujets jeunes. Les autres ne réali-sent pas de prévention systématique des cicatrices dystrophiques. Le plus sou-vent, le traitement est assuré à la demande par des massages et autres traite-ments mécaniques de la cicatrice, voire par plaque ou gel de silicone.

10 - Avez-vous des recettes qui paraissent améliorer le tauxde succès de vos lambeaux ?

À cette question pleine d’espoir, il n’y a pas eu de réponse « miracle ». Chacuna donné une réponse différente, mais ces réponses peuvent être résumées pardeux mots : sérénité et technicité. La sérénité nécessite un contexte favorable(équipe) et de ne pas avoir d’impératif horaire. La technicité repose sur l’en-traînement et l’expérience ; il n’y a pas de honte à relire la technique, ou, pourun auteur (seulement !), à disséquer au laboratoire d’anatomie... En outre, deuxconseils techniques peuvent paraître utiles : inclusion et suture d’une veinesuperficielle pour les lambeaux pédiculés ; laisser le lambeau se revasculariseravant son positionnement sur le site récepteur. La dissection au large du pédi-cule et l’absence de tunnel sont mis en avant par un auteur.

11 - En cas d’échec d’un lambeau, quelle est votre attitude ?

La majorité des auteurs optent pour un nouveau lambeau dès que possible.Un auteur a recours à un lambeau libre branché à distance. Cinq d’entre euxprécisent cependant que leur attitude est conditionnée par les constatationsaprès parage : une nécrose partielle peut être accessible à une cicatrisationdirigée, ou une infection peut justifier d’un délai avant nouvelle couverture.Pour d’autres, il est important d’évaluer la cause de l’échec et de recourir à laméthode la plus fiable ou à un VAC d’attente, avant utilisation de derme arti-ficiel ou réalisation d’un nouveau lambeau.

Conclusion

La vérité absolue n’existe pas en matière de couverture. L’expérience et le bonsens de l’opérateur jouent un rôle important. Entre deux lambeaux, à indi-cations et séquelles comparables, il faut probablement choisir celui que l’onconnaît le mieux.

Il est possible de faire face à la majorité des situations avec quelques lam-beaux : McGregor, qui reste une valeur sûre pour les pertes de substance éten-

« Comment je fais » au quotidien 267

dues (3), LIOP (2), cerf-volant (18), lambeau de Hueston dorsal modifié (9),lambeau métacarpien dorsal à pédicule étendu (11), cross-finger, Atazoy (15),lambeau d’avancement unipédiculé en îlot (16). Il est rare d’avoir recours àun lambeau libre : les lambeaux brachial latéral (5) et de fascia de denteléantérieur (4) sont alors les plus utiles à connaître.

Le garrot doit être utilisé chaque fois que possible ; c’est le seul point faisantl’unanimité. La tunnellisation du pédicule et l’absence de drainage constituentprobablement un risque d’échec supplémentaire : ils ne sont à envisager qu’aprèsune certaine expérience de cette chirurgie et sous réserve de conditions localesfavorables. La fermeture par des points séparés doit être vivement conseillée.

Il n’y a pas de médicament miraculeux permettant d’augmenter le taux desuccès. Mais certaines mesures (repos au calme, chaleur, surélévation) asso-ciées à une surveillance clinique étroite les premiers jours sont fondamentales.

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268 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts