Fukushima : état des lieux et perspectives en 2014
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RGN N° 1 Janvier-Février 2014 84 Un document de synthèse de la Société Française d’Energie Nucléaire FUKUSHIMA 2014 : état des lieux et perspectives En 10 questions Le 11 mars 2011, un tsunami d’ampleur excep- tionnelle, provoqué par un séisme de forte inten- sité, dévastait la côte nord – est de Honshu, la grande île du Japon, sur plusieurs centaines de kilomètres. La conjugaison de ces deux cata- clysmes faisait 18 000 victimes et provoquait sur la centrale nucléaire côtière de Fukushima – Daiichi un accident majeur. La SFEN et la RGN en ont très largement traité. Trois ans après l’événement nous revenons une nouvelle fois sur le sujet et proposons ci-après, en 10 questions/ réponses, une synthèse actualisée de l’état des lieux et des perspectives d’évolution de la situa- tion sur le site de la centrale et dans les zones contaminées, évacuées ou non. Concernant l’accident en lui-même et l’enchai- nement des séquences il se confirme que les réacteurs ont correctement réagi au séisme, en se mettant en arrêt automatique. C’est le tsunami qui a été l’événement initiateur de l’ac- cident, noyant le site et coupant brutalement l’alimentation de la centrale en eau et en électri- cité. Cette dégradation subite et singulière a été à la base des réflexions et des actions conduites par les pays “nucléaires” et notamment la France pour réviser leur démarche de sûreté et mettre en œuvre des moyens renforcés pour faire face à de telles situations exceptionnelles. Le site, entré maintenant dans une longue phase d’assainissement, a réduit à des niveaux très faibles ses rejets atmosphériques mais continue de “produire” de grandes quantités d’eau contaminée du fait de son utilisation pour le refroidissement des réacteurs. C’est là un des problèmes que doit gérer Tepco, même si les eaux contaminées atteignant les rivages ne provoquent qu’une contamination réduite de l’océan. Un des autres grands problèmes à gérer et à surmonter est bien sûr celui de la décontamina- tion des territoires. Un gigantesque effort est accompli en ce sens, et qui commence à porter ses fruits : en effet pour la première fois l’ordre d’évacuation a été levé sur une commune située dans la zone d’exclusion des 20 km : à compter du mois d’avril, les habitants de Tamura sont autorisés à rentrer chez eux. C’est le début d’un processus de retour qui gagnera en ampleur dans la prochaine période mais que les autorités n’en- tendent pas précipiter. Ce n’est pas parce que les opérations de décon- tamination sont longues et difficiles que l’on doit en déduire que les habitants de la région ont été fortement contaminés par les rejets radioactifs de la centrale. En fait les doses absorbées par ces populations ont été faibles comme l’a montré l’étude de référence présentée par l’OMS en 2013 et comme le confirment toutes les autres enquêtes publiées sur le sujet et notamment celle de l’Université de Kyoto qui vient d’être rendue publique fin février 2014. La conséquence de cette dosimétrie réduite est que l’impact sanitaire de l’accident est estimé comme devant être très limité. C’est probablement une des raisons qui expli- quent que le programme électronucléaire n’est pas frappé d’ostracisme par l’opinion publique japonaise et que le gouvernement de M. Abe présente le nucléaire dans le “Basic Energy Plan” rendu public le 24 février 2014 comme devant être une des “énergies de base” du pays. Il est vraisemblable que plusieurs réacteurs seront redémarrés dans les mois qui viennent, ce qui mettra fin à la période de 3 ans durant laquelle toutes les centrales nucléaires du pays ont été arrêtées. F.S. La SFEN remercie vivement son groupe d’experts et tout particulièrement Bertrand Barré et Jean-Pierre Pervès pour leur contribution à l’élaboration de ce document. Nos remerciements vont aussi à Christophe Xerri Conseiller nucléaire de l’Ambassade de France au Japon et Thibault Clément, Assistant, pour les infor- mations apportées. Infographie : Boris Le Ngoc ; coordination : Francis Sorin. Fukushima
Fukushima : état des lieux et perspectives en 2014
Le 11 mars 2011, un tsunami d’ampleur exceptionnelle, provoqué par un séisme de forte intensité, dévastait la côte nord – est de Honshu, la grande île du Japon, sur plusieurs centaines de kilomètres. La conjugaison de ces deux cataclysmes faisait 18 000 victimes et provoquait sur la centrale nucléaire côtière de Fukushima – Daiichi un accident majeur. La SFEN et la RGN en ont très largement traité. Trois ans après l’événement nous revenons une nouvelle fois sur le sujet et proposons ci-après, en 10 questions/réponses, une synthèse actualisée de l’état des lieux et des perspectives d’évolution de la situation sur le site de la centrale et dans les zones contaminées, évacuées ou non.
Text of Fukushima : état des lieux et perspectives en 2014
1. RGN N 1 Janvier-Fvrier 201484 Un document de synthse de la
Socit Franaise dEnergie Nuclaire FUKUSHIMA 2014 : tat des lieux et
perspectives En 10 questions Le 11 mars 2011, un tsunami dampleur
excep- tionnelle, provoqu par un sisme de forte inten- sit,
dvastait la cte nord est de Honshu, la grande le du Japon, sur
plusieurs centaines de kilomtres. La conjugaison de ces deux cata-
clysmes faisait 18 000 victimes et provoquait sur la centrale
nuclaire ctire de Fukushima Daiichi un accident majeur. La SFEN et
la RGN en ont trs largement trait. Trois ans aprs lvnement nous
revenons une nouvelle fois sur le sujet et proposons ci-aprs, en 10
questions/ rponses, une synthse actualise de ltat des lieux et des
perspectives dvolution de la situa- tion sur le site de la centrale
et dans les zones contamines, vacues ou non. Concernant laccident
en lui-mme et lenchai- nement des squences il se confirme que les
racteurs ont correctement ragi au sisme, en se mettant en arrt
automatique. Cest le tsunami qui a t lvnement initiateur de lac-
cident, noyant le site et coupant brutalement lalimentation de la
centrale en eau et en lectri- cit. Cette dgradation subite et
singulire a t la base des rflexions et des actions conduites par
les pays nuclaires et notamment la France pour rviser leur dmarche
de sret et mettre en uvre des moyens renforcs pour faire face de
telles situations exceptionnelles. Le site, entr maintenant dans
une longue phase dassainissement, a rduit des niveaux trs faibles
ses rejets atmosphriques mais continue de produire de grandes
quantits deau contamine du fait de son utilisation pour le
refroidissement des racteurs. Cest l un des problmes que doit grer
Tepco, mme si les eaux contamines atteignant les rivages ne
provoquent quune contamination rduite de locan. Un des autres
grands problmes grer et surmonter est bien sr celui de la
dcontamina- tion des territoires. Un gigantesque effort est
accompli en ce sens, et qui commence porter ses fruits : en effet
pour la premire fois lordre dvacuation a t lev sur une commune
situe dans la zone dexclusion des 20 km : compter du mois davril,
les habitants de Tamura sont autoriss rentrer chez eux. Cest le
dbut dun processus de retour qui gagnera en ampleur dans la
prochaine priode mais que les autorits nen- tendent pas prcipiter.
Ce nest pas parce que les oprations de dcon- tamination sont
longues et difficiles que lon doit en dduire que les habitants de
la rgion ont t fortement contamins par les rejets radioactifs de la
centrale. En fait les doses absorbes par ces populations ont t
faibles comme la montr ltude de rfrence prsente par lOMS en 2013 et
comme le confirment toutes les autres enqutes publies sur le sujet
et notamment celle de lUniversit de Kyoto qui vient dtre rendue
publique fin fvrier 2014. La consquence de cette dosimtrie rduite
est que limpact sanitaire de laccident est estim comme devant tre
trs limit. Cest probablement une des raisons qui expli- quent que
le programme lectronuclaire nest pas frapp dostracisme par lopinion
publique japonaise et que le gouvernement de M. Abe prsente le
nuclaire dans le Basic Energy Plan rendu public le 24 fvrier 2014
comme devant tre une des nergies de base du pays. Il est
vraisemblable que plusieurs racteurs seront redmarrs dans les mois
qui viennent, ce qui mettra fin la priode de 3 ans durant laquelle
toutes les centrales nuclaires du pays ont t arrtes. F.S. La SFEN
remercie vivement son groupe dexperts et tout particulirement
Bertrand Barr et Jean-Pierre Pervs pour leur contribution
llaboration de ce document. Nos remerciements vont aussi Christophe
Xerri Conseiller nuclaire de lAmbassade de France au Japon et
Thibault Clment, Assistant, pour les infor- mations apportes.
Infographie : Boris Le Ngoc ; coordination : Francis Sorin.
Fukushima
2. RGN N 1 Janvier-Fvrier 2014 85 1. A-t-on progress dans
lanalyse et la comprhension de laccident ? Rien n'est venu remettre
en cause linterprtation gnrale de laccident que nous prsentons de
faon synthtique ci-aprs. L'analyse se poursuit cependant pour
prciser dans le dtail lenchainement des squences accidentelles dans
chacune des tranches 1, 2 et 3. C'est ainsi, notam- ment, que la
situation du corium du racteur 3 est dsormais considre comme plus
dtriore qu'on ne le pensait avant fin 2013. Dans lensemble il se
confirme que les racteurs ont correctement ragi au sisme en se
mettant en arrt automatique et que lvnement initiateur de laccident
a t le tsunami de forte ampleur qui a dvast le site, inter- rompant
lalimentation de la centrale en eau et en lectricit. Ds le premier
mois qui l'a suivi, les principales causes de l'accident de
Fukushima Daiichi ont t clairement identifies : Le grand sisme de
Tohuku a provoqu l'arrt automatique des trois racteurs en marche
sur le site (tranches 1, 2 et 3) et provoqu la rupture des lignes
haute tension qui raccor- daient la centrale au rseau lectrique
japonais. Les 13 diesels de secours ont pris le relais, comme prvu,
pour assurer la continuit du refroidissement des six racteurs du
site. Environ trois quarts d'heures plus tard, les vagues succes-
sives du tsunami, dont la plus haute atteignait 14 mtres, ont
envahi le site, provoquant l'inondation des diesels (sauf un), des
tableaux lectriques et des batteries de secours, la destruction des
rservoirs de fuel et l'obstruction plus ou moins complte des prises
d'eau de refroidissement. Le seul diesel survivant a permis de
maintenir le refroidissement des tranches 5 et 6, larrt et situes
plus haut que les autres par rapport au niveau de la mer. Le cur du
racteur 4 avait t dcharg dans la piscine pour des oprations de
main- tenance planifies. Prives d'alimentation lectrique normale et
de secours, les tranches 1, 2 et 3 n'ont plus t en mesure d'vacuer
la puissance rsiduelle de leurs curs (celle que continuent dgager
en se dsintgrant les produits radioactifs, aprs l'arrt de la
raction en chane) et leur combustible a surchauff. D'abord, les
gaines ont ragi avec la vapeur d'eau pour produire de grandes
quantits d'hydrogne, puis le combustible lui-mme a fondu.
L'hydrogne a diffus jusqu'au sommet des btiments des racteurs 1, 3
et 4, provoquant des explosions trs destructrices. Le cur du
racteur 1 a probablement fondu en totalit, et le corium a travers
le fond de cuve pour s'taler sur le radier en bton l'intrieur de
l'enceinte de confinement (qui, dans les racteurs eau bouillante,
est une structure diffrente du btiment racteur lui-mme). Le corium
du racteur 2 est probablement rest dans la cuve, et la situa- tion
du racteur 3 est intermdiaire entre les deux. Comme la cuve du
racteur 4 tait vide, lexplosion dhy- drogne a dabord fait croire
que la piscine avait perdu son eau et que son combustible s'tait
dgrad comme celui des curs 1 3, mais on a pu constater en mai 2011
que celui-ci tait intact : l'hydrogne qui a explos en haut de la
tranche 4 provenait en fait du racteur 3, les deux tranches
partageant la mme chemine d'vacuation. 2. O en sont les amnagements
de sret engags en France la lumire des enseignements tirs de
laccident ? En janvier 2012, l'ASN avait estim que l'tat des
Installations Nuclaires de Base franaises (INB) ne justifiait pas
leur arrt mais qu'il tait ncessaire de procder aussi rapidement que
raisonnablement possible aux renforce- ments proposs dans le cadre
des rflexions de sret post-Fukushima. Ces rflexions avaient t
engages durant l't 2011 dans le cadre commun europen des stress
tests1 qui a vu les oprateurs franais d'installations nuclaires de
base (INB), EDF, AREVA et le CEA, procder des Evaluations
Complmentaires de Sret (ECS). Ces ECS ont conduit les oprateurs
proposer l'autorit de sret (ASN) des mesures de renforcement de la
robustesse de leurs installa- tions face des agressions plus
violentes que celles qui avaient t prises en compte lors de la
conception de celles- ci, ainsi que des mesures d'amlioration de la
gestion d'un accident, aux plans local et national. Envisager des
hypothses extrmes En consquence, comme aprs les accidents de Three
Mile Island en 1979 et de Tchernobyl en 1986, la doctrine de sret
franaise a t rvise avec prise en compte de marges de protection
supplmentaires contre les agressions possibles (sismes, inondations
par exemple), mais plus encore en dcidant de faire lhypothse d une
fusion de tous les curs des racteurs dun site, -mme sans avoir pu
identifier un scnario raliste2 conduisant un tel accident - et en
considrant que dans cette circonstance il ne devait pas y avoir de
contamination durable des territoires voisins. Noyau dur En ce qui
concerne les centrales d'EDF, la principale mesure de renforcement
de leur robustesse est l'identification d'un noyau dur de systmes
qui doivent tre protgs beaucoup plus que le reste de l'installation
car leur survie empcherait un accident de devenir grave,
c'est--dire d'avoir des consquences au-del du site. Il s'agit
surtout de scuriser l'alimentation des racteurs en eau et en
lectricit, quelle que soit l'agression considre. La FARN, Force
dAction Rapide Nuclaire En matire de gestion des crises, la grande
nouveaut propose par EDF est la constitution d'une Force d'Action
Rapide Nuclaire, la FARN, compose de professionnels mobilisables
rapidement et quips de moyens d'interven- tion et de transport leur
permettant d'intervenir sur tout le territoire franais en moins de
24 heures, en soutien, puis ,si ncessaire, en substitution, aux
oprateurs devant faire face un accident. 1 En fait les demandes de
lASN EDF dpassaient un peu le cadre strict des stress tests,
notamment en matire de maintenance 2 Laccident de Fukushima
correspondait un scnario raliste puisque la possibilit dun tsunami
de grande ampleur avait t identifie mais non prise en compte lors
de rvaluations de sret de la centrale, postrieurement sa
construction
3. RGN N 1 Janvier-Fvrier 201486 La FARN est dj largement
constitue, et les diffrents lments des noyaux durs sont en cours
d'installation, par phases successives : 2012-2015 : couvrir court
terme des situations de pertes eau et lectricit plus svres
quaujourdhui (multi- tranches, longue dure), par des moyens de
crise et des moyens provisoires de conception 2016-2019 : couvrir
moyen terme des situations de pertes eau et lectricit plus svres
quaujourdhui, par des moyens de conception dfinitifs (Elments du
Noyau Dur) 2020-2023 : filet ultime noyau dur permettant, dans les
situations dterministes les plus extrmes trs au-del des rfrentiels,
dviter des rejets massifs et durables. 3. O en est la situation sur
le site ? Un travail considrable a t accompli en trois ans :
Dblaiement pour accs aux btiments, rtablissement du refroidissement
des curs et piscines, rehausse de la digue anti-tsunami,
dcontamination des eaux3, scurisation de la piscine du racteur 4,
couverture des racteurs 1 et 4, dbut d'va- cuation des combustibles
entre- poss dans la piscine 4, cartographie des zones les plus
radioactives, envoi de sondes pour diagnostiquer ltat rel des
enceintes de confinement, etc. Plusieurs mesures complmen- taires
sont dveloppes pour permettre le dtournement des eaux souterraines
qui pntrent dans le sous-sol des btiments, en particu- lier un
by-pass (pompage en amont) qui est oprationnel et des premiers
essais de gel du sous-sol qui sont en cours. Quoique pratiquement
intacts, les racteurs 5 et 6 ont t mis l'arrt dfinitif. Il y aura
encore de nombreuses annes de travail avant le dmantlement dfinitif
des racteurs accidents, mais le calendrier initial est presque
respect. 4 - Le site rejette-t-il encore de la radio- activit vers
lextrieur, territoires et ocan ? Les rejets atmosphriques sont
dsormais trs faibles, les enceintes de confinement ayant t
restaures (3 racteurs) ou tant proches de ltre (un racteur) et les
curs de racteurs tant dsormais bien rfrigrs. Les rejets vers le
milieu marin, bien que trs diminus, restent proccupants et dcision
a t prise de tenter de rendre tanche la totalit du sous-sol des 4
installations accidentes. La gestion de volumes trs importants de
liquides contamins pourrait tre rsolue avec la mise en service en
2013 dinstallations de traitement permettant de porter la puret des
eaux traites un niveau tel quelles puissent tre rejetes dans locan
sans aucune consquence dommageable. Rappelons que lenvironnement de
Fukushima a t touch par des missions radioactives vers latmosphre,
les racteurs ayant perdu leurs installations de ventilation et de
filtration des missions gazeuses, et par des fuites deau contamine
vers le sous-sol et la mer en raison de la dispersion des eaux de
rfrigration des curs vers les sous-sols des btiments turbine.
Rejets atmosphriques trs faibles Les rejets atmosphriques sont
largement maitriss, dune part parce que la temprature des coriums4
est maintenant infrieure 50 C et que ceux-ci sont stabiliss, et
dautre part parce que de nouvelles enceintes de confinement venti-
les enferment les racteurs 1 et 4, une troisime tant en cours de
montage pour le racteur 3 (le racteur 2 a conserv son enceinte de
confinement). Les rejets sont trs faibles et dsormais sans
consquences notable sur lenvi- ronnement de la centrale. Rejets
liquides contamins La production deau fortement contamine reste
impor- tante. En effet, comme le montre le schma simplifi ci-
dessous, leau injecte pour refroidir le corium est mlange de leau
qui provient des eaux souterraines (en bleu : le niveau deau dans
les racteurs est maintenu plus bas que celui de la nappe phratique
pour limiter la pollution de celle-ci) et aux eaux pluviales. Leau
se rpand dans toutes les parties basses de linstallation et une
partie fuit vers la nappe souterraine (en rouge) et vers la mer.
Contamination faible de leau de mer La contamination de leau de
mer, hors la zone portuaire de la centrale, est trs faible car le
principal contaminant, le csium, se dpose avec les matires en
suspension. Il en rsulte essentiellement une contamination
supplmentaire des sdiments marins le long de la cte proximit de la
centrale. Il faut galement noter que les rivires locales vhiculent
vers la cte des sdiments entrains par les prcipitations. Fukushima
3 Dabord, limination du csium puis, dans un deuxime temps, des
autres lments radioactifs sauf le tritium. 4 Le corium est une
sorte de lave qui rsulte de la fusion de tout ce qui se trouvait
dans la cuve : c'est un mlange du combustible nuclaire, du zircaloy
(gaine des crayons combustible), dacier des structures mtalliques
de supportage du cur et de la cuve et mme de bton dissout dans le
mlange Fig. 1 Nouvelles enceintes de confinement en cours de
montage Racteur N1 : termin en octobre 2012 Piscine racteur N4 :
termin en octobre 2013
4. RGN N 1 Janvier-Fvrier 2014 87 Traitement et stockage de
quantits deau considrables Leau collecte dans les caniveaux et
puisards, saline, est traite afin den extraire les contaminants
radioactifs (le csium en particulier), et le sel. Leau purifie
dsalinise est ensuite rinjecte dans le circuit de rfrigration des
coriums. Le dbit ncessaire est dsormais faible car la puis- sance
rsiduelle est trs basse5, mais environ 300 m3 deau souterraine
entrent quotidiennement dans les sous-sols et se trouvent
contamins. Les volumes prsents, quil sagisse de leau fortement
contamine des premiers mois, de liquides purs salins ou non, ou de
boues issues de lpu- ration sont considrables, environ 400 000 m3.
Leur stoc- kage envahit le site et complique sa gestion comme on
peut le constater sur la photo ci dessous. Une autre difficult
rsulte de la qualit insuffisante des cuves de stockage, loprateur
de la centrale ayant d les approvisionner alors que de nombreuses
entreprises avaient t dvas- tes par le tsunami et le sisme. Cest
pourquoi des fuites ont du tre prises en charge en catastrophe, des
moyens de les dtecter ayant manqu. Lquipement de lensemble des
cuves en dtec- teurs de niveau est en cours. Aprs une premire
phase, une nouvelle installa- tion dpuration, efficace pour
lensemble des produits radioactifs a t mise en service en 2013. Ses
performances devraient permettre damener la radioactivit rsiduelle
des effluents un niveau infrieur celui exig pour un rejet. Les
autorits japonaises pourraient alors autoriser des rejets vers la
mer pour dbloquer le site, mais cette dcision, difficile prendre
politiquement, devra tre expli- que la population et aux pcheurs en
particulier. Un rempart de sol gel Afin de rduire les volumes
produits, rsultant de lentre des eaux souterraines dans les
btiments, et de diminuer drastiquement les dparts deau contamine
vers la mer, il a t dcid disoler le sous-sol de la centrale en
lenfermant entirement dans une jupe de sol gel pntrant jusqu une
couche gologique tanche environ 27 m de profondeur. La ralisation
de ce projet, trs ambitieux, Fig. 2 - Circuit des eaux des racteurs
accidents : injection deau de refroidissement dans lenceinte de
confinement des curs, collecte aux points bas des btiments et
puration Fig. 3 - Vue du site avec en haut les bidons et en bas
dans le port les barges de stockage 5 Environ 25 kW pour le racteur
1 et 50 kW pour chacun des racteurs 2 et 3)
5. RGN N 1 Janvier-Fvrier 201488 dcrit dans la figure
ci-dessus, devrait commencer cette anne et sachever en 2015. Il
serait alors possible de pomper et purer les eaux prsentes sous la
centrale. 5 - Quelles sont les conditions de travail et la
situation des personnels travaillant sur le site ? Le chantier de
mise en scurit et de dmantlement sera long et difficile. Le
dblaiement des dbris et le nettoyage des sols et des btiments a
permis, depuis fin 2011, de respecter les normes japonaises de
dosimtrie des travailleurs, avec des milliers dindividus se
relayant. Travail distance, tl-interventions, programmation des
chantiers pour minimiser les risques sont les cls dun chantier sr
pour les intervenants. Il faut bien mesurer aussi que ces quipes
ont t par ailleurs durement touches par les destructions du tsunami
et du sisme et par les vacua- tions. Les salaris du site sont
confronts un chantier extr- mement complexe, des risques indits et
trs certai- nement un stress trs important. Il ne faut pas oublier
que leur environne- ment a t dvast par le tsunami et leur vie
rendue complexe par les vacuations. Mais ils bnficient de lenvi-
ronnement scientifique, mdical, technique et industriel dun pays
trs dvelopp et on peut constater que des ralisations majeures ont t
acheves dans des dlais trs courts : par exemple la consolidation du
racteur 4 et la construction dun hall de manutention au-dessus de
sa piscine de stockage des combustibles uss, qui a permis den
commencer lvacua- tion en novembre 2013. Lexploitant a t conduit
dans les premiers mois (de mars mi-dcembre 2011) de porter de 50
mSv par an6, dose maximale lgale pour les travailleurs du nuclaire
au Japon, 250 mSv la dose acceptable tant admis que de telles
augmentations des limites peuvent tre envisageables dans des
situations daccident. Dans les premires semaines 6 Fukushima Fig. 4
- Un mur de permafrost de 3 m dpaisseur et de 27 m de hauteur va
entourer la centrale sur 1400 m et isoler son sous sol des arrives
deau de la nappe amont et bloquer les fuites vers la mer. (Schma
Sciences et Vie) 6 La dose lgale (50 mSv en un an et 100 mSv en 5
ans) est exprime en sievert, avec le milli sievert (1/1000 Sv) Fig.
5 - Evolution de la dosimtrie des travailleurs (TEPCO et
sous-traitants) dans la premire anne : doses maximales (en bleu) et
moyennes (en rouge)
6. RGN N 1 Janvier-Fvrier 2014 89 employs ont reu des doses
corps entier suprieures 250 mSv et environ 2000 personnes des doses
thyrode sup- rieures 100 mSv. Lors des mois suivants 1200 personnes
au total ont reu des doses suprieures 50 mSv mais la dosimtrie t
rapi- dement rduite par une action dtermine de dcontamina- tion du
territoire de la centrale. Depuis janvier 2012 les doses lgales
sont respectes, avec des doses maximales de 20 25 mSv et des doses
moyennes de 0,8 1,4 mSV, les effec- tifs suivis tant de 6500
personnes environ chaque mois. 6 - Comment le dmantlement des
quipements accidents est-il prpar et engag ? Cest un chantier de
dizaines dannes qui sannonce ainsi, pour lequel le gouvernement
japonais a cr un Institut inter- national de recherche pour le
dclassement nuclaire (IRID). Celui-ci a lanc en 2013 un concours de
projets pour llimi- nation des dchets des curs des trois racteurs
dtruits lors de laccident : environ 200 propositions des plus
grands spcialistes mondiaux, dposes en janvier 2014, sont en cours
danalyse. Depuis deux ans lessentiel des efforts a t consacr
assainir le site pour faciliter les interventions humaines, vacuer
les dbris disperss par les explosions, grer une norme quantit de
dchets et effluents liquides radioactifs. A titre dexemple les
photos des figures 7 et 8 montrent le chantier dvacuation des dbris
du hall du racteur 3 : Un second programme prioritaire concernait
la piscine de stockage des combustibles du racteur 4, qui contenait
1533 assemblages, avec un inventaire trs important de csium 1377.
Cette piscine, branle par lexplosion, a t rapidement renforce en
2011/2012 dans la perspective de rpliques du sisme, puis le hall de
manutention reconstitu. Lvacuation des combustibles a commenc en
novembre 2013 (308 vacus le 10 fvrier 2014) avec un pont de manu-
tention tlcommand. Elle devrait sachever avant la fin de lanne.
Paralllement loprateur, aprs avoir scuris les curs en assurant leur
rfrigration, a engag un programme dexploration des zones interdites
avec des robots permet- tant diagnostics, imagerie et tl-
interventions, afin de prciser ce que pourraient tre les conditions
dintervention sur les coriums. Laccs des oprateurs au cur des
installa- tions restera cependant impossible dans la priode
actuelle. 7 - O en sont les travaux de dcontami- nation entrepris
sur les territoires, zone dvacuation et au-del? Un programme trs
structur dassainissement des terri- toires contamins (quils aient
vu leur population vacue ou non) a t mis en place et progresse
conformment aux objectifs. Les niveaux de contamination sont ainsi
fortement diminus, ce qui va permettre, dans les zones vacues, un
retour progressif des habitants. Il reste que dans certaines zones,
notamment les forts, la dcontamination est plus difficile mettre en
uvre. A la demande du gouvernement japonais, l'Agence
Internationale de l'Energie Atomique AIEA a envoy en octobre 2013
une mission d'experts internationaux chargs d'valuer les actions de
dcontamination. De leur rapport, publi en janvier 2014, on peut
retenir les points suivants : Plusieurs zones de dcontamination La
dcontamination des zones affectes par l'acci- dent est fonde sur la
dfini- tion de deux catgories : Dans la Zone de Dcon- tamination
Spciale, les popu- lations ont t vacues. C'est le gouvernement qui
dveloppe le programme de nettoyage et choisit les entre- prises
charges du travail. Celles-ci peuvent excuter des tests pour
slectionner les mthodes les plus efficaces. Dans la Zone de
Surveillance Pousse de la Contamination : les populations nont pas
t Fig. 6 - Dosimtrie travailleurs de janvier 2012 dcembre 2013 7 Le
csium 137 dont la demie vie est de 30,1 ans (temps pour que la
radioactivit soit rduite dun facteur 2) est de loin le principal
polluant radioactif rsultant de laccident : il tait essentiel de
scuriser linstallation, car un dfaut de rfrigration de la piscine
aurait pu provoquer des relchements massifs de csium. Fig. 7 -
Racteur 3 : juillet 2011 Fig. 8- Racteur 3 : fin 2013
7. RGN N 1 Janvier-Fvrier 201490 vacues en raison dun impact
radioactif faible mais des travaux de dcontamination sont cependant
ncessaires. Ce sont les municipalits qui font effectuer la
dcontamination, guides en cela par des instructions (Guidelines) du
Ministre de l'Environnement. De novembre 2011 mars 2013, 62
technologies de dcontamination ont t dmon- tres et values, et 11
autres sont en cours d'valuation. L'autorit de sret (NRA) a dmontr
que le risque d'ex- position interne due la contamination dans les
zones habi- tes (non vacues) est trs faible. En fait, les doses
rellement mesures par les dosimtres personnels, large- ment
distribus, sont trs infrieures (de 2,6 7 fois) aux estimations
bases sur les mesures au sol et ariennes. Travaux de dcontamination
de grande ampleur mens bien ou entrepris En octobre 2013, 400 cours
d'cole ont t correctement dcontamines. La Zone de Dcontamination
Spciale couvre 11 communes : un plan de nettoyage a t mis au point
pour 10 dentre elles et largement engag. Il vient dtre achev dans
de bonnes conditions pour Tamura, la premire munici- palit o lordre
dvacuation devait tre lev et le retour des habitants autoris
compter de dbut avril 2014. La deuxime zone comprend 100 communes,
dont la population na pas t vacue : 94 avaient publi leur plan de
nettoyage en mars 2013, en hirarchisant les zones dcontaminer en
priorit. La mise en uvre de ce plan est en cours, mais prendra de 2
3 ans (jusqu' 5 ans dans la prfecture de Fukushima) Alors que
l'objectif initial tait centr sur les niveaux de contamination du
sol, indpendamment du temps de rsi- dence d'habitants sur ces sols,
l'objectif est maintenant recentr sur la dose effective accumule
par le public (on reste moins longtemps en pleine fort que dans les
champs, par exemple, la dcontamination peut donc y tre moins
pousse, au moins dans un premier temps8). Notons enfin que plus de
18 000 hectares de terre agricole ont t dcontamins et remis en
production (de riz, essentiel- lement). Le chiffre devrait dpasser
26 000 en fin 2014. Un contrle strict de la nourriture a montr que
la quasi-totalit des terrains dcontamins produisent de la
nourriture dont la radioactivit est en-dessous des niveaux
autoriss. Dans la prfecture de Fukushima, sur toute l'anne 2012,
seuls 71 sacs de riz sur 10 millions dpassaient la norme. Un site
de stockage pour les rsidus Les terres contamines collectes sont
entreposes provi- soirement proximit des chantiers de
dcontamination. Ltat japonais a dcid en dcembre 2013 de prendre en
charge, la place de loprateur de la centrale accidente, la cration
dun site de stockage moyen terme. Il sagira de stocker, sur une
surface de 3 5 kilomtres carrs et pour une dure denviron 30 ans la
terre, les feuilles et herbes radioactives rcupres dans la rgion
pollue par les rejets de la centrale Plusieurs mthodes de
dcontamination mises en uvre Les mthodes recommandes sont celles
qui rduisent cette exposition interne et que l'on peut mettre en
uvre grande chelle, c'est dire l'limination de la contamination
radioactive de l'environnement humain : raclage du sol et des
feuilles mortes, lavage ou essuyage de la surface conta- mine
d'objets divers, etc. On peut aussi recouvrir les sols contamins
par de la terre saine ou labourer champs et jardins (tableau 1). 8
- Quen est-il du retour des populations vers leurs lieux
dhabitation vacus ? Les premiers retours viennent dtre autoriss
pour le dbut du mois davril 2014 dans la municipalit de Tamura
situe lintrieur de la zone dvacuation des 20 km. (voir carte de la
figure 10). Des premiers retours taient prvus ds cette anne mais,
au-del des travaux de dcontamination, il faut pouvoir offrir aux
populations qui reviennent les infras- tructures et les services
publics et sociaux auxquels elles ont droit. Cela est fortement
compliqu par les consquences du sisme et du tsunami qui ont dvast
la rgion. Dans les jours qui ont suivi laccident, les populations
ont t progressivement vacues sur la base dune valuation des
contaminations reposant sur des mesures ariennes et lobservation de
la mtorologie relle. Celle-ci a un rle Fukushima 8 Voir les
guidelines disponibles en Anglais sur
http://www.nsr.go.jp/english/library/data/special-report_20140204.pdf
Elment dcontaminer Technique recommande Toits et gouttires Essuyage
et Krcher aprs vacuation des matriaux dposs Murs extrieurs idem
Caniveaux Krcher aprs vacuation des matriaux dposs Bassins de
rtention idem Jardins et autres sols vgtaux Tonte de l'herbe avec
rcupration, lagage, raclage du sol, labou- rage, dpose de nouvelle
pelouse Parkings et autres sols durs Krcher, dcapage superficiel
(sablage, etc.) Terrains de sport raclage Routes (macadam et pavs)
Krcher Tableau 1 Technique recommande en fonction de llment
dcontaminer
8. RGN N 1 Janvier-Fvrier 2014 91 particulirement important
car, en cas de prcipitations, la contamination atmosphrique est
rabattue sur le sol. Les surfaces concernes par les vacuations
taient de 515 km2, dont 10 habits, 88 cultivs et environ 410 occups
par des forts. Elles ont t, aprs une campagne plus dtaille de
mesures, classes en trois catgories selon les dlais esprs de retour
des populations, aprs dcontamination (voir question 7). Des zones
loignes de 60 km sous le vent ont du tre vacues car elles avaient
reu des pluies abon- dantes au moment des rejets principaux. Les
populations vacues (170 000 personnes) ont t loges dans des
villages temporaires de prfabriqus et indemnises. Le gouvernement a
dfini en avril 2012 le zonage suivant : Zones o la leve de
lvacuation est en cours de prparation ou imminente : la dose
externe susceptible dtre reue est infrieure 20 mSv/an. Les
personnes seront donc autorises revenir dans la rgion, en observant
quelques prcau- tions lmentaires et y reprendre certaines activits
industrielles et agricoles. Les premiers retours ont t autoriss
pour le dbut avril 2014. Zones o le retour des populations est
envisag plus long terme : la dose externe susceptible dtre reue est
suprieure 20 mSv/an. Seuls des retours ponctuels des populations
sont autoriss, en attendant la leve de ces restrictions lorsque le
niveau de dose aura t ramen des valeurs suffisamment basses. Zone o
le retour des populations nest pas encore envisag, mme long terme :
la dose externe susceptible dtre reue est suprieure 50 mSv/an. Le
programme de dcontamination (voir question 7) des zones habites et
cultives mobilise lEtat dans les zones les plus touches (Zone de
Dcontamination Spciale) et les municipalits dans les autres (Zone
de Surveillance Pousse de la Contamination) en suivant des
guidelines dictes par le ministre de lenvironnement. - Pour les
zones o la dose est comprise entre 20 et 50 mSv/an, descendre en
dessous de 20mSv/an avant mars 2014 ; - Pour les zones o la dose
est infrieure 20 mSv/an, diviser la dose par 2 en aot 2013 et
atteindre 1 mSv/an en septembre 2016. Cet objectif, excessivement
ambitieux, de ramener 1 mSv par an la dosimtrie locale9 ne pourra
sans doute pas tre pleinement ralis, bien que les doses relles
avant dcontamina- tion soient gnralement plus faibles questim
initialement. Retours autoriss ds avril 2014 La dcontamination de
la premire zone (11 communes) avance rgu- lirement, les travaux
tant en cours sur 9 dentre elles. La municipalit et les habitants
de Tamura ont demand, lassainissement tant termin, que la
population de leur village habitant lintrieur de la zone dexclusion
de 20 km (voir carte ci-contre), puisse y retourner de manire
permanente partir davril 2014. Les autres communes, y compris
celles de la seconde zone (100 communes) pourraient rin- vestir les
zones vacues dans un dlai de quelques mois 3 ans (et jusqu 5 ans
pour les plus touches). Fig. 9 - Demonstration of some
decontamination methods utilized in the remediation works Fig. 10 -
Carte de zones vacues suite laccident
9. RGN N 1 Janvier-Fvrier 201492 Les dlais sont longs car il
faut pouvoir offrir aux popula- tions qui reviennent les
infrastructures et les services publics et sociaux ncessaires et,
ce qui est plus difficile encore, une activit conomique leur
permettant de retrouver des emplois, alors mme que de nombreuses
entreprises ont disparu ou se sont rimplantes ailleurs. Par
ailleurs la gestion du retour est rendue complexe car chaque
individu aura grer la sortie dune situation dassistance. A titre
indicatif un sondage parmi les habitants de FUTABA en 2013 a montr
que 4 % taient prts revenir ds que possible, 16 % attendront la
restauration des infrastructures, 21 % attendront la fin de la
dcontamination et 26 % que les autres soient revenus. Enfin 25 %
refuseraient de revenir. 9 - Quels sont les derniers rsultats des
tudes sur limpact sanitaire de laccident dans la priode actuelle et
plus long terme ? Toutes les tudes effectues ce jour conduisent aux
mmes conclusions que lenqute approfondie mene par lOMS et prsente
en 2013(9) : limpact sanitaire de lacci- dent est estim comme
devant tre trs limit. Les risques sont faibles et on ne sattend
aucune augmentation obser- vable des cancers crit lOMS. Le National
Institute for Radiological Sciences du Japon (NIRS) avait not pour
sa part, au dbut de lanne 2013, en prsentant ses travaux la presse
que les doses de radioactivit absorbes par les habitants de la
rgion de Fukushima ont t faibles et ne sont pas de nature susciter
des inquitudes. La toute dernire enqute pidmiologique sur ce thme,
publie fin fvrier 2014, propose des conclusions du mme ordre :
conduite par une quipe de la Kyoto University Graduate School of
Medicine (et publie sur le site de lAcadmie des Sciences des Etats
Unis, PNAS ) elle conclut que la plupart des habitants de la rgion
ont reu des doses trs proches des niveaux de la radioactivit
naturelle prsente au Japon, que, mme dans les hypothses les plus
conservatoires le risque de dvelopper un cancer nest gure
significatif et qu de tels niveaux une lvation du taux dincidence
des cancers ne serait pas susceptible dtre pidmiologiquement
dtecte. Notons que lOMS a, dans son rapport de 2013 estim de faon
trs conservatoire laugmentation possible des taux de cancers pour
les populations des 14 communes les plus touches par les retombes
radioactives. Le suivi pidmio- logique de ces populations sera
difficile car il sagit de popu- lations assez peu nombreuses, et
dune augmentation projete trs faible de taux de cancers par rapport
linci- dence des cancers spontans. Les augmentations projetes les
plus fortes, qui portent sur les cancers de la thyrode chez les
jeunes enfants concerneront des populations restreintes et des
affections largement curables. Ceci est dautant plus vrai que les
prcautions prises (suivis pidmiologiques), ainsi que le fait que
les Japonais ne souffrent gnralement pas dinsuffisance diode
(contrairement Tchernobyl), font que les valuations de lOMS
pourraient tre pessimistes. Laccident de Tchernobyl a montr que
limpact sanitaire de tels accidents tait de deux natures, le
premier rsultant de limpact radiologique et second de la situation
de stress dans laquelle les personnes vacues se trouvent. Seul le
premier a aujourdhui t lobjet dune tude de grande ampleur. Les
rejets radioactifs, bien que beaucoup plus faibles que ceux de
Tchernobyl, ont t trs importants. Ils nont pas t immdiats, ce qui a
rduit les rejets de radiolments de dure de vie courte comme
certains iodes, et ils ont t dans un premier temps orients surtout
vers la mer. Une tude de rfrence de lOMS La mthodologie de ltude
prsente en 2013 par lOMS utilise les relations expositions/effets
sanitaires acquises dans le pass (Hiroshima/Nagasaki, Tchernobyl,
irradiations mdi- cales). Elles ont t associes aux informations
apportes par les modles de dpt appliqus aux rejets de Fukushima,
consolids par des mesures sur le terrain. LOMS a pu ainsi associer
aux doses estimes une valuation du risque de cancers supplmentaires
rsultant de laccident. Ont t prises en compte : - les voies
dexposition aux radionuclides : externe due aux dpts sur le sol,
externe due au nuage, inhalation dans le nuage, ingestion (eau,
aliments), - la nature des radionuclides avec en particulier les
csiums, les plus importants pour le long terme, et les iodes compte
tenu du risque pour la thyrode (lOMS a considr quaucune pastille
diode navait t distribue), - certaines hypothses sur les
restrictions de consomma- tion deau et daliments Les doses reues
par la population ont t dtermines pour la 1re anne et pour la vie
entire pour 4 groupes dfinis en fonction de la dosimtrie estime
(groupes 1 et 2 couvrant les 14 localits les plus touches, groupe 3
le reste du Japon et groupe 4 reste du monde). Ont t prises en
compte les doses efficaces aux organes les plus sensibles (thyrode,
moelle osseuse, colon, sein) sparment pour les adultes, les enfants
de moins de 10 ans et les bbs (moins de 1 an). A titre dexemple les
doses en mSv estimes pour la premire anne pour les habitants de la
prfecture de Fukushima sont les suivantes, en fonction de lge et de
la commune, pour trois organes (colon, sein et os). Les doses sur
la vie ont ensuite t estimes en tenant compte de la dcroissance
radioactive et du devenir des radiolments : par exemple il a t tenu
compte de la migration progressive du csium dans les sols, de la
dispa- rition rapides des iodes (quelques mois) et du csium 234
(quelques annes). Le constat est que lessentiel de la dose aura t
subie la premire anne, le retour de la population ne devant
intervenir quaprs dcontamination des sols. Fukushima Fig. 11
Dmarche pour lvaluation des risques 9 World Health Organization
2013 : Health risk assessment from the nuclear accident after the
2011 Great East Japan Earthquake and Tsunami, based on a
preliminary dose estimation.
10. RGN N 1 Janvier-Fvrier 2014 93 LOMS a en consquence estim
les risques de cancers attribuables laccident sur la vie entire (90
ans). Ont t pris en compte les risques de cancers solides (colon),
de cancers du sein, de cancers de la thyrode et de leucmies pour
les individus mles et femelles et pour les trois gammes dge (1 an,
10 ans et plus de 20 ans). Par contre, contrairement ce quelle
avait publi sur Tchernobyl, lOMS ne donne aucune indication
relative la population concerne de chaque localisation dans les
groupes 1 et 2 (environ 30.000) et na en consquence pas calcul le
nombre de cancers attendus sur 90 ans. Risques de cancers trs
faible do un impact sanitaire non observable statistiquement Ces
risques doccurrence de cancers supplmentaires ne peuvent tre
apprcis quen les comparant ceux qui apparaissent spontanment. En
effet le rapport rappelle par exemple quenviron 40 % des Japonais
ont un cancer spon- tan solide (Japonaises 30 %), 0,6 % une leucmie
et 5 % des femmes un cancer du sein. Les cancers de la thyrode
spontans touchent moins de 1 % de la population. Le groupe 1, qui
aurait reu des doses de 5 8 fois sup- rieures au groupe 2, comprend
environ 30 000 habitants et on devrait donc y constater sur leurs
vies entires environ 12 000 cancers spontans de nature diverses. En
compa- raison lOMS estime environ 1 % lexcs de cancers solides
(soit environ 100 par rapport 10 000), environ 4 % lexcs de
leucmies, celles-ci tant rares (environ 7 par rapport 170) et 3 %
lexcs de cancers du sein chez les femmes (environ 22 par rapport
800). Cette valuation se rvlera sans doute conservatoire car les
doses estimes depuis sont infrieures celles prise en compte dans
ltude. On peut en dduire que limpact sera difficile mettre en
vidence statistiquement, quel que soit le type de cancer et la
population concerne. Seul un excs de cancers de la thyrode pourrait
tre dtect en raison de la sensibilit des enfants jeunes cette
pathologie. En effet lexcs de cancer pourrait tre de plus de 50 %
pour les enfants de moins de 10 ans, mais, appliqu une population
restreinte (environ 3.000 dans le groupe 1), il resterait faible,
soit une trentaine. Ce cancer est par ailleurs gurissable si dtect
en temps voulu. On en dduit que le suivi pidmiologique des cancers
sera difficile, en particulier dans des populations denfants trs
jeunes, probablement trs peu nombreuses. Ceci est dautant plus vrai
que les prcautions prises, ainsi que le fait que les Japonais ne
souffrent gnralement pas din- suffisance diode (contrairement
Tchernobyl), font que les valuations de lOMS pourraient tre
pessimistes. Le gouvernement japonais a mis en place un suivi pid-
miologique de populations concernes. Cette tude qui touche 2
millions de personnes s'talera sur au moins 30 ans. En dernier lieu
lOMS a estim que les doses reues pas les populations du reste du
Japon tait dun niveau tel que leur impact sanitaire serait
imperceptible. 10 - O en est la situation nergtique du Japon et le
programme lectronu- claire va-t-il tre relanc grande chelle ? Dans
son Basic Energy Plan rendu public le 25 fvrier 2014, le
gouvernement japonais dsigne le nuclaire comme une nergie de base
du pays. Il affirme galement son Tableau 2 - Evaluation des doses
reues dans la prfecture de Fukushima (source OMS rf. 6)
11. RGN N 1 Janvier-Fvrier 201494 objectif de dvelopper les
nergies renouvela- bles, ce qui permettra au pays de rduire sa
dpendance au nuclaire dans le domaine de la production dlectricit.
Il faut noter que les lections gnrales de dcembre 2012 ont vu
l'arrive la tte du gouvernement de M. Abe, dont la politique
clairement proclame tait - et est toujours - un retour progressif
de l'nergie nuclaire au Japon, alors que ses deux prdcesseurs, MM.
Kan et Noda10, en annonaient labandon dfinitif. On peut aussi
remarquer le peu de succs aux lections municipales de Tokyo, en
fvrier 2014, des deux candidats ouvertement antinuclaires et
llection dun gouverneur pro-nuclaire. Tout indique que lon sache-
mine aujourdhui vers le redmarrage dun programme lectronuclaire
lheure actuelle totalement arrt. Redmarrage probable de quelques
racteurs en 2014 Au cours de l'anne 2012, les tranches 3 et 4 de la
centrale de Ohi (racteurs eau sous pression exploits par la socit
Kansai) ont eu lautorisation temporaire de redmarrer, jusqu'
puisement de leur combustible. Ils doivent maintenant suivre la
procdure commune. Tous les autres dossiers ont t gels en attente de
la mise en place d'une nouvelle autorit de sret. Actuellement, 16
racteurs sont en attente dune dcision de la NRA qui pourrait
intervenir, pour les premiers, lt 2014. Le gouvernement a par
ailleurs autoris la reprise de la construction de trois centrales
dont le niveau davancement tait de 90, 40 et 10 %. Que peut-on
anticiper court terme ? Sans doute l'autorisation du redmarrage
d'une bonne dizaine de racteurs, dans les sites o l'opposition
locale ou celle du gouverneur n'est pas trop forte. Pour le moyen
terme, beaucoup dpendra des conditions de retour des popula- tions
vacues, mme si lopinion japonaise est surtout proccupe aujourdhui
par la situation conomique du pays. pour dbloquer un programme
larrt Rappelons que juste aprs l'accident, les 14 racteurs implants
sur 4 sites dans la zone dvaste par le tsunami ont t arrts. Les
racteurs de Fukushima Daiichi ne red- marreront jamais. Le
gouvernement a exig l'arrt de 3 rac- teurs supplmentaires Hamaoka
dans les semaines qui ont suivi laccident et demand des
renforcements prioritaires face au risque de tsunami. Puis, un par
un, les racteurs indemnes se sont arrts quand ils ont puis leur
combus- tible et leur redmarrage est soumis un long processus :
prsentation par l'oprateur d'un dossier justifiant les renfor-
cements effectus en rponse aux nouvelles exigences rglementaires
publies en juillet 2013, analyse et accepta- tion du dossier par
l'autorit de sret japonaise, la NRA, autorisation des communes et
du gouverneur de la prfecture concerne (sachant que le gouvernement
actuel a fait savoir quil ne sopposerait pas de telles dcisions de
remise en service). Lourdes consquences pour lconomie japonaise
Passer de 30 % d'lectricit d'origine nuclaire 0 % a eu des
consquences trs lourdes pour l'conomie japonaise : augmentation
significative des importation de gaz et de charbon, passage en base
de turbines au fuel qui n'taient 10 M. Noda, moins ngatif au dpart,
avait durci sa position lapproche des lections, appelant de ses vux
la realization of a society not dependent on nuclear in earliest
possible future Fukushima
12. RGN N 1 Janvier-Fvrier 2014 95 utilises que quelques heures
par an pour assurer la pointe de consommation, etc. Sur l'anne
2013, le cot des importations de combustibles fossiles a augment de
36 milliards de dollars, et le Japon a du aban- donner ses
objectifs de rduction des missions de CO2, dcision douloureuse pour
le promoteur du Protocole de Kyoto en 1997 ! Le gouvernement a d
aussi sauver la socit TEPCO de la faillite par une
quasi-nationalisation, et tous les autres lectriciens sont dans une
situation finan- cire difficile. Enfin, le prix de llectricit a
augment pour les entreprises et les parti- culiers (de lordre de 15
% 20 %). Fig. 12 Monthly consumption of fossil fuels for power
generation by Japanese power companies (January 2007 January 2013)
Source: EIA vvv