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Seul le prononcé fait foi Accès aux médicaments et à la santé de qualité Discours du Président Jacques Chirac à l’occasion du Conseil de l’Organisation mondiale des Douanes jeudi 24 juin 2010 Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire général, Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les Délégués, Chers amis, Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 30% des médicaments mis en circulation dans les pays en développement sont falsifiés. Plus de 200.000 personnes meurent chaque année parce qu’elles ont eu le malheur de prendre, de bonne foi, un faux médicament contre le paludisme. A l’heure où je vous parle, des femmes, des hommes, des enfants, sont en train de mourir parce que des réseaux criminels prospèrent sur le trafic de faux médicaments : des faux médicaments, c’est-à-dire des substances qui ne contiennent pas ou peu de principe actif, des substances souvent toxiques, qui ne soignent pas. Mais qui peuvent tuer. Ce trafic représentait, il y a 20 ans, 5 % du commerce pharmaceutique international. Il est chiffré aujourd'hui à environ 10 %, soit près de 45 milliards d'euros. Le médicament n’est pas une marchandise comme les autres. Aucun responsable ne peut accepter que la santé puisse être l’objet d’une économie criminelle. L’accès à des médicaments de qualité est un combat de santé publique. Je l’ai mené en tant que Chef de l’Etat, en me battant pour que les traitements pionniers ne soient pas réservés aux pays riches, - pour que nous trouvions des solutions afin d'abaisser le coût des médicaments destinés aux pays les plus pauvres, © William Daniels © Stockbyte /Getty Images

Jacques Chirac s'adresse au Conseil de l'organisation mondiale des douanes

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Page 1: Jacques Chirac s'adresse au Conseil de l'organisation mondiale des douanes

Seul le prononcé fait foi

Accès aux médicaments et à la santé de qualité

Discours du Président Jacques Chirac à l’occasion du Conseil de l’Organisation mondiale des Douanes

jeudi 24 juin 2010

Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire général,

Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs les Délégués,

Chers amis,

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 30% des médicaments mis en

circulation dans les pays en développement sont falsifiés. Plus de 200.000

personnes meurent chaque année parce qu’elles ont eu le malheur de prendre, de

bonne foi, un faux médicament contre le paludisme.

A l’heure où je vous parle, des femmes, des hommes, des enfants, sont en train

de mourir parce que des réseaux criminels prospèrent sur le trafic de faux

médicaments : des faux médicaments, c’est-à-dire des substances qui ne

contiennent pas ou peu de principe actif, des substances souvent toxiques, qui ne

soignent pas. Mais qui peuvent tuer.

Ce trafic représentait, il y a 20 ans, 5 % du commerce pharmaceutique

international. Il est chiffré aujourd'hui à environ 10 %, soit près de 45 milliards

d'euros.

Le médicament n’est pas une marchandise comme les autres. Aucun responsable

ne peut accepter que la santé puisse être l’objet d’une économie criminelle.

L’accès à des médicaments de qualité est un combat de santé publique. Je l’ai

mené en tant que Chef de l’Etat, en me battant pour que les traitements pionniers

ne soient pas réservés aux pays riches,

- pour que nous trouvions des solutions afin d'abaisser le coût des

médicaments destinés aux pays les plus pauvres,

© William Daniels

© Stockbyte /Getty Images

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Seul le prononcé fait foi

- et des financements innovants permettant d'atteindre les Objectifs

sanitaires du millénaire.

Garantir à chacun le droit d’accéder à des médicaments de qualité, princeps ou

génériques, est le sens de l’Appel que, avec les Présidents Blaise Compaoré du

Burkina Faso et Boni Yayi du Bénin, nous avons lancé, en présence de nombreux

Chefs d’Etat, et hauts représentants de gouvernements, ainsi que d’institutions

internationales ou régionales, le 12 octobre 2009, depuis Cotonou.

Cet Appel est un appel à la prise de conscience et à la mobilisation politique

contre ce crime que représente le trafic des faux médicaments.

Son but est que les Etats et les institutions internationales prennent enfin les

dispositions juridiques et législatives qui permettent de coordonner l’action des

acteurs concernés, qu’ils soient publics ou privés.

L’éradication de ce fléau passe, bien sûr, par l’amélioration de l’accessibilité aux

médicaments de qualité.

Elle passe aussi par l’application conjointe de contrôles stricts de la qualité des

produits,

- par l’amélioration de leur traçabilité,

- et par la sécurisation du circuit pharmaceutique.

Le besoin de transparence des chaînes logistiques du médicament est, en effet,

primordial.

Je veux, aujourd’hui, ici, dans cette enceinte de l’Organisation mondiale des

Douanes, saluer le rôle, de toute première importance, des administrations

douanières, qui livrent un combat quotidien pour que les médicaments nocifs, et

parfois mortels, ne puissent arriver dans la main des patients.

Votre responsabilité est très importante : vous devez réaliser l'équilibre optimal,

consistant à empêcher les médicaments criminels de franchir les frontières sans,

bien sûr, porter préjudice au commerce légitime des médicaments licites et des

génériques.

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Seul le prononcé fait foi

Sur ces trois axes : sécurité de l’approvisionnement, sécurité du circuit

pharmaceutique, sécurité des patients, les compétences de l’Organisation

Mondiale des Douanes sont fondamentales.

Le Président de la République française ne s’y est pas trompé, en donnant aux

Douanes françaises la responsabilité de la coordination de la lutte contre le trafic

des faux médicaments le 26 octobre dernier.

La sécurisation du circuit pharmaceutique nécessite une coopération entre Etats

pour harmoniser les moyens et les législations.

Cette logique de coopération et de partage de compétences doit également

guider les politiques entre les Etats :

- mutualisation des moyens de contrôle de la qualité des médicaments,

- harmonisation des codes des douanes,

- coopérations douanière et policière au niveau des sous-régions.

C’est le sens de la résolution, votée le 21 mai dernier, à Genève, lors de

l’Assemblée générale de l’OMS, appelant à une plus grande implication des Etats

dans la lutte contre les médicaments falsifiés.

La convention MEDICRIME, préparée par le Conseil de l’Europe, et bientôt ouverte

à la signature de ses 47 Etats-membres, donnera également les premiers outils

législatifs permettant de criminaliser la fabrication, la fourniture, ou l’offre de

produits médicaux falsifiés. J'espère qu'elle sera adoptée rapidement par le plus

grand nombre de pays.

Elle est un bon instrument, et constitue un pas décisif dans le combat qui nous

mobilise.

La coordination, au niveau international, entre l’Organisation mondiale de la Santé,

l’Organisation mondiale des douanes, l’Organisation des Nations unies, le Conseil

de l’Europe ou Interpol, doit se retrouver au sein des Etats, entre les services et

professionnels de santé, les douaniers, la police, la société civile et les

responsables politiques.

Cette coordination doit s’accompagner d’actions accrues en matière de formation,

à l’image de ce que fait l’Organisation mondiale des Douanes chaque année.

Votre action de "renforcement des capacités" est donc primordiale.

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Il est indispensable de renforcer la formation de tous les acteurs à reconnaître un

médicament de qualité, les circuits qu’il doit emprunter, ainsi que les normes qu’il

doit respecter.

Votre groupe "Contrefaçon et piraterie "peut certainement y aider concrètement.

En février dernier, ma Fondation a eu l’occasion, à l’invitation conjointe de votre

Organisation et du Directeur général des douanes du Bénin, de mesurer et de

souligner l’importance du rôle des douaniers dans le dispositif de lutte contre les

médicaments falsifiés. Lorsqu’une cargaison passe la douane, il est ensuite

impossible de la tracer.

On ne peut plus rien faire.

C’est trop tard.

C’est en amont qu’il faut travailler, y compris lors des opérations de transit.

A cette fin, la connaissance très détaillée de l’Organisation mondiale des Douanes

sur les codes en vigueur, sa capacité à travailler en réseau peuvent servir la

coopération entre les Etats.

Le dernier point, sur lequel je souhaiterais insister, est sans doute le plus

important : l’éducation et l’information, deux piliers sans lesquels aucune politique

sanitaire durable ne peut se construire.

N’oublions jamais que, lorsqu’il achète un produit falsifié, le consommateur est une

victime. Personne n’achète en connaissance de cause un produit qui risque de

menacer sa vie ou celle de ses proches.

Dans des pays dépourvus de systèmes de santé publique, où la santé représente

le deuxième poste des dépenses d’une famille, cet acte, si banal dans les pays du

nord, prend une dimension particulière.

Une dimension économique et une dimension psychologique.

Que peut faire une mère dont l’enfant est malade si elle ne bénéficie pas d’une

couverture sociale ?

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Elle se rend au marché pour faire le geste qu’elle croit juste et qui peut être fatal.

C’est par la mise en œuvre de couvertures sociales garantissant l’accès à des

produits de santé de qualité qu’on luttera le plus durablement contre le trafic.

Des solutions existent.

Il faut aider les Etats à les mettre en œuvre.

Le Nord, lui aussi, est touché.

Vous le savez, un nombre croissant de nos concitoyens achète désormais des

produits de santé sur internet, hors du circuit pharmaceutique contrôlé.

Au Nord comme au Sud, les douanes ont leur rôle à jouer, auprès de l’opinion

publique, afin qu’elle comprenne mieux les enjeux, et prenne conscience des

dangers.

Dans ce combat, un combat de longue haleine, votre courage et les risques que

vous encourez quotidiennement au service de vos concitoyens sont exemplaires.

Permettez-moi ici de rendre hommage à Madame Yolanda Benitez, administrateur

des douanes de Ciudad del Este, au Paraguay, abattue par des trafiquants dans

l’exercice de ses fonctions, et dont vous avez choisi d’honorer la mémoire en lui

dédiant ce Trophée, remis chaque année à l’administration la plus performante

dans la lutte contre la contrefaçon et la piraterie.

Je forme le vœu qu’un prochain trophée, spécifiquement dédié à la lutte contre les

faux produits de santé, voie le jour, et soit l’occasion d’établir, chaque année, un

bilan des actions menées et des progrès effectués.

Une mère qui achète un faux anti paludéen ne sait pas qu’elle achète la mort pour

elle-même ou pour son enfant malade.

C’est pour cette femme, et pour cet enfant, que je réclame aujourd’hui la

mobilisation de tous.

Je vous remercie.