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J'ai 6 ans, une prise de conscience me fait pleurer 3 jours... Aujourd’hui je souhaite vous faire part d’un autre évènement particulièrement triste et traumatisant de ma vie, de ma vie de jeune enfant… Nous sommes un dimanche de l’été 1985, j’ai 5 ans. Mes parents ont pris la voiture et ont conduit ma sœur Laetitia dans un centre de vacances pour une semaine à Arreau, joli village situé dans les Pyrénées et plus exactement dans le beau département des Hautes Pyrénées. Je n’ai pas de souvenir d’avoir fait partie du voyage ce jour-là, mais mon père m’a confirmé que j’avais forcément dû faire partie du voyage. Dès le lendemain, dans notre maison, située dans un village non loin de Toulouse, mes parents se sont mis à changer la tapisserie de la chambre dans laquelle nous dormions ma sœur et moi. Ils avaient en effet ainsi profité de l’absence de ma sœur pendant cette semaine pour s’attaquer à la tapisserie. Je ne me souviens donc pas du tout de ce jour où j’ai accompagné ma sœur à sa colonie de vacances, toujours est-il que pendant la semaine où ma sœur était dans sa colonie de vacances, j’ai fait des pieds et des mains pour convaincre mes parents de m’amener rejoindre ma sœur dans cette colonie de vacances. J’avais alors la conviction que c’était un endroit génial où j’allais beaucoup m’amuser. Et surtout beaucoup plus m’amuser qu’à rester seul avec mes parents dans notre maison… Mais mes parents se sont alors évertués à m’expliquer que cela n’était pas possible car cette colonie de vacances ne prenait les enfants qu’à partir de l’âge de 6 ans. Il m’était donc impossible de rejoindre de rejoindre ma sœur durant cette semaine. J’ai donc dû patienter 1 an… L’été d’après, ayant été enthousiaste pendant 1 an à l’idée de partir avec ma sœur dans cette fameuse colonie de vacances, mes

J'ai 6 ans, une prise de conscience me fait pleurer 3 jours

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J'ai 6 ans, une prise de conscience me fait pleurer 3 jours...

Aujourd’hui je souhaite vous faire part d’un autre évènement particulièrement triste et traumatisant de ma vie, de ma vie de jeune enfant… Nous sommes un dimanche de l’été 1985, j’ai 5 ans. Mes parents ont pris la voiture et ont conduit ma sœur Laetitia dans un centre de vacances pour une semaine à Arreau, joli village situé dans les Pyrénées et plus exactement dans le beau département des Hautes Pyrénées. Je n’ai pas de souvenir d’avoir fait partie du voyage ce jour-là, mais mon père m’a confirmé que j’avais forcément dû faire partie du voyage. Dès le lendemain, dans notre maison, située dans un village non loin de Toulouse, mes parents se sont mis à changer la tapisserie de la chambre dans laquelle nous dormions ma sœur et moi. Ils avaient en effet ainsi profité de l’absence de ma sœur pendant cette semaine pour s’attaquer à la tapisserie. Je ne me souviens donc pas du tout de ce jour où j’ai accompagné ma sœur à sa colonie de vacances, toujours est-il que pendant la semaine où ma sœur était dans sa colonie de vacances, j’ai fait des pieds et des mains pour convaincre mes parents de m’amener rejoindre ma sœur dans cette colonie de vacances. J’avais alors la conviction que c’était un endroit génial où j’allais beaucoup m’amuser. Et surtout beaucoup plus m’amuser qu’à rester seul avec mes parents dans notre maison… Mais mes parents se sont alors évertués à m’expliquer que cela n’était pas possible car cette colonie de vacances ne prenait les enfants qu’à partir de l’âge de 6 ans. Il m’était donc impossible de rejoindre de rejoindre ma sœur durant cette semaine. J’ai donc dû patienter 1 an… L’été d’après, ayant été enthousiaste pendant 1 an à l’idée de partir avec ma sœur dans cette fameuse colonie de vacances, mes parents nous y ont conduit, ma sœur et moi et nous y ont laissé… pour une semaine…

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Laetitia et Sébastien Marty en 1988 Je ne me souviens pas du moment où mes parents nous ont laissé. Sûrement que j’étais encore très excité à l’idée d’enfin passer du temps dans cette superbe colonie de vacances… Dès le premier jour, j’ai sûrement dû me faire quelques copains. Mais très vite et sûrement au cours de cette première journée j’ai pris conscience et ce pour la toute première fois de ma vie, que ma sœur n’était pas comme les autres enfants, qu’elle était handicapée, qu’elle ne pouvait pas venir en ballade avec nous parce qu’elle perdait vite l’équilibre et qu’elle marchait très lentement, quelle ne pouvait pas jouer aux mêmes jeux que nous car elle n’y voyait pas assez, qu’elle ne pouvait pas comprendre les choses comme nous…

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J’ai pleuré 3 jours Cette prise conscience a été tellement dure que je me suis mis à pleurer. J’ai pleuré pendant 3 jours. 3 longues journées. Sans pouvoir m’arrêter. Aujourd’hui ça me parait dingue : 3 jours ! c’est long ! Mais je suis sûr que c’était 3 jours et pas 1 et pas 2 jours car je l’ai dit à mes parents immédiatement lorsqu’ils sont venus nous rechercher à la fin de cette semaine, et nous en avons rediscuté plusieurs fois dans les années qui ont suivies. Je me souviens partiellement de ce que j’avais fait pendant ces fameuses 3 dures journées : alors que les autres enfants partaient en ballade, ou participaient à des jeux, moi je partais me cacher entre de grands arbres qui étaient situaient à l’entrée de la très grande cours par laquelle on passait pour accéder à aux bâtiments de cette colonie de vacances. Ces bâtiments étaient, eux, situés plus au fond et de chaque côté de cette cours. Enfin tel en est mon souvenir. Je n’y suis jamais retourné depuis. Ma prise de conscience de l’handicap de ma sœur fût ainsi très douloureuse. En effet c’était la toute première fois que je voyais ma sœur avec d’autres enfants non handicapés. Le choc. Je me souviendrai de cette douleur toute ma vie. Et si j’ai été aussi triste c’est très sûrement parce que j’avais compris que l’état de ma soeur était ainsi et qu’il ne s’améliorerait jamais. Et c’est vrai que putain c’est ça qui est triste ! Il n’y aura jamais d’amélioration ! Jamais ! Imaginez : ma sœur doit traverser la vie dans cet état : paralysée du côté droit, née aveugle et un peu de vue est arrivée lorsqu’elle était jeune enfant, avec des difficultés pour comprendre de nombreuses choses. Et aussi des sortes de convulsions imprévisibles, plus ou moins violentes et durant plus ou moins longtemps à chaque fois. Et enfin des problèmes de santé en permanence. C’est à peine croyable tout ce qu’elle doit endurer ! La carte postale Je me souviens pendant cette semaine dans ce centre de vacances, c’était au milieu de la semaine, ce devait donc être soit le mercredi soit le jeudi. J’avais enfin arrêté de pleurer. Mais bien sûr pour moi la joie n’était pas au rendez-vous… Un animateur nous a rassemblé. Il nous a donné des cartes postales avec un timbre et nous a dicté ce que nous allions marquer sur la carte postale que le centre allait ensuite envoyer à nos parents. La dictée était du type : « Chère maman, cher papa, je vous écris d’Arreau. Je vais très bien. Je suis très heureux… » un bla bla pour moi aussi détestable à rédiger que dès que mes parents sont venus nous rechercher à la fin de la semaine, je leur ai tout de suite dit que c’était un animateur qui nous avait fait marquer ces phrases sur la carte postale, mais que c’était pas du tout vrai. Que j’avais pleuré pendant 3 jours, que j’avais été très triste pendant toute la semaine parce que ma sœur n’était pas comme les autres…

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L’analyse du Général de Gaulle Le troisième enfant du général de Gaulle était une fille trisomique. Cette fille est décédée à l’âge de 20 ans à la Boisserie, cette grande bâtisse qu’avaient achetée le Général de Gaulle et sa femme en 1934 à Colombey-les-2-églises, sentant que son prochain lieu d’affectation serait à l’est de la France et ce de manière à permettre au Général de voir sa famille plus facilement. Et bien lors de l’enterrement de sa fille, devant sa tombe, le Général avait dit à son aide de camp en parlant de sa fille décédée : « C’était une prisonnière, maintenant elle est comme tout le monde… »

Le Général de Gaulle et sa fille trisomique Source Photo : Le blog de Bernard Gensanehttp://bernard-gensane.over-blog.com Voilà, je voulais vous faire part de cet évènement particulièrement triste de ma vie de jeune enfant. Je voulais vous le faire connaitre sûrement pour ne plus le porter tout seul… Sébastien Marty Si vous le souhaitez, n’hésitez pas à laisser un commentaire.