5
La sublimation Jean LAPLANCHE Problématique III 'La théorie de la séduction apporte la vérité de la notion d'étayage'. Quadridge / Presses Universitaires de France 153 LAP Présentation de Jean LAPLANCHE: Enseignant depuis 1962 à l'école normale et à la Sorbonne, depuis 1969 à l'UER des Sciences Humaines Cliniques. Expose une démarche problématique et interprétative le long de certains axes majeurs de la psychanalyse. Le document est une compilation de cours dont les caractéristiques sont le classicisme des notions, le recours fréquent au commentaire critique, les retours et les redites (du fait d'un auditoire en partie nouveau chaque année). La présentation de ces textes peut être critiqué en tant qu'exégèse freudienne. Une question centrale semble se dégager en dehors des démonstrations complexes par la psychologie et la psychanalyse. Après avoir posé la question de 'pourquoi étudier la sublimation?' vient l'interrogation plus précise: - "Y a-t-il un destin non-sexuel de la pulsion sexuelle, mais un destin qui ne soit pas de l'ordre du symptôme?" Je dirais personnellement oui, et ceci avant d'approfondir l'étude de l'unique livre spécialisé trouvé à la bibliothèque PARIS XII. La réponse inverse n'aurait pas motivé ma recherche, dont à germé l'attrait en réfléchissant sur des destins humanitaires. Je vais orienter mon étude du livre en cherchant les aspects effectivement favorables au développement de l'individu plutôt qu'analyser des causes psychanalytiques compliquées. Il serait plus bénéfique pour mes lecteurs que je puisse leur montrer un lien évident entre le concept de sublimation et l'existence de personnalités ayant vécu cette particularité.

La sublimation

  • Upload
    rdm-row

  • View
    252

  • Download
    3

Embed Size (px)

DESCRIPTION

 

Citation preview

Page 1: La sublimation

La sublimation

Jean LAPLANCHE

Problématique III

'La théorie de la séduction apporte la vérité de la notion d'étayage'.

Quadridge / Presses Universitaires de France

153 LAP

Présentation de Jean LAPLANCHE:

Enseignant depuis 1962 à l'école normale et à la Sorbonne, depuis 1969 à l'UER des SciencesHumaines Cliniques.

Expose une démarche problématique et interprétative le long de certains axes majeurs de lapsychanalyse.

Le document est une compilation de cours dont les caractéristiques sont le classicisme des notions,le recours fréquent au commentaire critique, les retours et les redites (du fait d'un auditoire en partienouveau chaque année).

La présentation de ces textes peut être critiqué en tant qu'exégèse freudienne.

Une question centrale semble se dégager en dehors des démonstrations complexes par lapsychologie et la psychanalyse.

Après avoir posé la question de 'pourquoi étudier la sublimation?' vient l'interrogation plus précise:

- "Y a-t-il un destin non-sexuel de la pulsion sexuelle, mais un destin qui ne soit pas de l'ordre dusymptôme?"

Je dirais personnellement oui, et ceci avant d'approfondir l'étude de l'unique livre spécialisé trouvé àla bibliothèque PARIS XII. La réponse inverse n'aurait pas motivé ma recherche, dont à germél'attrait en réfléchissant sur des destins humanitaires. Je vais orienter mon étude du livre encherchant les aspects effectivement favorables au développement de l'individu plutôt qu'analyserdes causes psychanalytiques compliquées. Il serait plus bénéfique pour mes lecteurs que je puisseleur montrer un lien évident entre le concept de sublimation et l'existence de personnalités ayantvécu cette particularité.

Page 2: La sublimation

CHAPITRE UN

Pour situer la sublimation

INTRODUCTION: symbolisation et sublimation

DEA de "psychopathologie clinique et psychanalyse".

C'est un cours magistral qui s'appelait 'historique et problématique de la pensée freudienne'.

La démarche de présentation est à l'image d'une spirale qui consiste à se reprendre et à dire et redireFreud. La symbolisation est certainement l'une des croix de la psychanalyse (recoupement,croisement). L'étude que fait Freud de la sublimation est très hésitante et non pas conquérante. Enfait, on ne peut pas dire que Freud est analysé la sublimation, mais il l'a plutôt érigée en but àatteindre, comme un phénomène a expliquer, un questionnement qu'il faudrait mener à bien, unetache à accomplir.

Freud écrit que la satisfaction sublimée possède "une qualité particulière que nous parviendronscertainement à caractériser un jour du point de vue méta-psychologique. La sublimation estprésentée comme l'un des quatre destins à coté du renversement dans le contraire, du retournementvers la personne propre ou le refoulement.

Le but, qui est un des facteurs de décomposition de la pulsion selon Freud, est une action. Ils'exprime par le verbe et est absolument capital pour la théorie de la sublimation. La sublimationsuppose une mutation ou une modification du but. Il y a une étape entre satisfaction sexuelle directeet le but dit 'sublimé'. Le but n'est alors pas modifié mais la progression vers lui est freinée. Pour enfinir avec l'idée que la pulsion de reproduction et donc la perpétuation des espèces pourrait êtred'une origine identifiable, Freud explique que celle-ci a des causes hors de la portée scientifique ethumaine.

La transformation de l'énergie sexuelle en action plus spécifiée, plutôt que justifiée par des buts, desobjets et des sources répondrait donc à une vision positiviste expliquant que les phénomènesscientifiques ne sont pas observables, n'étant par définition que des constructions, voir desdéductions. Le problème abstrait de la libido devient un problème d'abstraction. Une partie duconcept de l'abstraction considère qu'elle peut s'abstraire de ce contexte sexuel et échanger ses buts,ses objets et sa source pour d'autres. Je vais épargner à tout le monde les réflexions répètées sur'l'anal' dans les démonstrations de Freud et de ses admirateurs. Pour le changement de but, qui faitl'essentiel de la sublimation, Freud démontre qu'une pulsion peut abandonner complètement son butérotique: d'abord l'atténuer, l'inhiber pour finalement l'échanger contre des actions toutesdifférentes. Le coeur de l'interrogation est le fait que je viens de décrire, mais l'auteur explique qu'ilveut faire comprendre le problème qu'il définit par la question du 'couteau de jeannot'. Il s'agit d'uncouteau dont on change la lame, mais c'est toujours le couteau de jeannot. Puis, on change lemanche et ainsi de suite jusqu'à avoir changé toutes les parties, mais le couteau est toujours celui dejeannot.

Par similarité de réflexion, que devient la pulsion sexuelle qui donne origine à la sublimation si lasource, le but, et l'objet de celle-ci a changé?

L'énergie de base étant considérée comme source persistante, que signifie cette hypothèse qui tend àdémontrer que cette énergie sexuelle est identifiable en dehors de ses manifestations propres?

Est-ce une pure construction?

Page 3: La sublimation

Freud développe une étude sur Léonard De Vinci et rapproche sa curiosité intellectuelle très vive, sapassion d'investigation scientifique à l'investigation sexuelle infantile. Mettre au jour l'apparenteliaison entre la curiosité infantile et la curiosité intellectuelle est possible, mais comment montrerque la première se transforme en la seconde?

La sexualité comme l'exercice de l'intellect commence très tôt à être entravée, et plus encore par laculture, la société et finalement la religion. La faiblesse de l'expression de l'intellect permet ledéveloppement d'une névrose acquise pour la vie, c'est l'inhibition névrotique.

Ce refoulement sexuel est ensuite renversé par un intellect fortifié, et la curiosité sexuelle seraitdonc la source d'une transposition des désirs sexuels vers des activités qui ne sont pas directementliées à la sexualité. L'angoisse et les plaisirs sexuels sont déplacés vers l'activité intellectuellejusqu'à remplacer totalement la libido. La sublimation serait donc une dé-sexualisation del'investigation sexuelle par opposition à une 'irruption du fond de l'inconscient' qui est, elle, unecompulsion de la pensée. Il y a en fait, un véritable drainage d'un plan vers l'autre, du sexuel vers lenon sexuel. Avec un détour par la séduction serions nous loin du problème de la sublimation?

Il s'agit dans les deux cas d'un rapport sexuel et non-sexuel. La séduction peut être interprétéecomme une irruption du sexuel dans le non-sexuel de l'enfant et la sublimation serait plutôt untransfert énergétique de la pulsion vers une activité non-sexuelle. La sublimation n'est pas un retoursur le passé où l'individu retrouverait un état non-sexuel. Elle est plutôt liée à l'évolution de ladécouverte sexuelle et va de pair si elle doit se produire. L'intellectualité peut être très solidementreprésentée par la sublimation. Il faut tenter de conceptualiser la sublimation comme étant liée àl'apparition de la pulsion sexuelle au temps de la pulsion sexuelle partielle.

Une réflexion mène l'auteur à se demander si la sublimation pourrait se produire tardivement lorsd'une cure analytique. On ne peut pas conclure que la sublimation et l'activité liée à cette opérationpuisse être un facteur de réduction d'activité sexuelle. L'inverse n'est pas vrai non plus car en fait lesdeux sont liées, elles s'accompagnent. La sublimation peut même être une néo-génèse. Une activitéde peinture peut être considérée comme pulsionnelle par Freud comme étant liée au plaisir de vivre.J'ajouterai que le plaisir d'apprendre, de découvrir me semble tout a fait qualifiable de plaisir devivre.

A l'opposé, la sublimation peut être une recherche théorique exprimée par la peinture. Cette activitépeut être une sublimation par opposition à une autre sublimation. Les moyens manquent pourexpliquer comment l'activité artistique se laisse ramener aux pulsions psychiques. La créationartistique ou littéraire est donc facilement décrite comme participation de la sublimation à la viepsychique du créateur. Freud ne propose pas de solution trop hâtive ou trop globale qui opposeraientl'intellectualité et la création artistique malgré leurs différences. La sublimation peut aussiapparaître comme une déviation de l'auto-conservation. Le terme même de sublimation renvoie aufeu et la transformation qui est produite par celui-ci quand le solide se transforme en gazeux. Du faitdes nombreuses observations et champs dans lesquels la sublimation peut être reconnue, on devraitparler DES sublimations plutôt que LA sublimation.

Celle-ci est donc également présente dans l'art culinaire dans ce qu'il a de pulsionnel entre le rapportà la faim et à l'autre bout l'oralité du plaisir sexuel.

Page 4: La sublimation

CHAPITRE DEUX

Faire dériver la sublimation

L'auteur nous amène à nous questionner sur le pourquoi de la sublimation.

Dans une cure, puisque c'est une des préoccupation de l'auteur, on conçoit qu'il y est une part desublimé et une part de symptômes. Le sublimé existera toujours quand le symptôme sera résolu, oudissous.

Donc la question se transforme en est-ce qu'il y a un destin non sexuel de la pulsion sexuelle sansqu'il soit de l'ordre du symptôme?

Existe-t'il des manifestations non-sexuelles de la sexualité chez l'individu sans qu'elles soientréduites ou dissoutes au passage par l'analyse?

L'inconscient ne respecte pas des lois ou des règles du jeu, il a plutôt tendance à loger des élémentspsychologiques et des causes aux endroits où l'individu penserait naturellement que ce sont deseffets ou le destin. L'auteur suggère que le concept de sublimation n'est pas explicitement, et peutêtre à tort, utilisé dans les travaux nombreux à propos des personnages de la création artistique. Amon grand étonnement, le concept de sublimation est presque une entrave à la réflexion et l'auteur,comme l'exprime aussi Freud insinue que ce concept pourrait être mis de coté. Il ne couvre pasl'essentiel du phénomène quand il sert à la formulation de la pensée freudienne, il est utilisé defaçon très limitée. Avec la découverte de la notion "d'inhibition quant-au-but" j'ai ressenti quel'engagement humanitaire serait peut-être une inhibition de l'engagement en politique. L'hypothèseque les actions humanitaires servent à changer le monde pourrait étayer cette affirmation enélargissant des faits concrets et localisés à un changement plus global jusqu'au niveau des valeurs.Freud exprime le concept de sublimation en ces termes: "les mêmes voies par lesquelles les troublessexuels retentissent sur les autres fonctionnement somatiques doivent servir, chez le normal, à uneautre activité importante. C'est par ces voies que devraient se poursuivre l'attraction des pulsionssexuelles vers des buts non-sexuels, c'est à dire la sublimation de la sexualité.". La sublimation peutêtre observée comme un phénomène évacué par la psychanalyse en tant que problème séparé. Laquestion de la sublimation peut être posée d'une autre façon: existe-t-il des tendances sexuelles oudes rejetons pulsionnels conformes au moi, allant dans le sens du moi et susceptibles de venirrenforcer l'action de celui-ci?

Mélanie KLEIN dans son ouvrage "l'analyse des jeunes enfants' définie la sublimation comme étantun investissement à symbolisme sexuel, d'une tendance ou d'une activité appartenant aux pulsionsdu moi." Toujours d'après Mélanie KLEIN, les transferts favoriseraient la voie de la sublimation. Sepose ensuite la question de savoir si le phénomène de sublimation serait une composante del'adaptation de l'être humain vers des activités socialement valorisées. C'est à dire quel'environnement social aurait suffisamment d'influence pour faire initier un changement et unedérive des pulsions organiques vers des actions sociales reconnues par des valeurs. Des conceptspsychanalytiques d'étayage et de dièdre me semble trop complexes pour aborder simplement cettemystérieuse faculté décrite comme sublimation, chacun peut chercher plus loin dans chacune desvoies ouvertes ici. Les notions de représentation, transfert sont peut être suffisamment répanduespour ne pas avoir à les expliquer d'avantage. J'ai également étudié un livre sur ce sujet il y aquelques années et l'auteur abordait l'hypothèse que la sublimation serait peut-être un phénomèneou plutôt une issue pour la sauvegarde psychologique d'un individu dont les pulsions ne voient pasd'accomplissement dans la réalité. Celui-ci déplacerait donc cette tension vers des activités socialesreconnues et palpables afin de préserver sa santé psychique et son équilibre mental. La lecture de cerecueil de cours confirme le lien entre une pression plus ou moins sensible de l'environnement et un

Page 5: La sublimation

processus enclenché, consciemment ou non, par un individu en transformation. En fait le conceptd'étayage revient jusqu'à présent comme un processus plus traditionnel dans le développement del'individu, il est décrit comme trajet classique, et la sublimation comme trajet inverse. Lasublimation est ensuite résumée comme une victoire des pulsions de vie sur les pulsions de mort. Leterme de 'culture' intervient ensuite pour remettre en cause tout ce développement. Sans s'appesantirsur la remise en question culturelle des points évoqués précédemment, l'auteur développe toute unepartie de la dérivation de la sublimation. La sublimation lui sert de concept 'chef' par lequel il sepermet de parler d'autre chose. Jean LAPLANCHE décrit la dérive de la sublimation sous différentsaspects qui jalonnent cette dérivation:

1. Si la description de la sublimation est l'expression d'un processus réel, alors il faut le voir pluscomme une construction simultanée et conjointe entre le non-sexuel et le sexuel.

La considérer comme un retour du sexuel vers l'auto-conservation ne serait pas juste.

2. La source permanente pulsionnelle agirait donc comme une néo-création répétée de l'énergiesexuelle, continuant l'ouverture à cette excitation plutôt que canalisant une énergie pré-existante.

3. La néo-création est en fait l'observation que le phénomène agissant est d'ordre sexuel etimmédiat, lié à la création de l'oeuvre dans laquelle se cristallise la néo-création.

4. Le cheminement à travers la sublimation est inséparable de la psychanalyse elle-même (mais peutapparaître comme une destruction de la sublimation).

Au-delà de l'utilité et l'utilisation de la psychanalyse dans le changement personnel, la notion desublimation évolue au sein de la culture en même temps que la culture elle-même.

En conclusion, on pourrait dire que la culture sert à apprécier un concept tel que celui présenté de'sublimation', et donc le concept agit sur la culture en même temps que la culture sert à comprendrele concept. Pour illustrer le concept de sublimation dans l'intervention humaine et terrestre, je peutconsidérer que les personnes oeuvrant pour des projets humanitaires sont parmi les 'utilisateursinconscients' du processus de sublimation. Les personnalités très engagées dans cette voie commeMère Thérésa, Soeur Emmanuelle sont facilement identifiables comme ayant développé cettetransformation, cette sublimation affective qui déplace le besoin d'amour vers l'action au bénéficedes autres. Le lien religieux peut effectivement porter à la critique et disqualifier mes exemples,mais il s'agit peut être d'un facteur facilitateur pour le processus de sublimation. Dans ce cas, si maréflexion est juste, la croyance religieuse et la dévotion sont des voies facilitant le déplacement queje décris, et dont fait l'objet l'ouvrage étudié. On ne peut pas contredire que l'engagement religieuxest un renoncement à l'amour d'un homme, d'une femme ou d'une famille. C'est en quelque sorte unpoint essentiel pour qualifier mes deux exemples comme 'valables'. Il est possible d'identifier ceprocessus de sublimation chez des peintres, des artistes en général, chez des savants, des écrivainsou des personnes liées à l'éducation et au lien avec d'autres individus. Celles-ci consacrant leurtemps, leur énergie, leur travail au progrès des autres, à l'Amour de l'Art, de la Science ontfinalement reporté leur activité libidinale dans une activité que la Société, et probablement lamorale, encourage.

C'est un peu comme si la violence des pulsions et leur aspect sauvage avaient trouvé un exutoire,une application et un lieu d'expression tout en accompagnant un progrès social approuvé.

C'est la victoire de la Vie.

Dominique Deschamps 05/11/2006