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Le manuel du généraliste orl

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Adénopathie cervicale

E Serrano, J Percodani, JJ Pessey

L es adénopathies cervicales représentent un motif fréquent de consultation en ORL. Elles imposent une prise encharge diagnostique et thérapeutique bien codifiée. Toute tuméfaction cervicale évoluant depuis plus d’un

mois doit être explorée. Les étiologies sont nombreuses, dominées par la crainte d’une affection maligne.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Les relais ganglionnaires cervicaux sontnombreux et assurent surtout le drainagelymphatique des territoires de la face et du cou. Ils nesont normalement pas palpables, dans lesconditions physiologiques. Leur augmentation devolume peut être la traduction d’une affectiongénérale, d’une infection aiguë ou chronique oud’une pathologie tumorale, en général maligne.Toute tuméfaction cervicale n’est pas uneadénopathie et pose alors le problème du diagnosticdifférentiel.

■Rappel anatomique

Les chaînes ganglionnaires cervicales peuventêtre schématisées en plusieurs groupes. Il existe desgroupes situés au voisinage de la mandibule et desgroupes latéraux (fig 1).

Les groupes situés au voisinage de la mandibulecomprennent :

– les ganglions sous-mentaux sont situés entreles ventres antérieurs des deux muscles digastriques,un peu en arrière du menton. Ils sont recherchés têtelégèrement fléchie en avant ;

– les ganglions sous-maxillaires sont situés dansla loge de la glande sous-maxillaire. Ils sontrecherchés les doigts en crochet sous le bordinférieur de la mandibule ;

– les ganglions mastoïdiens sont situés enregard de l’apophyse mastoïde ;

– les ganglions parotidiens sont situés dans laloge parotidienne. Ils peuvent soulever le lobule del’oreille.

Les groupes latéraux constituent le triangle décritpar Rouvière qui comprend :

– un côté antérieur formé par la veine jugulaireinterne et ses ganglions lymphatiques satellites ;

– un côté postérieur constitué par la chaînespinale ;

– une base correspondant à la chaîne cervicaletransverse ;

– les ganglions sous-digastriques sont situés endessous du ventre postérieur du muscle digastrique,juste sous l’angle de la mandibule. Le plusvolumineux est appelé ganglion de Kuttner ;

– les ganglions sus-omohyoïdiens sont situésau-dessus du ventre antérieur du muscleomohyoïdien, le long de la veine jugulaire interne.Les gangl ions sous-digastr iques et sus-omohyoïdiens sont recherchés tête inclinée du côtéà examiner ;

– la chaîne ganglionnaire spinale est satellite dela branche externe du nerf spinal. On décrit desganglions spinaux hauts, moyens et bas. Lesganglions rétrospinaux sont situés au-dessus de labranche externe du nerf spinal ;

– la chaîne ganglionnaire cervicale transverses’étend le long de l’artère cervicale transverse etcorrespond à la région sus-claviculaire. Le ganglionsus-claviculaire gauche s’appelle le ganglion deTroisier. Les ganglions sus-claviculaires sontexaminés en se plaçant en arrière du patient et en luidemandant de tousser.

Deux autres chaînes ganglionnaires sont àdécrire :

– la chaîne cervicale antérieure qui réunit larégion sous-mentale au creux sus-sternal ;

– la chaîne cervicale postérieure qui descend del’occiput, le long du plan musculaire postérieur, auniveau de la nuque et se draine dans la chaînecervicale transverse [3].

■Diagnostic positif

‚ Interrogatoire

Il doit préciser : l’âge du patient ; ses antécédentsmédicaux, en particulier la notion d’une maladie desystème connue : sarcoïdose, lupus érythémateuxdisséminé, polyarthrite rhumatoïde ; ses antécédentschirurgicaux, en particulier la notion d’uneintervention chirurgicale cervicale ; une intoxicationalcoolo-tabagique ; un séjour à l’étranger ; le milieusocioprofessionnel (contact avec du gibier, griffurede chat) ; l’état des vaccinations ; les circonstancesd’apparition (existence d’une infection ORL oudentaire dans les jours ou semaines précédents, uneéruption cutanée) ; l’existence de signes associésORL (dysphagie, dyspnée, dysphonie, odynophagie,saignement par la bouche) ou généraux (altérationde l’état général, fièvre, amaigrissement, sueursnocturnes...) ; le délai entre la découverte del’adénopathie et la date de la consultation ;l’évolution de la symptomatologie.

‚ Examen clinique

Inspection

Elle doit rechercher des cicatrices cervicales, destatouages ou une pigmentation cutanée anormale.Elle doit apprécier l’état des téguments en regard del’adénopathie.

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1 Les principales aires ganglionnaires cervicales(d’après Legent. Manuel pratique d’ORL MassonParis). 1. Ganglions occipitaux ; 2. chaîne du nerfspinal ; 3. chaîne cervicale transverse ; 4. chaînejugulaireantérieure ;5. chaîne jugulaire interne (gan-glions sus-omohyoïdiens) ; 6. ganglions sous-digastriques ; 7. ganglions sous-maxillaires ; 8. gan-glions sous-mentaux ; 9. ganglions parotidiens ; 10.ganglions faciaux.

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Palpation

Elle doit préciser les caractères de l’adéno-pathie : nombre (adénopathie unique oumultiples), siège, dimension, consistance (molle,rénitente, ferme, dure), sensibilité, limites (nettesou imprécises), adhérence ou non aux planssuperficiels ou aux plans profonds (musculaires,osseux, vasculaires).

Examen ORL

Cet examen doit être complété d’un examenORL : peau de la face et du cuir chevelu, cavitébuccale, oropharynx, pharyngolarynx, fossesnasales, cavum, conduits auditifs externes,tympans.

Tous les éléments de l’examen clinique doiventêtre consignés sur un schéma daté.

Au terme d’un examen clinique bien conduit onpeut éliminer les fausses tuméfactions cervicales, enparticulier chez les sujets maigres :

– grande corne de l’os hyoïde ;

– grande corne du cartilage thyroïde (pouvant enimposer pour une adénopathie sous-digastrique) quisont mobiles à la déglutition ;

– apophyse transverse de C2 (pouvant évoquerune adénopathie mastoïdienne dure) ;

– bulbe carotidien qui peut être confondu avecune adénopathie sous-digastrique, mais qui estpulsatile.

Il est souvent possible d’avoir une bonneorientation clinique à la fin de l’interrogatoire et del’examen clinique.

Chez l’enfant, la première étiologie à évoquer estune pathologie infectieuse.

Chez l’adolescent et l’adulte jeune :

– des adénopathies inflammatoires, doulou-reuses, dans un contexte de maladie infectieuse fontévoquer une étiologie infectieuse ;

– des adénopathies en général multiples, fermes,voire dures, dans un contexte fébrile avec altérationde l’état général font évoquer en premier lieu unehémopathie maligne.

Chez l’adulte de sexe masculin, alcoolotaba-gique, présentant une ou plusieurs adénopathiesdures, fixées, il faut en premier lieu rechercher uncancer des voies aérodigestives supérieures.

Toutefois, il ne s’agit que d’orientations et ceci n’arien d’absolu.

■Diagnostic différentiel

Parfois, il est difficile à l’examen clinique de faire lediagnostic différentiel d’une adénopathie cervicalelatérale avec un lipome, une tumeur nerveuse, unkyste congénital, une pathologie salivaire, tumoraleou lithiasique, parotidienne ou sous-maxillaire. Uneadénopathie cervicale médiane ne doit pas êtreconfondue avec un kyste congénital ou une tumeurde la thyroïde. En cas de doute diagnostique, certainsexamens complémentaires seront utiles.

‚ Tuméfactions latérales

Les lipomes peuvent siéger dans n’importe quellerégion cervicale. Il s’agit le plus souvent d’une massede consistance molle, non douloureuse etd’évolution lente.

Les tumeurs nerveuses sont rares, développées àpartir des nerfs périphériques (schwannomes,neurofibromes), des ganglions sympathiques(neuroblastomes, ganglioneuromes, ganglioneuro-blastomes) ou des paraganglions (paragangliomesou tumeurs glomiques). Elles peuvent s’intégrer dansle cadre d’une neurofibromatose. Elles se présententsous la forme d’une tuméfaction ferme, indolore,bien limitée, parfois associées à des signesneurologiques par compression (X, XI, XII,sympathique cervical). Le caractère pulsatile de lamasse, éventuellement associé à la présence d’unsouffle auscultatoire fait évoquer une tumeur duglomus. La cytoponction ramène du sang artériel.Dans les autres cas de tumeurs nerveuses, lacytoponction élimine une lésion kystique maispermet rarement de porter le diagnostic.L’échographie cervicale affirme la nature solide de latumeur. Le scanner et l’imagerie par résonancemagnétique (IRM) permettent d’évoquer lediagnostic de tumeur nerveuse et précisent sesrapports avec les organes de voisinage.L’artériographie donne des images typiques en casde tumeur glomique [4].

Les kystes congénitaux latérocervicaux doiventêtre soupçonnés chez un sujet jeune, devant unetuméfaction molle ou rénitente, lisse, bien limitée. Lacytoponction et l’échographie cervicale confirmentla nature kystique de la tuméfaction et précisent sonvolume et son siège exact. Le scanner et l’IRM n’ontpas d’indication dans ce cas.

Les tumeurs de la glande sous-maxillaire sontrares.

Les hypertrophies de la glande sous-maxillaireou sous maxillites chroniques, infectieuses oulithiasiques, peuvent poser des problèmes dediagnostic différentiel avec une adénopathie de larégion sous-maxillaire.

Il en est de même pour les tumeurs de la glandeparotide, notamment une tumeur du pôle inférieurde la parotide peut en imposer pour uneadénopathie sous-digastrique.

‚ Tuméfactions médianes

Les kystes du tractus thyréoglosse sont plusfréquents chez l’enfant et chez l’adulte jeune. Ils setraduisent cliniquement par une tuméfactioncervicale médiane mobile à la déglutition.L’échographie cervicale précise le contenu et leslimites profondes de la masse. La scintigraphiethyroïdienne confirme la présence d’une thyroïdefonctionnelle.

Les nodules thyroïdiens ascensionnent à ladéglutition. La cytoponction et l’échographiecervicale redressent le diagnostic en cas de doute.

■Examens complémentaires

Certains examens complémentaires sont réalisésde façon systématique, d’autres sont orientés par lesdonnées de l’interrogatoire et de l’examenclinique [5].

‚ Numération formule sanguine

La présence de blastes avec anomalies majeuresde la numération et de la formule des leucocytesorientent d’emblée vers une leucémie.

Une augmentation des polynucléaires est enfaveur d’un processus infectieux bactérien, unediminution est évocatrice d’une virose.

‚ Vitesse de sédimentation

Elle est élevée au cours des processus infectieuxou inflammatoires.

‚ Intradermoréaction (IDR) à latuberculine à 10 unités

Elle oriente vers le diagnostic de tuberculoseganglionnaire lorsqu’elle est franchement positive,ou phlycténulaire.

La négativation de l’IDR évoque le diagnostic desarcoïdose.

‚ Sérologies

Elles ne sont pas toutes systématiques, maiscertaines d’entre-elles sont demandées de façonpertinente en fonction du contexte et de l’orientationclinique : VIH, toxoplasmose, rubéole, mononu-cléose infectieuse, maladie des griffes du chat,mycobactéries atypiques.

Toute adénopathie cervicale subaiguë ouchronique chez un adulte doit faire rechercher uneinfection VIH.

‚ Radiographie thoracique

Elle est systématique. Elle peut en effet évoquerun certain nombre de pathologies responsablesd’adénopathies cervicales : sarcoïdose (présenced’adénopathies médiastinales et d’un infiltratpérihilaire bilatéral), tuberculose, cancer du poumon.Dans ces cas, un scanner thoracique et unefibroscopie bronchique avec recherche de bacille deKoch (BK), réalisation de biopsies sur les zonesmuqueuses macroscopiquement suspectes, sontsouvent utiles.

‚ Cytoponction à l’aiguille fine

Elle est pratiquée par aspiration à l’aide d’uneaiguille montée sur une seringue. Un étalement surlames est ensuite réalisé. Cet examen recueillant defaçon ponctuelle des cellules ganglionnaires n’a devaleur que s’il est positif [6].

‚ Bilan radiologique

Échographie cervicale

Devant une masse cervicale palpable, l’imagerie àréaliser en première intention est l’échographie, carc’est un examen facile, rapide, non agressif et

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reproductible. Elle donne des renseignements sur lecontenu liquide ou solide de la masse, permettantainsi le diagnostic différentiel avec un kystecongénital. Elle est aussi utile pour le diagnosticdifférentiel avec un lipome dont l’aspectéchographique est évocateur (masse hyperé-chogène souvent feuilletée). L’échographie exploreles différentes aires cervicales, détermine la taille del’adénopathie, ses rapports avec les vaisseaux etl’axe viscéral, ainsi que l’atteinte de la graisseenvironnante. Elle peut donner des arguments enfaveur du caractère bénin ou malin desadénopathies, sans qu’aucun argument ne soitformel. Elle autorise la réalisation de ponctionsguidées à l’aiguille fine à visée cytologique [7].

Scanner cervical

Le scanner est utile en cas de doute diagnostiqueavec une tumeur nerveuse ou une tumeur salivaire(parotidienne ou sous-maxillaire). Dans le bilan desadénopathies, i l étudie les rapports desadénopathies avec les structures de voisinage.Lorsqu’il existe une tumeur pharyngolaryngée, lescanner entre dans le cadre du bilan d’extensionlocorégional de la tumeur [7].

IRM cervicale

L’IRM représente une aide importante dans lediagnostic des tumeurs nerveuses et des tumeurssalivaires. Elle est plus performante que le scannerpour l’étude des rapports de l’adénopathie avec lesstructures voisines [7] (fig 2).

■Diagnostic étiologique

et traitement

‚ Adénopathies entrant dans le cadred’une maladie générale

Le diagnostic d’adénopathie cervicale entrantdans le cadre d’une maladie inflammatoire peutparfois être évoqué dès l’interrogatoire, en particulieren cas de lupus érythémateux disséminé ou depolyarthrite rhumatoïde où le contexte clinique etbiologique est évocateur. Les adénopathiescervicales peuvent être révélatrices de la sarcoïdose.Les anomalies de la radiographie du thorax et lanégativation de l’IDR orientent le diagnostic. Letraitement est fonction du stade évolutif de lamaladie en cause.

‚ Adénopathies infectieuses

Adénopathies infectieuses aiguës

L’adénite aiguë peut survenir au cours ou audécours d’une angine, d’une infection dentaire oudans le cadre de lésions gingivobuccales (aphtes,glossite...). Elle se présente sous la forme d’une ouplusieurs adénopathies douloureuses spontanémentet à la palpation. Il n’y a pas ou peu de signesinflammatoires locaux. Le traitement de la cause faitdisparaître l’adénopathie.

L’adénophlegmon est l’apanage de l’enfant, engénéral avant l’âge de trois ans, mais peut se voiraussi chez l’adulte. Il complique une angine ou unerhinopharyngite. Il se manifeste par une tuméfactionganglionnaire cervicale majeure avec douleur,

fluctuation, rougeur de la peau. Les signes générauxsont variables en fonction des traitements déjàadministrés. Le traitement est chirurgical, représentépar l’incision et le drainage de la collection suppuréeet la réalisation d’un prélèvement bactériologiquepour antibiogramme. L’antibiothérapie est adaptéeaux données de l’antibiogramme.

Adénopathies infectieuses chroniques

Une infection VIH doit être suspectée devanttoute adénopathie cervicale subaiguë ou chroniquechez un adulte. Il convient de demander, avecl’accord du patient, une sérologie VIH1 et VIH2.

La tuberculose : la plupart du temps, il s’agit d’uneprimo-infection buccale ou pharyngée passéeinaperçue ; l’adénopathie est souvent unique,évoluant rapidement vers le ramollissement et lafistulisation. Elle n’est que très rarement associée àd’autres localisations tuberculeuses. L’IDR estfortement positive. La cytoponction retrouve le plussouvent un pus amicrobien ; la mise en évidence debacilles acido-alcoolo-résistants après coloration deZielh Neelsen est rare car ils sont très peu nombreux.La recherche du bacille de Koch (BK) par PCR(polymerase chain reaction) peut permettre undiagnostic rapide mais est de coût élevé. La cultureclassique sur milieu de Löwenstein nécessite deux àtrois mois pour l’identification du bacille de Koch oud’autres espèces de mycobactéries. Le traitement estmédical comportant une quadri antibiothérapiependant un an. L’association à une corticothérapiepeut être utile pendant quelques semaines. Letraitement chirurgical doit être réservé aux échecs dutraitement médical.

La toxoplasmose s’accompagne le plus souventd’adénopathies cervicales multiples, postérieureset/ou axillaires ; les signes associés sont peuspécifiques : éruption cutanée fugace, fébricule,asthénie. Le diagnostic repose sur la sérologie(augmentation des IgG sur deux prélèvementsréalisés à 15 jours d’intervalle). L’absence detraitement est de règle.

La rubéole s’accompagne d’adénopathiessouvent multiples, occipitales. Elles précèdent engénéral l’exanthème, lui-même inconstant, etpersistent 2 à 3 mois. La sérologie confirme lediagnostic (augmentation des IgG sur deuxprélèvements à 15 jours d’intervalle). Le traitementest symptomatique.

La mononucléose infectieuse associetypiquement des adénopathies multiples, occipitales,une angine d’aspect clinique variable, une fièvre etune asthénie. Le MNI-test et la sérologie de Paul,Bunnel et Davidsohn confirment le diagnostic. Letraitement est symptomatique. La prescriptiond’ampicilline est contre-indiquée en raison du risqued’érythème morbillo-scarlatiniforme.

La maladie des griffes du chat ou lymphoréti-culose bénigne d’inoculation s’accompagned’adénopathies volumineuses souvent molles,pouvant évoluer vers la fistulisation, apparaissantdans le territoire de drainage d’une griffure de chat.Le diagnostic est le plus souvent sérologique. Letraitement médical est basé sur les cyclines. Il estparfois nécessaire d’effectuer un geste chirurgical dedrainage ou d’exérèse celluloganglionnaire.

Interrogatoire

Examen clinique

Examen ORL

Examens systématiques

En cas de doute diagnostique

Cytoponction

EnfantAdulte jeune

Adulte alcoolotabagique

Cause ORL

FNS / VSIDRRadiographie pulmonaireSérologies

ÉchographieTDMIRM

InfectionsCauses hématologiquesInfectionsCancer ORL

LeucémiesTuberculose / sarcoïdeTuberculose / cancer / sarcoïdoseInfections

Lymphome Métastase Non contributive

Adénectomie pour typage

Primitif retrouvé Pas de primitif

Cervicotomie exploratrice avecexamen anapath extemporané + curageanapathologique

Cytoponction

2 Orientations diagnostiques.

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Les infections à mycobactéries atypiquestouchent surtout l’enfant entre 1 et 3 ans. Lesadénopathies évoluent en général rapidement versla suppuration et la fistulisation. Leur siège estsouvent sous-maxillaire. La preuve bactériologiqueest difficile à obtenir. Les réactions à la tuberculinesont faiblement positives. Les mycobactériesatypiques sont résistantes à la plupart desantibiotiques, le traitement repose donc sur l’exérèseganglionnaire chirurgicale [1].

Les adénopathies cervicales infectieusesévoluant vers la fistulisation font donc évoquer unetuberculose ganglionnaire ou une infection àmycobactéries atypiques, surtout chez l’enfant. Lesadénopathies cervicales en rapport avec une syphilisou une tularémie sont devenues exceptionnelles.

‚ Adénopathies entrant dans le cadred’une maladie hématologique

Leucémies

Des adénopathies cervicales peuvent êtrerévélatrices d’une leucémie aiguë (adulte jeune) ouchronique (leucémie lymphoïde chronique chezl’adulte plus âgé). La numération formule sanguineest alors évocatrice du diagnostic.

Lymphomes

Le contexte clinique est en général évocateur :altération de l’état général, hépatosplénomégalie,adénopathies hors du territoire cervical, fièvre,sueurs nocturnes.

Lorsque la cytoponction oriente vers le diagnosticde lymphome, il faut réaliser une adénectomie avecexamen anatomopathologique pour un diagnosticprécis et un typage du lymphome.

‚ Adénopathies métastatiques

Lorsque la cytoponction oriente vers cediagnostic, un bilan à la recherche d’une tumeurprimitive doit être réalisé.

Métastase ganglionnaired’un carcinome épidermoïde

Après un examen ORL complet, la recherche d’uncarcinome épidermoïde impose la réalisation d’uneendoscopie des voies aérodigestives supérieuressous anesthésie générale avec œsophagoscopie autube rigide. Les cancers ORL les plus lymphophilessont : le cavum, l’amygdale, la base de la langue, lesinus piriforme. Lorsque cet examen ne met pas enévidence de lésion muqueuse macroscopiquementsuspecte, on réalise de façon systématique desbiopsies à leur niveau. En effet, il s’agit deslocalisations où l’on rencontre le plus souvent depetits carcinomes épidermoïdes responsables del’adénopathie cervicale.

Si le bilan ORL est négatif, il faut rechercher unprimitif pulmonaire (à toujours suspecter devant uneadénopathie sus-claviculaire) ou digestif (surtoutdevant un ganglion de Troisier). D’autreslocalisations sont exceptionnelles : testicule chezl’homme, ovaire chez la femme.

Lorsqu’une tumeur primitive est retrouvée, letraitement de l’adénopathie s’inscrit dans la prise encharge de la tumeur primitive [8].

Métastase ganglionnaired’un adénocarcinome

La recherche d’un adénocarcinome oriente dansun premier temps vers la thyroïde (bilan hormonalthyroïdien, échographie cervicale, scintigraphiethyroïdienne). En cas de négativité du bilanthyroïdien, on recherchera un primitif rénal,prostatique chez l’homme, mammaire chez lafemme.

Métastase ganglionnairesans primitif retrouvé

Parfois au terme du bilan, aucune tumeurprimitive n’est mise en évidence ; on parle alorsd’adénopathie cervicale sans primitif retrouvé. Il fautdans ces cas réaliser une cervicotomie exploratrice

avec examen anatomopathologique extemporané,qui confirmera le diagnostic de métastaseganglionnaire. Cette cervicotomie sera réalisée dansles règles de la chirurgie cervicale, par un chirurgienORL, qui pratiquera dans le même temps opératoire,un évidement ganglionnaire. Certains réalisent ausside principe une amygdalectomie homolatérale àl’adénopathie. En effet, des études ont montré quecette attitude permettait de retrouver, dans unnombre non négligeable de cas, un carcinome in situau niveau de la loge amygdalienne [2]. L’évidementganglionnaire sera suivi dans tous les cas d’uneradiothérapie externe complémentaire.

■Conclusion

En conclusion, les adénopathies cervicalesreprésentent une pathologie à ne pas négliger.Toute adénopathie cervicale évoluant depuis plusd’un mois nécessite une prise en chargediagnostique et thérapeutique. Les examenscomplémentaires ne doivent pas être prescrits demanière systématique mais leurs indications varienten fonction du contexte clinique. La biopsie d’uneadénopathie suspecte du cou est un acte à proscrire,surtout si cet acte est isolé, non précédé d’unexamen ORL et non complété d’un curageganglionnaire en cas de métastase.

Elie Serrano : Professeur des Universités, ORL des Hôpitaux.Josiane Percodani : Chef de clinique-assistant des Hôpitaux.

Jean-Jacques Pessey : Professeur des Universités, ORL des Hôpitaux.Service d’ORL et de chirurgie cervicofaciale, CHU de Rangueil, 31403 Toulouse cedex 4, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : E Serrano, J Percodani et JJ Pessey. Adénopathie cervicale.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0490, 1998, 4 p

R é f é r e n c e s

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Les erreurs à ne pas commettre✔ Laisser persister une adénopathiecervicale au-delà de 1 mois.✔ Minimiser l’importance d’unetuméfaction cervicale auprès dumalade.✔ Effectuer une biopsie sans examenORL.✔ Pratiquer l’exérèse d’uneadénopathie sans suivre les règles dela chirurgie cervicale.

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Angine

L Crampette

L es angines sont des affections très fréquentes. Environ 9 millions de nouveaux cas d’angine sont diagnostiquésen France chaque année, dont environ 8 millions sont traités par antibiotiques. La crainte majeure est

l’infection à streptocoque bêtahémolytique du groupe A, avec son risque, chez les sujets de moins de 25 ans, decomplications poststreptococciques. Cependant, on estime que seulement 20 % des angines de l’adulte et entre 25 et50 % des angines de l’enfant sont streptococciques.La prise en charge la plus efficace et la moins onéreuse possible, tant diagnostique que thérapeutique, est un objectifquotidien du généraliste. Les tests de dépistage rapide du streptocoque n’étant pas remboursés par les caisses deSécurité sociale, c’est encore de l’analyse clinique que dépend principalement la thérapeutique, et notamment ladécision de l’antibiothérapie.© Elsevier, Paris.

■Définition

Les angines aiguës sont généralement assimiléesaux amygdalites aiguës. Certains auteurs,cependant, regroupent sous le terme d’anginel’ensemble des amygdalites aiguës et despharyngites aiguës. Comme la stratégiethérapeutique est différente entre les amygdalitesaiguës et les pharyngites aiguës, cet article concerneuniquement, selon la définition classique de l’angineaiguë, l’amygdalite aiguë.

■Conduite à tenir devant une

angine « commune » érythémateuse

ou érythématopultacée

‚ Reconnaître l’angine « commune »

Le diagnostic est souvent évoqué par l’entourage.Le médecin traitant doit rechercher et pondérer lesdifférents éléments du tableau clinique pour affirmerle diagnostic d’angine et écarter celui de pharyngite.Cette distinction n’est pas un pur exercice de style,mais représente à l’heure actuelle un critèredéterminant pour décider une antibiothérapie.

Les formes typiques des angines et despharyngites sont bien différentes (tableau I).Quelques remarques peuvent être faites sur cescaractéristiques cliniques :

– les anomalies amygdaliennes d’une anginesont parfois décalées de quelques heures parrapport aux signes généraux et fonctionnelsintenses. En d’autres termes, une pharyngite ayantdébuté depuis quelques heures, « banale » àl’examen pharyngé, mais suffisamment intense surun plan fonctionnel et général pour que le médecinait été consulté, devient souvent une angine typiquequelques heures plus tard ;

– l’intérêt de l’analyse sémiologique résuméedans le tableau I est particulièrement important pourles formes érythémateuses. Pour les formesérythématopultacées, le diagnostic d’angine estévident.

‚ Angine bactérienne (et singulièrementà streptocoque bêtahémolytiquedu groupe A) ou virale ?

La réponse probabiliste est directement liéeà l’analyse clinique

La diffusion des manifestations des pharyngites,qui sont en fait très souvent des rhino-pharyngo-laryngo-trachéites, est un argument en faveur ducontage viral de l’ensemble de la muqueuse desvoies aériennes.

Quant aux angines, elles peuvent êtrebactériennes ou virales. Classiquement, l’aspectérythématopultacé est en faveur d’une étiologiebactérienne, et l’aspect érythémateux en faveurd’une étiologie virale. Ces propos sont en réalité

caricaturaux, certaines angines érythémateusespouvant fort bien être bactériennes (et évoluer enquelques heures et jusqu’à 48 heures en angineérythématopultacée), et plus de la moitié desangines érythémateuses et érythématopultacéessont virales. Lorsque l’on évoque une étiologiebactérienne pour une angine, la plupart desarguments probabilistes retenus concernentl’infection par streptocoque bêtahémolytique dugroupe A, les autres variétés bactériennes en causeétant beaucoup plus rares (streptocoques du groupeC, Streptococcus pneumoniae, staphylocoque,Haemophilus, mycoplasme).

Le diagnostic de nature bactérienne ou viralepeut-il s’appuyer sur des examenscomplémentaires ?

La numération formule sanguine montre unefranche hyperleucocytose avec prédominance depolynucléaires neutrophiles dans les étiologiesbactériennes (tableau II). L’élévation de la protéine Créactive traduit la nature bactérienne de l’affection.

Tableau I. – Caractères cliniques distinctifs entre les angines aiguës et les pharyngites aiguës.

Angines aiguës Pharyngites aiguës

Fièvre élevée (39-40 °C) modérée (37,5-38,5 °C)

Vomissements, céphalées fréquents rares

Douleur pharyngée intense (avec souvent otalgie réflexe) modérée

Rhinorrhée non souvent

Toux non souvent

Conjonctivite non parfois

Examen oropharyngé anomalies limitées aux amygdales anomalies diffuses

Adénopathies douloureuses et limitées au territoire sous-angulomaxillaire

peu sensibles et diffuses

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Ces paramètres sont modifiés très précocement etleurs résultats peuvent être obtenus en quelquesheures.

L’analyse bactériologique après culture d’unprélèvement amygdalien par écouvillonnage estcertainement l’examen le plus performant pouraffirmer l’étiologie bactérienne. De plus, il estpossible de savoir si le streptocoque bêtahémoly-tique du groupe A est en cause ou non. Le grosproblème de cet examen est le délai pour obtenir lesrésultats, entre 24 à 48 heures.

Le dosage des antistreptolysines O, antistreptoki-nases, antistreptodornases, antihyaluronidases etanti-DNAses est malheureusement trop souventdemandé. En fait, ces anticorps n’apparaissent que3 semaines environ après un contage streptococ-cique, et leur présence ne traduit par conséquentqu’un ancien contage. Ces dosages n’ont d’intérêtque pour le suivi d’un rhumatisme articulaire aigu(RAA) mais ne sont d’aucune utilité pour guiderl’attitude thérapeutique face à une angine aiguë.

Les tests rapides de dépistage de l’infectionstreptococcique, réalisés par le praticien sur unécouvillonnage amygdalien, dont la lecture estimmédiate, sont à la fois très sensibles (entre 80 et90 %) et spécifiques (97 %). Certains pays ont choisila pratique de ces tests rapides pour décider laprescription d’antibiotiques. En France, lesorganismes de protection sociale ne remboursentpas ces tests qui ne sont donc pas utilisés.

‚ Traitement des angines érythémateuseset érythématopultacées

Buts de l’antibiothérapie

L’antibiothérapie est nécessaire dans les anginesprovoquées par le streptocoque bêtahémolytique dugroupe A ou d’autres germes bactériens. Elle ne l’estpas dans les étiologies virales.

Les buts de l’antibiothérapie dans les anginessteptococciques sont les suivants :

– prévenir la survenue des complicationspoststreptococciques. Ce souci primordial doit êtrepris en compte principalement au-dessous de l’âgede 25 ans, le RAA ne survenant pas à l’âge adulte ;

– limiter la dissémination du streptocoque ;– prévenir le risque de complications

locorégionales (phlegmon périamygdalien,adénophlegmon cervical) ;

– accélérer la disparition des symptômes.

Quels antibiotiques ?

L’antibiothérapie est antistreptococcique. Lesfamilles utilisées sont les suivantes (tableau III) :

– les pénicillines V, orales ;– les céphalosporines orales de première

génération ;– les aminopénicillines ;– les macrolides, mal-aimés des ORL pour les

otites et les sinusites en raison d’une efficacitécontroversée sur Haemophilus influenzae, trouventici une indication de choix, notamment les derniersreprésentants qui ne sont prescrits que 3 jours.

Les autres familles d’antibiotiques n’ont aucunejustification en matière d’angines aiguës. Lesréférences médicales opposables excluentnotamment les familles suivantes : aminopénicilline+ inhibiteurs des bêtalactamases, quinolones,céphalosporines de 2e et de 3 e génération per os.

Traitements symptomatiques

Antipyrétiques et antalgiques : aspirine,paracétamol.

Les AINS ne sont pas proposés dans lesréférences médicales opposables (sauf symptomato-logie extrêmement bruyante).

Les corticostéroïdes n’ont pas d’indication.Les traitements locaux sont souvent employés,

qu’il s’agisse de collutoires (Collu-Hextrilt,Locabiotalt, Rifocinet collutoire...) ou de pastilles(Lysofont, Imudont, Maxicaïnet...). Ils ne sontremboursés qu’à 35 % en général et à 0 % pourcertains d’entre eux.

Indications

Un traitement symptomatique est toujoursprescrit. Le traitement antibiotique antistreptococ-cique se discute selon l’âge et la présentationclinique, et éventuellement les données delaboratoire (fig 1).

On peut se risquer à proposer les attitudessuivantes :

– pharyngite : pas de traitement antibiotique ;– angine vraie chez l’adulte avec état général

conservé, pas de déficit immunitaire, pasd’antécédents de phlegmon périamygdalien : pas detraitement antibiotique immédiat, prélèvementbactériologique. L’antibiothérapie peut être instauréesecondairement en cas de non-amélioration cliniqueet lorsque le résultat de la culture bactériologiqueconclut à une étiologie streptococcique ;

– angine vraie chez l’enfant : antibiothérapieantistreptococcique ;

– angine vraie chez l’adulte avec état généralaltéré, diabète ou déficit immunitaire, antécédentsde phlegmon périamygdalien : traitementantibiotique antistreptococcique.

Il est certain que la diffusion des tests de dépistagerapide des streptocoques pourrait bouleverser cesrègles de prescription probabilistes. Actuellement, enattendant le remboursement de ces tests dedépistage, la demande systématique d’une NFS etd’une CRP, de rendu très rapide par le laboratoire,pourrait limiter considérablement la prescriptiond’antibiotiques lors d’angines

Tableau III. – Exemples de traitement antibiotiques des angines bactériennes communes.

Nom commercial(exemple)

Voie d’abord - RemarquesPosologie - Durée

Penicilline V Oracillinet VO 50 000 U/kg/j (3 cp chezadulte)

Traitement de référence

10 jours Observance sur 10 jours ?

Aminopénicillines Clamoxylt VO 30 mg/kg/j (2 cp chezadulte)

Attention si MNI (rash cutané)

10 jours Observance sur 10 jours ?

Céphalosporinesde 1re génération

Céfaperost VO 30 mg/kg/j (2 cp chezadulte)

Observance sur 10 jours ?

10 jours

Macrolides Rulidt VO 6 mg/kg/j (2 cp chezadulte)

Observance sur 10 jours ?

10 jours

Zithromaxt VO adulte : 2 cp le 1er jour,puis 1 cp/j pendant 4 jours

Durée brève validée

VO : voir orale.

Tableau II. – Avantages et inconvénients des examens de laboratoire dans les angines érythéma-teuses et érythématopultacées.

Etiologie bactérienne E´ tiologie virale Remarques

NFS hyperleucocytose pas d’hyperleucocytoseBon argument d’orienta-tion. Rendu rapide

CRP augmentée normale Bon argument d’orienta-tion. Rendu rapide

Culture bactériologiquedu prélèvement pharyngé + − Examen de référence

Délai de 24 à 48 heures

ASLO Sans intérêt Sans intérêt

Traduit un contact anté-rieur avec le streptoco-que bêtahémolytique dugroupe A

Tests de dépistage rapidedu streptocoque + −

Sensible (80-90 %)Spécifique (97 %)Mais non remboursé

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■Conduite à tenir devant des

formes particulières d’angines

‚ Complications infectieuses

Phlegmon périamygdalien

La fièvre et la dysphagie sont intenses. L’examenretrouve un trépied caractéristique :

– limitation de l’ouverture buccale ;

– œdème de la luette ;

– refoulement d’une loge amygdalienne endedans, traduisant l’existence d’une collectionsuppurée périamygdalienne.

La conduite à tenir est dictée par la gravitépotentielle du phlegmon qui peut entraîner unerupture carotidienne par extension cervicale.L’hospitalisation doit donc être immédiate, afinqu’un drainage chirurgical par voie endobuccale soitréalisé, parallèlement au traitement antibiotique parvoie parentérale (qui doit être efficace contre lescocci à Gram positif mais aussi contre les germesanaérobies).

Adénophlegmon cervical et cellulite cervicaleextensive

Elles correspondent à la diffusion régionale(respectivement ganglionnaire et celluleuse),évoluant pour son propre compte, d’une infectiondont le point de départ peut être amygdalien, maiségalement dentaire, et dans certains cas, pasclairement retrouvé. Quoi qu’il en soit, la gravité destableaux cliniques est extrême, dominée parl’intensité des signes cervicaux (torticolis, peaucervicale tendue et rouge, parfois crépitationneigeuse traduisant un emphysème sous-cutanédans les cellulites cervicales extensives) et des signesgénéraux. L’hospitalisation est immédiate, afin qu’undrainage chirurgical par voie cervicale soit réalisé,parallèlement au traitement antibiotique par voieparentérale (qui devra être efficace contre les cocci àGram positif mais aussi contre les germesanaérobies).

‚ Angines récidivantesDes angines bactériennes récidivantes doivent,

sauf contre-indication opératoire, être traitées paramygdalectomie. Il est donc très important que

l’interrogatoire rétrospectif retrouve bien des signesd’angine (et non de simple pharyngite), et que lenombre d’épisodes infectieux soit suffisant. Même siaucune définition précise n’existe, on estimeraisonnable de parler d’angines récidivantes lorsqueplus de trois à quatre angines par an sur 2 années ouplus consécutives sont observées.

L’amygdalectomie est également indiquée aprèstraitement d’un phlegmon périamygdalien.

‚ Mononucléose infectieuse

La présentation est celle d’une angineérythématopultacée ou à fausses membranes, avecune réaction ganglionnaire majeure et diffuse (« couproconsulaire ») chez un enfant ou adolescent. Il estimportant d’affirmer la mononucléose infectieuse,afin :

– d’éviter une antibiothérapie injustifiée,l’étiologie étant virale (Epstein-Barr virus) et nonbactérienne. De plus, une antibiothérapie paramoxicilline, outre son inefficacité, entraîne un rashcutané ;

– d’éliminer une leucose, diagnostic différentielqui se pose dans un climat d’angoisse ;

– d’autoriser la prescription d’une corticothérapieen cas de symptomatologie locale et d’asthénieparticulièrement intense.

Le diagnostic de mononucléose infectieuse peutêtre orienté par quelques signes sémiologiques fins(pétéchies du voile, discrète hépatosplénomégalie) etdes examens de laboratoire (numération formulesanguine, syndrome mononucléosique, ou sonéquivalent représenté par la présence en grandnombre de lymphocytes hyperbasophiles,augmentation modérée des transaminases).Cependant, la certitude diagnostique ne peut venirque des dosages sérologiques. Actuellement, leMNI-test et la réaction de Paul-Bunnell-Davidsohnsont critiqués car ils sont grevés, selon le moment deleur réalisation par rapport à l’évolution de lamaladie, de faux négatifs. Certains préconisent lasérologie de l ’Epstein-Barr virus qui estrecommandable en première intention.

‚ Angine de Vincent

Elle réalise chez un adulte jeune le tableau d’uneangine unilatérale, précocement à faussemembrane, puis ulcéreuse. Les signes généraux sontrelativement modérés. La douleur est unilatérale,accompagnée d’une hypersialorrhée, et l’haleine estfétide. Il existe une réaction ganglionnaire modérée.

L’angine de Vincent est favorisée par un mauvaisétat buccodentaire qui permet le développementd’une association bactérienne particulière de germesanaérobies : l’association fusospirillaire, faite dubacille à Gram positif de Plaut-Vincent et de spirilles,appelés actuellement spirochètes, et quicomprennent t ro is espèces (T r e p o n e m amicrodentrium, Borrelia buccalis, Borrelia Vincenti).

Le diagnostic différentiel principal est le chancresyphilitique.

Le traitement est basé sur une la pénicilline V.

Angines pseudo-membraneusesLe diagnostic à évoquer en priorité est celui

d’angine diphtérique. Il faut donc d’embléedemander si le sujet est vacciné (vaccination très

érythémateuse

érythématopultacée

pseudo-membraneuse

ulcéreuse

NFS +/-CRP +/- prélèvement bactériologique ?- Place à définir des testsde dépistage rapide streptococcique

- Vaccination antidiphtérique ?- Prélèvement bactériologique(diphtérie, streptocoque)- NFS (MNI ? leucose ?)- Sérologie MNI

- Prélèvement bactériologique- NFS (leucose ?)- Sérologie syphylis

- Trt symptomatique- Trt ATB systématique- Ou Trt ATB raisonné(nature des ATB : tableau III)(discussion paragraphe « Indications »)- Récidives : amygdalectomie

Pas d'ATB. Corticothérapieselon les cas

Sérothérapie + pénicilline

Pénicilline V

Hospitalisation

érythémateuse

érythématopultacée

MNI

Diphtérie

Angine de Vincent

Complication

Diagnostic

Traitement

1 Conduites diagnostiques et thérapeutiques.

Angine - 6-0400

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Page 9: Le manuel du généraliste   orl

immunisante). Dans l’éventualité d’une absence devaccination, et surtout si le patient revient de voyage(notamment de Russie), la possibilité de diphtériedoit toujours être évoquée devant une angine àfausse membrane recouvrant une amygdale, ou lesdeux amygdales et la luette à un stade plus évolué.La fausse membrane est épaisse et adhèrefortement à la muqueuse sous-jacente qui saigne aucontact lorsque l’on essaie de la détacher.

La confirmation vient de l’étude bactériologiquedu prélèvement pharyngé (Corynebacteriumdiphteriae).

Le traitement curatif repose sur la sérothérapieantidiphtérique (antitoxine) à la dose de 20 000 Uchez l’enfant et de 50 000 U chez l’adulte, alors quele traitement préventif repose sur la vaccination (parl’anatoxine diphtérique). La pénicillinothérapie estassociée.

D’autres affections que la diphtérie peuventdonner un tableau pseudo-membraneux : angines

pultacées à streptocoque, mononucléose infectieuse,angine de Vincent à son stade débutant, localisationamygdalienne des hémopathies

‚ Angines vésiculeuses

La constatation de vésicules sur la surfaceamygdalienne permet d’affirmer l’étiologie virale del’angine. Cependant, les vésicules disparaissentrapidement, laissant place à une présentationérythémateuse ou érythématopultacée moinsévocatrice.

Angine herpétique

Due à l’Herpès simplex virus de type 1, ellesurvient chez l’adulte jeune. Le début est brutal et lessignes généraux marqués. La muqueuse pharyngéeest rouge vif avec des vésicules qui laissent la place àdes taches blanches d’exsudats de contourspolycycliques.

Herpangine

Due au virus Coxsackie du groupe A, elle survientchez l’enfant de moins de 5 ans. Les vésiculeslaissent place à de petites ulcérations.

Scarlatine

Elle est délibérément placée en dernier chapitre,bien qu’elle soit d’origine streptococcique(streptocoque bêtahémolytique du groupe A ayantla particularité de libérer une toxine érythrogène),car elle est devenue très rare. La symptomatologiegénérale est intense (fièvre, céphalées,vomissements), les amygdales et le pharynx sonttrès rouges, le bord de langue est « carmin » alorsque le reste de la langue est blanc. L’exanthèmeapparaît après 24 heures, commençant au niveaude la région scapulaire et d’évolution descendante.Le trai tement est celui des anginesstreptococciques.

Louis Crampette : Professeur des Universités,service ORL, hôpital Saint-Charles, centre hospitalier universitaire de Montpellier, 34295 Montpellier cedex 05, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : L Crampette. Angine.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0400, 1998, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Serrano E, Percodani J, Pessey JJ. Complications des angines. In : Inflamma-tion et infection en laryngologie.Rev Prat (numéro spécial)1996 : 23-27

[2] Kernbaum S. E´ léments de pathologie infectieuse (6e éd). SIMEP, 1996

[3] Crampette L, Mondain M, Barazer M, Guerrier B, Dejean Y. L’amygdalecto-mie chez l’enfant.Cahiers d’ORL1991 ; 26 : 89-92

[4] Association des professeurs de pathologie infectieuse et tropicale. Le POPI,guide de traitement (5e éd). 1997

[5] Pessey JJ. Les angines. In : Inflammation et infection en laryngologie.RevPrat (numéro spécial)1996 : 20-23

[6] Gehanno P. Les infections en ORL. PIL, 1991

[7] Médecine et pathologie infectieuse. 10econférence de consensus en thérapeu-tique anti-infectieuse. Les infections ORL 1996 ; 26 (suppl)

6-0400 - Angine

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Cancers ORL

Conduite à tenir et traitement

JM Klossek, JP Fontanel

L es cancers ORL doivent être systématiquement recherchés chez les hommes de 50 ans fumeurs et/oualcooliques. Le pronostic dépend de l’extension de la tumeur, d’où l’intérêt d’un diagnostic précoce !

© Elsevier, Paris.

■Introduction

Les cancers oto-rhino-laryngologiques (ORL)touchent le plus souvent l’homme adulte. Leslocalisations les plus fréquentes en France sont lepharyngolarynx, l’oropharynx, les cavitésnasosinusiennes, plus rarement le rhinopharynx.Dans les localisations pharyngolaryngées, l’alcool etle tabac sont les principaux facteurs de risque. Lepronostic reste sombre, car le diagnostic est souventfait à un stade avancé. Très souvent, le patient reculele moment de la consultation, car le cancer ORL restelongtemps indolore. Parmi les cancers ORL, ondistingue les cancers du pharyngolarynx et del’oropharynx, du rhinopharynx, des cavitésnasosinusiennes (fig 1).

■Cancers du pharyngolarynx

et de l’oropharynx

‚ Épidémiologie

Alcool et tabac sont les principaux facteurs derisque. Ils touchent neuf hommes pour une femmeentre 50 et 70 ans. L’hypopharynx est le plussouvent atteint, et en particulier le sinus piriformepuis l’oropharynx. La localisation laryngée est plusétroitement liée à l’intoxication tabagique.L’incidence n’est pas parfaitement connue, maispour le Nord de la France, elle est estimée, pour lescancers ORL, à environ 92,6 pour 100 000 hommeset 4,6 pour 100 000 femmes. Pour l’hypopharynx,localisation la plus fréquente dans cette région,l’estimation est de 12,6 pour 100 000 hommes et0,4 pour 100 000 femmes.

‚ Comment les dépister à la consultation ?

Chez un patient à risque, le cancer du pharynx oudu larynx peut se réveler par une dysphagie, unedysphonie, une adénopathie cervicale, une otalgieréflexe (le tympan est normal) ou une dyspnéelaryngée.

Il est néanmoins souhaitable, même enl’absence de symptômes évocateurs, de réaliser unexamen ORL soigneux chez ces patients à risque(alcool, tabac) pour identifier, le plus tôt possible, cestumeurs, dont le pronostic est étroitement lié à leurtaille et à la présence de métastases ganglionnaires.

Patient à risquealcool, tabac

DysphonieDysphagieDyspnée

Otalgie réflexeTympan normal Adénopathie cervicale sous-digastrique+++

Examen ORL complet

Tumeur visible Absence de tumeur visible

Endoscopie des voies aérodigestives supérieures

1 Conduite à tenir devant un cancer ORL.

✔ La dysphagie est au départ souventun accrochage alimentairediscontinu.✔ La dysphonie est au débutintermittente, s’améliorant après unrepos vocal ou des aérosols. Cesaméliorations transitoires ne doiventpas rassurer et faire retarderl’examen des cordes vocales.✔ L’adénopathie cervicale est souventrévélatrice, le territoire le plusfréquent est sous-digastrique(rétromandibulaire). Si l’évolutionest souvent indolore progressive, despoussées inflammatoires outumorales sont possibles et peuventtromper le médecin consulté.✔ L’otalgie est souvent trompeuse carbrève et intense. L’aspect normal dutympan doit alerter✔ La dyspnée est inspiratoire, souventbruyante, longtemps bien supportéecar très progressive, mais elletémoigne d’une forme déjà évoluée.

Chez un patient à risque (alccol,tabac), toute dyspnonie, dysphagie,adénopathie, otalgie supérieure à 3semaines impose un examen ORLcomplet.

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‚ Examen clinique à la consultation

La tumeur est souvent déjà visible.

L’examen à l’abaisse-langue explore la base delangue, les loges amygdaliennes, la paroi pharyngéepostérieure et le voile du palais.

La palpation avec un gant complète l’examen :toute infiltration ou induration est suspecte, demême que le saignement au contact.

La tumeur peut être bourgeonnante, ulcérée, ouréduite à une simple érosion, d’où la nécessité d’unéclairage précis lors de l’examen.

L’examen cervical est indispensable, car parfoisl’adénopathie révèle le cancer, en particulier si elles iège dans l ’a i re sous-d igastr ique ourétromandibulaire.

Le larynx et l’hypopharynx sont visibles àl’examen au miroir.

Une fois le patient dépisté, le bilan ORL estindispensable.

‚ Quels examens complémentaires ?

Dans tous les cas, une endoscopie des voiesaérodigestives supérieures est réalisée.

Elle permet de préciser l’extension de la tumeur, labiopsie et la recherche d’un deuxième cancer (15 à20 % des cas).

La radiographie pulmonaire recherche égalementune diffusion métastatique ou un deuxième cancer(fréquent chez le patient fumeur).

L’évaluation de l’état dentaire est systématique,en particulier si une radiothérapie est décidée.

‚ Traitement

Actuellement, trois méthodes sont possibles :chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie.

Le choix dépend du site et de l’extensiontumorale, de la présence d’adénopathie, ducaractère bourgeonnant ou ulcéreux de la tumeur.

La chimiothérapie reste proposée en induction ouen association à la radiothérapie.

La radiothérapie est réalisée, soit :

– isolée, pour les tumeurs bourgeonnantes, enparticulier pharyngées ;

– en postopératoire ;

– en association avec la chimiothérapie.

La chirurgie est effectuée lorsque les deux autresmodes de traitement ne sont pas aussi efficaces, parexemple pour les tumeurs pharyngolaryngées avecatteinte cartilagineuse. Des interventions partiellesou totales sont possibles. L’indication dépend del’extension tumorale et ganglionnaire, de la mobilitélaryngée et de l’âge du patient.

Que dire au patient sur les traitements ?

Assez souvent, les patients sont angoissés devantl’annonce du diagnostic et redoutent une chirurgieréputée délabrante et mutilante. L’ablation dularynx avec mutité postopératoire transitoiredemeure l’information la plus pénible pour lepatient. En pratique, schématiquement, deuxsituations de consultation se rencontrent : soitl’ablation du larynx s’avère nécessaire, soit elle peutêtre évitée (autre localisation, chirurgie partielle).

Dans tous les cas, il faut préparer le patient à uneéventuelle chimiothérapie , dont les effetssecondaires, avec les protocoles utilisés, surviennentsoit pendant la cure, soit à distance.

Pendant la cure, les nausées et vomissementssont loin d’être exceptionnels et doivent êtreannoncés au patient, tout en lui indiquant que destraitements souvent efficaces lui seront donnés pourréduire cet inconfort. Peu d’autres problèmes sontrencontrés. La chute des cheveux n’est passystématique ; lorsqu’elle survient, il faut rassurer lepatient, car elle est transitoire. La durée du séjour estsouvent brève, car la plupart des équipes utilisentdes protocoles de chimiothérapie réalisables audomicile du patient.

À distance de la cure, le patient doit être prévenudes risques d’inappétence et d’infection pourlesquels il doit contacter son médecin traitant. Cettesurveillance clinique s’accompagne souvent d’uncontrôle de la numération sanguine pour vérifierl’absence d’aplasie hématologique à distance.

La chimiothérapie terminée, le patient doit êtreinformé qu’il ne s’agit que d’une partie initiale dutraitement. La radiothérapie ou la chirurgie vont êtreensuite entreprises pour éliminer la lésion.

La radiothérapie dure en général entre 4 et 6semaines. Elle peut être utilisée seule ou après lachirurgie. Pour le patient, ce traitement se traduit parplusieurs consultations. Il doit être prévenu qu’aucours des rayonnements ainsi qu’après, plusieursphénomèmes normaux peuvent survenir. Pendantles rayons, la peau et les muqueuses deviennentinflammatoires, douloureuses et justifient des soinslocaux (application de pommade Biafinet sur lapeau, bains de bouche bicarbonatés). L’alimentationdevient difficile, et parfois une corticothérapie estnécessaire. Tous ces phénomènes disparaissent enquelques jours, mais angoissent souvent le patient.Dans certains cas, toutefois, la mucite est violente etimpose l’arrêt des rayons, voire une hospitalisationde quelques jours, pour traiter l’inflammation et leslésions érosives qui empêchent toute alimentation.Après cette phase inflammatoire, la peau devientcartonnée et desquame, justifiant parfois encore dessoins locaux (pommade grasse).

Une fois les rayons terminés, le patient doit êtreprévenu de certains phénomèmes « normaux ».

La salive va s’épaissir et ne plus jouer son rôleprotecteur sur les dents. Une prophylaxie fluorée pargel local ou par comprimé est systématiquementdonnée ; elle doit être poursuivie pendant plusieursannées. En son absence, les dents noircissent, descaries surviennent sur les collets et provoquent desbris dentaires. De même, tout soin dentaire doit êtrefait avec une protection antibiotique et des soinsspécifiques pour prévenir toute ostéoradionécrose.Le patient doit toujours prévenir son dentiste del’irradiation buccale antérieure.

Le patient doit également être prévenu d’unéventuel jabot sous-mentonnier, qui peut survenirdans les semaines suivant la fin de l’irradiation. Iltraduit une simple poussée inflammatoire du tissusous-cutané. Selon l’intensité, une simplesurveillance ou une corticothérapie peuvent êtrediscutées.

Enfin, plus tardivement, une fibrose d’intensitévariable peut survenir, rendant la peau plus oumoins souple ; un trismus ou une dysphagie(pharyngo-œsophagite postradique) peuventégalement survenir. Toutes ces modificationspostradiques doivent être énoncées au patient, et làencore, le rôle du généraliste est indispensable.

Pour la chirurgie, les informations à donner aupatient concernent les séquelles de l’intervention. Sile larynx est conservé, une trachéotomie est parfoisannoncée, mais elle est transitoire, et le patient enest averti. Si l’ablation du larynx a été décidée, lepatient doit être informé des possibilités derééducation vocale, parfois longue et difficile, maisd’autant mieux réussie que le patient est encouragéà y adhérer.

Les troubles de déglutition secondaires à lachirurgie pharyngolaryngée diffèrent selon l’étenduede l’exèrèse, et il est difficile, en dehors du spécialiste,de présager de leur intensité. Il est de ce faitprimordial pour le généraliste d’être avertiprécisément par l’ORL des séquelles sur la déglutionqu’entraîne l’acte opératoire choisi, afin de préparer,si nécessaire, le patient à cette période moralementdifficile pour lui.

‚ Pronostic des lésionspharyngolaryngées traitées

Il est étroitement lié à l’extension de la tumeur, enparticulier s’il existe une atteinte cartilagineuse ouosseuse, à la présence et à la taille des adénopathieset, bien sûr, à l’éxistence de métastases au momentdu diagnostic. Tous modes de traitement confondus,le pronostic varie de 15 % d’échecs locaux en cas detumeur T1, à plus de 50 % d’échecs en cas detumeur T4. En outre, la taille du ganglion joueégalement un rôle important, puisque le contrôle del’adénopathie varie approximativement de 80 % encas de ganglion inférieur à 3 cm, à 20 % en cas deganglion supérieur à 6 cm. Ces résultats doiventtoutefois être nuancés en fonction de la localisation,puisque l’atteinte de l’étage glottique isolé a un tauxde succès proche de 75 % à 5 ans, alors que pourl’hypopharynx, il est d’environ 20 % à 5 ans. Ces

Devant une adénopathie cervicalesous-digastrique, il ne faut pas :✔ pratiquer une biopsie sans examenORL préalable ;✔ donner un traitement corticoïded’épreuve.

Le rôle du généraliste est primordialdans cette information, car le maladereçoit souvent des informationserronées sur cette chimiothérapie. Lemédecin doit s’efforcer depersonnaliser chaque traitement.

6-0470 - Cancers ORL. Conduite à tenir et traitement

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résultats soulignent l’intérêt d’un dépistagesystématique chez les patients à risque par legénéraliste.

■Cancer du rhinopharynx

‚ Épidémiologie

Il se rencontre plus fréquemment chez les patientsoriginaires du Maghreb ou du Sud-Est asiatique (20pour 100 000) et dans le pourtour méditerranéen (7pour 100 000), mais l’incidence chez les patientsoriginaires de France semble très faible (0,2 pour100 000). L’homme est plus fréquemment atteint,avec un pic vers 10-25 ans, et un second pic, vers 50ans, dans les populations à risque. Sur le planhistologique, on distingue les carcinomesépidermoïdes ou les carcinomes indifférenciés(UCNT : undifferencied carcinoma nasopharynxtumor) et les lymphomes. Les relations des formesindifférenciées avec le virus d’Epstein-Barr (EBV) sontétroites, traduites par une augmentation du taux desanticorps anti-EBV. La fréquence des métastasesosseuses ou pulmonaires est une autre particularitéde ces tumeurs.

‚ Comment le dépister à la consultation ?

Il peut se révéler par une obstruction nasaleunie ou bilatérale, une ou plusieurs adénopathiescervicales, des épistaxis minimes, le plus souventà répétition, une otite séreuse unie ou bilatérale.Les douleurs et les déficits neurologiques (V) sonttardifs.

‚ L’examen clinique à la consultation

L’examen de la cavité buccale à l’abaisse-languene laisse voir que les grosses tumeurs. Le patient, enprononçant la voyelle « a », soulève le voile et laisseentrevoir la partie basse du cavum.

L’idéal est l’examen du rhinopharynx à l’optiquesouple ou rigide.

La radiographie standard est peu intéressante, carelle ne révèle que des tumeurs déjà évoluées. Latomodensitométrie est l’examen de référence pourpréciser l’extension.

L’otoscopie à la recherche d’une otite séreuse et lapalpation cervicale à la recherche d’adénopathiescomplètent l’examen.

‚ Traitement

La radiothérapie et la chimiothérapie sont lescomposantes principales des protocolesthérapeutiques. La radiothérapie est systémati-quement effectuée, la chimiothérapie est en voied’évaluation. Les facteurs pronostiques sontl’extension de la tumeur, en particulier à la base ducrâne, la réponse initiale au traitement, la présencede métastase ganglionnaire, osseuse ou pulmonaireau moment du diagnostic, et la forme histologique.La surveillance des patients se fait sur le plan local(cavum, aire ganglionnaire cervicale), clinique etradiologique, ainsi que sur le plan radiologique pour

la recherche de métastases (pulmonaire, osseuse).Pour les UNCT, la sérologie anti-EBV est demandéepériodiquement.

Les résultats, toutes formes histologiquesconfondues, varient de 30 à 50 % à 5 ans.

■Cancers des cavités

nasosinusiennes

Ils sont beaucoup plus rares que les cancers dupharyngolarynx.

‚ Comment les dépister à la consultation ?

Les personnes travaillant le bois et le cuir sontplus fréquemment atteintes (adénocarcinomeethmoïdal).

La symptomatologie est fruste, mais touteobstruction nasale unilatérale progressive chez unadulte peut être une tumeur nasosinusienne, surtoutsi des épistaxis, même minimes, l’accompagnent. Lesdouleurs et les déficits neurologiques sont tardifs.L’exophtalmie témoigne d’un envahissement massif.

La tumeur n’est pas toujours facile à voir. Ellesiège dans la cavité sinusienne et ne devient visibleque lorsqu’elle atteint la cavité nasale (méat moyen)ou buccale (vestibule jugal). Cette expression cliniquefrustre renforce l’intérêt d’un avis spécialisé ou d’uneexploration tomodensitométrique en cas de doute,car le pronost ic dépend étroitement del’envahissement tumoral.

Le traitement comprend une chirurgie associée àune radiothérapie dans les formes accessibles ; dansles formes inopérables, la radiothérapie associée à lachimiothérapie est proposée.

■Rôle du généraliste

dans la surveillance des patients

traités pour un cancer ORL

‚ En cas de chimiothérapie

Entre les cures de chimiothérapie, toute infectionou hémorragie peut révéler une aplasie et justifiedonc un contrôle de la numération sanguine.

‚ En cours de radiothérapie

Les premières séances s’accompagnent d’unérythème cutané et muqueux important. Ladysphagie qui en résulte peut être parfois trèsinvalidante, au point d’empêcher toute alimentation.Les soins cutanés sont indispensables : massage dela peau avec une pommade (Biafinet) et applicationd’antiseptique à l’eau en cas de suintement. Lerasage doit être prudent.

Les mycoses muqueuses doivent être recherchéessystématiquement. Si l’aphagie persiste, un avisspécialisé est nécessaire.

‚ À distance de la radiothérapie

Un œdème cervical antérieur (coup de pigeon)peut survenir quelques semaines ou mois aprèsl’arrêt du traitement. Son évolution est souventfluctuante et ne nécessite, le plus souvent, aucuntraitement. Un œdème pharyngolaryngé est

possible quelques semaines après l’irradiation : ilnécessite parfois une corticothérapie par voieinjectable (Solu-Médrolt : 1 à 2 mg/kg) pendant 3 à 5jours ou par aérosols.

Après cette phase œdémateuse, une fibrose peutatteindre la région cervicale. Elle rend souvent lapalpat ion diffic i le et just ifie parfois unekinésithérapie, en particulier si elle s’accompagned’une atrophie musculaire.

L’asialie est constante lorsque l’irradiation a portésur la cavité buccale. Son traitement est difficile, et lepatient en est souvent réduit à boire, trèspériodiquement, de petites quantités d’eau.

‚ Après la chirurgie

Il faut évaluer les modifications postopératoiresdes fonctions respiratoires, phonatoires et dedéglutition. Elles sont minimes ou nulles après deschirurgies limitées : cordectomie, pharyngectomiepartielle. À l’inverse, elles peuvent être majeuresaprès des chirurgies lourdes (pharyngolaryngec-tomie totale avec reconstruction, buccopha-ryngectomie transmandibulaire).

Quelle que soit la technique utilisée, l’apparitionde certains signes doit être systématiquementrecherchée par le généraliste lors des consultationsde surveillance.

■Conclusion

Le rôle du généraliste est primordial dans ledépistage et le suivi des malades porteurs d’uncancer ORL. Ce rôle essentiel doit permettre deréduire le nombre des tumeurs déjà très évoluéeslors de leur prise en charge. Les campagnes desensibilisation auprès du public sur les dangers d’unabus d’alcool et de tabac, relayées par le généraliste,sont sûrement l’autre moyen efficace de réduire leursurvenue. Ces progrès dans la prévention sontvraisemblablement plus importants que tous lesprogrès techniques dont le rôle est de réduire lesconséquences sur la vie relationnelle des traitementsdes cancers ORL.

Chacune de ces situations doitdéclencher la demande d’un avisspécialisé

✔ Apparition d’une adénopathiecervicale.✔ Apparition d’une dyspnée, d’unedysphonie ou d’une dysphagie.✔ Perte de la voix œsophagienneaprès rééducation vocale chez unpatient laryngectomisé.✔ Apparition d’une otalgie.✔ Saignement, même minime, par labouche.✔ Réapparition d’un bourgeon oud’une ulcération muqueuse oucutanée.

Cancers ORL. Conduite à tenir et traitement - 6-0470

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Page 13: Le manuel du généraliste   orl

Jean-Michel Klossek : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Jean-Pierre Fontanel : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Service d’oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervicofaciale, hôpital Jean Bernard, 355, avenue Jacques Cœur, BP 577, 86021 Poitiers cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JM Klossek et JP Fontanel. Cancers ORL. Conduite à tenir et traitement. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris),Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0470, 1998, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Beauvillain DE, Montreuil C, Peuvrel P, Rolland F, Vignoud J. Chimiothéra-pie dans le traitement des cancers des voies aérodigestives supérieures (lymphomemalin exclu).Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-901-F-10, 1997 : 1-8

[2] Beutter P, Pinlong E. Cancer de la région amygdalienne.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-595-A-10, 1997 : 1-8

[3] Brunet A, Perrin C, Perrin P. Tumeurs malignes des fosses nasales.EncyclMed Chir(Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-405-A-10, 1997 : 1-8

[4] Cachin Y, Vandenbrouck C. Cancer de l’hypopharynx : cancer du sinus piri-forme.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris),Oto-rhino-laryngologie, 20-605-A-10,1997 : 1-8

[5] Lefebvre JL, Pignat JC, Chevalier D. Cancer du larynx.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-710-A-10, 1997 : 1-8

6-0470 - Cancers ORL. Conduite à tenir et traitement

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Page 14: Le manuel du généraliste   orl

Conduite à tenir devant un cancer

de la thyroïde

GLeClech, BGodey

L es nodules thyroïdiens sont fréquents. Les cancers sont rares. Le problème est d’essayer de réduire le nombred’interventions chirurgicales pour nodule bénin sans omettre un cancer.

© Elsevier, Paris.

■Introduction

Les cancers thyroïdiens sont rares, très latentscliniquement, et la difficulté de leur diagnostic tient àl’extrême fréquence des nodules thyroïdiens,puisqu’on sait que 50% des thyroïdes autopsiéescomportent des nodules et que 40% des sujets deplus de 40 ans sont porteurs de noduleséchographiques infracliniques. Toute la gageure seradonc d’essayer de réduire le nombre d’interventionschirurgicales pour nodules bénins sans passer à côtéd’un cancer.

■Épidémiologie [4]

Les cancers thyroïdiens sont rares, leur fréquenceétant estimée entre 0,1 et 3,7 pour 100 000hommes par an et entre 0,4 et 9,6 pour 100000femmes par an.La carence iodée favorise les cancers thyroïdiens

et augmente la proportion des cancers de typevésiculaire.Les cancers thyroïdiens sont plus fréquents chez

l’enfant, l’adolescent et chez l’homme porteur denodules, avec un deuxième pic de fréquence après60 ans.L’ irradiation externe thérapeutique ou

accidentelle joue un rôle favorisant, avec un effetdose linéaire jusqu’à un certain point, enaugmentant le nombre des nodules et enmultipliantpar quatre les cancers en cas d’irradiationaccidentelle.Finalement, on considère que 7 à 8 % des

nodules froids sont néoplasiques alors que leschiffres sont de 5 à 6 % pour les goitresmult inodulaires et de 3 à 4 % pour leshyperthyroïdies.

■Aspects cliniques

La plupart des cancers thyroïdiens se présententsous l’aspect de nodules isolés, mais il faudracependant rechercher des signes de suspicion etbien les différencier d’autres signes peu évocateurs.

La plupart des cancers thyroïdiens sont eneuthyroïdie, mais l’hypo- et l’hyperthyroïdien’excluent pas le cancer. Les signes de compressionne traduisent qu’un effet de masse, sans caractèrepéjoratif, sauf parfois pour la paralysie recurrentielle.

‚ Signes à rechercher en faveurd’un cancer de la thyroïde

‚ À l’interrogatoire

Il faut insister à nouveau sur le risque particulierchez l’enfant, l’adolescent, l’homme, et après 60 anschez les deux sexes. Il faudra de plus rechercher uneirradiation cervicale dans l’enfance, rareactuellement, voire une irradiation accidentelle. Ilfaudra également chercher des antécédentsfamiliaux de cancer médullaire de la thyroïde.

‚ À l’examen clinique [5]

¶ La dureté du nodule est un signe capital, souventcorrélé avec le cancer.

¶ Les autres signes inquiétants sont :– la modification récente du nodule avec

augmentation de volume et douleurs ;– l’adhérence aux structures de voisinage ;– un nodule antérieur médian fixé à la trachée ;– un nodule saillant sur le parenchyme

thyroïdien ;– une adénopathie cervicale homolatérale,

sus-claviculaire ou cervicale basse, dure, mobile, d’aumoins 2 cm et surtout ronde ;– éventuellement une paralysie récurrentielle.Malheureusement, dans la grande majorité des

cas, le cancer se présente sous la forme de nodule,unique oumultiple, sans aucun signe suspect.

■Quels examens complémentaires

sont possibles

et qu’en attendre ?

Les dosages hormonaux se résument à la TSH(thyroid stimulating hormone), qui est le plus souventnormale, signant l’euthyroïdie. La thyroglobuline n’apas de valeur si la thyroïde est en place. Lathyrocalcitonine n’est élevée qu’en cas de cancermédullaire, et donc de rentabilité très faible endosage systématique.La scintigraphie au technétium ou à l’iode

montre le caractère chaud ou froid du ou desnodule(s), mais n’apporte pas d’argument enfaveur du cancer, avec cependant plus de cancers

pour les nodules froids (8%) que pour les noduleschauds (3 à 4%). Elle ne dépiste les nodules qu’àpartir du centimètre. La scintigraphie au thalliumserait plus intéressante, surtout si elle montre unnodule chaud au thallium et froid au technétiumou à l’iode. Cet examen est cependant très peuutilisé en pratique.L’échographie est plus performante que la

scintigraphie, montrant des nodules à partir de 3 à4mm.L’aspect serait plus suspect en cas de nodule plein,

hypoéchogène, surtout si le nodule est associé à desadénopathies suspectes supérieures à 1,5 cm,rondes, homolatérales, cervicales basses.Il faut insister sur la fréquente découverte de

nodules thyroïdiens infracliniques à l’échographie, etne tenir compte, en pratique, que des nodulescliniques, c’est-à-direpalpables.La ponction cytologique représente un apport

plus récent et plus intéressant.Elle présente de nombreux avantages théoriques,

car elle est facile à réaliser, non invasive, peut êtrerépétée, est relativement peu onéreuse et peut êtreguidée par l’échographie.Elle peut apporter le diagnostic en cas de cancer

papillaire, médullaire, anaplasique ou de lymphome.Cependant, elle nécessite une grande habitude de

lecture, et il existe un certain nombre de fauxnégatifs, de l’ordre de 2 à 5%, ce qui n’est pasnégligeable sur 7 à 8% de cancers sur nodule. Ilexiste par ailleurs un certain nombre de résultatsindéterminés, proche de 20%.Le diagnostic est difficile en cas de nodules

profonds, multiples, ou dans les formes vésiculaireset parfois papillaires des cancers (tableau I).Le suivi est encore mal codifié en ce qui concerne

d’une part la durée, d’autre part le nombre et lerythme des ponctions [1].En conclusion du bilan clinique et paraclinique, la

décision thérapeutique est prise sur un faisceaud’arguments parmi lesquels la ponction a une placeplus ou moins importante. Il ne faut certainementpas opérer les nodules infracliniques, les nodulespurement kystiques ne se reproduisant pas aprèsponction et les nodules isolés survenant chez despersonnes âgées de plus de 70 ans. Il faut enrevanche certainement opérer les nodulesvolumineux au-delà de 2,5 cm, les nodulescomportant des signes de suspicion clinique ou à laponction, et tenir compte de l’état psychologique dupatient supportant ou non la surveillance et lesexamens répétés. Les autres cas doivent être

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EncyclopédiePratiquedeMédecine

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©Elsevier,Paris

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analysés de la façon la plus objective possible ; leproblème est d’essayer de réduire le nombre desinterventions chirurgicales pour nodules bénins, sansomettre un cancer (tableau II).

■TraitementPour aider la décision thérapeutique, un certain

nombre de scores ou d’index ont été proposés,tenant compte de facteurs de gravité que sont l’âgeau-delà de 45 ans, la taille de la tumeur, le typehistologique, les métastases, et éventuellement lesexe et l’atteinte ganglionnaire. Ces élémentsguident la décision en faveur d’un traitementcomplémentaire par iode radioactif ou irradiationexterne à la chirurgie.Le traitement est actuellement bien codifié pour

les formes différenciées papillaires ou vésiculaires,

qui représentent plus de 80% des cas. Le traitementdes autres types de cancer représente autant de casparticuliers (tableau III).

‚ Traitement des formes différenciéespapillaires ou vésiculaires

L’essentiel du traitement est chirurgical.Bien souvent, le diagnostic de cancer n’est porté

que lors de l’examen histologique extemporané.Celui-ci est positif dans 80% des cas, permettant letraitement chirurgical dans le même temps. Il existecependant 20% de résultats négatifs ou douteuxnécessitant d’attendre le résultat définitif pourcompléter le traitement.La thyroïdectomie totale ou subtotale est

actuellement l’intervention de base, du fait de laplurifocalité fréquente de ces cancers (30% des cas),car elle donne, à long terme, moins de récidiveslocorégionales et à distance. Un curageganglionnaire est habituellement associé à lathyroïdectomie, même en l’absence d’adénopathiepalpable (N0), car on retrouve 40 % d’envahis-sement ganglionnaire, souvent infraclinique. Il estunilatéral en cas de lésion localisée sur un lobe etbilatéral en cas de lésion bilatérale ou isthmique.L’iode radioactif est à la fois un moyen de

surveillance et de traitement dans les formes fixantl’iode.Ce traitement vient compléter la chirurgie s’il

existe des résidus thyroïdiens après l’intervention, cequi est paradoxalement très fréquent, ou si lemalade présente des facteurs de gravité précisés par

différents index (âge > 45 ans, tumeursvolumineuses, métastases, caractères histologiquesparticuliers) (tableau IV).Sur le plan pratique, après l’intervention, le

malade est laissé sans traitement substitutif pendant3 à 4 semaines, de manière à entraîner uneélévation importante de la TSH. Une scintigraphie ducorps entier est réalisée pour repérer les reliquatsthyroïdiens et les éventuelles métastases. Dans cescas-là, une dose thérapeutique d’iode radioactif(habituellement 100 millicuries) est donnée pourobtenir une carte blanche cervicale. La surveillanceultérieure comprend une scintigraphie et un dosagede la thyroglobuline, qui doit être effondrée. Lasurveillance ultérieure est annuelle à 2 ans, 3 ans et5 ans, puis tous les 5 ans [3].Après cette phase, le malade reçoit un traitement

substitutif par L-T4 (Lévothyroxt : 100 à 150 µg/j ouL-Thyroxinet : 20 à 30 gouttes/j).

Comment surveiller le patient ?

L’évolution spontanée est lente pour les formesdifférentiées, ce qui explique que la survie estanalysée, non pas sur 5 ans comme pour la plupartdes cancers, mais sur 20 ans. C’est dire l’importanced’une prise en charge rigoureuse pour éviter leséchecs à long terme sous forme de métastases,toujours très difficiles à traiter.Cette évolution peut être locale, à partir de résidus

thyroïdiens ganglionnaires, cervicale oumétastatique, pulmonaire ou osseuse essentiel-lement. Les métastases pulmonaires sont miliaires etplus péjoratives en cas de macronodules. Lesmétastases osseuses sont habituellementostéolytiques, et le plus souventmultiples, c’est-à-direde trèsmauvais pronostic (tableau IV).Les récidives locorégionales sont dépistées par la

scintigraphie, l’élévation de la thyroglobuline etl’échographie.

‚ Traitement des cas particuliersLes cancers médullaires dérivés des cellules C ne

fixent pas l’iode et sont donc pratiquementexclusivement traités par la chirurgie.On réalise une thyroïdectomie totale et un curage

bilatéral fonctionnel du fait de la fréquence et de labilatéralité de l’atteinte ganglionnaire.Le traitement des métastases n’est possible que

par la chirurgie devant une métastase unique, laradiothérapie externe n’apportant que des résultatsmédiocres.

Tableau I. – Avantages et inconvénientsde la ponction cytologique.

AvantagesFacile à réaliserPeut être renouveléePeut être guidée par l’échographiePeu onéreuseDiagnostic dans les cancers papillaires, médullai-res, lymphomes, anaplasiques

InconvénientsOpérateur dépendanteFaux négatifs (2 à 5 %)Indéterminés (15 à 20 %)Diagnostic diffıcile pour les nodules multiples etles cancers vésiculaires

Tableau II. – Réduction du nombre d’interven-tions chirurgicales.

Nodules à opérerSignes de suspicion cliniques ou à la ponctionTaille supérieure à 2,5 cmSurveillance aléatoire ou mal acceptée

Nodules à ne pas opérerInfracliniques (échographiques)Kystiques ne se reproduisant pas après ponctionÂge au-delà de 70 ans

Tableau IV. – Aspects anatomocliniques.

Histologie Terrain Particularités Évolution

Épithéliomas papillaires(60 à 70 %)

À tout âge Plurifocalité Très lenteSurtout femme jeune, enfant et adolescent Métastases plutôt ganglionnaires que pul-

monaires ou osseusesSurvie excellente après traitement

Fixant l’iode ++> 95 % à 20 ans, sauf si métastases viscé-rales

Épithéliomas vésiculaires(= folliculaires)(20 à 30 %)

À tout âge Métastases pulmonaires et osseuses plutôtque ganglionnaires

LenteSurtout femme de 40 ans et plus

Fixant l’iodeSurvie très bonne après traitement> 90 % à 20 ans, sauf si métastases viscé-rales

Cancers médullaires(5 à 10 %)

À tout âge Marqueurs tumoraux Bonne si traitement précoceFormes sporadiques et familiales Plurifocalité Dépistage +++Néoplasies endocriniennes multiples (NEMII A et II B)

Métastases ganglionnaires et à distanceNe fixant pas l’iode

Cancers anaplasiques ouindifférenciés (rares)

Femmes âgées Envahissement local et régional précoce Très mauvais pronosticGoitre ancien Métastases précoces Évolution fatale en quelques mois

Tableau III. – Classification histopathologiquedes tumeurs malignes de la thyroïde (Organi-sation mondiale de la santé, 1988).

Tumeurs malignes épithélialesCarcinome vésiculaireCarcinome papillaireCarcinome médullaire ou carcinome à cellules CCarcinome indifférencié ou carcinome anaplasiqueAutres carcinomes

Tumeurs malignes non épithélialesSarcomesLymphomesAutres types

Tumeurs secondaires

6-0480 - Conduite à tenir devant un cancer de la thyroïde

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Page 16: Le manuel du généraliste   orl

Il faut insister sur l’importance d’un traitementprécoce au stade local ou locorégional, et donc sur ledépistage des formes familiales. Le traitementprécoce de ces formes familiales a transformé lepronostic, apportant des survies comparables àcelles des cancers vésiculopapillaires.Les formes indifférenciées sont d’évolution très

rapide, quel que soit le traitement. Parfois, le gestechirurgical est limité à une lobectomie, voire à unebiopsie, du fait de l’extension locale. La radiothérapieexterne est proposée à titre palliatif, et lachimiothérapie est très peu efficace.Les lymphomes malins sont parfois localisés à la

thyroïde et traités par l’association chirurgie-

radiothérapie externe. Dans les formes diffuses, letraitement repose sur la polychimiothérapie.Lesmicrocancers thyroïdiens, cancers limités au

maximum à 1 cm, posent un problème particulier,car ils sont d’évolution très lente, souvent papillaires,et rarement retrouvés à l’examen histologiqueextemporané.Leur découverte secondaire fait proposer soit

un traitement classique du cancer parthyroïdectomie totale et curage dans les formesagressives et plurifocales, soit un geste limité à lalobectomie dans les formes uniques peuagressives avec surveillance fondée uniquementsur l’échographie.

■Conclusion

La plupart des cancers thyroïdiens sontreprésentés par des formes différenciées dont lepronostic est excellent à très long terme. Ces cancersnécessitent cependant une prise en chargerigoureuse devant permettre, par une chirurgie largeet une surveillance biologique et scintigraphiqueprolongée, une survie proche de celle de lapopulation générale.

Guy Le Clech : Praticien hospitalo-universitaire.Benoît Godey : Chef de clinique-assistant.

Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie maxillofaciale, hôpital de Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex 9, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : G Le Clech et B Godey. Conduite à tenir devant un cancer de la thyroïde.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0480, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

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Conduite à tenir devant un cancer de la thyroïde - 6-0480

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Page 17: Le manuel du généraliste   orl

Conduite à tenir devant une

otorrhée chronique

JM Klossek, JP Fontanel

L ’écoulement chronique de l’oreille est un motif fréquent de consultation chez le généraliste. Il peut être letémoignage d’une pathologie du conduit auditif externe, de l’oreille moyenne ou d’une fracture du rocher. La

recherche d’une perforation tympanique est essentielle.© Elsevier, Paris.

■Interrogatoire

Les données à recueuillir sont le type del’écoulement (spontané, posttraumatique, succédantà l’introduction de liquide), la durée de l’écoulement,la nature de l’écoulement (séreux, muqueux,aqueux, purulent), le caractère, uni- ou bilatéral, laprésence de signes associés (surdité, vertiges,acouphènes, paralysie faciale), et la présence, ou desantécédants, de perforation tympanique etd’aérateur transtympanique (fig 1).

■Examen clinique

Outre l’examen ORL complet, systématiquementassocié, l’examen otologique comprend plusieursétapes.

‚ Examen de l’oreille

Conduit

Parfois un suintement est présent, avec unedesquamation cutanée du conduit. L’état de la peauest précisé : excoriation, œdème, suintement,sécrétions, croûtes.

Examen du tympan

Il n’est pas toujours aisé, car parfois l’otorrhée estprofuse, et un nettoyage du conduit est nécessaire. Àl’aide d’un porte-coton, le nettoyage est prudent etminutieux jusqu’à proximité de la membranetympanique. La présence d’un bourgeoninflammatoire, de squasmes ou de débrisépidermiques, en particulier dans le quadranttympanique postérosupérieur, doit alerter legénéraliste sur la présence éventuelle d’une otitechronique cholestéatomateuse.

Si une perforation est visible, sa topographie etses rapports avec le conduit sont importants àpréciser. Il est classique de distinguer les perforationsmarginales (au contact du conduit), pouvant évoluervers une otite chronique cholestéatomateuse, et lesperforations non marginales (à distance du conduit),en générale séquellaire non actives. Néanmoins, lesbords de la perforation doivent être éxaminés avecsoin pour vérifier l’absence de dépôts épidermiquestémoignant de « l’activité » de la perforation.

Lorsque la taille de la perforation le permet,l’examen de la muqueuse de la caisse du tympanrenseigne parfois sur la nature de la pathologie, enparticulier si des débris épidermiques sont visibles.

Parfois l’inflammation et l’otorrhée profuse nepermettent pas un examen fiable. Il faut revoir lepatient après un traitement antibiotique local, etéventuellement général.

■À l’issue de l’examen

Plusieurs situations sont rencontrées.

‚ Otorrhée unilatérale

Tympan intact

L’otorrhée est due à une pathologie du conduit oudu revêtement cutané de la membrane tympanique.

¶ Otite externeEn général, elle ne se développe pas sur une peau

saine ; le climat chaud et humide favorise sasurvenue. La macération cutanée est fréquemmentassociée après des bains en piscine ou en eau demer.

L’otoscopie est souvent douloureuse, enparticulier lors de toute mobilisation du pavillon.

Un traitement local est le plus souvent suffisant,par l’instillation de gouttes auriculaires ou mieux, enhumidifiant une mèche laissée en place pendantquelques jours. Les gouttes contiennent unantibiotique (en évitant la néomycine et laframycétine, à l’origine de possibles réactionsallergiques), souvent un corticoïde et un antalgique.Polydexat, Otofat, Antibio-Synalart, Panotilet etOtipaxt sont les principales gouttes prescrites danscette indication.

Le principal objectif est d’éviter les récidives eninterdisant tout nettoyage local instrumental.Certains proposent des mesures préventives :instillation de solution huileuse (huile d’amandedouce, Cérulyset) avant la baignade, puis rinçage àl’eau douce et instillation de solution d’acideacétique à 2 ou 5 %.

Otorrhée chronique

Uni- ou bilatérale

Isolée ou associée

Pathologie du conduit

« suintement »

Traumatisme Aérateurs Perforation

Tympanique

Eczéma

Otomycose

Myringite

+/- continue

Aqueux

Introduction liquide

Otite ?

Marginale : cholestéatome ?

Non marginale

1 Conduite à tenir devant une otorrhée chronique.

Toute paralysie faciale, tout vertige,toute surdité brutale associés à uneotorrhée justifient un examenspécialisé en urgence.

Il faut distinguer les pathologies duconduit (sans perforation) et lespathologies de l’oreille moyenne (avecperforation).

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Page 18: Le manuel du généraliste   orl

¶ EczémaLe prurit est associé à une lichenification du

revêtement cutané. Il doit être différencié del’eczéma de contact. Le traitement est difficile, car legrattage entretient les lésions. Il comprend desdermocorticoïdes (Locapredt), et parfois despommades au goudron (Carbo-Domet).

¶ Corps étrangerBien que cela reste exceptionnel, il faut

systématiquement l’évoquer. Le corps étranger estretiré avec minutie pour éviter toute blessurecutanée. Il est indispensable d’utiliser un matérielapproprié en évitant les pinces qui font « fuir » lecorps étranger vers le fond du conduit auditifexterne. Des soins locaux sont parfois nécessairesaprès avoir nettoyé le conduit. Ils se limitent le plussouvent à l’application d’un antiseptique (éosine,fluorescéine) en solution aqueuse. Si une otiteexterne est associée, le traitement décritprécédemment est à mettre en œuvre.

¶ Otomycose chroniqueUn prurit est souvent associé. L’aspect de coton

lâche ou de papier buvard remplissant le conduit estévocateur. Le prélèvement n’est pas utile dans lesformes évidentes, en revanche, il est souhaitabledevant des otorrhées inhabituelles, récidivantes,sans lésions spécifiques de l’oreille moyenne.

Le traitement est local, souvent pendant plusieurssemaines (Mycostert, Pevarylt...).

¶ Myringites chroniquesElles traduisent l’inflammation chronique de la

membrane tympanique. Il s’agit plus d’unsuintement que d’une otorrhée. Des granulationssont visibles sur la membrane tympanique. Letraitement est local, conduit par l’ORL.

Existence d’une perforation tympanique

¶ Non marginaleLe fond de caisse est légèrement inflammatoire, il

n’y a pas de déficit auditif, et l’introduction de liquide

est à l’origine de l’écoulement. Le diagnostic deperforation isolée est le plus probable.

Un traitement local est souvent suffisant pourassécher l’oreille : Otofat, Oflocett en gouttesauriculaires (l’Auricularumt est réservé à l’usage duspécialiste). Le traitement antibiotique par voiegénérale n’est pas toujours utile, en particulier sil’otorrhée est récente. Néanmoins, lorsque l’otorrhéeest purulente, une antibiothérapie est souhaitable,dirigée contre le pneumocoque, Haemophilusinflenzae et le streptocoque. Le patient doit prendredes précautions pour empêcher toute nouvelleintroduction d’eau dans l’oreille.

En quelques jours, l’oreille est sèche, la perforationpersiste le plus souvent. Il est possible de proposerau patient un avis spécialisé pour la fermeturechirurgicale de la membrane tympanique. Lapersistance de la perforation fait courir un risque derécidive de l’écoulement.

¶ Marginale postérosupérieureDes débris épidermiques sont visibles. Une otite

chronique cholestéatomateuse doit êtresystématiquement évoquée. Un avis spécialisé estrequis, car aucun traitement médical ne peut guérircette pathologie, pour laquelle un traitementchirurgical est nécessaire. En l’absence de traitementadapté, le cholestéatome envahit lentement lescavités de l’oreille moyenne et peut se révéler parune complication.

‚ Otorrhée bilatéraleLe plus souvent, il s’agit d’un dysfonctionnement

tubaire dont témoigne la position antéro-inférieuredes perforations, le plus souvent à bords réguliers,épaissis. L’otorrhée est muqueuse et épaisse. Il n’y apas de syndrome infectieux.

Une antibiothérapie locale (Oflocett) ou généraleassèche souvent temporairement l’oreille. La priseen charge au long cours de ces otites muqueuses àtympan ouvert est généralement lassante pour lepatient et souvent délicate. Des mesures préventivespeuvent toutefois être proposées : cures thermales,hygiène nasale.

‚ Quelques cas particuliers

Otorrhée sur aérateur

C’est une des situations les plus fréquemmentrencontrées chez l’enfant. Elle est le plus souvent dueà l’introduction d’eau dans l’oreille, mais elle peutégalement témoigner d’une réactivation de l’otiteséromuqueuse pour laquelle l’aérateur a été mis enplace, ou plus exceptionellement d’une réactioninflammatoire autour de l’aérateur.

Dans tous les cas, que l’otorrhée soit unilatéraleou bilatérale, un traitement local sous la forme degouttes auriculaires est suffisant pour résoudre leproblème.

En cas d’échec, si l’aspect du tympan apparaîtdouteux ou si un bourgeonnement est présentautour de l’aérateur, un avis spécialisé est utile. Ilpermet le nettoyage de l’oreille sous microscope, etéventuellement un prélèvement. L’ablation del’aérateur est parfois nécessaire pour mettre unterme à l’otorrhée.

Otorrhée posttraumatique

Elle traduit une communication entre l’oreilleinterne, ou l’espace sous-arachnoïdien, et l’oreillemoyenne. Si elle est facile à envisager au cours dutraumatisme, il faut savoir y penser à distance,même plusieurs mois après le traumatisme. Soncaractère aqueux, continu, parfois peu abondant,doit alerter le médecin et faire demander un avisspécialisé.

Jean-Michel Klossek : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Jean-Pierre Fontanel : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Service d’oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervicofaciale, hôpital Jean-Bernard, 355, avenue Jacques Cœur, BP 577, 86021 Poitiers cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JM Klossek et JP Fontanel. Conduite à tenir devant une otorrhée chronique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris),Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0415, 1998

R é f é r e n c e s

[1] Legent et al. Le conduit auditif externe : méat acoustique externe. Rapport dela société d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervicofaciale. Paris : Arnette,1995

[2] Martin CH, Magan J, Bebear JP. La trompe auditive. Rapport de la sociétéd’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervicofaciale. Paris : Arnette, 1996

Toute perforation touchant le cadreosseux du conduit ou multiple justifieun avis spécialisé.

6-0415 - Conduite à tenir devant une otorrhée chronique

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Dyspnée laryngée de l’adulte

D Chevalier

L a dyspnée laryngée de l’adulte est une dyspnée obstructive du larynx, responsable d’une bradypnéeinspiratoire avec tirage et cornage. Les cancers laryngés sont la cause la plus fréquente, mais elle peut être

secondaire à une atteinte infectieuse, à un traumatisme interne ou externe, ou à un problème allergique, classiquemais en fait rare œdème de Quincke.© Elsevier, Paris.

■Introduction

La dyspnée laryngée de l’adulte est une dyspnéeobstructive, conséquence d’un obstacle au niveau dularynx. Elle est moins fréquente que chez l’enfant, enraison du calibre des voies aériennes, plus étroit quechez l’adulte. Elle peut prendre un aspect chronique,s’installant progressivement, et doit conduire à undiagnostic étiologique sans délai avant que le risquevital ne soit mis en jeu. Elle peut s’installer de façonaiguë et constitue alors une urgence thérapeutique.

Les éléments du diagnostic positif sont avant toutcliniques. Les examens paracliniques, lorsqu’ils sontnécessaires au diagnostic étiologique, ne doiventpas retarder le traitement en urgence.

■Reconnaître la dyspnée laryngée

‚ Définition

Dans sa forme typique, il s’agit d’une bradypnéeinspiratoire qui témoigne du ralentissement durythme respiratoire, essentiellement aux dépens del’inspiration (fig 1). La mise en jeu des musclesrespiratoires accessoires provoque le tirage qui est ladépression des parties molles sus-claviculaires etintercostales. Le cornage est un bruit laryngéinspiratoire, témoin du rétrécissement de la filièrerespiratoire.

À côté de ces signes cliniques classiques, peuvents’associer une toux habituellement sèche, unedysphonie, une voix étouffée, une dysphagie.

‚ Formes cliniques

Dyspnée laryngée paroxystique

Elle est la conséquence d’une brutale obstructiondes voies aériennes. Elle apparaît isolément, ou peutaggraver une dyspnée laryngée chronique jusque làbien supportée. Le patient est assis, tous les reliefsmusculaires de son cou sont bien visibles et tendus, ilest angoissé, cyanosé et couvert de sueurs.

Dyspnée laryngée chronique

Les signes cliniques sont mineurs et sont plusévocateurs dans les situations où le patient doit faireun effort ou si une obstruction paroxystique survient.

Signes de gravité

Ils conditionnent la thérapeutique et déterminentsa rapidité de mise en œuvre. Il s’agit de la cyanose,des sueurs, de la pâleur. L’agitation, l’angoisse dupatient peuvent précéder l’épuisement. L’intensité dutirage sus-claviculaire et sus-sternal témoigne de

l’importance de l’obstacle laryngé. L’hypertensionartérielle et la tachycardie complètent le tableauclinique des formes graves.

L’évolution, en l’absence de traitement rapide,aboutit à un état d’asphyxie où le patient a une

Reconnaître la dyspnée laryngée

Bradypnée inspiratoire

Examen clinique

Oropharynx, larynx

Palpation cervicale

Éléments de gravité

Cyanose, tirage

Angoisse

Forme modérée

Corticothérapie

Bilan étiologique

Transfert

ORL endoscopie

Intubation

Trachéotomie

1 Conduite à tenir devant une dyspnée laryngée.

Les signes de gravité sont : cyanose,sueurs, pâleur, agitation, angoisse.

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polypnée superficielle, le tirage diminue, pouls ettension artérielle chutent. Ces signes ultimesprécèdent de peu le décès du patient.

Formes topographiques

Lorsque la dyspnée est modérée, il est possibled’évaluer le lieu de l’obstacle en fonction des signescliniques (tableaux I, II).

Éliminer les autres causes de dyspnée

Les causes cardiaques et pulmonairess’accompagnent d’une polypnée sur les deux tempsrespiratoires et il n’y a pas d’autre signe laryngé.

Dans l’asthme, la bradypnée est expiratoire et lessignes auscultatoires sont caractéristiques.

Les dyspnées obstructives supralaryngées sont laconséquence des obstacles rhino- et oropharyngés.

■Diagnostic étiologique

‚ Moyens du diagnostic

L’interrogatoire du patient ou de son entourageprécise rapidement l’histoire clinique et le mode desurvenue. Il précise la rapidité d’évolution, les signesassociés, la prise de médicament. Ces élémentspermettent d’orienter le diagnostic étiologique, enparticulier s’il existe un contexte traumatique ouinfectieux.

L’inspection et la palpation prudente des reliefs ducou, dans le contexte d’un traumatisme, cherchentune douleur précise, un hématome, une crépitationsous-cutanée.

L’examen oropharyngé et l’examen laryngé sontréalisés prudemment pour voir le carrefour des voiesaériennes supérieures et sont particulièrement utilespour le diagnostic. L’examen au nasofibroscopesouple, lorsqu’il est réalisable, apporte desinformations capitales pour le diagnostic sur lelarynx et sa mobilité.

La laryngoscopie directe, sous anesthésiegénérale au bloc opératoire, permet une explorationprécise du larynx. Elle peut être un des moyensthérapeutiques et précède parfois la trachéotomie.Elle est faite en urgence devant une causetraumatique, un corps étranger, une sténose ou uneobstruction tumorale.

Lorsque l’intensité de la dyspnée le permet, lescanner est l’examen paraclinique le plus utile audiagnostic et ne sera effectué que s’il ne retarde pasle traitement.

‚ Causes tumorales

Chez l’adulte, elles sont les plus fréquentes. Il s’agitessentiellement des cancers du larynx et del’hypopharynx [1].

Cancers pharyngolaryngés

Face à un patient de plus de 45 ans, tabagique etaux habitudes de boisson, il s’agit du diagnostic leplus probable. Les arguments sont : la présenced’une dyspnée, d’une dysphagie, d’une otalgieréflexe, et surtout l’installation progressive et parfoisancienne de ces signes. La dyspnée laryngée est plussouvent rencontrée dans les localisations glottiques,sous-glottiques et ventriculaires. Lorsqu’il s’agit d’unetumeur du sinus piriforme ou de la margellelaryngée, la dysphagie est le premier signe ets’accompagne volontiers d’une adénopathiecervicale. L’obstruction de la filière laryngée est laconséquence de l’infiltration profonde du murpharyngolaryngé.

Le diagnostic évoqué par l’anamnèse estconfirmé par la laryngoscopie indirecte sousanesthésie locale ou par la fibroscopie laryngée. À cemoment et pour diminuer le facteur inflammatoireassocié, une corticothérapie intraveineuse estdébutée immédiatement (Solu-Médrolt : 1 à 2mg/kg/24 h). L’amélioration transitoire laisse letemps à la préparation du patient, et parfois à laréalisation d’un scanner laryngé. Il est utile, enparticulier pour l’étude de la sous-glotte, del’infiltration profonde et des aires ganglionnaires.C’est la laryngoscopie directe sous anesthésiegénérale et la biopsie qui affirment le diagnostic,mais dans le même temps, il faut libérer les voiesrespiratoires. Pour cela, une désobstruction au laserréalisée dans le même temps est le moyen efficace,mais provisoire [3]. Ensuite, le bilan d’extension doitêtre complété pour poser l’indication du traitement,le plus souvent chirurgical, de cette tumeur. Si le lasern’est pas disponible, la trachéotomie est faite.

Tumeurs bénignes

Elles sont plus rarement à l’origine de dyspnéelaryngée. Les laryngocèles ou les kystes laryngés,habituellement asymptomatiques, peuvent serévéler après accroissement rapide de leur volume.

Leur diagnostic, évoqué en laryngoscopie indirecte,est confirmé par le scanner laryngé. Le traitement estsoit endoscopique par ouverture et marsupialisationdans la lumière laryngée, soit externe par résectionchirurgicale.

La papillomatose laryngée est une affectionrécidivante pour laquelle la dysphonie est aupremier plan et conduit au diagnostic avant que ladyspnée ne s’installe. Son traitement n’esthabituellement pas dans un contexte d’urgence etconsiste en la photocoagulation laser despapillomes. D’autres tumeurs bénignes du larynxpeuvent être rencontrées et posent surtout unproblème de diagnostic tant leur évolutionprogressive conduit rarement à la dyspnée laryngéeaiguë (chondrome, lipome...).

‚ Paralysies laryngées bilatéralesen fermeture

Lorsqu’elles sont d’origine centrale, il s’agit soit dela paralysie des dilatateurs de la glotte (syndrome deGerhardt), dans laquelle la voix est normale, soit dela diplégie laryngée totale, où la dysphonie estimportante (syndrome de Riegel). L’origine centraleest en rapport avec une atteinte vasculaire, toxique,dégénérative ou infectieuse.

Les causes périphériques sont en rapport avecune atteinte bilatérale des récurrents, le plus souventpostchirurgicale. C’est la chirurgie de la thyroïde, del’œsophage et de la trachée qui est le plus souventresponsable, mais l’infiltration tumorale à partir deces organes conduit au même tableau cliniqued’immobilité laryngée en fermeture. Lorsqu’il s’agitdu mode de découverte, il est nécessaire d’en faire lediagnostic par l’imagerie.

Le traitement urgent est réalisé par voieendoscopique et consiste en l’élargissement de lafilière respiratoire laryngée, soit par cordectomie, soitpar aryténoïdectomie au laser [4]. En cas d’échec, latrachéotomie est également proposée.

‚ Dyspnées laryngées d’origine infectieuse

Elles sont nettement moins fréquentes que chezl’enfant. Il s’agit principalement de l’épiglottite qui estévoquée cliniquement car associée à une dysphagie,un syndrome infectieux franc avec hyperthermie etune hypersalivation. Les germes responsables sontHaemophilus influenzae, mais également lesstreptocoques et Staphylococcus aureus [6].

Le tableau clinique classique est celui d’unhomme, au teint gris, assis, tenant un haricot danslequel il crache régulièrement sa salive.

Une telle situation impose l’hospitalisation dupatient, en raison du risque évolutif imprévisible. Lepatient doit rester en position assise, et le traitementen milieu de réanimation associe une antibiothé-rapie à large spectre et une corticothérapie. Lediagnostic évoqué cliniquement est confirmé parl’examen laryngé au nasofibroscope, réaliséprudemment, qui montre la turgescence del’épiglotte. Lorsque la dyspnée s’intensifie,l’intubation est réalisée au bloc opératoire, avecpossibilité de réaliser rapidement une trachéotomieen cas d’échec.

Tableau I. – Signes cliniques en fonction dusiège de l’obstacle.

Sus-glottique Glottique Sous-glottique

voix étouffée dysphonie voix normaledysphagie toux rauque

Tableau II. – Causes des dyspnées laryngéeschez l’adulte.

Tumeurs

malignes → pharyngolaryngéesbénignes → laryngocèle

kyste laryngépapillomatose

Paralysie laryngée bilatérale en fermeture

Epiglottite

Traumatismes

Œdème de Quincke

Corps étranger

Le diagnostic de dyspnée laryngée estclinique.Les examens complémentaires nedoivent pas retarder le traitementd’urgence.

6-0440 - Dyspnée laryngée de l’adulte

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Les autres causes de dyspnée d’origine infectieusesont rares : on peut citer la laryngite diphtérique,actuellement exceptionnelle.

‚ Causes traumatiques

Les traumatismes externes sont surtout laconséquence des accidents de la voie publique etsont de nature variable, de la simple contusionjusqu’à la désinsertion cricotrachéale. L’anamnèsepermet de poser le diagnostic, mais il est importantde retenir que la dyspnée laryngée peut apparaîtreou s’aggraver secondairement et impose donc unavis spécialisé. Il est souvent nécessaire depoursuivre en hospitalisation une surveillance qui,au moindre doute, conduit à effectuer un bilan précisdes lésions par l’examen endoscopique, sousanesthésie générale, et par le scanner laryngé. Lacorticothérapie, dans le but de réduire lacomposante œdémateuse, permet de mettre encondition le patient avant son hospitalisation.

Les sténoses laryngées évoluent de façonchronique et sont la conséquence de traumatismesexternes ou internes (intubation prolongée, brûlurecaustique...). Le diagnostic est évoqué parl’anamnèse et confirmé par l’examen laryngé. Ladyspnée est habituellement longtemps bien toléréeet permet de préciser la ou les lésions responsablespar l’imagerie.

‚ Œdème laryngé aigu

L’œdème de Quincke est une affection classiquemais rare. Sa survenue est brutale, et elle s’associe à

un œdème de la face et des lèvres, avec risqued’obstruction des voies aériennes par l’œdème. Letraitement urgent [2] est l’injection sous-cutanéed’adrénaline (0,2 à 0,5 mL à 1/1000) etl’administration d’une dose de corticoïde : 40 mg deprednisone per os ou en intraveineuse.

Il peut s’agir d’une cause allergique d’originealimentaire ou médicamenteuse, et se pose alors leproblème de l’allergène responsable pour letraitement préventif. Il peut également s’agird’œdème angioneurotique héréditaire qui est lié àun déficit en C1-estérase et dont le traitementpréventif fait appel aux androgènes.

‚ Corps étranger

Il est rare chez l’adulte, et la dyspnée laryngée serencontre si le corps étranger (CE) est enclavé dans lelarynx. Devant un patient asphyxique, il peutcorrespondre à une fausse route alimentaire. Seulela manœuvre de Heimlich peut sauver le patient,mais encore faut-il avoir le temps de la pratiquer. Parcontre, si le corps étranger est plus petit, la dyspnéeest mieux supportée et laisse le temps de prendre lesmesures pour hospitaliser le patient et pour extrairele corps étranger sous anesthésie.

■Synthèse des gestes d’urgence

L’hospitalisation et/ou l’avis spécialisé ORLsont souvent nécessaires, car il s’agit d’unepathologie pour laquelle l’examen clinique, qui

est à la base de pratiquement tous les diagnostics,nécessite une expérience et un matérielspécifiques. Néanmoins, le médecin généralistejoue un rôle capital en préparant le patient à untransfert ou pour administrer un traitement ensituation d’extrême urgence. La corticothérapieest souvent utile et, du fait de l’urgence, estidéalement administrée par voie intraveineuse.L’adrénaline est utilisée pour le rare maisimpressionnant œdème de Quincke. Enfin, lesthérapeutiques instrumentales telles quel’intubation ou la trachéotomie sont difficilementréalisables en pratique. Afin d’y remédier, il existeactuellement des cathéters larges avec mandrin(Minitrocht) qui permettent de faire une ponctionpercutanée trachéale ou intercricothyroïdienne [5].Un tel geste peut sauver de l’asphyxie un patientpour qui l’urgence est extrême. Secondairement,une fois la situation critique résolue, le patient estadressé au spécialiste.

■Conclusion

La dyspnée laryngée est une urgencethérapeutique et nécessite souvent un avisspécialisé. L’histoire clinique et l’examen laryngépermettent souvent d’en reconnaître la cause et dela traiter rapidement dans les meilleures conditions.

Dominique Chevalier : Professeur des Universités, praticien hospitalier,service d’ORL, hôpital Claude-Huriez, place de Verdun, 59037 Lille cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : D Chevalier. Dyspnée laryngée de l’adulte.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0440, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Bories F, Bessede JP, Enaux M. Diagnostic des dyspnées laryngées de l’adulte.Encycl Med Chir (Elsevier, Paris),Oto-rhino-laryngologie, 20-643-A-10, 1996 :1-6

[2] Frank-Austen K. Affections liées à une réaction d’hypersensibilité immédiate.In : Harrison TR ed. Principes de médecine interne. Paris : Flammarion, 1993 :1422-1428

[3] Freche C, Rouvier P, Piquet JJ, Haguenauer JP, Traissac L, Peynegre R et al.Laser et cancer. In : L’endoscopie diagnostique et thérapeutique en ORL. Paris :Arnette, 1993 : 303-308

[4] Mérite-Drancy A, Laccourreye O, Brasnu D, Laccourreye H. Cordectomiepartielle postérieure au laser CO2 dans les paralysies récurrentielles bilatérales.Ann Otolaryngol Chir Cervicofac1992 ; 109 : 235-239

[5] Orliaguet G. Trachéotomie et cricothyroïdotomie en urgence. Techniques spé-cialisées en anesthésie réanimation d’urgence. Paris : Arnette, 1993 : 11-37

[6] Perrin A, Hareux S, Florant A, Baril C, Depondt J, Roulleau P. Dyspnéelaryngée de l’adulte d’origine infectieuse. A` propos de 54 cas.Ann OtolaryngolChir Cervicofac1987 ; 104 : 625-631

Dyspnée laryngée de l’adulte - 6-0440

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Dyspnées laryngées

de l’enfant

JM Triglia, R Nicollas

L a dyspnée laryngée chez l’enfant constitue une urgence pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Elle imposede surveiller l’enfant et de prévoir, en l’absence d’amélioration rapide de la symptomatologie, son transfert

dans une structure adaptée. Si chez un nourrisson de moins de six mois on doit évoquer l’existence d’une lésioncongénitale, tout enfant en âge de se déplacer, présentant une dyspnée laryngée aiguë, doit être suspect de corpsétranger des voies aériennes jusqu’à preuve du contraire.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Les dyspnées laryngées de l’enfant sont desurgences diagnostiques et thérapeutiques quipeuvent engager le pronostic vital immédiat. Il fautsavoir reconnaître leurs signes de gravité enprésence desquels un geste de sauvetage doitsouvent être rapidement effectué. Au planétiologique, deux groupes d’enfants sont àdistinguer, selon qu’ils sont âgés de moins ou de plusde six mois. Chez les premiers, la pathologie encause est le plus souvent congénitale, tandis quechez les plus grands, ce sont les corps étrangers et leslaryngites aiguës qui sont le plus généralementrencontrés.

■Rappel anatomique

Le larynx de l’enfant ne se limite pas à un larynxadulte de volume réduit. Sa situation anatomiquen’est en effet pas la même. Le larynx de l’enfant estplus haut que celui de l’adulte : il descend avec lesannées jusqu’à l’âge de treize ans environ où ilacquiert sa position définitive.

Au plan morphologique, on distingue troisétages :

– l’étage sus-glottique ou vestibule laryngé estrelativement souple et spacieux. Il se caractérise parune certaine flaccidité de l’épiglotte, qui, retombantfacilement sur le larynx, peut rendre difficile uneexposition glottique, soit lors d’une intubation, soitlors d’un examen en fibroscopie nasopharyngée. Labase de la langue, immédiatement sus-jacente, peutégalement jouer un rôle, car étant très réflexogène,elle peut constituer un facteur d’aggravation brutalede la dyspnée ;

– l’étage glottique est constitué par les apophysesvocales, les cartilages aryténoïdes et les cordesvocales. Chez l’enfant, ce plan glottique a un aspect

ovalaire. Chez le grand enfant comme chez l’adulte,il représente la partie la plus étroite du larynx ;

– l’étage sous-glottique est une régionnévralgique du fait de son étroitesse : c’est en effet lazone la plus étroite du larynx chez le nourrisson et lepetit enfant. Il est cerné par l’anneau cricoïdien, cequi le rend rigide et inextensible. Le diamètre de cedernier est de l’ordre de 5 mm chez le nouveau-népour atteindre 8 à 10 mm à l’âge de 6-7 ans. Le tissuconjonctif qui recouvre le cricoïde étantextrêmement lâche chez le nourrisson, on y trouveun plan de clivage naturel qui permet la constitutiond’œdèmes.

■Diagnostic positif

‚ Aspect clinique

Dans sa forme typique, le diagnostic de dyspnéelaryngée est facile. Il s’agit d’une dyspnée obstructivese traduisant par une bradypnée inspiratoire, ou,pour le moins, par une inspiration prolongée.L’enfant donne l’impression d’avoir « soif d’air », sesefforts inspiratoires mettant en jeu les musclesinspiratoires accessoires. Cet effort inspiratoire setraduit par le tirage, dépression inspiratoire des creuxsus-sternal, sus-claviculaire, épigastrique, et desespaces intercostaux. L’origine laryngée de cettedyspnée obstructive se traduit par l’existence d’unbruit laryngé inspiratoire (stridor, cornage), et desmodifications de la voix et de la toux.

Le tableau clinique n’est pas toujours aussiévident et il faut noter certaines formes moinstypiques. En cas d’obstacle laryngé sous-glottiquepur, la voix peut être normale et la dyspnée portersur les deux temps de la respiration.

Chez le nouveau-né et le petit nourrisson, labradypnée est souvent remplacée par une

tachypnée ; le diagnostic est d’autant plus difficileque toute tachypnée du nourrisson peuts’accompagner d’un tirage. Enfin, le tableau peut êtreencore plus trompeur chez un nouveau-né devantune apnée avec ou sans prodrome, des accès decyanose ou de bradycardie pouvant aller jusqu’àl’arrêt cardiorespiratoire anoxique.

Deux bruits respiratoires différents peuvent êtredécrits dans un contexte de dyspnée laryngée : lestridor et le cornage.

Le stridor est un bruit plutôt aigu. Le mot en luimême désigne, en latin, des bruits très diverspouvant aller du sifflement de serpent aubarrissement ; en pathologie laryngée, c’est parexemple le bruit perçu dans une laryngomalacie. Iltraduit une atteinte vestibulaire ou glottique.

Le cornage désigne un bruit de tonalité moinsaiguë que le stridor, moins timbré, évoquant laraucité et le caractère caverneux de la corne debrume. On l’entend lors de rétrécissementsglottosousglottiques.

Cette systématisation est bien sûr schématique ;les anciens considéraient ainsi que « toutemodification de calibre, de disposition, deconsistance des voies aériennes entre le carrefouraérodigestif et la terminaison des bronches souches,est susceptible d’entraîner un stridor ».

L’appréciation du type de dysphonie au coursd’une dyspnée laryngée peut être d’un grand

Chez un nouveau-né, l’apparition d’unœdème de 1 mm d’épaisseur diminuede 75 % la filière sous-glottique[2].

Dans sa forme clinique typique, ladyspnée laryngée associe :– une bradypnée inspiratoire (ou uneinspiration prolongée) ;– un tirage (sus-sternal, sus-claviculaire, épigastrique,intercostal) ;– un bruit laryngé inspiratoire(stridor, cornage) ;– des modifications de la voix ;– de la toux.

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secours pour le diagnostic topographique. Si la voixest rauque, voilée, bitonale ou éteinte, elle signe uneatteinte glottique ou glottosousglottique. Si l’atteinteest supraglottique, la voix sera étouffée.

Pour terminer la description des signesassociés, la présence d’une hypersialorrhéeassociée à une dyspnée laryngée signe unobstacle sus-glottique.

‚ Critères de gravité

Devant toute dyspnée, l’appréciation de sonretentissement s’impose. Les signes de gravité sontcliniques et biologiques. Les premiers sont la duréede la dyspnée, les troubles respiratoires, les signes delutte respiratoire, les signes d’insuffisance respiratoireaiguë sévère, les troubles de la conscience. Lesseconds sont des critères gazométriques.

Au plan clinique, la durée d’une dyspnéesupérieure à une heure est considérée commeindice de gravité du fait de la fatigue qui en résulte.L’enfant ne peut plus lutter contre l’obstacle ets’épuise, risquant de se retrouver en arrêtcardiorespiratoire. Les signes de lutte respiratoire,outre le tirage précédemment évoqué, comportentle battement des ailes du nez, le balancementthoraco-abdominal et le hochement de haut enbas de la tête lors de l’inspiration. Une tachypnéesupérieure à 60 cycles respiratoires par minute esten fait une respiration superficielle peu efficace,annonciatrice d’une décompensation rapide. Dufait du caractère superficiel de cette respiration,une impression de disparition du tirage doitinquiéter plutôt que rassurer. L’aspect général del’enfant à ce stade est en règle générale inquiétant,avec cyanose ou pâleur intense. De même, unebradypnée extrême avec des pauses respiratoiresde plus de 20 secondes sont des signes de hautegravité. L’existence de sueurs témoignent d’unehypercapnie, et la cyanose, toujours d’apparitiontardive dans les dyspnées laryngées de l’enfant,d’une hypoxémie. Les troubles de la conscience,lorsqu’ils surviennent, doivent être considéréscomme gravissimes car témoignant d’une hypoxiecérébrale sévère.

Au plan gazométrique, une PaCO2 > 60 mmHget/ou une PaO2 < 50 mmHg sont des critères degravité d’une dyspnée, de même que l’apparitiond’une acidose respiratoire.

■Étiologies et conduite à tenir

(tableau I)

‚ Dyspnée laryngée chez le nourrissonde moins de six mois

Un bilan est à entreprendre en milieu spécialiséen pédiatrie.

Laryngomalacie

La laryngomalacie représente la plus fréquentedes anomalies laryngées congénitales [4, 12], et lacause la plus habituelle des stridors du nouveau-né,du nourrisson et du petit enfant.

D’autres mécanismes associés à ces anomaliesanatomiques ont été évoqués ; on y retrouveessentiellement l’hypothèse selon laquelle unmauvais contrôle neuromusculaire associé à lafaiblesse du support cartilagineux peut êtreresponsable du collapsus des éléments de l’étagesus-glottique. D’autre part, Holinger signalel’existence d’un reflux gastro-œsophagien dansenviron un quart des cas.

Concernant la clinique, le maître-symptôme est lestridor [7], comme la dénomination originelle de lapathologie, « stridor laryngé congénital », pouvait lelaisser supposer. Il est majoré par le décubitus dorsal,les pleurs, les cris, et toute circonstance augmentantla fréquence et le débit respiratoires. Il a été signaléune possible accentuation du stridor lors des phasesde sommeil [4]. La date d’apparition du stridor esttoujours très précoce, s’échelonnant volontiers entre

les dixième et quinzième jours de vie [4, 7]. Soulignonsque, si la laryngomalacie s’accompagne toujoursd’un stridor, l’existence d’un stridor n’est pas toujoursle témoin d’une laryngomalacie.

L’enfant porteur de cette affection peut égalementprésenter une dyspnée d’effort, voire de repos, selonla gravité de son atteinte. À l’extrême, des épisodesde cyanose, voire des apnées, pouvant débouchersur un arrêt cardiorespiratoire peuvent se rencontreren pareil cas.

Une grande importance doit être accordée àl’augmentation de la durée des tétées, témoin desdifficultés alimentaires, qui est très vite suivie d’unecassure de la courbe de poids.

Le retentissement staturopondéral, l’aggravationdes dyspnées, les apnées, et les épisodes decyanose, sont autant d’éléments définissant les

Devant toute dyspnée, il imported’apprécier les éventuels signes degravité✔ Cliniques :– durée de la dyspnée ;– troubles respiratoires ;– signes de lutte respiratoire ;– signes d’insuffisance respiratoireaiguë sévère ;– troubles de la conscience.✔ Biologiques :– critères gazométriques.

Tableau I. – Etiologies des dyspnées laryngées.

Chez le nourrisson de moins de 6 mois- laryngomalacie- angiome sous-glottique- paralysies laryngées- sténoses laryngotrachéales- kystes laryngés et juxtalaryngés

Chez l’enfant de plus de 6 mois- corps étrangers des voies aériennes- laryngites aiguës (épiglottite, laryngite stridu-

leuse, laryngite œdémateuse)- autres causes plus rares (papillomatose laryn-

gée, traumatisme laryngé, ingestion de caustiques,œdème laryngé allergique)

Sur le plan des lésions laryngées, onreconnaît trois types de lésionsanatomiques dans la laryngomalacie✔ Type 1 : épiglotte longue ettubulaire, souvent appelée « épiglotteen oméga », volontiers associée autype 2.✔ Type 2 : replis aryépiglottiquescourts.✔ Type 3 : épaississement de la régionaryténoïdienne dont la muqueuse seprolabe dans la lumière laryngéelors de l’inspiration (fig 1).

Quelle est la conduite à tenir devantune laryngomalacie ?✔ Dans les cas où la laryngomalaciese limite à un stridor isolé, seule unesurveillance de l’enfant sur les plansstaturopondéral et respiratoire estnécessaire.✔ En ce qui concerne le traitementdes formes sévères de la laryngo-malacie, tous les auteurs sontunanimes pour utiliser le laser Co2,même si certaines équipes nel’utilisent pas de façon exclusivemais en alternance avec les micro-instruments laryngés.

En quoi consiste le traitement del’angiome sous-glottique ?Il repose tout d’abord sur lacorticothérapie générale à la dose de0,125 à 0,375 mg/kg/j debétaméthasone pendant 10 à 15 jours,à poursuivre à doses dégressivesdurant 4 semaines. Les corticoïdesagiraient d’une part de façon indirecteen sensibilisant les angiomes auxvasoconstricteurs présents dans lacirculation générale, et d’autre partdirectement sur les sphinctersprécapillaires. Devant une formecorticosensible, le traitement est àrenouveler en cas d’accès dyspnéique.En revanche, face à une formecorticorésistante, on aura recours soitau laser, soit à la chirurgie par voieexterne associant une exérèse de lalésion et une éventuellelaryngotrachéoplastied’élargissement[10]. Notons qu’unegrande place est toujours accordée àla trachéotomie de sécurité.L’intubation transitoire a égalementété proposée.

6-0445 - Dyspnées laryngées de l’enfant

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formes sévères de laryngomalacie et qui font porterune indication opératoire [7]. D’autres complicationsliées à l’obstruction des voies aériennes et à la lutterespiratoire de l’enfant ont été rapportées tels lespectus excavatum.

Angiome sous-glottique

L’angiome sous-glottique est la première cause dedyspnée laryngée chez les enfants de moins de 6mois [10] ; notons que cette fréquence a longtempsété sous-estimée, et que c’est aux progrès del’endoscopie pédiatrique que l’on doit de mieux enconnaître l’importance.

Aux plans anatomique et physiopathologique,deux faits sont constatés, pour lesquels aucuneexplication n’est donnée : la nette prédominanceféminine (le sex-ratio étant approximativement de

deux filles pour un garçon), et la localisationpréférentielle postérolatérale gauche (fig 2).

Au plan de la symptomatologie, il faut retenir quela dyspnée laryngée apparaît avec une notiond’intervalle libre par rapport à la naissance,c’est-à-dire que l’enfant est indemne de tout signerespiratoire pendant les 6 à 8 premières semaines devie. C’est progressivement que le nourrisson vaprésenter une dyspnée inspiratoire parfoisaccompagnée d’une toux, d’un stridor, voire d’un crirauque [10]. La possibilité d’une dysphagie, devomissements, de cyanose et d’hémoptysies a étéégalement notée. Il faut aussi remarquer que touttableau de laryngites à répétition ne faisant pas sapreuve doit faire penser à l’existence d’un angiomesous-glottique.

Paralysies laryngées

Les paralysies laryngées représentent ladeuxième cause des stridors et dyspnées dunouveau-né et du nourrisson [5]. L’intensité de leursymptomatologie est variable en fonction, d’unepart, du caractère uni ou bilatéral de la paralysie, etd’autre part de son type, c’est-à-dire en fermeture(adduction) ou en ouverture (abduction).Généralement unilatérales, elle sont bien supportéesaprès une période d’adaptation respiratoire. Dans lesformes bilatérales en fermeture, la dyspnée et lestridor sont permanents, tandis que la dysphonie etles troubles de la déglutition sont rares. Dans lamajorité des cas, la détresse respiratoire est tellequ’elle nécessite une intubation, généralement suivied’une trachéotomie.

La certitude diagnostique repose sur lavisualisation de la paralysie laryngée ; elle estpermise aujourd’hui au cours d’une consultationORL par l’emploi du nasofibroscope. Si cette

réalisation est aisée et de pratique courante,l’interprétation de la mobilité laryngée d’unnouveau-né ou d’un nourrisson reste une étapesouvent difficile ; le diagnostic de paralysie laryngéede l’enfant est l’un des plus difficiles à porter ennasofibroscopie.

- Les formes neurologiques représentent lapremière cause de paralysie laryngée bilatérale et ladeuxième cause de paralysie unilatérale [5]. Ellescorrespondent essentiellement à des atteintescentrales à type d’anoxie cérébrale néonatale (35 %).La paralysie laryngée n’étant qu’un des éléments dutableau clinique, l’anamnèse y est très évocatrice.D’autres atteintes neurologiques centrales peuventêtre en cause, telle l’hypotonie néonatale bénigne(35 %). Les malformations d’Arnold-Chiari, lesméningocèles ou myéloméningocèles [5] et leshydrocéphalies ont été retrouvées à l’origine deparalysies laryngées qui sont assez souventd’apparition retardée. La tolérance de la paralysie estfonction de son caractère bilatéral ou unilatéral.Certaines affections périphériques peuventégalement entraîner des paralysies laryngées, tels lesdysgénésies nucléaires ou les neuropathiespériphériques héréditaires, voire les traumatismesdes nerfs moteurs du larynx. L’évolution desparalysies laryngées de cause neurologique se faitplus volontiers vers la régression dans les formesunilatérales que dans les formes bilatérales.

- Les traumatismes obstétricaux sont une causefréquente de paralysies laryngées néonatales. Ellessont secondaires à l’emploi de forceps et/ou à destractions prolongées sur le rachis cervical [5]. On lesretrouve également dans les suites de dystocie desépaules. Les enfants naissent avec un stridor, plusrarement en état de détresse respiratoire pouvantnécessiter une intubation d’urgence, et selon certainsauteurs, une trachéotomie. Ces paralysies sontgénéralement toujours régressives.

- Toute chirurgie cervicale ou thoracique dunourrisson ou du petit enfant peut être à l’origined’une paralysie laryngée par lésion des nerfsrécurrents. Les interventions en cause sontessentiellement cervicales, thoraciques (en particuliercardiaque ou œsophagienne), ou neurologiques,telle la cure d’une tumeur de la fosse postérieure. Cesparalysies sont le plus souvent définitives.

- Les dilatations des cavités cardiaques ou del’artère pulmonaire sont une des causes peufréquentes de paralysies laryngées (2 %) de l’enfant.Mentionnons le syndrome d’Ortner, qui est uneparalysie laryngée gauche, causée par l’étirement dunerf récurrent gauche par une artère pulmonairedilatée dans un contexte de rétrécissement mitral.

1 Laryngomalacie : noter l’aspiration de la muqueuse laryngée postérieure lors de l’inspiration.

2 Angiome sous-glottique dans sa localisation typi-que postérolatérale gauche.

Quelles causes invoquer devant uneparalysie laryngée ?✔ Dans 50 % des cas, aucuneétiologie n’est retrouvée (paralysielaryngée idiopathique).✔ Dans 50 % des cas, un de ces troisgroupes étiologiques est identifié :neurologique, traumatique oucardiologique.

Dyspnées laryngées de l’enfant - 6-0445

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La gravité potentielle des formes bilatérales et lapossible régression spontanée au cours des 9premiers mois sont les éléments qui tendent à dicterla stratégie thérapeutique. En l’absence d’unerécupération spontanée, un traitement chirurgicald’élargissement glottique doit être envisagé, soit parvoie endoscopique, soit par voie externe. Il pourras’agir soit d’une aryténoïdectomie [6], soit d’unearyténoïdopexie [8].

Sténoses laryngotrachéales

Différentes lésions anatomiques peuvent se voir ;qu’elles soient congénitales ou acquises, leur prise encharge dépend du degré d’obstruction de la lumièreaérienne.

L’atrésie laryngée est une anomalie congénitaleprécoce du développement laryngé. Habituellementassociée à d’autres malformations congénitales, elleest toujours responsable d’une grande détresserespiratoire dès la naissance, car la filière laryngéeest réduite à un fin pertuis postérieur. La survie del’enfant ne peut être assurée que par unetrachéotomie d’urgence, la décision d’un traitementultérieur dépend essentiellement du nombre et de lasévérité des malformations congénitales associées.

La sténose glottique membraneuse se caractérisepar l’existence, soit d’une membrane très fine,translucide, unissant le tiers ou la moitié antérieuredes cordes vocales, soit d’une membrane épaisse oùle bord interne des cordes vocales n’est pasnettement individualisé (fig 3). Si, dans le premiercas, la simple section à la faux permet uneamélioration immédiate de la respiration, dans lesformes épaisses, la crainte d’une sténosecricoïdienne sous-jacente doit faire envisager unagrandissement laryngé par voie externe.

La sténose sous-glottique peut être classée selondifférents types histologiques de lésions (fig 4). Au

plan clinique, la dyspnée est d’autant plus précoce etmarquée que la sténose est plus serrée. Son degréexact ne peut être réellement établi que par uneendoscopie, mais celle-ci constitue une explorationdangereuse car le traumatisme instrumental risqued’aggraver la dyspnée par survenue d’un œdème dela muqueuse. C’est pourquoi il est conseillé, avantd’endormir l’enfant, de préparer le matérielnécessaire pour une intubation ou une trachéotomiesur bronchoscope si l’intubation n’est pas possible.En fonction de l’extension verticale et du degré de lasténose, le traitement fait appel soit au laser (< 70 %d’obstruction et < 0,5 à 1cm de hauteur), soit à unechirurgie par voie externe à type de laryngotrachéo-plast ie d’élargissement ou de résect ioncricotrachéale [6, 9].

Kystes laryngés et juxtalaryngés

Il s’agit d’entités pathologiques beaucoup plusrares : ce sont les kystes épiglott iques,aryépiglottiques et sous-glottiques [12]. Ils se révèlentgénéralement de façon précoce dans les premiersjours de la vie pour s’aggraver rapidement. Lediagnostic ne peut être efficacement porté que par lafibroscopie nasopharyngée qui permettra de situerle niveau exact du kyste et son importance. Lahiérarchie thérapeutique va de la simple ponction,pour confirmer le diagnostic et affaisser le kyste,jusqu’à l’exérèse de la poche kystique par voieendoscopique et à l’aide du laser. L’exérèsechirurgicale par cervicotomie n’est généralementindiquée qu’en cas de récidive après traitementendoscopique.

‚ Dyspnée laryngée chez les enfantsde plus de 6 mois

C’est la forme clinique la plus fréquente.

Corps étrangers des voies aériennes

Fréquents chez l’enfant de six mois à six ans, ilsont un maximum de fréquence dans la deuxièmeannée. Ils sont caractérisés par le syndrome depénétration qui associe toux, agitation, accès desuffocation, cyanose, et on apprend rétrospecti-vement que l’enfant a avalé « de travers », mangédes cacahuètes ou autre friandise. Habituellementtout rentre dans l’ordre en quelques minutes mais

une hospitalisation sera nécessaire pour vérifier l’axetrachéobronchique avec une instrumentationadaptée

Parfois, un tableau d’asphyxie peut survenir enprésence de corps étranger volumineux ou enclavédans le larynx ou la trachée. Il faudra se méfier, danscette éventualité, de gestes à l’aveugle comme lamise en place de doigts dans la bouche qui peutenfoncer le corps étranger, la suspension de l’enfantpar les pieds qui pourra rendre un corps étrangercomplètement obstructif s’il s’enclave dans la régionsous-glottique.

Le traitement initial consiste à administrer uncorticoïde injectable pour lutter contre l’œdème etprévoir le transport de l’enfant en urgence dans unmilieu spécialisé habitué à l’endoscopie pédiatrique.

La trachéotomie d’extrême urgence ou laponction trachéale avec un trocart sont parfois lesseules solutions. Quoi qu’il en soit, le traitement, quirepose sur une endoscopie, aura à la fois un intérêtdiagnostique et thérapeutique permettantl’extraction du corps étranger [3].

Laryngites aiguës

S’inscrivant généralement dans un contextefébrile, elles peuvent toucher les trois étages dularynx. En dehors de l’épiglottite, grave mais rare, lesformes les plus fréquentes sont les laryngites« striduleuses » spasmodiques d’évolution bénigne etles laryngites « œdémateuses » plus sévères [11].

¶ Epiglottite ou laryngite supraglottiqueElle est beaucoup plus rare que les autres formes

mais elle est aussi beaucoup plus dangereuse.D’origine bactérienne, due à Haemophi lusinfluenzae, son début est très brutal avec une fièvreélevée supérieure à 39 °C, associée à une dyspnée etune dysphagie s’aggravant rapidement. L’attitude del’enfant est évocatrice, assis, tête penchée en avant,bouche ouverte d’où suinte une salive claire qu’il nepeut déglutir et refusant de s’allonger sur le dos. Onnote également une altération importante de l’étatgénéral. Si la dyspnée réagit mal à l’antibiocortico-thérapie, l’enfant doit être transféré d’urgence dansun service de réanimation en évitant l’examenoropharyngé et le décubitus, ces manœuvrespouvant provoquer une apnée mortelle. En milieuspécialisé, l’intubation s’avère le plus souvent

Une simple surveillance régulière est àinstituer si l’obstruction est inférieureà 50 %. Dans le cas contraire, cessténoses doivent bénéficier, soit d’untraitement chirurgical par voieexterne, soit d’un traitementendoscopique[6, 10].

3 Palmure glottique antérieure.

4 Sténose sous-glottique antérieure rétrécissantla lumière aérienne de 60 % environ.

Si l’asphyxie est menaçante, lamanœuvre de Heimlich, qui réalise lacompression brusque de la régionépigastrique de bas en haut peut êtretentée pour désenclaver le corpsétranger.

En cas de doute sur l’existence ou nond’un corps étranger, une endoscopiedevra être pratiquée systématiquement,le doute ne devant pas avoir sa placeen matière de corps étranger des voiesaériennes.

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nécessaire, tout en prenant la précaution de préparerle matériel nécessaire à une trachéotomie desauvetage.

¶ Laryngite striduleuseC’est la moins grave des laryngites ; elle

correspond au « faux croup ». Sa physiopathologieexacte n’est toujours pas connue ; il s’agirait d’unspasme glottique dont la (les) cause(s) pourrai(en)têtre un reflux gastro-œsophagien, des phénomènesinflammatoires ou psychologiques. Leur survenueest brutale, volontiers nocturne, et la dyspnéemodérée disparaît spontanément en moins de 1heure. Un contexte de virose respiratoire esthabituellement retrouvé. La récidive des épisodesdyspnéiques est fréquente, tant la même nuit que lessuivantes.

Devant l’angoisse des parents de se trouverconfrontés à un épisode plus sévère, et afin decalmer la toux irritative, une corticothérapie per os

de 3 à 4 jours par de la bêtaméthasone à 10gouttes/kg/j sera prescr i te ainsi qu’unehumidification de la chambre.

¶ Laryngite œdémateuseC’est la plus fréquente des laryngites

sous-glottiques (fig 5). D’origine virale, comme larhinopharyngite qui l’accompagne, son début estsouvent nocturne, marqué par une dyspnéelaryngée typique avec tirage et cornage. Il n’y a pasde caractère spasmodique, le cri et la toux sontrauques, l’expiration est libre.

Autres causes de dyspnée laryngée

¶ Papillomatose laryngéeIl s’agit d’une lésion tumorale bénigne d’origine

virale (papillomavirus), qui n’est qu’exceptionnel-

lement dyspnéisante [1]. Lorsqu’elle le devient, cen’est qu’après une longue période de dysphonie(fig 6).

¶ Traumatismes laryngésIls sont suspectés devant un emphysème

sous-cutané, témoin d’une communication entrel’arbre aérien et les espaces sous-cutanés.L’anamnèse est là aussi importante.

¶ Ingestion de liquide caustique ou bouillantElle survient généralement dans un contexte

évocateur avec la présence de lésions buccales.

¶ Œdème laryngé allergiquepar piqûre d’insecteIl apparaît lui aussi dans un contexte évocateur. Il

réagit bien, en général, au traitement d’adrénalinesous-cutanée (1/4 de mg) ou Soludécadron®injectable (4 mg).

Jean-Michel Triglia : Professeur des Universités, praticien hospitalier fédération ORL.R Nicollas : Chef de clinique à la faculté, assistant des Hôpitaux.

Unité d’ORL pédiatrique, hôpital de la Timone, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille cedex 5, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JM Triglia et R Nicollas. Dyspnées laryngées de l’enfant.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0445, 1998, 5 p

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5 Laryngite sous-glottique.

Le traitement de la laryngiteœdémateuse doit être instaurérapidement. Il associe unecorticothérapie injectable (1 mg/kg/j deSolumédrol®), à renouveler une demi-heure plus tard si les signesdyspnéiques persistent, et unehumidification de l’air ambiant.Le médecin doit rester avec l’enfantjusqu’à cessation des signes.En l’absence d’amélioration rapide,l’enfant devra être hospitalisé carl’évolution vers une forme grave peutimposer une intubation voire unetrachéotomie d’urgence[2].

6 Papillomatose laryngée juvénile.

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Écoulement nasal chronique

E Serrano, J Percodani, JJ Pessey

U n écoulement nasal chronique est un signe fonctionnel rhinologique banal et fréquent. Le diagnosticétiologique obéit à une démarche codifiée. Tout écoulement nasal unilatéral est suspect et doit faire éliminer

une pathologie tumorale.© Elsevier, Paris.

■Introduction

La rhinorrhée, ou écoulement nasal chronique,constitue un motif de consultation fréquent enoto-rhino-laryngologie (ORL). Elle peut être isolée ouassociée à d’autres s ignes fonct ionnelsrhinosinusiens : obstruction nasale, éternuements,troubles de l’odorat, épistaxis, algies faciales. Il peuts’agir d’une rhinorrhée antérieure, le patient se plaintalors « d’être enrhumé », « de se moucher » ou« d’avoir le nez qui coule », ou bien d’un jetagepostérieur, le patient parle alors d’une sensation decorps étranger pharyngé, de brûlure ou depicotement pharyngé. Souvent, il décrit très bien que« quelque chose coule au fond de la gorge ». Parfois,il existe simplement un hemmage, ou raclement degorge.

L’interrogatoire doit être minutieux et dirigé,permettant souvent au clinicien d’évoquer d’embléeun diagnostic étiologique. La rhinoscopie estindispensable, de même que l’examen ORL complet.Les examens complémentaires seront guidés par lesdonnées de l’interrogatoire et de l’examen clinique.

■Interrogatoire

Le clinicien devra faire préciser :– la nature de la rhinorrhée : séreuse (plutôt

liquide), muqueuse (plutôt épaisse), mucopurulente,purulente, croûteuse ou sanglante, acqueuse ;

– le caractère uni- ou bilatéral ;– la date et le mode de début ;– l’évolution aiguë ou chronique, continue ou

discontinue ;– le mode évolutif des symptômes : survenue

saisonnière ou perannuelle ;– la notion de facteurs déclenchants :

changement d’environnement, manipulation decertaines substances, contact avec certains animaux,changements de position (le matin au lever), prise decertains aliments ;

– les signes associés rhinologiques : obstructionnasale, éternuements, troubles olfactifs, épistaxis,algies faciales ;

– les signes associés évocateurs d’une allergie :prurit nasal, oculaire ou palatin ;

– des signes de reflux gastro-œsophagien, enparticulier un pyrosis, en cas de jetage postérieur ;

– des signes indirects de jetage postérieur :laryngés ( toux sèche ou product ive) outrachéobronchiques (trachéobronchites à répétition).

Il est par ailleurs important de connaître lesantécédents personnels et familiaux, en particulierl’existence d’une allergie ou d’un asthme, la notionde traumatisme crâniofacial, les antécédentschirurgicaux rhinosinusiens.

■Examen clinique

‚ Inspection

L’examen clinique débute par l’inspection quipermet parfois de mettre en évidence unedéformation congénitale ou acquise de la pyramidenasale, une déviation septale antérieure ou uneanomalie du vestibule narinaire visible en relevant lapointe du nez avec le pouce, un pli nasal horizontal,perpendiculaire à l’arête nasale, évocateur d’uneallergie et lié aux mouvements répétés de frottementet de mouchage : c’est le classique « salutallergique » ; enfin, un second pli palpébral inférieur,également évocateur d’allergie.

L’inspection du nez au cours d’une inspirationforcée peut mettre en évidence une aspiration desailes narinaires caractéristique d’un syndrome de lavalve nasale.

‚ Palpation

La palpation recherche des points douloureux encas d’antécédent de traumatisme.

‚ Endoscopie des fosses nasales

La rhinoscopie antérieure au spéculum donne desinformations limitées par rapport à l’endoscopienasale. Elle permet cependant de visualiser la cloisoncartilagineuse, le plancher de la fosse nasale, la têtedu cornet inférieur et la tête du cornet moyen. Elledoit être pratiquée avant et après pulvérisationnasale d’un vasoconstricteur.

La rhinoscopie postérieure au miroir est souventdifficile en raison d’un réflexe nauséeux ou de laconformation anatomique (longueur du voile).Lorsqu’elle est possible, elle visualise le cavum et lapartie postérieure des fosses nasales.

L’ORL pratiquera une endoscopie nasale, réaliséeà l’aide d’un nasofibroscope souple ou d’unendoscope rigide, qui mettra en évidence :

– l’architecture ostéocartilagineuse des fossesnasales ;

– l’aspect de la muqueuse de l’ensemble de lafosse nasale (œdème, polypose, hypertrophie,atrophie) ;

– d’éventuelles lésions sécrétoires au niveau desméats ;

– le cavum (inflammation, hypertrophieadénoïdienne) ;

– une éventuelle tumeur des fosses nasales.Il est possible de réaliser des prélèvements dirigés

sous endoscopie, notamment des prélèvementsbactériologiques au niveau du méat moyen ou unfrottis nasal au niveau du cornet moyen pourexamen cytologique [6].

■Conduite diagnostique

et thérapeutique à tenir

Les données de l’interrogatoire et de l’examenclinique guident la prescription des examenscomplémentaires et la conduite thérapeutique àtenir.

‚ Rhinorrhée claire

Rhinorrhée claire isolée

Devant une rhinorrhée claire isolée unilatéraleIl faut éliminer une rhinorrhée de liquide

céphalorachidien. Elle est facilement suspectée encas d’antécédent de traumatisme crânien compliquéde fracture de l’étage antérieur de la base du crâneou du rocher. Elle peut aussi survenir dans les suitesd’une chirurgie rhinosinusienne (évidementethmoïdal, septoplastie). Il s’agit en général d’unehydrorrhée unilatérale augmentée par les effortsabdominaux, la compression des jugulaires, laposition penchée en avant. La difficulté est deconfirmer son authenticité. La présence de glucoseet le dosage de la bêta-2-transferrine dansl’écoulement nasal sont des signes de valeur, maisseulement en cas d’écoulement non sanglant. Lescanner recherche un trait de fracture au niveau del’étage antérieur de la base du crâne ou du rocher. Letransit isotopique confirme le diagnostic et précise la

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localisation de la fuite de liquide céphalorachidien. Ilest non contributif en l’absence de rhinorrhée le jourde l’examen. Le traitement est en général chirurgical,comprenant la fermeture de la brèche afin deprévenir le risque de méningite.

Devant une rhinorrhée claire isolée bilatéraleIl faut penser à :– l’hydrorrhée du sujet âgé, classique « goutte au

nez ». Elle justifie, en l’absence de contre-indication,la prescription d’anticholinergiques locaux ;

– l’hydrorrhée matinale survenant dès le passageà la position orthostatique. Elle est souvent profuse,séreuse et peut être isolée. Elle est favorisée par lesvariations de température. La cause serait undysfonctionnement neurovasculaire des glandes etdes réseaux artérioveineux sous-muqueux.

Rhinorrhée claire associée à d’autres signesrhinologiques

¶ Rhinite allergiqueLa classique triade symptomatique obstruction

nasale bilatérale, rhinorrhée claire, éternuementssurvenant sous forme de crises, en salve, estfortement évocatrice d’une rhinite allergique. À cettetriade, peuvent s’associer des signes mineurs maisparfois au devant de la scène :

– prurit nasal, palatin, oculaire avec larmoiement,ou prurit du conduit auditif externe ;

– des céphalées : fréquentes, elles ne traduisentpas forcément une participation sinusienne, maissont la conséquence d’un trouble de la ventilationnasale ;

– un jetage postérieur ;– des troubles olfactifs : hyposmie ou anosmie,

parfois associés à une hypogueusie.Les aspects endoscopiques de la rhinite allergique

sont variables, aucun n’est spécifique :– hypertrophie de la muqueuse des cornets

inférieurs ;– sécrétions séreuses tapissant les fosses

nasales ;– muqueuse couleur lilas, atone, plus rarement

rouge ;– œdème localisé de la muqueuse ;– polypes au niveau du méat moyen en cas de

participation sinusienne.Des tests cutanés viendront confirmer

l’impression cliniqueLes antihistaminiques par voie générale et/ou par

voie locale intranasale en association avec lescorticoïdes locaux constituent la base du traitement.Ils sont en général très efficaces sur la rhinorrhée. Lacorticothérapie générale en cure courte peut êtreprescrite en cas de rhinite allergique sévère ou pourpasser un cap aigu. Les corticoïdes retard injectablesn’ont aucune indication dans ces cas. L’évictionallergénique est toujours indiquée lorsqu’elle estpossible [5, 7, 9].

¶ Rhinite non allergiqueL’allergie n’est pas la seule cause d’hyperréactivité

nasale. En effet, il existe des rhinites non allergiquesau cours desquelles la rhinorrhée peut êtred’intensité variable [4, 9].

■ Les rhinites par intolérance médicamenteuseou alimentaire : acide acétylsalicylique et dérivés,alcool, certains colorants (tartrazine). Le traitementrepose sur l’éviction de la substance en cause.

■ La rhinite éosinophilique, ou NARES (nonallergic rhinitis with eosinophilic syndrom) : la

symptomatologie diffère peu de celle des autresrhinites, mais l’anosmie est fréquemment retrouvée.Le diagnostic repose sur la négativité du bilanallergique et la présence d’une hyperéosinophiliesécrétoire supérieure à 20 %. Le traitement est basésur la corticothérapie locale. L’évolution versl’asthme n’est pas rare.

■ Les rhinites de cause hormonale : lesœstrogènes jouent un rôle important dans lapathogénie de certains syndromes d’hyperréactiviténasale. Une rhinite chronique peut survenir pendantla grossesse et disparaître après l’accouchement.Citons également la rhinite survenant en périodeprémenstruelle et les rhinites évoluant au cours deshypothyroïdies.

■ Les rhinites iatrogènes par abus devasoconstricteurs locaux : ces rhinites médicamen-teuses sont de type hypertrophique, et l’obstructionnasale est au premier plan. Elles peuvent aussi êtreprovoquées par certains traitements antihyperten-seurs (vasodilatateurs, bêtabloquants). Le traitementpasse en premier lieu par le sevrage, parfois difficile,et/ou la modificat ion du tra i tementantihypertenseur.

Les rhinites vasomotrices proprement dites : ils’agit d’un diagnostic d’élimination. Elles sont enrapport avec un dysfonctionnement neurovégétatif.Les signes cliniques sont souvent dissociés,l’évolution est irrégulière. Des facteurs psychogènessont souvent retrouvés : stress, émotivité, difficultésprofessionnelles ou relationnelles. Le traitement desrhinites à prédominance sécrétoire repose sur lesanticholinergiques locaux (fig 1).

‚ Rhinorrhée purulente

Rhinorrhée purulente unilatérale

¶ Chez l’enfantUne rhinorrhée purulente unilatérale fait

évoquer :■ une atrésie choanale unilatérale : le diagnostic

est clinique, la rhinoscopie met en évidence uneimperforation de la partie postérieure de la fossenasale avec impossibilité de passage vers le cavum ;le scanner permet d’authentifier le caractèremuqueux, osseux ou ostéomuqueux de l’atrésie ; letraitement est chirurgical ;

■ un corps étranger de la fosse nasale : lediagnostic est rhinoscopique. Le traitement reposesur l’extraction du corps étranger.

¶ Chez l’adulteUne rhinorrhée purulente unilatérale fait évoquer

plusieurs possibilités.■ Une tumeur maligne des fosses nasales ou des

sinus : les signes associés évocateurs sont desépistaxis récidivantes ou une rhinorrhée striée desang et des algies faciales. La rhinoscopie met enévidence une masse polypoïde ou bourgeonnantedans la fosse nasale. Les biopsies confirment lediagnostic. Le bilan d’extension locorégional doitcomporter un scanner des sinus en coupes axiales etcoronales, voire une imagerie par résonancemagnétique en cas de doute sur une extensionorbitaire ou endocrânienne. Le traitement estchirurgical.

■ Une tumeur du cavum : les signes rhinolo-giques associés sont une obstruction nasale et/ouune rhinorrhée sanglante. Une hypoacousie detransmiss ion en rapport avec une ot i teséromuqueuse homolatérale à la tumeur est unsigne d’une grande valeur diagnostique.

■ Une tumeur bénigne des fosses nasales :polype de Kil l ian, papil lome inversé. Lasymptomatologie est surtout obstructive. Lediagnostic est endoscopique, scanographique etanatomopathologique.

■ Une sinusite maxillaire chronique d’originedentaire : elle est évoquée devant une rhinorrhéefétide unilatérale associée à des douleurs dentaires.Les principes du traitement sont identiques à ceux dela sinusite d’origine nasale, mais le foyer infectieuxdentaire responsable doit être traité, et il faut tenircompte de la fréquence plus grande des germesanaérobies [2].

■ Une mycose sinusienne : les signes cliniquessont aspécifiques, et la rhinorrhée peut en fairepartie. Le scanner des sinus est fortement évocateur.Le diagnostic de certitude repose sur l’examenmycologique direct et la culture. Le traitement estchirurgical, le plus souvent par voie endoscopiqueendonasale.

Rhinorrhée purulenteou mucopurulente bilatérale

Une rhinorrhée purulente bilatérale fait évoquerune sinusite chronique : la rhinorrhée purulente, oule plus souvent mucopurulente, est parfoisremplacée ou associée à un jetage postérieur. Il peutexister une obstruction nasale, une hyposmie ouune anosmie, parfois une sensation de pesanteurfaciale. Ces signes sont diversement associés.

Rhinorrhée claire

isolée associée

unilatérale bilatérale rhinite allergique rhinite non allergique

traumatiqueiatrogène

sujet âgéorthostatisme

médicamentsNareshormonalesvasoconstricteurs locauxvasomotrices

1 Orientations diagnostiques devant une rhinorrhée claire. 1. Nares : non allergic rhinitis with eosinophilicsyndrom.

6-0492 - Écoulement nasal chronique

2

Page 29: Le manuel du généraliste   orl

L’endoscopie des fosses nasales peut mettre enévidence ces sécrétions purulentes au méat moyenavec un œdème de l’apophyse unciforme et/ou dela bulle, un polype du méat moyen, une polyposenasale extensive. Le bilan radiologique doitcomporter un scanner des sinus, celui-ci doit êtreinterprété en fonction du contexte clinique.

Le diagnostic de sinusite chronique étant posé surdes cri tères cl iniques, endoscopiques etscanographiques, un bilan étiologique minimums’impose :

– recherche d’une allergie ;– prélèvement bactériologique devant un

écoulement purulent persistant malgré uneantibiothérapie adaptée ;

– bilan dentaire ;– recherche d’un diabète .Le traitement des sinusites chroniques est le plus

souvent médical. L’antibiothérapie doit tenir comptedu caractère polymicrobien (Gram+, Gram-,anaérobies) de la flore bactérienne. Les soins locaux

ne doivent pas être négligés (lavages des fossesnasales au sérum physiologique, aérosolthérapie,crénothérapie) [1, 3, 8] (fig 2).

‚ Rhinorrhée croûteuseUne rhinorrhée croûteuse doit faire évoquer

(fig 3) :■ une rhinite atrophique primitive, où ozène

associe rhinorrhée purulente et croûteuse, cacosmie

et obstruction nasale. La rhinoscopie retrouve uneatrophie de la muqueuse nasale, tapissée de croûtes.Le prélèvement bactériologique retrouvefréquemment Klebsiella ozenae. Le traitement estmédical, associant des lavages des fosses nasales,des aérosols, des instillations de produitsmucolytiques et une antibiothérapie active surKlebsiella ozenae. C’est une entité clinique rare denos jours ;

■ une rhinite croûteuse iatrogène postchirurgi-cale : elle est souvent inévitable après utilisation desvoies d’abord rhinoseptales ou paralatéronasales. Laprésence de croûtes est habituelle pendant la phasede cicatrisation après une chirurgie endonasale. Lapersistance des croûtes représente une complicationrare mais redoutable ;

■ une rhinite croûteuse spécifique : tuberculose,sarcoïdose et autres granulomatoses (granuloma-tose Wegener, maladie de Stewart ) . Lesprélèvements bactériologiques et anatomopatholo-giques feront le diagnostic.

‚ Rhinorrhée sanglante

Toute rhinorrhée sanglante chronique, a fortiori sielle est unilatérale, associée à une obstruction nasaleunilatérale ou à des manifestations douloureuses,doit faire éliminer une tumeur des fosses nasales,des sinus ou du cavum.

Elie Serrano : Professeur des Universités, oto-rhino-laryngologiste des Hôpitaux.Josiane Percodani : Chef de clinique-assistant des Hôpitaux.

Jean-Jacques Pessey : Professeur des Universités, oto-rhino-laryngologiste des Hôpitaux.Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale, CHU de Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhes, 31403 Toulouse cedex 4, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : E Serrano, J Percodani et JJ Pessey. Écoulement nasal chronique.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0492, 1998

R é f é r e n c e s

[1] Dessi P, Triglia JM, Tomasi M, Zanaret M, Cannoni M. Prise en charge médi-cochirurgicale de la sinusite maxillaire chronique de l’adulte.Acta Otorhinolaryn-gol Belg1992 ; 46 : 279-285

[2] Jankowski R, Bruhier N. Sinusite maxillaire d’origine dentaire.J F ORL1993 ; 42 : 207-212

[3] Klossek JM. Sinusite chronique : traitement médical.Région Santé1995 ; 36 :16-18

[4] Mullarkey MF. Eosinophilic non allergic rhinitis.J Allerg Clin Immunol1988 ; 82 : 941-949

[5] Naclerio RM. Allergic rhinitis.N Engl J Med1991 ; 325 : 860-869

[6] Peynegre R. Exploration physique des fosses nasales.La Revue du Praticien(n° spécial) :1994, 12-15

[7] Serrano E, Didier A, Percodani J. Les rhinites allergiques en questions. Pil,1995

[8] Serrano E, Percodani J, Pessey JJ. Polypose nasosinusienne : traitement médi-cal.Les Cahiers d’ORL1995 ; 8 :505-509

[9] Wayoff M, Moneret-Vautrin DA. Le syndrome d’hyperréactivité nasale (rhini-tes allergiques et vasomotrices).Encycl Med Chir(Elsevier, Paris) Oto-rhino-laryngologie 20-350-A-10, 1988 : 1-16

Rhinorrhée purulente/mucopurulente

unilatérale bilatérale

enfant adulte

atrésie choanalecorps étranger

tumeur maligne(fosses nasales/cavum)tumeur bénignesinusite d'origine dentairemycose

sinusite chronique

2 Orientations diagnostiques devant une rhinorrhée purulente ou mucopurulente.

Rhinorrhée croûteuse

Primitive = ozène Spécifiques- tuberculose- sarcoïdose- granulomatoses

Iatrogènes- voies rhinoseptales- voies paralatéronasales- chirurgie endonasale

3 Orientations diagnostiques devant une rhinorrhée croûteuse.

Écoulement nasal chronique - 6-0492

3

Page 30: Le manuel du généraliste   orl

Epistaxis

JM Klossek, PJ Fourcroy

R epérer la zone de saignement, évaluer le retentissement de l’épistaxis, arrêter l’hémorragie et contrôler lesfacteurs favorisants : tels doivent être en consultation les quatre réflexes à avoir devant une épistaxis.

© Elsevier, Paris.

■Introduction

L’épistaxis est l’une des plus fréquentes urgencesmédicales. Soixante pour cent de la population a euau moins une épistaxis, et seule 6 % ont justifié uneconsultation médicale. I l n’existe pas deprédominance saisonnière, mais une atmosphèresèche semble être fréquemment associée au risquede saignement. La tache vasculaire sur le septumnasal est le site de saignement le plus fréquent. Laformation de croûtes est habituelle à son niveau etexplique la fréquence des hémorragies, entretenueparfois par les autotraumatismes des patients(grattage, manœuvre digitale). Les hémorragies sontparfois dues à des causes locales (blessure,anomalies vasculaires) ou générales (hémopathies,trouble de l’hémostase). Le rôle du généraliste estprimordial pour évaluer la nécessité d’un avis et/oud’un traitement spécialisé.

■Rappel d’anatomie sur

la vascularisation nasale

Le nez est un organe richement vascularisé par lesystème carotidien externe (artère grande palatineou sphénopalatine et faciale) et carotidien interne(artères ethmoïdales antérieure et postérieure).L’ensemble de ce réseau se distribue dans toute lacavité nasale ; schématiquement, le systèmeethmoïdal pour la région antérieure et supérieure dela fosse nasale, et le système carotidien externe pourla région postérieure. Une région est plusparticulièrement à l’origine des épistaxis : la tachevasculaire. Elle se situe sur le septum de chaque côté,à environ 1 cm en arrière de l’orifice narinaire. Elleest visible sans difficulté à l’examen du nez. Elle estformée par les ramifications terminales desvaisseaux issus à la fois du système ethmoïdal, facialet maxillaire.

■Clinique [1]

Trois situations sont rencontrées en pratique :– le patient a saigné, il ne saigne plus, mais la

répétition des épistaxis l’inquiète et il souhaite enconnaître la cause et le remède ;

– le patient a saigné, il a mis en place unméchage antérieur qui a interrompu l’hémorragie,mais il n’ose pas le retirer ;

– le patient continue à saigner malgré sespremières tentatives de compression ou méchage etconsulte en urgence.

Malgré la diversité apparente de ces situations,l’approche diagnostique et thérapeutique estidentique. Le praticien doit appliquer la mêmerecherche étiologique et proposer graduellement lesexplorations et traitements.

L’attitude en consultation devant une épistaxis sedéfinit en quatre étapes simultanées (fig 1).

■ Arrêter le saignement.■ Evaluer le retentissement du saignement.

■ Suspecter la zone de saignement : uni- oubilatérale, antérieure ou postérieure.

■ Rechercher les facteurs favorisant l’hémor-ragie : trouble de l’hémostase, médicaments,hypertension arterielle, traumatisme, tumeurs.

‚ Evaluer le retentissementde l’hémorragie

La durée est une des notions les plus importantes,et l’abondance du saignement doit être évaluée avecprudence, en recherchant le maximum de preuvesobjectives.

La présence de sueurs, la tachycardie, voire lapaleur sont souvent tardives.

L’angoisse est fréquente et doit être prise encompte dans la prise en charge du patient.

‚ Préciser l’origine du saignement

A l’aide d’un éclairage frontal ou d’une lampe(otoscope), la région nasale antérieure, et enparticulier le septum (tache vasculaire), d’où provientla majorité des épistaxis, est facilement accessible.

L’épistaxis est l’une des plusfréquentes urgences médicales.

60 % de la population a eu au moinsune épistaxis.

Épistaxis : R E A C

Repérer

la zone de saignement

Évaluer Arrêter Contrôler

le retentissement l'hémorragie les facteurs favorisants

Antérieure

Postérieure (ORL)

Tension, pouls

Angoisse

Compression

Tamponnement

Méchage

Ligature vasculaire

Hypertension

Coagulation

Malformation vasculaire

1 Conduite à tenir devant une épistaxis.

En cas d’urgence, le temps desaignement est un examen dedépistage simple et facile à réaliser.

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Chaque fois que cela est possible, il fautprudemment faire moucher le patient pour retirer lecaillot obstruant la cavité nasale. La mise en placed’une pulvérisation de vasoconstricteur en l’absenced’hypertension artérielle (Aturgylt, Pernazènet)facilite l’examen et peut même quelquefois arrêterl’hémorragie. Si le point de saignement n’est pasvisible, il s’agit probablement d’un saignementpostérieur. En l’absence d’une instrumentationspécifique (endoscope), l’examen du reste de lacavité nasale est quasi impossible ; le patient sent lesang couler dans sa gorge, comme le prouvel’examen du cavum. Une origine bilatérale est assezrare même si du sang coule des deux cavitésnasales, car le plus souvent, le sang reflue d’unefosse nasale à l’autre par l’arrière (choanes).

‚ Rechercher les facteurs favorisants(tableau I)

Ils conditionnent la prise en charge et la gravité del’hémorragie.

■ Prise de la tension artérielle (se méfier deshypertensions paradoxales).

■ Relever les médicaments en cours ourécemment arrêtés.

■ Vérifier s’il existe ou non une pathologiesous-jacente (angiomatose, tumeur).

■ Faire un temps de saignement (dépistage).

‚ Arrêter le saignement

La compression bidigitale consiste à faire pincerla portion mobile (cartilagineuse) du nez où siège latache vasculaire. La durée de compression doit êtreau moins égale au temps de saignement, soit enmoyenne au minimum 7 minutes.

En cas d’échec, ou si le saignement est tropabondant : mécher la fosse nasale. L’idéal est defaire moucher le malade avant le méchage, depulvériser un anesthésique local (Xylocaïnetnaphazolinée), puis de glisser la mèche dans le nez.Pour la direction du méchage, garder en mémoireque le plancher de la fosse nasale est approximati-vement parallèle à la ligne aile du nez tragus.

Quel type de mèche ? Une mèche grasse estpréférable à une mèche sèche, car une fois l’arrêt du

saignement obtenu, le risque hémorragique estréactivé lors de l’ablation du méchage. La présenced’un corps gras réduit la formation de croûtes et lerisque hémorragique. L’antibiothérapie n’est passystématique si le méchage est inférieur à 48heures. Des tampons tels Merocelt et Coalgantpeuvent également être proposés. Chez l’enfant oulorsqu’il existe des troubles de l’hémostase ou unemaladie angiomateuse, l’emploi d’une mècherésorbable (Surgicelt) est recommandé. Sarésorption spontanée réduit le risque de reprisehémorragique puisqu’il n’y a pas de déméchage.Toutefois des saignements abondants ne sont pastoujours maîtrisables avec ces mèches.

En cas d’échec, l’appel à l’ORL est nécessaire pourmettre en place une compression antérieure etpostérieure avec un méchage ou une sonde àballonets, voire une ligature vasculaire ou uneembolisation.

‚ Conduite à tenir une foisle saignement arrêté

Soit la perte sanguine a été minime, le patient estrevu pour son déméchage quelque jours plus tard.

Soit aucun méchage n’a été nécessaire, lesaignement s’est arrêté spontanément ou après unesimple compression bidigitale.

Quels que soient les moyens nécessaires à l’arrêtdu saignement, l’attitude est systématisée.

■ Rechercher une cause locale du saignement :tache vasculaire, tumeur, malformation vasculaire(angiomatose), antécédent chirurgical.

■ Rechercher une cause générale : trouble del’hémostase spontané ou provoqué (médicaments+++).

Jean-Michel Klossek : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Pierre-Jean Fourcroy : Interne des Hôpitaux.

Service ORL et chirurgie cervicofaciale, hôpital Jean-Bernard, 86021 Poitiers cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JM Klossek et PJ Fourcroy. Conduite à tenir et traitement d’une epistaxis.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0450, 1998, 2 p

R é f é r e n c e s

[1] Gicquel P, Fontanel JP. Épistaxis.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-310-A-10, 1995 : 1-8

Ne pas oublier les traitements en cours✔ Aspirine, AINS.✔ Anticoagulant.✔ Chimiothérapie.✔ Antihypertenseur.

Tableau I. – Les différentes causes desépistaxis.

Locales Chirurgie, fibroscopieTraumatismesTumorales bénignes et malignesInfection ou inflammationEpistaxis essentielle

Générales Trouble de l’hémostaseAnomalie du temps vasculaire :angiome, Willebrand, capillaritesAnomalie du temps plaquettaire :purpuraAnomalie des facteurs de coagula-tionHypertension artérielle

6-0450 - Epistaxis

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Obstruction nasale chronique

JM Klossek, JP Fontanel

D evant une obstruction nasale chronique, il faut d’emblée reconnaître le caractère unilatéral ou bilatéral del’obstruction. Un tumeur du cavum peut également se révéler par une obstruction nasale. Les obstructions

unilatérales peuvent être d’origine anatomique (déviation septale) ou tumorale. Les obstructions bilatérales sont engénéral dues à une pathologie muqueuse infectieuse ou inflammatoire, dont la polypose nasosinusienne ou ledysfonctionnement des cornets inférieurs. L’interrogatoire est essentiel dans la recherche diagnostique afin detrouver les signes associés et les circonstances de déclenchement.© Elsevier, Paris.

■Introduction

L’obstruction nasale chronique est une causefréquente de consultation.

L’interrogatoire est la pièce essentielle de ladémarche diagnostique.

Schématiquement, il est utile de distinguer lesformes unilatérales dues à des causes localesarchitecturales ou tumorales et les formes bilatéralesdues à des pathologies de la muqueuse.L’obstruction nasale peut être due à des causesendonasales , mais auss i s inusiennes etrhinopharyngées.

■Physiopathologie

La perméabilité nasale est régulée à la fois parl’architecture nasale et la muqueuse qui recouvrecelle-ci. Sur la face latérale de la cavité nasale, il y a,de haut en bas, trois cornets dans chaque caviténasale, dont l’origine embryologique est différente.Le cornet inférieur est un os indépendant ; lescornets moyen et supérieur appartiennent à l’osethmoïdal. Le cornet inférieur est recouvert d’unemuqueuse érectile qui est formée d’un réseauvasculaire anastomotique. En situation normale, ilexiste un cycle nasal qui régule la perméabiliténasale [3]. La muqueuse nasosinusienne, et enparticulier le cornet inférieur, subissent un cyclealternatif de vasodilatation et de vasoconstrictiondont la résultante donne une sensation deperméabilité nasale confortable. Cet équilibre est

modifié par la température ambiante, la posture, lespathologies inflammatoires chroniques allergiquesou non. Une déviation septale (cloison nasale)retentit d’autant plus sur la respiration qu’elle estantérieure. D’autres anomalies peuvent retentir surle confort nasal : malformation de la valve nasale etde l’orifice choanal chez l’enfant.

■Clinique : comment analyser

l’obstruction nasale ?

‚ Interrogatoire

Il est essentiel. Il renseigne sur les circonstances desurvenue, la durée et le rythme de l’obstruction, lecôté obstrué, les signes associés (trouble de l’odorat,épistaxis, rhinorrhée postérieure, douleur), la prise demédicaments.

‚ Examen des fosses nasales

Il comprend l’examen de la pyramide nasale et dela portion antérieure des cavités nasales.

L’analyse porte sur l’aspect des cornets inférieurset du septum nasal. La portion postérieure descavités nasales n’est pas accessible sans le recourssoit à une rhinoscopie postérieure, soit à un examenà l’optique souple ou rigide.

■Examens complémentaires

Ils sont guidés par la suspicion diagnostique.

La radiologie standard est peu utile par rapportaux renseignements fournis par l’interrogatoire. Enrevanche, la tomodensitométrie ou l’imagerie parrésonance magnétique (IRM) [2] sont indispensablessi une tumeur est soupçonnée, et elles peuvent êtreutiles dans le suivi des pathologies infectieuses etinflammatoires.

Les autres investigations (rhinomanométrie,cytologie nasale) sont réalisées par l’ORL.

■Enquête étiologique

Dès la consultation, certaines données del’interrogatoire et de l’examen orientent l’enquête.Schématiquement, une obstruction unilatérale doitfaire évoquer une pathologie d’organe (déviationarchitecturale, tumeur). Une obstruction bilatérale faitsuspecter une pathologie muqueuse. Ne pas oublierqu’une tumeur du rhinopharynx peut se dévoiler parune obstruction nasale uni- ou bilatérale (fig 1)(tableau I).

Pour faciliter l’examen endonasal, onpeut utiliser l’otoscope aprèspulvérisation de vasoconstricteurs.

La plupart du temps, ils sont inutilescar l’interrogatoire et la cliniquesuffisent à évoquer le diagnostic ou àdemander un avis spécialisé.

Ne pas poursuivre un traitementvasoconstricteur au-delà de 8 jourssans diagnostic étiologique.

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‚ Obstructions unilatérales

Tumeurs

¶ BénignesElles sont en général non douloureuses.■ Le polype antrochoanal de Killian est une des

tumeurs bénignes les plus fréquentes. Il prend sonorigine dans le sinus maxillaire et, par effet demasse, tombe dans le cavum. Il est parfois visibledans la fosse nasale. L’obstruction est progressive,rebelle aux traitements médicaux. Peuvent s’enrapprocher des polypes solitaires plus rares, dontl’origine est ethmoïdale ou sphénoïdale.

■ Le papillome inversé est assez souvent unemasse granuleuse, blanchâtre, irrégulière, parfoishémorragique, située dans le méat moyen. Il touchel’adulte et peut s’accompagner d’épistaxis.

■ Chez le nourrisson et le petit enfant, il faut seméfier d’une anomalie de la ligne médiane(méningoencéphalocèle, gliome).

¶ MalignesMalgré la malignité, les douleurs sont tardives. En

revanche, les épistaxis sont fréquentes maissouvent peu abondantes, ce qui ne doit pas faireretarder le diagnostic. Elles siègent dans le sinusethmoïdal, le sinus maxillaire, voire sur le septum.Longtemps invisibles car confinées dans la cavitésinusienne, les tumeurs se dévoilent dans la fossenasale sous la forme d’une masse irrégulièresouvent recouverte de sécrétions mucopurulentes.Ce sont des carcinomes épidermoïdes ouglandulaires, ou des lymphomes.

Causes anatomiques

¶ Constitutionnelles■ Chez le nourrisson, l’atrésie choanale bilatérale

dépistée dès la naissance ne pose guère de problème.En revanche, l’atrésie unilatérale peut être découverte,parfois même tardivement, chez l’adulte. Le diagnosticest aisé, en faisant souffler l’enfant par le nez, narinepar narine. En cas d’infection unilatérale répétée, nepas oublier le corps étranger enclavé.

■ Les déviations septales ou rhinoseptales (fig 2)peuvent être spontanées, présentes dès l’enfance,mais souvent bien tolérées jusqu’à l’âge adulte, oupost-traumatiques. Elles sont d’autant plus maltolérées qu’elles sont antérieures. L’obstruction estpermanente, non améliorée par les vasoconstricteurs.

Causes infectieuses [1]

Les sinusites, ou rhinosinusites chroniques,s’accompagnent d’une obstruction nasale. Dans cesformes unilatérales, les causes dentaires sont àrechercher ainsi que les mycoses sinusiennes.

‚ Obstructions bilatérales

Pathologies infectieuses

L’atteinte bactérienne des cavités nasosinu-siennes s’accompagne d’une obstruction

bilatérale. Des sécrétions purulentes recouvrent lamuqueuse nasosinusienne inflammatoire etrouge.

Pathologies inflammatoires [4]

■ La dysfonction des cornets inférieurs (fig 3) setraduit par une obstruction nasale isoléeaugmentant en décubitus et sensible auxvasoconstricteurs au début. À l’examen, il existe unehypertrophie bilatérale des deux cornets inférieurs.La muqueuse est rouge, hypervascularisée.L’hypertrophie peut être diffuse ou localisée auniveau de la queue du cornet.

■ La rhinosinusite allergique et la polyposenasosinusienne sont les affections les plus typiques àévoquer. Dans ces cas, la présence de troublesolfactifs, de rhinorrhée aqueuse et de crisesd’éternuements sont à rechercher. La muqueusenasosinusienne est souvent pâle, œdématiée,traduisant l’infiltrat inflammatoire. Le cornet inférieurpeut être atteint (fig 4), mais aussi le cornet moyen etl’ethmoïde antérieur. La présence de polypes

Unilatérale

Tumorale Anatomique Corps étranger Infectieuse

Bénigne Maligne Constitutionnelle Traumatique Dentaire Mycose

Bilatérale

Infectieuse Inflammatoire

Bactérienne Tumorale (cavum) Allergique Non allergique

1 Arbre diagnostique d’obstruction nasale chronique (hormis les causes rhinopharyngées).

Tableau I. – Conduite à tenir devant une obs-truction nasale chronique.

Interrogatoire : uni- ou bilatérale, permanent, évo-lution par crises, isolé ou associé

Examen : septum, cornet inférieur, cavum

Examens complémentaires : endoscopie nasale,tomodensitométrie, IRM

En cas d’obstruction unilatérale :toujours penser à une tumeur.

2 Fosse nasale gauche. Éperon septal antérieur tou-chant le cornet inférieur.

3 Fosse nasale gauche. Hypertrophie du cornetinférieur.

4 Fosse nasale droite. Polypose nasosinusienne obs-truant la fosse nasale.

6-0483 - Obstruction nasale chronique

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bilatéraux est parfois visible dans chaque fossenasale, confirmant le diagnostic de polypose.

Pathologies tumorales

Les tumeurs du cavum peuvent se révéler parune obstruction bilatérale. La présence d’uneotite séreuse ou d’adénopathies cervicales

renforce cette suspicion diagnostique. Lesépistaxis sont plus rares. L’origine du patient(Maghreb, Sud-Est asiatique) accroît la suspiciondiagnostique.

L’examen est délicat, et la radiographie du cavumpeut être utile en cas de doute.

Un avis spécialisé s’impose pour vérifier l’aspectdu cavum.

Jean-Michel Klossek : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Jean-Pierre Fontanel : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Service d’oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervicofaciale, hôpital Jean Bernard, 355, avenue Jacques-Cœur, BP 577, 86021 Poitiers cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JM Klossek et JP Fontanel. Obstruction nasale chronique.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0483, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Klossek JM, Fontanel JP. Sinusites maxillaires.Encycl Med Chir(Elsevier,Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-430-A-10, 1997 : 1-8

[2] Klossek JM, Fontanel JP, Ferrie JC. Explorations radiologiques des cavitéssinusiennes et nasales.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie,20-422-A-10, 1997 : 1-8

[3] Peynegre R, Brossard B. Exploration physique et fonctionnelle des fossesnasales.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-290-A-10,1997 : 1-8

[4] Peynegre R, Coste A. Polypose nasosinusienne.Encycl Med Chir(Elsevier,Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-395-A-10, 1997 : 1-8

Ne pas oublier d’explorer le cavumdevant une obstruction nasalechronique uni- ou bilatérale.

Obstruction nasale chronique - 6-0483

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Otite moyenne aiguë

JM Klossek, JP Fontanel

U ne otite moyenne aiguë doit être systématiquement recherchée chez tout nourrisson ou enfant fébrile. Autroisième jour du traitement antibiotique, l’état de l’enfant doit être contrôlé par le médecin. En cas de

résistance des symptômes (otorrhée, fébricule, bombement rétrotympanique), un prélèvement du pusrétrotympanique doit être effectué du fait de l’émergence de souches bactériennes résistantes, en particulier depneumocoques.© Elsevier, Paris.

■Épidémiologie [1]

On estime à cinq millions le nombre d’otitesdiagnostiquées en France chaque année.Actuellement, le diagnostic d’otite moyenne aiguë(OMA) correspond à la survenue brutale d’une fièvre,associée à une otalgie et à une modification del’aspect tympanique (hypervascularisation,bombement). Le pic de fréquence de survenue sesitue entre 6 et 18 mois.

Cinquante pour cent des OMA survenant chez lesenfants de moins de 1 an sont vues par le pédiatre.Après l’âge de 2 ans, 60 % des otites sont vues par legénéraliste. La durée de l’épanchement liquidienpostinfectieux est plus longue si l’enfant a moins de2 ans. Les facteurs de risque commencent à êtremieux perçus, en particulier le mode de garde, lacrèche collective étant la plus significativementassociée au risque de récurrence. Le caractèresaisonnier des otites est également bien connu, avecla prépondérance hivernale. Enfin, le tabagismepassif semble jouer un rôle favorisant dans lasurvenue d’une OMA.

Le jeune âge semble être étroitement associé aurisque d’échec thérapeutique, de même que leportage rhinopharyngé de pneumocoquesrésistants.

■Physiopathologie [2]

L’oreille moyenne est en communication avec lerhinopharynx par la trompe auditive (tromped’Eustache). C’est un milieu habituellement stériledont la contamination se fait à partir des bactériescolonisant le rhinopharynx. Cette migration peut sefaire lors de reniflement, de mouchage, maispeut-être également de proche en proche. Lesmoyens de défense sont à la fois non spécifiques(clairance mucociliaire, chimiotactisme, phagocytose)et spécifiques (immunités systémique et locale). Unefois l’inoculum en place, on observe unevasodilatation et une augmentation de laperméabilité vasculaire. L’épanchement créécontient de nombreux polynucléaires et produits dessécrétions glandulaires, ainsi que des médiateurs del’inflammation (fig 1). Tous ces éléments renforcent

le phénomène inflammatoire, dont le rôle exactn’est pas totalement élucidé. Les germes les plussouvent en cause sont [3] :

– Haemophilus influenzae ;– les pneumocoques ;– les virus.

■Conduite devant une OMA

‚ Comment reconnaître l’otite ?

Symptomatologie

Elle varie selon l’âge de l’enfant. Plus l’enfant estjeune, plus le diagnostic est trompeur, car lasymptomatologie est souvent non spécifique ;toutefois, l’otalgie et la fièvre sont les deuxprincipaux symptômes à rechercher.

Chez le nourrisson, tout syndrome fébrile, mêmesepticémique, doit faire rechercher systémati-quement sa présence. Les signes digestifs et lesmodifications du comportement (torpeur, sommeilagité) peuvent la révéler. Sa recherche doit êtreégalement systématique lors d’une rhinopharyngite,même d’allure virale. L’otalgie classiquementpulsatile, vive ou lancinante est plus aisée àretrouver chez le grand enfant.

D’autres modes révélateurs sont possibles, soitsous la forme d’une otorrhée pendant un rhumealors qu’aucun signe otologique ne le laissaitprésager, soit par une complication qui reste toujourspossible, pouvant même parfois inaugurer l’histoireclinique.

Parfois, enfin, l’otite est totalement asymptoma-tique, confirmant l’intérêt d’un examen systématiquedes tympans chez tout enfant fébrile.

Est-ce que la clinique peut orienter vers le germeen cause ? Il est classique de suspecter un

Facteurs de risques d’échecs d’uneOMA✔ Jeune âge.✔ Mode de garde en crèche collective.✔ Antécédent d’otites récidivantes.✔ Tabagisme passif.✔ Prédominance masculine ? 1 Otite moyenne aiguë. Otoscopie du tympan droit.

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pneumocoque lorsque la fièvre est très élevée et ladouleur intense. La présence d’une conjonctivitepurulente est en faveur d’une infection àHaemophilus influenzae [4].

Examen des tympans

Il n’est pas toujours facile. L’agitation de l’enfant,l’étroitesse du conduit chez le nourrisson et laprésence de cérumen sont les obstacles quotidiens àl’otoscopie. Certaines techniques peuvent êtreproposées pour réduire ces inconvénients.

¶ TechniquesPour éviter toute mobilité pendant l’examen, le

nourrisson est allongé sur la table d’examen,éventuellement enroulé dans un drap.

Le jeune enfant est immobilisé sur les genoux del’assistant, la tête bloquée du côté de l’oreille àexplorer.

On expose le conduit auditif externe en tirant lepavillon vers le haut et l’arrière.

On nettoie le conduit à l’aide d’un fin Coton-Tige,humecté si besoin de sérum physiologique. Onexpose le champ tympanique à l’aide du spéculumen évitant toute blessure ou pression vive quipourrait augmenter l’agitation de l’enfant.

¶ Éclairage de la zone éxaminéeSi l’otoscopie au microscope binoculaire est la

meilleure solution, elle n’est pas utilisable audomicile de l’enfant. L’otoscope est la solution la plusutilisée ; il doit offrir une luminosité et ungrossissement suffisants pour voir aisément lamembrane tympanique et le conduit auditif externe.

¶ Zones à analyserLa membrane tympanique, normalement

transparente, réfléchit la lumière en avant (trianglelumineux), car, à ce niveau, elle est face aux rayonslumineux.

Dans l’OMA, plusieurs aspects sont possiblesselon le stade.

Au début, le tympan est hypervascularisé, enparticulier autour du manche du marteau. Letympan est rosé, parcouru par des vaisseauxcongestifs.

Lorsque l’épanchement se produit, il se traduit parun aspect infiltré du tympan, dont la transparence adisparu.

Si l’épanchement est déjà abondant, il refoule letympan, dont les reliefs s’émoussent, et le trianglelumineux disparaît. Au fur et à mesure quel’épanchement se constitue, la membranetympanique est refoulée, et l’aspect classique debombement tympanique centré sur le manche dumarteau est visible.

Si l’épanchement continue, la rupture tympaniquesurvient, accompagnée d’une otorrhée révélatrice.La perforation classiquement punctiforme siège ausommet de la déformat ion, souventpostérosupérieure.

Quel que soit l’aspect trouvé, le traitement doitêtre débuté rapidement, car l’évolution d’un stade àl’autre est imprévisible.

Il n’est pas utile de réaliser des examenscomplémentaires, sauf en cas de complications oud’échec du traitement initial.

‚ TraitementSi l’emploi des antibiotiques est largement

répandu dans cette pathologie, l’émergence desouches résistantes a fait rediscuter l’antibiothérapieprobabiliste, dont le rôle sur l’écologie bactérienneest en voie d’évaluation [3, 6].

Le choix du traitement antibiotique est guidé parles données actualisées de l’épidémiologie, l’analysedes échecs, ainsi que les essais cliniques.

Les antibiotiques disponibles sont les pénicillines,les céphalosporines et éventuellement lesmacrolides.

Actuellement, les deux principaux germes encause sont Haemophilus influenzae et Streptococcuspneumoniae. Leur sensibilité aux antibiotiques n’estpas tout à fait identique (tableau I).

Aujourd’hui, cette situation impose en cas d’échecle recueil de la collection intratympanique. Même sila paracentèse alourdit la prise en charge de l’otite,l’émergence des résistances bactériennes justifie ceprélèvement afin d’identifier les causes des échecs etguider les futures prescriptions. L’attitudethérapeutique, en revanche, n’est pas bloquée dansl’attente du résultat bactériologique, en particulier sil’état du malade est préoccupant. Dans ce cas, si unpneumocoque à sensibilité diminuée est suspecté,l’amoxicilline à la dose de 150 mg/kg en trois prisesou la ceftriaxone sont prescrites. Si H influenzae estenvisagé, l’amoxicilline + l’acide clavulanique, lecéfixime et le céfuroxime axétil sont actifs.

Traitements adjuvants

Si la prescription d’anti-inflammatoires ou decorticoïdes est classique, pour prévenir la survenued’un épanchement postinfectieux, son efficacité n’estpas encore totalement prouvée par les étudescomparatives en cours.

Contre la douleur et la fièvre, l’utilisation deparacétamol ou d’aspirine reste la référence.

Les mucolytiques n’ont par ailleurs jamais fait lapreuve de leur efficacité dans cette indication.

Combien de temps traiter ?

Cette durée est fixée empiriquement entre 8 et 10jours. Ceci dit, la pratique permet de constatersouvent une mauvaise compliance du malade. Desétudes sur la durée ont confirmé l’éradication rapidedu germe lorsque l’antibiotique était adapté. Celarenforce l’intérêt de revoir l’enfant vers le troisièmejour pour apprécier l’efficacité du traitement : soit lasymptomatologie a disparu, et le traitement peutêtre poursuivi jusqu’au huitième jour, voire jusqu’aucinquième jour pour certains auteurs, soit desanomalies persistent [5] (otorrhée, fébricule,bombement ou simple collection rétrotympanique),et il est probable que l’antibiotique n’est pas actif, soiten raison des doses utilisées, soit à cause de lamolécule.

■Quelle attitude en pratique ?

■ Essayer d’identifier cliniquement desassociations syndromiques en faveur d’une espècebactérienne.

■ Essayer de diversifier l’antibiothérapie pourréduire, au moins théoriquement, l’acquisition derésistances.

■ Essayer d’identifier les affections virales.■ Respecter la posologie et la cinétique de

l’antibiotique choisi.■ Actualiser ses connnaissances sur l’épidémio-

logie régionale des OMA.

■Évolution (fig 2)

Dans la majorité des cas, l’apyrexie est obtenueen moins de 72 heures, et l’otoscopie se normaliseen 8 à 15 jours.

Parfois, l’évolution est traînante, et des signesd’infection persistent au-delà de 3 semaines.

Antibiotiques possibles (liste nonexhaustive)Amoxicilline : 100 mg/ kg/j en 3prises.Amoxicilline + acide clavulanique :80 mg/kg/j en 3 prises.Céfixime : 8 mg/kg/j en 2 prises.Cefpodoxime proxétil : 8 mg/kg/j en 2prises.Céfuroxime axétil : 30 mg/kg/j en 2prises.Céfaclor : 40 mg/kg/j en 3 prises.Céfatrizine : 35 à 50 mg/kg/j en 2prises.Céfadroxil : 50 à 100 mg/kg/j en 2prises.Érythromycine + sulfafurazole :50 mg/kg/j en 3 prises.

Tableau I. – Les antibiotiques oraux actifs sur les bactéries couramment identifiées dans l’otitemoyenne aiguë.

H influenzae S pneumoniae

B+ B– S I/R

Amoxicilline S R S I/SAmox/Clav S S S I/SCéfixime S S S RCéfuroxime/Axetil S S S I/SCefpodoxime-prox S S S I/SCéfaclor S MS S R

B+ : bêtalactamase présente ; B- : bêtalactamase absente ; S : sensible ; I : intermédiaire ; R : résistant ; MS : modérément sensible ; Amox/Clav :amoxicilline/acide clavulanique ; prox : proxétil.

6-0410 - Otite moyenne aiguë

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L’enfant est souvent asthénique, la courbe depoids stagnante, l’otorrhée fréquente et latempérature persistante, mais rarement au-delàde 38,5 °C. L’examen otoscopique, souventdélicat à réaliser, fait constater une membranetympanique épaissie dont les reliefs sont effacés.Parfois, un bombement postérosupérieur ou uneotorrhée sont visibles.

Dans tous les cas, le prélèvement estindispensable. Le pneumocoque et H influenzaedemeurent les germes prédominants, mais leursensibilité est souvent diminuée.

La recherche biologique d’un syndromeinflammatoire est un bon marqueur (numérationformule sanguine et protéine C réactive).

Le traitement médical est toujours guidé par legerme identifié, au besoin après plusieursprélèvements. L’antibiothérapie par voie orale ouparentérale est adaptée également à la sensibilitédu germe. Le reflux gastro-œsophagien (RGO)doit être évoqué et traité. La surveillance estclinique : état général et aspect otoscopique. Letraitement est poursuivi au moins 15 jours ; sil’amélioration n’est pas constatée malgré letraitement adapté, la mastoïdectomie estdiscutée.

Si une otite séreuse résiduelle est constatée, uneadénoïdectomie avec paracentèse ou aérateurstranstympaniques est envisagée après unesurveillance prolongée.

La récidive de l’otite moyenne est l’autre modeévolutif ; elle concerne surtout l’enfant de 1 à 2ans. Les facteurs fréquemment associés à cesrécidives sont l’âge de survenue du premierépisode, l’enfant de sexe masculin et le mode degarde de l’enfant. Les germes ne semblent pasêtre différents de ceux rencontrés lors de l’otiteisolée ; en revanche, le rôle des virus est évoquépar plusieurs études.

La prévention des récidives est multifactorielle :

– correction d’un RGO ou d’une carencemartiale ;

– discuter l’indication d’une adénoïdectomie oude la pose d’aérateurs transtympaniques.

■Conclusion

L’OMA doit être systématiquement recherchéechez tout nourrisson ou enfant fébrile. Devantl’émergence des résistances du pneumocoque et d’Hinfluenzae, il est nécessaire d’affiner le choix del’antibiothérapie, au besoin après un prélèvement dupus rétrotympanique.

Jean-Michel Klossek : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Jean-Pierre Fontanel : Professeur des Universités, praticien hospitalier.

Service d’oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervicofaciale, hôpital Jean Bernard, 355, avenue Jacques-Cœur, BP 577, 86021 Poitiers cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JM Klossek et JP Fontanel. Otite moyenne aiguë.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0410, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Berche P, Gehanno P, Olivier C et al. Épidémiologie de la flore nasopharyngéeau cours des otites moyennes aiguës de l’enfant.Med Mal Infect1996 ; 26 : 5-19

[2] Cohen R. Impact des antibiotiques sur la flore nasopharyngée.Med Mal Infect1996 ; 26 : 25-29

[3] Cohen R, Boucherat M, Coicadan L et al. Enquête épidémiologique surl’OMA. Medecine et enfance,1996 : 27-31

[4] Cohen R Danan C, Geslin P. Le syndrome otite-conjonctivite : à propos de 81observations.Med Mal Infect1988 ; 18 : 553-557

[5] Garabedian EN, Roelly P, Lacombe H, Denoyelle F. Otites traînantes et mas-toïdites subaiguës de l’enfant. Étude prospective à propos de 118 cas.Ann Otola-ryngol Chir Cervicofac1990 ; 107 : 126-131

[6] Gehanno P. Épidémiologie bactérienne et analyse critique des essais thérapeu-tiques dans l’otite.Med Mal Infect1992 ; 22 : 114-129

Conduite à tenir devant une otite

Arbre décisionnel devant une otite moyenne aiguë :

Hi : Haemophilus influenzaePn : PneumocoquePnsd : Pneumocoque à sensibilité diminuée

otite moyenne aiguë non compliquée

Association syndromiqueConjonctivite : HiOtalgie, fièvre élevée : Pn

Enfant sans facteursde risque

Enfants avec facteurs de risqueCrèche

Jeune âgePortage rhinopharyngé : Pnsd

Antibiotique "ciblés"

Antibiotiqueprobabiliste

AntibiotiqueAnti-Pnsd, Hi

Contôle au 3e jour

AmélioréAntibiotique

poursuivi

Échec = prélèvement

2 Arbre décisionnel devant une otite moyenne aiguë.

Otite moyenne aiguë - 6-0410

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Rhinopharyngite

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L a rhinopharyngite est un motif fréquent de consultation des enfants comme des adultes. Après avoir écarté lescomplications (otite, sinusite), il faut se garder de prescrire une antibiothérapie. Cette prescription est un

élément majeur de la relation médecin-malade. Elle représente 10 % de l’ensemble de l’antibiothérapie prescrite parles généralistes et 1 % du coût total de leurs prescriptions pharmaceutiques.© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : rhinopharyngite, otite, sinusite, antibiotiques.

■Introduction

Cliniquement, la rhinopharyngite [1] se définitcomme une inflammation de l’étage supérieur dupharynx, éventuellement associée à une atteintenasale. Les signes cliniques sont variables :rhinorrhée ou obstruction nasale, fièvre, toux,asthénie, céphalées. Il peut s’associer une otalgie,une conjonctivite et éventuellement une sensationde mal-être [6] qui peut être le vrai motif deconsultation chez des patients en difficulté sociale oupsychologique. L’examen clinique retrouve unemuqueuse pharyngée érythémateuse et unerhinorrhée parfois purulente. Le caractère purulent [1]

de la rhinorrhée n’est pas synonyme d’unesurinfection bactérienne justifiant un traitementantibiotique. Ce caractère purulent est habituel.

Les virus habituellement en cause sont lesrhinovirus, les coronavirus, le virus respiratoiresyncytial, le virus Influenzae, les adénovirus etl’entérovirus... Les bactéries commensales durhinopharynx sont Streptococcus pneumoniae,Haemophilus influenzae, Moxarella catarrhalis et lestaphylocoque, de sorte que le prélèvementbactériologique des sécrétions nasales ne permetpas de guider le traitement ou d’identifier le germecausal. Il s’agit toujours d’un diagnostic clinique etprobabiliste.

L’examen clinique permet à la fois de rechercherune complication infectieuse à type d’otite moyenneaiguë ou de sinusite maxillaire et de rassurer lepatient sur la bénignité de son affection. La durée del’évolution est en règle de 7 à 10 jours, mais lapériode fébrile dépasse rarement 4 jours.

■Complications

L’otite moyenne aiguë [7] est recherchée deprincipe par un examen attentif du tympan avec unotoscope à fibre optique. L’otite moyenne aiguë estune complication rare ; elle survient en général dès

les premiers jours de la maladie et la fréquence estmaximale chez les enfants de moins de 2 ans gardésen crèche (risque de 30 % dans certaines études).L’otite séreuse peut se manifester par unehypoacousie et un aspect dépoli un peu terne dutympan à l’examen otoscopique. Elle est laconséquence d’une inflammation dans la caisse dutympan sans infection de l’oreille moyenne. Elle sediagnostique au mieux au tympanogramme quimontre une courbe plate au lieu de la courbe en« cloche » habituelle. Elle peut engendrer un retarddans l’acquisition du langage dans les formeschroniques chez les enfants de moins de 3 ans. Lemaniement de l’appareil peut s’apprendre lors d’uneséance de formation continue et le coût de l’appareilest environ de 3 000 euros. Cette technique estutilisée en routine dans les pays scandinaves par lesmédecins de famille.

La sinusite maxillaire survient dans 0,5 à 10 % [1]

des cas. La pneumatisation des sinus maxillairess’opère vers 3 à 4 ans et la persistance d’unerhinorrhée purulente unilatérale et fétide doit fairerechercher un corps étranger dans les fosses nasaleschez l ’enfant par un examen oto-rhino-laryngologique (ORL). Une douleur à la pression d’unsinus, la persistance d’une fièvre au-delà de 5 jours,voire un érythème sous-orbitaire doivent fairesuspecter une sinusite maxillaire. En médecinegénérale, l’examen ultrasonographique [21] a lamême sensibilité et spécificité que la radiographiedes sinus, avec un risque de faux positif en cas depolypes dans les fosses nasales. Cette technique noninvasive a été comparée à la ponction des sinus quiest considérée comme l’étalon-or pour le diagnosticde sinusite maxillaire. Il est probable que cet outildiagnostique va entrer dans le cabinet de médecinegénérale au même titre que le stéthoscope car ilpermet un résultat immédiat sans irradiation. Soncoût actuel est d’environ 3 000 euros, ce qui en fait leseul obstacle à sa diffusion en France. Cette méthodeest également utilisée couramment en soinsprimaires dans les pays nordiques. L’examenclinique seul a une mauvaise sensibilité et spécificitépar rapport à la radiographie ou à l’examenultrasonographique des sinus (tableaux I, II, III).

La conjonctivite purulente, en particulier chez lenourrisson, est une complication [1] classique quirépond bien au traitement local par collyre. Lesgermes usuels sont Haemophilus influenzae etM o x a r e l l a c a t a r r h a l i s . La présence d’uneconjonctivite associée doit faire rechercherattentivement une otite moyenne aiguë associée.

Les parents doivent être avertis des signes devantconduire à une nouvelle consultation :

– gêne respiratoire, sifflements ;– fièvre d’apparition secondaire ou persistant

au-delà de 3 à 4 jours ;– persistance des symptômes au-delà de 10

jours ;– réveils nocturnes ;– otalgie, otorrhée ;– symptômes digest i fs ou cutanés ou

conjonctivite purulente.Les facteurs de risque de complications

infectieuses sont l’immunodépression, lesantécédents d’otite moyenne aiguë, en particulierrécidivante, les enfants de moins de 2 ans gardés encollectivité et probablement le tabagisme parental.

■Traitement (fig 1)

Le traitement en l’absence de complicationrepose sur : le lavage régulier des fosses nasalesavec du sérum physiologique qui sera bien expliquéaux parents, les antipyrétiques. Chez l’adulte, lesvasoconstricteurs nasaux peuvent contribuer auconfort du patient en l’absence de contre-indication.Une attention particulière est de mise en cas deprojet de voyage en avion ou en cas de pratique deplongée sous-marine. En cas de récidives trèsfréquentes, on recherche une carence martiale [7].

La rhinopharyngite est une des affections les plusfréquentes en médecine générale, en particulier chezl’enfant de moins de 3 ans. Dans une étudefrançaise [9], la fréquence de la rhinopharyngite étaitde 10 % au sein des enfants de moins de 10 ansconsultant en médecine générale. En 1 an, 45 % despersonnes souffrent d’une rhinopharyngite [11], soit

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25 millions de cas annuels. L’incidence annuelle estde 197 pour 100 nourrissons de moins de 2 ans.L’incidence annuelle décroît rapidement à 70 pour100 enfants de 2 à 15 ans et oscille un peuau-dessus de 30 épisodes pour 100 personnes àl’âge adulte. La fréquence des rhinopharyngitesdécroît [11] avec l’âge mais aussi leur proportion dansles motifs de recours aux soins du fait del’augmentation des autres pathologies liées auvieillissement. Le recours aux soins pour un épisodede rhinopharyngite est variable d’un pays à l’autre eten fonction de nombreux facteurs [ 6 , 1 5 ]

environnementaux, psychologiques et sociaux.L’absence de couverture complémentaire [11] est unfrein notable puisqu’il diminue d’un tiers lesconsultations pour rhinopharyngite à âge et sexecomparables. Les patients qui ont des troubles de

l’humeur [6], des relations sociales pauvres, unemauvaise estime de soi, consultent plus volontierspour rhinopharyngite. Les comparaisonsinternationales [8] sont hasardeuses compte tenu desdifférences nosographiques d’un pays à l’autre, enparticulier au sein de l’Europe. La rhinopharyngiteregroupe en effet les rhinites (rhume) et lespharyngites (mal de gorge) et l’association des deux.Dans une étude épidémiologique [20] récente menéepar une équipe de l’Université de Gand en France eten Italie portant sur 900 enfants consultant enmédecine générale, l’âge moyen était de 28 moisavec un sex-ratio de cinq garçons pour quatre filles.Les enfants avaient eu en moyenne 4,1 épisodes derhinopharyngite l’année précédente contre 1,4 casd’otites moyennes aiguës. La rhinorrhée, parfoisassociée à une toux ou une otalgie sans otite

moyenne aiguë, était considérée comme un signede rhinopharyngite par le médecin généraliste. Il n’yavait pas de différence de prise en charge ou decritères diagnostiques entre la France et l’Italie. Lecoût de la prise en charge était similaire dans lesdeux pays, avec un large intervalle de confiance. Lesfacteurs de majorations du coût étaient un épisoded’otite moyenne aiguë lors de l’hiver précédent, unpremier épisode d’otite moyenne aiguë avant 6mois, un antécédent d’otorrhée, un enfant gardé encrèche. Toutefois, l’intérêt d’une antibiothérapie danscette population supposée à risque de surinfectionn’a jamais été démontré.

Dans une étude menée au pays de Galles [3], untiers des patients souhaitaient recevoir unantibiotique et les mères de familles acceptaient plusvolontiers de renoncer à un traitement antibiotique

Tableau I. – Radiographie comparée à la ponction (d’après[21]).

Étude N Prévalence Sensibilité 95 % CI Spécificité 95 % CI RV+ RV-

McNeill 1963 242 0,61 0,76 (0,71 - 0,82) 0,76 (0,70 - 0,81) 3,12 0,31

Revonta 1980 I 170 0,46 0,87 (0,82 - 0,92) 0,91 (0,87 - 0,95) 9,94 0,14

Revonta 1980 II 60 0,58 0,80 (0,70 - 0,90) 0,80 (0,71 - 0,89) 2,92 0,52

Kuusela 1982 156 0,53 0,83 (0,77 - 0,89) 0,72 (0,65 - 0,79) 2,92 0,24

Van Buchem 1995 62 0,26 0,63 (0,50 - 0,75) 0,91 (0,84 - 0,98) 7,19 0,41

Savolainen 1997 234 0,80 0,93 (0,90 - 0,96) 0,62 (0,55 - 0,68) 2,43 0,11

Laine 1998 72 0,32 0,61 (0,50 - 0,72) 0,98 (0,95 - 1,00) 29,83 0,40

Total 996

Moyenne pondérée 0,87 (0,85 - 0,88) 0,89 (0,88 - 0,91) 3,36 0,26

95 % Cl : intervalle de confiance ; RV+ : rapport de vraisemblance + (ne dépend pas de la prévalence) ; RV− : rapport de vraisemblance− (ne dépend pas de la prévalence) ; RV : fréquence du résultat d’un test chez les malades/mêmefréquence chez les sains.

Tableau II. – Échographie comparée à la ponction (d’après[21]).

Étude N Prévalence Sensibilité 95 % CI Spécificité 95 % CI RV+ RV-

McNeill 1963 170 0,46 0,87 (0,82- 0,92) 0,91 (0,87 - 0,95) 9.94 0,14

Revonta 1980 I 200 0,53 0,92 (0,88 - 0,95) 0,81 (0,75 - 0,86) 4,73 0,10

Revonta 1980 II 60 0,58 0,94 (0,88 - 1,00) 0,72 (0,61 - 0,83) 3,37 0,08

Kuusela 1982 156 0,53 0,71 (0,64 - 0,78) 0,64 (0,56 - 0,71) 1,94 0,46

Van Buchem 1995 48 0,27 0,54 (0,40 - 0,68) 0,94 (0,88 - 1,00) 9,42 0,49

Savolainen 1997 234 0,80 0,81 (0,76 - 0,86) 0,72 (0,67 - 0,78) 2,94 0,26

Laine 1998 72 0,32 0,61 (0,50 - 0,72) 0,53 (0,42 - 0,65) 1,30 0,74

Total 940

Moyenne pondérée 0,85 (0,84 - 0,87) 0,82 (0,80 - 0,83) 2,78 0,30

95 % Cl : intervalle de confiance ; RV+ : rapport de vraisemblance + (ne dépend pas de la prévalence) ; RV− : rapport de vraisemblance− (ne dépend pas de la prévalence) ; RV : fréquence du résultat d’un test chez les malades/mêmefréquence chez les sains.

Tableau III. – Examen clinique comparé à la ponction (d’après[21]).

Étude N Prévalence Sensibilité 95 % CI Spécificité 95 % CI RV+ RV-

Berg 1985 90 0,48 0,75 (0,70- 0,82) 0,78 (0,70 - 0,87) 3,45 0,32

Berg 1988 155 0,44 0,66 (0,58 - 0,73) 0,79 (0,73 - 0,85) 3,13 0,43

Total 245

Moyenne pondérée 0,69 (0,65 - 0,73) 0,79 (0,75 - 0,82) 3,25 0,40

95 % Cl : intervalle de confiance ; RV+ : rapport de vraisemblance + (ne dépend pas de la prévalence) ; RV− : rapport de vraisemblance− (ne dépend pas de la prévalence) ; RV : fréquence du résultat d’un test chez les malades/mêmefréquence chez les sains.

6-0396 - Rhinopharyngite

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pour leurs enfants que pour elles-mêmes. Lasatisfaction du patient est plus fortement corrélée àla qualité de la relation médecin-patient qu’aurésultat de la consultation éventuellementmatérialisée par une prescription antibiotique. Lamajorité des patients cherchent à être rassurés etréclament des informations sur la nature bénigne deleur maladie, plutôt qu’ils ne souhaitent uneprescription à tout prix d’un antibiotique, même sic’est leur idée initiale. Le fait de souligner les risquesd’effets secondaires à type de mycose ou de troublesdigestifs peut aider le médecin à s’abstenir d’uneprescription d’antibiotique. L’inefficacité desantibiotiques sur les maladies virales est une subtilitéqu’il n’est pas toujours facile de communiquer aumalade, surtout si le médecin est surmené oudébordé par sa charge de travail. En effet, l’absenced’efficacité des antibiotiques sur les maladies viralespeut se heurter à la conviction du patient, si celui-ci aété rapidement soulagé pour un épisode similaire,lorsque le médecin a enfin accepté de prescrire letraitement adéquat au moment où les symptômesallaient naturellement s’amender...

La satisfaction du patient est également fortementcorrélée à la durée des symptômes et ausoulagement de la douleur. Les patients quiexpriment un souhait de recevoir un antibiotique ontplus de chance d’en recevoir un et, surtout si laperception de ce désir du patient par le médecin estforte [3], le médecin multiplie par dix la chance deréaliser cette prescription ! Dans cette étudequalitative, les médecins généralistes ontmassivement exprimé leur amertume ou leursdifficultés à renoncer à délivrer une prescription :sensation de frustration si le malade se sentabandonné par son médecin, sentiment de s’être faitmanipuler si on a accepté une prescription injustifiée,

et tentation de prescrire pour éviter les conflitsinutiles et écourter la consultation. Toutefois, unmédecin a expliqué combien il était heureux deconvaincre réellement un patient de renoncer à unantibiotique inutile alors que la demande initialeétait forte, mais a reconnu que cette éventualité estrare. Les médecins ressentent leur rôle dans lagenèse du risque de sélection de bactérie résistantecomme négligeable et la prescription d’unantibiotique à spectre étroit une ou deux fois l’anpour une infection présumée virale leur apparaîtcomme dérisoire, dans la masse de l’usage parfoisirrationnel des antibiotiques. Certains pensent qu’ilne faut pas compromettre la qualité de la relationmédecin-malade en refusant systématiquement deprescrire un antibiotique dans les affectionsprésumées virales, que certains patients sontobjectivement améliorés par le traitement et qu’ilpourrait même y avoir un risque médicolégal si lemalade présentait quelques jours après unesurinfection à type de pneumonie franche lobaireaiguë et que l’on pourrait dire « son généraliste n’arien fait, pas même prescrit un antibiotique » ... Laplupart des médecins interrogés reconnaissent queles prescriptions inutiles permettent d’écourter lesconsultations mais accroissent le risque deconsultations ultérieures pour une maladie similaire.Ce qui est un avantage pour le médecin exerçantdans un système de paiement à l’acte est uninconvénient dans les systèmes de paiement à lacapitation. Cela peut être une explication partielledes différences de niveau de prescriptions d’un paysà l’autre.

Peu de médecins demandent explicitement aupatient s’il souhaite ou non un antibiotique et l’unedes pistes pour améliorer la situation serait depermettre au patient de se soigner lui-même lors

d’épisodes très bénins de rhumes isolés enfavorisant une éducation adéquate, en particulierdes femmes enceintes, ou lors des consultations deprotection maternelle et infantile (PMI) car les mèressemblent plus réceptives à l’idée de renoncer à unantibiotique pour leurs enfants que pourelles-mêmes.

Dans une étude [2] portant sur 544 patients et 15médecins généralistes, 67 % des patients souhaitentrecevoir une prescription et deux tiers desprescriptions seulement obéissent au savoir médicalen vigueur. Le plus fort déterminant de laprescription est l’idée que se fait le médecin dusouhait de son malade. L’opinion du patientattendant son médecin a été comparée avec l’avisdu médecin en fin de consultation par un enquêteurextérieur. Si le médecin se sent contraint de prescrire,cela multiplie par cinq la probabilité de prescrire, cequi est édifiant pour une étude britannique où lemédecin est rémunéré à la capitation. Les femmesmédecins [4] semblent plus sensibles à la demandedu patient et un peu plus prescriptrices, comme celaa été identifié en France.

Dans les pays où il existe des infirmières [5]

spécialisées en médecine générale qui effectuent letriage des malades, leur efficacité sur la rapidité deguérison, les récidives et la consommationd’antibiotiques est similaire à celle du médecin. EnFrance, les consultations de médecine préventive(médecine scolaire, de crèche, PMI, dispensaires,médecine du travail, etc) pourraient être associéesaux médecins généralistes dans l’éducation despatients. Il est en effet rare qu’un médecin de crèchene conseille pas aux parents de consulter en urgenceleur médecin traitant pour un nourrisson fébrilesouffrant de rhinopharyngite, et ce serait le lieu idéalpour démystifier la prescription antibiotique commeune panacée rendant possible un retour rapide à lacrèche et libérant les parents d’un souci important...

Mieux prendre en compte les craintes du patient,consacrer du temps à expliquer et convaincre,donner le sentiment de prendre en charge« sérieusement » le patient qui a peur de déranger lemédecin pour des maux mineurs, insister sur lesavantages à s’abstenir de prescrire pour éviter leseffets secondaires, offrir la possibilité d’unedeuxième consultation en cas de non-régression dessymptômes à 5 ou 7 jours, voici les pistes [10] quipeuvent aider le médecin à réduire ses prescriptionsdans les affections supposées virales. Des sessionsde formation médicale continue [19] interactives et enpetits groupes peuvent réduire très significativementles prescriptions inutiles et cet effet peut perdurerdans le temps au moins 18 mois.

Dans une étude [16] menée à Southampton auRoyaume-Uni, on a comparé chez 716 patients deplus de 4 ans, dans un essai clinique randomisé, troisstratégies possibles : traitement par antibiotiquespour 10 jours, pas de traitement, traitementantibiotique en cas de persistance des symptômesau bout de 3 jours. On constate une absence dedifférence significative sur la durée des symptômes,sur la fréquence d’amélioration au troisième jour, surla durée de l’arrêt scolaire ou de maladie, ou sur lasatisfaction du patient. La fréquence descomplications à type de surinfections bactériennesest similaire dans les trois groupes. La satisfaction dupatient était fortement corrélée à la durée dessymptômes et la qualité de la relation médecin-patient. Les patients du groupe avec antibiotiquesd’emblée avaient un jour de fièvre en moins et ont

Rechercher une complication infectieuse :otite moyenne aiguë, angine bactérienne, sinusite maxillaire, pneumopathie bactérienne

Examen clinique attentif

Vigilance renforcée

ATCD d'otites moyennes aiguës récidivantes

Nouvelle consultation si persistancedes symptômes (rhinorrhée et/ou toux de plus de 10 jours, fièvre de plus de 4 jours, œil rouge ou purulent, dyspnée, otalgie)Lavage nasal, antalgiques, antipyrétiques

- Éducation du patient/parents

- Lavage nasal

- Abstention ou paracétamol

- Otite séreuse

- Immunodépression

- Tabagisme actif

- Antibiotique adapté

- Antalgiques

- Antipyrétique- Lavage nasal

Rhinopharyngitenon compliquée

avec facteur de risque

Rhinopharyngitenon compliquée

sans facteur de risque

Rhinopharyngite

avec surinfection bactériennedès la première consultation

1 Stratégie de prise en charge d’une rhinopharyngite aiguë. ATCD : antécédent.

Rhinopharyngite - 6-0396

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exprimé plus souvent le souhait de reconsulter pourun épisode similaire (79 % versus 54 % versus 57 %).Il n’y avait pas de différence sur les rechutes à courtterme ou sur la fréquence des surinfectionsbactériennes. Ces patients ont été suivis pendant 1an, ce qui a permis de montrer [14] qu’une durée desymptômes supérieure à 5 jours, un antécédentd’épisode de bronchite ou la prescription initialed’antibiotiques pour un épisode similaire étaient desfacteurs de risque de rechute, c’est-à-dire deconsultation pour un épisode similaire (38 % versus27 %). Les patients de plus de 12 ans, ceux quiavaient le plus attendu avant de consulter, lespatients souffrant d’une toux associée sont ceux quiavaient une durée de maladie la plus longue. Lasatisfaction [3, 15] du patient est mieux corrélée ausentiment d’être pris au sérieux qu’au fait de recevoirou non un antibiotique. Les médecins perçoiventassez mal le désir du patient et surestiment souventle souhait du patient ; ils semblent poser la questiondirectement au patient assez rarement. Dans lesétudes colligées sur le sujet, la fréquence [2, 3, 15]

d’erreur d’appréciation du médecin oscille entre 20et 50 %.

L’antibiothérapie [11] pour rhinopharyngitereprésente environ 10 % de l’ensemble del’antibiothérapie prescrite par le généraliste et 1 %du coût total de leur prescription pharmaceutique.Dans une étude du CREDES [11], la fréquence deprescription des antibiotiques était de 46 %. L’ordrede grandeur retrouvé dans diverses [8] études est de40 %, ce qui n’est pas très différent de ce que l’onrencontre au Royaume-Uni ou en Allemagne qui ont

des niveaux de développement comparables ; enrevanche, la fréquence de consultation pour cettemaladie est nettement plus élevée en France,probablement pour des raisons culturelles et defacilité d’accès aux soins primaires (temps d’attenteplus long au Royaume-Uni, coût plus élevé enAllemagne). Cette fréquence [11] était plus élevéedans l’est de la France (effet climatique ?), chez lesnouveaux patients, les patients soignés à domicile,les généralistes de 45 à 54 ans plus fortsprescripteurs que leurs cadets, les médecins ayantune grosse patientèle. L’effet du secteurconventionnel semble neutre. Le risque de mauvaisusage s’accroît si le patient est une femme, avec l’âgedu malade et plus le niveau d’éducation de celui-ciest bas. Le coût de l’antibiothérapie est moins élevélorsque le médecin exerce également hors de soncabinet. En revanche, le niveau d’activité et le moded’exercice [4, 11], seul ou en groupe, ont un effetneutre sur le coût de l’antibiothérapie dans uneétude et à risque de prescriptions iatrogènes dansune autre. En 1995 et malgré les référencesmédicales opposables [12] (RMO), 6 % environ desprescriptions comportaient un corticoïde. Laprescription conjointe d’un anti-inflammatoire nonstéroïdien (AINS) a fortement chuté à la suite desRMO [12], interdisant l’association systématique d’unAINS avec un antibiotique dans les affections ORLcourantes, sauf cas particuliers. Le niveau deprescription est également similaire en fréquence [18]

aux États-Unis, en particulier dans l’Etat du Kentuckyoù une étude [17] portant sur 50 000 patientsconsultant en soins primaires pendant 1 an a été

conduite : 48 % des patients consultant pour unépisode présumé viral ont reçu un antibiotique, 4 %seulement des patients ont développé unecomplication à type d’otite moyenne aiguë et moinsde 1 % une sinusite maxillaire aiguë. Cesprescriptions inutiles ont été évaluées à 10 dollarsenviron par consultation [17] de soins primaires, quelque soit le motif pour le programme Medicaid, quiest l’équivalent de notre couverture maladieuniverselle (CMU) pour les plus démunis auxÉtats-Unis... Des résultats similaires ont été rapportésparmi la clientèle des pédiatres américains.

■Conclusion

La rhinopharyngite, autrefois dénommée maladied’adaptation comme étant le témoin del’apprentissage immunitaire des nourrissons et desenfants, demeure un motif de consultation fréquent,même chez l’adulte. La prise en charge réclame uneécoute attentive et une éducation des patients pourréduire les prescriptions évitables d’antibiotiques. Ence début de XXIe siècle, une aide concrète aumédecin généraliste est nécessaire pour s’approprierde nouveaux outils diagnostiques, tant dans ledomaine de la prise en charge des complicationsque dans celui plus subtil du diagnostic éducatif dupatient, de ses attentes et des ses représentationsmentales de la santé, sans lequel il serait illusoired’améliorer la morbidité liée aux rhinopharyngites.

Olivier Wong : Médecin , 45, rue Saint-Lambert, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Wong O. Rhinopharyngite.Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0396, 2002, 5 p

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6-0396 - Rhinopharyngite

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Sinusite

JM Klossek, C Desmons

L es sinusites sont réparties en deux grandes familles: les atteintes infectieuses et les atteintes inflammatoires.Dans les formes infectieuses aiguës typiques, aucun examen complémentaire n’est indispensable. Le traitement

repose sur l’antibiothérapie, la lutte contre la congestion nasale et la douleur. Dans les formes inflammatoires, letraitement est souvent long. On pourra s’aider d’un examen tomodensitométrique, mais l’interrogatoire estprimordial à la recherche d’une allergie ou d’une intolérance.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Les sinusites ou rhinosinusites (fig 1, 2), sontréparties en deux grandes familles : les atteintesinfectieuses et inflammatoires (tableau I).

■ Dans les atteintes infectieuses, l’étiologie peutêtre virale, bactérienne ou mycosique. Les formesunilatérales sont fréquemment dues à des causeslocales, les formes bilatérales reflètent souvent uneanomalie de terrain. ■ Dans les formes inflammatoires, l’atteinte est

bilatérale, spécifique (allergie) ou non spécifique(stress, température, chimique).

■Physiopathologie

Les cavités sinusiennes appendues aux cavitésnasales communiquent toutes avec la cavité nasalepar un orifice étroit : l’ostium sinusien [5]. Cet orificepermet l’équilibre pressionnel entre les deux cavitéset le transport mucociliaire des sécrétionssinusiennes vers le rhinopharynx. Une agression

virale, bactérienne, allergénique, chimique ouphysique perturbe cet équilibre physiologique. Lamuqueuse, en réponse à l’agression, devientœdématiée, réduisant le diamètre ostial. Le transportmucocilaire est ralenti , ce qui augmentel’inflammation et entretient le dysfonctionnementsinusien [2 ] . La concentration en oxygèneintrasinusien diminue, aggravant le processusinflammatoire. La destruction de l’agent causalpermet le retour à la normale et évite le passage à lachronicité.

■Sinusites ou rhinosinusites

infectieuses

‚ Formes aiguës

Tous les cavités sinusiennes peuvent êtreinfectées mais, en pratique, la localisation maxillaireest la plus fréquente. Les atteintes ethmoïdales,frontales et sphénoïdales sont plus rares.

Rhinosinusite maxillaire aiguë [3]

¶ SymptomatologieComment la reconnaître en consultation ?Elle survient brutalement soit chez un patient

indemne de toute pathologie rhinosinusienne, soitchez un patient atteint d’une affection rhinosinu-sienne chronique.

La douleur est évocatrice, sa localisationcorrespond à la cavité sinusienne infectée

Les données de l'examen

DouleursFièvreMouchage purulent

Obstruction nasale bilatéraleAnosmieÉternuements en salves

Formesinfectieuses

Formesinflammatoires

1 Arbre décisionnel devant une sinusite.

Les rhinosinusites inflammatoires bilatérales

œdémateuse

spécifiquesAllergie

Intolérance

non spécifiquesStress, physique

chimique

polypeuses

spécifiquesAllergie

Intolérance

non spécifiquesStress, physique

chimique

2 Rhinosinusites inflammatoires.

Tableau I. – Les différentes sinusites ou rhinosinusites.

Formes aiguës Rhinosinusites viralesRhinosinusites bactériennes

Formes chroniques Rhinosinusites infectieuses(bactérienne, parasitaire, mycosique)Rhinosinusites inflammatoires bilatérales(œdémateuse, polypeuse)(spécifiques : allergie, intolérance)(non spécifiques : stress, chimique, physique)

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(tableau II). Ici elle est infra-orbitaire irradiant vers lesdents. Elle est souvent pulsative, augmentant auxmouvements de tête.

L’écoulement nasal purulent, associé àl’obstruction homolatérale, renforce la suspiciondiagnostique.

La fièvre absente au début, atteint rapidement38 - 38,5 °C.

¶ Examen cliniqueL’examen des fosses nasales, après instillation de

vasoconstricteur (Pernazènet, Aturgylt), confirme laprésence de pus. Un examen attentif de la caviténasale, au besoin à l’aide d’un otoscope, précisel’origine des sécrétions. Lorsqu’elles siègent dans leméat moyen, l’origine maxillaire est la plus probable,mais le sinus frontal ou ethmoïdal antérieur peuventégalement en être à l’origine. Le sphénoïde se drainedans la portion postéro-supérieure de la fossenasale, souvent difficile à voir. La présence de pusdans le cavum reflète indirectement la suppurationsinusienne.

L’examen de la denture est systématique,particulièrement minutieux dans les formesunilatérales.

¶ Comment rechercher la cause ?L’atteinte peut être virale ou bactérienne. Il est

toutefois très difficile en pratique quotidienne dedistinguer ces deux formes, même si la présence depus renforce la suspicion en faveur de la causebactérienne. De plus, le pourcentage respectif dechacune des étiologies reste méconnu. En casd’atteinte bactérienne, les germes les pluscouramment rencontrés sont l’Haemophilusinfluenzae, le pneumocoque, les autres strepto-coques. Le staphylocoque doré et Branhamellacatarrhalis sont plus rarement isolés. Quant auxgermes anaérobies et aux entérocoques, ils sont plussouvent signalés dans les formes d’origine dentaireou lors de poussées de surinfection de sinusitechronique.

¶ Examens complémentairesFaut-il en faire et lesquels ? Dans les formes

typiques, ils ne sont pas nécessaires.En cas d’insuffisance du traitement ou de rechute

malgré un traitement adapté :– la radiographie est intéressante pour vérifier

l’absence de cause locale (pâte dentaire, mycose) ;– l’examen à l’optique est utile pour analyser

l’état des méats sinusiens et guider un prélèvementdu pus ;

– la connaissance de la flore bactérienneprobabiliste dispense d’un prélèvement dans lesformes non compliquées.

¶ Comment la traiter ?Les objectifs : lutter contre l’infection, la

congestion nasale, la douleur.

Lutter contre l’infection

L’antibiothérapie est choisie en fonction desgermes soupçonnés (cf supra). De nombreusesmolécules peuvent être choisies :

Des études sont actuellement proposées pourréduire la durée des traitements afin d’améliorer lacompliance du patient car souvent les symptômesdisparaissent en 3 à 5 jours et le malade est tentéd’arrêter le traitement à ce stade. Les résultatspréliminaires sont en faveur, pour certainesmolécules, d’un raccourcissement. Toutefois, desétudes complémentaires sont nécessaires pourvérifier l’éradication bactériologique du foyerinfectieux.

Lutter contre la congestion nasale

Les vasoconstricteurs sont rapidement efficacessur l’obstruction nasosinusienne. Leur prise pendant2 à 4 jours n’entraîne aucun risque iatrogène enl’absence des contre-indications classiquescardiovasculaires (HTA, angor, etc). La réduction del’œdème muqueux réduit également la douleur.

La place des anti-inflammatoires reste encore àdéfinir, même si leur prescription est largementrépandue. Des études sont actuellement en courspour vérifier l’influence exacte de la corticothérapiesur l’évolution symptomatique. Si elle est décidée,elle est prescrite pour 3 à 5 jours à la dose de1 mg/kg/j équivalent prednisone. Son arrêt estbrutal, sans recours à une posologie dégressive.

Lutter contre la douleur

Outre les vasoconstricteurs, la prescriptiond’antalgiques est parfois nécessaire pendant les 48premières heures. L’association à un antipyrétiqueest une alternative pratique pour lutter égalementcontre la fièvre.

¶ ÉvolutionL’évolution est rapidement favorable, aucun

contrôle radiologique n’est nécessaire dans lesformes simples. Il n’est à envisager qu’en cas d’échecou de complication. La tomodensitométrie estsouvent plus intéressante que les radiographiesstandards, en particulier dans les formescompliquées, après un examen endoscopique descavités nasales. Les complications sont devenuesexceptionnelles. Elles sont orbitaires et doivent êtrerecherchées dès le premier examen : trouble de lamobilité, mydriase paralytique.

Éthmoïdite aiguë

Beaucoup plus rare, elle touche surtout le jeuneenfant dont le sinus ethmoïdal est le sinus le plusdéveloppé. La douleur fronto-orbitaire n’est pastoujours retrouvée. La fièvre est rapidement élevée.L’œdème douloureux de l’angle interne de l’œil estle signe clinique le plus évocateur. La fosse nasalehomolatérale peut être normale ou obstruée par dessécrétions purulentes. Le risque de complicationorbitaire est élevé en cas de retard thérapeutique.L’exploration radiologique est décidée devant uneforme compliquée ou si une collection estsuspectée ; c’est la tomodensitométrie [4].

Le traitement comprend toujours un voletmédical. antibiothérapie dirigée contre l’hemophilus,le pneumocoque, le staphylocoque ou lesanaérobies (ex : Amoxicilline-acide clavulanique,céphalosporine de troisième génération). En cas deformes compliquées ou d’un environnement familialdéfavorable : hospitalisation pour antibiothérapieparentérale.

La chirurgie assure le drainage de la collectionpurulente périorbitaire en cas de complications oude retard diagnostique.

Sinusite frontale aiguë

Rare, elle atteint l’adulte. Si la cause rhinogènereste la plus fréquente, les antécédents de chirurgieendonasale doivent être recherchés. L’intensité de ladouleur témoigne de la dysperméabilité du canalnasofrontal. Celle-ci conditionne les choixthérapeutiques. Dans les formes modérées,l’antibiothérapie avec instillation locale devasoconstricteur est suffisante. Dans les formeshyperalgiques, hospitalisation et drainage sontnécessaires.

Sinusite sphénoïdale aiguë (tableau II)

Très rare, elle est suspectée devant des douleursoccipitales associées à une fièvre de 38 - 38,5 °C.L’examen clinique est très pauvre, la fosse nasale estparfois congestionnée mais elle peut être strictementnormale. Seul l’examen endonasal à l’optique donneaccès à l’ostium situé au fond de la cavité nasale. Latomodensitométrie est l’examen radiologique àdemander pour confirmer la suspicion clinique [4].Son diagnostic impose un traitement antibiotiqueparentérale associé à des vasoconstricteurs locaux.Le pronostic est lié au risque de complicationsintracrâniennes, en général dues à un retard de priseen charge. L’hospitalisation est souhaitable.

‚ Formes chroniques infectieuses

Elles doivent être distinguées des formes aiguësrécidivantes où le patient est totalementasymptomatique entre les poussées aiguës. Si, pourles formes bilatérales la recherche de l’étiologie estsouvent difficile, pour les formes unilatérales il fautactuellement systématiquement penser à la mycosesinusienne ou à un foyer dentaire.

Comment les reconnaitre ?

La rhinorrhée postérieure est le maître symptôme,la douleur étant exceptionnelle. La congestionnasale est parfois associée. Une pathologiebronchopulmonaire est à rechercher (dilatation desbronches).

Tableau II. – Localisation des douleurssinusiennes.

Maxillaire Sous-orbitaireIrradiation dentaire, orbitaire

Éthmoïdale fronto-orbitaireIrradiation temporale, rétro-orbitaire, racine du nez

Frontale Sus-orbitaireIrradiation temporale, nuquale

Sphénoïdale Rétro-orbitaireIrradiation pariétale, temporale,occipitale

Amoxicilline-acide clavulanique 1,5 gà 3g /j pendant 10 jours ;Pristinamycine 2g/j pendant 10 jours ;Céfuroxime axétil 500mg/j pendant 10jours ;Céfixime 400mg/j pendant 10 jours.

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Examens complémentaires

La tomodensitométrie peut révéler la cause de lasuppuration chronique en particulier si unilatéralel’état dentaire et vérifié. Un déficit immunitaire,quoique exceptionnel, peut être recherché, de mêmequ’une anomalie ciliaire. Un avis spécialisé estsouhaitable : pour vérifier l’état de la muqueusenasale, faire des prélèvements.

Traitement

Il est avant tout médical, souvent long et difficile. Ilcomprend des mesures hygiénodiététiques : lavagesde nez, arrêt du tabac, éventuellement immunosti-mulant ou modulateur. L’antibiothérapie doit êtreréservée aux poussées de réchauffement, dont lesgermes responsables sont semblables aux germesdes formes aiguës. Si l’antibiothérapie amélioretransitoirement l’état clinique, la rechute ou lapersistance de la suppuration conduit à demanderun avis spécialisé.

■Sinusites ou rhinosinusites

inflammatoires [1, 6, 7]

Comment les reconnaître ? (fig 2)

Elles doivent être suspectées devant uneobstruction nasale bilatérale, un trouble de l’odorat,une rhinorrhée antérieure et/ou postérieure souventséreuse. Les éternuements en salves sontfréquemment associés à l’hyperréactivité nasale.Une irritation conjonctivale est étroitement associéeaux formes allergiques. La chronologie est variable,soit continue, soit par crises répétitives.

Ces formes se révèlent parfois par unesurinfection et miment une rhinosinusite aiguë.Toutefois, à l’issue du traitement, le patient« rechute » ou reste gêné et l’interrogatoire redevientprimordial pour retrouver les symptômes initiauxévocateurs (fig 3).

Elles sont parfois associées à une allergie ou uneintolérance médicamenteuse (AINS), alimentaire.L’association à un asthme ou un équivalentd’hyperréactivité bronchique est à rechercher.Inversement ces rhinosinusites inflammatoires sontà dépister chez tout asthmatique.

À l’examen endonasal, les anomalies touchent lecornet inférieur et/ou moyen. Deux aspects sontpossibles : soit la muqueuse est pâle, œdématiée,recouverte d’un mucus translucide, soit des polypessont visibles bilatéralement dans le méat moyen.

Examens complémentaires

Quels examens sont nécessaires ?■ Les tests allergologiques sont demandés en cas

de suspicion clinique car l’interrogatoire resteprimordial.

■ La radiologie standard est peu performante. Latomodensitométrie est surtout utile en cas d’échecthérapeutique ou de doute diagnostique. Cespathologies se traduisent par des opacités diffuses,centrées sur l’ethmoïde antérieur et le sinusmaxillaire.

■ La biologie.Si l’interrogatoire fait suspecter une allergie, les

RMO suggèrent le recours d’emblée au tests cutanés.S’il existe un doute, le dosage d’IGE spécifique(maximum 4) est parfois intéressant. La recherched’IGE totales est en revanche inutile. L’hyperéosino-phi l ie est rare dans ces rhinosinusi tesinflammatoires.

Traitement (tableau III)

Pour traiter les symptômes, il existe plusieurschoix possibles :

– les corticoïdes locaux sont plus actifs surl’obstruction nasale ;

– les antihistaminiques généraux ou locauxagissent sur la rhinorrhée et les éternuements ;

– les anticholinergiques locaux agissent sur larhinorrhée ;

– les antidégranulants mastocytaires sont plusspécifiques aux formes allergiques.

Le choix est guidé par la symptomatologie et sachronologie.

¶ Traitement étiologiqueSi une allergie est présente, l’éviction et

éventuellement l’immunothérapie spécifique sontindiquées. Dans les autres formes, il n’y a pas detraitement étiologique.

¶ Autre traitementEn pratique, quel traitement proposer une fois la

rhinosinusite identifiée ?

Il comprend souvent deux phases : le traitementde la poussée révélatrice et le traitement de fond.

Traitement de la poussée révélatrice

La corticothérapie est le principal anti-inflammatoire utilisé. Une cure courte de 6 à 12jours, par voie générale, réduit l’œdème et améliorele confort du patient (prednisone ou prednisolone1mg/kg/24h). Les vasoconstricteurs locaux sontparfois utiles dans les premiers jours, de même queles antibiotiques lorsqu’une infection révèle lapathologie.

Traitement de fond

L’hygiène nasale, l’arrêt du tabac, l’éviction desallergènes ou médicaments et aliments en causesont systématiquement discutés.

La corticothérapie intranasale est souventnécessaire quotidiennement pour contrôlerl’inflammation nasale. Lorsqu’une allergie estprésente, les antihistaminiques sont égalementutiles. La désensibilisation peut également parfoisêtre proposée.

La durée du traitement est difficile à proposer, car,très souvent, plusieurs mois ou années sontnécessaires pour obtenir une guérison. Une étudeprécise, avec le patient, des facteurs déclenchants,des périodes symptomatiques des éventuellesallergies peuvent souvent préciser un calendrierthérapeutique.

La chirurgie est discutée devant un échec ou unecontre-indication au traitement médical. Elles’adresse surtout aux polyposes.

Jean-Michel Klossek : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Catherine Desmons : Interne des Hôpitaux.

Service d’oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervico-faciale, hôpital Jean Bernard, 355, avenue Jacques-Cœur, BP 577, 86021 Poitiers Cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JM Klossek et C Desmons. Sinusite.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0460, 1998, 4 p

Chronique

Aiguë

Normale Aiguë Aiguë à répétition Chronique Chronique avec surinfection

3 Formes évolutives des rhinosinusites.

Tableau III. – Traitement des rhinosinusites inflammatoires.

Traitement symptomatique Traitement étiologiqueAntihistaminiques Éviction des allergènesCorticoïdes locaux DésensibilisationVasoconstricteurs locauxCorticoïdes généraux

Traitement associé Traitement chirurgicalLavage nasal échec ou contre-indication au traitement médicalArrêt du tabac

Sinusite - 6-0460

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R é f é r e n c e s

[1] Dessi P. Diagnostic d’une polypose nasosinusienne.Cahiers d’ORL1995 ;30 : 498-504

[2] Klossek JM, Fontanel JP. Exploration physique et thérapeutiques spécialesdes sinus. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie,20-420-A-10, 1992 : 1-8

[3] Klossek JM, Fontanel JP. Sinusites maxillaires.Encycl Med Chir(Elsevier,Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-430-A-10, 1994 : 1-5

[4] Klossek JM, Fontanel JP, Ferrie JC. Explorations radiologiques des cavitéssinusiennes et nasales.Encycl Med Chir(Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie,20-422-A-10, 1993 : 1-16

[5] Legent F, Perlemuter L, Vandenbrouck C. Cahier d’anatomie ORL. Fossesnasales-pharynx (3e ed). Paris : Masson, 1981 : 7-69

[6] Peynègre R, Coste A. Polypose nasosinusienne.Encycl Med Chir(Elsevier,Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-395-A-10, 1994 : 1-10

[7] Serrano E, Percodani J, Pessey JJ. Polypose nasosinusienne : traitement médi-cal.Cahiers d’ORL1995 : 30 : 505-509

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Surdité brutale

P Bordure, F Jegoux, F Legent

L e généraliste peut, grâce à un diapason, définir l’origine transmissionnelle ou neurosensorielle d’une surdité.La principale cause de surdité brutale est la surdité brusque idiopathique. C’est une surdité de perception, qui

nécessite un traitement d’urgence, de préférence en milieu hospitalier, et un bilan complet spécialisé à distance, à larecherche, en particulier, d’un neurinome du VIII.© Elsevier, Paris.

■Introduction

La surdité est à la fois un symptôme et unhandicap. La survenue brutale d’une surdité asouvent une signification particulière, pouvantnécessiter un traitement d’urgence approprié. Aussiest-il indispensable de connaître l’origine de cettesurdité. Or un certain nombre de surditéssurviennent en dehors de tout contexte cliniqueévocateur, ce qui en rend le diagnostic difficile. Il fautrattacher à ces surdités brutales l’aggravation d’unesurdité déjà connue. Une surdité peut en effet encacher une autre, comme par exemple uneotospongiose associée à un neurinome del’acoustique.

En pratique, la notion de contexte est primordialeà faire préciser en premier.

■Examen

Dans tous les cas, un examen otologique minimals’impose, même si l’étiologie paraît évidente. Ilcomprend l’otoscopie et l’acoumétrie au moins audiapason, pour savoir s’il s’agit d’une surdité detransmission, de perception ou d’une surdité mixte.

L’examen otoscopique s’impose toujours enpremier, ne serait-ce que pour éliminer un bouchonde cérumen. Chez un patient diabétique, l’extractiondu bouchon de cérumen doit être réalisée par unoto-rhino-laryngologiste (ORL), compte tenu durisque d’otite externe maligne. De même, il fautvérifier après, extraction du bouchon, l’absenced’anomalies sous-jacentes par l’otoscopie etl’acoumétrie.

L’examen au diapason est un moyen simple etrapide de différencier surdité de perception

(neurosensorielle) et surdité de transmission. Onutilise de préférence un diapason de 250 ou 500 Hz.Les tests de Weber et de Rinne sont les deux testsacoumétriques indispensables.

‚ Test de Weber

Le test de Weber consiste à placer le diapason surle vertex, le front, ou le menton. On demande aupatient : « Dans quelle oreille entendez-vous le son :à droite, à gauche, ou dans les deux à la fois ? » : si lepatient désigne l’oreille sourde, c’est qu’il s’agit d’unesurdité de transmission. Il arrive fréquemment que lepatient hésite pour admettre que le son est plus fortdans l’oreille sourde. Si le patient est indécis ou s’ildésigne l’oreille saine, il s’agit probablement d’unesurdité neurosensorielle.

‚ Test de Rinne

On demande au patient si le son est plus fort enappliquant le diapason sur la mastoïde, ou enplaçant le diapason à 2 cm du méat auditif externe(les branches du diapason étant placées dans un

plan parallèle à celui du conduit auditif externe). Leson est plus fort avec le diapason sur la mastoïdequand il existe une surdité de transmission. C’estl’inverse en cas d’audition normale ou de surdité deperception.

■Surdités survenant

dans un contexte patent

Schématiquement, on peut distinguer lescontextes traumatiques et les contextes infectieux(tableaux I, II).

‚ Contextes traumatiques

■ Traumatisme direct : en particulier par uncoton-tige, où les lésions peuvent intéresser nonseulement la membrane tympanique mais aussi lachaîne ossiculaire et l’oreille interne. Un examenotologique est donc indispensable.

■ Gifle, traumatisme crânien, barotraumatismesurvenant pendant un vol en avion ou à l’occasion

Tableau I. – Étiologie des surdités brutales : surdités de transmission.

Contexte Otoscopie Étiologie

Bain en piscine, otalgie Bouchon de cérumen Bouchon de cérumen

Otalgie, otorrhée Conduit inflammatoire et obstrué Otite externe aiguë

Fièvre, otalgie Tympan congestif, bombant Otite moyenne aiguë

Rhinopharyngite Tympan congestif, tympan ambré,niveau liquide

Catarrhe tubaire avec épanche-ment tympanique

Gifle, explosion Perforation Blast auriculaire

Plongée, avion Tympan congestif, hémotympan,ou perforation

Barotraumatisme

Traumatisme crânien Hémotympan, perforation, frac-ture de l’os tympanal

Fracture du rocher, luxationossiculaire

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d’une plongée. Dans tout ces cas, il peut exister deslésions tympaniques, mais des lésions labyrinthiquespeuvent s’ajouter, et imposer un geste chirurgicalurgent.

■ Traumatisme sonore dû à un bruit intense, brefou prolongé, comme dans un concert de rock. Dansun grand nombre de cas la surdité est réversible. Ils’agit d’une surdité de perception. L’absence derécupération rapide et complète de l’auditionnécessite un traitement d’urgence.

‚ Contextes infectieux

■ Rhinite ou rhinopharyngite : la notion derhinopharyngite récente oriente vers la présenced’un épanchement tympanique inflammatoire(« catarrhe tubaire »).

■ Otite aiguë : très souvent accompagnée d’unehypoacousie.

■ Zona : une éruption vésiculeuse de la conque,associée à une surdité brutale signe le zona otitique,d’autant plus qu’apparaissent une paralysie facialepériphérique et des vertiges.

■ Méningite : la survenue d’une surdité doit fairecraindre une atteinte labyrinthique qui peut êtrebilatérale et parfois retardée.

■Surdités survenant en dehors

d’un contexte patent

Il s’agit le plus souvent d’une surdité deperception (tableau II) . Une telle surdité deperception, sans étiologie évidente, constitue pourles otologistes une surdité brusque qui impose unerecherche diagnostique et un traitement spécifique.Les surdités brusques sont considérées idiopathiquesjusqu’à preuve du contraire. C’est la principale causede consultation pour surdité brutale. La fréquenceest probablement sous-estimée car un bon nombrede patients présentent de tels épisodes quirégressent spontanément avant même d’allerconsulter ou de penser à consulter. Les vertiges sont

parfois associés et représentent un élément demauvais pronostic. Les hypothèses pathogéniquessont nombreuses (virales, vasculaires, rupturesmembranaires intralabyrinthiques, inflammatoires,hyperpression des liquides labyrinthiques ou duliquide céphalorachidien [LCR], fistules périlymphati-ques...). Elles posent un double problème : celui d’uneétiologie éventuelle qu’il faut chercher de principe, etcelui de leur traitement.

‚ Examens biologiques à demander en casde surdité brusque [1, 4]

Ils ont pour but de dépister une cause possiblepassée inaperçue.

Numération formule sanguine, numération desplaquettes, vitesse de sédimentation : ces troisexamens permettent de dépister d’une part unehémopathie, et d’autre part un syndromeinflammatoire pouvant révéler une maladieinflammatoire générale (syndrome de Cogan, lupus,périartérite noueuse...) [1].

Un bilan d’hémostase et une sérologie de lasyphilis (Treponema pallidum haemagglutinationassay [TPHA], venereal disease research laboratory[VDRL]) complètent les recherches biologiques.

‚ Examens complémentaires réaliséspar l’ORL

À la première consultation

Les audiométries tonale et vocale sont réaliséespour confirmer l’origine transmissionelle, mixte ouneurosensorielle de la surdité.

Les examens biologiques sont complétés enfonction du contexte. Il s’agit le plus souvent de

sérologies virales ou bactériennes (humanimmunodeficiency virus [VIH], Cytomégalovirus[CMV], maladie de Lyme, rubéole, oreillons...).

Quelques semaines après une surdité brusque

Même si la surdité a totalement récupéré, il estindispensable de chercher un neurinome du VIII ouune autre pathologie rétrocochléaire (tumeur,sclérose en plaques). Les examens cochléovestibu-laires sont réalisés à distance de l’épisode aigu pouréviter tout traumatisme sonore. L’étude despotentiels évoqués auditifs précoces permet delocaliser la lésion à la cochlée ou au-delà de lacochlée (nerf auditif, voies auditives centrales). En casd’atteinte rétrocochléaire, un examen par imageriepar résonance magnétique (IRM) avec injection degadolinium est demandé [5].

‚ Traitement

En pratique, ce sont les surdités de perceptionbrutales qui nécessitent un traitement en urgence. Ils’agit le plus souvent d’une surdité brusqueidiopathique. Une hospitalisation de 4 à 5 jours estpréférable surtout chez les sujets hyperactifs. Seulela corticothérapie semble avoir fait preuved’efficacité [3]. Les chances de succès thérapeutiquesont d’autant plus grandes que le traitement a étéréalisé précocement après le début de la surdité, qu’iln’y a pas de vertiges associés, que la surditéprédomine sur les fréquences graves et qu’elle estmodérée. Différents types de corticoïdes peuventêtre utilisés (prednisone, prednisolone ouméthylprednisolone) à la posologie quotidienne de1 à 2 mg/kg pendant 4 jours ou quelques semaines.La corticothérapie est administrée par voieparentérale les premiers jours, en perfusion lente, cequi est le garant d’un véritable repos.

Une grande variété de traitements ont étéproposés dans les surdités brusques de part leurspropriétés bénéfiques sur la microcirculationcochléaire ou l’oxygénation tissulaire (vasodilata-teurs, inhalation de carbogène, anticoagulants,hémodilution, caisson hyperbare...) [2, 4]. Malgré lapopularité de ces traitements, leur supériorité parrapport à la récupération spontanée n’a pas étéclairement démontrée [3].

■Aggravation brutale

d’une surdité préexistante

En pratique, c’est l’apparition ou l’aggravationd’une atteinte neurosensorielle qui doit attirerl’attention en priorité. L’aggravation d’une surditéchez un patient a deux origines possibles : soit uneaggravation ou une complication de la pathologiepréexistante, soit la survenue d’une autre pathologiecomme, par exemple, un neurinome du VIII. On peutenvisager plusieurs situations.

Tableau II. – Étiologie des surdités brutales : surdités de perception ou mixte.

Contexte Otoscopie Étiologie

Pas de contexte particulier Normale Surdité brusqueSurdité de perception

Triade symptomatique (vertige,surdité, acouphènes)

Normale Maladie de Ménière

Antécédents de vertiges

Surdité de perception

Otorrhée,± vertiges Otite moyenne chronique Labyrinthite

Otalgie, vertige, paralysie faciale Vésicules sur la conque, bulleshémorragiques

Zona du ganglion géniculé

Traumatisme sonore Normale Traumatisme sonore

Gifle, explosion Normale ou perforation Blast auriculaire

Plongée, avion Tympan congestif, hémotympan,perforation

Barotraumatisme

Traumatisme crânien Hémotympan, perforation, frac-ture de l’os tympanal ou normale

Fracture du rocher, commotionlabyrinthique, fistulepérilymphatique

Gestes à faire en consultation✔ Otoscopie : tympan normal,anormal.✔ Acoumétrie au diapason :transmission, perception.

La surdité brusque est une urgence.Le contexte de survenue est primordialpour la recherche étiologique.

6-0420 - Surdité brutale

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‚ Maladie de Ménière connue

Une surdité brutale ou une aggravation de lasurdité est fréquente au cours des crises de lamaladie de Ménière. La surdité, qui est purementneurosensorielle, peut être complètement réversibleau début de l’évolution de la maladie.

‚ Otospongiose

Si le patient a été opéré, il faut évoquer unecomplication de l’intervention chirurgicale quiimpose le recours urgent à un ORL et un éventuelgeste de reprise chirurgicale. L’aggravation del’audition peut aussi avoir une cause différente,

imposant donc un examen cochléovestibulaire à larecherche, en particulier, d’un neurinome du VIII.

‚ Otite chronique

L’aggravation brutale de la surdité par atteinteneurosensorielle impose aussi un avis ORLurgent. Selon le contexte, il peut s’agir d’unefistule labyrinthique cholestéatomateuse oud’une labyrinthite infectieuse, qui sont descomplications de la pathologie initiale. Parfois,l’atteinte neurosensorielle brutale peut révélerune autre pathologie, telle qu’une maladie deWegener, une otite tuberculeuse ou encore unneurinome du VIII.

■Conclusion

Face à une surdité brutale, le médecin généralistedoit évoquer le diagnostic étiologique en fonction ducontexte clinique, et essayer de définir l’originetransmissionnelle ou neurosensorielle de la surdité.En effet, les surdités de perception (neurosenso-rielles) requièrent un traitement d’urgence et lerecours rapide à un spécialiste ORL. Le diagnosticinitial de surdité brusque idiopathique ne serasouvent confirmé que secondairement, en fonctiondes résultats des examens cochléovestibulaires etbiologiques qui permettront d’éliminer notammentun neurinome du VIII.

Philippe Bordure : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Frank Jegoux : Interne des Hôpitaux.

François Legent : Professeur des Universités, chef de service.Clinique ORL et chirurgie cervicofaciale, centre hospitalier universitaire régional de Nantes, place Alexis-Ricordeau, 44035 Nantes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Bordure, F Jegoux et F Legent. Surdité brutale.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0420, 1998, 3 p

R é f é r e n c e s

[1] Brete M, Tran BA, Huy D. Conduite à tenir devant une surdité brutale del’adulte.Rev Prat (Medecine generale)1988 ; 39 : -34

[2] Debry C, Granjean E, Briche D, el Jerrari A, Gentine A, Conraux C. Surditésbrusques.Analyse d’une série de 117 cas.Ann Otolaryngol Chir Cervicofac1992 ;109 : 175-181

[3] Legent F, Bordure P. Attitude thérapeutique devant une surdité brusque idio-pathique.Revue offıcielle de la Societe Française d’ORL1997 ; 42 : 69-74

[4] Lienhart H, Gouteyron JF, Faugére JM. Surdités brusques et fluctuantes.En-cycl Méd Chir(Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-183-A-10, 1991 : 1-12

[5] Vincent M, Estève-Fraysse MJ, Fraysse B. Diagnostic des surdités de percep-tion chez l’adulte.Rev Prat (Paris)1990 ; 40 : 1751-1761

Surdité brutale - 6-0420

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Page 50: Le manuel du généraliste   orl

Vertige

P Bordure, O Malard, C Calais, F Legent

L e rôle du médecin généraliste devant un vertige est d’authentifier la nature vestibulaire des troubles, de définirla nature périphérique ou centrale de ces troubles grâce à un examen clinique simple, et enfin d’instaurer un

traitement symptomatique pour soulager le patient.© Elsevier, Paris.

■Introduction

Le vertige est un symptôme qui naît d’un conflitd’informations entre les systèmes vestibulaires,visuels et proprioceptifs. Il se définit par une illusionde mouvement. Son origine est le plus souvent uneatteinte ou un dysfonctionnement du systèmevestibulaire périphérique. Le diagnostic étiologiqueest souvent évoqué dès l’interrogatoire. Le rôle dumédecin généraliste est triple. Il doit d’abordauthentifier la nature vestibulaire des troubles queprésente le patient. Deuxièmement, sa démarchediagnostique doit lui permettre de définir la naturepériphérique ou centrale (et purement neurologique)des vertiges afin d’orienter au mieux son patient, soitvers l’oto-rhino-laryngologiste (ORL), soit vers leneurologue. Troisièmement, il est amené à traiter, enurgence, le patient vertigineux, et à prendre encharge un éventuel traitement médical de fondd’une maladie de Ménière.

■Interrogatoire

C’est l’élément capital, et si, à la fin del’interrogatoire, un diagnostic précis n’est pasévoqué, il est peu probable que les examenscomplémentaires redressent la situation [1].

Il doit faire éliminer ce qui n’est pas un vertige :– syncope et lipothymie, car le vertige ne

s’accompagne ni de lipothymie, ni de perte deconnaissance ;

– un trouble de la marche sans sensationerronée de déplacement, tel qu’on peut l’observerdans une pathologie ostéoarticulaire ou un déficitmoteur ;

– le mal des transports ou cinétose, car ledéplacement n’est pas qu’une illusion.

Il doit faire préciser :– le type de vertige : rotatoire, déséquilibre non

systématisé avec tendance à la chute, ou encoresimple déséquilibre à la marche ;

– l’importance des signes neurovégétatifs :nausées, vomissements ;

– le profil évolutif : grande crise unique, vertigechronique avec paroxysmes itératifs ou vertigechronique permanent ;

– la survenue antérieure de crises vertigineuses :dans ce cas, on peut dès l’interrogatoire identifiertrois grands groupes : le vertige bénin paroxystiquede position (VPPB), la maladie de Ménière, et lesvertiges récurrents.

Contexte de survenue

Traumatisme crânien, barotraumatisme,traumatisme direct de l’oreil le, prises demédicaments vestibulotoxiques, en particulier prisesde gouttes ototoxiques qui sont d’autant plusdangereuses qu’il existe une perforation tympaniquesans otorrhée associée, et enfin chirurgie otologique(tout particulièrement la chirurgie stapédienne del’otospongiose).

Facteurs déclenchants

Ce sont les changements de position, l’effort, lemouchage ou l’éternuement.

Un vertige rotatoire intense qui dure quelquessecondes et qui survient exclusivement auxchangements de position est très évocateur duVPPB. L’interrogatoire dans ce type de vertige posedeux difficultés : d’abord, faire préciser au patientque le vertige apparaît uniquement pour un certaintype de position (par exemple, lors d’une rotation àgauche dans le lit), et ensuite, la durée très brève dela sensation vertigineuse souvent largementsurévaluée.

Le vertige au mouchage et à l’éternuement, dansun contexte post-traumatique ou après chirurgie del’étrier, évoque avant tout une fistule périlympha-tique qui nécessite souvent un traitementchirurgical [2].

Signes associés

¶ Otologiques

L’otorrhée purulente oriente vers unecomplication d’une otite chronique, et en particulierd’une otite cholestatomateuse. Un syndromevertigineux dans un tel contexte nécessite un avisspécialisé urgent.

Les signes cochléaires (surdité, sensation d’oreillebouchée ou de plénitude d’oreille, acouphènes)orientent vers une pathologie de l’oreille interne, eten particulier la maladie de Ménière.

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¶ NeurologiquesL’interrogatoire doit faire préciser la survenue,

même transitoire, de signes neurologiques (déficitmoteur, aphasie, dysesthésies, paresthésies, crisestonicocloniques...).

■Examen clinique

Il comporte, en plus d’un examen général etneurologique, l’examen otoscopique, l’acoumétrieau diapason et l’examen vestibulaire.

‚ Signes vestibulaires spontanés

¶ NystagmusC’est le premier signe à rechercher pendant une

crise vertigineuse. Il est souvent absent en dehorsdes crises, et au contraire souvent présent pendant.Le nystagmus vestibulo-oculaire est le signe objectifvestibulaire le plus fidèle, permettant d’affirmer lanature vestibulaire des symptômes ; encore faut-il lerechercher, et ce d’autant plus que le patient est encrise, qu’il ferme les yeux et qu’il est nauséeux. Lenystagmus vestibulo-oculaire est un mouvementconjugué des deux globes oculaires. Il est rythmique,

formé de deux mouvements opposés du globeoculaire : un mouvement lent, qui est dans le mêmesens que la déviation corporelle du patient, et unmouvement rapide de rappel, qui détermine le sensdu nystagmus. Il doit être mis en évidence, le regardde face, avec et sans fixation oculaire. On peutlimiter, en pratique, la fixation oculaire, parl’utilisation de lunettes à verres grossissants (lunettesde Frenzel), ou en demandant au patient de regarderau loin, sans fixer d’objet.

¶ Déviation spontanée des indexElle est recherchée chez le patient assis, les yeux

fermés, sans appui dorsal et avec les bras tendus àl’horizontale.

¶ Épreuve de RombergElle étudie la statique du patient debout, talons

joints et yeux fermés, sans aucun autre appui. Ellepeut être sensibilisée en faisant marcher sur place lepatient.

L’analyse des signes vestibulaires spontanéspermet de rapporter le syndrome vestibulaireprésenté par le patient à une atteinte périphérique(oreille interne, nerf vestibulaire), ou à une atteintecentrale (noyaux vestibulaires et autres voiesvestibulaires intracérébrales) (tableau I).

‚ Manœuvre de Dix-Hallpike

En l’absence de signes vestibulaires spontanés, lamanœuvre de Dix-Hallpike (fig 1) permet de mettreen évidence un nystagmus de position. C’est lamanœuvre diagnostique du VPPB. Le patient estassis sur la table d’examen. On le fait passer,rapidement, de la position assise à la positioncouchée, tête dans le vide, et en rotation de 45° d’uncôté. On maintient la position quelques secondes endemandant au patient de bien laisser les yeuxouverts. La manœuvre est réalisée de l’autre côté, dela même façon. Le VPPB est caractérisé par lasurvenue, légèrement retardée de quelquessecondes, d’un vertige parfois très intense, avec unnystagmus rotatoire battant vers l’oreille la plusbasse (sens de la secousse rapide). Vertiges etnystagmus s’estompent en une dizaine de secondes.La remise rapide du patient en position assisedéclenche un nystagmus dans le sens opposé. Cenystagmus est vite fatigable, lors de la répétition desmanœuvres. Lorsque le vertige de position estatypique, il faut être vigilant, compléter l’examencochléovestibulaire et réaliser un examenneurologique. En effet, des vertiges de positionpeuvent révéler des lésions médianes de la fossepostérieure.

■Diagnostic étiologique

Au terme de l’interrogatoire et de l’examenclinique, différents diagnostics peuvent être évoqués(tableau II et figure 2).

La constatation d’un syndrome vestibulairecentral doit faire orienter le patient vers un confrèreneurologue. La survenue d’un vertige périphériquedoit faire orienter le patient vers un ORL, d’autantplus rapidement qu’il existe une atteinte de l’oreillemoyenne.

■Examens cochléovestibulaires

réalisés par le spécialiste

Ce sont : l’audiométrie tonale et vocale ; latympanométrie ; l’examen calorique ; les potentielsévoqués auditifs précoces ; les tests osmotiques,pour objectiver l’hydrops labyrinthique de la maladiede Ménière ; l’électronystagmographie et lavidéonystagmographie [4].

S’il existe des signes d’atteinte rétrocochléaire, unexamen d’imagerie par résonance magnétique (IRM)avec injection de gadolinium est demandé afin dechercher un neurinome du VIII [4].

■Traitement des vertiges

périphériques

‚ Traitement de la crise

Administration intraveineuse d’un antivertigineuxtype Tanganilt (1 à 2 ampoules en injectionintraveineuse directe lente), associé à unantiémétique par voie parentérale.

Tableau I. – Critères permettant de distinguer un syndrome vestibulaire central et un syndromevestibulaire périphérique.

Critères Périphérique Central

Nystagmus Horizontal rotatoire Vertical

Unidirectionnel Multidirectionnel

Inhibé par la fixation oculaire Augmenté par la fixation oculaire

Signes végétatifs Importants Modérés ou absents

Signes cochléaires Oui Non

Syndrome vestibulaire harmo-nieux (les signes vestibulairesspontanés ont la même direction :secousse lente du nystagmus, dé-viation corporelle et des index)

Oui Non

Signes neurologiques associés Non Oui

45°

1 Manœuvre de Dix-Hallpike.

6-0430 - Vertige

2

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Le patient doit se lever le plus rapidementpossible pour favoriser la compensationvestibulaire, et ce d’autant plus qu’il est âgé, carses capacités de compensation sont moindres. Larééducation vestibulaire par un kinésithérapeuteest souvent nécessaire dans ce cas. Il faut éviterles sédatifs qui retardent la compensationvestibulaire.

Dans la maladie de Ménière, on peut avoirrecours à des produits agissant sur l’hydropslabyrinthique comme le sulfate de magnésium à15 % : 10 mL en intraveineuse directe lente, 1 foispar jour pendant 5 à 10 jours.

Le VPPB bénéficie d’un traitement particuliergrâce à une manœuvre thérapeutique réalisée au

cabinet de l’ORL. Dans beaucoup de cas, une seulemanœuvre est suffisante, mais parfois elle doit êtrerépétée.

‚ Traitement de fond de la maladiede Ménière

La bêtahistidine est indiquée dans le traitementde fond de la maladie de Ménière, car elle sembleavoir une action directe sur l’hydrops labyrinthique.

‚ Chirurgie

Elle est indiquée en cas de vertige invalidantrésistant au traitement médical, essentiellementdans la maladie de Ménière, et dans les fistulespérilymphatiques post-traumatiques.

■Conclusion

Le rôle du médecin généraliste est capital dans laprise en charge du patient vertigineux. C’est lui quiest le plus souvent confronté à l’épisode aigu et quipeut recuei l l i r le maximum de donnéessémiologiques. Sa connaissance du patient et de sesantécédents lui permet de connaître au mieux lecontexte pathologique. Or cette connaissance estd’une importance majeure pour orienter lediagnostic. Il doit par ailleurs assurer le traitementsymptomatique d’urgence pour soulager le patient,et l’orienter au mieux vers l’ORL et/ou le neurologue,en fonction du diagnostic posé.

Vertige

InterrogatoireExamen neurologiqueOtoscopieAcoumétrieExamen vestibulaire

Signes neurologiquesousyndromevestibulaire de typecentral

Contexte traumatiquePathologie d'oreillemoyenneAnomalie otoscopique

Signes auditifs (surdité,acouphènes, plénituded'oreille)

VPPBVertige de positionRéponse typique àla manœuvre deDix-Hallpike

Avis neurologiqueoui

oui

oui

non

non

non

Bilan otologique

Examen cochléovestibulaire

Atteinte endocochléaire

Atteinterétrocochléaire

IRM

NeuroniteGrande criseunique

Vertigerécurrent

Crises itératives AutresMaladie de

Ménière

Examen cochléovestibulaire

2 Stratégie diagnostique des vertiges de l’adulte.VPPB : vertige bénin paroxystique de position ; IRM :imagerie par résonance magnétique.

Vertige - 6-0430

3

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Philippe Bordure : Professeur des Universités, praticien hospitalier.Olivier Malard : Interne des Hôpitaux.

Catherine Calais : Praticien hospitalier.François Legent : Professeur des Universités, chef de service.

Clinique ORL et chirurgie cervicofaciale, centre hospitalier universitaire régional de Nantes, place Alexis-Ricordeau, 44035 Nantes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Bordure, O Malard, C Calais et F Legent. Vertige.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0430, 1998, 4 p

R é f é r e n c e s

[1] Calais C, Legent F. Y a-t-il des gestes thérapeutiques immédiats à pratiquerchez un patient vertigineux ?Concours med1996 ; 24 : 1659-1664

[2] Legent F, Bordure P. Les fistules périlymphatiques post-traumatiques.BullAcad Natl Med1994 ; 178 : 34-45

[3] Sauvage JP, Enaux M, Bories F. Diagnostic étiologique des vertiges.EncyclMed Chir(Elsevier, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-200-A-10, 1994 : 1-14

[4] Tran Ba Huy P, Waele (de) C. Les vertiges et le praticien. Paris : John LibbeyEurotext, 1996

Tableau II. – Diagnostic des principaux vertiges périphériques[3].

Maladie Contexte clinique Profil évolutif Signes auditifs Otoscopie Signes vestibulairesspontanés

Maladie de Ménière Antécédent de vertiges Chronique avec crisesitératives

Oui Normale Absents en dehors de lacrise

Triade symptomatique :vertige, surdité,acouphènes

VPPB Antécédent traumatiquefréquent

Chronique avec crisesitératives

Non Normale Absents

Vertige rotatoire intense,uniquement aux change-ments de positions

Vertiges récurrents Antécédent de vertiges Chronique avec crisesitératives

Non Normale Absents

Neurinome du VIII Pas d’antécédent Vertige chronique de touttype

Oui Normale Souvent absents

Neuronite vestibulaire Pas d’antécédent nicontexte

Grande crise surquelques jours

Non Normale Syndrome périphériquetypique

Fracture du rocher, baro-traumatisme, commotionlabyrinthique

Contexte traumatique Vertige aigu Oui Normale ou perforationou hémotympan

Syndrome périphériquetypique souvent fugace

Fistulespérilymphatiques

Contexte traumatique ouaprès chirurgie del’étrier

Vertige aigu ouchronique

Oui Normale ou perforation Souvent absents

Vertige volontiers posi-tionnel, à l’effort ou aumouchage

VPPB : vertige bénin paroxystique de position.

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