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E xplosion des réseaux sociaux et réforme du médicament ont sans doute été les deux faits marquants de l’année 2012 en matière de communication santé. Dé- but décembre, le Festival de la com- munication santé de Deauville – très largement commenté sur Twitter sous le hashtag #FCS12 – s’est naturelle- ment concentré, pour sa 23 e édition, sur ces deux thématiques. Repenser le “marketing santé” En effet, si l’explosion du Web social interroge d’abord profondément la relation médecin-patient, comme en témoigne par exemple le blog de Cathe- rine Cerisey, « Après mon cancer du sein », il oblige également à repenser le marketing en santé. « C’est une ques- tion fondamentale sur laquelle l’UDA travaille de manière pionnière depuis déjà quatre ans, explique Florence Ber- nard, directrice “Industrie du médica- ment et santé” de l’Union des annon- ceurs (UDA). A l’époque, cette réflexion parlait encore peu aux industriels. Au- jourd’hui, il y a un vrai frémissement. » Craintes relatives aux risques règlemen- taires, doutes sur le retour sur investis- sements, méconnaissance des nouvelles technologies : autant d’éléments qui ont longtemps favorisé l’attentisme. « Les valeurs du Web 2.0 sont très éloignées de celles des industriels de santé qui sont habitués au discours d’experts, un discours maîtrisé, contrôlé, “evidence based”, note Florence Bernard. Alors que sur le Web, c’est transversal, on est dans l’intelligence collective et il faut accepter de ne pas tout maîtriser. » Dr Google vs médecin référent Une étape délicate aussi pour les méde- cins. « Avant le 2.0, la relation méde- cin/patient était paternaliste, estime Catherine Cerisey. Le médecin prescri- vait, parfois expliquait. Aujourd’hui, on peut interroger le Dr Google et surtout des pairs, d’autres personnes touchées par la même maladie. » Vice-président de l’Ordre des médecins, le Dr Jacques Lucas a depuis longtemps pris acte de cette évolution : « Le médecin connaît la maladie, mais le patient la vit. Là se trouve le début de l’asymétrie. » Enfin, la presse n’est pas épargnée par cette remise en cause. « J’ai du mal à trouver dans les médias l’approche de l’exper- tise collective des patients », a estimé Giovanna Marsico, responsable du site cancercontribution.fr. « Le métier de journaliste est aussi difficile que celui de médecin, relativise le Pr Jean-Pierre Olié, psychiatre et membre de l’Acadé- mie de médecine. C’est compliqué de parler à un malade, alors encore plus à tous les malades. » n Véronique Hunsinger Communication santé Le festival de Deauville confirme le virage numérique La 23 e édition du Festival de la communication santé s’est tenue à Deauville en décembre dernier. L’occasion de revenir sur les bouleversements induits par la révolution numérique et, plus récemment, par la “loi Bertrand” sur la réforme du médicament. Visa publicitaire a priori : comment les laboratoires le gèrent L’UDA et le cabinet ARC Pharma ont présenté à Deauville un sondage réalisé auprès d’un échantillon de laboratoires pour comprendre comment les deux premières vagues de demandes de visas publicitaires préalables auprès de l’ANSM s’étaient passées. « Le visa a priori pour les publicités change naturellement la donne, a rappelé Catherine Defabianis, directeur de l’information et de la veille règlementaire de ARC Pharma. On s’attendait à des retours très catastrophiques, mais ce n’est pas si noir et la première vague a constitué une sorte de test. » En 2012, il y a eu deux périodes de dépôts de dossiers, en juin et en septembre-octobre. Sur la première vague, l’ANSM a reçu 2 190 demandes auxquelles elle a donné 700 avis favorables et opposé 312 refus. Pour un peu plus de la moitié des dos- siers, elle n’a pas répondu dans les temps, ce qui équivaut à un accord tacite. Les dossiers pour lesquelles l’agence a répondu étaient les documents les plus simples : annonce presse, mailing, bloc-notes, bandeau Internet... A noter que des documents qui n’avaient pas été contestés dans le passé ont pu être refusés en 2012, notamment sur la base de la réglementa- tion qui prévoit que toute publicité doit être conforme à la stratégie de la HAS. La plupart des refus étaient motivés de façon assez détaillée, « probablement pour éviter les recours », selon Catherine Defabianis. Au final, ce sondage révèle que les laboratoires ont des avis assez partagés sur ce nouveau visa a priori mais que tous souhaitent une amélioration des for- mulaires. Certains apprécient que le dépôt soit plus encadré et permette d’être tranquille pour deux ans à partir du moment où le document a été validé. D’autres mettent en avant l’absence de logique dans les réponses de l’ANSM et des périodes de dépôts trop courtes. Florence Bernard, directrice “Industrie du médicament et santé” au sein de l’UDA : « Les valeurs du Web 2.0 sont très éloignées de celles des industriels de santé qui sont habitués au discours d’experts. » DR 67 JANVIER 2013 - PHARMACEUTIQUES

Pharmaceutiques 2013 janvier

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Communication Santé : le festival de Deauville confirme le virage numérique

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Explosion des réseaux sociaux et réforme du médicament ont sans doute été les deux faits marquants de l’année 2012 en

matière de communication santé. Dé-but décembre, le Festival de la com-munication santé de Deauville – très largement commenté sur Twitter sous le hashtag #FCS12 – s’est naturelle-ment concentré, pour sa 23e édition, sur ces deux thématiques.

Repenser le “marketing santé”En effet, si l’explosion du Web social interroge d’abord profondément la relation médecin-patient, comme en témoigne par exemple le blog de Cathe-

rine Cerisey, « Après mon cancer du sein », il oblige également à repenser le marketing en santé. « C’est une ques-tion fondamentale sur laquelle l’UDA travaille de manière pionnière depuis déjà quatre ans, explique Florence Ber-nard, directrice “Industrie du médica-ment et santé” de l’Union des annon-ceurs (UDA). A l’époque, cette réflexion parlait encore peu aux industriels. Au-jourd’hui, il y a un vrai frémissement. » Craintes relatives aux risques règlemen-taires, doutes sur le retour sur investis-sements, méconnaissance des nouvelles technologies : autant d’éléments qui ont longtemps favorisé l’attentisme. « Les valeurs du Web 2.0 sont très éloignées

de celles des industriels de santé qui sont habitués au discours d’experts, un discours maîtrisé, contrôlé, “evidence based”, note Florence Bernard. Alors que sur le Web, c’est transversal, on est dans l’intelligence collective et il faut accepter de ne pas tout maîtriser. »

Dr Google vs médecin référentUne étape délicate aussi pour les méde-cins. « Avant le 2.0, la relation méde-cin/patient était paternaliste, estime Catherine Cerisey. Le médecin prescri-vait, parfois expliquait. Aujourd’hui, on peut interroger le Dr Google et surtout des pairs, d’autres personnes touchées par la même maladie. » Vice-président de l’Ordre des médecins, le Dr Jacques Lucas a depuis longtemps pris acte de cette évolution : « Le médecin connaît la maladie, mais le patient la vit. Là se trouve le début de l’asymétrie. » Enfin, la presse n’est pas épargnée par cette remise en cause. « J’ai du mal à trouver dans les médias l’approche de l’exper-tise collective des patients », a estimé Giovanna Marsico, responsable du site cancercontribution.fr. « Le métier de journaliste est aussi difficile que celui de médecin, relativise le Pr Jean-Pierre Olié, psychiatre et membre de l’Acadé-mie de médecine. C’est compliqué de parler à un malade, alors encore plus à tous les malades. » n

Véronique Hunsinger

Communication santé

Le festival de Deauville confirme le virage numériqueLa 23e édition du Festival de la communication santé s’est tenue à Deauville en décembre dernier. L’occasion de revenir sur les bouleversements induits par la révolution numérique et, plus récemment, par la “loi Bertrand” sur la réforme du médicament.

Visa publicitaire a priori : comment les laboratoires le gèrentL’UDA et le cabinet ARC Pharma ont présenté à Deauville un sondage réalisé auprès d’un échantillon de laboratoires pour comprendre comment les deux premières vagues de demandes de visas publicitaires préalables auprès de l’ANSM s’étaient passées. « Le visa a priori pour les publicités change naturellement la donne, a rappelé Catherine Defabianis, directeur de l’information et de la veille règlementaire de ARC Pharma. On s’attendait à des retours très catastrophiques, mais ce n’est pas si noir et la première vague a constitué une sorte de test. » En 2012, il y a eu deux périodes de dépôts de dossiers, en juin et en septembre-octobre. Sur la première vague, l’ANSM a reçu 2 190 demandes auxquelles elle a donné 700 avis favorables et opposé 312 refus. Pour un peu plus de la moitié des dos-siers, elle n’a pas répondu dans les temps, ce qui équivaut à un accord tacite. Les dossiers pour lesquelles l’agence a répondu étaient les documents les plus simples : annonce presse, mailing, bloc-notes, bandeau Internet... A noter que des documents qui n’avaient pas été contestés dans le passé ont pu être refusés en 2012, notamment sur la base de la réglementa-tion qui prévoit que toute publicité doit être conforme à la stratégie de la HAS. La plupart des refus étaient motivés de façon assez détaillée, « probablement pour éviter les recours », selon Catherine Defabianis. Au final, ce sondage révèle que les laboratoires ont des avis assez partagés sur ce nouveau visa a priori mais que tous souhaitent une amélioration des for-mulaires. Certains apprécient que le dépôt soit plus encadré et permette d’être tranquille pour deux ans à partir du moment où le document a été validé. D’autres mettent en avant l’absence de logique dans les réponses de l’ANSM et des périodes de dépôts trop courtes.

Florence Bernard, directrice “Industrie du médicament et santé” au sein de l’UDA : « Les valeurs du Web 2.0 sont très éloignées de celles des industriels de santé qui sont habitués au discours d’experts. »

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