1
24 N° 11 - Octobre 2011 N° 11- Octobre 2011 25 les textes de loi en question les textes de loi en question Vers un nouveau mo o od dè è è è èl l le e e e e du système d de soi ins ? ? ? ? WĞŶĚĂŶƚ ůĠƚĠ ĚĂŶƐ ůŝŐŶŽƌĂŶĐĞ ůĂ ƉůƵƐ ƚŽƚĂůĞ ŶŽƵƐ ƐŽŵŵĞƐ ƉĂƐƐĠƐ ĚĞ ƉƌğƐ ă ƵŶĞ ŵŽĚŝĮĐĂƟŽŶ ĨŽŶĚĂŵĞŶƚĂůĞ ĚĞ ŶŽƚƌĞ ƐLJƐƚğŵĞ ĚĞ ƐŽŝŶƐ Rappel des faits : En octobre 2010 le Sénateur Fourcade déposait une proposition de loi visant à modifier la réforme HPST (Hôpital Patient Santé et Territoire) votée en 2009. Initialement le texte avait pour but de rendre plus effective l’application de la loi et de simplifier l’organisation des soins de premier recours. Mais au fur et à mesure des débats et des ajouts d’articles, cette proposition de loi est devenue un véritable « fourre tout ». De 16 articles dans sa version initiale, elle sera finalement votée avec 65 articles. Ceux-ci allant de l’organisation des soins ambulatoires à la réforme de la biologie médicale, en passant par la réglementation de l’IVG. Au sein du texte, un article (l’article 54) permettait de changer les règles de remboursement par les mutuelles, modifiant ainsi notre système de soins. Au final, le texte a été voté par les parlementaires, mais le conseil constitutionnel a invalidé un grand nombre d’articles notamment la réforme de la biologie médicale mais également l’article 54. Quel était l’article 54 ? I. – Un décret fixe les règles de tout conventionnement souscrit entre les professionnels de santé, les établissements de santé ou les services de santé et une mutuelle, une entreprise régie par le code des assurances, une institution de prévoyance ou leur gestionnaire de réseaux. Un réseau de soins constitué par un organisme d’assurance maladie complémentaire est ouvert au professionnel qui en fait la demande, dès lors que celui-ci respecte les conditions fixées par le gestionnaire du réseau, selon des modalités fixées par le décret mentionné au premier alinéa. L’Autorité de la concurrence remet tous les trois ans aux commissions permanentes chargées des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport relatif aux réseaux de soins. II. – À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, les mutuelles ou unions peuvent instaurer, par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 112-1 du code de la mutualité, des différences dans le niveau des prestations lorsque l’adhérent choisit de recourir à un professionnel de santé membre d’un réseau de soins ou avec lequel les mutuelles, unions ou fédérations ont conclu un contrat comportant des obligations en matière d’offre de soins. Et en clair, que disait l’article ? Pour une période d’essai de 3 ans, l’article 54 permettait aux mutuelles de rembourser de manière différente les patients selon le médecin consulté. Cet article créait des réseaux de soins entre les professionnels de santé et les mutuelles. Et l’ensemble était régi par un décret. Quelles seraient les conséquences d’un tel article ? Les conséquences sont difficiles à évaluer, mais il s’agit d’un premier pas vers un système de santé à l’américaine. L’état se dégageant peu à peu des dépenses de santé, laissant cette charge au secteur privé. Un tel système aurait comme conséquence pour le patient soit de limiter le choix de son professionnel de santé, au profit d’un médecin membre du réseau de sa mutuelle, soit d’être moins bien remboursé. Pour le professionnel de santé les conséquences seraient majeures. Afin de ne pas perdre de patient, les médecins seront alors contraints de signer des accords avec les mutuelles. Or ces dernières fixant les conditions pour adhérer au réseau, elle fixerait donc les tarifs des actes et consultations, il s’agirait donc d’un sérieux handicap au secteur 2 voir à termes de sa fin. Mais il serait encore plus à craindre de la perte de la liberté de la pratique médicale, les réseaux pouvant imposer certaines prescriptions ou l’utilisation de techniques moins coûteuses. Un bénéfice potentiel toutefois pourrait en découler dans le coût et le remboursement des frais dentaires et d’optique pour les patients. Au total l’accès mais également la qualité des soins pourraient être atteints, créant ainsi l’inégalité des soins . Pourquoi cette réforme ? La réduction des dépenses de santé est à l’origine de cette mesure. La solution envisagée ici par les pouvoirs publics était celle du désengagement, de la privatisation de notre système de soins. La loi n’est certes pas passée cette fois-ci, mais tant que le fameux « trou de la sécu » sera présent il est fort à parier que de nouvelles tentatives vont avoir lieu. Nous devons rester vigilants. Mais en tant qu’acteur de la santé, il est de notre devoir de nous impliquer dans le débat. Je terminerai donc par une question ouverte, et j’attends vos commentaires, quel système de santé voulons nous ? Cédric Luyton Vice-président de l’ISNIH ĐůƵLJƚŽŶΛŝƐŶŝŚĐŽŵ Interne des Hôpitaux de Lyon en ŶĚŽĐƌŝŶŽůŽŐŝĞ ŝĂďĠƚŽůŽŐŝĞ Ğƚ DĂůĂĚŝĞƐ ŵĠƚĂďŽůŝƋƵĞƐ Vous souhaitez réagir aux articles ? Ecrivez-nous à [email protected]

Vers un nouveau modèle du système de soins

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Pendant l’été, dans l’ignorance la plus totale, nous sommes passés de près à une modification fondamentale de notre système de soins. Rappel des faits : En octobre 2010 le Sénateur Fourcade déposait une proposition de loi visant à modier la réforme HPST (Hôpital Patient Santé et Territoire) votée en 2009. Initialement le texte avait pour but de rendre plus effective l’application de la loi et de simplier l’organisation des soins de premier recours. Mais au fur et à mesure des débats et des ajouts d’articles, cette proposition de loi est devenue un véritable « fourre tout ». De 16 articles dans sa version initiale, elle sera nalement votée avec 65 articles. Ceux-ci allant de l’organisation des soins ambulatoires à la réforme de la biologie médicale, en passant par la réglementation de l’IVG. Au sein du texte, un article (l’article 54) permettait de changer les règles de remboursement par les mutuelles, modi€ant ainsi notre système de soins. Au final, le texte a été voté par les parlementaires, mais le conseil constitutionnel a invalidé un grand nombre d’articles notamment la réforme de la biologie médicale mais également l’article 54. reseauprosante.fr

Citation preview

Page 1: Vers un nouveau modèle du système de soins

24 N° 11 - Octobre 2011 N° 11- Octobre 2011 25

les textes de loi en question les textes de loi en question

Vers un nouveau moooddèèèèèllleeeee du système dde soiins ????

Rappel des faits :

En octobre 2010 le Sénateur Fourcade déposait une

proposition de loi visant à modi�er la réforme HPST

(Hôpital Patient Santé et Territoire) votée en 2009.

Initialement le texte avait pour but de rendre plus effective

l’application de la loi et de simpli�er l’organisation des

soins de premier recours. Mais au fur et à mesure des débats

et des ajouts d’articles, cette proposition de loi est devenue

un véritable « fourre tout ». De 16 articles dans sa version

initiale, elle sera �nalement votée avec 65 articles. Ceux-ci

allant de l’organisation des soins ambulatoires à la réforme

de la biologie médicale, en passant par la réglementation de

l’IVG.

Au sein du texte, un article (l’article 54) permettait de

changer les règles de remboursement par les mutuelles,

modi�ant ainsi notre système de soins.

Au �nal, le texte a été voté par les parlementaires, mais le

conseil constitutionnel a invalidé un grand nombre d’articles

notamment la réforme de la biologie médicale mais

également l’article 54.

Quel était l’article 54 ?

I. – Un décret �xe les règles de tout conventionnement

souscrit entre les professionnels de santé, les établissements

de santé ou les services de santé et une mutuelle, une

entreprise régie par le code des assurances, une institution

de prévoyance ou leur gestionnaire de réseaux.

Un réseau de soins constitué par un organisme d’assurance

maladie complémentaire est ouvert au professionnel qui en

fait la demande, dès lors que celui-ci respecte les conditions

�xées par le gestionnaire du réseau, selon des modalités

�xées par le décret mentionné au premier alinéa.

L’Autorité de la concurrence remet tous les trois ans aux

commissions permanentes chargées des affaires sociales

de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport relatif aux

réseaux de soins.

II. – À titre expérimental, pour une durée de trois ans à

compter de la promulgation de la présente loi, les mutuelles

ou unions peuvent instaurer, par dérogation au dernier alinéa

de l’article L. 112-1 du code de la mutualité, des différences

dans le niveau des prestations lorsque l’adhérent choisit de

recourir à un professionnel de santé membre d’un réseau

de soins ou avec lequel les mutuelles, unions ou fédérations

ont conclu un contrat comportant des obligations en matière

d’offre de soins.

Et en clair, que disait l’article ?

Pour une période d’essai de 3 ans, l’article 54 permettait aux

mutuelles de rembourser de manière différente les patients

selon le médecin consulté. Cet article créait des réseaux de

soins entre les professionnels de santé et les mutuelles. Et

l’ensemble était régi par un décret.

Quelles seraient les conséquences d’un tel article ?

Les conséquences sont dif�ciles à évaluer, mais il s’agit d’un

premier pas vers un système de santé à l’américaine. L’état

se dégageant peu à peu des dépenses de santé, laissant cette

charge au secteur privé.

Un tel système aurait comme conséquence pour le patient

soit de limiter le choix de son professionnel de santé, au

pro�t d’un médecin membre du réseau de sa mutuelle, soit

d’être moins bien remboursé.

Pour le professionnel de santé les conséquences seraient

majeures. A�n de ne pas perdre de patient, les médecins

seront alors contraints

de signer des accords

avec les mutuelles. Or

ces dernières �xant

les conditions pour

adhérer au réseau,

elle �xerait donc

les tarifs des actes

et consultations, il

s’agirait donc d’un sérieux handicap au secteur 2 voir à

termes de sa �n. Mais il serait encore plus à craindre de

la perte de la liberté de la pratique médicale, les réseaux

pouvant imposer certaines prescriptions ou l’utilisation de

techniques moins coûteuses. Un béné�ce potentiel toutefois

pourrait en découler dans le coût et le remboursement des

frais dentaires et d’optique pour les patients.

Au total l’accès mais également la qualité des soins

pourraient être atteints, créant ainsi l’inégalité des soins .

Pourquoi cette réforme ?

La réduction des dépenses de santé est à l’origine de cette

mesure. La solution envisagée ici par les pouvoirs publics

était celle du désengagement, de la privatisation de notre

système de soins.

La loi n’est certes pas passée cette fois-ci, mais tant que le

fameux « trou de la sécu » sera présent il est fort à parier que

de nouvelles tentatives vont avoir lieu. Nous devons rester

vigilants. Mais en tant qu’acteur de la santé, il est de notre

devoir de nous impliquer dans le débat. Je terminerai donc

par une question ouverte, et j’attends vos commentaires,

quel système de santé voulons nous ?

Cédric LuytonVice-président de l’ISNIH

Interne des Hôpitaux de Lyon en

Vous souhaitez réagir aux articles ?

Ecrivez-nous à [email protected]