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Rapport d’un musicothérapeute D.U. (master 1) : La sénescence : stade de l’existentiel ou La musicothérapie : soin non médicamenteux à visées thérapeutiques, au service des Anciens, atteints de troubles neurocognitifs sévères, résidants à l’EHPAD de la Bourgonnière

Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

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Rapport d’un musicothérapeute D.U. (master 1) :

La sénescence : stade de

l’existentiel

ou

La musicothérapie : soin non médicamenteux

à visées thérapeutiques, au service des

Anciens, atteints de troubles neurocognitifs

sévères, résidants à l’EHPAD de la

Bourgonnière

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« Escargot adagio

Grimpe, gravit

Le mont Fuji. »

Haïku d’Issa (1763-1828)

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A « Madame jeudi », ma mère.

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Avant propos : genèse de ce rapport.

1. Anamnèse.

Depuis l’âge de 11 ans, j’ai fait le choix d’aller vers les « anawims 1» des temps actuels.

Depuis quinze années, j’exerce le métier d’éducateur spécialisé D. E. dans le secteur des

‘handicaps divers’. J’ai repris des études afin d’aller vers le thérapeutique. Ce rapport

représente plus de 1600 heures de stage professionnel musicothérapeute (je suis

aujourd’hui diplômé de la faculté de médecine…).

J’ai rédigé ce rapport dans l’attitude « mushotoku ». Cette attitude est inhérente à la

pratique du zen2 (pratiqué depuis 30 ans), [voir livre de Deshimaru Taisen, réf.8]. La

traduction peut être la suivante : « sans but, ni recherche de profit ».

Pourtant, je l’ai rédigé, empli de gratitude (plus juste en anglais : gratefullness) : en

hommage aux résidants et professionnels de l’EHPAD qui m’ont accueillis, aux résidants qui

ont accepté d’être patients en musicothérapie.

2. Elément déclencheur.

Cela a été la visualisation de la vidéo sur la table ronde : « de la musicothérapie à la

recherche fondamentale », [voir site, réf. 49]. Les interventions de Messieurs Hervé Platel et

Olivier Bonnod, m’ont particulièrement interpellé, j’y reviendrai.

1 Anawim : mot hébreu, cité dans la Torah, indiquant ceux qui ont tout perdu. Ici, dans les temps actuels, je l’entends comme ceux qui ont perdu jusqu’à leur vie sociale, leur dignité, leur foi, leur santé, leur espérance… 2 Zen : Boudhisme intégré dans la religion japonaise. C’est la voie la plus abrupte et la plus rapide du Boudhisme. Le zen réside dans la pratique de za-zen : c’est une posture assise (où points de position, façon de respirer, attitudes de la pensée, ont été transmises depuis 2500 ans), totalement immobile et très tonique. Ma pratique est dégagée des aspects de la religion shinto.

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3. Le choix des mots.

Certains mots clefs que je choisis d’utiliser seront régulièrement justifiés. Je justifierai

ainsi dans plusieurs domaines : l’Histoire, l’Anthropologie, l’Ethnographie, l’Etymologie,

l’Epistémologie, les progrès des Neurosciences, les DSM IV et V, les Heuristiques

linguistiques, la Langue des oiseaux3, [voir livre de Monin Yves, réf.31].

4. Choix structurels.

Dans la forme de ce rapport, j’ai intentionnellement pris quelques libertés :

- les pages blanches qui s’y trouvent en font partie. Elles représentent un instant de

silence, une respiration,

- comme vous l’avez déjà remarqué, afin de ne pas alourdir la lecture, chaque

référence utilisée sera précisée par : [voir livre (ou site) de nom et prénom, ref.

numéro], le numéro faisant référence à la bibliographie (et sites internet).

3 Langue des oiseaux : langue utilisée à l’origine par les alchimistes qui permet de prendre du recul sur la langue française et d’en décrypter des sens plus profonds. D’autres langues ont cette approche multidimensionnelle comme l’hébreu par exemple.

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Mots et expressions clefs :

Accompagnement fin de la vie ; aire transitionnelle ;

alliance thérapeutique ; appropriation de médiums

sonores ; apprentissages ; bande sonore commune à

partir du résidant ; bilan psychomusical ; changements

psychiques ; cadre ; chants ; circuit du bas ;

communication non verbale ; communication non

violente ; créativité ; discontinuité du cadre ; Ehpad ;

empathie soignante ; improvisation clinique ;

instrumentarium inconnu des patients ; instant présent ;

intégration (Erikson) ; inversion du rythme nycthéméral ;

langue des oiseaux ; méthode Montessori ; mort ;

musicothérapie active ou réceptive , en individuel ou en

groupe restreint ; neurogénèse ; neurosciences ;

neurotransmetteurs ; observations ; opportunité de dire

non ; pathologies dégénératives chez la personne âgée ;

paradigme pyramidal inversé ; plasticité cérébrale ; plus

de 1600 heures de stage professionnel ; sundowning

syndrome ; supervision externe ; temps ; troubles

neurocognitifs sévères ; Validation (Naomi Feil) ;

verbalisation ; zen.

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SOMMAIRE

I. Introduction. ………………………………………………………………………p. 1

II. Panoramique et spécificité de l’EHPAD de la Bourgonnière.

A- Le cadre de vie.

1. La mémoire d’un lieu……………………………………………………….p. 5

2. Architecture et aménagements……………………………………… p. 6

B- Présentation des résidants.

1. Préambule : choix linguistique…………………………………………p. 11

2. Anciens, personnes âgées dépendantes,

vieux ou vieillard ?...............................................................p. 11

3. La sénescence…………………………………………………………………..p. 15

4. Le paradigme pyramidal inversé………………………………………p. 15

5. Les résidants de la Bourgonnière……………………………………..p. 17

6. Les résidants spécifiquement atteints de troubles

neurocognitifs sévères……………………………………………………..p. 20

C- Au service des résidants : l’hydre bienveillante.

1. Préambule : choix linguistique………………………………………….p. 28

2. Procédure d‘admission et de suivi…………………………………….p. 28

3. « Charte des droits et libertés de la Personne âgée en

situation de handicap ou e dépendance »…………………………p. 29

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4. Structure générale de l’EHPAD de la Bourgonnière…………p. 30

5. Etat des lieux du personnel soignant

(interne et externe)…………………………………………………………p. 32

6. Attitude commune dans la pratique de soignants :

l’humanitude…………………………………………………………………..p. 35

7. Formation continue du personnel soignant……………………..p. 36

8. Les soins non médicamenteux………………………………………….p. 37

9. Les mécanismes de défense……………………………………………..p. 38

10. Petite conclusion……………………………………………………………..p. 39

III. Immersion, observations, problématique.

A- Positionnement personnel général à l’EHPAD………………………………..p. 45

B- Immersion.

1. Identification……………………………………………………………………p. 47

2. Approches et contacts………………………………………………….…..p.48

C- Observations.

1. Méthodologie………………………………………………………………….p. 49

2. Notions de temps…………………………………………………………….p. 49

3. Autres observations………………………………………………….…..…p. 51

4. L’équipe……………………………………………………………………………p. 52

D- Problématique.

1. Objectif principal………………………………………………………….....p. 52

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2. Visées thérapeutiques connexes……………………………………..p. 53

IV. ..Construction théorique.

A- Préambule : langue des oiseaux et choix linguistique.

1. Savoir et connaissance…………………………………………………….p. 55

2. Soignant et soigné……………………………………………………………p. 55

B- Fondations.

1. Introduction……………………………………………………………….…..p. 56

2. La méthode Montessori………………………………………………….p. 56

3. La validation de Naomi Feil…………………………………………….p. 58

4. Carl Ransom Rogers………………………………………………………..p. 61

5. L’empathie thérapeutique………………………………………………p. 63

6. Thierry Tournebise………………………………………………………….p. 63

7. Jean Maisondieu……………………………………………………………..p. 65

8. Le processus d’individuation ; le Soi……………………………….p. 66

9. Regards sur la psyché.........................................................p. 67

C- Entresol.

1. Supervision externe………………………………………………………..p. 72

2. Instrumentarium utilisé………………………………………………….p. 73

D- Rez-de-chaussée.

1. Apport des neurosciences (partie 2)……………………………….p. 80

2. L’alliance thérapeutique………………………………………………….p. 83

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3. A la suite de Winnicott……………………………………………………p. 83

4. Le cadre…………………………………………………………………………..p. 84

5. Le « non »……………………………………………………………………….p. 85

6. Points sur la musicothérapie……………………………………….....p. 87

7. L’Identité Sonore de Benenzon…………………………………….…p. 93

8. Petite conclusion…………………………………………………………….p. 94

V. La clinique.

A- Préambule.

1. Rappel des différentes visées thérapeutiques..................p. 97

2. Présentation des patients……………………………………………….p. 97

B- Donner la possibilité de se dire.

1. Moyens……………………………………………………………………………p. 104

2. Ouverture aux émotions…………………………………………………p. 105

3. Utilisation du bilan psychomusical………………………………….p. 108

4. Utilisation e l’improvisation clinique de Wigram…………….p. 110

5. Cheminements thérapeutiques……………………………………….p. 112

C- Donner la possibilité de communiquer avec l’autre.

1. Moyens…………………………………………………………………………….p. 119

2. Outils théoriques spécifiques…………………………………………..p. 122

3. Cheminements thérapeutiques……………………………………….p. 125

4. Conséquences sur la vie de l’unité………………………………….p. 127

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D- Contribuer à apaiser les symptômes.

1. Moyens………………………………………………………………………….p. 127

2. Syndromes…………………………………………………………………….p. 127

3. Apport des neurosciences (partie 3)……………………………..p. 128

4. Cheminements thérapeutiques……………………………………..p. 129

E- Accompagner la personne dans a fin de sa vie.

1. Préambule……………………………………………………………………..p. 132

2. Contes, témoignages et croyances………………………………..p. 133

3. Moyens………………………………………………………………………….p. 134

4. Cheminements thérapeutiques……………………………………..p. 135

F- Petite conclusion…………………………………………………………………………..p. 141

VI. Fin du travail en musicothérapie.

A- Les dernières séances de musicothérapie individuelle.

1. Préambule……………………………………………………………………..p. 141

2. Mr Moï………………………………………………………………………….p. 142

3. Mme Néü……………………………………………………………………….p. 142

4. Mme Mui……………………………………………………………………….p. 142

5. Mme Gaâ……………………………………………………………………….p. 143

6. Mme Dui………………………………………………………………………..p. 143

7. Mme Gaï………………………………………………………………………..p. 143

8. Mr Poé……………………………………………………………………………p. 143

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B- Quelques avis des professionnels……………………………………………….p. 144

C- Petite conclusion………………………………………………………………………..p. 145

VII. Conclusion générale………………………………………………………….p. 147

Bibliographie…………………………………………………………………………….….p. 152

Annexes.

Annexe 1 : Liste des besoins et sentiments dans la

Communication Non Violente……………………………..p. 157

Annexe 2 : Post-stage………………………………………………………………….p. 167

Annexe 3 : Etude en vue d’une musique de fond, pour

le collectif, basée sur le résidant…………………………..p. 173

Post-scriptum………………………………………………………………………………..p. 192

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I- Introduction.

A l’âge de 11 ans, après deux années de solfège arides, j’ai pu choisir un instrument.

Celui avec lequel j’avais le plus d’affinités a été la flûte traversière. Durant mon adolescence,

j’ai ainsi terminé le conservatoire. La flûte est mon médium sonore. Il m’a permis et me

permet encore de dire ce que je ressens, là où les mots sont dépassés, jusqu’à exprimer des

gouttes d’ineffable. De plus, durant cette période de l’adolescence, j’ai reçu une paire de

tablas marocains en terre (de la taille la plus importante), j’ai travaillé le chant et me suis

fortement intéressé aux musiques originelles (dans la collection Ocora Radio France, par

exemple). Les bases étaient posées. J’ai fait ainsi l’expérience du médium sonore durant la

période de l’adolescence.

La période de la naissance et le développement de l’enfant sont décrits par William Fritz

Piaget (1886-1980), biologiste, psychologue et épistémologue suisse. Une autre facette est

dévoilée par Lev Vygostski (1896-1934), psychologue biélorusse, qui introduit dans le

développement de l’enfant, le constructivisme social. Françoise Dolto (1908-1988), pédiatre

et psychanalyste française, nous ouvre à la psychanalyse du petit enfant où « tout est

langage ».

Puis vient l’adolescence qui est une période de la vie importante, où nous changeons

d’image et où se transforment les relations intra et inter psychiques. De même, et on en

parle moins comme une crise existentielle, est la sénescence que l’on retrouve

principalement chez les personnes âgées. Le psychanalyste et psychologue américain Erik

Erikson (1902-1964) s’en approche en décrivant le développement psychosocial de l’être

humain sur toute sa vie. A ce moment aussi, l’être humain traverse un changement d’image

radical. Mais s’y ajoute la pression sociale centrée sur le « jeunisme », et toutes les manières

possibles pour le conserver malgré l’eau du temps qui s’écoule sous le pont, ainsi que la peur

collective de la mort.

Il est donc grand temps de se pencher sur cette période de la vie.

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Par choix personnel et pour mieux pointer ma recherche, je me suis dirigé vers les Anciens,

demeurant en EHPAD, qui présentent des troubles neurocognitifs sévères.

Par son histoire, la médecine occidentale est plutôt organiciste. C’est-à-dire que toute

maladie trouve ses origines dans une lésion ou un dysfonctionnement d’un ou plusieurs

organes. Elle fait remonter la vie aux organes eux-mêmes. Il en découle que, pour guérir ou

soulager le patient, il faut traiter le ou les organes incriminés.

Selon l’OMS, en 2015, les personnes âgées présentant des troubles cognitifs sévères,

appelés il y a peu démences séniles, seraient 47.5 millions dans le monde dont 60 à 70%

atteints de la maladie d’Alzheimer. Si rien n’est fait, le nombre de personnes atteintes de

cette maladie devrait augmenter de 60% d’ici 2040.

Nous sommes ici dans un point de vue strictement organiciste. La recherche sur la maladie

d’Alzheimer met en relief les facteurs aggravant comme l’hypertension artérielle, le taux de

cholestérol élevé, le tabagisme… mais le principal facteur de risque est l’âge avancé ! La

vieillesse est donc considérée, au mieux, comme un symptôme maladif.

Les géronto-psychiatres Jean Maisondieu, Louis Ploton et Pierre Chazerac, sans rejeter les

symptômes cliniques, élèvent un peu le débat. Selon Jean Maisondieu : « La vieillesse est un

crime puni d’exclusion » et : « notre culture pratique l’apartheid de l’âge ». Ainsi, leur point

de vue, que je développerai, est que la démence serait en fait un débranchement

neurologique effectué inconsciemment par la personne qui, pour ne pas aller jusqu’à se

donner la mort, se déconnecte pour ne plus subir son propre regard et le regard de la

société sur sa vieillesse, ainsi que pour tenter d’échapper à l’angoisse de la mort.

En fait, il ne demande pas à être guéri de sa démence mais à être écouté, entendu, reconnu,

validé et soulagé. C’est là que les ateliers de musicothérapie active et réceptive entrent en

jeu, comme soins non médicamenteux à visées thérapeutiques.

La peur collective de la mort dans nos sociétés (instinct de survie), nous en rejetons l’idée

par le « faire ». Mais, quand l’approche de la mort devient inéluctable (ainsi que tout autour

de nous), une terreur peut émerger quelles que soient nos croyances.

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A cet âge avancé, pour les personnes atteintes de troubles cognitifs sévères, il reste bien peu

de place pour le « faire ». Alors peut venir l’espace nécessaire à l’épanouissement de

l’ « être ». Il se cachait, et même était utilisé par le « faire » durant les années précédentes.

C’est la période de la sénescence.

Les ateliers de musicothérapie peuvent-ils préparer le terrain à une sénescence réussie ? De

même, au moment de la fin de la vie, expérience de vie intense et unique, la musicothérapie

peut-elle aider la personne à partir en paix avec elle-même ?

C’est ce que je vous propose de découvrir en cheminant dans ce rapport. Il est construit à la

façon des poupées gigognes, chaque partie puisant par ses racines dans le terreau de la

précédente :

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II- Panoramique et spécificité de la Bourgonnière.

A- Le cadre de vie.

1. La mémoire d’un lieu.

Le jour où je suis arrivé sur mon lieu de travail, la maison de retraite de Saint-

Herblain (près de Nantes) fêtait ses 40 ans d’existence. En effet, le 01/11/1974, la

préfecture donnait un agrément permettant de recevoir des résidants ressortissants de

l’aide sociale. Le 01/03/2005, la maison de retraite est reconnue EHPAD.

Mais je vous invite à remonter un peu dans le temps. Le 01/12/1956, l’ancien château

appartenant précédemment au directeur des Forges de Basse Indre, Monsieur Maître,

est racheté par une association créée en 1953 dont l'objet était : « l’assistance aux

malades et fonctionnement d’une maison hospitalière de vieillards dans la commune de

Saint-Herblain ». Ce lieu deviendra la maison hospitalière de la Bourgonnière, où les

soignantes seront des religieuses.

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Ce lieu a un sens pour les résidants d’aujourd’hui et nombreux sont ceux qui s’en rappellent.

Dans les années 50, Indre était une ville prospère avec de nombreuses usines, une flottille de

bateaux de pêche, beaucoup de commerces… Saint-Herblain par contre, n’était qu’un petit

bourg, dont le territoire était parsemé de fermes et de petits châteaux (aujourd’hui, Indre

est une ville « dortoir » et Saint-Herblain est la 3ème plus grande ville de Loire Atlantique).

Voici quelques souvenirs des résidants :

- « Mon mari était un chauffeur de Mr Maître, on habitait à côté de la Bourgonnière ».

- « Je venais voir ma mère de temps en temps quand je pouvais ».

- « Pour nous, Saint-Herblain c’était un trou, on allait surtout à Basse Indre. Quand Mr

Maître a pris sa retraite, mon mari est allé travailler à Basse Indre dans les bureaux ».

- « Les sœurs du château venaient en solex chez moi pour me faire des piqûres. Il y en

avait une qui faisait mal ».

2. Architecture et aménagements [voir livre de Salon Didier, réf.42].

a. Schéma du plan du rez-de-chaussé :

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(ce plan peut être agrandi numériquement, en le sélectionnant puis en le

collant sur ‘paint’, en manipulant le ‘zoom’)

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b. Répartition des différents accueils :

Il existe trois unités de vie distinctes :

- l’unité « Village », comportant 49 logements individuels dont 2 accueils

temporaires (pour une durée inférieure à 3 mois), et 4 appartements pour couple.

- l’unité « Ermitage » comportant 14 logements individuels.

- l’unité « Pierre Mara » comportant lui aussi 14 logements individuels.

Ces deux dernières sont des unités spéciales, pour des personnes présentant des

troubles cognitifs et/ou en état de grande dépendance. Il est à noter que pour ces

deux unités, les limitations sont des portes battantes coupe feu, mais sans

verrouillage à code (choix de la direction).

Les personnes présentant des troubles cognitifs ont leur logement dans un cadre

verdoyant et reposant (jardin thérapeutique).

Les unités sont des lieux de vie sans couloirs rectilignes, avec des petits salons pour

favoriser la convivialité, des bibliothèques, une musique ambiante et de nombreux

fauteuils et canapés.

Le pôle central est constitué par le patio, la salle de restaurant et l’accueil, c’est le

concept de place du village avec espaces coiffeur, esthétique, boutique, point

courrier, entre autres.

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Le salon est conçu pour recevoir parents et amis. Le maintien des liens sociaux est

une des priorités. Visites (dans le respect des soins et des autres résidants),

informations et concertations entre les familles et l’établissement sont fortement

encouragées.

De plus :

Beaucoup de plantes sont à l’intérieur (arrosées par une résidante), et à

l’extérieur.

Il y a un effort pour favoriser l’éclairage naturel ainsi que pour éviter les

phénomènes de résonance acoustique.

Quelques animaux sont là à demeure : deux petites colombes près du patio et

dans l’unité « Pierre Mara » vivent, un beau poisson « combattant », dans son

bocal, ainsi qu’un chat qui est à tous et à personne.

c. Logement individuel :

Chacun dispose d’une superficie de 27 m², d’une terrasse ou d’un balcon, d’un

équipement de qualité adapté à la dépendance, d’une intimité (chaque résidant

possède sa propre clef et sa boite aux lettres près de sa porte). La majorité des

résidants apporte des objets et/ou du mobilier de leur ancien logement, avant

l’EHPAD. La personnalisation est bien encouragée.

d. Autres locaux :

Comme il est montré sur le plan ci-dessus, il se trouve de nombreuses salles de soins,

pharmacie, bureaux pour les soignants, salle Snoezelen, salle de bains, avec

baignoires spécifiques adaptées (en toile étanche solide et nombreux jets réglables

de massage). Des lève-personnes sont à disposition.

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e. Sas d’entrée :

C’est un endroit garantissant la sécurité. En effet, c’est le seul endroit disponible

ayant la possibilité d’être fermé par un code, changé périodiquement. Le personnel

mais surtout les personnes chargées du secrétariat et de l’accueil observent et

alertent si un résidant, en trouble cognitif sort, en se mettant en danger. Le sas est

fermé pendant les repas et la nuit.

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B- Présentation des résidants.

1-Préambule : choix linguistique.

Je choisis le vocable résidant, non commun, « celui qui est fixé dans un endroit », au

lieu de résident « celui qui est de passage dans un endroit », d’après le dictionnaire Petit

Robert des noms communs, 1975, [réf.28].

2- Anciens, personnes âgées dépendantes, vieux ou vieillard ?

a. Les Anciens :

Dans l’Antiquité, comme aujourd’hui dans de nombreuses sociétés à culture

orale dans le monde, le groupe des Anciens jouit de respect, du fait qu’ils sont peu

nombreux, et de part leur rôle de dépositaire et de transmetteur de la tradition et

des connaissances techniques. Ils ont un rôle de référence dans les domaines civils

(mariages, naissances…), de jugement de litiges ou de délits, de lien entre le Ciel et la

Terre.

Voici quelques exemples :

o Platon, dans son ouvrage « la République » (-300), cite Socrate dans sa

conversation avec Cephalus, riche négociant du Pirée : « J’aime parler aux

anciens, pour ce qu’ils aient vécu avant et que nous aurons aussi

probablement à vivre, et il me semble que nous devrions apprendre d’eux

ce qui, sur le sentier, est âpre et difficile ou bien est aisé ».

o L’apôtre Pierre, dans sa première lettre [5,1-4], dans les années 50, alors

que l’empereur romain Néron cherche à éradiquer les chrétiens lors de

martyrs publics sanglants : « [Vous, les Anciens], soyez les bergers du

troupeau (…) qui vous est confié, (…), non pas en commandant en maître à

ceux dont vous avez la charge, mais en devenant les modèles du

troupeau.. »

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o Chez les Amérindiens, dans le livre de John G. Neihardt 4: « Elan Noir

Parle », O.D. édition-Indiens de tous pays, 2014, [Elan Noir (1863-1950)

était chef et homme médecine des Sioux Oglalas], le rôle des Anciens est

déterminant ; par exemple dans son rôle d’initiateur, de conseiller, de

celui qui montre le chemin, dans son rôle de transmetteur de l’histoire

sacrée…

o Au Japon quand un Ancien est arrivé au sommet de son art, il entre dans

la catégorie des trésors nationaux vivants.

o Enfin, pour l’Afrique, l’écrivain et conteur Peul, Amadou Hampâté Bâ,

disait, au siège de l’UNESCO en 1960 : « [En Afrique], quand un vieillard

meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Bien que cette citation reflète

la réalité, elle est dite avec un fin humour.

b. La personne âgée dépendante :

Voila la définition de la personne dans le sigle, devenu un mot

incompréhensible pour les non-initiés, l’EHPAD. La langue anglaise, en général plus

pragmatique et précise que la langue française, parle de : « old people », « old old

people » et « very old people ».

c. Les vieux et les vieillards :

La culture du livre, et maintenant d’internet, ôte à l’Ancien son rôle de

« transmission ».

De plus, la chute de la religion en France, ainsi que des croyances et religions dans le

monde (comme le montre les tableaux suivants), lui ôte aussi son rôle

d’ « initiation », de « lien entre le Ciel et la Terre » :

4 : Ce témoignage, pour la première fois édité par John Neihardt en 1932, a été repris et étudié par Carl Jung et son équipe.

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Ce tableau représentant la situation en France est à rapproché du suivant, montrant

les proportions des croyances dans le monde :

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L’Ancien a alors perdu toute sa fonction sociale. Il devient, dans un discours

politiquement et grammaticalement correct, une personne âgée au mieux sinon un

vieux (ou plus péjoratif avec le suffixe -ard), c’est-à-dire quelqu’un d’obsolète,

d’inutile (dans la langue française).

En sociologie, jusqu’à la fin des 30 glorieuses, le grand intégrateur social était la

valeur travail, c’est ce qu’ont connu les « vieux » d’aujourd’hui. Etant intimement lié

à cette valeur majeure, et encore aujourd’hui, chacun utilise cette heuristique

linguistique : « qu’est ce que tu fais dans la vie ? », « je suis ouvrier, professeur,

maçon, infirmière, mère au foyer… », c’est-à-dire que nous avons pris le pli de

confondre l’Etre et le Faire. Cela a pour conséquence que les vieilles personnes se

considèrent comme, je cite : « ayant perdu toute valeur ». Pourtant aujourd’hui le

grand intégrateur social est le statut de consommateur. Les vieilles personnes de

plus en plus nombreuses, constituent un cœur de cible marketing de choix (pour le

meilleur et pour le pire), et elles sont génératrices de plus en plus d’emplois. Mais

ceci correspond à des valeurs d’aujourd’hui, étrangères aux « old old people ».

d. Choix personnel :

Afin de remettre à sa place légitime la personne âgée, dépendante ou non, je

reprendrai donc l’appellation d’Ancien (d’où le titre de ce rapport). Mais pour des

raisons pragmatiques, je reprendrai dans les pages qui vont suivre l’appellation

classique des professionnels : « personnes âgées dépendantes » ou « résidants ».

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3-La sénescence.

Souvent mal interprétée, la sénescence (qui n’a rien à voir avec l’état de sénilité) est

une étape prépondérante de la vie d’un être humain. Dans cette optique, je cite le géronto-

psychiatre Louis Ploton, [voir sa participation dans le livre de l’A.N.F.E., réf.4]: «vieillir, c’est

faire le deuil d’une image pour en assumer une autre, c’est assumer une crise d’identité ».

Vue au travers de la langue des oiseaux, la « sen-essence » est une étape toute aussi

primordiale que celle qui entoure la « n-essence » et « l’adol-essence ». Ce sont des étapes

cruciales pour la croissance de l’être.

4- Le paradigme pyramidal inversé.

La loi du 2 janvier 2002 stipule que le résidant doit être le plus possible au centre de

son projet. Aussi la loi met en relief :

« - Le respect de la vie privée, de l’intimité.

- Le droit au maintien des liens familiaux.

- La personnalisation de l’accompagnement.

- Le libre choix des prestations.

- La recherche systématique du consentement de l’usager, ou, le cas échéant, du

représentant légal.

- L’accès à tout document relatif à sa prise en charge. »

Cette loi s’applique à tout établissement sanitaire et/ou social. De plus, à l’EHPAD, il y a

l’importance incontournable du secret médical, la mission de soin liée à la mission

d’accompagnement et l’appui de base qu’est la charte des droits et libertés de la

personne âgée en situation de handicap ou de dépendance (que j’aborderai au chapitre

suivant).

Page 29: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

16

Il est commun de représenter le dispositif ainsi :

Intervenants extérieurs

Réseau partenarial

Professionnels intradisciplinaires

de l’EHPAD

Résidant

Organismes financeurs

Familles Réseaux Santé

Lors d’un l’entretien avec un chef de service, nous avons approfondi ce point de vue,

le faisant évoluer en paradigme pyramidal inversé. L’usager est non seulement au

centre du dispositif mais aussi son fondement.

Dispositif

Résidant

Dispositif

Vue de dessus Perspective cavalière

Page 30: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

17

C’est un point de vue tiré de l’archimandrite5 Sophonie, écrivant la vie de Saint Silouane

(1866-1938), moine orthodoxe au mont Athos, aux éditions du Cerf, 2010. Cela prend sa

source dans le verset de l’évangile de Matthieu [21, 42] : « La pierre qu’ont rejetée les

bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ». Cette phrase multidimensionnelle est ici, de façon

professionnelle appliquée de la manière suivante : tout est fait pour le résidant, avec lui, le

plus possible en tant qu’acteur, et sans lui, toute la structure n’aurait plus de raison d’être.

Ce principe trouve son prolongement dans le premier livre de philosophie,

autobiographique, d’Alexandre Jollien : « L’éloge de la faiblesse », [voir livre, réf.14], mettant

en dialogue l’auteur, infirme moteur cérébral, et Socrate. Il écrit : « la question « comment

ça va ? » était vitale pour nous (…) nous entrions [ainsi] dans l’existence de l’autre (…) lui

communiquant notre amitié. »

5- Les résidants de la Bourgonnière.

a. Tableau général actuel :

- Il y a aujourd’hui 85 résidants et deux logements pour des séjours temporaires.

- La moyenne d’âge est de 88.74 ans.

- La durée moyenne du séjour avant décès est de 3 ans et 72 jours.

- Il convient de noter une progression de l’âge moyen des résidants : le plus âgé à 102

ans et le plus jeune à 71 ans. En 2010, l’âge moyen était de 86 ans.

- 14 résidants sont décédés en 2014 et 17 en 2015.

- Les résidants sont originaires pour 15% de la ville de Nantes, 35% des communes

voisines (surtout Indre) et 45% de Saint-Herblain.

5 Archimandrite : supérieur de monastère orthodoxe

Page 31: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

18

b. Le GMP : mesure de la dépendance :

La grille nationale AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupe Iso

Ressources) constitue un outil destiné à évaluer le degré de perte d’autonomie ou le

degré de dépendance physique et psychique, des demandeurs de l’allocation

personnalisée d’autonomie, dans l’accompagnement de leurs actes quotidiens à

domicile.

L’évaluation de la dépendance est faite par la grille AGGIR également en

établissement et donne le calcul du GMP (GIR Moyen Pondéré) permettant d’obtenir

une dotation dépendance pour notamment recruter du personnel soignant et fournir

des aides matérielles ou techniques.

Le classement GIR donne lieu à des cotations (dépendance élevée : cotation élevée) :

GIR 1 : 1000 points, GIR 2 : 840 points ; GIR 3 : 660 points, GIR 4 : 420 points, GIR 5 :

250 points, GIR 6 : 70 points.

Le GMP est le calcul résultant du montant des points de l’établissement / nombre de

personnes hébergées.

Huit variables permettent de mesurer ce que fait réellement la personne. Le GIR

prend en compte les facultés de cohérence, d’orientation, de toilette, d’habillage,

d’alimentation, de transferts (se lever, se coucher, s’asseoir) et de déplacements à

l’intérieur.

L’unité « Village » a un GMP de 476.

L’unité « Pierre Mara » a un GMP de 840.

L’unité « Ermitage » a un GMP de 895.

Depuis plusieurs années, les GMP sont en constante évolution. Pourtant, comme le

souligne Michel Bauer, infirmier référent en EHPAD, « le terme dépendance est très

relatif, cela peut être la conséquence d’une accumulation de troubles divers, malgré

Page 32: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

19

tout, ce mot se définit ainsi : incapacité d’accomplir au moins trois actes de la vie

courante. »

c. Essai d’envisager le rapport au monde d’un résidant :

Le journal le Figaro du 21/01/2014 relate une enquête de l’Office

National à la Fin de Vie, recueillie auprès de résidants d’EHPAD : constat de

désespérance : « 40% des personnes âgées dépendantes en EHPAD seraient touchées

de dépression. Avoir le sentiment d’être inutile : la première mort des personnes

âgées est une mort par exclusion de la « vraie vie », celle des gens qui bougent, qui

« sont en vie », qui travaillent. (…) Il y a aussi pour les trois-quarts des résidants, le

non choix d’entrer en institution. Elles sont restées le plus longtemps possible chez

elles, avec des aides et des soignants à domicile, mais à un moment, quand les aides

deviennent trop coûteuses ou que la dépendance devient trop importante (sans ou

avec pathologie déjà bien avancée), représentant pour elles un danger souvent

dénié, elles se retrouvent « placées » avec le sentiment que l’on se débarrasse

d’elles. Les EHPAD accueillent en moyenne 42% de leurs patients atteints d’une

maladie type Alzheimer et ce « miroir de la démence », « ces hurlements » terrifient

les personnes qui ont surtout peur de « perdre la tête ». La venue de la mort effraie

beaucoup moins que celle d’une mort lente, souffrante, avec acharnement

thérapeutique. »

Je reviendrai sur l’angoisse de la mort par rapport aux personnes atteintes de

troubles neurocognitifs sévères, dans les fondements de ma construction théorique.

Je vous propose de revenir à l’EHPAD de la Bourgonnière, où, même si ce qui précède reste

vrai, il y règne en général une ambiance conviviale parmi les résidants, par affinités, par

origine géographique commune, par l’ambiance joyeuse des animations nombreuses et

variées (non obligatoires), par la responsabilisation de certains résidants, par la qualité

relationnelle du personnel. Nombreuses sont les personnes qui ont choisi de venir y

demeurer.

Page 33: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

20

Dans l’unité « Pierre Mara », lors des pauses, à certaines heures, des chansons de 1950 se

mettent à éclore spontanément en groupe, les autres résidants présents écoutent avec

plaisir…

6- Les résidants spécifiquement atteints de troubles neurocognitifs sévères.

a. Préambule - choix linguistiques :

a1. Les DSM IV et V.

Le DSM V, apparu en 2013, a eu pour effet en France, une levée de boucliers de la

part des médecins. Sauf pour les troubles neurocognitifs sévères qui regroupent, entre

autres, les maladies types Alzheimer et troubles apparentés, les démences vasculaires, les

démences mixtes, et autres (ce sont les pathologies auxquelles j’ai été confronté).

C’est par cette appellation du DSM V, que l’EHPAD désigne ces pathologies.

Je reprendrai le DSM IV pour la nosologie des maladies.

a2. Démence sénile : étymologie et historique.

- Etymologie : le mot démence vient du latin « de» qui signifie « hors de », et « mens »

qui signifie « esprit ». Sénile vient aussi du latin « senex » qui signifie « vieillard ».

Voilà donc un diagnostic médical fort péjoratif pour un patient et sa famille, voire

traumatisant. Ce qui a eu aussi pour effet d’instaurer pendant un certain temps dans le

milieu médical un « nihilisme thérapeutique ». C’est-à-dire que rien ne pouvait plus être fait

pour le malade à part satisfaire tant bien que mal ses besoins primaires, en apaisant sa

douleur physique au mieux. C’est ce que dénonce Maria Montessori (1970-1952) et, à sa

suite Cameron Camp, [voir livre de Camp Cameron, réf.6]. J’y reviendrai aussi dans les

fondements de ma construction théorique.

Page 34: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

21

- Historique de la démence sénile (d’après Philippe Albou, psychiatre, secrétaire

général de la société internationale d’histoire de la médecine), [voir son livre, réf.1] :

De l’Antiquité au XVIème siècle :

Je citerai simplement deux passages, relativement explicites :

Euripide (-480,-406) dans « Les Phéniciennes » : « Nous autres, vieillards, nous

ne sommes qu’un troupeau, une apparence, nous déambulons comme des

images de rêve, nous n’avons plus de bon sens, si intelligents que nous puissions

nous croire ».

Montaigne (1533-1592) dans « Les Essais » [1,57] : « Tantôt c’est le corps qui

se rend le premier à la vieillesse, parfois aussi c’est l’âme (…) ; et d’autant que

c’est un mal peu sensible à qui le souffre et d’une obscure montre, d’autant est-il

plus dangereux ».

XVIIIème et XIXème siècles : évolution du mot « démence » :

Le mot est vu par tous comme folie, voir folie furieuse. Dans le Code pénal,

article 64, en 1810 : « il n’y a ni crime, ni délit, lorsque le prévenu était en état

de démence au cours de l’action ».

Au début du XIXème siècle, les médecins Pinel (1745-1826) et Esquirol (1772-

1840), son élève, définissent de façon plus médicale la démence. Ils créent les

premiers asiles (mot provenant de l’antiquité romaine qui signifie « lieu

inviolable où une personne en danger trouve refuge ») où sont soignés tout

aliéné (du mot latin alien : l’autre).

Fin XIXème et début XXème siècle : isolement des « troubles mentaux à début tardif » :

C’est vers 1860 que la démence n’est plus considérée comme un « état » mais

comme un processus se développant dans le temps, étudié par Charcot (1825-

1905), par exemple, en France, fondateur de la neurologie moderne.

Page 35: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

22

XXème siècle : la neuro-anatomie de la démence :

A la suite des neurologues Paul Broca (1824-1880) et Carl Wernicke (1848-

1905), des psychiatres continuent leurs études sur la neuro-anatomie et les

symptômes de la démence, surtout Aloïs Alzheimer (1864-1915).

Dans les théories et nosologies que j’utiliserai, j’écrirai comme leurs auteurs, qui, la plupart

du temps, prennent appui sur le DSM IV.

a3 : Précisions sur le terme de maladie d’Alzheimer.

Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer se fait post-mortem, à l’autopsie, où il

apparaît une recrudescence de plaques séniles et de dégénérescences neuro-fibrillaires.

Mais comme le cite le professeur honoraire à Paris V, Christian Derouesné, ancien chef de

service de neurologie à l’hôpital de la Pitié Salpetrière (20 ans consacrés à la maladie

d’Alzheimer et aux troubles du vieillissement) : « Ni les plaques séniles, ni les

dégénérescences neuro-fibrillaires ne sont spécifiques à la maladie : elles sont relativement

banales chez les sujets sans déficit cognitif (…), chez 19% de ces sujets, la sévérité des lésions

est analogue à celle des sujets déments ». Je parlerai donc de la maladie de type Alzheimer

avec troubles apparentés.

b. Descriptif des pathologies rencontrées :

b1. Définition de trouble neurocognitif sévère.

Ici, sont touchés sévèrement « les processus psychiques tels que la perception,

l’analyse visuelle spatiale, la mémoire, le langage, la pensée, l’attention, le raisonnement…

toutes les fonctions permettant d’acquérir des connaissances, c’est-à-dire les moyens et

mécanismes d’acquisition des informations », (cf. : Dictionnaire médical, 2014).

Page 36: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

23

b2. Maladie de type Alzheimer et troubles apparentés (la plus fréquente des maladies

neuro-dégénérative) :

Cette maladie présente une perte d’autonomie progressive qui se traduit par des

troubles cognitifs de types mnésiques associés à des atteintes d’un ou plusieurs autres

domaines. Elle est aussi associée à des troubles psycho-comportementaux. Afin de

diagnostiquer une maladie de type Alzheimer, ces difficultés doivent être présentes depuis

au moins six mois et absentes d’une autre pathologie (par exemple une tumeur).

D’abord est touchée la mémoire explicite (verbalisée) puis la mémoire implicite (non

verbalisée, le « faire »).

La première zone cérébrale touchée est la zone gardienne de la mémorisation des

informations récentes, située dans l’hippocampe, au centre du cerveau dans le cortex. C’est

la mémoire épisodique. Les anciens souvenirs restent intacts, d’où un refuge de la personne

atteinte dans le passé. Ensuite est touchée la mémoire sémantique : la connaissance que

l’on a sur le monde (ainsi que les discours) se vide, ne laissant que les mots « valises ». Puis

est touchée la mémoire procédurale, le « faire ». Voici quelques exemples :

- Apraxie : difficulté à réaliser certains gestes, à utiliser certains objets, à s’habiller.

- Aphasie : difficulté à s’exprimer, allant jusqu’à l’incohérence du langage et au

mutisme.

- Désorientation temporelle et/ou spatiale.

- Trouble de la concentration, par exemple : grande difficulté à faire un choix.

Enfin est touchée la mémoire sensorielle, perceptive, émotionnelle (la madeleine de Proust).

C’est cette mémoire qui est la plus longtemps préservée, elle se situe dans l’amygdale

cérébelleuse, dans le cerveau reptilien.

Cette pathologie est donc évolutive et à triple entrée :

- Atteinte à la mémoire :

Stade précoce : oubli, répétition.

Page 37: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

24

Stade modéré : désorientation, oubli de ses amis.

Stade terminal : l’information ne se fixe plus, incohérences, lésions du

cerveau (déglutition, respiration…), mort.

- Variable dans le temps :

En fonction de la pathologie.

En fonction du patient.

- Evolution du profil cognitif et des troubles du comportement dans

l’avancée de la maladie :

Page 38: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

25

b3. Maladie neuro-dégénérative de Parkinson (deuxième plus fréquente après la

précédente).

Cette maladie touche les gens âgés (plus de 65 ans). Elle est caractérisée par une

dégénérescence des neurones à dopamine. C’est une maladie chronique, d’évolution lente

et progressive, dont le début est insidieux. Les malades restent asymptomatiques jusqu’à ce

que 50 à 70 % des neurones à dopamine soient détruits et que le cerveau ne soit plus en

mesure de compenser par la plasticité cérébrale. Apparaissent alors les symptômes

suivants :

Trois symptômes moteurs (ils ne sont pas forcement présents en même temps et

peuvent être d’intensité variable. Ils restent longtemps asymétriques) :

- Akinésie : lenteur dans la mise en œuvre et coordination des

mouvements.

- Hypertonie : rigidité excessive des muscles.

- Tremblements : survenant au repos, affectant surtout les mains et les

bras. Ils sont intermittents et non systématiques. [En en étant conscient,

la personne malade effectue un important effort de concentration pour

qu’ils n’apparaissent pas en public, ce qui entraîne une fois seule, des

crises plus ou moins importantes].

Symptômes non moteurs :

Par répercussions de la maladie sur le cerveau, la personne

peut présenter des problèmes de sommeil, une perte d’odorat

(anosmie), des troubles cognitifs, des troubles d’équilibre, des

douleurs, des difficultés d’élimination, des symptômes de dépression

plus ou moins importants.

Page 39: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

26

b4. Démences vasculaires cérébrales (non dégénératives et deuxième cause de

démence après la maladie de type Alzheimer).

Elles sont dues à une anomalie de la circulation sanguine qui provoque un manque

d’oxygénation de certaines zones du cerveau. La destruction des tissus est alors irréversible

et entraîne une détérioration des capacités cognitives et de la mémoire.

Le type de ces démences que j’ai rencontré est dû à des infarctus multiples résultant de la

répétition de minis Accidents Vasculaires Cérébraux ou bien par infarctus unique d’un seul

AVC.

b5. La démence mixte.

Cette maladie associe des lésions d’origines dégénératives (ici de types Alzheimer) et

une démence vasculaire.

b6. Troubles neurocognitifs sévères exposés par Naomi Feil (née en 1932), [voir ses

livres, réf.10 et 11] :

Sa théorie (que je développerai ultérieurement, toujours dans les fondements de ma

construction théorique) expose le comportement spécifique de personnes très âgées qui

luttent pour résoudre leurs problèmes durant leur vie, restés tels quel, avant leur mort. C’est

ce qu’elle nomme la Résolution.

Ce comportement se classe en quatre étapes progressives:

La mal orientation : expression des conflits passés dans des formes déguisées.

La confusion : la personne ne se repose plus sur la réalité, elle est dans son

monde intérieur.

Page 40: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

27

Le mouvement répétitif : ces mouvements remplacent les mots et sont utilisés

pour exprimer des conflits non résolus.

L’état végétatif : la personne s’échappe intérieurement complètement du monde

et renonce à essayer de résoudre sa vie.

Ces personnes sont souvent diagnostiquées comme ayant une démence de type Alzheimer,

à tort.

Celles que j’ai rencontrées pouvaient présenter des troubles associés, comme : des troubles

comportementaux, une aphasie de Broca ou encore des troubles dépressifs profonds,

voisinant la mélancolie, avec tentative de suicide.

b7. Troubles neurocognitifs sévères dus au grand âge :

Sans pathologie spécifique, le vieillissement naturel du cerveau (je parle des

personnes autour de 100 ans) entraîne une diminution du nombre de neurones et des

neuro-médiateurs.

La mémoire et les troubles cognitifs concernés par le processus dégénératif et les baisses de

performances sont variables d’un sujet à l’autre.

Page 41: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

28

C- Au service des résidants : l’hydre bienveillante.

1. Préambule : choix linguistique.

Il est souvent question de « service de soins » ; « chef de service » etc…, le mot

service a en effet beaucoup de sens. J’apprécie d’utiliser ce mot, car, en arrière plan,

j’entends une de ses nombreuses définitions : « ce que l’on fait pour quelqu’un ».

2. Procédures d’admission et de suivi.

[voir site, réf.52]

3. « Charte des droits et libertés de la Personne âgée en situation de handicap ou

de dépendance ».

Ce texte est un des principaux fondements du dispositif d’un EHPAD :

Page 42: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

29

Page 43: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

30

4- Structure générale de l’EHPAD de la Bourgonnière.

Cet EHPAD est un établissement privé à but non lucratif géré par une

association loi 1901 : Association d’Assistance de Saint-Herblain et d’Indre.

L’établissement a mis en place des procédures « démarches qualités » conformément

au référentiel : « certification de services » de la Fédération Nationale Accueil et

Confort Pour Personnes Agées.

Le coût pour le résidant (avec possibilité d’aide sociale) est de 1841€ par mois, mis en

place par le Président du Conseil Départemental.

Organigramme (page suivante) :

Page 44: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

31

Il convient de noter que la restauration est réalisée sur place par la société extérieure

ELIOR, qui est composée d’un chef et d’une brigade de deux personnes. Les repas

sont de qualité (gustative et autre sens…), équilibrés et adaptés aux besoins des

résidants.

Chaque acteur du service porté aux résidants est important et est recruté pour son

professionnalisme mais surtout pour ses qualités humaines, permettant de voir le

résidant comme une personne avant tout.

Page 45: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

32

5-Etat des lieux du personnel soignant (interne et externe).

Il y a 45 salariés auxquels se rajoutent les 3 cuisiniers qui travaillent dans

l’établissement, soit 32.47 ETP (Equivalent Temps Plein).

Plus spécifiquement :

- Pour l’unité de travail Pierre Mara (14 résidants):

o 1 ASH le matin et le soir,

o 1 AMP et 1 AS le matin,

o 1 AMP ou 1 AS le reste de la journée jusqu’à 21h00.

- Pour l’unité Ermitage (14 résidants) :

o 1 ASH le matin et le soir,

o 3 AS le matin,

o 1 AS le reste de la journée jusqu’à 21h00.

- Pour l’ensemble de la structure, de 21h à 6h30 :

o 1 AS et 1 AMP.

Par décision de la Direction, les acteurs de soins qui travaillent dans les unités ‘Pierre

Mara ’ et ‘Ermitage’, ne sont pas arbitrairement nommés, mais font le libre choix de

venir dans ces services. Certains ne restent que quelques mois, d’autres (la majorité)

plusieurs dizaines d’années (ou plus).

Ces soignants suivent des formations continues adaptées que je détaillerai plus loin.

Page 46: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

33

Le résidant (ou sa personne de confiance si nécessaire) garde son libre choix de ses

médecins et spécialistes, ainsi que de ses différents auxiliaires médicaux

(kinésithérapeutes, pédicures, orthophonistes…). Ce qui fait que 30 médecins

libéraux, exerçant essentiellement dans la commune de Saint-Herblain, mais aussi

Indre, Couëron, Nantes, prennent en charge les résidants dans l’établissement. S’ils

ne peuvent se déplacer, ou en dehors des heures ouvrables, il est fait appel à SOS

Médecin ou au centre 15 si nécessaire. Il y a aussi 7 kinésithérapeutes libéraux qui

interviennent dans l’établissement et font leur compte rendu sur le logiciel de soins.

L’EHPAD fait partie du secteur psychiatrique 1 rattaché à l’hôpital Saint Jacques de

Nantes. Un infirmier psychiatrique du Centre Médico-Psychologique Beaumanoir

peut intervenir auprès des résidants. Il peut également être fait appel au psychiatre.

A la suite de son intervention, un infirmier psychiatrique se déplacera pour le

résidant et/ou l’équipe soignante pour valider les actes d’accompagnement.

Voici le réseau partenarial de la Bourgonnière :

Page 47: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

34

Page 48: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

6-Attitude commune dans la pratique des soignants : l’humanitude.

a. Origine :

Selon Albert Jacquard, dans son livre « Cinq milliard d’hommes dans un

vaisseau », aux éditions Seuil, en 1987, l’humanitude recouvre « l’ensemble

des cadeaux d’évolutions que les humains se sont faits les uns aux autres aux

cours des générations, depuis qu’ils ont conscience d’être et qu’ils peuvent se

faire encore, en un enrichissement sans limite ».

35

Page 49: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

36

b. Application pratique dans les soins :

Voici Les quatre piliers de l’humanitude :

Le regard : il doit s’échanger face à face, les yeux dans les yeux, à

hauteur du visage.

La parole : elle doit annoncer chaque geste.

Le toucher : il s’agit d’essayer de transformer le « toucher utilitaire »

en « toucher tendresse » tout en respectant la sphère d’intimité de la

personne.

La verticalité : essayer, le plus possible d’accompagner la personne

debout, tout en respectant ses limites et états du moment.

L’individualisation des soins :

Le soignant, le plus possible là encore, s’efforce de s’adapter à chaque

résidant, d’être d’avantage à l’écoute de ses désirs et de ses besoins,

d’apprendre à connaître son histoire.

Les limites :

Les GMP augmentent d’années en années mais pas les crédits pour

embaucher du personnel soignant. Donc, la lourdeur croissante des prises en

charges entraîne un temps réduit avec le résidant.

7- Formation continue du personnel soignant.

Afin d’être mieux au service du résidant, les professionnels suivent des

formations spécifiques et diverses, qu’ils partagent ensuite avec ceux qui n’ont pas

pu les suivre, ne serait-ce que par leur attitude. Par exemple :

o 10 professionnels ont bénéficié de la formation Montessori, adaptée aux

personnes âgées dépendantes,

o 5 professionnels ont bénéficié de la formation Snoezelen,

o 3 professionnels ont bénéficié de la formation d’assistant de soins en

gérontologie,

Page 50: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

37

o 3 professionnels ont bénéficié de la sensibilisation à la méthode de validation

de Naomi Feil.

De plus, la médecin coordinatrice, est fervente élève du géronto-psychiatre Jean

Maisondieu, [voir livre, réf.30], et ainsi, sait diffuser, faire infuser, cette approche

auprès des soignants. Je préciserai le point de vue de ce professeur dans ma

construction théorique.

8- Les soins non médicamenteux.

a. Effectués par les soignants :

De par leur formation, les soignants savent pratiquer des soins non

médicamenteux comme par exemple :

Les ateliers mémoire.

La confection de potage maison tous les soirs à l’unité Pierre Mara.

Des repas thérapeutiques, en compagnie des résidants.

Les soins en salle Snoezelen, etc…

b. Les animations :

Il n’y a pas de preuve scientifique que les animations font partie des

soins non médicamenteux, mais force est de constater un mieux être chez les

résidants qui y participent (volontairement). Nombreuses sont les activités, et

l’animatrice (qui ne fait pas partie du personnel soignant) est aidée par une

solide équipe de bénévoles.

Par exemple :

L’activité chant, où les personnes viennent très nombreuses, des trois

unités, dans la salle polyvalente. Je rappelle que le chant de chansons,

parues quand les résidants avaient de 20 à 30 ans, est utilisé en

musicothérapie pour les personnes qui ont des troubles mnésiques

plus ou moins importants : à travers l’émotion provoquée par le chant

(chanté ou écouté), une petite veilleuse s’allume dans l’obscurité de

leurs souvenirs et des sens et sentiments de l’époque peuvent se

mettre au jour.

Page 51: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

38

La sortie annuelle d’une semaine de vacances dans une maison de

Pornichet.

Le jeu du loto.

Les sorties (courses, cinéma local, marché, visites, spectacles….).

Les participations aux décorations de la résidence, adaptées au

moment de l’année.

Le ‘lien canin’, où sont conviés des chiens dressés et leur maîtres, pour

un échange de bonté, sans jugement, avec les résidants.

La célébration de la messe, les jeudis et dimanches matins.

Les célébrations, une fois par mois, des anniversaires.

L’invitation d’animateurs musicaux.

L’animation lecture.

L’invitation des enfants, en groupe, porteurs d’un projet.

La gymnastique douce (vélo d’appartement).

Les soins esthétiques.

Les moments ‘thé dansant’ en lien avec d’autres maisons de retraite,

etc….

c. La responsabilisation des résidants :

Peut-on parler là aussi de soins non médicamenteux ? Je le suppose.

Dans ce domaine, je souligne :

La participation active au Conseil de la Vie Sociale.

La gestion de la boutique.

L’arrosage des nombreuses plantes.

La confection de décorations florales, etc…

9-Les mécanismes de défense.

a. Formels :

Il y a régulièrement des analyses de la pratique. Les soignants peuvent

aussi demander des entretiens particuliers.

Page 52: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

39

b. Informels :

Il n’est certes pas évident de toujours travailler auprès de personnes

dépendantes, abîmées physiquement et mentalement, de côtoyer la mort.

Cela peut naturellement rappeler au personnel sa propre famille ou aussi ce

qu’il pourrait devenir plus tard et raviver sa propre angoisse de mort.

D’où l’importance d’avoir des mécanismes de défenses informels comme des

pauses ensemble (où il est tabou de parler travail), des discussions de couloirs

parfois de tout et de rien, des rires, voire des fous rires, de la taquinerie, de la

tendresse dans leurs appellations entre personnels, des affinités… et aussi la

musique d’ambiance, diffusée dans tout l’établissement, forte parfois,

souvent sur la station RFM, qui a pour effet de dynamiser et de prendre un

certain recul (sur ce point, j’y reviendrai en annexe 3).

10-Petite conclusion.

a. Enquêtes et classements :

En 2013, France Info annonce le fruit d’une enquête sur le classement

des maisons de retraite en France. L’enquête porte sur 10400

établissements, publics, privés et associatifs.

64 établissements ont obtenu la note 10/10, et le département

figurant en tête est… la Loire Atlantique.

En 2014 et 2015, l’association UFC Que Choisir a visité anonymement

2404 EHPAD en France. Les appréciations et critères de notation se

sont faits sur la chambre, les locaux et son environnement, la vie

quotidienne, et l’accueil.

L’EHPAD de la Bourgonnière fait partie, en Loire Atlantique, de ceux

qui ont reçu le maximum de points et est classé 4ème meilleur EHPAD

de la région.

Page 53: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

40

b. Points à améliorer :

b1 : La salle Snoezelen.

D’origine néerlandaise, ce mot résulte de la contraction des verbes

« snuffelen » (renifler, sentir) et « doezelen » (somnoler). Il fait référence

à la notion d’exploration, de détente, de plaisir des stimulations

sensorielles.

A l’EHPAD de la Bourgonnière, je pense que cette salle est à améliorer :

dans les surfaces trop petites des différentes matières, collées

au mur, en vue d’une meilleure sensation de toucher,

dans la musique diffusée, musique commerciale soi-disant

relaxante, mais vide, musique « soap », alors qu’il serait plus

approprié qu’elle soit en concordance avec l’Identité Sonore de

la personne, [voir livre de Benenzon Rolando Omar, réf.5],

par le lit, peu modulable et couvert d’une alèse en plastique

(pratique mais pas forcément douillet),

par les parfums : utiliser un diffuseur d’huiles essentielles

naturelles en connaissance des effets recherchés,

par la température, plutôt basse. En effet, cette salle sert aussi

(malheureusement par manque de place) de lieu pour les vélos

d’appartement (gymnastique douce). Cette dernière est fort

utile mais pourrait se situer autre part, par exemple dans la

salle de soin inoccupée du 1er étage de l’unité « Village » qui

m’a été prêtée comme bureau durant mon stage. Aménagée,

elle pourrait accueillir les vélos.

b2 : L’absence de temps formel de transmission (entre référent tout au

moins) quand un résidant de l’unité « Village » est déménagé dans les

unités « Ermitage » ou « Pierre Mara », dû à l’évolution de son état.

Page 54: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

41

b3 : La musique ambiante. Elle est génératrice de stress et d’agacement

chez les résidants et dénote une peur du silence pour le personnel,

assimilé à la mort.

c. Histoire et choix linguistique.

c1. Un changement de référentiel :

Avant la seconde moitié du XXème siècle, les Anciens, sauf troubles

dangereux, étaient gardés à la maison. Les trois générations vivaient

ensemble (enfants, parents et grands-parents encore vivants). Ceci pour le

meilleur et pour le pire. Enfin, c’est ce qu’ont connu, dans leur enfance ou

leur jeunesse, les résidants actuels de l’EHPAD. Quel bouleversement

culturel !

c2. Histoire du nom des établissements pour personnes âgées

dépendantes voire démentes :

o Au XVIIème siècle, sont créés les hôpitaux généraux.

L’étymologie du mot hôpital viens du latin hospes qui signifie

« hôte », cette racine est aussi celle du mot hospitalité.

A contrario, le but des hôpitaux généraux était d’y enfermer

toute personne jugée indésirable par la société, dont les

vieillards indigents.

Progressivement, la prise en charge s’est plus spécifiée en

fonction des personnes hébergées.

o Fin du XIXème siècle, le nom est changé en hospice, ayant la

même racine étymologique que précédemment.

Page 55: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

42

Ce sont des lieux, ayant une capacité se dénombrant en

centaines de places, qui mélangent, en grande promiscuité,

toutes sortes de vieillards.

o En 1962, après le rapport Laroque, sont créées les maisons de

retraite, ayant trois exigences :

La conception d’établissements proches des centres

d’intérêts des agglomérations pour l’intégration sociale.

L’individualisation et la personnalisation des chambres.

L’architecture (pour 70 personnes maximum) qui

favorise l’aménagement de locaux ayant pour objectif

de faciliter la vie en commun des petits groupes.

Je vous invite à regarder de plus près cette dénomination :

Le terme maison est en fait une « violence douce » (oxymore

utilisée par le psychothérapeute Thierry Tournebise, quand il écrit sur

la prise en charge des personnes âgées dépendantes), car même si

c’est un lieu de vie, les résidants ne sont pas dupes (voir enquête de

l’ONFV) et souvent, consciemment on non, désirent rentrer dans leur

maison, chez eux.

Le terme retraite est ambigu. « Etre en retraite » peut s’entendre

par « être mis en retrait ». Ce mot peut signifier aussi que l’on est

vaincu et en fuite devant l’ennemi (ex : « la retraite de Russie »). Mais,

d’un autre versant, il peut aussi signifier un lieu tranquille où on se

ressource, où on fait le point.

o En 2002, suite à la loi 2002-2, sont créés les EHPAD qui

renforcent les droits des usagers et beaucoup d’autres

Page 56: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

43

éléments très bénéfiques pour eux (se référer ci-dessus). Mais

pour le résidant : il se retrouve dans un sigle devenu mot, dont

pratiquement seuls les professionnels connaissent la

signification, les tenants et aboutissants.

Afin d’être plus juste, plus clair et moins discriminant, je propose une

nouvelle appellation du genre : « Lieu de vie au service des Anciens ».

Page 57: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

44

Page 58: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

45

III. Immersion, observations, problématique.

A- Positionnement personnel général à l’EHPAD.

Quand je regarde, filmé en accéléré, un arbre qui pousse vers le ciel, lâche ses fruits,

qui à leur tour, prennent racines et poussent encore, c’est un émerveillement. Je prends

comme métaphore le palétuvier rouge, principale espèce constituant la mangrove.

Je compare cela à notre vie d’être humain, de la famille (cf. : arbre généalogique), d’une

société donnée, de l’humanité entière.

Page 59: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

46

Le cycle est comparable. Les jeunes bourgeons deviendront racines porteuses… Ainsi, les

Anciens, et les Ancêtres, constituent mes racines et leur histoire est en fait aussi mon

histoire.

C’est ainsi que j’ai effectué ce travail avec le sentiment permanent d’être privilégié et aussi

dans la joie des possibles rencontres. J’apprécie, depuis longtemps, écouter les histoires

vécues par les Anciens.

Par exemple un résidant me raconte son métier, qui était de pointe à ce moment là, quand il

était ingénieur sur les postes à galène, mettant la radio à la portée de tous. Ou, dans un

domaine similaire, cette résidante, qui me raconte comment elle était technicienne sur les

premières télévisions.

Je suis passionné par toutes les aventures et bouleversements du XXème siècle, et préfère de

loin les écouter en direct par les témoins qui les ont vécus.

Je suis arrivé le 1er novembre 2014. Coïncidence ? Car ce jour, dans notre culture, est

traditionnellement celui où l’on va honorer ses ancêtres. Les cimetières sont alors jonchés

de fleurs, avec comme star, le chrysanthème9.

9 En chine, le chrysanthème est une des 4 fleurs nationales. Il symbolise la paix, la vie paisible, la constance, la longue vie…

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47

B- Immersion.

1- Identification.

Il est important que j’aie sur moi (je suis en « civil ») des signes extérieurs explicites

de ma fonction, autres que mes instruments de musique (plus aléatoires, car ils sont souvent

dans mes sacs). Voici donc ce qui me différencie et m’identifie :

La direction m’a aussi confié un passe, ouvrant presque toutes les portes.

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48

2- Approches et contacts :

Dans mon projet de base, je me dirigeais surtout vers les unités « Pierre Mara » et

« Ermitage ». Prévenus de mon intention professionnelle, les soignants ont permis que je

participe à certaines prises en charge. Celles-ci ont été aussi envers quelques résidants de

l’unité « Village ».

Surtout la première semaine et ensuite de plus en plus rarement, pour me consacrer

exclusivement aux ateliers de musicothérapie, j’ai :

- accompagné des résidants (un à la fois) pour des balades hors de l’établissement, sur

le trottoir aménagé de l’allée de la Bourgonnière ou au parc public mitoyen,

- participé à des repas thérapeutiques à l’unité « Pierre Mara » ; c’est-à-dire, mangé

avec eux, à leur table (j’étais à la table de trois futurs patients),

- participé à donner le goûter (à des futurs patients là aussi) à l’unité « Ermitage ». Je le

rappelle : les résidants de cette unité sont très dépendants, et ont besoin, pour la

plupart, qu’une personne extérieure leur donne à manger ou à boire, de façon aussi à

éviter les fausses routes (ex : l’eau gélifiée).

Page 62: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

49

C- Observations.

1. Méthodologie.

Par mon métier actuel d’éducateur spécialisé et par la pratique de la Communication

Non Violente, [voir livre de d’Ansembourg Thomas, réf.7], j’ai essayé d’observer

professionnellement de la façon la plus objective possible, sans jugement, sans à priori, sans

peur, discernant, au possible, mes contre-transferts.

Professeur de Communication Non Violente et psychothérapeute, Thomas d’Ansembourg

cite le philosophe indien Jiddu Krishnamurti (1895-1986) pour qui : « distinguer

l’observation d’un fait de son interprétation est l’un des stades des plus élevés de

l’intelligence humaine ».

Suivant la pratique de la CNV, je me suis mis au clair avec mes sentiments et mes besoins,

sans affect personnel (voir annexe 1).

Afin d’être observateur, j’ai mis aussi en pratique la métaphore de la roue qui tourne, dans la

tradition zen : l’individu, surtout s’il est porteur d’une souffrance, reste placé sur la surface

du pneu de la roue des évènements, qui tourne vite, et ne voit presque rien, si ce n’est le

bitume qui défile. La pratique du zen consiste à se choisir un rayon et à descendre peu à peu

vers le centre du moyeu. L’individu va alors moins vite (le rayon étant plus petit) et voit de

plus en plus clairement autour de lui ce qui se passe. Arrivé au centre de la roue, il est

complètement immobile et voit l’ensemble, en éveil.

2. Notions de temps.

C’est ma première observation. Il y a, dans l’établissement, plusieurs notions du

temps. Grossièrement, il y a les « lièvres », le personnel, et les « tortues », les résidants. Les

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50

uns, de par leur mission professionnelle, les autres, de par leur grand âge et leur

dépendance.

Cela peut se voir d’une autre façon, celui des stades de développement, ou des façons de

vivre : une continuelle construction du Moi (cf. : Freud), en passant par la narcissisation,

voire l’effort fourni pour la conserver, et l’affirmation du Soi (cf. : Jung) qui est

l’aboutissement de la sénescence. J’y reviendrai dans les fondements de ma construction

théorique.

De par ma fonction, j’ai la chance de pouvoir avoir du temps.

Bien au dessus d’Agadez, au Niger, un ami Touareg avait pris une poignée de sable dans sa

main, doigts serrés, puis avait ouvert ses doigts et joignant la parole au geste m’avait dit :

« Tu vois, si tu ne prends pas le temps, tu le perds ».

Les personnes atteintes de troubles cognitifs majeurs, surtout ceux qui souffrent de

dégénérescence mnésique, vivent leur instant présent, en accord avec la représentation

unanime du temps ou avec un temps qui n’appartient qu’à eux. En travaillant avec eux, j’ai

vu ainsi en moi germer le koan10 du maître zen Kodo Sawaki (1880-1965) : « L’instant

présent est un piège pour l’éternité ».

Un koan ne peut, par définition, être expliqué, mais le philosophe et musicologue Vladimir

Jankélévitch (1903-1985), [voir son livre, réf.15], peut aider. Je le cite : « L’occasion est une

aventure, et elle advient toujours pour la première fois », « jamais auparavant et jamais

plus », « A l’irréversibilité du temps : il convient d’apporter son imprévisibilité : le temps

n’est pas une pure continuation d’être, mais innovation perpétuelle », « imprévisibilité et

irréversibilité sont d’ailleurs comme le recto et le verso d’une même temporalité : si

l’événement nouveau est toujours inédit, c’est que les évènements anciens ne souffrent

aucune répétition. »

10 Koan : courte phrase absurde voire énigmatique utilisée dans les écoles Zen, comme objet de méditation, mettant en action une logique totalement inhabituelle, confondant le mental.

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51

3. Autres observations.

Il apparaît plusieurs attitudes différentes sous jacentes à l’interaction avec la

personne très âgée, atteinte de troubles neurocognitifs sévères.

Elles ne sont pas forcément toutes bien adaptées et je constate un certain désarroi des

soignants, malgré leur bienveillance, leur professionnalisme et leur humanitude.

Utilisation de la Validation (d’après Naomi Feil), [id., réf.10] que je cite :

« L’intervenant ne discute pas et ne se confronte jamais à la personne.

Il n’essaie pas de l’amener à expliquer son propre comportement.

Il n’essaie pas de l’orienter sur l’époque et le lieu, si elle ne le souhaite pas.

Il n’utilise pas les techniques de renforcement positives ou négatives pour

modifier le comportement de son interlocuteur. »

Cette méthode est celle, à mon sens, la plus adaptée (je la reprendrai dans les fondations de

ma construction théorique).

Utilisation de l’Orientation vers la réalité (développée par le psychiatre James

Folsam en 1964) :

Cette attitude fonctionne pour les personnes âgées dépendantes mais peut faire

souffrir dans les cas qui me préoccupent, car les personnes atteintes de troubles

neurocognitifs sévères déforment volontairement les réalités du jour présent, soit pour

recréer des situations qu’ils avaient mal résolues dans le passé, soit comme moyen de

survivre aux pertes causées par leur âge.

Utilisation de la Diversion (fonctionne habituellement) :

Elle est utilisée pour modifier les comportements négatifs en proposant une

distraction agréable. Toutefois, cette action ne peut être que de courte durée, parce que la

Page 65: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

52

distraction proposée n’est pas la réponse au besoin profond qui a provoqué le

comportement.

4. L’équipe.

J’ai pu observer une équipe professionnelle saine, c’est-à-dire, étant dans la synergie

[différentiation, confrontation, complémentarité]. De plus, grâce, entre autre, à leur système

de défense, les soignants sont disponibles et patients avec les résidants.

Si j’avais fait un sociogramme de Moreno (sociologue et psychothérapeute (1889-

1974)), visant à déterminer l’organisation socio-affective, les flèches reliant les personnes

auraient été principalement dans les deux sens, avec aucun singleton. Bien sûr, il apparaît,

mais sans scission, des groupes d’appartenances pour chaque unité, chaque pôle.

D- Problématique.

1. Objectif principal.

Aider, par la musicothérapie, la personne atteinte de troubles neurocognitifs sévères,

à résoudre au mieux l’objectif du stade de la sénescence (je le verrai plus en détail dans les

éléments fondamentaux de ma construction théorique).

Page 66: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

53

2. Visées thérapeutiques connexes.

Afin d’aller vers l’objectif principal, différents moyens et ateliers thérapeutiques vont

être mis en place (une même personne peut se retrouver dans plusieurs ateliers, suivant

l’évolution de son état). Les voici :

a. Par la pratique de la musicothérapie, dans la simulation des

neuromédiateurs, essayer de contribuer à l’allègement des traitements

chimiques dont les substances actives ont des effets secondaires souvent

délétères chez les personnes très âgées.

b. Par l’utilisation d’un instrumentarium inconnu des personnes, stimuler,

suivant Hervé Platel, la plasticité cérébrale et la neurogénèse.

c. Donner la possibilité à la personne, dans une écoute active, de s’exprimer

dans ses émotions, sentiments et besoins, par la mise en place de

séances de musicothérapie active individuelle (voir annexe 1).

d. Par des séances de musicothérapie active en groupe restreint, aider à la

communication entre les personnes d’une même unité, essayant de les

dégager de leur à priori ou de leur rôle.

e. Par la musicothérapie réceptive individuelle en direct, participer à

l’accompagnement au coucher, pour travailler chez la personne

l’agressivité, le « sundowning syndrome » et « l’inversion du rythme

nycthéméral ». Je définirai ces symptômes quand j’écrirai sur la clinique.

f. Par la musicothérapie réceptive (en direct) et la verbalisation, aider la

personne dans l’accompagnement de la fin de sa vie (qu’est ce que

« mourir en paix » ?).

Page 67: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

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g. Donner les moyens aux soignants, par un angle de vue

musicothérapeutique, de créer une bande sonore ambiante, basée sur le

résidant (voir en annexe 3).

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IV. Construction théorique.

A. Préambule : Langue des oiseaux et choix linguistique.

1- Savoir et connaissance.

Selon la langue des oiseaux, le verbe savoir peut être lu comme « s’avoir », c’est-à-

dire avoir pour soi, pour sa propre érudition. Le mot connaissance quant à lui, peut être lu

comme « co-naissance », c’est-à-dire faire l’expérience de naître avec l’autre ou bien « con-

essence », c’est-à-dire partager avec l’autre ce que nous sommes en profondeur.

A mon sens, donc, le savoir (mot autocentré) ne peut devenir fécond, spécialement dans un

métier de thérapeute, que pour la connaissance (mot relationnel), (cf. : transformation de

point de vue, transformation psychique…)

2- Soignant et soigné.

Toujours selon la langue des oiseaux, le mot soignant peut être vu comme « soi-

niant », c’est-à-dire, non pas rejet de ce que l’on est, mais l’absence dans le fait de soigner,

de recherche de profit personnel. Le mot soigné peut lui être vu comme « soi-nié ».

En prenant appui sur les fondateurs de la psychanalyse, je dirai plutôt le « Moi-niant », selon

Freud (mot actif), s’occupe du « Soi-nié », selon Jung (mot passif). Ce qui devient contraire à

mon optique thérapeutique. Je préfère donc parler, non de « soigné », mais de « patient ».

Page 69: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

56

B. Fondations..

1. Introduction.

a. Culture de l’EHPAD de la Bourgonnière.

Chaque EHPAD a sa propre culture. Afin que mon travail en musicothérapie puisse

s’insérer dans celle de la Bourgonnière, je choisis de le greffer sur un travail déjà en cours. Je

vais donc m’appuyer sur la Validation de Naomi Feil, la méthode Montessori adaptée aux

personnes âgées dépendantes et l’angle de vue du géronto-psychiatre Jean Maisondieu.

b. Une histoire de ponctuation, [voir livre de Modillat Gérard, réf.33].

Je fais référence à Hamlet, dans la pièce éponyme de William Shakespeare (1564-

1616). Dans l’acte 3, scène 1, en plein drames, Hamlet est plongé dans ses méditations avant

l’arrivée de sa maîtresse, orchestrée par le conseiller du roi meurtrier, afin de le confondre.

C’est à ce moment, seul dans un appartement du château qu’il dit cette phrase célèbre,

début d’un monologue « Etre ou ne pas être, telle est la question ? ».

Or, dès l’origine de la traduction, il y a confusion dans la ponctuation, ce qui change le sens

et l‘original souligne le génie de l’auteur. Le texte original est « To be or not? To be, that’s

the question » c’est-à-dire “Etre ou pas? C’est être qui est la question”.

2. La méthode Montessori.

a. Présentation.

Cette méthode, inspirée des travaux du docteur Maria Montessori (1870-1952), est

adaptée par le professeur Cameron Camp, [id., réf.6], neurologue et chercheur américain, en

1999.

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57

b. Retour sur le nihilisme thérapeutique.

C’est l’idée qu’une personne âgée qui présente une démence, est incapable

d’apprendre ou d’exprimer quoi que ce soit et ne fait que décliner dans maints domaines.

Cette idée est insidieuse, car elle détruit l’espoir et condamne à accepter qu’il n’y a rien à

faire. Le psychologue et psycho-gérontologue Tom Kitwood (1937-1998), a été l’un des

premiers à remettre en question cette idée. L’usage d’un modèle psycho-social remplace

progressivement le modèle médical dans le soin et la démence. Je le montrerai bientôt à

l’aide du point de vue de Jean Maisondieu.

c. Activités et soins.

Les activités proposées visent à optimiser les capacités persistantes (mémoire

procédurale et mémoire émotionnelle). Elles doivent intéresser les personnes et avoir du

sens pour elles. Il convient aussi au soignant de leur donner un rôle à remplir (sentiment

d’appartenance, de sécurité et d’estime de soi).

Déroulement d’une activité (individuelle ou en groupe) :

Commencer l’activité par une invitation.

Faire une démonstration avant de demander à la personne de faire par elle-

même. Cela lui permet de se focaliser sur la procédure et non sur des directives

verbales, source de confusion.

Décomposer l’activité en tâches successives.

Clore l’activité en demandant à la personne si elle aimerait la refaire une autre

fois.

Page 71: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

58

3. La validation de Naomi Feil.

a. Introduction :

J’ai déjà commencé à parler de cette méthode [id., réf.10 et 11].

Valider, c’est reconnaitre les émotions et les sentiments d’une personne. La Validation

emploie l’empathie thérapeutique pour s’accorder à la réalité intérieure de la personne âgée

désorientée.

b. Correspondance avec la théorie du psychologue Erik Erikson (1902-1994) :

Erik Erikson a élaboré une théorie des étapes du développement au cours de la vie,

avec leurs tâches respectives, qui se fonde sur les interactions entre les capacités

biologiques, mentales et sociales, les besoins et les pulsions. En grandissant,

l’accomplissement d’une tâche dépend de la façon dont ont été accomplies les tâches des

étapes précédentes. Les « grands vieillards désorientés », dans ce que Naomi Feil nomme la

Résolution (jamais totale), vont essayer de retrouver une Intégrité, en essayant de se

réconcilier, de se réapproprier les étapes de leur vie qui se sont mal ou très mal passées.

Page 72: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

59

Je cite le tableau explicite suivant, d’après Naomi Feil avec quelques rajouts (en italique) :

Etape Crise psychosociale Comportement observé chez les

grands vieillards désorientés

Prime enfance Confiance vs Méfiance

Fruit : l’Espoir

Font des reproches, se sentent

désespérés et abandonnés, sans

valeur.

Tout ce qui est nouveau les effraie. Ils

« ravalent » leurs émotions.

Enfance Autonomie vs Honte, Doute

Fruit : la Volonté

Les gentils garçons et filles ne disent

jamais « non ». Ils craignent de

prendre des risques, manquent de

confiance en eux, ont peur de perdre

le contrôle. Ils accumulent des

réserves.

Age du jeu Esprit d’initiative vs Culpabilité

Fruit : l’Exploration

Ne tentent rien de nouveau.

Dépression, culpabilité, pleurs

continuels, position de victime.

Age de l’école Volonté vs Sentiment

d’infériorité

Fruit : la Compétence

Font des reproches, « je ne vaux

rien » ; dépression.

Adolescence Identité vs Confusion

Fruit : la Fidélité

Passages à l’acte d’ordre sexuel.

Résignation. Perte de l’identité,

confusion de noms propres.

Jeune adulte Intimité vs Isolement

Fruit : l’Amour

Repli sur soi, évitement d’autrui.

Dépendance.

Page 73: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

60

Age adulte Créativité vs Stagnation

Fruit : le Prendre soin

S’accrochent au passé, aux anciens

rôles sociaux ou au travail. Disent aux

autres quoi et comment faire.

Travaillent tout le temps, veulent

« être utiles ». Déni des pertes liées à

l’âge.

Age avancé Intégrité vs Désespoir, Dégoût

Fruit : la Sagesse

Dépression, dégoût du monde.

Reprochent aux autres leurs

manquements. « je ne vaux rien ».

c. Techniques et validations permettant de communiquer avec les personnes

âgées atteintes de troubles neurocognitifs sévères :

Selon Naomi Feil, ceci concerne les vieillards désorientés au 3ème stade « les

mouvements répétitifs » et au 4ème stade « vie végétative ».

c1.La concentration.

C’est à l’intervenant en validation d’essayer d’entrer dans le monde de la personne. Pour

être ouvert à leurs émotions, il doit être libéré des siennes propres, il se doit d’être centré

(cf. : la métaphore zen de la roue qui tourne).

c2. Travailler et accepter l’ambiguïté comme moyen de répondre à une

personne incapable de s’exprimer de façon sensée.

En effet, à ces stades de la Résolution, les malades ont tendance à inventer leur propre

vocabulaire.

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61

c3. Relier les comportements aux besoins.

Persistent trois besoins de bases : être aimé, être utile et exprimer ses sentiments (mais sont

présents tous les besoins détaillés par la C.N.V. en annexe1).

c4. Utiliser le contact physique.

c5. Leur renvoyer leur image en copiant les mouvements de leur corps,

leur façon de respirer, ou encore danser à leur rythme.

c6. Utiliser la voix, le toucher, des regards proches de façon sincère

pour obtenir une réaction.

c7. Se servir de la musique (sic).

d. Attitudes du praticien en validation dans tous les cas :

- Etre centré.

- Observer les caractéristiques physiques des personnes, leur langage non-verbal.

- Les écouter avec attention.

- Ne pas discuter de la vérité des faits.

- Ne pas porter de jugements.

- Etre attentif à l’espace privé, tant physique que psychologique, de chacun.

4. Carl Ransom Rogers.

a. Présentation :

Carl R. Rogers (1902-1987) était docteur en psychologie et professeur à l’université

de Chicago. Je vais relever dans sa conception de la psychologie humaniste ou existentielle,

les points qui vont contribuer à ma base de thérapeute, [voir son livre, réf.40].

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b. La congruence :

Lorsque le psychothérapeute est congruent, c’est qu’il est authentique dans le

rapport avec son patient, sans masque ni façade. Plus le thérapeute sait écouter et accepter

ce qui se passe en lui, ses propres sentiments et besoins, plus il va être alors capable de les

exprimer au moment opportun et le changement psychique chez le patient s’en trouvera

facilité.

c. L’empathie (thérapeutique) dans la relation d’aide :

Je reviendrai plus en détail sur ce point, mais l’empathie selon Carl Rogers me semble

être la seule qui soit thérapeutique dans la relation d’aide. C’est-à-dire :

Laisser résonner en soi, en congruence et sans jugement (tout

en restant centré), tout ce que vit le patient, à ce moment

précis.

Reformuler afin de voir si l’on a bien saisi, donc montrer au

patient qu’il a bien été entendu ; peut-être suggérer quelques

pistes, dans l’empathie.

Laisser le patient cheminer, soutenu (de moins en moins) par le

thérapeute, afin qu’il trouve en lui-même les ressources pour

résoudre son problème, par transformations psychiques.

d. Le continuum :

Faisant écho à Vladimir Jankélévitch, Carl Rogers comprend que « les individus

n’évoluent pas d’un point fixe et homéostasique vers un nouveau point fixe. Au contraire,

le continuum le plus significatif se développe à partir d’un point fixe vers le changement (…),

à partir d’un état de stabilité vers un processus évolutif ». Et cela toute vie durant, tout

comme chaque être vivant.

Page 76: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

63

5. L’empathie thérapeutique

L’empathie ne se limite pas à se mettre à la place de l’autre (ce qui est une illusion) et

ainsi l’aiguiller vers des solutions qui nous conviendraient très bien, si nous nous retrouvions

dans la même situation. Ceci n’est pas soignant. Le psychothérapeute Thierry Tournebise

définit cette empathie comme du « narcissisme relationnel », [voir son livre, réf.44].

L’empathie soignante (ou thérapeutique) est clairement définie par Carl Rogers : laisser en

vérité résonner en soi, sans jugement, les états informatifs (représentations), émotionnels et

psychoaffectifs du patient, tout en restant objectif, centré.

Je reprends la métaphore zen de la roue, mais cette fois à deux : la roue du patient roule à sa

vitesse, le patient étant à la surface du pneu, et cette roue, par alliance thérapeutique (j’y

reviendrai), comme par une courroie de transmission, est liée à la roue du thérapeute, qui

lui, est centré, immobile, sur l’axe de son moyeu. Par l’écoute active du thérapeute, il va

trouver son propre rayon pour se centrer.

Il est important, dit Thierry Tournebise, que le thérapeute ne soit ni emporté dans les

affects, ni s’être mis dans la distance (utilisation du patient jusqu’à l’opposé : absence de

relation), mais se doit d’être « distinct », donc différencié (cf. : Winnicott).

6. Thierry Tournebise.

a. Présentation :

Thierry Tournebise (né en 1951) est psychosomaticien, psychothérapeute et

formateur auprès de personnels soignants. Il est le fondateur de la « Maïeusthésie »

composé du grec « maieutke », art d’accoucher quelqu’un, et du mot d’origine indo-

européenne « aisthanesthai », sentir, percevoir, [id. réf44 et réf44bis].

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64

b. Rassembler les parts de soi éparpillées, l’amour d’Isis :

Dans la mythologie égyptienne, Isis était la femme d’Osiris. Osiris avait un frère Seth,

jaloux et envieux, qui lui tendit un piège (…) Afin d’en finir pour de bon, il découpa Osiris en

quatorze morceaux qu’il éparpilla sur la terre d’Egypte.

Isis, avec l’aide de sa sœur, entreprit de le rechercher puis de rassembler les morceaux de

son mari. Osiris fut rassemblé avec tant d’amour, que non seulement il revint à la vie, mais

en plus, redevint apte à la procréation. Ensemble ils conçurent Horus.

Pour Tournebise, la thérapie est un « chemin d’amour entre celui qu’on est et tous ceux

qu’on a été ». Les morceaux, dans l’objectif de ma problématique, n’ont pas été éparpillés

dans l’espace (l’Egypte) mais dans le temps (chaque histoire personnelle). Le processus de

renaissance terminé, il reste toutefois à apprendre à vivre. Mais dans le processus de

naissance, bien que la solution soit toujours l’accueil, il convient de respecter les résistances,

ne pas forcer, car ce qui résiste « fait partie de la notice de montage du kit [des morceaux

éparpillés]».

c. Guider sur le fil :

Le reflexe qui consiste à essayer d’oublier ce qui nous a fait du mal, nous protège

correctement de la douleur immédiate. C’est la « pulsion de survie ». Afin de ne pas perdre

ce précieux instant de notre vie dont nous nous sommes personnellement amputés, nous

l’attachons à un fil, dont nous gardons précieusement l’autre extrémité près de nous. Nous

nous en occuperons plus tard, lorsque nous aurons gagné en maturité, ceci est l’œuvre de la

« pulsion de vie ».

Pour Tournebise, être thérapeute, « c’est savoir reconnaitre le fil d’Ariane que le patient

nous propose et l’aider à l’emprunter pour mieux accéder à lui-même. C’est respecter ses

peines et ses résistances (…) Si le patient est un funambule, le thérapeute doit être son

balancier l’aidant à ne pas perdre l’équilibre sur son fil. »

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65

7. Jean Maisondieu.

a. Présentation :

Le docteur Maisondieu est géronto-psychiatre des hôpitaux et propose une approche

psycho-dynamique de la démence, au carrefour du médical, du sociologique et du

psychologique, [id., réf.30].

b. La maladie d’Alzheimer : un grand tiroir pratique ?

L’approche purement biologique de cette maladie a pour inconvénient, d’après Jean

Maisondieu, de dispenser de chercher à comprendre l’individu, dont les neurones se

détériorent. Les « troubles cognitifs liés à la vieillesse » ont de plus en plus été décrétés

maladie d’Alzheimer. L’objectivité affichée que permet le modèle lésionnel a ainsi glissé vers

la croyance. Ce qui pose question c’est la condamnation implicite à l’incurabilité. Je cite : « le

message paradoxal est le suivant : « Soignez les déments, ce sont des malades, mais ne les

guérissez pas, ce sont des incurables » », et il ajoute après bien des pages : « même si la

démence n’est pas incurable, elle est difficile à soigner ».

c. L’angoisse de la mort, concept de thanatose :

Selon l’auteur, c’est en réponse à l’aspect insupportable du vieillissement autant

qu’à l’angoisse de la proximité de la mort11, et le tabou qu’elle entraine, que la démence se

développe.

Alors que la sexualité était le tabou d’hier, elle est aujourd’hui omniprésente ; c’est la mort

que l’on tend à dissimuler. Jean Maisondieu décrit donc la démence comme une réponse

défensive psychosociale à triple démarche destructive : individuelle, familiale et sociale, c’est

le concept de thanatose. Je cite : « Exclure sans rejeter et rejeter sans exclure, s’exclure sans

se tuer et se tuer socialement pour ne pas mourir sont des demi-mesures auxquelles sont

conduits (…) ceux qui sont incapables d’admettre la défaite complète devant la mort », et

11En 2014, 28% des plus de 65 ans se suicident avec un pic de 40,3% pour les 85-94 ans. La France présente le taux le plus élevée de l’Europe de l’Ouest. Cette’ épidémie silencieuse’, chez les personnes âgées, augmente dans les pays à niveau de vie élevé. Pour revenir aux symptômes de mauvaise santé de la société française, je rappelle ces chiffres : première mondiale pour la consommation de médicaments avec un record sur la prise de neuroleptiques ; troisième mondiale pour le nombre de malades alcooliques.

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aussi « le refus de donner du sens aux symptômes oblige les patients à les majorer en toute

inconscience pour se faire comprendre. »

Le premier combat à mener est un combat contre notre angoisse collective de la mort.

8. Le processus d’individuation ; le Soi.

a. Présentation :

C’est le psychanalyste Carl Gustav Jung (1875-1961) qui définit ainsi l’individuation,

[voir son livre, réf.20]:

« J’emploie l’expression d’individuation pour désigner le processus par lequel un être

devient un individu psychologique, c’est-à-dire une unité autonome et indivisible, une

totalité ».

b. Le processus :

Il consiste en l’intégration successive de différents archétypes afin de libérer le Soi.

Le Soi étant à la fois le centre de ces archétypes et l’archétype qui les organise.

Voici quelques archétypes :

- La « personna », ou masque social.

- L’ « ombre », qui contient tout ce que la personne juge

répréhensible.

- L’ « anima » (pour les hommes) et l’ « animus » (pour les femmes),

qui représente respectivement les valeurs féminines et masculines.

- Le Soi.

Page 80: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

67

c. Le Soi :

Pour Jung, « le Soi est non seulement le centre mais aussi la circonférence complète

qui embrasse à la fois conscient et inconscient ».

(c’est par ce symbole du Tao que Carl Jung représentait le Soi)

9. Regards sur la psyché.

a. Présentation :

Je vais essayer de préciser synthétiquement les quatre éléments de la psyché : le Ça,

le Moi, le Surmoi, [voir livre de Freud Sigmund, réf.12] et le Soi, [id., réf.20], ainsi que de

distinguer l’objectal et l’existentiel.

b. Le Ça et la libido :

Tiré du second topique du psychanalyste Sigmund Freud (1856-1939), le Ça désigne

une source intérieure qui échappe à notre volonté et qui exerce une pression. La libido est

un flux d’énergie dont le Ça est la source. Le comportement de ce flux varie selon qu’il sera

libre, contrarié, refoulé, canalisé…

Page 81: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

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c. Le Moi et le narcissisme :

Tiré du second topique de Sigmund Freud, suite à un préalable narcissique, où le flux

libidinal s’écoule vers lui-même, celui-ci va se diriger vers l’extérieur, vers les « objets

extérieurs ». Le Moi va donc être cette porte psychique par laquelle l’individu va tenter

d’investir le monde extérieur avec son flux libidinal, dans une tentative de profiter, de se

nourrir de l’autre, c’est l’égo.

d. Le Surmoi :

Toujours tiré du second topique de Sigmund Freud, le Surmoi est l’élément

régulateur du Moi.

Le fondement du Surmoi est l’Idéal du Moi, où l’individu, face à son environnement, se

construit un Idéal à atteindre pour optimiser les performances de l’écoulement d’énergie.

Le Surmoi va donc tenir lieu de prothèse remplaçant la conscience manquante et aura pour

tâche d’éviter les débordements impulsifs du Ça. L’individu va s’appuyer sur des modèles

« tout faits » pour assurer une vie acceptable.

e. Le Soi :

Tiré des archétypes de Carl Jung, j’en ai parlé au paragraphe précédent. Si le Ça est

considéré comme source libidinale, le Soi est considéré comme source existentielle, il va,

non vers ce qui l’entoure pour s’en servir, mais vers les êtres pour les rencontrer. Alors que

le Surmoi était une prothèse de conscience, le Soi semble être une conscience à part entière.

f. Equilibre des deux flux :

La structure psychique va donc devoir satisfaire deux types d’écoulements de flux : le

flux d’énergie (libidinal) et le flux de vie (existentiel). Il est utile de préciser que l’énergie

c’est FAIRE et que la vie c’est ETRE.

Page 82: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

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g. Objectal et Existentiel :

Le monde des objets :

La libido se tourne toujours vers un « objet », ne dit on pas « l’objet du désir » ou

même un « amour objectal » ? Le monde des objets concerne le relationnel (la relation étant

différente de la communication).

Le monde des sujets :

Le flux existentiel se tourne vers le Soi dans un processus d’individuation. Le projet

est de rétablir la circulation existentielle, ce monde est celui de la communication, où les

êtres comptent plus que des propos.

Il y a donc coexistence entre le flux libidinal vers le Moi, qui

donne le narcissisme et le flux existentiel vers le Soi, qui donne

l’individuation.

Page 83: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

70

Ces schémas proviennent de Thierry Tournebise.

Voilà pourquoi le titre majeur de ce rapport est « la sénescence : stade de l’existentiel ».

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71

Remarque, en partant de ces schémas12, sur la prise en charge des résidants en EHPAD :

En toute bonne foi professionnelle, les acteurs d’accompagnement des personnes

âgées, dans une empathie non soignante, ont tendance à traiter la revalorisation de l’estime

de soi par une continuité (tant faire ce peut) de la narcissisation. En effet, c’est une

projection de ce qu’ils pensent, d’après leur propre cheminement de vie actuel, apporter de

mieux.

Comme je l’ai indiqué dans la partie III, et à la vue des schémas, une croissance

harmonieuse et constructive pour les personnes visant à construire leur Moi (flux libidinal)

nécessite un processus de narcissisation ; ce qui ne peut être projeté sur les personnes

visant le processus d’individuation de leur Soi (flux existentiel).

Une prise en charge pour une sénescence réussie nécessite cette prise de conscience

essentielle : les moyens de construction des résidants et du personnel sont bien différents,

voire antagonistes.

Sans le vouloir, ni le savoir, cela peut contribuer à ‘accompagner’ la personne âgée vers la

sénilité !

12 A l’intersection des deux flux, au « milieu de vie », nombres de personnes reprennent des études, font des bilans approfondis de motivations et compétences, changent leur état de vie…. Ceci afin que leur ‘faire’ devienne enfin au service de leur ‘être’. Cette crise est si importante qu’en France, par exemple, le taux de suicide en 2014 chez les 45 – 54 ans est de 26,4%.

Page 85: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

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C. Entresol de ma construction théorique

1. Supervision externe :

Dès le début de mon stage, et le voyant durer, je trouvais important d’être suivi en

supervision, avec, comme questionnement de départ : discerner mes contre-transferts et

décaper mon empathie afin qu’elle soit soignante.

A la moitié de mon stage, j’ai pu trouver une personne compétente. Tous les 15 jours, nous

avons travaillé une heure. J’en dévoile quelques pistes :

Travail sur la devise inscrite au frontispice de Delphes que

Socrate reprend à son compte : « Connais-toi toi-même » : [la

connaissance est immanente à l’homme, et non extérieure, la

sagesse consiste à s’en souvenir. Cela ne peut se faire que

grâce à la maïeutique], dit en substance Socrate.

Travail sur l’observation de ma façon d’être, sans aucun

jugement, en train de vaquer à mon travail en stage à la façon

décrite par Jiddu Krishnamurti, [voir son livre,réf.21]. Ceci afin

de discerner mes filtres.

Travail sur une définition psychosociale de la relation proposée,

entre autres, par Serge Moscovici (1925-2014) : « la relation

est basée sur un échange d’intérêts ». Quels sont mes centres

d’intérêts dans ma relation avec les patients de l’EHPAD en

musicothérapie et inversement ?

Travail sur mon histoire : éléments de réponses aux 1600

heures de stage.

Travail sur la résonnance inattendue de mon action auprès des

patients : ma propre intégration et mon propre processus

d’individuation en marche.

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73

Je suggère que chaque personne investie dans une relation d’aide pourrait faire ce travail de

fond. Des instances officielles de supervision (en interne ou en externe) seraient alors mises

en place pour cela.

2. Instrumentarium utilisé.

a. Présentation :

Approuvé par Hervé Platel (professeur en neuropsychologie), mon instrumentarium,

inconnu des patients, est un élément important dans mes objectifs. Dans « les allegros

d’Alzheimer », [voir site, réf.55], il dit que les patients, présentant des troubles

neurocognitifs sévères, montrent la capacité de retenir des mélodies, des chansons

inconnues.

Voici mon instrumentarium :

Sanzula

Balafon pentatonique

Grelot

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Cabassa

Maracas et shékéré

Guiro tube résonnant 2 tons

Carillons à vent

Gong japonais

Darbouka et djembés

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Bodhran et tambourin

Mailloches et baguettes

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Flûte baroque ténor et flûte traversière

'tête argent'

Les deux flûtes sont pour mon usage.

Il convient d’y rajouter la voix, rythmée, mélodique. Le chant improvisé par rapport à

l’histoire de la personne sur un fond de sanzula (tel un griot), l’improvisation sur le chant

libre des voyelles, sans référence consciente au « yoga des voyelles », issu, en fait, de

l’ancienne Egypte.

Selon le psychanalyste Guy Corneau, qui utilise le yoga des voyelles : « la vague produite par

le son [des voyelles] facilite l’expansion et l’ouverture de l’être », [voir site, réf.56].

En fait ces instruments de bonnes factures, simples et gratifiants, sont des instruments (y

compris la voix) de musiques que je qualifie d’originelles.

La voix, les flûtes, les racleurs, les percussions sont les tout premiers instruments de musique

de notre patrimoine humain.

Page 90: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

77

Dans un précédent stage, auprès de patients présentant les mêmes troubles, il était apparu

les observations suivantes, éléments soignants d’un tel instrumentarium, à priori inconnu :

- par le toucher, sensation kinesthésique, recherchée par la personne ;

- par les souvenirs engendrés par la confection des instruments (aide à la

mémoire sémantique) ;

- par le son des instruments, sensation auditive nouvelle, pouvant non

intentionnellement faire resurgir des émotions ;

- par l’histoire, l’origine de l’instrument (invitation au voyage,

concrétisation de reportages télévisuels) ;

- par une dynamique de groupe nouvelle dans la création d’une histoire

sonore ;

- par le réveil de la curiosité ;

- par le plaisir de produire, dans un choix libre (aide à la difficulté de faire

des choix dans des choses déjà connues) ;

- par la communication sonore et non-verbale (aide aux difficultés

langagières, à l’aphasie) ;

- par la manipulation (aide à l’apraxie), d’où l’importance de mailloches

pour pallier à la fatigue ;

- par le plaisir de retrouver des instruments déjà investis auparavant

(aide à la mémoire épisodique, à l’agnosie) ;

- par ma relance et stimulation avec l’instrument dont je joue, de

manière adaptée (aide aux troubles de la concentration) ;

- par la création d’émotions sonores nouvelles (aides aux troubles

psycho-comportementaux) ;

- par l’effet de surprise, rompant un quotidien mortifère ;

- par la captation (aide au retour au calme).

Je montrerai, dans la clinique, l’à propos des ces observations, en les élargissant et les

approfondissant.

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b. Apport des neurosciences (partie 1) :

Par cet instrumentarium particulier, peuvent se développer deux observations dans

le cerveau humain.

b1. La plasticité cérébrale :

De façon simple, la plasticité cérébrale est due à la capacité des neurones à faire et

défaire leurs connexions synaptiques. Le cerveau est qualifié de plastique, car les connexions

synaptiques, sont renforcées ou non, par l’environnement, la pratique. La musique provoque

une « symphonie neuronale » (cf. : Hervé Platel), c’est à dire qu’elle met en action des zones

dans tout le cerveau, ce qui aide à la plasticité.

Dans sa thèse de doctorat en 2012, [voir site, réf.57], dont un des rapporteurs était Hervé

Platel, Aline Moussard montre que « l’activité sensori-motrice de la pratique musicale

amène une réorganisation cérébrale ». La musique entraine, par la plasticité cérébrale, « des

effets de transfert à des compétences non-musicales », comme le langage et la motricité. Ce

qui est fort appréciable pour les personnes atteintes de troubles neurocognitifs sévères.

b2. La neurogénèse adulte :

Là aussi, de façon simplifiée, le cerveau adulte continue à produire des neurones. La

division des cellules souches neurales endogènes, donne naissance à des cellules capables de

se différencier en neurones (neufs) qui s’intègrent dans les circuits cérébraux existants

(limités chez l’adulte).

La musique pourrait bien accélérer la neurogénèse : des expériences menées sur des souris

et des rats soumis à des stimuli musicaux montrent que la production de neurones est

augmentée dans leurs hippocampes. « Mais on ne sait pas toujours précisément ce qui

produit cet effet neurostimulant » pointe Hervé Platel.

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79

Ceci tendrait à confirmer ce proverbe japonais « On commence à vieillir quand on cesse

d’apprendre » et j’ose ajouter : ceci quel que soit l’âge civil.

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D. Rez-de-chaussée.

1. Apport des neurosciences (partie 2), [voir livre de Levitin Daniel, réf27].

a. La route du bas :

Malgré l’espoir de la neurogénèse dans la zone de l’hippocampe, collée en son

extrémité inférieure à l’amygdale cérébelleuse, les personnes présentant des troubles

neurocognitifs sévères ont souvent l’hippocampe abimé voire détruit.

Dans ma démarche de musicothérapeute, j’emprunterai principalement avec le patient, sa

route du bas, en « m’adressant » directement à ses amygdales cérébelleuses.

b. La stimulation exponentielle des neuromédiateurs :

Le neuroscientifique canadien Daniel Lévitin (né en 1957) démontre que, dans la

musicothérapie entre autres, le fait de pratiquer ensemble de la musique et/ou du chant,

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81

stimule de façon exponentielle les neuromédiateurs suivants (exponentiellement : c’est-à-

dire que 3 personnes pratiquant ensemble de la musique par exemple, n’engendrent pas 3

fois plus de stimulation mais bien plus). Les voici :

- L’endorphine.

- La dopamine.

- L’ocytocine.

- La cortisone naturelle.

- La morphine naturelle (voir endorphine).

- La baisse du cortisol.

Je propose de les connaître un peu mieux et aussi de montrer comment ils peuvent aider,

voire remplacer, les médicaments dits « agonistes » (action comparable à ces

neuromédiateurs), sans leurs effets secondaires.

b1. Définition de neuromédiateur :

Un neuromédiateur est une substance chimique (appelée aussi neurotransmetteur),

fabriquée par l’organisme et permettant aux neurones de transmettre un flux nerveux (le

message), entre eux, ou entre un neurone et une autre variété de cellule de l’organisme

(muscles, glandes).

b2. L’endorphine :

C’est un neurotransmetteur intervenant dans le soulagement de la douleur. Elle agit

sur les mêmes récepteurs que ceux de la morphine. Il est intéressant de noter que cette

« morphine naturelle du cerveau » est 10 fois supérieure à la morphine de synthèse donnée

pour soulager la personne souffrante.

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b3. La dopamine :

C’est un neurotransmetteur synthétisé par certains neurones (dont la

dégénérescence caractérise la maladie de Parkinson) qui intervient dans la commande de la

motricité. Le phénomène de frisson dû à un plaisir fort est lié à la dopamine (dite « hormone

de la récompense »). Elle est aussi le précurseur de l’adrénaline et de la noradrénaline, elle

augmente ainsi le plaisir suscité par les conduites à risque.

Dans le cadre de la musicothérapie, je resterai sur l’aide prépondérante de la dopamine dans

la motricité et le plaisir.

b4. L’ocytocine :

C’est une hormone peptique fabriquée par les neurones du cerveau. Elle est active

dans le lien entre deux individus en relation amoureuse, et plus largement, dans le lien social

qui nous unit à nos proches.

b5. La cortisone naturelle :

C’est une hormone produite par les glandes corticosurrénales (au dessus des reins).

Elle a un rôle essentiel dans le métabolisme des sucres, les défenses immunitaires, l’action

sur l’inflammation… en bref, sur le bon fonctionnement de l’organisme.

b6. Le cortisol :

La cortisone étant un précurseur inactif du cortisol, celui-ci est communément appelé

« hormone du stress ». C’est aussi l’hormone de l’éveil, elle contrôle le niveau d’énergie,

mais elle est stimulée en outre par le stress physique et psychique.

C’est cet effet que je retiendrai dans ma pratique de musicothérapie : la baisse du cortisol

apporte donc par voie de conséquence une plus grande résistance au stress.

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83

2. L’alliance thérapeutique.

a. Préambule :

Histoire et étymologie du mot thérapeute : en 1877, ce mot signifie « médecin qui

soigne » emprunté au grec « qui prend soin ».

C’est cette définition qui est de rigueur encore aujourd’hui. Je trouve intéressant de voir que

plus tôt, en 1732, ce mot signifiait « un ascète juif vivant en communauté non loin

d’Alexandrie » et en 1704, ce mot signifiait « qui sert Dieu ».

b. L’alliance thérapeutique

Quand l’équipe soignante me présente un résidant afin qu’il devienne patient en

musicothérapie, la première condition est d’établir avec lui une alliance thérapeutique.

« Celle-ci s’amorce dès l’instant où la personne expérimente dans la relation une écoute

différente de celle à laquelle il est habitué, une écoute qui l’aide à identifier la vraie nature

de sa demande » dit le docteur en psychologie Monique Brillon, [voir revue Psychologie

Québec, réf.36]. Elle s’appuie sur les capacités relationnelles du thérapeute (ouverture,

authenticité, capacité d’écoute et d’accueil, assurance personnelle) et qui bien sûr, reste

centré, distinct. Ainsi, la confiance du patient envers le thérapeute (et vice et versa ?) peut

s’établir.

3. A la suite de Winnicott, [voir livre de Winnicott Donald, réf.48 ; voir cours de

Rakonievski Alain, réf.37].

A partir de l’alliance thérapeutique, le musicothérapeute va devenir

« l’environnement suffisamment bon » cité par Winnicott. Il va établir un cadre sécurisant et

contenant par un rituel et co-construire avec le patient une aire transitionnelle de jeu.

Page 97: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

84

Pour le patient, nous dit Winnicott, l’aire transitionnelle remplit sa fonction « quand le jeu

devient je ».

Dans cette aire peuvent alors se produire des « évènements enjeux » des « acting out ». Par

la discontinuité contrôlée du cadre, la relation thérapeutique s’ouvre à des zones de risques,

zones d’incertitudes, fort intéressantes pour la créativité.

Tout cela entraîne l’espoir de nouveaux points de vue (du musicothérapeute et du patient)

et si possible, des changements psychiques chez ce dernier.

4. Le cadre.

Le cadre est, en lui-même, primordial dans un atelier de musicothérapie, car il

permet la mise en œuvre d’une relation thérapeutique.

Il se définit par sa localisation, sa fréquence, sa durée et son matériel. Il se distingue

également par la position des personnes ; le setting selon D. W. Winnicott et la

confidentialité. Il représente un rôle de contenance (délimitation entre le dedans et le

dehors).

R. Benenzon, lorsqu'il évoque le setting de Winnicott, le compare à la salle d'opération du

chirurgien ; au moment où le lieu est déterminé, il affirme qu' « il n'y a que dans cette pièce

que peuvent se produire les véritables liens en musicopsychothérapie ».

Page 98: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

85

Le choix du lieu favorise donc la reconnaissance du médiateur (utilisé que pour cette seule

activité thérapeutique). Il est sécurisant car contenant, tant au niveau physique (dans le

sens fonctionnel) que psychique (il affirme la différenciation des rôles et le positionnement

de chacun dans les interactions patient(s)/thérapeute et patient/patient).

La périodicité des séances est sécurisante. Pour des personnes âgées atteintes de troubles

cognitifs sévères, leur relation à l'espace et au temps peut être plus ou moins incertaine et il

est donc particulièrement nécessaire que le cadre se détermine en fonction du rythme de la

personne institutionnalisée. Si une séance doit être annulée ou reportée, il est nécessaire de

les en informer.

C'est par ce cadre sécurisant que l'atelier peut fonctionner et va autoriser le patient, ou le

groupe, à interagir, en étant protégé par rapport à ce qui pourrait provenir de l'extérieur.

Par ma présence régulière, ma fonction de musicothérapeute représente un des éléments

du cadre. En effet, le musicothérapeute est garant de la fonction d’étayage (en référence

aux notions de portage et de maintenance que Winnicott nomme respectivement holding et

handling). C'est effectivement cette capacité de contenir, et pas simplement de porter, qui

permet aux résidants d'accéder à cette aire intermédiaire d'expérience et d'exprimer leur

vécus internes.

Le cadre est délimité par des rituels, l'un d'entrée et l'autre de sortie. L’aller et le retour à la

salle d’atelier en fait partie, tout comme les morceaux connus (les mêmes à chaque séance),

que je joue au début et en fin de séance.

5. Le « non ».

a. Apports de Jacques Salomé :

Dans son livre « T’es quoi quand tu parles », [voir son livre, réf.43], le psychologue

Jacques Salomé apporte des jalons pour une « nouvelle grammaire relationnelle ».

Page 99: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

86

En osant se réapproprier sa parole (verbale ou non), en retrouvant ses signifiants personnels,

en prenant le risque de se définir devant autrui avec ses propres références, chacun se

donne ainsi plus de moyens pour exister. Et aussi en se responsabilisant pour accepter de

s’ouvrir à une démarche d’apprentissage possible.

C’est ainsi qu’il fait émerger quatre principes de base :

- Oser demander : passer de l’enfermement des exigences vers une relation de

proposition, de stimulation.

- Oser donner : passer d’une relation d’imposition vers l’oblativité.

- Oser recevoir : passer de la dynamique du prendre vers celle de l’accueillir.

- Oser refuser : passer de l’opposition vers l’affirmation.

Le musicothérapeute que je suis aujourd’hui va donc tenter d’être dans ces quatre axes et

de faire émerger chez les personnes âgées dépendantes ces quatre mêmes axes.

b. Le « non », chez les personnes âgées dépendantes atteintes de troubles

neurocognitifs sévères :

b1. Savoir interpréter le non :

La personne utilise le non pour deux raisons majeures : la première consiste à éviter

de choisir et d’avoir à justifier son choix (c’est un « non » qui peut dire « oui »), la seconde

pour exprimer clairement sa désapprobation. La communication non verbale aide à

discerner entre ces deux non (ainsi que les soignants habituels).

b2. Oser dire non :

Je pense que cela est primordial pour une personne dépendante, voire très

dépendante, de pouvoir refuser un soin (ici, par la musicothérapie, un soin non

médicamenteux). C’est une occasion rare (et sans conflit) de s’affirmer.

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87

6. Point sur la musicothérapie.

a. Historique (dans notre culture), [voir cours de Vrait François Xavier,

réf.46] :

Il me paraît intéressant de superposer ce bref historique à ceux déjà évoqués

(historique de la démence sénile, page 27, et historique du nom des établissements, page

49).

a. Chez les hébreux (environ -1000).

Dans la situation entre le roi Saül, (ayant des accès dépressifs) et David (son futur

successeur), David est considéré comme le premier musicothérapeute, qui calme Saül par le

jeu de sa cithare et son chant. Voici le récit qu’en donne la Bible, dans l’ancien Testament, au

premier livre de Samuel [16, 14-23] :

« L’esprit de Yahvé s’était retiré de Saül et un mauvais esprit, venant de Yahvé, lui

causait des terreurs. Alors les serviteurs de Saül lui disent :“Voici qu’un mauvais esprit de

Dieu te cause des terreurs. Que notre seigneur en donne l’ordre et les serviteurs qui

t’assistent chercheront un homme qui sache jouer de la cithare : quand un mauvais esprit de

Dieu t’assaillira, il en jouera et tu iras mieux.”Saül dit à ses serviteurs : “Trouvez-moi donc un

homme qui joue bien et amenez-le moi.” L’un des serviteurs prit la parole et dit : “J’ai vu un

fils de Jessé, le Bethléemite : il sait jouer, et c’est un vaillant, un homme de guerre, il parle

bien, il est beau et Yahvé est avec lui.”Saül dépêcha donc des messagers à Jessé, avec cet

ordre : “Envoie-moi ton fils David (qui est avec le troupeau).”Jessé prit cinq pains, une outre

de vin, un chevreau et fit tout porter à Saül par son fils David. David arriva auprès de Saül et

se mit à son service. Saül se prit d’une grande affection pour lui et David devint son

écuyer.Saül envoya dire à Jessé : “Que David reste donc à mon service, car il a gagné ma

bienveillance”. Ainsi, chaque fois que l’esprit de Dieu assaillait Saül, David prenait la cithare

et il en jouait ; alors Saül se calmait, il allait mieux et le mauvais esprit s’écartait de lui. »

Page 101: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

88

(L’avant dernière page de ce mémoire cite un

psaume de David).

En Europe,

- Au XIIIème siècle : pour Barthélémy L’Anglais, frère franciscain français et un des

premiers encyclopédistes (mort en 1272), la musique sert à soigner les fous. Il écrit

dans son « livre des Propriétés des Choses » : « […la musique,] pour les réjouir et

pour oster leur peur et leur tristesse. »

Page 102: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

89

- Au XVème siècle : Marsile Ficin (1433-1499), humaniste, poète, philosophe et prêtre

italien, écrit dans son livre « De triplici vita » : « le son musical, par le mouvement de

l’air purifie, excite le spiritus aérien, qui constitue le lien entre le corps et l’âme, au

moyen de l’émotion, il agit sur les sens en même temps sur l’âme ».

Page 103: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

90

- Au XVIIème siècle : Robert Burton (1576-1640), théologien à l’université d’Oxford,

écrit dans son livre « Anatomie de la mélancolie » : « la musique est l’expression du

mal de vivre et son remède ».

- Au XIXème siècle : Jean Etienne Esquirol (1772-1840), médecin aliéniste, amène, dans

une salle séparée des musiciens, les malades mentaux (expérience sur 80 femmes

convalescentes), à écouter des concerts privés de l’hôpital de la Salpetrière.

François Leuret (1797-1851), anatomiste aliéniste français, élève d’Esquirol, médecin

en chef de l’hôpital de Bicêtre, organise, avec les aliénés et des musiciens confirmés,

des chorales, en interne à l’hôpital.

Mais c’est Octave Du Mesnil (1832-1898) médecin de l’asile de Vincennes qui

généralise les orchestres d’aliénés.

- Au XXème siècle :

Entre les deux guerres, il y a l’abandon généralisé de la musique, c’est « hôpital

silence ! ».

Mais la musicothérapie est « en gestation », prenant une place annexe dans des

thérapies occupationnelles pour aider le patient à se socialiser.

- Années 1970 et suivantes :

En 1969, Jacques Jost (ingénieur du son et musicothérapeute) et Edith Lecourt

(psychologue, psychiatre et musicothérapeute), créent le Centre Français de

Musicothérapie.

Jacques Jost étudie le pouvoir psychoaffectif de la musique. Edith Lecourt réintroduit

le rapport au patient, le mettant au centre de la musicothérapie.

En 1986, Jacques Jost et Rolando Omar Benenzon (qui depuis 1977, forme des

musicothérapeutes à Buenos Aires selon sa découverte du principe de l’Identité

Sonore), créent la Fédération Mondiale de Musicothérapie.

En 1996, a lieu le premier Congrès International de Musicothérapie.

Page 104: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

91

b. Exemples de soins, à l’aide de la musique, dans d’autres cultures :

b1. La transe (d’après l’ethnomusicologue Gilbert Rouget (né en 1961),

[voir son livre, réf.41]).

Dans tous les continents, la musique joue un rôle essentiel dans la montée en

transe. Elle prend place dans un ensemble de représentations :

o Soit l’identification, comme dans la possession.

o Soit l’incarnation, comme dans le chamanisme.

o Soit le phénomène émotionnel, comme dans la transe communielle

Différenciation :

- Le possédé, en entendant la musique rituelle jouée par les musiciens professionnels,

rentre en transe induite : c’est l’arrivée du monde des esprits qu’il incorpore dans

son corps.

- Le chaman, jouant lui-même la musique rituelle, rentre en transe conduite. Il est

maître de la transe et voyage dans le monde des esprits.

- Dans la transe communielle, le sujet garde sa personnalité et l’esprit coexiste, parle,

agit avec lui, comme dans le semâ mevlevi que l’on trouve dans le soufisme.

Les phases :

La modification s’opère suivant une suite de phases : la préparation, le

déclenchement, la plénitude, la résolution.

Il y a transe initiatique (avec chants lents, notion de pureté lumineuse) et la transe de

possession (avec chants, tambours et cloches, joués pour les initiés).

Page 105: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

92

La musique :

Il est souligné son action hypnotique sur le système nerveux et son action

psychologique liée aux représentations culturelles.

Le rôle de la musique est au service du groupe. Elle permet de socialiser et

d’épanouir la transe. Elle la déclenche tout comme elle peut l’apaiser.

b2. En Inde.

Le Nada Yoga divise la musique en deux catégories, [voir site, réf.58] :

La musique intérieure, qui correspond à la vibration unique et

personnelle du son « om ». Ce son représente la première vibration

qui a engendré toutes manifestations dans l’univers.

La musique extérieure, qui produit des changements électrochimiques

dans le cerveau. La mélodie et l’intonation sont les clefs de la musique

indienne.

Le raga est la base de la mélodie. Le système des ragas remonte avant la

civilisation de la vallée de l’Indus (-2000).

Dans le domaine thérapeutique, il existe des ragas particuliers pour les soins ciblés,

tant au point de vue physique, qu’émotionnel ou spirituel. Le thérapeute est le

musicien qui sait ajuster le raga, en discernant l’alliance subtile du son intérieur

unique à la personne et du son extérieur nécessaire pour le soulager.

Le raga agit à la fois sur le musicien et sur le patient.

Page 106: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

93

7. L’Identité Sonore de Benenzon.

a. Présentation de l’auteur, [voir son livre, réf.5] :

L’argentin Rolando Omar Benenzon (né en 1939), psychiatre et psychanalyste,

musicien et compositeur, est l’un des grands premiers pionniers mondiaux de la

musicothérapie. Il est le fondateur de la première faculté de musicothérapie, à

Buenos Aires en 1966. Il est aussi le découvreur en 1981 du principe de l’ISo (Identité

Sonore).

b. Définition de l’ISo :

Chaque ISo définit chaque être humain de façon unique. Les expériences d’un

individu sont, d’après Benenzon, « la condensation des énergies qui appartiennent à

[l’ISo universelle + l’ISo gestaltique + l’ISo culturelle] ».

Il les définit ainsi :

o l’ISo universelle : c’est le prototype sonore commun et partagé par tous

(battements du cœur, respiration, son de l’eau, rythme de marche et de

déplacement, message des animaux, mouvements [danse] et sons [musique

et chants] ancestraux, silence.)

o l’ISo gestaltique : cette ISo est le patrimoine de l’individu en particulier qui le

différencie des autres. Elle se structure à partir de trois sources qui

sont « tous les sons qui entourent la maman durant la grossesse et atteignent

le fœtus à travers le liquide amniotique », les sons depuis l’intérieur du corps

de la maman et ceux depuis « l’inconscient de la maman à l’inconscient du

fœtus ».

o l’ISo culturelle : elle se construit par les sonorités propres à l’écosystème du

nouveau-né.

Page 107: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

94

c. L’ISo comme principe de musicothérapie :

Je cite Benenzon : « Pour ouvrir des canaux de communication entre un

patient et un musicopsychothérapeute, il est nécessaire de reconnaître les ISo du

patient et de les équilibrer avec les ISo du musicopsychothérapeute », et ainsi, par

réciprocité, permettre au patient de retrouver, dans le non-verbal, sa source.

J’utiliserai aussi l’ISo en interaction, c’est-à-dire la dynamique entre les différentes

ISo des personnes membres d’un groupe.

8. Petite conclusion

Cette construction théorique (qui ne représente pas un modèle théorique, mais bien

une construction spécifique désirant traiter la problématique posée) a été omniprésente

dans chaque atelier de musicothérapie que j’ai mis en place. Mais, en plus, pour chaque

visée thérapeutique, j’ai ajouté des théories et techniques de musicothérapie spécifiques.

Elle est comme une métaphore théorique d‘un processus d’individuation.

‘L’arbre musicotherapique’ au service de la sénescence qui suit, est une représentation de la

théorie et de la clinique. En sélectionnant et copiant l’image et en la collant sur ‘paint’, dans

l’onglet ‘édition’, vous pourrez l’agrandir numériquement en manipulant le ‘zoom’ :

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95

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96

Page 110: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

97

V. La clinique.

A. Préambule.

1. Rappel des différentes visées thérapeutiques.

L’objectif principal est d’aider la personne à vivre au mieux le stade de la sénescence.

Selon Erikson, cela correspond à l’intégrité et selon Jung à l’accompagnement du Soi.

Pour cela, m’adressant à des patients atteints de troubles neurocognitifs sévères, je vais

mettre en place divers ateliers à visées thérapeutiques complémentaires.

Atelier de musicothérapie active individuelle.

Atelier de musicothérapie active en groupe restreint.

Atelier de musicothérapie réceptive individuelle afin de

travailler sur les syndromes particuliers, durant

l’accompagnement au coucher.

Atelier de musicothérapie réceptive individuelle, avec

verbalisation, afin de contribuer à l’accompagnement de la fin

de leur vie.

2. Présentation des patients.

Afin de respecter leur anonymat, et m’inspirant du chant des voyelles, je les

nommerai par une consonne initiale suivie de deux voyelles. Cela me rappelle le chant si

particulier des langues polynésiennes et vietnamiennes. Je présente ici leur pathologie, leur

Page 111: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

98

âge, leur comportement général (qui, selon Naomi Feil peut donner des pistes quant aux

étapes de vie mal vécues ou « amputées »). Ensuite, je n’en parlerai plus, ayant en face de

moi des Etres Humains (au sens amérindien). Je parlerai par contre des conséquences sur

leur comportement et de leur participation aux ateliers.

Voici donc les patients :

Mr Moï :

Il demeure à l’unité « Pierre Mara ». Il a 80 ans et présente une maladie de type

Alzheimer.

Dans le groupe, il est dans un rôle qui en impose, avec gestes d’agressivité. Il est craint

par les autres résidants. Il a participé à :

10 séances de musicothérapie active individuelle.

4 séances de musicothérapie active en groupe restreint.

Mme Néü :

Elle demeure à l’unité « Pierre Mara ». Elle a 90 ans et présente des troubles psycho-

comportementaux liés à une maladie de type Alzheimer.

Dans le groupe, elle est effacée, dans sa bulle, craignant de déranger, dans la crainte en

général. Elle a participé à :

8 séances de musicothérapie active individuelle.

5 séances de musicothérapie active en groupe restreint.

Page 112: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

99

Mme Mui :

Elle demeure à l’unité « Pierre Mara ». Elle a 95 ans et présente une démence mixte,

frontale, avec dégénérescence neurologique (pas diagnostiquée exactement).

Dans le groupe, elle est indépendante, avec un rythme d’activité suivi d’un sommeil

profond. Elle a participé à :

12 séances de musicothérapie active individuelle.

5 séances de musicothérapie active en groupe restreint.

Mr Lao :

Il demeurait à l’unité « Pierre Mara ». Décédé à 92 ans, il présentait une maladie de type

Alzheimer.

Dans le groupe, il se présentait en personne douce et sans bruit. Il a participé à :

5 séances de musicothérapie active individuelle.

3 séances de musicothérapie réceptive durant l’accompagnement de la fin de sa

vie.

Mme Baé :

Elle demeurait à l’unité « Village » puis à l’unité « Pierre Mara ». Elle est décédée à 91

ans. Elle présentait une démence mixte. Avenante, elle se mettait à crier « Maman » en

continu à certains moments.

Dans le groupe, elle pouvait être sociable mais aussi isolée dans sa bulle. Elle a participé

à :

5 séances de musicothérapie active individuelle.

1 séance de musicothérapie durant l’accompagnement de la fin de sa vie.

Page 113: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

100

Mme Laü :

Elle demeure à l’unité « Pierre Mara ». Elle a 87 ans et présente une maladie de type

Alzheimer.

Sociable dans le groupe, elle entonne et chante souvent, entrainant les autres. Elle

souffre d’inversion du rythme nycthéméral. Elle a participé à :

14 séances de musicothérapie réceptive d’accompagnement au coucher.

Mme Maï :

Elle demeure à l’unité « Pierre Mara ». Elle a 91 ans et présente une maladie de type

Alzheimer.

Dans le groupe, elle est dans sa bulle. Elle souffre du sundowning syndrome. Elle a

participé à :

14 séances de musicothérapie réceptive d’accompagnement au coucher.

Mme Bia :

Elle demeurait à l’unité « Ermitage ». Elle est décédée à 75 ans. Elle souffrait d’une forme

de mélancolie ainsi que du sundowning syndrome.

Dans le groupe, elle était dans sa bulle. Elle a participé à :

5 séances de musicothérapie réceptive d’accompagnement au coucher, suivi,

avec approbation de son médecin, de 2 séances de musicothérapie réceptive à la

clinique du Parc (Nantes).

3 séances de musicothérapie active individuelle.

Page 114: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

101

Mme Dui :

Elle demeure à l’unité « Ermitage ». Elle a 92 ans et présente une maladie de type

Alzheimer.

Elle est avenante et ne sait pas dire non. Elle a participé à :

7 séances de musicothérapie active individuelle.

Mr Poé :

Il demeure à l’unité « Ermitage ». Il a 82 ans et présente une démence mixte avec AVC.

Il dort beaucoup, et se montre inventif. Il a participé à :

7 séances de musicothérapie active, puis réceptive, individuelle.

Mme Gaï :

Elle demeure à l’unité « Ermitage ». Elle a 81 ans et présente une maladie de type

Alzheimer.

Elle est avenante (si elle est en confiance). Elle a participé à :

7 séances de musicothérapie active individuelle.

Mme Gaâ :

Elle demeure à l’unité « Ermitage ». Elle a 88 ans et présente des troubles du

comportement avec une aphasie de Broca.

A mes yeux, c’est une personne de caractère. Elle a participé à :

8 séances de musicothérapie active individuelle.

Page 115: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

102

Mme Loè :

Elle demeure à l’unité « Ermitage ». Elle a 95 ans et présente une maladie de Parkinson à

un stade évolué.

Elle est pudique quant à ses crises de tremblements et montre une grande politesse. Elle

a participé à :

7 séances de musicothérapie réceptive, puis active, individuelle.

Mme Hoa :

Elle demeurait à l’unité « Ermitage ». Décédée à 102 ans, elle présentait des troubles liés

à une vieillesse normale, toujours alitée. Elle a participé à :

3 séances de musicothérapie réceptive durant l’accompagnement de la fin de sa

vie.

Mme Buo :

Elle demeurait à l’unité « Ermitage ». Décédée à 93 ans, elle présentait une démence

vasculaire, qui a pour séquelles des dégâts cérébraux. Elle a participé à :

10 séances de musicothérapie réceptive durant l’accompagnement de la fin de sa

vie.

Mr Jao :

Il demeurait à l’unité « Village ». Décédée à 88 ans, il présentait une maladie de

Parkinson avec troubles neurologiques évolués et périodes de violence. Il a participé à :

5 séances de musicothérapie réceptive individuelle.

Page 116: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

103

Mme Giu :

Elle demeurait à l’unité « Village ». Décédée à 86 ans, elle présentait une maladie de type

Alzheimer.

Elle était fort courtoise. Elle a participé à :

2 séances de musicothérapie réceptive durant l’accompagnement de la fin de sa

vie.

Mme Puo :

Elle demeurait à l’unité « Village ». Décédée à 100 ans, elle présentait une vieillesse

normale avec troubles. Elle manifestait une humeur désagréable vis-à-vis des soignants,

de l’institution. Elle a participé à :

3 séances de musicothérapie réceptive durant l’accompagnement de la fin de sa

vie.

De plus, confiés par la psychologue de l’EHPAD :

Mr Nay :

Il demeure à l’unité « Pierre Mara ». Il a 87 ans. Il présente une maladie de type

Alzheimer. Je suis intervenu pour 2 séances de musicothérapie réceptive individuelle,

alors qu’il était dans une période dépressive.

Mme Coü :

Elle demeure à l’unité « Village ». Elle a 87 ans, en vieillesse normale avec troubles

dépressifs. Elle a longtemps été soignée par le docteur Alfred Tomatis (1920-2001) et

depuis les trois années qu’elle vit à l’EHPAD, elle n’ose se réapproprier cette méthode.

Elle a participé à :

4 séances de musicothérapie réceptive et active individuelle.

Page 117: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

104

B- Donner la possibilité de se dire.

1. Moyens.

La première étape, dans l’élaboration des ateliers de musicothérapie active

individuelle, à été de trouver une salle, un cadre.

Les critères ont été les suivants : intimité sonore, lieu avec fenêtre, lieu contenant où la

personne se sente bien. Ces critères m’ont conduit à utiliser la grande salle de réunion (voir

sur le plan), lieu inconnu des patients, en l’aménageant. Je devais bien sûr la réserver.

Page 118: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

105

L’aller et le retour à la salle faisait partie intégrante de l’atelier.

2. Ouverture aux émotions.

Etymologiquement, le mot émotion vient du latin « ex » : enlever, secouer et

« movere » : mettre en mouvement.

Les six émotions de base sont : la plaisir, la colère, l’anxiété, la tristesse, l’intérêt et le

dégoût, avec une myriade d’intermédiaires et d’associations.

Durant mes observations, j’avais remarqué que les émotions émises par les personnes

atteintes de troubles neurocognitifs sévères se restreignaient principalement à des attitudes

de défense: la colère (via l’agressivité) et le refuge dans l’atonie.

Page 119: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

106

Ayant travaillé avec des personnes dont la parole est bien endommagée, je me suis appuyé

sur la communication non verbale, afin de cerner et de répondre au mieux à leurs réactions

émotionnelles.

Tout du moins au début, je me suis inspiré de « l’échelle de cotation des émotions

observées » de Mortimer Powell Lawton (1923-2001), psychologue et gérontologue

américain.

Je me suis permis d’y ajouter le dégoût :

Page 120: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

107

Page 121: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

Cela permet alors à la personne d’accéder à l’expression des sentiments (« états affectifs

durables lié à certaines émotions ou représentations ») et donc, d’après la communication

non violente, à la satisfaction ou non de ses besoins (voir annexe 1). Ceci représente un

essentiel thérapeutique afin d’aider la personne dans sa sénescence.

3. Utilisation du bilan psychomusical.

Pour débuter, et m’aider à définir mes séances, j’ai proposé à chaque patient (après

avoir lu son histoire de vie, souvent peu détaillée), de passer un bilan psychomusical adapté,

inspiré de celui de Jacqueline Verdeau-Pailles (1924-2010), neuropsychiatre et

musicothérapeute française, [voir son livre, réf.45]. Celui-ci sera plus détaillé en annexe 3. Ici,

il est important de commencer par cette étape afin tout d’abord d’apprendre du patient si

des séances de musicothérapie peuvent lui convenir (mesures des interactions), et, si oui,

quel style de médium sonore lui convient, combien de temps pourra durer une séance,

établir un contrat d’un certain nombre de séances avec lui, et, après une évaluation

générale, la possibilité d’établir un nouveau contrat.

J’ai invité à découvrir et expérimenter six instruments différents, tant au niveau des

possibilités mélodiques et de volumes, des timbres et des hauteurs de sons, un par un, isolé

sur la table, après avoir montré comment il pouvait fonctionner (succinctement).

Ces six instruments sont le balafon, le grand bol tibétain, le bodhran, le gong, le petit carillon

et une maracas. (Sur le conseil des soignants, j’ai changé le dernier instrument qui était un

harmonica, en effet, ce qui est porté à la bouche est d’ordinaire de la nourriture, et, ne

voyant plus l’instrument, cela devenait anxiogène).

Puis équipé de mon échelle de Lawton et des paramètres cliniques de la pemière partie du

bilan psychomusical de Verdeau-Pailles, je notais les réactions des possibles futurs patients.

Dans un deuxième temps, je gardais sur la table les instruments que le patient avait préféré

et jouais à la flûte traversière quatre morceaux correspondant aux paramètres cliniques de

la deuxième partie du bilan psychomusical de Verdeau-Pailles et notais les styles

d’interactions. Voici les tableaux de mesure :

Page 122: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

109

PREMIERE PARTIE PARAMETRES CLINIQUES

Contact par rapport

au corps

RAPPORT

Immersion

Apprivoisement

Animisme

Force

Autre

DEUXIEME PARTIE PARAMETRES CLINIQUES

Extrait 1

Air mélodique

simple et doux

Extrait 2

Air très

rythmé

Extrait 3

Air complet

structuré,

rythmé et

mélodique

Extrait 3

Air sortant

de

l’ordinaire

Description

(chronologique) du

RAPPORT AUX

INSTRUMENTS

GESTUELLE

Cela m’a donc permis de voir les médiums adoptés par les patients, leurs interactions

possibles et de cibler une durée de séance.

Pour chaque séance, ensuite, je m’enquérissais de l’état du patient, de son rythme au cours

de la journée. Les séances duraient en général 20 minutes ou une heure.

Page 123: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

110

4. Utilisation de l’improvisation clinique de Wigram. [voir son livre, réf.47].

Tony Wigram et Kenneth Bruscia sont professeurs émérites de musicothérapie aux

Etats Unis depuis les années 90.

En développant une improvisation musicale, en duo entre le musicothérapeute et le patient,

à partir des sons et rythmes naturels venant de lui, le musicothérapeute, lui fait re-découvrir

son ISo.

J’ai pratiqué l’improvisation sonore plutôt dans le non verbal, et j’ai utilisé, soutenu,

encouragé, par mon jeu sonore, le développement de l’expression sonore de la personne

sans imposer de structure préétablie.

Après avoir posé un cadre sécurisant permettant la mise en place d’une aire transitionnelle,

j’ai poursuivi les buts cliniques qui peuvent être réalisés par l’improvisation clinique, selon

Bruscia :

- Etablir un canal non verbal de transmission, et une passerelle à la transmission

verbale.

- Développer la capacité d’explorer son univers interpersonnel.

- Développer la sociabilisation.

- Développer la créativité, la liberté d’expression.

Les techniques thérapeutiques de base de l’improvisation clinique sont utilisées par rapport

au patient, qui est le « chef d’orchestre » et moi, musicothérapeute, « le facilitateur ».

Il est intéressant de retrouver des notions de l’écoute active selon Carl Rogers. Voici ces

techniques, utilisées en accord avec l’univers sonore où se trouve le patient à l’instant

présent de la séance :

- Le copying : je joue ce que joue le patient sur le même instrument, ensemble, avec

lui.

Page 124: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

111

- L’imitation : je répète ce que vient de jouer le patient.

- Le reflet : dans l’affect, je rejoue ce que le patient a voulu faire passer

émotionnellement (je dois faire attention à mes contre-transferts).

- La question/réponse : nous amorçons un dialogue sonore.

- La base rythmique, comme l’ostinato, est un holding sécurisant, soutenant

l’improvisation du patient.

- Le dialogue : le patient et le musicothérapeute communiquent dans leur

improvisation.

- L’accompagnement structuré progressif, en rythme et mélodie, où le

musicothérapeute soutient l’improvisation du patient qui est devenue plus riche.

Sans oublier :

- La surprise, qui fera office de discontinuité.

- Le silence, qui redonne au patient son propre temps.

Ce procédé musicothérapeutique a été utilisé pour chaque patient, invité dans ce style de

séance.

Elle commence et finit par un morceau connu, que je joue à la flûte traversière. Ceci afin

d’établir un cadre rassurant et contenant, limité par une écoute réceptive provoquant un

écho mémoriel chez le patient, annonçant le début et la fin de la séance.

Les instruments à disposition sont de la famille de ceux choisis par le patient lors de son

bilan psychomusical.

Je vous invite maintenant à suivre le cheminement thérapeutique des patients de cet

atelier :

Il convient de noter que chaque patient a souvent détourné l’utilisation usuelle de son

Page 125: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

112

médium sonore afin de le faire sien.

Je rappelle que chaque patient a son propre rythme où, théoriquement, le moment où il est

le plus en éveil est fixe.

Les séances se reconduisaient si le patient en exprimait le désir (à ma demande).

5. Cheminements thérapeutiques.

a. Mr Moï :

a1 : Alliance thérapeutique : commencement.

Quand je suis arrivé à l’unité « Pierre Mara », j’étais le seul homme parmi les

soignants. Dans nos premières rencontres, ce fait l’a peut-être contenu, sécurisé. Durant

mon immersion j’ai plusieurs fois mangé à ses côtés, en repas thérapeutique. Avant son bilan

psychomusical, invité dans sa chambre, je lui ai chanté, sur la sanzula, sa vie, tel un griot. Cet

homme, habituellement rigide, était tout écoute et ses yeux se sont embués de larmes

d’émotions (moment exceptionnel pour lui) : là est née l’alliance thérapeutique, définie dans

ma construction théorique.

a2 : Au fil des séances.

Pendant 15 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 100 heures.

C’est avec sourire et joie qu’il vient en séance. Celle-ci dure une heure et souvent, je me dois

de l’arrêter (cadre). Dans l’improvisation clinique, il se révèle être en fines interactions avec

une créativité grandissante dans son improvisation.

Dans la famille des percussions et des cloches, il s’est déployé dans des progressions

rythmiques, de timbres, de volume. Sur ce point, il jouait le plus souvent « piano » jusqu’au

presque silence.

Page 126: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

113

a3 : Changement de comportement notable.

Tout en restant lui-même, il est devenu plus tolérant, allant plus vers les autres. Il s’est remis

à parler (doucement), à reconnaître et parler avec ses enfants.

Un soir, après une séance d’après-midi, à la fin du diner, il a effectué un ostinato rythmique

travaillé et doux avec ses couverts. Le groupe l’a accueilli comme une « oblation », au sens

utilisé par Jacques Salomé.

Un autre soir, il a réitérer ce don, en duo cette fois-ci avec l’improvisation chantée, douce,

d’une résidante de sa table, patiente d’un autre atelier de musicothérapie.

b. Mme Mui :

b1 : Alliance thérapeutique : commencement.

C’est au cours de la séance de bilan psychomusical que cela a commencé. En effet

elle a montré une grande connaissance des morceaux que je jouais à la flûte traversière et

s’est amusée en explorant les instruments.

b2 : Au fil des séances.

Pendant 15 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 120 heures.

C’est avec entrain qu’elle vient aux séances. Beaucoup d’instruments lui plaisent alors nous

en changeons. La séance dure environ une heure, dans la joie. Sur son fauteuil roulant (freins

mis), elle se met à danser sur la musique. Dans les moments de surprise, elle est dans le

plaisir et s’adapte vite. En soutien des improvisations, nous scandons et chantons, chacun

dans nos voix. Elle montre beaucoup de créativité. Après les séances, elle est reposée,

calme et joyeuse, tout en étant en éveil.

Page 127: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

114

c. Mme Néü :

c1 : Alliance thérapeutique : commencement.

Mme Néü éprouve une grande crainte à sortir de l’unité « Pierre Mara ». La première

séance s’est donc effectuée dans sa chambre. Elle a vite adopté les instruments et a montré

de la joie. Je pense que l’alliance thérapeutique a commencé quand j’ai utilisé des « paroles

et musiques » sur papier original des années 30 à 50. Elle en avait une grande collection, qui

avait disparu au cours de déménagements.

c2 : Au fil des séances.

Pendant 15 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 80 heures.

Peu à peu, elle réussit à venir dans la salle. Les séances durent une heure, il me faut souvent

y mettre fin. Les moments de surprise la font rire. Elle montre très rapidement de

l’interaction et grandit dans la créativité de ses improvisations. Elle a aussi pleuré de chagrin

à l’écoute des «Petits chaussons de satin blanc » de Chaplin.

Page 128: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

115

c3 : Changement de comportement notable.

Elle aussi s’ouvre aux autres membres de son unité. Elle quitte sa « bulle » et exprime ses

sentiments.

d. Mr Lao :

d1 : Alliance thérapeutique : commencement.

Lors d’un repas thérapeutique pris avec lui, je tapotais sur la table quelques rythmes,

doucement. Il s’était mis alors à utiliser ma main comme médium et avait joué avec moi,

dans les deux sens.

d2 : Au fil des séances.

Pendant 7 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 10 heures.

Mr Lao était doux et à la fois très tendu. Il était mutique et souffrait d’une continuelle

sécheresse buccale qui m’a fait retirer toute baguette, qu’il portait à sa bouche. Au fur et à

mesure, il y a eu de plus en plus d’interactions. Peu à peu il se détendait et dansait parfois

sur son fauteuil, il en oubliait sa soif. La séance durait 20 minutes. Un fait notoire : pendant

une séance, il m’a parlé très distinctement, dans une parfaite syntaxe, d’un souvenir

plaisant. Cet événement s’est produit avec d’autres patients atteints d’aphasies diverses

dégénératives. A mon avis, cela est le résultat de plusieurs facteurs : la plasticité cérébrale,

en lien avec la musique, le fait d’être dans un soin selon le temps du patient, d’être dans une

aire transitionnelle, que je sois dans une écoute active et une attitude de Validation.

Il a su aussi clairement et poliment me dire « non » une fois.

J’ai continué à suivre Mr Lao en séance de musicothérapie dans l’accompagnement de la fin

de sa vie.

Page 129: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

116

e. Mme Baé :

e1 : Alliance thérapeutique : commencement.

Accueilli dans sa chambre, j’avais remarqué des reproductions de tableaux

impressionnistes sur son mur. J’en ai aussi, provenant de la même source. Je le lui ai signifié

et elle m’a répondu : « J’aime ce qui est beau », d’où un commencement par de la

musicothérapie réceptive.

e2 : Au fil des séances.

Pendant 10 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 50 heures.

Dans sa chambre, les séances duraient environ une heure. Elle jouait, après exploration, sans

inhibition. Les interactions se faisaient. Peu à peu, à l’aise, elle passait à l’improvisation de

plus en plus travaillée, changeant d’instrument à sa guise. Pourtant elle se dévalorisait sur la

musique jouée ensemble. Elle demeurait alors dans l’unité « Village ». Je l’ai retrouvée à

l’unité « Pierre Mara » en séance de musicothérapie dans l’accompagnement de la fin de sa

vie.

f. Mme Loè :

Pendant 15 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 4 heures.

Il m’a été difficile au début de travailler avec elle. Les accroches et attitudes que je pouvais

tenter et les débuts d’ateliers courts dans sa chambre ont été arrêtés après qu’elle se soit

confiée à un soignant connu. Je suis juste revenu, connaissant enfin quelques causes, lui dire

au revoir.

Vers la fin de mon stage professionnel, il m’a été demandé de retravailler avec elle. Les

séances de musicothérapie active se déroulent dans sa chambre, sur deux instruments

qu’elle a choisis. Ces séances peuvent durer une heure. Elle est participative, accueillante et

apaisée, sachant parfois me dire non, en paix. Elle a accepté même d’être en séance tout en

Page 130: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

117

étant en pré-crise de tremblements due à sa maladie.

g. Mme Dui :

Pendant 15 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 4 heures.

Dans sa chambre, accueillie par des oui francs, accompagnés de sourires, les toutes

premières séances sont en musicothérapie réceptive où Mme Dui se laisse bercer, tout en

restant en éveil.

Au fil des séances (de 20 minutes jusqu’à une heure, suivant son état), nous travaillons en

musicothérapie active individuelle. (Dans l’unité « Ermitage », il me faut trouver un système

ou des positions pour que le patient puisse jouer). Mme Dui investit à sa façon les

instruments, les interactions deviennent de plus en plus riches. Elle s’amuse, et entre dans

l’improvisation. Elle a su me dire « non », posément, une fois.

h. Mr Poé :

Pendant 15 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 4 heures.

Durant mon immersion, je l’ai aidé à prendre son goûter. Après m’avoir accueilli dans sa

chambre afin d’effectuer un bref bilan psychomusical, Mr Poé, pour les séances suivantes de

musicothérapie active, vient en salle.

Il se montre inventif pour utiliser les instruments qu’il a investis (juste quelques doigts de sa

main droite fonctionnent). Les interactions deviennent de plus en plus riches et joyeuses.

Son regard pétille et il s’investit dans le jeu et s’affirme (il apprécie les sons forts). Les

séances durent 30 minutes. Notre code d’accord ou non se fait en serrant mon doigt.

Au fil du temps, son état évolue et il doit rester alité. Avec son accord, je viens pour des

séances de musicothérapie qui deviennent de moins en moins actives. Il montre son envie

Page 131: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

118

de participer, d’interagir mais ne peut pas.

Je passe ensuite par quelques séances de musicothérapie réceptive, en lui expliquant, sur les

instruments qu’il avait investis. Viennent alors sourires et regards pétillants, écoute

attentive.

i. Mme Gaâ :

Pendant 15 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 8 heures.

Du coté psychomoteur, il ne lui reste qu’une main qui fonctionne. Cette main est rarement

sollicitée car le personnel soignant se doit de lui donner à manger à cause de fausses routes

fréquentes.

Le commencement de l’alliance thérapeutique s’est fait quand, justement, je l’ai aidée à

prendre son goûter. Et puis, il s’est affermi quand nous avons trouvé un code de

communication plus subtil que les deux fiches « oui » et « non » qu’elle avait. Ce code est le

suivant : suivant son accord ou son désaccord, avec toutes les nuances intermédiaires, elle

tirait ma main vers elle ou la repoussait.

J’ai dû adapter la position des instruments qu’elle avait choisis et trouver des baguettes très

légères. Les séances se font dans sa chambre ou en salle et durent de 30 minutes à 50

minutes, suivant son état.

Au fil des séances, Mme Gaâ s’approprie de plus en plus les instruments qu’elle a choisis,

avec plaisir. Elle s’affirme, elle est dans l’interaction et dans l’initiative de longues plages de

jeu. De ma part, j’y ajoute le chant, elle semble regarder le chant sortir de ma bouche.

Son regard est expressif, en éveil. Pendant une séance, elle, si stoïque, se met à pleurer à

chaudes larmes. Avant ma dernière séance, je la croise (comme souvent) et la salue, elle me

lance un cri guttural (avec langage non verbal) que je perçois comme : « Alors, quand est-ce

que vous revenez avec votre musique ? C’est que je vous attends, moi ! ».

Page 132: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

119

j. Mme Gaï :

Pendant 15 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 4 heures.

Mme Gaï est d’origine espagnole. Lui parlant avec mes maigres mots et expressions dans

cette langue, Mme Gaï m’ouvre ses portes. Au début de mon immersion, je l’ai aidée à

prendre son goûter.

D’abord en salle, puis en chambre, se déroulent des séances de musicothérapie active. La

séance dure de 20mn à 40mn, suivant son état. Elle explore et joue à sa manière les

instruments investis. Nous sommes dans les quatre premières interactions de l’improvisation

clinique.

Elle montre de la joie franche à être en séance et sait se montrer inventive.

C- Donner la possibilité de communiquer avec l’autre.

1. Moyens.

Ayant beaucoup travaillé en musicothérapie active individuelle avec Mr Moï, Mme

Mui et Mme Néü de l’unité « Pierre Mara », j’ai proposé aux soignants et aux intéressés, le

projet de travailler en groupe restreint, ensemble, en musicothérapie active, toujours dans

l’improvisation clinique.

Page 133: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

120

J’aurais souhaité mettre ce type d’atelier en place également avec Mme Gaâ, Mme Gaï et

Mme Dui de l’unité « Ermitage ». Mais il m’aurait fallu des soignants de cette unité, afin de

tenir les instruments de façon adaptée, pour que chacune puisse jouer. Vu leur emploi du

temps minuté, cela s’est avéré impossible. Je me suis tourné ensuite vers les bénévoles, qui

étaient d’accord, mais pour deux raisons, cela n’a pas pu se faire : c’était un soin et les

bénévoles n’avaient pas de lien suffisant avec les personnes concernées.

J’ai donc monté ce projet vers la fin de mon stage avec Mr Moï, Mme Mui, Mme Néü. Le

temps s’était écoulé et il était nécessaire, pour des raisons de fatigabilité et d’augmentation

des troubles, de trouver une nouvelle salle.

Les critères étaient les mêmes que pour l’atelier précédent mais la salle se devait d’être plus

proche et dans un endroit plus repérant, plus sécurisant.

Le bureau commun à la médecin coordonatrice et à la psychologue a été adopté (cf. : le plan,

paragraphe (II.A.3.a).

Voici l’aménagement de ce bureau :

Page 134: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

121

Les jours, heures, durées sont fixés et parlés avec chaque personne. Auparavant, afin de les

familiariser à ce nouveau lieu, j’ai effectué une séance de musicothérapie individuelle avec

chaque futur participant, afin que le patient puisse y rétablir son aire transitionnelle. Cela a

bien fonctionné, suivant chaque futur patient de cet atelier.

Page 135: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

122

2. Outils théoriques spécifiques

a. L’ISo en interaction :

Je cite Rolando Benenzon : « A partir de la naissance se créé aussi un grand espace

entre l’individu et l’autre ou les autres. Cet espace appartient au contexte non verbal. Et

c’est là que se condense l’ISo en interaction qui est l’union de deux spirales », [id., réf.5].

Le schéma qui suit, provient de Rolando Benenzon :

Page 136: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

123

Page 137: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

Benenzon continue : « l’ISo en interaction aura également un rapport avec l’ISo complémentaire13

des individus qui sont en train de communiquer. (…) S’ajouterait aussi l’ISo familiale, l’ISo

environnementale et tous les codes non verbaux qui entourent et envahissent l’espace de lien ».

Effectivement, dans le paragraphe V.A.2, j’ai dressé brièvement le comportement dans l’unité

« Pierre Mara » de ces trois patients.

b. Le groupe et le sonore par Edith Lecourt, [voir son livre, réf.24] :

Je la cite : « pour l’individu, l’expérience du groupe d’improvisation constitue une nouvelle

invitation dans son ajustement à lui-même, en groupe, à la société ».

Je vous propose tout d’abord de voir comment Edith Lecourt décrit les phases de construction d’un

groupe en communication sonore, « sa propre Identité Sonore » :

Tout d’abord commence le « bruissement » : « c’est la façon dont le groupe, dès les premiers

instants de la rencontre, occupe l’espace sonore ». Puis naît « l’effet d’ensemble » : « moment où le

groupe perçoit sa production comme faisant un tout ». Ensuite, apparaît « le groupe musique » :

« la production sonore est désignée par le groupe lui-même comme « musique », le groupe est

alors dans l’isomorphie (négation des différences) ». Enfin, le groupe passe à « la forme

musicale » : « crée par le groupe, prenant en compte les différences, c’est une manifestation

élaborée, cette fois, de l’identité du groupe ».

13 L’ISo complémentaire : « formée par un ensemble d’énergies qui apparaissent et disparaissent selon l’état d’âme de l’individu et les relations qu’il établit avec les autres (…) elle peut être complètement différente de l’ISo gestaltique (…). Ces énergies exprimées vont dévoiler un état particulier de l’individu que ne définit pas sa véritable personnalité ».

Page 138: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

125

Durant les 5 séances prévues, en temps rapproché, j’ai observé les étapes suivantes décrites par

Edith Lecourt, de façon progressive :

- Le bruissement.

- Des moments d’effet d’ensemble.

- Une certaine construction de l’identité sonore du groupe.

- Des moments de groupe musique.

- Des apparitions de forme musicale élaborée.

3. Cheminements thérapeutiques.

a. Protocole :

Les trois patients sont prévenus à l’avance de la séance et préparés par les soignants. Je

viens les chercher, une fois la salle prête, et un soignant m’aide à les amener. Mr Moï refuse canne

ou fauteuil, il marche à son rythme. Mme Néü, habituellement s’aidant avec un déambulateur à 3

roues, vient en fauteuil, tout en gardant avec elle sa canne, objet symbolique et sécurisant. Mme

Mui vient en fauteuil.

Part la crainte de Mme Néü envers Mr Moï, je l’ai placée près de moi, autour d’une table ronde, où

sont disposés les instruments. Mme Mui est à son côté et Mr Moï termine le cercle.

Chaque séance débute par un morceau connu assez dynamique (« Les amants de Saint Jean »), que

je joue à la flûte traversière et se termine par un morceau plus doux que je joue à la flûte baroque

(« Amazing grace », lent).

A l’aide de la dabourka ou de la flûte traversière, pendant les séances, je continue l’improvisation

clinique, en étant support et lien entre les patients, me déplaçant vers chacun. C’est-à-dire que

mon jeu sert aussi de cadre.

Page 139: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

126

b. Première séance :

Alors qu’individuellement, chacun montrait dans l’improvisation, une joie créatrice, en groupe,

durant cette séance, les jeux sont plus pudiques, par intermittence, Mme Néü est la plus

enthousiaste malgré sa crainte de Mr Moï.

Ceci me fait penser à un « round d’observation », avec quelques jeux ensemble, plutôt dans

l’écoute et l’expectative.

c. Deuxième séance :

La pudeur de montrer aux autres sa propre expressivité s’estompe. Il y a des moments d’effets

d’ensemble. J’assiste à l’étonnement de Mme Néü de jouer avec Mr Moï. Mr Moï et Mme Mui

jouent avec entrain.

d. Troisième séance :

Mr Moï refuse de venir. Sa place dans le groupe est virtuellement présente. Mme Néü ne

reconnait pas Mme Mui, mais dans la joie du jeu ensemble, avec mon soutien, se produisent

plusieurs plages d’improvisation d’ensemble, en « groupe musique ».

e. Quatrième séance :

Les trois patients sont bien présents et participatifs. Mme Mui a un moment s’endort. Par la

parole, je rassure Mme Néü. Puis apaisée, étonnée et heureuse de jouer avec Mr Moï, des

improvisations d’ensemble se font jour, dans plusieurs univers sonores.

f. Cinquième et dernière séance :

Les trois patients ont peut-être été préparés un peu plus tôt par les soignants. Ils m’attendent.

Mme Mui est en colère (rare chez elle).

Pendant la séance, Mme Mui traduit son émotion à travers un médium puissamment sonore de

temps en temps. A ses côtés, Mme Néü, bien plus à l’aise que précédemment, joue en interaction

avec Mr Moï, en improvisation créatrice de jeu très doux. A la fin, tous ont retrouvé leur calme.

Page 140: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

127

4. Conséquences sur la vie de l’unité.

D’après les soignants, elles ne sont pas flagrantes mais j’ai espoir que ces trois personnes ont

appris à dépasser leur à priori, leurs rôles, les uns envers les autres. Leur communication sonore

non verbale a été constituée d’échanges nouveaux et a permis aux uns et aux autres de se

découvrir.

D- Contribuer à apaiser les symptômes.

1. Moyens

En séance de musicothérapie réceptive individuelle, en général en écoute seule, je travaille

avec des patients au coucher. Les séances durent en moyenne 40 minutes dans la chambre du

patient. Je fais le choix de jouer moi-même de la musique (mon instrumentarium portatif est

composé de mes deux flûtes, de la sanzula et du gros bol tibétain). Ceci afin de pouvoir être plus en

phase avec l’état psychique du moment du patient (dans le volume, le timbre et la hauteur).

2. Syndromes.

Les syndromes que ces séances visent à apaiser sont l’agressivité, le sundowning syndrome et

l’inversion du rythme nycthéméral.

Le sundowning syndrome ou syndrome du coucher du soleil est relativement fréquent chez les

personnes atteintes de troubles neurocognitifs sévères. Au coucher du soleil, identifié à la venue de

la mort, des terreurs et angoisses profondes font leur apparition chez certains patients.

Page 141: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

128

L’inversion du rythme nycthéméral est aussi fréquente. La personne alors vit la nuit et dort le jour.

Ce qui ajoute à sa confusion.

3. Apport des neurosciences (partie 3).

Sous l’autorité de la docteur Adarsh Kumar (1935-2016), en 1999, le département de

psychiatrie et de science du comportement de l’université de Miami, publie dans la revue Altern

Ther Health Med, ses travaux sur l’augmentation de la mélatonine sérique, par la musicothérapie,

chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

La mélatonine sérique (c’est-à-dire contenue dans le sérum ou plasma sanguin) est une neuro-

hormone, synthétisée à partir de la sérotonine, dans la glande pinéale.

La sécrétion de mélatonine diminue dès l’adolescence et devient rare chez les personnes très

âgées.

Outre son effet régulateur du sommeil, elle a des effets importants sur le système immunitaire, sur

l‘agitation et sur l’anxiété.

Page 142: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

129

4. Cheminements thérapeutiques.

a. Mr Jao :

Pendant 7 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 4 heures.

C’est le premier patient qui m’a accueilli. Nous étions surtout dans une thérapie basée sur la

validation. Pendant 45 minutes, les séances se passaient l’après-midi, dans sa chambre. Selon sa

demande, il répondait à mon invitation de musicothérapie réceptive. Il se laissait alors bercer et

apaiser en écoute attentive, au début des séances, dans son fauteuil. Puis se sont accentués ses

troubles du comportement avec agressivité physique envers les soignants. L’alliance thérapeutique

entre nous lui a fait dire un jour : « N’entrez pas aujourd’hui, je risquerai de vous faire du mal ».

Les séances de musicothérapie réceptives ont continué, suivant son état. Je lui proposais de

s’allonger, et apaisé, il s’endormait pendant mon jeu.

b. Mme Laü :

Pendant 15 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 10 heures.

Elle est atteinte de troubles mnésiques sévères et souffre d’inversion du rythme nycthéméral. Elle

m’accueille toujours avec joie (elle a su dire « non » une fois). C’est ma dernière patiente de la

soirée. Dans sa chambre, la séance dure entre 30 minutes et une heure, suivant son besoin.

Elle apprécie les chants connus (c’est une chanteuse qui tient des cahiers de texte de chansons). Je

reste dans des instruments sans surprise (avec les flûtes) et commence toujours par des morceaux

connus. Puis j’entremêle des morceaux lents et doux de plus en plus inconnus, l’invitant à se laisser

porter par la musique.

Je joue toujours le même répertoire (« Le chant du guardian », « Amazing grace », deux autres

ballades irlandaises, deux cantiques bretons, une musique structurée et douce du Sénégal [Keur

Moussa], deux mélodies d’Israël, une mélodie Yeddish, deux morceaux tirés du Llibre Vermeil de

Montserrat). Son hippocampe ne s’en souvient plus mais son amygdale cérébelleuse si, car au fur

Page 143: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

130

et à mesure, elle se met à chantonner des morceaux que je jouais au départ des séances, qui lui

était complètement inconnus (cf. Hervé Platel).

Elle a une posture un peu tordue et tendue quand elle est dans son lit. Après les séances, les

professionnels ont remarqué que sa posture avait changé, complètement détendue.

Les veilleuses de nuit me transmettent qu’après chacune des séances, elle passe une nuit de

sommeil complète.

c. Mme Maï :

Pendant 15 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 10 heures.

Elle souffre du sundowning syndrome et le manifeste en tirant sur ses doigts tout en comptant. Les

séances du soir durent environ 45 minutes.

Elle apprécie le son de la sanzula.

Au début des séances, je me mettais à son rythme de comptage et me mettais à improviser, en

copying, en chantant sur fond de sanzula. Puis je ralentissais peu à peu tout en conservant la même

structure. Par l’effet, je pense, des neurones miroirs, cela la faisait ralentir aussi.

L’alliance thérapeutique s’est concrétisée lorsqu’elle a accepté de prendre ma main pour compter

aussi mes doigts. Le contact physique est devenu de plus en plus fréquent.

Elle se met à raconter des histoires de son passé qui l’ont troublées, à moitié en jargon. Je reprends

ces histoires sur la sanzula en chant improvisé. Je chante aussi des improvisations douces sur les

voyelles.

Elle se montre fort intéressée par la sanzula et se met à jouer avec moi.

Elle a clairement exprimé des phrases dans un français on ne peut plus correct, exprimant des

souhaits profonds.

Au fil des séances, son comportement s’apaise.

Page 144: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

131

Après les dernières séances, d’après les soignants, elle ne se tire plus les doigts en comptant, mais

chantonne doucement, tranquillement (d’où le duo, un jour avec Mr Moï, après le dîner).

d. Mme Bia :

Pendant 10 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 10 heures.

Elle souffre du même syndrome que Mme Maï, mais peut s’exprimer clairement.

Elle m’a accueilli avec espoir. La première séance (45 minutes, le soir) : elle n’avait pas pu dormir la

nuit précédente, tellement ses poumons étaient encombrés et qu’elle pensait que sa fin était

proche, terrorisée. Elle s’est montrée très ouverte et très attentive aux différentes mélodies que ce

soit aux flûtes, à la sanzula avec improvisation chant, ou au bol tibétain. Le lendemain, pendant la

réunion de transmission, la kinésithérapeute qui venait lui faire de la kiné respiratoire est venue,

surprise : « c’est étonnant, hier je n’arrivais à rien et ce matin le travail s’est fait très bien ». L’IDE a

répondu : « Voilà un effet de la musicothérapie».

De nombreuses séances suivirent, où, progressivement elle s’apaisait.

Mme Bia a eu deux séances de musicothérapie active individuelle en salle ainsi que le bilan

psychomusical :

L’objectif partagé était le suivant : un travail pour mettre ses angoisses en musique ainsi qu’un

travail pour émettre « son cri intérieur» en le transférant sur les instruments. Les séances duraient

30 minutes.

Alors que pendant le bilan, elle disait préférer les sons et musiques doux et feutrés, durant ses deux

séances, elle a utilisé des instruments au son puissant.

Avec joie, elle était dans l’interaction, « dans le plaisir de jouer », dans le dialogue, la créativité et

l’improvisation.

Elle a donc utilisé ses médiums dans un fort volume. Elle se dit satisfaite d’avoir pu mettre ses

angoisses en musique, d’avoir pu enfin « crier ». Elle était toute étourdie à la fin des séances.

Page 145: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

132

En juillet 2015, elle a été transférée à la clinique psychiatrique du Parc à Nantes. En accord avec les

soignants de l’EHPAD et avec son médecin psychiatrique de la clinique, j’ai pu continuer mes

séances de musicothérapie réceptive. Elles s’effectuaient alors dans un coin reculé du parc sur un

banc.

Mme Bia était de plus en plus apaisée, voire heureuse. Elle est décédée quelques semaines plus

tard à l’hôpital Bellier.

E- Accompagner la personne dans la fin de sa vie.

1. Préambule.

Par le biais de la musicothérapie réceptive avec verbalisation, je suis en fait au cœur de mon

sujet. C’est pour moi, un privilège supplémentaire d’accompagner les personnes pendant leurs

derniers moments. Il s’agit pour la personne d’une forte expérience de vie, avec son ressenti, et qui

a particulièrement besoin d’être entendue, reconnue, rencontrée.

Comme le souligne Thierry Tournebise : « L’effondrement du Moi montre un vide insoutenable (…)

il convient alors plus de nourrir le Soi, par la validation, conduisant à la noble sénescence », [id.,

réf.44bis].

A la question « qu’est-ce que mourir en paix ? », je répondrai donc : quand quelqu’un part pour un

long voyage, il aime en général, que sa maison soit propre et bien rangée, portes verrouillées (pour

ne pas être cambriolé), gaz et électricité éteints (pour qu’il n’y ait pas d’accident dévastateur). De

même à l’approche de la fin de sa vie, la personne a besoin de se retrouver entière, réconciliée au

possible avec les parties « amputées » d’elle-même, être dans la sénescence, stade de l’existentiel,

être Soi.

Page 146: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

133

2. Contes, témoignages et croyances.

Voici une petite histoire : l’âge moyen d’un être humain avoisine les 90 ans, l’âge d’un fœtus :

9 mois. Imaginons que les fœtus, dans le ventre de leur maman, aient des téléphones portables

pour communiquer entre eux. Que de choses à se raconter (cf. : ISo gestaltique) durant toute leur

vie de fœtus. Mais arrive un moment où l’un des interlocuteurs se sent comme poussé dans un

étroit tunnel, le téléphone ne passe plus, et ensuite, toute la communauté des fœtus n’entend plus

jamais parler de lui : il a disparu.

En Bretagne (par exemple), avant les inventions de la radio, de la télévision, les personnes se

rassemblaient pour des veillées, et pendant la période des « mois noirs », c’est-à-dire octobre,

novembre et décembre, étaient racontées des histoires, des contes ayant trait à la mort. Anatole Le

Braz (1859-1926) les a rassemblés dans son livre « La légende de la Mort ». On y trouve les

intersignes (entre monde des vivants et monde des morts), le personnage de l’Ankou etc.…

Les témoignages d’expérience de mort imminente (EMI) sont nombreux. Ce sont des personnes

déclarées cliniquement mortes qui reviennent à la vie (n’ayant pas été jusqu’au bout de

l’expérience somme toute). Le premier livre du docteur Raymond Moody (né en 1944), docteur en

philosophie et en psychologie ainsi que médecin, est un recueil de témoignages de personnes

disant avoir vécu une EMI. Il les a recueillis durant plus de 20 ans sur toute la planète, [voir son

livre, réf.32]. Tous les témoignages se corroborent sur, par exemple, le fait d’une dé-corporation,

d’être entrainé dans un tunnel obscur vers une lumière brillante…

Son premier livre « La vie après la vie » est paru en 1977. Depuis, beaucoup de personnes

témoignent de leur propre EMI, tel la musicothérapeute Martina Niernhaussen dans son livre « Du

premier cri au dernier souffle », [voir ce livre, réf34]. Les quelques personnes qui ont fait cette EMI,

que j’ai rencontrées, ont toutes changé de vie, afin de se mettre, à leur façon, au service des autres,

que leur « faire » devienne au service de leur « être » (et non plus l’inverse).

Page 147: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

134

Je ne citerai que deux croyances :

- Chez le peuple amérindien, nous dit Elan Noir, si l’Esprit se retrouve dans les vastes étendues

de chasses éternelles, le Corps, en se décomposant, rejoint, s’unit aux éléments de la Nature,

on le retrouve dans le brin d’herbe, le vent, le bison, la rivière…et par ces vecteurs, devient

immortel ; d’où l’importance sacrée de la Terre des Ancêtres.

- Au Tibet, l’âme fait un long et périlleux voyage avant de se réincarner ou mieux espérer être

libérée de la roue des incarnations successives. Le livre tibétain des morts, le Bardo Thödol

raconte ce voyage. « Bardo » signifie intervalle, « Thö » veut dire entendre, et « Dol » signifie

libération. Le compositeur français de musique électroacoustique, Pierre Henry (né en 1927)

met ce livre en musique dans son œuvre « Le Voyage » en 1962.

3. Moyens.

Comme moyen spécifique, j’utilise l’emploi du prénom de la personne, seul, en chantant sur

fond de sanzula, ou en le chantant précédé d’un « merci » comme seule parole, avec chant de

voyelle. En effet la sonorité du prénom de la personne l’a accompagnée intimement toute sa vie

durant, dans les bons et mauvais jours. Cela peut l’aider, en fil d’Ariane, à se rassembler, à résoudre

sa phase d’intégrité (cf. : Naomi Feil), entrer dans la sénescence en retrouvant une unité du Soi (cf. :

Tournebise).

Page 148: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

135

4. Cheminements thérapeutiques.

a. Mme Hoa :

a1 : Alliance thérapeutique : le commencement.

Mme Hoa était alitée. C’est une personne qui a parlé breton pendant une longue période de

sa vie et, quand elle était en éveil, elle pouvait parler mi-breton, mi-français et…. mi-vocabulaire

inventé. Connaissant quelques mots et expressions en breton, je suis venu, début janvier 2015, lui

souhaiter toute la formule de bonne année dans cette langue14. Cela l’a éveillée et elle s’est mise à

me parler.

a2 : Au fil des séances.

Pendant 4 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 1 heure.

Il y en a eu trois. J’avais demandé au maître de chapelle de Sainte Anne d’Auray, des partitions de

cantiques en breton usuels dans les années 30. Les séances duraient 20 minutes. Les salutations

d’entrée et de sortie se faisaient en breton. Je lui jouais, avec sa permission, des airs bretons aux

flûtes (cantiques, danses, complaintes), elle était bien attentive, chantait avec moi certains airs,

souriait, apaisée, son regard dans le mien.

b. Mme Giu :

b1 : Alliance thérapeutique : le commencement.

Je pense qu’elle a débuté avant les séances, quand elle était alerte. Je la croisais souvent, et

avec bonheur, nous prenions le temps de partager sur des sujets relativement profonds, c'est-à-dire

dans la rencontre, le partage des idées sur les relations humaines, la vie, la mort, la beauté de ce

qui nous entoure et qui passe inaperçue….

14 Voici cette formule (je n’ai appris le breton qu’oralement) : « bléa mat a souhaitant dor, yaa, prospériti, é baradoz i feign a gou bué ».

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136

b2 : Au fil des séances.

Pendant 15 jours, en temps cumulé, nous avons travaillé 1 heure.

Il y en a eu deux de 35 minutes. Durant la première, j’étais seul avec elle. Elle me montra sa

souffrance physique. Je lui jouais de la sanzula avec une improvisation de chant voyelles, ainsi que

des airs doux aux flûtes. Elle battait la mesure, s’apaisait progressivement par rapport à son

expression de douleur, s’abandonnait.

Pendant mon jeu, elle plongeait son regard dans le mien avec intensité me tenant la main

fortement.

Durant la seconde, je me suis retrouvé avec des personnes de sa famille. J’ai demandé si je pouvais

effectuer ma séance. L’ambiance était pesante au début, puis au fur et à mesure de mon jeu, Mme

Gia montra de l’entrain et applaudissait. J’ai proposé la sanzula à sa belle-fille, qui en a joué, larmes

aux yeux, elle a été aussi applaudie par tous. Quand je suis parti, l’ambiance dans la pièce était

devenue plus sereine, plus paisible.

c. Mme Puo :

c1 : Alliance thérapeutique : le commencement.

Mme Puo, de l’unité « Village », renvoyait sèchement les soignants et refusait de s’alimenter.

L’alliance s’est découverte quand nous nous sommes reconnus comme étant originaire de la même

ville (à 50 ans d’écart) et que son mari travaillait au même endroit que mon grand-père et que mon

père.

c2 : Au fil des séances.

Pendant 2 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 1 heure et demie.

Nous avons eu trois séances de 30 minutes. Je jouais des morceaux de façon douce à la flûte

traversière du temps où elle dansait beaucoup (morceaux de Tino Rossi, d’Edith Piaf, de Lucienne

Delyle, de Charles Trenet, de Maurice Chevalier…… suivant ce qu’elle désirait dans mes

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137

propositions). Elle fredonnait avec moi. Nous avions beaucoup d’échanges verbaux sur des

souvenirs heureux, elle était dans le sourire, dans la paix et m’a confié ce qui la tourmentait (que je

me permis de transmettre à l’équipe). Ayant eu aux séances suivantes, sa réponse, elle fut en paix

et profita de la quiétude et des rires de ses séances.

d. Mr Lao :

Je l’ai déjà eu comme patient en musicothérapie active individuelle. Je l’ai suivi pendant trois

séances de musicothérapie réceptive. Les séances duraient 30 minutes.

Mon jeu à la sanzula reprenait, par chant improvisé, les étapes de sa vie, brodant sur les souvenirs

plaisants qu’il m’avait confiés. Il souriait en ces moments et son regard était dans le mien. Quand sa

respiration devenait douloureuse, avec plaintes, je me mettais à jouer sur la sanzula, improvisant

une mélodie chantée sur son prénom, sa respiration s’apaisait alors. Il était dans une écoute

réceptive. Des moments de silence, dans la communication non verbale ensemble, ponctuaient les

séances. Il semblait s’apaiser.

e. Mme Baé :

Elle aussi a été patiente en musicothérapie active individuelle. C’est à l’unité « Pierre

Mara », en soirée, qu’une soignante m’invita à aller la voir car elle avait eu une journée difficile. Sa

communication était close depuis plusieurs jours. La séance dura 40 minutes.

Elle m’accueillit, je commençai par une improvisation de chant sur la sanzula. Nous avons échangé

verbalement. Ensuite, j’ai fait résonner sur elle, le « chant » du bol tibétain, elle a apprécié. Puis

pendant le reste de la séance, elle a improvisé dans le chant des voyelles avec moi, chantant aussi,

sur fond de sanzula. Mon accompagnement a été structuré, mélodique et progressif, et elle s’est

investie de plus en plus dans le chant improvisé. Cela a duré 30 minutes, son chant a été de plus en

plus créatif et élaboré.

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138

C’est ce que j’ai appelé « son chant du cygne », en référence à la sonate éponyme D 957, de Franz

Schubert (1797 – 1828). Je l’ai quitté bien apaisée et heureuse.

Le lendemain, elle parlait de nouveau avec les soignants dans un état d’éveil et de calme, ainsi que

de la séance de la veille au soir. Le surlendemain elle décédait.

f. Mme Buo :

Si l’accompagnement de Mme Baé avait duré une séance, celui de Mme Buo a été une suite

de dix séances. Après quinze jours alitée, ne communiquant plus, ne mangeant presque plus, son

corps et son esprit sombraient. Alors l’équipe soignante a fait appel à un accompagnement

musicothérapique.

f1 : L’alliance thérapeutique.

Elle s’est vite construite, car à sa surprise, je l’ai rejoint dans son mode où elle se trouvait. C’est-à-

dire, qu’elle était dans une forme grave d’aphasie, appelée automatisme verbal, consistant à

répéter rapidement et constamment la syllabe « ma », dans un fort volume. Elle alternait par des

« s’il-vous-plait » en continu.

J’ai copié, les yeux dans les yeux, son automatisme verbal, au même volume, puis peu à peu y ai

introduit quelques nuances mélodiques légères, lui ouvrant ainsi la possibilité de sortir de son

mode.

Quand elle était dans le mode « s’il-vous-plait », sa main dans la mienne, je lui répondais en écho

« je suis là », afin d’essayer d’installer un cadre réassurant. Ce protocole d’entrée à deux portes

s’est répété à chaque début de séance et aussi pendant les séances, puis s’est estompé au fur et à

mesure, toujours dans le temps qu’elle jugeait nécessaire.

f2 : Au fil des séances.

Pendant 7 mois, en temps cumulé, nous avons travaillé 8 heures.

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139

Les séances commençaient à 19h30 et duraient 45 minutes. Après le protocole d’entrée en

communication, des mots ou des bouts de phrases, répétés, survenaient. Je les reformulais. Un

temps était aussi réservé à la musicothérapie réceptive sur des cantiques bretons, joués à la flûte

en bois, qu’elle écoutait attentivement avec un plaisir et une attention manifeste. Elle me prenait la

main et me caressait le visage, touchant les instruments dont j’étais en train de jouer.

Je reprenais ensuite en chant improvisé sur fond de sanzula, les mots et bouts de phrases quelle

avait dits et cela entrainait d’autres mots de sa part.

A chaque séance, ces mots et bouts de phrases constituaient un moment particulier de son histoire,

qu’ainsi je validais. A des moments, ces histoires l’agitaient au début, puis à la fin de ma validation,

elle s’endormait, en paix, au son du bol tibétain qui s’évanouissait, ou sur fond de sanzula, sur un

chant improvisé sur son prénom seul ou précédé d’un « merci ».

L’avant dernière séance, elle était très faible, mais consciente, et en fin de séance, elle s’est tournée

vers moi, et de son œil valide m’a offert un regard rempli de reconnaissance et de gratitude.

La dernière séance a eu lieu pendant ce que les médecins appellent les râles de l’agonie. Cela a été

en présence de membres de sa famille. J’ai demandé à son fils de lui mettre son appareil auditif, et

ai effectué une séance habituelle. Les variations de ses râles et silences, à mon écoute,

correspondaient aux différentes périodes de séances que nous avions partagés. Elle est décédée

deux jours plus tard, dans une grande paix, d’après sa famille.

g. La toute dernière séance de l’accompagnement musicothérapique de

l’accompagnement de la fin de la vie, le silence habité :

g1 : Procédure de l’établissement.

Au décès d’un résidant, la chambre est débarrassée de tout système de soins. Une petite

veilleuse électrique est allumée sur la table de nuit, avec quelques objets préférés et symboliques

de la personne. Une thanatopracteuse, partenaire de l’EHPAD, vient préparer la personne avec

grand soin et dignité (on est loin du masque mortuaire). Des fleurs souvent sont présentes ainsi que

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des chaises. La chambre, fermée à clef, est devenue une « chapelle ardente ». La famille, les amis

mais aussi les soignants de l’unité viennent s’y recueillir.

Puis, les pompes funèbres arrivent, partenaires aussi de l’EHPAD, et enlèvent le corps, entouré par

une haie silencieuse composée de la famille, des soignants et de quelques résidants. La cérémonie a

lieu la plupart du temps à l’église de Saint-Herblain.

Les résidants ont en général cette réaction « ce n’est pas mon tour encore, cette fois-ci »

g2 : La toute dernière séance ;

Voici mon Instrumentarium du silence habité :

Il est composé de deux pratiques que j’effectue depuis longtemps.

Le zen, qui spécifie que, dans le mental, les pensées qui arrivent ne doivent être ni repoussées, ni

retenues.

Et l’oraison que je pratique depuis l’âge de 7 ans. Pratique où je me sens toujours dans les

« commençants » (je suis un orant pas pressé). Outre des personnes qui m’ont guidé sur ce chemin,

je me suis surtout appuyé sur deux ouvrages : « Le nuage d’inconnaissance » écrit par un anonyme

au XIVème siècle, et Jean de la Croix (1542-1591), réformateur de l’ordre religieux contemplatif du

Carmel, avec Thérèse d’Avila. Jean de la Croix donc, a écrit tout un cheminement pour la pratique

de l’oraison en trois ouvrages : « La montée de Carmel », « La nuit obscure » et « La vive flamme

d’amour » où, pas à pas, il montre comment l’âme se détache progressivement de « ses affects

(charnels et émotionnels) » puis de « sa volonté, de son entendement et sa mémoire », afin

« d’attendre de s’envoler, dans l’abandon et la confiance vers la rencontre du Tout-Autre », [voir

ces trois livres, réf.16,17,18].

Alors, pendant la durée d’une dernière séance, dans une plage horaire où je pouvais être seul avec

la personne décédée, je réglais le tuner de ma pensée sur ce que nous avions vécu ensemble, dans

la gratitude, en silence, centré.

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141

F- Petite conclusion.

Que de merveilles !

D’après Carl Jung : «Ce qui manque à l’homme, c’est l’intensité ».

Je pense que les patients ont partagés des moments d’intensité (de par leur parole, mais surtout au

travers de leurs expressions non-verbales). Tous ces cheminements thérapeutiques, étape après

étape, dans leur participation à des ateliers de musicothérapie, a contribué à faciliter leur travail

personnel de sénescence. Ils se sont ouvert, chacun à sa manière, à la pulsion de vie, au flux

existentiel.

Ceci s’est de nouveau démontré lors des dernières séances qui vont être décrites dans la partie

suivante.

VI. Fin du travail en musicothérapie.

A- Les dernières séances de musicothérapie individuelles.

1. Préambule.

Il est important de mettre une fin à un accompagnement thérapeutique. C’est ce que j’ai fait

en allant proposer, dans leur chambre, une dernière séance aux patients avec qui nous avions

travaillés en atelier divers.

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2. Mr Moï.

Dans sa chambre, je chante, en improvisation, un récapitulatif sur le travail effectué

ensemble avec mes remerciements, sur fond de sanzula. Il apparaît des signes de communication

non verbale d’émotions de sa part. Je lui propose de m’accompagner sur son instrument préféré

(un tambourin et sa baguette, appartenant au service « animation » de l’EHPAD), étant couché sur

son lit, il se lève alors, prend le tambourin et la baguette et les range sur sa table de chevet,

derrière sa photo de marin.

J’en parle à sa référente, qui le conserve pour le lui laisser en essai.

3. Mme Néü.

La séance dure une heure. Elle est dans la joie, voire un peu euphorique. Son jeu est rapide,

dans l’écoute, elle réussit à réduire la cadence. Il y a beaucoup d’interactions, de rires, de chants

bouche fermée. Son improvisation est riche. Nous nous quittons en nous remerciant

réciproquement.

4. Mme Mui.

D’après les soignants, elle n’avait goût à rien durant cette journée… Elle m’accueille

chaleureusement avec enthousiasme et passe en interaction dans le jeu instrumental rapidement.

Elle change d’instrument elle-même. Elle se montre plus créative encore (dans le timbre, le volume,

l’innovation, le rythme, le chant improvisé des voyelles…) Elle est en écoute de mon jeu de soutien.

La séance dure 1h30 ! (je l’avais prévenue au départ que, pour cette séance, elle était maître du

temps [tout de même sous mon contrôle discret]).

Elle dit que cela lui a fait beaucoup de bien, de vie, et émet le désir qu’un autre musicothérapeute

me remplace rapidement.

Page 156: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

143

5. Mme Gaâ.

La séance dure 1h30, avec la même parole de ma part que précédemment. Son physique

s’est dégradé. Nous trouvons alors d’autres positions d’instruments et d’autres façons de jouer. Son

regard est intense. Il se passe des interactions mélodieuses, inventives et justes de sa part, le temps

parait suspendu. Ensuite, selon son désir, je passe en musicothérapie réceptive. Sur un chant

improvisé sur fond de sanzula, elle montre des signes non verbaux d’émotion.

6. Mme Dui.

La séance dure une heure et se divise, selon son désir en deux parties : la première en

musicothérapie active où elle fait preuve de créativité dans un jeu complice, la seconde en

musicothérapie réceptive, son regard est lumineux, elle est pleine de sourires laissant échapper des

« comme c’est beau ».

7. Mme Gaï.

La séance dure 45 minutes. Après un accueil très chaleureux, elle s’affirme dans le choix des

instruments et trouve sa propre façon de jouer sur des médiums nouveaux pour elle. Commencent

alors les interactions dans notre jeu sonore. Elle montre des signes non verbaux de joie, elle danse

sur son fauteuil, regard en éveil, lors de la musicothérapie réceptive de seconde partie de séance.

8. Mr Poé.

La séance dure 15 minutes. La maladie a beaucoup évolué. Je lui propose de la

musicothérapie réceptive sur ses instruments privilégiés. Réveillé mais yeux clos, entendant que

c’est la dernière séance, il ouvre grand ses yeux et plonge dans mon regard, fixé sur les instruments

dont je joue avec une ébauche de sourire. Je termine par un chant récapitulatif du travail effectué

sur fond de sanzula. Son regard est expressif.

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144

B- Quelques avis des professionnels.

J’ai demandé à quelques soignants ce que la musicothérapie avait apporté aux résidants.

Dans la retransmission, les blancs entre parenthèses correspondent à ma personne, comme pour

un bilan.

a. Une AMP travaillant à l’unité « Pierre Mara » depuis treize ans.

« Les séances (…) ont été bénéfiques pour les personnes atteintes de troubles cognitifs. Nous

avons observé chez ces résidants un réveil, c’est-à-dire qu’ils nous ont semblé présents (regard,

corps qui se mouvait d’avantage, expressions du visage, des chants sont fredonnés sans qu’il y ait

une stimulation).

Quelle belle découverte de constater que la musicothérapie est une activité thérapeutique non

médicamenteuse. »

b. Un AS travaillant à l’unité « Ermitage » depuis treize ans.

« (…) capter l’attention des résidants peu communicatifs (ayant peu de capacités d’interactions

avec le monde qui les entoure) (…) des séances qui touchent le résidant dans ses émotions. (…)

adapté aux résidants aussi bien dans leur histoire de vie que dans leur besoins émotionnels

(sonorité adaptées aux origines de la personne, breton, espagnol ...)

Par le biais d’instruments et leur diversité, (…) arrive à faire faire des gestes à des personnes à

mobilité très réduite. L’apport des séances de musicothérapie me semble bénéfique pour les

résidants. »

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145

c. Les deux Infirmiers titulaires.

c1. « Auprès des résidants atteints de troubles cognitifs :

1. Communication au travers des instruments : s’exprimer grâce à l’outil (…)

transmettre ses émotions (positives ou négatives) pendant les séances.

2. Permet une baisse de l’agressivité (…)

3. Eveil des sens (…)

4. Après une séance les résidants sont apaisés (…)

La musicothérapie est un soin de support qui, selon moi peut permettre une

baisse du dosage de certains médicaments psychotropes ou antalgiques (…) »

c2. « (…) épanouissement des résidants pris en charge à plusieurs niveaux.

Du point de vue de l’apaisement des résidants présentant des troubles cognitifs,

ainsi que vis-à-vis de l’extériorisation d’affects chez des personnes ayant des

troubles de la communication. Participation à des prises en charges palliatives,

d’un grand bénéfice pour les résidants en fin de vie rencontrés. Travail sur les

interactions de groupe avec des résidants d’unité fermée prometteur (…) ».

C- Petite conclusion.

Le 14 février 2016, je rendais mon badge et mon passe. Mon temps de stagiaire

professionnel musicothérapeute était clos.

Le lien a été conservé, de façons diverses. Je vous invite à les découvrir dans l’annexe 2, appelée

« post-stage ».

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146

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147

VII. Conclusion générale.

Cette conclusion se développe en deux optiques complémentaires : une première, plutôt

analogique, montre les enjeux de la sénescence ; une seconde, plutôt digitale, montre les points

importants de l’apport de la musicothérapie auprès des Anciens, atteints de troubles cognitifs

sévères, en EHPAD, étant dans ce stade de leur vie.

Je reviens sur les fruits du tableau de Naomi Feil, basé sur les travaux d’Erikson, à propos

des personnes âgées mal orientées. A chaque étape de sa vie, chaque être humain combat

intimement pour récolter les fruits suivants : l’Espoir, la Volonté, l’Exploration, la Compétence, la

Fidélité, l’Amour, le Prendre soin et la Sagesse.

Tout en gardant cela à l’esprit, je reviens sur l’organicisme que j’ai évoqué dans l’introduction, mais

cette fois-ci dans deux domaines différents :

- En philosophie : d’après Platon (-428 ;-348), la réalité peut mieux s’appréhender si elle est

vue comme un ensemble organique.

- En sociologie : né au XIXème siècle, il consiste en une approche de la société qui, par

analogie, est comparée à un organisme vivant pour son organisation et son fonctionnement,

et dont les êtres humains sont les cellules.

Chaque être humain, dans chaque étape de sa croissance, a donc travaillé des moments

spécifiques, des stades déterminants. Par ce travail particulier et unique, dans une société vue

comme un organisme vivant, chacun peut aider ses semblables, quelque soit le temps de sa

croissance où ils se trouvent, en leur partageant simplement sa propre expérience, en espérant

qu’ils puissent en tirer profit. Souvent, il sera préférable que cette expérience soit montrée dans le

comportement plutôt que transmise dans le discours.

Il y a une mode qui fonctionne très bien aujourd’hui : c’est la recherche du « bien-être ». Cette

mode lucrative ne cacherait-elle pas un profond « mal-être », ou plus simplement un manque

d’ « être », avec une fuite en avant dans le « faire » ?

Page 161: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

148

Avec la sénescence, le flux existentiel de la vie a la possibilité de libérer le Soi, unifié, afin, enfin,

d’être. Je pense que les Anciens, ayant le mieux possible réussit leur processus d’individuation,

peuvent ainsi retrouver un rôle déterminant dans le lien social, en partageant leur expérience.

Aujourd’hui, dans nos sociétés appelées modernes, la majorité des personnes repousse cette

étape. Elles essaient alors de combler le vide qu’elle engendre si elle n’est pas assimilée, par toutes

sortes de moyens, parfois plus ou moins destructeurs.

Le silence et le fait d’être seul sont, de ce point de vue, non de terribles ennemis, mais des alliés.

J’ai l’habitude de comparer l’évolution de l’humanité à une vie d’homme. Certes, en ce moment

nous sommes dans la crise, mais à mon avis, ses effets visibles et douloureux sont les symptômes

d’une crise plus profonde, la crise d’adolescence de l’humanité.

Si nous ne nous détruisons pas, nous avons encore le temps jusqu’à la crise de la sénescence !

En sociologie toujours, dans notre culture, nous sommes passés d’une conception holistique à

l’individualisme moderne, à la Renaissance. C’est d’ailleurs à partir de ce temps que les artistes ont

signé leurs œuvres par leur nom. Après quelques petites centaines d’années, nous nous retrouvons

comme enfermés dans l’individualisme, dans l’égo, avec son lot de souffrances.

Ne serait-il pas temps, non de retourner à une conception holistique, mais en retirer le meilleur et

passer de l’individualisme au processus d’individuation ?

Ainsi, de façon unique et particulière, différencié, nous pourrons retrouver le lien qui unit chaque

être humain et dans une confrontation vraie et non violente, arriver à une complémentarité.

Utopie ? Peut-être. Cheminement possible? Sûrement.

De part mon expérience, enrichie par ce stage, j’ai remarqué, que les personnes les plus démunies,

dans quelque domaine que ce soit, sont justement les pierres angulaires de cette nouvelle

construction sociale.

Dans ce programme, la musicothérapie montre toute son efficacité et sa spécificité. En

effet, faire de la musicothérapie un choix thérapeutique en EHPAD, c'est reconnaître la personne en

Page 162: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

149

tant que sujet à part entière et non comme seulement un malade. C'est également instaurer une

alternative à la médicalisation qui renforce cette idée de pathologie.

De plus, utiliser l'objet médiateur qu'est la musique favorise et permet l'émergence du plaisir. Le

plaisir de sentir son corps fonctionner, vibrer. Le plaisir qui fait tomber les barrières de l’angoisse

autorisant ainsi le jeu et la création.

De même, proposer des chansons anciennes pour initier plaisir et lâcher prise. Elles touchent

directement à la mémoire affective de la personne et font inévitablement resurgir des souvenirs

permettant à cette dernière de s'y identifier, de se retrouver.

La prise en charge groupale a permis de redonner une estime de soi aux patients par une

reconnaissance mutuelle et fait naître une activité et donc un rôle social jusque-là disparu. C'est

effectivement l'adaptation au rythme de l'autre qui leur permet de s'inscrire en tant que membre à

part entière du groupe. C'est le prendre en compte pour prendre part. Et c’est bien en reprenant

une place sociale que l’on existe et que l’on retrouve ainsi sa dignité.

La pratique de la musicothérapie permet de mobiliser les facultés d’écoute, perceptives et

cognitives, pour s’exprimer individuellement et collectivement dans la joie de la création et ainsi

réaliser une production dans laquelle chacun se reconnaît.

Par leur engagement dans les divers ateliers, ils ont appris à moins se laisser définir par les autres

pour réacquérir un libre-arbitre. Ensemble, ils sont partis du désordre pour arriver à l’ordre en

passant par l’étape fondamentale du droit à l’erreur.

Ce travail légitime cependant l’atelier de musicothérapie en EHPAD car il autorise à nouveau les

patients à se projeter, à s’exprimer et donc à réinvestir leur vie.

Enfin, il laisse en suspens des questions pouvant servir de base de travail. La musique n’aiderait-elle

pas à redonner des représentations à des personnes susceptibles de n’y avoir plus accès ?

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150

Ce stage m’a permis d’apprécier de plus en plus cet outil thérapeutique ainsi que de commencer à y

trouver ma propre spécificité en tant que musicothérapeute. De par la supervision, j’ai pourtant

bien vu qu’il me manquait de l’expérience, en ne rebondissant pas directement et d’une façon

soignante adéquate sur des messages émis par le patient. J’espère que le temps y remédiera.

Je termine en laissant la parole à Khalil Gibran (1883-1931) poète et peintre libanais, dont les mots

ont pour moi le son des vagues (qui ont traversées bien des tempêtes) s’évanouissant sur le sable,

[voir son livre, réf.13] :

« La musique est en effet le langage des âmes, et les mélodies sont des brises sauvages qui font

vibrer les cordes du cœur. Elle est ces subtils doigts qui frappent à la porte de nos sens et réveillent

la mémoire qui exhume alors des événements forts de son passé que les nuits avaient ensevelis.

Elle est ces subtiles mélodies qui, si elles sont tristes, rappellent, à fleur de mémoire, des souvenirs

d'instants tragiques, ou, si elles sont joyeuses, des souvenirs de moments de sérénité et de

réjouissance. (…)

La musique est un corps fait de dernier soupir, dont l'âme est faite de souffle et l'esprit est fait de

cœur. »

« Vous voudriez percer le secret de la mort. Mais comment le trouverez-vous sinon en le cherchant

dans le cœur de la vie? (…)

Car la vie et la mort sont un, de même que le fleuve et l'océan sont un. (…)

Votre effroi face à la mort n'est que tremblement du berger quand le roi lui fait l’honneur de le

recevoir et de poser la main sur sa tête.

Or, en allant recevoir l'insigne du roi, le berger ne sait-il pas qu’un frisson de joie s’éveille déjà sous

sa frayeur ? (…)

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151

C'est seulement lorsque vous aurez bu à la rivière du silence, alors vous pourrez véritablement

chanter. Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez à monter. Et

lorsque la terre réclamera vos membres, alors vous saurez enfin danser. »

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152

Bibliographie.

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réf.27- Levitin Daniel : « De la note au cerveau », édition Héloïse d’Ormesson, 2010.

réf.28- Le petit Robert : « Dictionnaire des noms communs », société du nouveau Littré, 1975.

réf.29- Le petit Robert 2 : « Dictionnaire des noms propres », édition S.E.P.R.E.T., 1975.

réf.30- Maisondieu Jean : « Le crépuscule de la raison », éditions Bayard, 1989.

réf.31- Monin Yves : « Hiéroglyphes français et Langue des oiseaux », édition Le Point d’Eau, 1982.

réf.32- Moody Raymond : « La vie après la vie », édition Robert Laffont, 1977.

réf.33- Mordillat Gérard : « Hamlet le vrai », édition Grasset, 2016.

réf.34- Niernhaussen Martina : « Du premier cri au dernier souffle », édition Archipel, 2011.

réf.35- Nouveau testament et psaumes, édition de l’Emmanuel, 2014.

réf.36- Psychologie Québec : « L’alliance thérapeutique », magazine de l’ordre des Psychologues du

Québec, vol.28, n°02, pp. 20.39, mars 2011.

réf.37- Rakonievski Alain, cours à l’Institut de Musicothérapie , 2012-2015.

réf.38- Revue française de Musicothérapie, « Démence de type Alzheimer, communication et

musicothérapie », revue éditée par l’association française de Musicothérapie, vol. XXXIII n°3, pp.

4-64, octobre 2013.

réf.39- Rivernal Colette : « Musique, thérapie, animation », édition Chronique sociale, 1996.

réf.40- Rogers Carl Ransom : « Le développement de la personne », édition Dunod Inter-éditions,

Paris, 2005.

Page 167: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

154

réf.41- Rouget Gilbert : « La musique et la transe », édition Gallimard, 1990.

réf.42- Salon Didier, Egmard Colette : « Architecture et Gérontologie, peut-on habiter une maison

de retraite », édition l’Harmatan, 2006.

réf.43- Salomé Jacques : « T’es toi quand tu parles », édition Pocket, 2005.

réf.44- Tournebise Thierry : « L’écoute thérapeutique », édition ESF, 2001.

réf.44bis- Tournebise Thierry : « Le grand livre du psychothérapeute », édition Eyrolles, 2011.

réf.45-Verdeau-Pailles Jacqueline : « Le bilan psychomusical et la personnalité », édition Fuzeau,

2005.

réf.46- Vrait François Xavier : cours à l’Institut de Musicothérapie, 2012-2015.

réf.47- Wigram Tony : « Improvisation, Méthods and Techniques for Music Therapy Clinicians,

Educators and Students” Jessica Kingsley publishers, London and Philadelphia, 2004.

réf.48- Winicott Donald : “Jeu et réalité”, édition Gallimard, 1975.

Sites internet (par ordre d’apparition dans le rapport) :

réf.49- Comment la musique rejoint la science ?

http://www.dailymotion.com/video/x1cfbbb_sacem-universite-table-ronde-de-la-

musicotherapie-a-la-recherche-fondamentale_music

réf.50- Michel Bernier : Le respect de la personne âgée dépendante en institution

http://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2005-2-page-116.htm

réf.51- La désespérance des seniors en maisons de retraite :

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/01/21/01016-20140121ARTFIG00503-la-

desesperance-des-seniors-en-maisons-de-retraite.php

réf.52- L'admission du résidant en EHPAD :

http://www.longuevieetautonomie.fr/sites/default/files/editor/files/stories/CAPACITE2011/ehp

ad/admissionehpadsr.pdf

Page 168: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

155

réf.53- L'hébergement collectif pour personne âgées, Dominique Argoud, sociologue CLEIRPPA :

https://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/aisbl-

generations/documents/RevueGenerations10_11_12p19.pdf

réf.54 La méthode Montessori adaptée aux personnes âgées dépendantes :

http://www.psppaca.fr/IMG/pdf/montessori_2015_domicile_uriopss_-_stagiaires.pdf

réf.55- Les allegros d’Alzheimer :

https://www.youtube.com/watch? v=s815lcfd5K8

réf.56- Le chant des voyelles :

http:// www.slog.fr/guycorneau/266/1/112

réf.57- Moussard Aline, thèse de doctorat : « L'utilisation de la musique comme support de

nouveaux apprentissages dans le vieillissement normal et la maladie l’Alzheimer », 2012 :

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00795055/document

réf.58- Nada Yoga: Indian Healing Technique :

https://voices.no/community/?q=country/monthindia_march2005b

réf.59- Stéphane Guetin : Intérêt de la musicothérapie sur l'anxiété, la dépression des

patients atteints de la maladie d'Alzheimer :

www.encephale.com/content/download/86985/1520343/.../1/.../main.pdf.2008

réf.60- Music therapy increases serum melatonin, 1999 :

http://www.ncbi.nlm.nih.gov.pubmed/10550905

réf.61- Fiche métier de la Fédération Française de Musicothérapie:

http://mediatheque.citedelamusique.fr/mediacomposite/cim/_Pdf/30_60_30_ReferentielMusicotherapeute

.pdf

Page 169: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

156

Annexes

1- Communication non violente.

2- Post-stage.

3- Un petit dessert ? : Etude en vue d’une musique de fond, pour le collectif, basée sur le

résidant.

Page 170: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

157

Annexe 1

Liste des besoins et sentiments dans la Communication Non Violente

Avant propos.

Le Centre pour la communication non violente (CCNV) est une organisation à but non lucratif,

fondée aux Etats-Unis en 1966, par Marshall Rosenberg, docteur en psychologie clinique, élève de

Carl R. Rogers. En voici le principe général :

Page 171: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

158

II. Liste des besoins

SURVIE AUTONOMIE

Abri

Air

Eau

Mouvements, exercices

Repos, permanence

Sécurité, protection

Affirmation de soi

Appropriation de son pouvoir

Choix, décider par soi-même

Indépendance

Liberté

Solitude, calme, tranquillité, temps / espace pour

soi

Page 172: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

159

NOURRITURE (au sens large) INTEGRITE

Affection

Chaleur

Confort

Douceur

Relaxation, détente, plaisir, loisirs

Sensibilité

Soins, attentions, présence

Tendresse

Toucher

Authenticité, honnêteté

But, direction, savoir où aller

Connaissance du Soi

Déterminer des valeurs, rêves, visions

Equilibre

Respect de soi

Rythme, temps d’intégration

Sens de sa propre valeur, de sa place

Page 173: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

160

EXPRESSION DE SOI

Accomplissement, réalisation

Action

Créativité

Croissance, évolution,

actualisation, développement,

guérison

Générer, être la cause, participer

Maitrise

D’ORDRE MENTAL

Clarté, compréhension (par la réflexion,

l’analyse, le discernement, l’expérience)

Cohérence, adéquation

Concision

Conscience

Exploration, découvertes

Informations, connaissances

Précision

Simplicité

Stimulation

Page 174: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

161

D’ORDRE SOCIAL

Acceptation

Amitié

Amour, affection

Appartenance

Appréciation

Communication

Compagnie

Concertation

Confiance

Connexion

Contact

Donner, servir, contribuer

Ecoute, compréhension,

empathie

Equité, justice

Expression

Honnêteté, transparence

Indépendance

Intimité

Partage, échange, coopération

Présence

Proximité

Recevoir

Reconnaissance (résonnance, écho, feed-

back)

Respect, considération

Sécurité (fiabilité, compter sur,

confidentialité, discrétion, stabilité,

fidélité, permanence, continuité,

structures, repères,…)

Soutien, assistance, aide, réconfort

Tolérance, accueil de la différence,

ouverture

Page 175: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

162

D’ORDRE SPIRITUEL CELEBRATION DE LA VIE

(accueil de la vie dans ses étapes et différents

aspects)

Amour

Beauté, sens esthétique

Confiance, lâcher-prise

Espoir

Etre

Finalité

Harmonie

Inspiration

Joie

Ordre

Paix

Sacré

Sérénité

Silence

Transcendance

Communion

Deuil, perte

Fête

Goût d’expérimenter l’intensité de la vie en soi

Humour

Jeu

Naissance

Rendre grâce

Ritualisation

III. Liste des sentiments

Sentiments que nous éprouvons lorsque nos besoins sont satisfaits :

Page 176: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

163

A l’aise

Absorbé

Affection (plein d’)

Ahuri

Alerte

Allégé

Allègre

Amical

Amour (en)

Amour (plein d’)

Amoureux

Amusé

Animé

Appréciation (plein d’)

Assouvi

Attentif

Au septième ciel

Aux anges

Aventureux

Béat

Bonne humeur (de)

Bouleversé

Calme

Captivé

Centré

Electrifié

Emballé

Emu

Enchanté

Encouragé

Energie (plein d’)

Enflammé

Engoué

Enjoué

Enthousiasmé

Entrain (plein d’)

Epanoui

Etonné

Etourdi

Eveillé

Exalté

Expansif

Expansion (en)

Expectative (dans l’)

Extase (en)

Exubérant

Fasciné

Fier

Fou de joie

Gai

Jubile (qui)

Libre

Liesse (en)

Nourri

Optimiste

Paisible

Paix (en)

Pétillant

Plaisir (qui a du)

Porté à aider

Proche

Radieux

Radouci

Rafraichi

Ragaillardi

Rasséréné

Rassuré

Ravi

Ravigoté

Rayonnant

Réconforté

Reconnaissant

Réjoui

Rempli d’espoir

Revigoré

Page 177: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

164

Charmé

Chaud

Comblé

Compatissant

Concentré

Concerné

Confiant

Confortable

Content de soi

Courage (plein d’)

Curieux

Délassé

Détaché

Détendu

Ebahi

Ebloui

Effervescence (en)

Egayé

Galvanisé

Gonflé à bloc

Gratitude (plein d’)

Grisé

Haletant

Harmonie (en)

Heureux

Hilare

Humeur enjouée (d’)

Humeur espiègle (d’)

Impatient

Impliqué

Insouciant

Inspiré

Intéressé

Intrigué

Joie (déborde de)

Joyeux

Satisfait

Sécurisé

Sensibilisé

Sensible

Serein

Sidéré

Soulagé

Stimulé

Sur le qui-vive

Surexcité

Tendresse (plein de)

Touché

Tranquille

Transporté de joie

Vie (plein de)

Vivant

Vivifié

Sentiments que nous éprouvons lorsque nos besoins ne sont pas satisfaits :

Page 178: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

165

Abattu

Accablé

Affamé

Affligé

Affolé

Agacé

Agité

Aigri

Alarmé

Ame en peine (l’)

Amer

Angoissé

Animosité (plein d’)

Anxieux

Apathique

Apeuré

Appréhension (plein

d’)

Assoiffé

Aversion (avoir de l’)

Blessé

Bloqué

Cafardeux

Chagriné

Choquée

Cœur brisé (avoir

le)

Concerné

Confus

Consterné

Contrarié

Courroucé

Craintif

Crispé

Curieux

Déchiré

Déconcerté

Décontenancé

Découragé

Déçu

Dégouté

Démonté

Démoralisé

Démuni

Dépassé

Dépité

Déprimé

Dérangé

Désappointé

Désarçonné

Envieux

Epouvanté

Eprouvé

Epuisé

Ereinté

Etonné

Excédé

Excité

Fâché

Fatigué

Furieux

(fou)

Fourbu

Fragile

Frousse

(avoir la)

Frustré

Gardes (sur

ses)

Haineux

Haletant

Hésitant

Honteux

Horrifié

Horripilé

Hors de soi

Humeur noire (d’)

Impatient

« Inconfortable »

Incrédule

Indécis

Indifférent

Indolent

Inerte

Inquiet

Insatisfait

Insécurisé

Insensible

Instable

Intéressé

Intrigué

Irrité

Jaloux

Las

Léthargique

Lourd

Mal à l’aise

Malheureux

Marre (en avoir)

Maussade

Mécontent

Méfiant

Mélancolique

Moral (ne pas

avoir le)

Morose

Mortifié

Moulu

Navré

Nerfs (sur les)

Nerveux

Paniqué

Paresseux

Passionné

Perplexe

Pessimiste

Peur (avoir)

Ramolli

Rancœur

(plein de)

Renfermé

Reserve (sur

la)

Ressentiment

(avoir du)

Ressentiment

(avoir du)

Réticent

Rompu

Saturé

Sceptique

Secoué

Seul

Sidéré

Sombre

Soucieux

Souffrant

Soupçonneux

Submergé

Taciturne

Tendu

Terrifié

Tiède

Tiraillé

Tourmenté

Tremblant Triste

Troublé

Trouille (avoir la)

Vexé

Vulnérable

Page 179: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

166

Sentiments comprenant des interprétations et des jugements :

(Les mots suivants sont souvent employés comme sentiments alors qu’ils sont en réalité des

jugements ou des interprétations de ce que l’autre nous fait).

Abandonné

Abusé

Acculé

Accusé

Arraché

Attaqué

Bête

Blâmé

Bluffé

Coupable

Déconsidéré

Délaissé

Détesté

Dévalorisé

Diminué

Dupé

Ecarté

Ecrasé

Escroqué

Etouffé

Floué

Foulé aux pieds

Harcelé

Humilié

Ignoré

Inadéquat

Incompétent

Incompris

Indigne

Insulté

Intimidé

Invisible

Isolé

Jeté

Jugé

Laissé pour compte

Largué

Manipulé

Materné

Minable

Menacé

Méprisé

Minorisé

Mis en cage

Mis sous pression

Négligé

Nié

Nul

Pas accepté

Pas aimé

Pas cru

Pas entendu

Pas important

Pas voulu

Piégé

Piétiné

Protégé

Rabaissé

Refait

Répété

Ridiculisé

Sali

Sans valeur

Stupide

Surmené

Trahi

Trompé

Utilisé

Vaincu

Violé

Volé

Page 180: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

167

Annexe 2.

Post-stage.

I. Invitation pour les professionnels :

Page 181: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

168

Sur les deux séances, 25 professionnels sont venus. D’autres auraient désiré venir, mais leur

emploi du temps ne le leur permit pas. D’autres enfin n’avaient pas l’envie.

Page 182: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

169

Toutes les fonctions (sauf les Infirmiers) étaient représentées : Conseil d’Administration au

complet, Directeur, Secrétaires de direction, Cadre logistique, Cadre de santé, Médecin

coordinatrice, Psychologue, AMP, AS, ASH, Animatrice.

Après un commencement où la hiérarchie se faisait légèrement sentir, chacun, à sa mesure, a joué

le jeu, de plus en plus librement.

Mon instrumentarium s’était enrichi d’instruments demandant une manipulation moins aisée

(tambour à eau, appeau à mésange, tablas indiens, bâton de pluie, tube tonnerre, crécelle, kalimba

etc.…)

Les outils de l’Improvisation clinique étaient expérimentés en cercle pour l’ « imitation », le

« reflet », le « question-réponse », où une personne en choisissait une autre pour répondre au

mode travaillé.

En arc de cercle pour l’ « ostinato rythmique », que je jouais aux tablas indiens. Idem pour

l’« accompagnement structuré évolutif », que je jouais à la flûte traversière, allant voir chaque

participant, un à un, qui continuait à jouer. Il y a eu, pour ces deux pratiques, des phénomènes de

groupe sonore, avec créativité et joie.

Ensuite, après le moment de partage, les participants ont parlé de cet atelier à leurs collègues

absents.

Page 183: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

170

II. Pour les résidants de l’unité « Village » :

Ayant fini mon travail de musicothérapeute, j’ai pris un rôle d’animateur durant ce temps

particulier.

Ce concert s’est passé au restaurant des résidants. En effet, j’avais noué avec eux des contacts

particuliers et ils se demandaient souvent quel était mon rôle.

Quelques fois, lors des rassemblements dans la « place du village » avant le dîner, je leur jouais,

avec chant improvisé, de la sanzula, un court instant. Ou bien, devant des résidantes assises près de

l’ascenseur, me voyant passer et repasser (ah ! le faire…) avec mes sacs, je les leurs ouvrais et

faisais sonner quelques instruments. Sans plus.

Ce concert était surtout pour les remercier de leur accueil. La cuisine avait préparé un repas sur

mesure par rapport à mon thème. Pour les morceaux doux, j’avais un micro et quand je partais

dans les aigus, je me baladais entre les tables (afin de ménager les oreilles). J’en ai profité pour

redire pourquoi j’avais été avec eux pendant 15 mois, et même, après mes remerciements, leur ai

indiqué, que dans des moments difficiles, ils « m’avaient rendu la vie ».

Le repas se terminait, mais pas mon programme, alors je leur ai demandé de choisir. Ils voulaient

tout, et ont prolongé leur temps de repas, puis à la fin, certains sont restés pour échanger.

Page 184: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

171

J’ai repris, durant ce « concert », quelques morceaux que je jouais aux patients, en musicothérapie

réceptive.

Voilà le programme :

- « Le chant du gardian » de Tino Rossi, 1942, France.

- « Valse galicienne », traditionnel espagnol lié à « Accordez, accordéon » de Juliette Greco en

1962.

- « Bal doux suivi d‘une danse rapide », 1350, Angleterre.

- « Chant à Marie » tiré du « Llibre Vermeil de Montserrat », 1480, Espagne.

- « Green Sleeves » traditionnel irlandais : mode renaissance (1500) suivi du mode

traditionnel de danse avec improvisation.

- Musique du film « Mission », se passant en 1760 en Amazonie.

- « Danse de Guadeloupe » lié à un traditionnel irlandais.

- « The foggy dew », ballade traditionnelle irlandaise.

- Autre ballade traditionnelle irlandaise.

- « Amazing Grâce », hymne traditionnel de l’Irlande suivi d’une improvisation sur le thème.

- « Porgy and Bess » de Gershwin, USA, 1934, suivi d’une improvisation sur le thème.

- « Cantiques bretons », 1930.

- Deux airs du Sénégal.

- Deux danses traditionnelles d’Israël.

- Traditionnel lent Yeddish.

- Raga d’Inde, inspiré de la musique traditionnelle.

- Musique traditionnelle zen, inspirée de la musique traditionnelle.

- « Hommage ».

- « Les amants de Saint Jean », par Lucienne Delyle, 1942, France.

En petit groupe, à la fin, chant voyelles sur la sanzula.

Page 185: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

172

III. Spectacle sonore du 4 juin 2016 :

En parallèle, dans mon métier actuel, je suis chef de chœur d’une chorale de 16 adultes, atteints

de déficience intellectuelle et de handicaps divers associés, depuis 10 ans. Cette chorale s’appelle

« Les Poissons Pilotes ».

J’ai appliqué des outils psychomusicaux et le groupe à changé de mode d’expression. Maintenant,

ce sont des « voyages sonores » que nous travaillons et présentons, laissant une large place à

l’improvisation vocale et instrumentale, cadrée.

Chaque mois de juin, nous proposons deux représentations, une en milieu dit protégé et la seconde

en milieu dit ordinaire. Cette année, le voyage est « Sur les traces de Marco Polo », pendant 45

minutes.

La première représentation sera faite dans la salle polyvalente de l’EHPAD de la Bourgonnière, où

toute personne intéressée sera bienvenue.

Page 186: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

173

Annexe 3

Etude pour une musique de fond, sur le collectif, basée sur le résidant

A. Présentation.

Cette étude, destinée à l’ensemble de l’EHPAD de la Bourgonnière, est tout d’abord

expérimentée et ajustée pour l’unité « Pierre Mara ».

Elle comporte deux volets :

- Un angle de vue musicothérapique que je laisse, sous forme de dossier séparé, aux

soignants de l’unité.

- Un angle de vue de la médecin coordonatrice et du personnel soignant qui disposeront de

cet outil.

La cadre de soins a détaché deux membres du personnel soignant de l’unité « Pierre Mara » pour

piloter ce projet. Il y a une AMP et un AS, mais tout le personnel soignant est invité à s’impliquer.

B. Suggestions en vue d’une bande sonore pour l’unité « Pierre Mara »– Angle de vue

musicothérapique.

Ce qui suit restitue donc un dossier, à l’interne de l’établissement :

Page 187: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

174

SUGGESTIONS EN VUE D’UNE BANDE SONORE

POUR L’UNITE DE PIERRE – MARA

ANGLE DE VUE MUSICOTHERAPIQUE

STAGIAIRE PROFESSIONNEL MUSICOTHERAPEUTE

2014/2015

Page 188: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

175

Table des matières

I. Constats et objectifs................................................................................................................

II. Appuis théoriques :

1. Du coté des neurosciences …………………………………………………………………………

2. L’Identité Sonore …………………………………………………………………………………………

3. Point sur l’empathie soignante ……………………………………………………………………

III. Mise en œuvre :

1. La collecte...............................................................................................................

2. Traitement des données : création de la bande sonore ........................................

3. Evaluation ...............................................................................................................

Bibliographie …………………………………………………………………………………………………………………………………..

Annexes :

- Echelle de cotations des émotions de Lawton……………………………………………………………………

- Bilan psychomusical adapté de Madame Verdeau-Pailles …………………………………………………

Page 189: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

176

I. Constats et objectifs.

1. Constats :

Durant mon stage professionnel de musicothérapeute, j’ai remarqué que l’univers sonore

dans lequel baignent les résidants est soit la radio, calée sur la station RFM, soit la télévision.

a. Du côté des professionnels :

Il ne réside aucun doute sur la difficulté de ce travail. Pour deux raisons majeures :

- La proximité constante de personnes abimées arrivées à la fin de leur vie. L’évolution de la

vieillesse, avec ses troubles. La mortalité relativement élevée. Tout cela fait écho à la propre

existence du soignant. Le silence est associé à la mort.

- La pénibilité du travail en lui-même, surtout par rapport à l’accroissement des GMP.

J’émets l’hypothèse que la musique ambiante correspond aux soignants, en tant que mécanisme de

défense et de stimulation.

Par exemple, en concertation avec la cadre de santé, la radio ambiante a été réglée sur FIP, mais

elle revient toujours, souvent à fort volume, sur la station RFM, avec ses musiques d’aujourd’hui,

entrainantes, ses spots de publicité et d’informations (faisant la part belle aux catastrophes).

Dans l’unité « Ermitage », la télévision est systématiquement mise dans les chambres individuelles

et pendant le repas, afin de leur tenir compagnie (nursing télévisuel). Ceci est fait dans une bonne

intention certes, mais dénote, à mon avis, surtout une crainte transférentielle du silence de la part

des soignants.

Page 190: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

177

b. Du côté des résidants :

A certains moments, lors par exemple de panne de l’ascenseur, les résidants de l’étage de

l’unité « Village » mangent dans les petits salons aménagés. Il y en a un en face du bureau qui m’a

été prêté durant mon stage. Me trouvant là, partant retrouver les patients en musicothérapie, je

leur ai proposé de leur jouer quelques gouttes de musique en direct. En partant, j’ai proposé de

remettre la radio et les résidants m’ont répondu : « Oh non alors ! Après avoir entendu de la

musique, on ne va pas remettre du bruit ».

Dans mes partages avec les résidants, je demandais parfois leur avis sur la musique ambiante. A

chaque fois ils me répondaient : « C’est agaçant », « ça m’énerve »…

A l’unité « Pierre Marra », dans l’espace repos/détente, j’ai entendu, diffusé par la radio, du bon

rap ma foi, en anglais. Cela m’a paru déplacé et anachronique.

A l’unité « Ermitage », après chaque séance de musicothérapie, je proposais de remettre la

télévision. La réponse était unanimement négative, préférant rester dans un silence paisible.

c. La musique ambiante pour toute personne étant dans l’EHPAD de la

Bourgonnière :

Le personnel a des heures de présence où il travaille au service des résidants. Ensuite, il

rentre chez lui et d’autres le remplacent. Le résidant, lui, est toujours présent et montre un besoin

de silence parfois, histoire de se retrouver.

Il me parait intéressant de construire une bande sonore ambiante, à partir du résidant. Cela

pourrait permettre aussi aux soignants d’être plus en relation avec le résidant, dans un concept

d’humanitude.

Page 191: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

178

2. Objectifs :

Il consiste, en partant du résidant, de construire une bande sonore, en quelque sorte

individualisée, favorisant le plaisir, l’intérêt et/ou l’apaisement.

Cette bande sonore est un outil à utiliser à la discrétion des professionnels dans l’organisation de la

journée.

a. Chaque résidant y aura contribué, d’où, à l’écoute, il pourra avoir un sentiment

d’appartenance (par rapport à l’espace, au lieu) et un sentiment de reconnaissance (par

rapport au personnel, au groupe).

b. Cet univers sonore résonnera dans la mémoire émotionnelle du résidant, j’y reviendrai

ensuite.

c. Cela pourra entraîner aussi une communication inter-psychique, sachant qu’un style de

musique choisi par une personne sera entendu par tous.

d. Elle permettra d’éviter le piège de l’empathie mal comprise du style « ce qui est bon pour

moi est bon pour cette personne si j’étais à sa place »

JJ, Appuis théoriques.

[Se référer à la partie IV du rapport traitant des sujets abordés].

Page 192: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

179

Voici deux exemples connexes qui illustrent les deux paragraphes précédents, [Identité Sonore et

empathie soignante]:

La maman enceinte écoute Led Zeppelin et/ou Ozzy Osbourne, et cela lui procure plaisir,

énergie et échappatoire à ses ennuis. Son foetus le ressent et cela s’imprime en lui (ISO

gestaltique et culturelle). Arrivé à l’âge mûr voire avancé, ce sera cette musique qui

l’apaisera, lui redonnera plaisir et énergie.

Une personne autiste sera apaisée par les sons de tuyauterie, l’oreille collée aux tuyaux : ISO

gestaltique, les gargouillis de la mère enceinte de lui.

III. Mise en œuvre.

1. La collecte :

En premier lieu, rencontrer la personne individuellement et bien lui expliquer le but de la

démarche, le rendre acteur dans cette co-construction de la bande sonore.

Je propose ensuite d’utiliser les deux premières étapes du bilan psychomusical établi par la

musicothérapeute Mme VERDEAU-PAILLES (voir structure générale en Annexe 2, à adapter en

fonction des résidants) :

Tout d’abord, effectuer un entretien avec la personne et/ou son entourage sur son passé

relationnel avec la musique : ce qu’elle écoutait, ce qu’elle appréciait, jouait-elle ou ses proches

d’un instrument ? Aimait-elle aller au bal ?

Puis proposer l’écoute de 10 courts extraits musicaux. Pour les personnes ayant des problèmes

d’audition il est possible d’utiliser un MP4 ou des écouteurs à condition que le collecteur entende

aussi ce qu’elle entend. Ces morceaux doivent être sans parole et n’engendrant pas de paroles,

(ceci visant un autre objectif que ce lui qui nous occupe), sans connotation trop particulière

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180

(comme de la musique typiquement religieuse – grégorien par exemple – ou politique –

«l’internationale »).

Ce sont 10 extraits de 3 minutes chacun dans un ordre précis, c’est-à-dire (à comprendre non de

façon littérale mais comme ‘pistes ciblées’) :

1) « Descriptif » : on se pose sans être bousculé.

2) « Pesant et traduisant de l’inquiétude ».

3) « Affective et sentimentale ».

4) « Intime et chaleureuse », favorisant la communication entre les êtres.

5) « Insolite » : en fonction des extraits précédents et suivants.

6) « Apaisante », transition 1.

7) « Bruits usuels agressifs ».

8) « Apaisante », transition 2.

9) « Orientale ».

10) « Equilibrée et grandiose ».

(Ce bilan sert à orienter la personne vers des séances de musicothérapie qui lui correspondent,

d’où l’intérêt des résistances, des fuites (mécanisme de défense) qui sont des signes de piste pour

le travail thérapeutique.)

Dans le but recherché ici, nous discernerons seulement ce qui provoque plaisir, intérêt,

apaisement,…

La personne qui écoute réagira de façon verbale et/ou non verbale. Pour la communication non

verbale, je propose d’utiliser le tableau de LAWTON (Annexe 1).

Il est vrai que cette énumération de styles d’extraits musicaux peut paraître abscond. Voici une

liste, par exemple, que vous pouvez écouter et expérimenter sur vous (extraits de 3 minutes) :

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181

1) Gershwin : « Un américain à Paris ».

2) Boulez : « Notation VII ».

3) Myers : « Cavatina ».

4) Miles Davis : « Blue in green ».

5) René Lussier : « Chercher l’erreur ».

6) Anouar Braham : « Leila au pays du carroussel », album « Le pas du chat noir ».

7) Stockhausen : « Mikrophonie ».

8) Vivaldi : « Nisi dominus ».

9) Anouar Brahem : « Halfaouine ».

10) Le seigneur des anneaux : « Les deux tours » II .

Il est utile (mais pas nécessaire) que les extraits soient appropriés aux résidants de Pierre Mara

(pouvant faire écho à leur culture musicale). Je propose, à titre d’exemples, quelques musiques qui

pourraient constituer les 10 extraits, puis ensuite alimenter la bande sonore :

Musique classique (avec styles et époques bien différents, sachant que le début du XXème

siècle a assisté au trio des compositeurs Debussy, Ravel – éviter le Boléro – Satie)

Musique de film (Ragtime, morceaux composés par Chaplin, musique de films de Marcel

Carné, de Grangier)

Début du Jazz (New Orleans’, Amstrong, Duke Ellington, Gershwin…)

Musique de danse, sans paroles induites (charleston, valses, tango – groupe Cuarteto

Cedron…)

Et autres…

L’entretien préalable avec la personne peut aussi donner des pistes. Mais restons moteur des

propositions sans se mettre à leur place. Par exemple, Mme Y apprécie le jeu télévisé « N’oubliez

pas les paroles », alors que les chansons datent majoritairement des années 80 jusqu’à nos jours. Ici

cela sera des musiques de cette époque à, peut-être, introduire dans la liste (King Crimson, Pierre

Henry, Pink Floyd, Keur Moussa « Kora Concertantes », les orgues de barbaque, les ours du Scorff…)

En tout cas, une fois la liste faite, elle est donnée à écouter de façon identique à chaque résidant.

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Les collecteurs pourront être n’importe qui dans le personnel soignant à la condition que le

résidant se sente en confiance et que le soignant le connaisse suffisamment pour savoir décrypter

son langage non verbal dans ses subtilités.

2. Traitement des données : création de la bande sonore :

En rencontrant individuellement chaque résidant, le collecteur met un coefficient de

satisfaction sur chaque extrait. Une personne peut préférer dans la liste un « tiercé gagnant ». Les

coefficients seront de 3 à 1, avec une décimale. Une personne ne préférant qu’un morceau aura un

coefficient maximal de 3, avec une décimale. Le passé musical est aussi important et amène un

coefficient multiplicateur (de 2 à 1 avec une décimale) sur les réponses de la personne.

Alors peut commencer la construction de la bande sonore, non pas avec les extraits mais avec les

styles des extraits retenus.

Je propose le kit de construction suivant :

- Les extraits qui auront provoqués des émotions telles que la peur, la tristesse, le dégoût… chez

une seule personne au moins, sont rédhibitoires et les styles de musique correspondant

n’apparaîtront pas dans la bande sonore.

- La fréquence d’apparition des styles spécifiques sera fonction de la somme des coefficients

donnés par chaque personne.

- Les morceaux doivent avoir un début et une fin.

- Entre les morceaux un temps de silence doit être respecté, pour la digestion émotionnelle, la mise

au repos du cerveau afin de le tenir prêt et désireux d’entendre le morceau suivant.

- La bande ne doit être ni trop longue (les personnes s’y perdraient, ainsi que leur sentiment de

reconnaissance et d’appartenance), ni trop brève (sensation de ritournelle, agacement possible). Je

propose une bande composée de morceaux de 4 à 5 minutes, durant 1 à 2 heures.

- La bande sonore sera mise à la discrétion du personnel pendant le temps qu’il jugera bon. Le

redémarrage se fera là où s’est arrêtée la précédente utilisation.

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183

- Comme cela est spécifique au groupe, si une personne quitte l’unité et une autre y entre, les

coefficients sont susceptibles d’être changés (par l’absence de la personne précédente et les

réponses de l’arrivante).

3. Evaluation :

La durée des morceaux, de la bande sonore est à réévaluer et à réajuster en fonction des

observations faites durant les premiers jours de leur diffusion.

Bibliographie.

[Voir les livres et sites internet correspondant dans celle du rapport

Annexes :

- [L’échelle de cotations des émotions de Lawton est dans le rapport].

- Voici, en structure, des parties (à titre indicatif) du bilan psychomusical de Mme Verdeau-

Pailles :

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PREMIER VOLET : ENTRETIEN PSYCHO-MUSICAL

NOM : Prénom :

Date de naissance : Lieu de naissance :

Etat civil :

Nombre d’enfant(s) :

Profession :

Profession du conjoint :

Adresse :

N° de téléphone :

Médecin traitant :

Médecin psychiatre

Diagnostic clinique :

Hospitalisation psychiatrique :

Modalité de prise en charge :

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RECEPTIVITE A LA MUSIQUE

Pensez-vous être réceptif à la musique en général ?

(Aimez-vous la musique ? A l’audition de certaines œuvres, éprouvez-vous des émotions

particulières ? Croyez-vous la musique susceptible de stimuler votre imagination, de vous aider à

accomplir certains efforts ? La musique peut-elle vous apaiser, vous énerver, vous angoisser ?)

Etes-vous réceptif à certaines musiques ou à toutes les formes musicales ?

(Indiquez le ou les genres de musique que vous préférez, que vous n’aimez pas entendre, qui vous

sont indifférentes)

ENVIRONNEMENT SONORE ANTECEDENT

Antécédents familiaux :

- pays d’origine du père :

de la mère :

des grands-parents :

des gens qui ont joué un rôle important dans l’enfance :

- préférences et goûts personnels sonores et musicaux de l’entourage :

- monde sonore des parents pendant la grossesse :

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- réactions particulières des parents aux sons et aux bruits :

- culture musicale des parents et leur pratique instrumentale :

- faits marquants concernant le monde sonore, les préférences musicales des

frères et sœurs :

Antécédents personnels :

Le monde sonore au moment de la naissance et des premiers stades du développement

Mouvements corporels et choix des berceuses par la mère

Ambiance sonore pendant l’enfance et pendant l’adolescence

Réaction particulières à cet environnement sonore

Particularités concernant les bruits corporels (cœur, respiration, mastication, bruits

intestinaux…)

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ENVIRONNEMENT SONORE ACTUEL

Les bruits dans la journée :

- au lieu d’habitation :

- au lieu de travail :

- les bruits de la nuit :

- les sons en relation avec l’entourage familial actuel :

- réactions particulières au monde sonore :

CULTURE MUSICALE

- Avez-vous fait des études musicales ? Lesquelles ? Pendant combien de temps ? Jouez-vous

d’un instrument de musique ?

- Avez-vous des disques, des cassettes ? Lesquels ?

- Quels sont vos modes d’écoute de la musique ?

(disques, radio, télévision, concert)

- Quels sont vos compositeurs préférés ?

- Quels sont les compositeurs que vous ne voulez pas entendre et pourquoi ?

Page 201: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

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Associez-vous volontiers la musique à d’autres modes d’expression ? Pourquoi ?

- arts plastiques (graphiques et pictural) :

- danse et expression corporelle :

- poésie et littérature :

CONCLUSION A L’ISSUE DE L’ENTRETIEN :

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DEUXIEME VOLET : LA BANDE MUSICALE (AUDITION D’ŒUVRES) - N°

Date :

I- Œuvre descriptive

II- Œuvre pesante et traduisant l’inquiétude

III- Œuvre affective et sentimentale

IV- Œuvre intense et chaleureuse favorisant la communication entre les êtres

V- Œuvre insolite (en comparaison avec les précédentes)

VI- Œuvre apaisante (transition n°1)

VII- Œuvre utilisant les bruits usuels agressifs

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VIII- Œuvre apaisante (transition n°2)

IX- Musique orientale

X- Œuvre équilibrée et grandiose

Page 204: Vers une sénescence réussie via la musicothérapie

191

C. Angle de vue complémentaire du personnel soignant.

Un travail de mise en application a été commencé, sur la base du dossier précédent,

par les pilotes du projet.

Soumis à la médecin coordonatrice, le projet a soulevé les questions suivantes :

Intérêt à court terme et à long terme.

Combien de temps agit la bande sonore, 1 mois ? 6 mois ?

Critères d’épuisement de l’effet.

Refaire une étude dans 6 mois de l’impact de cette bande sonore.

Impact sur le travail des soignants.

Intérêts pour les familles.

Echelle d’intérêt à créer pour les soignants.

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Post-scriptum…

Sans eux, cette aventure humaine n’aurait pas été possible :

Merci aux résidantes et résidants de l’EHPAD de la Bourgonnière, pour leur accueil,

leur partage, leur complicité, leur authenticité.

Merci aux résidant(e)s qui ont accepté(e)s d’être patients en musicothérapie et aussi

à ceux qui ont refusé.

Merci au directeur pour son ouverture, son pragmatisme et son désir pour le mieux

des résidants.

Merci à la cadre de santé (ma référente professionnelle) pour avoir su trouver du

temps pour me suivre.

Merci à tous les acteurs de la bonne marche de l’EHPAD, pour leur accueil

bienveillant.

Merci au soutien de ma famille, surtout celui de mon père (en « maison de

retraite médicalisée ») et celui de ma sœur (infirmière libérale, spécialisée dans les

soins palliatifs).

Merci à la directrice de mon travail d’éducateur spécialisé et à mes différents chefs

de service, pour m’avoir accordé du temps.

Merci à mes collègues de travail d’avoir accepté mes absences.

Merci à la personne avec qui j’ai travaillé ma supervision, pour son acuité et sa

pertinence.

Merci à la musicothérapeute confirmée qui a suivit et conseillé, de façon avisée et

bienveillante, la rédaction de ce rapport.

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Psaume 150 de David (-907,-837):

« Hallelou-Yah. Louangez Él en son sanctuaire, louangez-le dans la voûte de son énergie !

Louangez-le en ses héroïsmes, louangez-le selon sa grandeur immense !

Louangez-le à l'éclat du shophar, louangez-le à la harpe, à la lyre !

Louangez-le au tambour, à la danse, louangez-le aux cithares, au pipeau !

Louangez-le aux sistres sonores, louangez-le à l'ovation des sistres !

Toute haleine louange Yah ! Hallelou-Yah. »

(traduction littérale de l’hébreu dans la bible par André Chouraqui en 1985.)

( shophar :)

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A l’intention des lectrices et lecteurs sur le net :

Aujourd’hui musicothérapeute diplômé universitaire, cet écrit est un hommage, un

témoignage, un partage.

J’espère que certains passages ajouteront un peu d‘eau fraîche à vos moulins respectifs.

Vos commentaires, critiques, avis et réactions sont bienvenus à mon adresse suivante :

[email protected]

pace e bene .