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Alain TASSY – 29 décembre 2015 Page 1 Compte rendu de la 3 ième réunion thématique du 18 novembre 2015 "L’imagerie médicale : De la prévention à la thérapie " Invités Pierre Desmarais, Avocat à la Cour–Correspondant Informatique et Libertés "Télé-expertise en matière d’imagerie médicale" Marie Meynadier (1983), CEO-EOS imaging « Quelles données issues de l’image pour quel parcours de soin patient ?» Cédric Demeure (1983), R& T Director Research & Technology France, Groupe Thales « Perspectives technologiques en Imagerie Rayons X » Antoine Jomier, Manager de GE Healthcare imagerie France "L'innovation technologique comme investissement nécessaire pour l'accès et la qualité des soins" Isabelle Bloch, Professeur - Telecom Paristech « Modélisation de connaissances anatomiques pour l’analyse et l’interprétation d'images médicales » Les supports de présentation sont accessibles en ligne ici : (http://fr.slideshare.net/TELECOM- PARISTECH-SANTE) Introduction En préambule nous avons eu une pensée pour les victimes des attentats du 13 novembre et pour leurs proches. Découverts à la fin du XIX ième siècle, les rayons X ont permis de faire des radiographies dès 1897. En un peu plus d’un siècle, l’imagerie médicale s’est étoffée de plusieurs technologies. On peut citer le Scanner, l’IRM, la tomographie par émission de positons (PET) ou encore l’échographie et Elastographie ultrasonore. Ces technologies ont été de précieux instruments qui ont fait progresser le diagnostic médical. Elles permettent aujourd’hui d’évaluer la sévérité des pathologies et l’efficacité

L'imagerie médicale: de la prévention à la thérapie

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Alain TASSY – 29 décembre 2015 Page 1

Compte rendu de la 3ième réunion

thématique du 18 novembre 2015

"L’imagerie médicale :

De la prévention à la thérapie "

Invités

Pierre Desmarais, Avocat à la Cour–Correspondant Informatique et Libertés

"Télé-expertise en matière d’imagerie médicale"

Marie Meynadier (1983), CEO-EOS imaging « Quelles données issues de l’image pour quel parcours de soin patient ?»

Cédric Demeure (1983), R& T Director Research & Technology France, Groupe

Thales

« Perspectives technologiques en Imagerie Rayons X »

Antoine Jomier, Manager de GE Healthcare imagerie France

"L'innovation technologique comme investissement nécessaire pour l'accès et la qualité

des soins"

Isabelle Bloch, Professeur - Telecom Paristech

« Modélisation de connaissances anatomiques pour l’analyse et l’interprétation d'images médicales »

Les supports de présentation sont accessibles en ligne ici : (http://fr.slideshare.net/TELECOM-

PARISTECH-SANTE)

Introduction

En préambule nous avons eu une pensée pour les victimes des attentats du 13 novembre

et pour leurs proches.

Découverts à la fin du XIXième siècle, les rayons X ont permis de faire des radiographies

dès 1897. En un peu plus d’un siècle, l’imagerie médicale s’est étoffée de plusieurs

technologies. On peut citer le Scanner, l’IRM, la tomographie par émission de positons

(PET) ou encore l’échographie et Elastographie ultrasonore.

Ces technologies ont été de précieux instruments qui ont fait progresser le diagnostic

médical. Elles permettent aujourd’hui d’évaluer la sévérité des pathologies et l’efficacité

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d’un traitement. Depuis 2010, les innovations se sont accélérées et l’imagerie médicale

est entrée en force dans les blocs opératoires et devient un outil thérapeutique.

Point sur les dernières innovations

Marie Meynadier a présenté sa société EOS imaging et les technologies qu’elle propose

issues des résultats de recherche de Georges Charpak.

EOS imaging est une jeune PME française, de 125 personnes, qui est devenue leader

mondial avec une croissance de 35% par an.

Son offre matérielle est une cabine de capture d’image face et profil en mode balayage.

Elle présente l’avantage de permettre une image du corps entier avec une dose très

limitée de rayon X.

EOS imaging a développé des logiciels permettant d’offrir, à partir des saisies face et

profil, des images et des outils 3D.

Marie Meynadier explique que les nouveaux logiciels métiers transforment l’image en

données qui structurent le dossier médical du patient. En liaison avec le Big data, sujet

d’une prochaine réunion, cette évolution fait un pont entre la radiologie et la thérapie.

Cédric Demeure nous présente le marché de l’imagerie médicale évalué à 22 milliards de

dollars. Thales n’est pas un acteur de premier plan mais il vend en OEM à tous les

leaders. Sa JV avec Siemens est leader dans les panneaux capteurs. Dans le domaine de

la recherche, Thales travaille à la miniaturisation des générateurs de rayons X. Le coût et

la complexité des scanners résident dans la mécanique de ses équipements. Avec les

nanotubes de carbone, Thales prévoit de réaliser un scanner révolutionnaire.

Outre ses systèmes traditionnels, Cédric nous a présenté une technologie de lunettes

spécifiquement étudiées pour répondre au besoin du chirurgien qui se trouve confronté à

une multitude d’écrans dans le bloc opératoire. Les mouvements de la tête du chirurgien

commandent l’affichage sur les lunettes.

Antoine Jomier nous montre comment la conjonction de deux technologies va

révolutionner la chirurgie traditionnelle. Pour cela, il nous présente l’emploi des

technologies d’imagerie de GE, permettant de visualiser le cœur en un battement, tout

au long du protocole d’une opération d’une valve aortique par des technologies micro-

invasives. Elle n’a pas encore été réalisée en Europe. Il présente comment le chirurgien

prépare son intervention. L’imagerie 3D lui permet de choisir la bonne taille de prothèse

de valve et le bon chemin pour la passer par l’artère fémorale. Une vidéo très

impressionnante nous montre que l’imagerie est aussi un élément primordial de

l’intervention en superposant les images temps réel avec celles utilisées lors de la

préparation.

Mais les instruments d’imagerie ne doivent pas gêner l’intervention, en particulier quand

il y a un besoin de réanimer le patient. Les constructeurs prennent donc en compte cette

contrainte dans le design de leurs équipements qui sont intégrés dans la table

d’opération.

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Enfin Isabelle Bloch nous rappelle qu’en 1895 la présentation par Röntgen de son

invention des rayons X à la société de physique médicale de Würzburg a eu lieu le même

jour que la première projection publique du cinématographe des frères Lumière au Grand

Café à Paris, autre forme d'invention de l'image.

Elle insiste sur l’importance de la modélisation des connaissances médicales pour guider

l’interprétation des images et faciliter l'aide au diagnostic. Elle rejoint Marie Meynadier

sur le fait que l’imagerie médicale produit aujourd’hui des images et une somme

d'informations extraites de celles-ci. Des modèles de bruit dépendant de l'acquisition, de

formes d'organes, de leur apparence dans telle ou telle modalité d'imagerie, de relations

spatiales entre structures permettent de conduire à des algorithmes efficaces de

reconnaissance de structures normales et pathologiques, d'analyse quantitative de leur

volume, de leurs interactions spatiales avec l'environnement et de leur évolution

temporelle, autant d'éléments utiles pour le diagnostic ou la planification thérapeutique

ou chirurgicale..

L’imagerie médicale peut aussi être utilisée pour construire des modèles réalistes du

corps humain, servant par exemple à analyser l’influence des téléphones mobiles sur le

cerveau humain.

Le débat

Des systèmes toujours plus nombreux, toujours plus sophistiqués

La première question qui se pose est l’interopérabilité des systèmes. Il existe des normes

et les constructeurs se retrouvent au Connectathon pour vérifier l’interopérabilité de leurs

produits.

L’utilisation de plusieurs systèmes d’imagerie est de plus en plus courante dans les

parcours de soin. Aux Etats-Unis, les contrôles jusqu’à 90 jours après l’opération font

partie de la prise en charge initiale.

Ainsi les connaissances ne sont-elles pas en train de se déplacer du médecin vers

l’ingénieur ? Ce n’est pas la tendance car on demande à l’ingénieur de simplifier au

maximum l’utilisation de ces outils pour éviter de recourir à du personnel

supplémentaire. Le médecin reste celui qui fait le diagnostic et décide des actes à

accomplir.

Les outils d’aide au diagnostic se développent et sont de plus en plus performants,

permettant par exemple de détecter des tumeurs difficilement visibles à l’œil nu, et donc

complétant l'analyse visuelle des experts médicaux. Mais la décision d’utiliser ces outils

et les résultats qui en sont issus doit rester de la responsabilité du médecin. A l’occasion

d’une analyse d’image, que faire si un nouveau phénomène ne provoquant aucun

symptôme, apparaît ? Cela nous ramène à une question éthique, évoquée dans la

première réunion, concernant la médecine prédictive.

Des systèmes toujours plus chers

Les systèmes d’imagerie médicale fondés sur des nouvelles technologies sont chers. Le

prix des images ne cesse d’augmenter, il est donc indispensable d’en limiter le nombre.

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La mise à disposition des images à tous les intervenants du parcours de soins devient

donc un enjeu économique majeur. Or chaque organisme stocke ses images dans son

propre système. Le DMP devrait être la solution. Nous espérons que la nouvelle loi sur la

modernisation de la santé, définitivement approuvée le 4 décembre, permettra son

avènement.

Les ARS de certaines régions ont pris des initiatives pour stocker les données dans des

PACS hébergés dans des centres agréés et en donner l’accès à plusieurs établissements

de santé. L’ARS d’Ile-de-France lance son deuxième appel d’offre dans le cadre du projet

Région Sans Film. Les images de 38 établissements de santé sont déjà stockées dans un

PACS géré par Orange. L’idée est de doubler le nombre d’établissements dans le projet et

de donner un accès aux professionnels de santé libéraux. Mais cela n’est qu’une réponse

partielle au problème.

A l’ère de la télévision sur l’Internet mobile, le cas des urgences est très révélateur de la

situation. Les échographes sont de plus en plus utilisés dans les camions des urgences

mais ces images ne sont pas transmises à l’hôpital. Cela permettrait pourtant de gagner

beaucoup de temps dans la prise en charge du malade et d’éviter de refaire toutes les

analyses.

Le problème des radiations

L’utilisation d’éléments rayonnants pour produire des images n’est pas neutre pour la

santé du patient. GE avait évoqué lors d’une réunion précédente qu’il offrait la possibilité

de cumuler dans une base de données les doses reçues par le patient et de déclencher

une alerte.

Les médecins sont très sensibilisés à ce problème. Il y a beaucoup d’études autour des

mammographies pour le dépistage du cancer du sein. On peut se demander si les

dépistages successifs ne sont pas devenus une des causes du déclenchement de la

maladie. D’où l’importance de mettre au point des systèmes à faible dose comme le fait

EOS imaging.

Mais les nouvelles technologies ne permettraient-elles pas de remplacer les anciennes ?

Ce n’est pas le cas actuellement car elles sont complémentaires. En revanche les

industriels mettent sur le marché des systèmes hybrides qui permettent de faire deux

examens l’un derrière l’autre avec la même machine, TEP-CT par exemple, ou plus

récemment TEP-IRM. Cela ouvre la voie au développement de logiciels permettant de

combiner les différentes images.

Par ailleurs, il est très difficile de traduire en euros les bénéfices d’une nouvelle

technologie et de la faire prendre en charge par la CPAM car il faut faire des études

cliniques longues et complexes pour démontrer leurs bénéfices sur une grande cohorte

de patients.

De l’image au Big Data

Mais les principales évolutions de l’imagerie médicale sont devant nous. Comme l’ont

signalé tous les intervenants, l’image devient une somme de données.

Fort de milliers d’images dans leur banque de données, les grands hôpitaux américains

utilisent les technologies du Big Data. Ainsi il a été possible de détecter des pathologies

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cardiaques chez des personnes obèses. De même, les suédois ont constitué des bases de

données orthopédiques exploitables. En France le projet Cati a mis au point une

plateforme logicielle qui a donné lieu à la création d’une entreprise pour valoriser les

données.

En France, la loi oblige à anonymiser les données personnelles de santé et à obtenir le

consentement éclairé du patient avant la diffusion. Mais il semble que la très grande

majorité des patients soit d’accord pour mettre leurs données au service des progrès

thérapeutiques.

Se pose alors une question à laquelle nous n’avons pas pu apporter de réponse. Comme

il n’y a pas de droit d’auteur sur l’imagerie médicale, à qui appartiennent les images ?

Conclusion

Apparue il y a plus d’un siècle, l’imagerie médicale n’a cessé de progresser et s’est

étoffée de plusieurs avancées technologiques majeures. La cabine de capture d’image,

face et profil, en mode balayage mise au point par la société française EOS imaging en fait partie. Elle produit des images 3D du corps entier avec de très faibles doses de

radiation. Les progrès récents sur la vitesse d’acquisition avec des technologies hybrides a fait

entrer l’imagerie médicale dans les blocs opératoires. Bien au-delà d’un simple outil de

diagnostic, l’imagerie intervient maintenant tout au long du parcours de soin d’un patient. Les logiciels de traitement d’images développés depuis des dizaines d’années permettent

d’extraire des images des informations quantitatives, de manière reproductible et avec

un coût en temps très limité pour l'expert médical. Se pose alors la question du rôle du

médecin qui reste et doit rester le seul à poser le diagnostic et à définir le traitement thérapeutique. Enfin, les dernières avancées technologiques font que l’image devient une somme de

données et d’interactions entre elles. Associée au Big Data, l’imagerie médicale va

prendre une place encore plus importante dans les prochaines années.