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http://lamyline.lamy.fr 18 I RLDA Numéro 96 I Septembre 2014 La loi du 18 juin 2014 et la réforme du statut des baux commerciaux (1 re partie) ÎRLDA 5231 Sous la direction scientifique d’Aristide LÉVI, Ancien Directeur du Centre de recherche sur le droit des affaires de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Pierre GARBIT, Magistrat honoraire, ancien Président du Tribunal de grande instance de Lyon, Jacques AZÉMA, Agrégé des Facultés de droit, Directeur honoraire du Centre Paul Roubier et Jean-Luc VALLENS, Docteur en droit, Magistrat, Professeur associé à l’Université de Strasbourg. DROIT COMMERCIAL P our présenter de manière la plus complète possible ces dispo- sitions nouvelles, nous verrons tout d’abord les modifications qui portent sur la durée du bail (définition de la convention pré- caire, faculté de résiliation triennale, accroissement de la durée du bail déro- gatoire, modalités de délivrance du congé), celles qui régissent la cession du bail au sens large (garantie solidaire du cédant, droit de préférence du locataire en cas de vente du local commercial, problématique des scissions de société, modification de la clause de destination des lieux en cas de plan de cession arrêté par le tribunal de commerce, droit de préemption des com- munes), et enfin nous examinerons la modification relative à la sanction affectant une clause contraire à une règle impérative du statut. Dans une livraison ultérieure (RLDA 2014/97, oct. 2014), nous exami- nerons les questions relatives à l’obligation de dresser un état des lieux d’entrée et de sortie du locataire, celles relatives aux charges et travaux, les modalités nouvelles relatives au loyer, ainsi que l’extension de la compétence de la commission départementale de conciliation des baux commerciaux. I. – LES MODIFICATIONS DU STATUT AFFECTANT LES RÈGLES RELATIVES À LA DURÉE DU BAIL A. – Définition légale de la convention d’occupation pré- caire Pour des raisons pratiques et parce qu’elles correspondent à un besoin tout à la fois marginal et incompressible, la jurisprudence a toujours admis la validité des conventions d’occupation précaire et Par Pierre GARBIT Magistrat honoraire Ancien Président du Tribunal de grande instance de Lyon Le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises présenté en mars 2013 par le Gouvernement comportait seulement huit articles dans sa partie modifiant le régime des baux commerciaux. La loi n° 2014-626, promulguée le 18 juin 2014 (JO 19 juin 2014) en compte désormais 21 dans ce domaine, dont l’un est consacré aux modalités d’application dans le temps. C’est dire que par-delà les dispositions principales que le Gouvernement entendait soumettre au parlement (durée des baux dérogatoires, remplacement de l’indice du coût de la construction par l’indice des loyers commerciaux, lissage des augmentations de loyers faisant suite à un déplafonnement, état des lieux d’entrée et de sortie du locataire et clarification des obligations respectives des parties quant aux charges et aux travaux, enfin droit de préférence du locataire en cas de vente de l’immeuble), le projet s’est attaché à bien d’autres sujets au fil des débats et des travaux des commissions. Il en est résulté une loi dont, si l’on se borne uniquement à en souligner l’aspect technique, certaines dispositions peuvent être considérées comme judicieuses, d’autres comme étant de nature à modifier profondément les rapports locatifs, sans que l’on sache très exactement quelles en seront les conséquences sur l’équilibre que tous déclarent souhaiter. Il en est résulté aussi une loi qui rend encore plus complexe les règles du statut et qui donne raison à ceux qui pensent qu’il est vain, voire dangereux, de vouloir soumettre au même régime tous les baux de locaux commerciaux, quelle que soit la nature ou la forme du commerce qu’ils abritent. Il en est résulté enfin une loi, qui sur le plan rédactionnel souffre de nombreuses lacunes ou impropriétés qui vont rendre la tâche des conseils très délicate, sans omettre que ces faiblesses provoqueront sans doute une saisine accrue des juridictions. L. n° 2014-626, 18 juin 2014, JO 19 juin

RLDA 96 - Loi Pinel

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18 I RLDA Numéro 96 I Septembre 2014

La loi du 18 juin 2014 et la réforme du statut des baux commerciaux (1re partie)

ÎRLDA 5231

Sous la direction scientifique d’Aristide LÉVI, Ancien Directeur du Centre de recherche sur le droit des affaires de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Pierre GARBIT, Magistrat honoraire, ancien Président du Tribunal de grande instance de Lyon, Jacques AZÉMA, Agrégé des Facultés de droit, Directeur honoraire du Centre Paul Roubier et Jean-Luc VALLENS, Docteur en droit, Magistrat, Professeur associé à l’Université de Strasbourg.

DROIT COMMERCIAL

P our présenter de manière la plus complète possible ces dispo-sitions nouvelles, nous verrons tout d’abord les modifications qui portent sur la durée du bail (définition de la convention pré-

caire, faculté de résiliation triennale, accroissement de la durée du bail déro-gatoire, modalités de délivrance du congé), celles qui régissent la cession du bail au sens large (garantie solidaire du cédant, droit de préférence du locataire en cas de vente du local commercial, problématique des scissions de société, modification de la clause de destination des lieux en cas de plan de cession arrêté par le tribunal de commerce, droit de préemption des com-munes), et enfin nous examinerons la modification relative à la sanction affectant une clause contraire à une règle impérative du statut.

Dans une livraison ultérieure (RLDA 2014/97, oct. 2014), nous exami-nerons les questions relatives à l’obligation de dresser un état des

lieux d’entrée et de sortie du locataire, celles relatives aux charges et travaux, les modalités nouvelles relatives au loyer, ainsi que l’extension de la compétence de la commission départementale de conciliation des baux commerciaux.

I. – LES MODIFICATIONS DU STATUT AFFECTANT LES RÈGLES RELATIVES À LA DURÉE DU BAIL

A. – Définition légale de la convention d’occupation pré-caire

Pour des raisons pratiques et parce qu’elles correspondent à un besoin tout à la fois marginal et incompressible, la jurisprudence a toujours admis la validité des conventions d’occupation précaire et

Par Pierre GARBIT

Magistrat honoraireAncien Président du Tribunal de grande instance de Lyon

Le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises présenté en mars 2013 par le Gouvernement comportait seulement huit articles dans sa partie modifiant le régime des baux commerciaux. La loi n° 2014-626, promulguée le 18 juin 2014 (JO 19 juin 2014) en compte désormais 21 dans ce domaine, dont l’un est consacré aux modalités d’application dans le temps. C’est dire que par-delà les dispositions principales que le Gouvernement entendait soumettre au parlement (durée des baux dérogatoires, remplacement de l’indice du coût de la construction par l’indice des loyers commerciaux, lissage des augmentations de loyers faisant suite à un déplafonnement, état des lieux d’entrée et de sortie du locataire et clarification des obligations respectives des parties quant aux charges et aux travaux, enfin droit de préférence du locataire en cas de vente de l’immeuble), le projet s’est attaché à bien d’autres sujets au fil des débats et des travaux des commissions. Il en est résulté une loi dont, si l’on se borne uniquement à en souligner l’aspect technique, certaines dispositions peuvent être considérées comme judicieuses, d’autres comme étant de nature à modifier profondément les rapports locatifs, sans que l’on sache très exactement quelles en seront les conséquences sur l’équilibre que tous déclarent souhaiter. Il en est résulté aussi une loi qui rend encore plus complexe les règles du statut et qui donne raison à ceux qui pensent qu’il est vain, voire dangereux, de vouloir soumettre au même régime tous les baux de locaux commerciaux, quelle que soit la nature ou la forme du commerce qu’ils abritent. Il en est résulté enfin une loi, qui sur le plan rédactionnel souffre de nombreuses lacunes ou impropriétés qui vont rendre la tâche des conseils très délicate, sans omettre que ces faiblesses provoqueront sans doute une saisine accrue des juridictions.L. n° 2014-626, 18 juin 2014, JO 19 juin