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Management des ressources humaines Mme. Anne Sophie Bailly Malcolm Biiga Nwanak Rodolphe Doite Yanis Oumsalem Mathilde Thouzeau [L’IMPACT DES FUSIONS SUR LA CULTURE D’ENTREPRISE]

Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

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Management des ressources humaines

Mme. Anne Sophie Bailly

Malcolm Biiga Nwanak Rodolphe Doite Yanis Oumsalem Mathilde Thouzeau

[L’IMPACT DES FUSIONS SUR LA CULTURE D’ENTREPRISE]

Page 2: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION............................................................................................................................................ 2

La culture d’entreprise ................................................................................................................................... 2

Le cas GOOGLE .................................................................................................................................... 5

La fusion d’entreprises ................................................................................................................................... 6

OUTILS ET METHODE ................................................................................................................................ 8

PROBLEMATIQUE........................................................................................................................................ 9

RESULTATS ET DEVELOPPEMENT ...................................................................................................... 11

L’insuffisance du paradigme de la distance culturelle à répondre aux nouveaux enjeux posés par la fusion

d’entreprise ................................................................................................................................................... 11

L’analyse de la distance culturelle dans les fusions ............................................................................ 11

Les insuffisances de cette approche ..................................................................................................... 13

La performance des modes de gestion des différences culturelles lors des fusions d’entreprise ................ 14

L’opportunité d’une gestion performante des différences culturelles lors d’une fusion ..................... 14

Les manifestations des modes de gestion des différences culturelles dans une fusion ........................ 16

Le cas EADS fusion .................................................................................................................. 17

CONCLUSION ET PERSPECTIVES ......................................................................................................... 19

BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................................... 20

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INTRODUCTION

Il semble de plus en plus évident que la culture d’entreprise est une notion essentielle dans l’étude des

organisations et la prise en compte de leurs spécificités. En effet, elle intervient dans l’ensemble des

domaines lié à l’appréhension de l’entreprise, de son fonctionnement, de ses perspectives et de son

environnement. La culture d’entreprise est alors un aspect qui modifie de manière complexe ces éléments,

en ce qu’elle préside des modifications dans la structure même de l’organisation, mais aussi dans le ressentie

des salariés de l’entreprise. Ces derniers sont donc à la fois la source et les destinataires de la culture

d’entreprise, en ce qu’ils la réceptionnent, l’internalisent, la mettent en place et modifient certains aspects

organisationnels du fait de cette dernière. Dès lors, son étude en dehors de toute assise humaine et salariale

ne permet pas entièrement de comprendre les multiples dimensions d’une telle notion. Même si cela peut

paraître contradictoire, une étude ne peut pas non plus se concentrer sur ces aspects là, au risque de

dénaturer la notion d’entreprise, réunion d’un ensemble d’acteurs, de services, de compétences et d’activités.

Face à un tel antagonisme, il nous a semblé essentiel de considérer cette notion de culture d’entreprise dans

un phénomène où elle est étudiée, disséquée et utilisée dans un large panel de domaines. Or, lorsqu’on isole

les problématiques actuelles, notamment dans le monde de l’entreprise, la culture au sein de ces

organisations et l’ensemble des débats qui en découlent semble être au cœur des opérations de fusions et

acquisition, phénomène qui s’est grandement développé depuis les années 1980.

La culture d’entreprise :

A.L. KROEBER et C. KLUCKHOHN1 ont en 1952 relevé des publications spécialisées sur le concept de

culture depuis 18712 : ils ont recensé un peu plus de 300 définitions différentes de la culture. C'est en effet

une notion suscitant de nombreuses confusions et sujette à toutes les interprétations. Il n'existe pas de

consensus autour de la culture, car elle engage une dimension universelle. Ainsi, les ethnologues,

anthropologues, sociologues ou psychosociologues en font un usage fondamentalement différent, ce qui ne

participe pas de la clarification de sa définition. Pas de formulation simple donc, tout simplement parce que

quel que soit son sens, la culture ne se développe pas en vase clos.

Il n'est pas plus aisé de définir la culture après l'examen de plusieurs dictionnaires : le champ sémantique de

la notion connaît d'extrêmes variations. Elle sert tantôt à caractériser un groupe social par rapport à un autre

(ensemble des caractéristiques distinguant une société d'une autre), tantôt à désigner un ensemble d'acquis

(synonyme d'instruction, d'éducation).

Il apparaît que le bornage du concept ne peut s'établir clairement sans un détour par d'autres sciences

sociales, qui établissent l'évolution de la notion. Ensuite, en partant d'une conception anthropologique qui

place la culture comme caractéristique propre à une société humaine, on examinera spécifiquement le champ

du management, on essaiera de comprendre comment on tient compte de la spécificité de l'entreprise comme

société humaine afin de lui adapter le concept de culture.

Pour mieux en cerner les contours, on peut s'intéresser à l'évolution sémantique de la notion.

Étymologiquement, le mot culture est issu du latin « cultura », qui signifie le soin apporté aux champs ou au

bétail, il apparaît en France au XIIIème siècle pour désigner une parcelle de terre cultivée. Au XVIème

siècle la culture passe d'état à action : c'est le fait de cultiver la terre. La culture au sens figuré ne sera

consacrée que par les philosophes des Lumières : ils conçoivent la culture comme un caractère distinctif de

l'espèce humaine. Pour eux, elle est l'ensemble des savoirs accumulés et transmis par l'humanité au cours de

son histoire.

1 A.L. KROEBER et C. KLUCKHOHN « Culture : a critical review of concepts and definitions » 2 Date de parution de « Primitive Culture » de TYLOR

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Elle s'oppose à la nature : les Académiciens l'illustrent en 1798 dans leur dictionnaire3 qui stigmatise « un

esprit naturel et sans culture ». Dans l'imagerie humaniste des Lumières, l'idée de culture est l'optimisme de

la croyance selon laquelle le progrès naît de l'instruction, c'est-à-dire une culture toujours plus étendue. La

notion connaîtra un rayonnement considérable, et les dérivés anglais (culture) et allemand (Kultur) sont

marqués par ce sens figuré. La culture devient donc ce qui caractérise l'homme, un ensemble d'acquis

(relations sociales, connaissances, savoir-faire...). C'est ce qui lui permet de se transcender, de dépasser son

état de nature. Cette appréhension philosophique de la notion irrigue toujours notre perception. Mais ce n'est

qu'au XIXème siècle que le mot prendra une dimension collective : la culture de l'individu, ses acquis,

deviennent ceux du groupe, qui se définit par un ensemble d'éléments constituant sa culture.

Ainsi la culture d'entreprise émerge de la réflexion : le groupe est l'entreprise, porteuse d'éléments

constituant sa culture. La notion anthropologique de culture s'est effectivement progressivement étendue

dans de nouveaux domaines de la vie sociale.

La « culture d'entreprise » est une création du monde professionnel et non des sciences sociales4. Elle

apparaît aux États-Unis dans les années 1970 : les entreprises américaines cherchent à faire face à la

concurrence japonaise, et veulent trouver un moyen de mobiliser leur personnel. Le thème de la culture

d'entreprise devait permettre de mettre l'accent sur l'importance du facteur humain dans la production.

En France, la notion fait son apparition dans les années 1980 dans les discours des managers. C'est une

période de crise économique : le thème s'affiche comme une réponse à la suspicion que suscitaient les

entreprises. Face au doute, la notion de culture représentait alors, pour les dirigeants d'entreprise, un moyen

stratégique pour tenter d'obtenir des travailleurs leur identification et leur adhésion aux objectifs qu'ils

avaient définis.

En outre, l'idée de culture d'entreprise a semblé accréditée par ailleurs par les conséquences dues aux fusions

ou aux concentrations d'entreprises qui ont eu lieu en grand nombre dans la phase précédente de croissance

économique. Le choc des « mentalités » et les difficultés relationnelles qui en avaient résulté amenaient à

réfléchir en termes nouveaux sur le fonctionnement même de l'entreprise. L'image que les salariés pouvaient

avoir de leur entreprise, une institution forte, se dégrade peu à peu et s'effondre avec l'irruption de la crise

économique et les restructurations industrielles.

Dans les années 1980, les équipes de direction tentent donc de réhabiliter l'entreprise à travers un discours

humaniste, afin d'obtenir des salariés des comportements loyaux et efficaces. Ainsi, c'est le choix de la

définition anthropologique la plus contestable qui est fait : la culture d'entreprise relève d'un univers clos,

qui s'impose aux salariés, caractérisant une collectivité prétendument homogène aux contours bien délimités.

On voit bien le bénéfice d'une conception si réductrice de la culture : elle est supposée déterminer les

attitudes et les comportements des individus, et ainsi imposer son système de représentations et de valeurs

aux membres de l'organisation. Ne pas adhérer à la culture de l'entreprise, ce serait donc s'exclure de

l'organisation. Cette conception managériale repose sur une interprétation culturaliste très appauvrie selon

laquelle la culture domine l'individu : en définitive, la culture d'entreprise serait une manipulation

idéologique du concept ethnologique de culture, destinée à légitimer l'organisation du travail au sein de

chaque entreprise.

Cependant l'appréhension sociologique du terme de culture d'entreprise met en évidence une toute autre

réalité. En effet, cette culture est perméable au bagage culturel importé par l'individu employé dans

l'organisation. Il peut s'agir d'une culture de métier voire de classe (la fameuse « classe ouvrière »). Pour les

sociologues, la culture d'entreprise n'existe pas en dehors des individus appartenant à l'entreprise ; elle se

construit dans leurs interactions. Renaud Sainsaulieu5 par exemple, a pu montrer que l'on pouvait définir

3 Nova ACTA Academiae Scientiarum Imperialis Petropolitanae ; édité en 1798 4 D. CUCHE, La notion de culture dans les sciences sociales, 4 e ed., Paris, La Découverte « Repères », 2010 5 R. SAINSAULIEU, « L'Identité au travail », Presses de Sciences po, 1977, rééd. 2000

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différents schémas de comportement dans l'entreprise, selon les catégories socio-professionnelles des

salariés. En outre, Michel Crozier6 a mis en évidence en 1963 l'existence d'un modèle culturel français

d'organisation d'entreprise, marqué par le formalisme bureaucratique et l'extrême centralisation des

structures et correspondant à une tendance profonde de la société française. En revanche, la tentative de

transposition du modèle organisationnel japonais7 (le toyotisme) aux entreprises américaines ne fut pas

concluante : la performance du modèle fut inférieure à celle des entreprises japonaises au Japon, du fait de

sa relative compatibilité avec la culture américaine.

Finalement, il est primordial d'appliquer un éclairage ethnologique à la définition de la culture d'entreprise,

pour mieux embrasser le concept dans son sens large. La culture d'entreprise désigne ainsi la résultante

complexe, à un moment donné, d'un processus de construction culturelle jamais achevé, mettant en jeu des

groupes d'acteurs et des facteurs très divers, sans qu'aucun groupe ne puisse être désigné comme l'unique

meneur de jeu. Pour Schein8, a culture correspond à la fois à des matériaux culturels (rites, langages), à des

valeurs et à des références fondamentales, tout cela étant censé guider les comportements individuels.

En effet, c'est cette conception large qui a manqué pendant longtemps aux dirigeants d'entreprise. Cette

vision trop restrictive est à l'origine de nombreuses théories managériales qui s'avèrent malheureusement

figées et peu à même d'apporter des réponses à la réalité factuelle de l'organisation, notamment dans un

contexte d'économie mondialisée où les fusions sont un outil de la performance.

Mais pour mettre en évidence cette inadéquation des moyens aux fins dans le but d'en identifier les

solutions, il faut connaître la base théorique sur laquelle reposent les évolutions du management des

ressources humaines propres à la notion.

En 1983, Administrative Science Quaterly publiait le premier numéro spécial d'une revue de management

sur la culture, et l'un de ses articles9 cherchait à structurer les approches de la culture à partir d'une

distinction fondamentale : l'organisation A une culture, et l'organisation EST une culture.

L'organisation A une culture : sa fonction, si elle est considérée comme une variable interne du système, est

de contrôler les comportements individuels pour les orienter vers les buts de l'organisation. Si elle peut aussi

être comprise comme variable externe, c'est parce qu'elle intervient dans un contexte qui est lui aussi

culturel (secteur d'activité, nation...). Ainsi, l'enjeu est ici de savoir comment maîtriser cette culture pour

obtenir l'effet désiré par l'entreprise.

L'organisation EST une culture : l'entreprise est une culture au même titre que n'importe quelle société

humaine (point de vue anthropologique de l'étude de l'organisation). Cette conception intervient au moment

où les théoriciens des organisations s'interrogent sur les grands paradigmes qui fondent la recherche. La

culture serait une manière de décrire les organisations après le paradigme mécaniste de la bureaucratie ou

des relations humaines.

Pour contrebalancer cette formulation des théories de la culture d'entreprise, très cloisonnées, FROST10

établit une typologie tout à fait significative pour l'évolution théorique. Il identifie 3 perspectives dans la

recherche sur la culture : l'intégration (elle décrit la culture en termes de cohérence entre ses composantes :

les membres acceptent ce patrimoine commun et agissent en fonction de lui), la différenciation (elle met en

évidence les différences culturelles au sein de l'organisation : les sous-cultures sont les seuls lieux de

cohérence), la fragmentation (les manifestations culturelles ne sont qu’ambiguïté : les cohérences et

incohérences coexistent et fluctuent au gré des évolutions de l'organisation).

6 Michel CROZIER, « Le phénomène bureaucratique Paris », Éditions du Seuil, 1963 7« Autour du modèle japonais : Automatisation, nouvelles formes d'organisation et de relations de travail », séminaire franco-

brésilien, Paris, 1-2 février 1990, sous la direction de Héléna Sumiko Hirata 8 E. SCHEIN, Organizational culture and leadership, San Francisco, Jossey-Bass, 2004 (3rd ed)), 9 L. SMIRCICH, Concepts of Culture and Organizatioanl Analysis, Administrative Science Quaterly, n°28, 1983 10 FROST ET AL., Reframing corporate culture, Sage, 1991

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Dans toute évolution d'un concept se succèdent des phases de sensibilisation, de doute puis de

personnalisation pragmatique. La typologie des théories selon Frost confirme la fin de la phase de

sensibilisation11. Avec elle s'éloignent les fondamentalistes qui cherchent une seule vraie définition, en

s'attachant moins à l'intérêt du concept pour le management qu'à la défense du courant théorique. Avant

d'être un matériau sur lequel agir, la réflexion théorique montre que la culture est une partie de la réalité

organisationnelle à prendre en compte.

Ces évolutions ont fait naître de nombreux débats : suite à la dichotomie de Smircich12, on se demande

comment agir sur la culture, qui est tantôt réifiée, mesurée et manipulable (la « fausse » culture ») tantôt de

l'essence même de l'organisation, inaccessible, inhérente à son identité. En outre, il faut confronter culture et

performance13 pour se demander dans quelle mesure actionner l'une afin de jouer sur l'autre. Il s'agit en

réalité d'un perpétuel questionnement autour de la définition de la culture d'entreprise et de ses conséquences

sur l'activité de l'organisation.

Il nous a paru opportun de trouver un ancrage concret afin de faciliter l'appréhension de la notion. La culture

d'entreprise trouve l'une de ses plus belles illustrations avec Google. En effet, cette organisation est un

exemple à plus d'un titre en la matière.

Née le 4 septembre 1998, l'entreprise le clame : « Ce sont nos employés qui font notre

société »14. C'est un cercle vertueux que l'emblème de la Silicon Valley a mis en place : forte de

sa jeunesse15, elle tient à en faire un élément de son identité, de même que l'internationalité,

inhérente à son activité internet. Ainsi, dynamisme, différences et compétences s'imbriquent pour

forger une culture hétérogène mais enrichissante.

Cette démarche de sélection des candidats vient en réalité compléter l' « identité culturelle » de

Google : ses créateurs16 ont voulu que le mastodonte de la recherche internet ne se comporte pas

autrement...qu'une start-up. Ainsi, chaque employé est encouragé à partager ses idées et ses

opinions, et l'ouverture d'esprit est une qualité requise. Enfin, en privilégiant le bien-être de ses

employés et leur épanouissement au travail (nourriture de bonne qualité en libre-service et

gratuite17, espaces de réflexion et de repos,...), le géant du Web a su maîtriser sa culture pour en

faire un atout dans sa performance. L'organisation est donc une parfaite illustration de ce que

peut être une culture d'entreprise. Mais elle est en même temps un modèle de performance, axé

notamment sur une culture d'entreprise qui privilégie le bien-être au travail, plutôt que

l'aliénation caractéristique du travail taylorien.

11 M. THEVENET, Culture d'entreprise : après la sensibilisation, la consolidation, Actes du congrès sur Culture et Changement,

São Paulo, Université de São Paulo, août 1990 12 Ibid note 9 13 Dans cette perspective, V. DENISON en 1990 : D.R. Denison, Corporate culture and organizational effectiveness, New York,

Wiley, 199, V. également I. SIMBEROVA, « Corporate culture–as a barrier of market orientation implementation », 2009 14 https://www.google.fr/about/company/facts/culture/ 15 A l'origine, deux étudiants ont conçu le moteur de recherche en 1998 16 Larry Page et Sergey Brin 17 «Le but, c'est que l'employé résolve le problème sur lequel il se trouve. S'il doit passer 20 minutes à se détendre dans un fauteuil

en buvant un café et en regardant les montagnes pour trouver la solution, il n'y a aucun souci», explique Mathias Gref, chargé de

la communication sur le site de Zurich, en Suisse

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Il semble de plus en plus évident que la culture d’entreprise est une notion essentielle dans l’étude des

organisations et la prise en compte de leurs spécificités. En effet, elle intervient dans l’ensemble des

domaines liés à l’appréhension de l’entreprise, de son fonctionnement, de ses perspectives et de son

environnement. La culture d’entreprise est alors un aspect qui modifie de manière complexe ces éléments,

en ce qu’elle préside des modifications dans la structure même de l’organisation, mais aussi dans le ressenti

des salariés de l’entreprise. Ces derniers sont donc à la fois la source et les destinataires de la culture

d’entreprise, en ce qu’ils la réceptionnent, l’internalisent, la mettent en place et modifient certains aspects

organisationnels du fait de cette dernière. Dès lors, son étude en dehors de toute assise humaine et salariale

ne permet pas entièrement de comprendre les multiples dimensions d’une telle notion. Même si cela peut

paraître contradictoire, une étude ne peut pas non plus se satisfaire de ces seuls aspects, au risque de

dénaturer la notion d’entreprise, réunion d’un ensemble d’acteurs, de services, de compétences et d’activités.

Face à un tel antagonisme, il nous a semblé essentiel de considérer cette notion de culture d’entreprise dans

un phénomène où elle est étudiée, disséquée et utilisée dans un large panel de domaines. Or, lorsqu’on isole

les problématiques actuelles, notamment dans le monde de l’entreprise, la culture au sein de ces

organisations et l’ensemble des débats qui en découlent semble être au cœur des opérations de fusions et

acquisition, phénomène qui s’est grandement développé à l’ère de la globalisation caractérisée par une

concurrence de plus en plus effrénée.

La fusion d’entreprises :

D’un point de vue juridique, la fusion est l’opération par laquelle une société en annexe une autre, l’annexé

et l’annexante ne formant alors plus qu’une seule et même société. On distingue alors plusieurs types de

fusions, en fonction des stratégies industrielles, financières, organisationnelles ou managériales. Dans la

fusion-expansion, l’entreprise cherche à s’agrandir, à limiter les risques auxquels elle est confrontée en

absorbant une autre entité. Dans la fusion-concentration, l’entreprise cherche à fidéliser ses clients et ses

fournisseurs et à assurer la docilité des concurrents en intégrant des processus auparavant externalisés. Dans

la fusion-compression, on se concentre, pour un groupe d’ores et déjà constitué, sur la modification de

l’organisation interne entre la société mère et les filiales, pour modifier les liens qu’il existe entre ces

dernières. Dans tous les cas, la fusion implique la transmission universelle du patrimoine d’une société à une

autre, au sens de l’article L 236-1 du Code de commerce. Sortant alors vite de la sphère juridique et

postulant au caractère transmissible de la culture d’entreprise18, la transmission du patrimoine au sens large

inclut nécessairement la transmission du système de valeur, de tradition, de métiers et de rituels d’une

entreprise à une autre. L’analyse de la culture d’entreprise dans ces opérations nécessite toutefois

d’introduire d’autres distinctions, qui ont un rôle moteur dans la compréhension et la gestion des différences

culturelles entre les entreprises qui souhaitent fusionner.

Dans un premier temps, il faut établir une typologie en fonction de la forme de la fusion. En effet, lors d’une

fusion-absorption, l’absorbante renforce sa valeur alors que l’absorbée disparaît. Dans cette situation, la

culture d’entreprise issue de la société absorbant semble primer sur celle de la société absorbée, en ce que la

volonté de fusion est présidée par une volonté de renforcement de l’entité existante. Si la gestion des

différences culturelles peut amener une amélioration de la performance de la société absorbante, en

modifiant à la marge certains aspects propices à influence la performance de l’entreprise. Au contraire, lors

d’une fusion par création d’une société nouvelle, deux sociétés vont s’unir pour en faire naître une

troisième. Cette situation est extrêmement intéressante et enrichissante pour les réflexions sur la culture

d’entreprise. En effet, on entre alors dans l’ensemble des problématiques de compatibilité entre les

18 R. SAINSAULIEU, « Sociologie de l’entreprise : Organisation, culture et développement », Ed. Presse Science Po, D., 1995

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différentes cultures. La culture peut ici s’étudier en termes d’éloignement et de différence, permettant de

définir les aspects contradictoires, les aspects identiques et les aspects complémentaires, dans le but

d’aboutir à une nouvelle entité plus performante et avec plus de valeur que les anciennes.

Dans un second temps, il semble important d’évoquer en introduction, et ce même si cette distinction sera un

moment fort de notre recherche, les différences relevées entre les différents types de stratégies culturelles.

D’après Adler en 2002, on peut positionner les entreprises sur un axe de stratégie culturelle allant de

l’invisibilité culturelle à la recherche de synergie entre les cultures. Semble alors émerger des formes types

d’entreprise, comme l’entreprise de type paroissiale, qui ignore les différences culturelles, les considérant

comme non pertinentes, ou l’entreprise ethnocentrique, qui considère les différences culturelles comme une

menace pour l’organisation en elle-même. L’entreprise qui semble alors le plus encline à accepter ces

différences, les transformant en valeur ajoutée pour l’organisation. Cette distinction rejoint celle réalisée par

Cox en 1991, entre les organisations de type monolithique, pluriel ou multiculturel, ayant toutes une vision

différente de la culture. Il semble donc, dans les problématiques qui nous intéressent ici, que la culture

d’entreprise ne soit pas analysée de manière cohérente dans l’ensemble des organisations et de leurs

opérations. C’est une difficulté supplémentaire dans la compréhension du rôle et des effets de la culture

d’entreprise dans les opérations de fusion, puisque les partenaires vont en avoir une appréhension différente.

Face à la concurrence de plus en plus farouche, notablement dans les années 1980, les entreprises

réactualisent leurs objectifs économiques que sont la conquête de nouveaux marchés et le maintien de leur

marge. Ils développent également des objectifs immatériels tels que le savoir technologique ou

organisationnel. Ces objectifs se matérialisent par des formes d’alliance stratégique : si les entreprises

avaient tout d’abord tendance à privilégier des formes coopératives de rapprochement, elles manifestent

désormais un fort intérêt pour les opérations de fusions qui ne concernent plus seulement des partenaires

nationaux mais européens et mondiaux. En 2000, la valeur des fusions dépassait par exemple les 800

milliards de dollar en 2011. La volonté de mettre en place ces mécanismes va toutefois se heurter à une

réalité managériale et organisationnelle rude. En effet, une opération de fusion sur deux est considérée

comme un échec, chiffre mis en évidence dans une étude de Demeure en 2000. La réflexion se porte alors

sur les raisons de tels échecs.

Comme nous le verrons ces alliances nécessitent une stabilité au niveau organisationnel, et surtout une

stabilité du facteur humain qui se caractérise par l’adhésion du personnel à l’opération de fusion. Elles

impliquent alors une intégration des partenaires, avec une perte nécessaire d’indépendance pour un ou tous

les acteurs, en fonction de la fusion choisie. Les fusions sont donc des opérations importantes, tant sur le

plan économique que sur le plan organisationnel. C’est sur cet aspect organisationnel que vont se concentrer

nos réflexions sur le rôle de la culture d’entreprise dans ces opérations. En effet, en cas de fusion, il y a un

besoin important d’harmonisation et de coordination pour les activités des partenaires. Ce besoin est

forcément corrélé à une recherche de synergie, impliquant alors une réorganisation des activités et dans le

fonctionnement des organisations. La coordination est alors un aspect difficile à mettre en place, dans la

mesure où les différences culturelles entre les entreprises partenaires19, qui peuvent se concentrer sur les

pratiques de management ou les différences dans l’organisation, peuvent être une source d’échec pour ces

opérations. Il paraît alors essentiel de développer des outils visant à favoriser et faciliter la réussite de ces

opérations, notamment en ayant une meilleure gestion des différences culturelles entre les entités

concernées.

19U. MAYRHOFER, « Les rapprochements d’entreprises, une nouvelle logique stratégique? Une analyse des entreprises

françaises et allemandes », Peter Lang, Berne.

Page 9: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

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PROBLEMATIQUE

Il est acquis de ce que l’on vient d’exposer que la culture d’entreprise est un ensemble de représentations

collectives situées dans l’esprit des membres de l’entreprise et un ensemble de productions symboliques.

Elle est surtout le fruit d’un processus d’apprentissage historique et collectif servant de nomenclature aux

individus lorsqu’ils font face aux problématiques auxquelles sera confrontée l’entreprise.

Lors d’une fusion, on est en présence de cultures divergentes sur de nombreux aspects : la source

d’apprentissage, les moyens de diffusion et de communication, l’importance accordée par les individus, par

les modes de gestion, l’ensemble des références et représentations collectives etc. Or, une fusion nécessite

impérativement la stabilité de nombreux facteurs au plus haut point desquels se trouve le facteur humain.

L’adhésion du personnel doit nécessairement accompagner le rapprochement entre deux entreprises.

Partant de là, se pose nécessairement la question de savoir comment acculturer deux sous-ensembles ayant

acquis des références différentes, qui plus est, via un processus d’apprentissage intrinsèque propre. Plus

encore, qu’en est-il en présence de deux entreprises de nationalités différentes : si dans le cas d’une fusion,

l’inter culturalité peut être minimisée par des standards nationaux partagés par un ensemble d’entreprises, il

est difficile d’envisager un socle commun de valeurs et de références au niveau international. Bien que sous

le coup de la mondialisation, et surtout du phénomène sociétal de la globalisation faisant converger les

préférences collectives, on ne peut que difficilement postuler à l’existence d’un management universel, ou

du moins, à son efficacité. D’ailleurs, cette question se pose avec égale ardeur dans le rapprochement entre

deux entreprises nationales n’appartenant pas au même secteur d’activité.

Le point commun à ces problématiques se résume à l’analyse des écarts pouvant exister entre deux

entreprises lors d’une fusion qui se fait le plus souvent Ex ante à la fusion, accessoirement à une analyse

purement économique et financière faisant le pronostic de la réussite ou non de la fusion.

La culture d’entreprise serait donc une variable dans le choix du partenaire au côté, bien que minimisée, des

considérations économiques ? Mais n’est-il pas réducteur de se borner à l’analyse des écarts ? Ne faut-il pas

proposer une solution Ex post prenant ainsi le risque de voir la fusion échouer pour des problématiques

culturelles non prises en compte auparavant ? Faut-il réellement dissocier la culture d’entreprise des

considérations économiques, notamment de l’aspect organisationnel ? Ne serait-il pas judicieux d’inclure la

culture d’entreprise dans l’ensemble du processus de gestion ? Plus encore, faut-il une gestion propre et

indépendante des différences interculturelles ?

Tant de problématiques auxquelles les théoriciens n’ont que très partiellement répondu et que le constat du

nombre croissant d’échec de fusions tend à confirmer.

Page 10: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

9

OUTILS ET METHODE

Nous avons donc vu plusieurs aspects de la culture d’entreprise en introduction. Dès lors, les précisions

quant à sa définition, à l’ensemble de ses aspects théoriques et à l’évolution de cette notion nous permettent

d’envisager de manière souple la culture d’entreprise comme une élément factuel dans une organisation.

Dans la démonstration que nous allons mettre en œuvre dans ce papier, nous considérons la culture

d’entreprise comme une donnée préexistante dans l’entreprise, un ensemble d’éléments qu’il faut

appréhender de manière claire et précise pour en comprendre le rôle et les effets au sein de l’entreprise.

Une démonstration statique des effets de la culture d’entreprise et de son lien avec le management des

ressources humaines ne nous aurait pas permis de réellement comprendre, envisager et ensuite de

retranscrire l’importance de la culture dans la performance d’une organisation, que celle-ci se situe dans la

gestion des tâches quotidiennes par les salariés ou dans l’implication des hommes dans le processus de

création de valeur. Le problème qui s’est toutefois posé dans cette recherche est celui de la retranscription

d’éléments théoriques, aisément observables mais difficilement quantifiables.

Face à la spécificité de cette notion et aux impératifs de cette recherche, il nous a paru opportun d’utiliser un

autre facteur de modification de l’organisation, de ses fonctions, de ses missions et de la manière de les

mettre en œuvre, soit la fusion. Nous avons alors utilisé notre formation pour apporter un éclairage nouveau

à ces problématiques, notamment en reprenant cette notion que nous avions déjà envisagé sous plusieurs

angles. En effet, après avoir étudié les soubassements juridiques et procéduraux d’une telle opération, pour

en envisager ensuite les conséquences économiques, tant microéconomiques que macroéconomiques, il

semblait intéressant de faire valoir une autre approche dans cette recherche, soit l’appréhension de la fusion

en management des ressources humaines.

Pour encore une fois éviter l’écueil de l’immobilisme dans notre réflexion, il nous a semblé important de lier

ces notions de fusion et de culture d’entreprise pour étudier un mouvement, aussi bien théorique que

pratique, dans la prise en compte de l’élément culturel dans une modification de l’organisation. Cela nous

permet de distinguer les changements de méthodes dans l’appréhension du facteur culturelle, et a fortiori

humain, dans le rapprochement entre les entreprises.

Mais encore une fois, la simple étude d’un changement de méthode ne nous aurait pas permis de réellement

réfléchir et de comprendre les relations complexes et multidimensionnelles qui existent entre les opérations

de fusion de deux entreprises, les aspects culturels propres à chacune et les effets sur l’entité nouvellement

créée. C’est donc sur ces derniers que nous allons focaliser notre recherche et notre développement. En se

posant la question de savoir comment la prise en compte efficace et surtout complète des spécificités

culturelles d’une organisation durant une telle opération permettrait d’améliorer la performance de l’entité

qui résulte de cette fusion, on s’interroge non seulement sur la réalisation pratique des théories de la culture

d’entreprise, mais aussi sur la gestion des différences culturelles au sein d’organisations différentes et sur la

primauté de la performance et de l’efficacité dans les choix stratégiques.

Pour être sur de ne pas s’éloigner des problématiques de management des ressources humaines, ils nous a

fallu restreindre cette notion de choix stratégique, pour se concentrer sur sa dimension humaine. On

s’intéresse alors à la volonté de garantir l’efficacité du capital humain en cas de changement de structure, et

donc de culture, que ce soit dans la réalisation des taches quotidiennes, dans les perspectives personnelles

des salariés et dans sa performance au sein de l’organisation.

Page 11: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

10

Enfin, lors des réflexions sur la méthode à suivre dans l’exposé des résultats de notre recherche, il nous a

paru évident d’utiliser des cas spécifiques d’entreprises et de fusions, pour garantir les aspects empiriques de

notre réflexion. L’intégration d’éléments factuels, plus que de simples exemples, sont pour nous un moyen

d’appliquer les théories de la culture d’entreprise et du management interculturel à des situations concrètes,

pour donner un ancrage supplémentaire à notre réflexion et éviter l’écueil du catalogue de théorie dans notre

développement.

Cette recherche s’est donc basée sur une prise en compte assez large de la culture d’entreprise, pour

envisager toutes les conséquences d’une confrontation culturelle dans une opération de fusion entre deux

organisations. Notre objectif est de mettre en évidence les solutions possibles pour aboutir, non pas à un

échec du fait d’un antagonisme culturel, mais à un renforcement de la performance et de la valeur ajouté de

l’entité créée.

Page 12: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

11

RESULTATS ET DEVELOPPEMENT

L’insuffisance du paradigme de la distance culturelle à répondre aux nouveaux enjeux posés par

la fusion d’entreprise

L’approche consistant à analyser les écarts entre les différentes cultures des parties prenantes de la fusion est à

la base même de toute opération de rapprochement entre différentes entreprises. Mais cette approche parait

insuffisante au regard des impératifs dictés par les fusions qui elles même répondent à des logiques

économiques de rentabilité. Plus encore, c’est du côté organisationnel et socioculturel que les lacunes

apparaissent de façon plus importante.

L’analyse de la distance culturelle dans les fusions

La culture d’entreprise a été approchée initialement comme un critère de choix de ses partenaires lors d’une

fusion. Elle fut appréhendée en elle-même comme une véritable variable cependant, les entreprises ont tardé à

la considérer comme un levier de performance. Ainsi, les premiers paradigmes sur la culture d’entreprise qui

ont germé de la science managériale se sont cantonnés à un statisme théorique : la culture d’entreprise a été

envisagée dans les fusions à l’aulne de la notion de « distance culturelle ».

Les théoriciens du comportement organisationnel ont montré qu’il existe une distance culturelle dans les

fusions : cette distance constitue l’écart de culture existant entre les deux entités appelées à fusionner et ce

même écart démontre un lien patent entre culture et performance. La société nouvellement créée qui parviendra

à avoir la main mise sur cet écart pourra en tirer une certaine performance. Pourtant, il est difficile de maîtriser

cet écart tant sa polymorphie est grande.

Plusieurs auteurs se sont essayés à théoriser la distance culturelle en l’identifiant sous ses différents aspects.

Dès lors, plusieurs théories du comportement organisationnel sont nées de différentes distances culturelles

exposées :

La première théorie de la distance culturelle (= « cultural distance theory ») a été explicité par Larsson en

198920 qui traduisait la notion de distance culturelle comme l’écart existant entre les caractéristiques des

systèmes culturels. Il y a choc des cultures et distance culturelle au moment de la fusion car à l’origine, les

deux entités appelées à fusionner des différences majeures dans leur système. Ces différences posent problème

car d’une part, il faudrait que les entités reconnaissent mutuellement leurs caractéristiques l’une et l’autre, ce

qui peut être difficile si les deux systèmes ne sont basés sur les mêmes fondamentaux ; d’autre part, la fusion

risque d’être freinée lors de l’établissement d’une nouvelle entité hybride : sur quelles caractéristiques se

fonder ? Est-il possible d’englober les caractéristiques des deux entités ? Ces différentes caractéristiques sont-

elles conciliables ?

Sans réellement apporter de solution à cette distance culturelle, Larsson a cependant le mérite de théoriser pour

la première fois, la culture d’entreprise et le choc culturel sous une notion d’écart.

La même année que Larsson, une théorie proche de la distance culturelle fait son apparition : la théorie dite de

l’ajustement culturel ou « cultural fit theory » a cherché à démontrer que la distance culturelle n’est pas un

écart existant les caractéristiques de systèmes culturels différents mais le résultat d’une différence de degré de

20 Larsson R. (1990), Organizational integration of mergers and acquisition: a case survey of realization of synergy potentials (Lund

University Press).

Page 13: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

12

comptabilité « perçu » entre deux systèmes culturels différents. Les auteurs prônant cette idée, tels que Buono

et Bowditch en 198921 ou Marks et Mirvis en 199222 ont montré que lors d’une prise de contrôle d’une

entreprise par une autre entreprise (fusion ou acquisition), les salariés et cadres de chaque entité peuvent se

montrer réticents à abandonner leur culture au profit d’une autre (ou d’une culture hybride née de la fusion).

Ainsi, il serait nécessaire d’ajuster les différentes cultures d’entreprise afin de réduire la distance culturelle.

Buono et Bowditch semblent aller plus loin que Larsson en mettant en lumière la notion d’ajustement et la

possible réduction de la distance culturelle.

Cependant, toute cette théorie reposant sur la perception, il est difficile d’embrasser toute la réalité que peut

représenter une culture d’entreprise et de réduire les différences entre deux systèmes perçues par la seule

perception.

Reprenant, cette théorie à leurs comptes, Cartwright et Cooper démontrent en 199223 qu’il y a moins un

ajustement culturel qu’une comptabilité culturelle (ou « cultural compatibility theory ») : ces auteurs affirment

de nouveau la distance culturelle déjà présente dans la théorie dite de l’ajustement culturel, mais considèrent

que la perception permet de déceler la compatibilité entre deux cultures d’entreprise différentes et favorise la

fusion ou l’acquisition sans réel ajustement. Le paradigme est donc renversé : il n’y a plus ajustement

nécessaire pour provoquer la compatibilité nécessaire à la fusion mais une compatibilité préexistante et perçue

par les agents qui faciliterait un rapprochement sans réel effort.

Le problème qui se pose est de savoir si les salariés peuvent réellement se fier à ses perceptions optimistes de

compatibilité.

En 1999, Finkelstein24 reprend la thèse initiale de Larsson mais fort de l’enseignement des théories de la

distance culturelle depuis lors, Finkelstein réalise une certaine synthèse de la théorie de la distance culturelle :

sous le nom de la théorie de la similitude du style de management (« management style similarity theory »),

Finkelstein montre qu’il existe bien un écart culturel entre les entités (comme l’avait déjà démontré Larsson)

mais que cette écart peut être réduit (Buono et Bowditch) s’il y a similitude ou compatibilité (Cartwright et

Cooper). Finkelstein finalise en un sens la théorie de la distance culturelle puisqu’il pointe enfin la clé

d’ajustement de comptabilité culturelle des systèmes : le mode de management. En mutualisant les modes de

management des deux systèmes ou tout du moins en les rendant similaires, il serait alors possible de réduire

l’écart culturel.

Mais est-il possible de réduire la distance culturelle par une simple convergence du mode de management ?

Pire encore, la culture d’entreprise se réduit-elle seulement à un mode managérial de l’entreprise ? Nous

pouvons émettre quelques doutes à la solution proposée par Finkelstein tant la notion même de culture est vaste

et ne pourrait être maîtrisée seule par un mode de management.

Ces théories ont permis de rendre concret le choc culturel pouvant existant lors d’une fusion sans donner de

véritables clés de solution. En effet, ces nombreuses théories livrent une description, une comparaison, une

diversification et une mesure des différences sous la notion de distance culturelle mais souffrent de praticité.

21 Buono A.F., Bowditch J.L. (1989), The human side of mergers and acquisitions, Managing collisions between people, cultures, and

organizations (Jossey-Bass Publishers). 22 Marks P.H., Mirvis M.L. (1992), The human side of mergers planning : assessing and analyzing “fit” (Human resource planning,

Vol. 15, n°3, p. 69-92). 23 Cartwright S., Cooper G.L. (1992), Managing Mergers Acquisitions and Strategic alliances : Intergrating People and Cultures,

Butterworth-Heinemann, Ltd, Oxford. 24 Larsson, R. et Finkelstein, S. (1999) Interesting strategic, organizational and human resource perspectives on mergers and

acquisitions: a case survey of synergy realization (Organization Science, 10, 1-26).

Page 14: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

13

Elles évoquent le problème de l’écart culturel sans donner les moyens concrets et efficients de réduire cet écart

et encore moins les moyens précis de mesurer cette distance culturelle. De même, les auteurs restent partagé sur

la notion d’écart culturel puisque certains voient la distance culturelle comme une opportunité d’enrichissement

alors que d’autres jugent bon de réduire cet écart pour une plus grande uniformisation.

La question posée actuellement est donc de savoir comment gérer cette distance culturelle. Répondre à cette

problématique n’est pas aisée à plus d’un titre : en effet, les théoriciens du comportement organisationnel

contrairement aux experts du changement culturel se trouvent d’une part, démunis pour élaborer une théorie du

traitement culturel. Et ces théories du comportement organisationnel sont d’autre part invalidées par la pratique

managériale.

Les insuffisances de cette approche

Le paradigme de la distance culturelle offre une approche trop déterministe : les théoriciens de la distance

culturelle se sont bornés à analyser la problématique culturelle sans en tirer de réelles conséquences

permettant de lancer des pistes à envisager pour atteindre la performance via le levier culturel.

Plus de 10 ans après les dernières théories de la distance culturelle, Stahl et Voigt25 ont insisté sur le fait que les

paradigmes du comportement organisationnel sont insatisfaisants : même si l’approche statique de la distance

culturelle a le mérite d’expliciter le nœud du problème de l’incompatibilité pouvant survenir en cas de fusion, il

n’en demeure pas moins que les théories ne peuvent se valider et acquérir de la pertinence qu’une fois

confrontées à la pratique. C’est cette application de la théorie à la pratique qui a intéressé les experts du

changement culturel.

Ces derniers ont tenté de présenter l’apport que pouvait constituer la diversité culturelle au moment de la

fusion : il s’agit d’une révolution théorique opérée ici puisque jusqu’à présent, la différence culturelle, l’écart

culturel ou la distance culturelle étaient autant de différences qu’il fallait gommer. Adler montra en 2002 que

l’écart culturel, même s’il n’était pas nécessairement source de performance, était une réalité qui devait être

prise en compte. Nier cette différence et refuser qu’elle fasse l’objet d’une gestion performante pouvait amener

de multiples problèmes tels que des difficultés voire des défauts de compréhension, des difficultés d’exécution,

des difficultés de prise de décision, des retards de « process », de l’ambiguïté, de la confusion et une

complexité nouvelle dans la gestion de l’entreprise qui devient frictionnel.

Cette « myopie culturelle » a été illustrée par Badrtalei et Bates en 200726 avec le cas de l’échec de la fusion

entre Daimler et Chrysler. Les experts ont montré que la non-prise en compte de la différence culturelle était

symptomatique des fusions ratées. Il en est de même pour le cas de l’échec entre Renault et Volvo même si

dans ce cas précis, ce n’est pas tant l’absence de prise en compte que la prise en compte erronée des différences

qui a entravé le rapprochement entre les sociétés. En effet, ces dernières ont fait l’erreur de surestimer leurs

similitudes, ce qui a conduit à sous-estime l’importance des différences culturelles lors du processus

d’intégration.

Le problème majeur de la fusion est sa propre limite : le cloisonnement de la culture organisationnel et

socioculturel qui résulte de l’absence de prise en compte de l’écart culturel. Ce cloisonnement doit être étudié

afin d’émettre des hypothèses quant à une possible fusion réussie par le biais d’une diversité culturelle.

25 Stahl, G.K. et Voigt A. (2008) Do cultural differences matter in mergers and acquisitions? A tentative model and examination

(Organization Science, 19, 1, 160-176). 26 Badrtalei, J. et Bates, D.L. (2007) Effect of organizational cultures on mergers and acquisitions: the case of Daimler-Chrysler

(International Journal of Management, 24, 2, 303-317).

Page 15: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

14

Finalement, de nombreuses opérations de fusions-acquisitions échouent en raison d'une exécution

désastreuse, qui oublie les caractéristiques propres de chaque système. Or, un processus d'intégration

culturelle réussi suppose de réunir au préalable les éléments nécessaires à son exécution (Morosini et al.,

1998). Négliger l'importance de l'impact de la culture d'entreprise, et tout particulièrement dans un contexte

de fusion, c'est abandonner la maîtrise d'un outil primordial de réussite. Cette théorie de la distance

culturelle ne permet donc pas d'appréhender la problématique de la question dans son ensemble.

Il faut dépasser une acceptation cloisonnée et statique du concept de culture, les dirigeants ont besoin de

pouvoir maîtriser la fusion sous tous ses aspects pour être performants. Et c'est finalement la nécessité

d'objectiver, c'est-à-dire d'adapter les moyens aux fins, qui émerge : la question est finalement celle de la

maîtrise de l'un des outils de la performance.

La performance des modes de gestion des différences culturelles lors des fusions d’entreprise

Le cadre analytique lacunaire qui s’attache à l’analyse de la distance culturelle entre les deux entreprises lors

d’une fusion conduit à privilégier une nouvelle approche dynamique plus à même de saisir les véritables

enjeux pratiques d’une fusion. Cette approche se fonde sur une prise en compte efficace des divergences

culturelles entre les deux entités en présence lors d’une fusion, dont la problématique fera l’objet d’une

réelle gestion efficace amenant à la performance de l’organisation. A la différence de l’approche

paradigmatique de la distance culturelle, cette approche met au centre des préoccupations la nécessité de

mettre en œuvre une stratégie efficace capable de transformer les différences en compétences distinctives. Il

convient donc de nous attarder sur l’opportunité d’un tel glissement intellectuel avant d’en voir les

applications pratiques qui distinguent sans cloisonner les leviers d’actions organisationnels et socioculturels.

L’opportunité d’une gestion performante des différences culturelles lors d’une fusion

La pratique a amené les théoriciens à opérer un glissement intellectuel important. Les indénombrables cas

d’échec de fusions révèlent à cet égard que l’on ne peut plus se satisfaire d’une simple analyse des

divergences culturelles entre les deux entreprises si une organisation aspire à un minimum de performance

(infra I, A). Bien au contraire, la pratique a amené les auteurs à repenser les postulats théoriques sur lesquels

bons nombres de pratiques managériales se fondent pour opérationnaliser les fusions.

Très tôt dans ce glissement intellectuel, Adler et Cox ont prôné l’idée selon laquelle la diversité culturelle

était source d’enrichissement de l’entreprise et ce sur plusieurs niveaux, prenant ainsi de cours un bon

nombre de considérations sociales et managériales. La diversité culturelle, qui pourrait naitre d’une fusion,

conduirait une équipe à faire preuve d’une plus grande créativité dans les idées grâce à une ouverture plus

prononcée ainsi qu’une tolérance plus marquée vis-à-vis de problématiques individuelles ou

organisationnelles. In fine, les différences conduiraient à l’efficience et la productivité des équipes

interculturelles.

Dans une analyse systémique, la différence culturelle lorsqu’elle est exploitée efficacement, conduirait à

doter l’organisation de compétences distinctives capables de juguler l’impact de l’environnement sur celle-

ci, et de développer sa propre influence sur celui-ci. En filigrane de cette idée, les récents travaux de Mirvis

et Marks en date de 2003 parent les différences culturelles de plus grandes vertus.

Encore faut-il savoir exploiter ses différences en les transformant en valeur ajoutée pour l’entreprise

nouvellement créée ou absorbante.

Page 16: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

15

Cette préoccupation est au centre de ce glissement intellectuel. Il importe désormais de concevoir une

stratégie efficace et cohérente de gestion des différences culturelles afin de rendre la fusion performante.

Ces modes de gestion ne sont pas non plus à la portée de toute organisation en ce qu’elles n’ont à coup sûr

pas les mêmes caractéristiques humaines et organisationnelles. Cela entraine onc une divergence selon les

secteurs d’activités mais aussi selon les cultures nationales.

Ainsi P. d’Iribarne tente d’explorer la relation existant entre les modes de management des entreprises et la

« culture nationale » du pays hôte dans La logique de l’honneur. Il ressort de ses travaux le rejet d’un

universalisme managérial. Il importe donc d’intégrer dans leur mode de gestion la culture nationale du pays

hôte de l’entreprise.

Les travaux ont surtout amené à distinguer les différentes stratégies en fonction du type d’organisation,

selon qu’il s’agisse d’une organisation apte à prendre en compte les différences ou au contraire qu’il s’agisse

d’une organisation perméable à tout type de coexistence culturelle.

Adler a ainsi établit une distinction entre les organisations de type paroissiale, ethnocentrique et synergique.

Si la première vide de toute pertinence les différences culturelles et n’assume de facto aucune stratégie de

prise en compte de celles-ci, les suivantes présentent un degré de prise en compte supérieur. En effet, dans

les organisations de type ethnocentriques, les différences sont perçues comme une menace qu’il faut à tout

prix endiguer en développant une stratégie de minimisation. Cette stratégie consiste à niveler les différences

culturelles vers le bas en éradiquant les divergences nuisibles à l’organisation. Bien qu’elles ne valorisent

pas les différences culturelles en raison d’un postulat théorique encore trop imprégné du paradigme de la

distance culturelles, ces types d’organisations présentent au moins le mérite de mettre en œuvre une stratégie

de gestion des différences. Au sommet de la classification de Adler se trouve les organisations de type

synergiques, qui elles, sont conscientes du potentiel distinctif des différences culturelles. Ainsi, dans ce type

d’organisation on met en œuvre une stratégie visant à transformer ces différences en valeur ajoutée.

D’autres auteurs tournent leur raisonnement sur l’individu. Ainsi en est-il de Bennet qui montre que la

compétence interculturelle d’un individu est le fruit d’un long processus de développement. En effet, la

sensibilité interculturelle d’un individu est fonction croissante de son expérience culturelle tout au long de sa

carrière. Autrement dit, plus un individu est mis en situation de multi-culturalité (approche statique) et où

ses situations font l’objet d’un mode de gestion performant (approche dynamique), plus il sera apte à évoluer

de façon appropriée dans un système culturel différent.

Ainsi, initialement les individus seraient globalement dans une situation de rejet ce qui n’est pas propice à la

tolérance et à l’ouverture lors de la fusion : phase de déni, de défense et de minimisation vis-à-vis des

différences culturelles ce qui est susceptible d’annihiler les apports de la fusion. En revanche plus les

individus acquièrent une certaine expérience de la multi-culturalité, plus ils développement leur sensibilité à

la différence : acceptation, adaptation et intégration. Cette sensibilité étant donc contingente à l’expérience

culturelle, il convient donc d’intégrer cette variable dans les modes de gestion.

Il ressort de ces travaux académiques qu’il importe, dans le cas d’une fusion, de non seulement reconnaitre

la diversité culturelle des deux entités en présence, mais surtout de les prendre compte activement en

déployant une stratégie et une orientation visant à administrer une gestion efficace de l’intégration afin de

rendre la fusion performante. Les applications pratiques de ce glissement théorique vont nous être

explicitées ci-dessous en prenant notamment appui sur le cas d’une fusion, qui plus est internationale,

réussie sur le plan culturel : le Cas EADS.

Page 17: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

16

Les manifestations des modes de gestion des différences culturelles dans une fusion

Il est difficile de juger la réussite d’une fusion, du fait d’une multitude de critères, de dimensions et

d’éléments à prendre en compte de cette opération. Cependant, il semble essentiel de se concentrer sur

l’existence d’un projet commun entre les deux entités, projet commun réalisé avec une gestion efficace des

ressources humaines, pour aboutir aux objectifs fixés dans le projet de fusion. Pour ce faire, il convient

d’anticiper et de clarifier les changements nécessaires dans la culture d’entreprise de chacune des entités,

pour garantir une coordination et une cohérence entre les différents agents. On peut donc envisager plusieurs

procédure pour assurer la réalisation de ces objectifs, que ce soit la création d’équipes mixtes dans la

conduite des projets ou encore une bonne répartition des responsabilités entre ces mêmes agents et groupes.

La communication est alors un élément essentiel dans la conduite du projet, il faut qu’elle soit cohérente et

claire.

Pour mettre en place les changements culturels, il faut réunir les intérêts de chaque partie qui vont chercher à

mettre en avant leurs méthodes, leurs valeurs, leur style de management ou leurs idées. Pour éviter les

conflits, il faut essayer de réunir les points positifs de chaque culture pour la création d’un nouveau système

de valeur performant et homogène dans la nouvelle entité. Cette création passe alors par la gestion des

différences culturelles, qu’on ne peut évoquer sans prendre en compte la discipline de management

interculturel. Elle s’est développé à la fin des années 70, et se concentre sur le comportement

organisationnel et les ressources humaines (Adler, 1991) qui sont les éléments essentiels à prendre en

compte dans la gestion de la culture d’entreprise dans une fusion. Cette vision du management des

ressources humaines permet alors de se concentrer sur l’influence de la culture sur les acteurs, que ce soit

dans leurs perceptions mais surtout leurs actions. Cette matière permet en effet de gérer les « incidents

critiques », qui se produisent dans des situations de communication et de coopération où des attentes et

comportements des acteurs divergent et conduisent à des confits interculturels (Batchelder en 1993). Le

mangement interculturel permet de faire une distinction essentielle dans la réussite et la mise en œuvre de la

fusion.

Il faut alors faire la différence, au sein de la stratégie de rapprochement entre les deux entités, entre les

éléments qui sont convergents et ceux qui sont divergents. Dans la logique de convergence, les entités vont

trouver un compromis entre les cultures existantes, entre se rapprocher pour créer une culture commune.

Dans une logique de divergence, on prend en compte les disparités culturelles et la volonté de maintien des

cultures en place, pour ensuite s’attacher à gérer ces différences. C’est donc dans cette logique dialectique

que s’inscrit le management interculturel. Lors d’une opération de fusion, les entités doivent réussir à créer

une culture commune efficace, et ce en conservant les éléments essentiels de leur culture respective, tout en

modifiant les aspects sources de conflits au sein de l’entreprise nouvellement créée.

Page 18: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

17

C’est la méthode qui a été utilisé dans le projet de fusion entre la société française Aérospatiale-Matra, la

société allemande DASA et la société espagnole CASA, pour la création du grand groupe EADS. L’objectif

était de créer un groupe européen, capable de concurrencer le leader américain Boeing. Il a donc fallu

intégrer trois entités disparates, de nationalités différentes, pour créer un groupe de prés de 144 000

employés. Les enjeux de cette fusion étant à la fois industrielle, économique et politique, la préparation de

cette opération a été particulièrement difficile. En plus de devoir mettre en place une entité nouvelle

performante, pour maintenir l’excellence des 3 entreprises concernées par la fusion (chacune ayant une

position dominante sur le marché intérieur). Il a donc fallu mettre en œuvre les éléments de management

interculturel, pour dépasser les différences et les disparités entre ces entreprises autrefois concurrentes. Pour

la gestion de ces différences, le groupe EADS a défini des mesures portant sur la culture d’entreprise, pour

l’organisation et les ressources humaines.

Dans l’exemple du travail de groupe, la nouvelle entreprise EADS a privilégié une approche où des groupes

composés de collaborateurs de nationalité différente permettaient d’aboutir à des idées novatrices sur les

problèmes posées. Les différences culturelles ont introduit une dynamique de groupe, nécessaire à la mise

en place d’une activité performante au sein de l’entreprise. Réunir des approches différentes sur un

problème et sur les moyens de le résoudre peut alors être bénéfique pour l’entreprise, mais la synergie peut

également mené à une baisse de la productivité. EADS a alors mis en place un processus d’apprentissage

interculturel pour faciliter l’intégration des collaborateurs étrangers dans les tâches de tous les jours.

L’analyse a alors été décomposé en plusieurs éléments, pour que chaque collaborateur comprenne les

avantages de chaque culture, les compétences de chaque membre et les bénéfices a tirer d’une telle

situation. Sur le plan affectif, les collaborateurs doivent réaliser que les différences culturelles sont un

élément essentiel d’une fusion, et que ces éléments doivent être utilisé pour créer une synergie et améliorer

leur capacité à travailler en groupe. Sur le plan cognitif, ils doivent assimiler les différences culturelles,

dans le but de les comprendre et de les accepter, plutôt que des les rejeter et d’entrainer des « incidents

critiques ». D’un point de vue comportemental, les employés doivent utiliser les connaissances acquises

grâce aux aspects affectifs et cognitifs pour adapter leur comportement aux situations nouvelles dans

l’entité créée. Cette stratégie, cumulée à la volonté d’EADS de rapidement créer une culture propre à cette

nouvelle organisation et au recrutement de nouveaux employés sans connaissance des disparités existantes,

a permis d’instaurer une performance dans le traitement des problèmes et dans l’atteinte des objectifs fixés.

Les différences culturelles sont devenues une force pour créer une culture d’entreprise plus cohérente, plus

riche et plus efficace.

En ce qui concerne les problèmes hiérarchiques liés aux différences culturelles, EADS a aussi mis en place

des éléments de formation pour faciliter la compréhension et la gestion des différences culturelles. Dans

une situation où un subordonnée de l’entreprise A n’a pas les même méthodes de travail que son supérieur,

issu de l’entreprise B, et que ce dernier lui donne une tâche a accomplir, des tensions et un manque de

productivité peuvent apparaître, que ce soit au niveau de la qualité du travail fourni que dans l’explicitation

des exigences liées à ce travail. L’entité nouvellement crée a alors eu recours à un dispositif de formation

interculturelle, afin de faciliter l’intégration à plusieurs niveaux hiérarchiques. Il a alors été mis en place de

séminaires, d’une université d’entreprise (Corporate Business Academy) pour fournir aux employés des

compétences pour améliorer la performance de l’organisation, tout en prenant en compte et en ayant une

gestion efficace des différences culturelles.

Page 19: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

18

Le management interculturel est alors apparu comme un moyen efficace de comprendre les effets de la

culture d’entreprise dans l’organisation et la gestion des ressources humaines au sein des anciennes et

également dans la nouvelle. Le but n’a pas été de comprendre la culture d’entreprise en elle-même, mais

d’envisager les effets de cette culture sur les tâches à accomplir au sein de l’entreprise, et sur les différents

moyens mis en place pour atteindre un objectif précis. Le management interculturel a alors permis de créer

une reconnaissance des différences, l’extrapolation des points forts de chaque approche et la réunion sous

l’égide d’une culture nouvelle.

La présence d’éléments tels que des séminaires ou la gestion des comportements des employés au sein du

groupe EADS montre que l’assurance de la réalisation performante d’une fusion peut être analyser à la

lumière d’un modèle de management des ressources humaines qui établie les fonctions de cette matière au

sein de l’organisation, et ceux dans le but d’aboutir à la performance de cette dernière : le modèle d’Ulrich.

Ce modèle ne permet pas de comprendre comment va s’organiser la gestion des différences culturelles au

sein de l’organisation, mais il donne des éléments descriptifs des leviers d’actions donnés à la fonction des

ressources humaines pour participer et améliorer la performance de l’entreprise, et la création de valeur dans

celle-ci. Selon Ulrich, dans son ouvrage « Human ressources champions » de 1996, il existe quatre grands

rôles à cette fonction RH, qui se caractérisent par une fonction et une mission au sein de l’organisation. Que

ce soit le rôle de partenaire stratégique, en ce qu’il implique une gestion stratégique des ressources

humaines, d’agent de changement, d’expert administratif, qui touche à la gestion des infrastructures de

l’entreprise et le rôle de champion des employés, en gérant la contribution des salarié, ces derniers sont à

même de fournir à une entreprise nouvellement créée une grille de lecture intéressante dans la conduite des

changements culturels. La gestion des différences doit se faire par les hommes, qui sont au centre de

l’entreprise. Ces fonctions des ressources humaines permettent donc d’identifier les dimensions de la

performance au sein de l’entreprise, pour ensuite donner des leviers d’actions à ces acteurs du changement.

La mise en place d’un tel plan d’action claire est donc un élément essentiel dans la gestion des différences

culturelles.

La gestion des différences culturelles dans une opération de fusion est donc un élément multidimensionnel.

Il est difficile de mettre en avant une méthode, un moyen efficace d’appréhender ces différences, du fait de

la multitude de situations différentes, d’entreprises différentes et de cultures différentes. Cependant, il

semble émerger de cette recherche que les nouveaux modes de gestion passe par un tâtonnement, une

recherche perpétuelle d’équilibre entre les intérêts, mais aussi les valeurs, de chaque acteurs au sein de

l’organisation. La culture d’entreprise, dans le cadre d’une fusion, permet alors d’agréger les intérêts, idées,

valeurs des individus, de les opposer à un autre système de valeur, et ainsi d’en retirer les éléments

nécessaires à la conduite efficace d’une activité, au sein de l’entreprise nouvelle.

Page 20: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

19

En conclusion, nous pouvons affirmer que le traitement de l’impact des fusions su la culture d’entreprise

n’est pas chose aisée. Elle n’est pas aisée tant dans l’approche théorique première que nous avons pu faire

du sujet notamment l’appréhension du concept versatile de « culture d’entreprise » en management, que son

traitement pratique final dans la confrontation du concept de fusion avec cette distance culturelle.

C’est donc tout d’abord en ayant embrassé les différents aspects de la notion de culture (sociologique,

économique, juridique, managérial, anthropologique) que nous avons circonscrire le champ de cette clé qui

allait servir de paradigme à notre étude. En effet, la culture d’entreprise était appelée à s’ancrer dans le

monde de l’entreprise, dans le prisme spécifique de la fusion. Si la culture d’entreprise peut apparaître

changeante, la fusion l’est tout autant si bien que la versatilité théorique a rencontré une versatilité pratique

aux termes d’exemples riches d’enseignement.

C’est pourquoi nous avons pu déduire différentes cultures d’entreprise devant différents cas de fusions de

sociétés. Cette différentiation a cependant dû être canalisée au travers d’une problématique concrète qui a

présenté la culture d’entreprise comme variable de choix lors d’une fusion. La méthode utilisée pour

parvenir à répondre à une cette impérieuse question fut la suivante : l’étude chronologique a priori ou a

posteriori de l’état de l’entité et de sa culture d’entreprise impactés par une fusion. Cette méthode fut

également utilisée à un autre niveau du plus grand dénominateur commun (l’entreprise) au plus petit (le

salarié) pour ne point occulter la dimension humaine d’une telle problématique. Cette étude de la culture

d’entreprise en tant que levier nous a éveillés aux théories de la distance culturelle qui placent la culture

d’entreprise ou tout du moins, l’écart de cultures entre 2 entités, la clé de réussite ou d’un échec d’un

possible rapprochement.

Ces aspects théoriques se sont confrontés et brisés face aux réalités pratiques, mais cet échange nous a

permis de montrer les insuffisances et difficultés encore actuelles de notre problématique dans le monde

managérial d’aujourd’hui ; la difficulté principale étant la prise en compte de la diversité culturelle non pas

comme un frein mais comme un levier d’accélération de la performance d’une entité fortement mis en

exergue par notre cas directeur, la société EADS. L’aboutissement de cette recherche nous permet dès

maintenant de livrer notre réponse sur la problématique posée à savoir un certain optimisme affiché de

l’impact de la fusion sur la culture d’entreprise.

En poursuivant la richesse de la diversité et non pas la rigueur de l’uniformité, il est possible d’apprécier une

culture d’entreprise hybride, symbiotique, si ce n’est fusionnelle née du rapprochement entre entités, qu’a

priori, tous séparent. Ainsi, nous pourrions ouvrir le débat quant aux moyens à mettre en œuvre pour déceler

le parfait équilibre culturel et la parfaite gestion managériale de cette exception culturelle au service de

l’entreprise.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Page 21: Papier de recherche - L'impact des fusions sur la culture d'entreprise

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I/ Ouvrages généraux

Détrie Jean-Pierre, Stratégor : Politique générale de l’entreprise, 4e éd., Broché

II/ Ouvrages spéciaux

Thévenet Maurice, La culture d'entreprise, 6e éd., Paris, Presses Universitaires de France « Que sais-je ? »,

2010

Cuche Denys, La notion de culture dans les sciences sociales, 4 e éd., Paris, La Découverte « Repères »,

2010,

Godelier Éric, « La culture d'entreprise », Paris, La Découverte « Repères », 2006

D’Irbane Phillipe, la logique de l’honneur, Gestion des entreprises et traditions nationales, Seuil, 1989

III- Articles académiques

Cartwright S., Cooper G.L. (1992), Managing Mergers Acquisitions and Strategic Alliances : Intergrating

People and Cultures, Butterworth-Heinemann, Ltd, Oxford.

Ouimet Gérard, « Voyage au centre des typologies de cultures d'entreprise : un itinéraire

psychologique », Gestion 2/ 2007 (Vol. 32), p. 51-61 www.cairn.info/revue-gestion-2007-2-page-51.htm

Laval Christophe, « La reconnaissance, une question de culture ? », Gestion 2/ 2011 (Vol. 36), p. 90-99,

www.cairn.info/revue-gestion-2011-2-page-90.htm.

Stahl, G.K. et Voigt A. (2008) Do cultural differences matter in mergers and acquisitions? A tentative model

and examination (Organization Science, 19, 1, 160-176).

Badrtalei, J. et Bates, D.L. (2007) Effect of organizational cultures on mergers and acquisitions: the case of

Daimler-Chrysler (International Journal of Management, 24, 2, 303-317).

IV- Articles journalistiques

Cavelier Jeanne, « Réussir une fusion, une histoire d'hommes et de cultures », Chef d'entreprise

Magazine, n°40 - 01/07/2009

Mohamed-Larbi Aribou, « Fusions d’entreprises : quels sont les facteurs clés d’échec ? », 16/06/2013, Les

Echos

IV/ Sites internet

http://www.myrhline.com/

http://www.fusacq.com/

http://www.lesechos.fr/

BIBLIOGRAPHIE