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MEMOIRE DESBOS Anaïs REP 4 LUXE ET DEMOCRATISATION, ENTRE IDEAL ET ILLUSION Comment le Luxe à travers des actions de communication peut- il se rendre accessible au plus grand nombre sans perdre son prestige alors qu'il est par définition destiné à une élite ? ISCOM Lyon 2015 Tuteur de mémoire: M. VON-ARX Alexandre Directeur de mémoire : M. FABRIANO Jorhan Président de l’agence Endevia

Anaïs desbos luxe et démocratisation entre idéal et illusion

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MEMOIRE

DESBOS Anaïs

REP 4

LUXE ET DEMOCRATISATION, ENTRE IDEAL ET ILLUSION

Comment le Luxe à travers des actions de communication peut- il se

rendre accessible au plus grand nombre sans perdre son prestige

alors qu'il est par définition destiné à une élite ?

ISCOM Lyon 2015

Tuteur de mémoire:

M. VON-ARX Alexandre

Directeur de mémoire : M. FABRIANO Jorhan

Président de l’agence Endevia

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS p 3

INTRODUCTION p 4

PARTIE 1 : LE SECTEUR DU LUXE ET SES PARTICULARITES

I. L’Industrie du Luxe p 7 A. Le Luxe, histoire et évolution - p 7 B. Luxe, définition, mythes et caractéristiques - p 8 C. Les acteurs et activités clés du Luxe - p 12

II. Le Luxe, un secteur stable malgré la crise p 14 A. Business modèles du Luxe et stratégie de croissance - p 15 B. Les différents produits de Luxe – p 16 C. Le Luxe et sa clientèle - p 19

PARTIE 2 : L’EVOLUTION DU LUXE ET LA MONDIALISATION

I. Le Luxe et sa stratégie financière p 22 A. Le Luxe et son financement - p 22 B. Les BRIC et pays émergents, nouvel eldorado du Luxe - p 24

II. Le Luxe et le grand public p 28 A. La Communication avant tout - p 28

B. Le Luxe, omniprésent - p 30 C. Le Luxe pour tous - p 32

PARTIE 3 : VERS UNE NOUVELLE DEFINITION DU LUXE

I. Luxe et démocratisation, un danger pour les marques P 34

A. Luxe et Démocratisation : un paradoxe – p 34 B. Les marques de Luxe victime de leur succès - p 35

II. Le Luxe, un prestige à préserver p 38

A. Luxe et Démocratisation : des risques à éviter – p 38 B. Luxe et Démocratisation : une stratégie à adopter - p 38

CONLUSION p 41

BIBLIOGRAPHIE p 43

ANNEXES p 46

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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier toutes les personnes qui m’ont apporté leur expertise, leur aide et

leur soutien dans la réalisation de ce mémoire. Tout particulièrement mon Directeur de Mémoire, M.

Fabriano Johan qui m’a apporté ses précieux conseils tout au long de ce travail. Ainsi que mon Tuteur

de Mémoire, M. Von Arx Alexandre pour son accompagnement.

Je remercie les professionnelles : Emilie Tran (Maison Hermès), Laura Perrard (Journal du Luxe). Je

leur suis très reconnaissante car elles m’ont permis de réaliser une étude de terrain riche et

pertinente. J’ai aussi apprécié leur humanité et leur gentillesse.

Je remercie également les personnes ayant participé à l’étude grand public « Le Luxe et Vous » ;

leurs réponses à mes questions m’ont aidé à cerner plus précisément le sujet.

Enfin, je souhaite remercier tous mes proches qui ont eu la patience de relire mon premier jet et ce

mémoire achevé.

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INTRODUCTION

« Qu’est-ce que le luxe ? C’est un mot sans idée précise, à peu près comme lorsque nous disons « les

climats d’Orient et d’Occident : il n’y a en effet ni Orient ni Occident, il n’y a pas de point où la Terre se

lève et se couche ; ou si vous voulez, chaque point est Orient et Occident. Il en est de même du luxe :

ou il est partout, ou il n’y en a point. » Voltaire

êlant savoir-faire, authenticité, raffinement et rareté, le luxe français affiche une

croissance économique stable vue la situation économique mondiale que nous

connaissons actuellement. De plus, le succès des marques de Luxe françaises est identifiable

également au niveau international : trois des cinq groupes de Luxe les plus prestigieux sont français,

et sept des quinze premières marques de renommée mondiale le sont également. Selon une

estimation réalisée par le cabinet Bain et Company1 en 2013, le secteur du Luxe représente plus de

212 milliards d’euros ; les marques françaises se situent en haut du classement avec un chiffre

d’affaires de 53 milliards d’euros dont 85% grâce à l’exportation. Ces chiffres désignent le Luxe

comme le premier secteur exportateur de la France et le placent au même rang que l’aéronautique.

J’estime que le Luxe est une partie intégrante de notre patrimoine culturel et historique national.

Nous pouvons le constater par les 78 maisons de Luxe françaises regroupées au sein du Comité

Colbert2. Le Luxe, dont les perspectives futures semblent prometteuses, est un fleuron important

de notre économie.

Le Comité Colbert3 est généralement moins connu que les grands groupes de Luxe comme LVMH ou

Kering dont nous parlerons plus tard ; il a néanmoins un rôle fondamental et essentiel dans

l’industrie du Luxe en France. Il a été créé en 1954 à l’initiative de Jean-Jacques Guerlain et porte le

nom d’une figure marquante de l’histoire française : Jean-Baptiste Colbert. Surintendant des

bâtiments du roi Louis XIV, des arts et manufactures, il a fondé la renommée du savoir-faire français

à travers le monde. Il a également encouragé la création de manufactures, en important parfois des

savoir-faire d’excellence. Il a aussi contribué à l’exportation en développant la marine,

1 Bain & Company est l’un des trois principaux cabinets de conseil en stratégie et management. Il a été fondé en 1973 à Boston aux États-Unis par Bill Bain qui crée par la suite le fonds d'investissement Bain Capital 2 Fondée en 1954 à l’initiative de Jean-Jacques Guerlain, le Comité Colbert est une association loi 1901 qui rassemble aujourd’hui 78 maisons de luxe soucieuse de partager et de promouvoir en France et à l’international des valeurs communes de l’industrie française du luxe, à savoir : l’alliance de la tradition et de la modernité, du savoir-faire et de la création, de l’histoire et de l’innovation. 3 http://www.comitecolbert.com/histoire.html

M

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l’aménagement des ports et en créant la Compagnie des Indes orientales et des Indes occidentales.

Homme de culture, il a fondé l’Académie de France à Rome et la Comédie-Française. Rassemblant 15

maisons en 1954, le Comité Colbert en compte aujourd’hui 78. Depuis son origine, il regroupe des

maisons exportatrices autour des savoir-faire et de la création. Des plus anciennes créées au IX°

siècle, aux plus récentes nées au XXI° siècle, ces maisons sont issues de 12 secteurs d’activités qui

représentent ensemble l’art de vivre français. Les membres sont cooptés et se cooptent

annuellement sur la base de cinq critères : l’ambition internationale et le caractère identitaire de la

marque, la qualité, la création, la poésie de l’objet et l’éthique. Il réunit donc l’excellence française

dans tous les champs possibles : Argent et Bronze, Cristal, Cuir, Décoration, Edition, Faïence et

porcelaine, Gastronomie, Haute-Couture/Mode, Hospitalité, Or et matière précieuses, Parfum et

cosmétique, Vigne. Au sein du Comité, nous pouvons retrouver les prestigieuses maisons suivantes:

Alain Ducasse au Plaza, Boucheron, Cartier, Chanel, Céline, Christian Dior Couture, Hermès,

Flammarion Beaux Livres, Hôtel Ritz….

Le Luxe français est le seul secteur industriel qui a choisi de se doter d’un porte-parole et d’une

stratégie collective en complément de l’identité propre à chaque maison. Partant du principe qu’à

plusieurs on est plus fort, cela permet ainsi aux acteurs de s’assurer une représentation et une

communication plus impactantes.

Passionnée par ce secteur et souhaitant comprendre les stratégies développées par les maisons de

Luxe françaises et consciente des défis rencontrés par ce secteur, il m’a semblé opportun de

consacrer mon mémoire de fin d’études au secteur du Luxe français. L’approfondissement d’un tel

sujet est pour moi une réelle opportunité. La collecte de nombreuses données sur le sujet, la

découverte de problématiques sous-jacentes ainsi que la définition de premières solutions pour

pallier ces dernières, participeront à renforcer ma légitimité sur ce secteur extrêmement porteur

dans lequel j’aimerais me spécialiser.

Le Luxe est selon moi à la frontière entre l’être et le paraître, entre ce qui est rare donc couteux mais

pas nécessairement utile. Le Luxe peut être défini par les composantes suivantes : le prix, la rareté,

l’exclusivité, la perfection et parfois même le rêve. Ce n’est pas un secteur comme les autres ;

pendant longtemps il été destiné à une population ayant les revenus les plus élevés, mais il est

aujourd’hui de moins en moins réservé à une élite. Le Luxe entre dans une nouvelle ère …

Cette nouvelle ère permet au grand public d’avoir accès à l’univers du Luxe. C’est une opportunité

fabuleuse et non négligeable pour le Luxe et son chiffre d’affaires. Cependant, il convient d’être

conscient des écueils possibles, celui de sa vulgarisation, voire de sa banalisation. De fait, la

mondialisation permet à de nouveaux consommateurs issus de pays émergents d’avoir accès à des

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6

produits de Luxe. Mais ce facteur comporte néanmoins un risque majeur pour le secteur du Luxe,

celui des stratégies de distribution et de la délocalisation que nous développerons plus tard.

Suite à ces diverses observations, nous pouvons donc nous poser la question suivante :

Comment le Luxe à travers des actions de communication peut- il se rendre accessible au plus

grand nombre sans perdre son prestige alors qu'il est par définition destiné à une élite ?

Dans le but d’aborder une réflexion globale la plus complète possible et d’apporter des propositions

stratégiques adaptables au secteur, j’ai volontairement choisi de ne pas centrer ce mémoire sur une

maison en particulier, ni de faire un focus trop ciblé sur une activité précise. Ce choix, me permettra

d’apporter des éléments de réponse variés à la problématique énoncée ci-dessus.

Le mémoire se décompose en trois parties : La première opère un balayage des fondamentaux du

Luxe afin de mieux comprendre ce qui constitue et définit réellement ce secteur. Dans un second

temps, nous verrons combien l'industrie du Luxe est un monde singulier dans notre économie : avec

des chiffres d'affaires très conséquents, des acteurs regroupés en grands groupes puissants. Et pour

finir, nous aborderons les risques pour les marques de Luxe d’être accessibles au plus grand nombre

et les actions de communication pour ne pas perdre leur prestige face à cette démocratisation.

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PARTIE 1 : LE SECTEUR DU LUXE ET SES PARTICULARITES

« Le luxe n’est pas un simple vocable, une pure création sémantique, mais un vrai concept

sociologique et psychologique. […] Avant d’être un métier ou un marché, le luxe est d’abord

une culture » (Luxe Oblige, 2013)

I. L’Industrie du Luxe

A- Le Luxe, histoire et évolution

Les Egyptiens avaient déjà un attrait pour le beau, le bien-être, l’or et les joyaux. Ces éléments

permettaient une distinction sociale entre les familles nobles et le peuple. Cette distinction se

manifestait par la détention et l’utilisation de produits rares comme le parfum ou les bijoux. En

traversant le temps, le Luxe est devenu un moteur puissant de découvertes artistiques et

techniques mais également un sujet conflictuel profond. En effet, du XVIème au XVIIIème siècle, le

Luxe est au centre de débats philosophiques, religieux, économiques et moraux. Certains comme

Voltaire4, considèrent le Luxe comme un véritable moteur économique alors que les opposants, tels

Rousseau,5 y voient un obstacle à la vertu.

En 1929, malgré la crise économique, le rayonnement intellectuel de la France est préservé : Coco

Chanel, Jeanne Lanvin, Louis Cartier sont les rois et les reines que les « grands » s'arrachent pour

s'habiller ou acheter des bijoux. Mais la guerre de 1939-1945 portera un nouveau coup au

développement de l'industrie du Luxe et à la France. Le pays reprendra sa place de leader de

l'industrie du Luxe au moment de la Libération grâce à la mode notamment celle de Christian Dior, à

l'heure de la révolution « zazou »6 et de l'existentialisme. Le monde du Luxe se développe

rapidement malgré les difficultés sociales et financières contemporaines. Fin des années 40, 106

maisons sont labellisées Haute-Couture et le secteur de la parfumerie prend son essor.

En 1947, certains entrepreneurs tels que Lucien Lelong ou encore le parfumeur Jean-Jacques

Guerlain bâtissent les fondations du Comité Colbert. À ses débuts, celui-ci avait pour but de faire

pression sur les entités économiques pour un redémarrage de l’industrie du Luxe. Néanmoins, il

faudra attendre, les années 50 et les aides du Plan Marshall pour que les manufactures reprennent

4 Philosophe et écrivain français du 17 et 18ème siècle, auteur du fameux Candide 5 Ecrivain et philosophe suisse du 18ème siècle, auteurs coup sur coup des œuvres à succès La nouvelle Héloïse, Le contrat social, Émile et Les confessions. 6 Appellation donnée à des jeunes gens qui ont créé un courant de mode en France dans les années 1930. Ils étaient reconnaissables à leurs vêtements anglais ou américains, et affichaient leur amour du swing.

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leurs activités. Le textile vient alors en tête des exportations avec près de 20 % de la valeur des

produits exportés, grâce aux créations parisiennes très appréciées outre-Atlantique.

Les années 80 marquent un tournant majeur pour le secteur, notamment par la présence d’une

nouvelle cible : les jeunes. Ils découvrent le Luxe grâce aux accessoires (sacs). Puis dans les années

90, le secteur s’oriente vers un nouveau Luxe : plus profond, plus spirituel, plus moral. C’est le cas

notamment avec l’automobile et Ferrari qui se dote d’une nouvelle image haut de gamme, devenant

la convoitise internationale des grands noms de l’époque.

Les actions du Comité Colbert ont permis au Luxe de s’imposer comme un symbole de la France à

l’international. Le Comité a pour mission de défendre et de promouvoir ce secteur privilégié.

B- Luxe, définition, mythes et caractéristiques

Le Luxe peut être étudié du point de vue de la marque, du consommateur, du produit ou bien d’un

point de vue économique, sociologique ou encore psychologique. En tenant compte de toutes ces

dimensions, nous allons tenter de définir le Luxe et ses particularités.

Selon l’ouvrage de Vincent Bastien & Jean-Noël Kapferrer7 : « Le luxe est à la mode, la mode est au

luxe. […]De ce fait, le luxe est partout. Chaque année, un nouveau concept ou une nouvelle catégorie

est inventé par les managers et les directeurs du marketing dans le monde entier pour différencier

leur luxe de celui des autres, indiquer une rupture, un changement radical, voire une opposition.

Fleurissent ainsi les vocables « nouveau luxe », « vrai luxe », « opuluxe », « hyperluxe », « masstige »,

« trading up », « ultrapremium », « méta-luxe», « luxe accessible », « luxe mode ». » Ils ont pour

seule conséquence de rendre les contours du concept encore plus flous. La notion de Luxe est donc

complexe et subjective. Ses contours sont difficiles à dessiner et les définitions sont variées.

La définition du luxe est propre à chaque individu, comme le fit Coco Chanel8, figure emblématique

de cet univers : « Le luxe est le contraire de la vulgarité ». Ainsi que Barbara Coignet, créatrice du

Salon Luxe et Ethique, elle définit le Luxe par un seul mot : « le temps ».

7 BASTIEN Vincent et KAPFERER Jean-Noël, Luxe Oblige, Paris, 2013, Eyrolles, 454pages, p.13. 8 Gabrielle Chanel, dite « Coco Chanel », née le 19 août 1883 à Saumur et morte le 10 janvier 1971, à Paris, est une créatrice de mode, modiste et grande couturière française célèbre pour ses créations de haute couture, ainsi que les parfums portant son nom. Elle est à l'origine de la Maison Chanel, « symbole de l'élégance française »3. Certains choix de vie de Chanel sont à l'origine de controverses, en particulier son comportement pendant l'Occupation allemande.

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D’un point de vue étymologique, pour certains, le mot Luxe vient du latin « luxus », signifiant l’excès,

la débauche, le faste et l’abondance. On retrouve ces notions dans la définition du Larousse9 , qui

met en évidence plusieurs aspects du luxe :

Caractère de ce qui est coûteux, raffiné et somptueux

Environnement constitué par des objets coûteux ; manière de vivre coûteuse et raffinée

Plaisir relativement coûteux qu'on s'offre sans vraie nécessité

Ce que l'on se permet d'une manière exceptionnelle ou ce que l'on se permet de dire, de

faire en plus, pour se faire plaisir

Grande abondance de quelque chose

A travers cette définition, nous retrouvons la notion de produit de luxe : « objets coûteux ».

Pour d’autres, l’origine du mot est « lux », la lumière, le rayonnement, le goût, l’élégance.

L’ambivalence de la notion de Luxe est tributaire de l’approche que nous en faisons.

Nous pouvons distinguer d’une part le Luxe esthétique et traditionnel, et d’autre part le Luxe en

excès et ostentatoire. D’un côté, on s’offre le savoir-faire et l’excellence et de l’autre on dénonce le

superflu « tape à l’œil ».

Il est nécessaire de dépasser ces divergences pour aborder le sujet du Luxe sans préjugés, qu’ils

soient positifs ou négatifs. Comme le dit si bien Rémy Tessonneau10 : « En soit, en effet, le Luxe n’est

ni bon, ni mauvais. Comme l’art, il est amoral ».

Cependant, une certaine confusion est née autour du produit du Luxe, avec le développement de

trois concepts confondus par le consommateur : le produit haut de gamme, le produit cher et le

produit de Luxe. Selon Danielle ALLERES11 , le Luxe est composé de trois univers, qui regroupent les

notions de produit et de marque de Luxe : le Luxe inaccessible, le Luxe intermédiaire et le Luxe

accessible, constitués des déclinaisons de la marque.

Parfois, le Luxe est perçu comme un domaine superflu où les individus consomment pour se

distinguer et mettre en avant leur réussite sociale, accentuant ainsi la fracture entre les classes

sociales. Cette réussite tient à des privilèges accessibles à une élite, tels que porter une création

9 Définition que l’on retrouve sur internet : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/luxe/48146?q=luxe#48058 10Administrateur civil, Ecrivain, Universitaire. Né le 8 novembre 1910 à Jarnac-Champagne (Charente-Maritime). Institution Notre-Dame-de-Recouvrance à Saintes, Facultés des lettres et de droit de Poitiers et de Paris. Licencié en droit, Diplômé d’études supérieures de philosophie, Docteur ès lettres 11 Danielle Alleres, Docteur d’Etat de Sciences Economiques

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Valentino, passer un écrin Christian Louboutin ou encore déguster un plat raffiné au restaurant de

l’hôtel de Crillon à Paris. Le Luxe permet donc de caractériser une civilisation et des hommes.

L’univers du Luxe est gouverné par des codes :

un mythe cultivé année après année (autour de la création de la marque, du créateur)

une part de rêve (facteur émotionnel)

une identité unique pour chaque marque (ADN de marque, univers)

la rareté et l’exclusivité (savoir-faire, prix, distribution)

Ces derniers sont confirmés par des auteurs ayant écrit sur ce sujet, tels que Dana Thomas12.

Les marques de Luxe existent à travers des représentants. Grâce à eux le mythe, qui fait du Luxe un

univers à part entière, un monde convoité, perdure. Les marques de Luxe intègrent le mythe à leur

discours pour séduire les consommateurs, créer un effet mystique et susciter le rêve chez ces

derniers. Par exemple, lorsqu’un client achète du Chanel, c’est le personnage de Coco Chanel qui

attire : sa liberté, son indépendance, son audace et autres traits de son caractère. Le mythe de

Chanel n°5 repose sur son intemporalité. Depuis sa création en 1921, le parfum est réinventé à

chaque nouvelle ambassadrice (Catherine Deneuve, Audrey Tautou, Gisèle Bündchen).

Selon Vincent Bastien, « la rareté est centrale dans l’identité du luxe. La rareté est un caractère très

essentiel pour le luxe, ce qui le distingue des produits de masse ».

Un produit ou un service de Luxe doivent être rares et exclusifs ; Vincent Bastien distingue donc

deux types de rareté -naturelle ou virtuelle-13 en fonction de:

l’ingrédient : rareté naturelle et physique liée aux composantes précieuses (peaux de

crocodile ou diamants)

la production : objet unique, sur mesure ou en série limitée, souvent matérialisé par un

numéro de série unique (chez Ferrari, la production est limitée volontairement à moins de six

mille véhicules par an)

savoir-faire : technique de réalisation (confection de sac en cuir de vachette)

la distribution : à petite échelle dans des endroits spécifiques, prestigieux et souvent propres

à la marque (Montagut14 fait de la publicité en Chine sans y être présent)

rareté institutionnelle (Amex15 et rumeurs16)

12 THOMAS Dana, Luxe and Co : Comment les marques ont tué le luxe ?, Parsi, 2011, J’ai lu, 380pages, p23 13 BASTIEN Vincent et KAPFERER Jean-Noël, Luxe Oblige, Paris, Eyrolles, 2013, 435pages, p.145 à 154. 14 Marque Française de prêt à porter, spécialiste de la maille fine depuis 1880, cachemire pour hommes et femmes

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Le désir s’accroît par l’inaccessibilité ; les marques de Luxe créent volontairement des barrières à

l’entrée : financières, culturelles (savoir apprécier), logistiques (magasins à proximité) ou temporelles

(temps d’attente).

Le produit de Luxe est par définition un objet dont l’utilité n’est pas essentielle pour les activités

quotidiennes d’un individu. Son prix (valeur sur le marché) ne désigne pas seulement son utilité

immédiate et réelle. Un vêtement de Luxe, coûte dix à mille fois plus cher que le même vêtement

produit en série pour une consommation de masse. Pourtant, le consommateur en fera le même

usage. Lorsque, nous achetons un vêtement de Luxe, le prix se décompose entre une valeur d’usage

(le vêtement) et une valeur sociale (la marque). Il est nécessaire que cette différence de prix soit

justifiée à la fois par une qualité de fabrication au moins égale à l’objet non marqué, et par des

représentations suffisamment positives et modernes. Les effets de mode jouent un rôle considérable

dans l’industrie du Luxe.

Le produit de Luxe repose aussi sur le fait qu’il est source d’émotions chez le consommateur. Comme

le dit Baudrillard17, « on n’achète pas un objet, mais un signe ». Ce dernier ne doit pas répondre à un

besoin objectif comme acheter du pain, ni à un désir subjectif tel qu’aller au restaurant au lieu de

dîner à domicile, mais appartenir au rêve. Le produit de Luxe ne doit donc pas répondre à des

besoins primaires et/ou rationnels mais à des rêves.18 Les marques de Luxe jouent sur la stimulation

de ce rêve par le mythe de sa création, de ses figures emblématiques et de ses produits. Le rêve

repose sur la marque car les produits sont seulement des éléments qui donnent la possibilité

d’accéder au rêve.

15 American Express (aussi abrégé en Amex ou AmEx) est une entreprise financière américaine, spécialisée dans les moyens de paiement, connue pour ses cartes de paiement ainsi que ses chèques de voyage et acteur de premier plan dans l'organisation de voyages d'affaires.

16 En 2014, après plus de 10 ans de rumeurs, American Express annonçait enfin le lancement de sa nouvelle carte de paiement, concrétisant ainsi les attentes de nombreux hommes d’affaires, banquiers, célébrités et autres chirurgiens désormais capables de mettre un nom à la légende : L’American Express Black Card Centurion. 17 Philosophe français décédé en 2007 18 BASTIEN Vincent et KAPFERER Jean-Noël, Luxe Oblige, Paris, Eyrolles, 2013, 435pages, p.207.

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C- Les acteurs et activités clés du luxe

Outre les grands groupes de Luxe, il existe d’autres acteurs incontournables dans le secteur 19 :

Les entreprises du luxe :

gèrent la communication et la valorisation de la marque : responsables marketing et

agences de publicité œuvrent pour ancrer la marque et ses produits dans les esprits :

positionner la marque, se démarquer de la concurrence, en utilisant les canaux adaptés,

comme les médias de masse et le « mass marketing » pour élargir leur cible jusqu'au

sponsoring d'événements sportifs prestigieux. Exemple : Louis Vuitton et la coupe de

l’America Cup.

veillent également à sa protection juridique : elles entreprennent une démarche active

pour lutter contre la contrefaçon (conseil juridique de l’INPI, sensibilisation des

consommateurs, veille) et se regroupent au sein de réseaux (Union des Fabricants20, Comité

Colbert pour les maisons du luxe français). Des juristes sont employés au sein des maisons de

Luxe.

définissent la stratégie commerciale : par souci d'une maîtrise globale, de la conception au

client final, certaines marques délaissent parfois la traditionnelle approche indirecte pour

une distribution intégrée (via leur propre réseau de boutiques). De plus les sites de e-

commerce des marques offrent de nouvelles possibilités d'une vente directe au client final

(Gucci, Dior).

Ceux qui créent et analysent les tendances : La caractéristique essentielle du Luxe français a

toujours été une synthèse harmonieuse entre tradition et modernité. S'il est impératif de créer

des produits nouveaux, l'innovation passe aussi par la capacité à inventer des univers intimement

liés aux « valeurs » des marques (comprendre ce qui fait leur spécificité) et qui ensuite

constituent des codes très forts. On peut citer l'univers tribal de Dolce & Gabbana 21, le bain d'or

de « Dior J'adore » ou l'univers sportif de Tag Hauer 22. Ce travail de création peut s'effectuer au

sein même des entreprises de luxe, souvent assistées par divers prestataires :

19 http://exploratheque.net/articles/les-acteurs-du-luxe 20 L'Union des Fabricants œuvre pour que la propriété industrielle soit protégée internationalement. Elle participe à l'élaboration de la Convention d'Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle (1883) puis de l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques de fabrique ou de commerce (1891). http://www.unifab.com/fr/notre-association/historique.html 21 Entreprise italienne spécialisée dans le luxe. La société fut fondée par les stylistes italiens Domenico Dolce et

Stefano Gabbana à Milan, en Italie. 22 Fabricant suisse de montres de sport et de chronographes de précision. L'entreprise est basée à La Chaux-de-Fonds (Suisse), elle fait partie du groupe LVMH depuis 1999.

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Les bureaux de style : ils sont spécialisés dans l’anticipation, la détection et l’analyse des

tendances. Ils créent des cahiers de tendances, conseillent sur des styles en matière de

décoration, de mode ou de bijoux.

Les bureaux d'étude et de création : ils conçoivent les produits en s'appuyant sur une

analyse pluridisciplinaire (technologique, sociologique, esthétique et économique). Ils

doivent aussi tenir compte des contraintes techniques de fabrication. Le bureau d’études

peut être chargé de tout ou partie de la conception, ou bien participer au suivi de la

fabrication du produit et de la diffusion. Il peut être un prestataire ou intégré à l’entreprise

de Luxe.

Studio de création : intégré ou non, ils réalisent les maquettes ou les prototypes. L’exemple

typique : les créateurs de haute couture. Ils élaborent une collection, définissent une

tendance, un style. Le créateur supervise le suivi technique de la fabrication. Il coordonne

l'ensemble de la collection et contrôle l'organisation des défilés de mode. Il travaille entouré

d'une équipe de modélistes, un directeur de la haute-couture, un directeur artistique et un

assistant. Contrairement au créateur de mode qui élabore des collections pour le prêt-à-

porter, le créateur de haute couture propose des modèles uniques, fabriqués à la demande

et aux mesures de la clientèle.

Ceux qui fabriquent :

Certaines marques utilisent la délocalisation et la sous-traitance afin de réduire les coûts de

production, se spécialisant dans la création, la commercialisation, le contrôle de qualité. Mais

les sous-traitants ne sont pas nécessairement étrangers. Par exemple la Maroquinerie

Auguste Thomas est sous-traitante de Louis-Vuitton, ou encore la Fonderie Sylvain

Compagnon fabrique des bijoux pour Chanel et Dior. Certaines sociétés continuent de créer,

fabriquer et commercialiser elles-mêmes leurs produits, c’est le cas d’Hermès23.

Ceux qui vendent : En France où le Luxe est un marché mature, les diverses formes de

distribution coexistent, avec une prédominance des circuits traditionnels, à savoir les magasins

exclusifs et les grands magasins. Le processus de distribution sera développé plus loin.

23 Hermès International, ou simplement Hermès, est une société française œuvrant dans la conception, la fabrication et la vente de produits de luxe, notamment dans les domaines de la maroquinerie, du prêt-à-porter, de la parfumerie, de l'horlogerie, de la maison, de l'art de vivre et des arts de la table. Fondée à Paris en 1837 par Thierry Hermès, l'entreprise, à l'origine une manufacture de harnais et de selles, appartient encore de nos jours majoritairement à ses héritiers.

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Rassemblant les 78 plus prestigieuses maisons de Luxe françaises, le Comité Colbert identifie jusqu’à

35 secteurs d’activités comportant des marques de luxe :

la personne (habillement, accessoires de mode, chaussures, joaillerie, parfums et

cosmétiques, maroquineries…)

le marché culturel (œuvre d’art…)

la maison (résidence, arts de la table, ameublement, luminaire, décoration…)

l’alimentaire (vins, spiritueux, épicerie…)

les sorties, les voyages et les fêtes (hôtellerie, restauration, discothèque…)

les modes de transport (voiture de luxe, yachts, jet privés…)

L’industrie du Luxe propose des produits et des services rares et de très haute qualité. Il renvoie à un

marché concentré, attractif, très ciblé et segmenté.

Selon le Comité Colbert24 , « Le Luxe français, notamment l’artisanat de Luxe, s’exporte très bien sur

un marché international, où il continue d’occuper la première place en dépit de la progression de la

concurrence. En 2012, l’Europe demeure la première zone consommatrice de Luxe avec 35% de parts

de marché, suivi par les Amériques (31%), l’Asie Pacifique (20%) et le Japon (9%). Les accessoires

occupent désormais la première place des achats (27%), devant la mode (36%), l’horlogerie-joaillerie

(23%), les parfums et cosmétiques (20%) et les arts de la table (2%). »

Le marché du Luxe est complexe et difficile à définir. Il possède un fort pouvoir d’attraction et a su

perdurer malgré les nombreuses périodes sombres. Après avoir posé les fondamentaux du Luxe,

nous allons décortiquer plus en détail ce secteur et ses clefs de réussite.

II. Le Luxe, un secteur stable malgré la crise

Selon Gérard Caron 25 « Le luxe d'hier n'est pas celui d'aujourd'hui et probablement pas celui

de demain. Mais, aussi longtemps que l'homme sera consommateur, il distinguera des produits qui le

font vivre, des produits qui le distinguent ou qui le valorisent. »

24 http://www.comitecolbert.com/histoire.html 25 Designer français

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15

A - Business modèles du Luxe et stratégie de croissance

Il faudra attendre 1980 pour que le Luxe prenne une nouvelle dimension. Les petites boutiques

familiales et leurs ateliers artisanaux voient alors apparaitre une forme d’organisation nouvelle : les

Groupes de Luxe, basés sur une logique financière et industrielle. Cette forme de gestion capitaliste

s’est étendue dans de nombreux pays voisins à la France ; seule l’Italie a préféré se rattacher au

mode d’entreprise patrimonial.

Avec plus de trois milliards d’euros de chiffre d’affaires, le malletier Louis Vuitton est aujourd’hui le

leader incontesté du secteur, suivi par Richemont et Kering. Ces grands groupes français ont offert au

Luxe une dimension internationale et fait de la France le marché de référence: plus de 80% du chiffre

d’affaires des marques est réalisé à l’étranger avec trois destinations phares : Europe occidentale,

Amérique du Nord et Japon, donnant ainsi un gage supplémentaire de reconnaissance au made in

France. Ces mutations ont eu des répercussions directes avec les modes de consommation qui nous

permettent aujourd’hui de parler d’extension du Luxe vers un marché plus large et moins élitiste.

Après une période de forte croissance, entre 2009 et 2012, et ce malgré la crise qui est venue

toucher de plein fouet le monde entier, il semblerait que le marché du Luxe soit sur le point de

connaître un certain « tassement » de sa croissance pour l’année 2014. Cette prévision s’appuie sur

les résultats d’une enquête menée par le cabinet de conseil Bain & Co et la Fédération Italienne du

Luxe Altagamma, publiée le 19 Mai 2014 26. Ainsi, les ventes mondiales de produits de luxe devraient

progresser de 4% à 6% en 2014, à taux de change constant, contre 6,5% en 2013 et une croissance à

deux chiffres en 2009 et 2012.27 Face à ces résultats, nous pouvons dire que le marché mondial du

luxe entre dans une phase de « maturité et de stabilisation28 ». Claudia Arpizo, associée de Bain & Co,

ajoute même : « Nous abordons une nouvelle phase pour le secteur, une nouvelle normalité ».

Le Luxe est un marché mondial principalement concentré en Europe et Amérique du Nord.

La France est leader dans le domaine du Luxe car elle réalise la moitié de la production mondiale

(85%). De plus, le Luxe est le deuxième secteur économique de la France grâce à une clientèle plus

large et à une forte croissance au niveau mondial. Le Luxe en France représente 31 milliard d’euros,

35 secteurs d’activités, 131 000 salariés, et 50% des ventes sont réalisées grâce au tourisme.29

26 http://fr.slideshare.net/Ikusmer/lens-on-the-worldwide-luxury-consumer 27 http://www.capital.fr/bourse/actualites/la-croissance-du-marche-du-luxe-devrait-ralentir-en-2014-936006 28 Article : La croissance du Luxe est en train de se tasse, Challenges.fr, 19 mai 2014 29 Source : Cabinet Deloitte, poids économique du secteur du luxe en France, en 2013.

Page 16: Anaïs desbos  luxe et démocratisation entre idéal et illusion

16

L'industrie du Luxe est aujourd’hui fragilisée par les événements économiques mondiaux tels que la

chute du tourisme, la crise boursière, qui touchent principalement une clientèle occasionnelle. Mais

le Luxe perdure en s'appuyant sur de solides éléments structurels tels que la proportion grandissante

des classes à hauts revenus dans la population, la conquête de nouveaux marchés comme la Chine, le

développement des voyages. Selon l’étude de 2014 du cabinet Bain & Company30, « malgré la crise,

la croissance du secteur du Luxe se poursuit. Le secteur a enregistré un chiffre d’affaire de 153

milliards d’euros en 2009, 212 milliards d’euros en 2012 et 223 milliard d’euros en 2014. Une

croissance ralentie certes, mais qui semble pérenne. La croissance du secteur a un rythme toutefois

moins soutenu, avec +2% en 2014, après plusieurs années de progression à deux chiffres. Cette

croissance est essentiellement due aux touristes, ses premiers clients. »

De manière générale, les biens et services de Luxe européens ont su conserver une place

prépondérante car ils jouissent d’une synchronisation des modes, de la mondialisation et souffrent

peu de la concurrence des autres continents. Le secteur du Luxe s'adresse à une clientèle de plus en

plus nombreuse, ce qui présente d'importantes perspectives de croissance pour les prochaines

années.

B - Les différents produits de luxe

Comme nous l’avons évoqué dans la définition, l’achat d’un produit de luxe est stimulé par un désir

de satisfaction personnelle et sociale, mais il est aussi encouragé par une stratégie de

communication et de marketing. Les différents produits proposés par une enseigne de Luxe

« classique », avec une histoire basée sur la mode, sont répartis en plusieurs échelons et s’inscrivent

dans différents « niveaux de luxe », tels que 31 :

l’inaccessible : les marques célèbres proposent des produits leaders au travers de leur

campagnes de publicité et de leurs défilés saisonniers, mettant en avant la préciosité des

matériaux, l’intemporalité du modèle. Ces articles sont édités en petite série et issus d’un

haut travail d’artisanat. Il s’agit de créer un produit inaccessible à la plupart des

consommateurs du fait de son prix, mais d’en faire une référence du style et des codes de la

maison. La marque crée ainsi une essence et une aura de Luxe.

30 Capital, dossier spécial, n°’ décembre 2014 – janvier – février 2015 : de Cléopâtre à Hermès… La Folle histoire du Luxe 31 Ce classement provient de JAUFFRINEAU Chloé, PACULT Mickaël et BLANCHY Lucas, Le Luxe exposé économie et gestion, 2DSAA, 2014

Page 17: Anaïs desbos  luxe et démocratisation entre idéal et illusion

17

l’intermédiaire : les produits affichés en page des magazines et portés lors des défilés sont la

plupart du temps réservés à une clientèle médiatique et célèbre (placement de produit) ou

bien extrêmement fortunée. La cliente des maisons de Luxe doit se contenter d’un niveau

intermédiaire basé sur les premières déclinaisons des produits prestigieux. Il s’agit toujours

d’un article de grande qualité mais souvent produit en quantité pour alimenter les points de

vente du monde entier. Sa durée de vie est réduite à la saison, ce qui en fait un produit de

mode.

l’accessible : le dernier niveau de Luxe est certainement l’un des enjeux essentiels pour une

marque. Il s’agit des déclinaisons plus éloignées de l’activité principale comme les

cosmétiques, le parfum, les sacs et accessoires ou encore les arts de la table. L’ensemble de

ces gammes de produits sont les moteurs de l’industrie de Luxe car ils financent en grande

partie l’ensemble de la machine. En effet, leurs prix abordables -de quelques dizaines d’euros

pour un produit cosmétique à quelques centaines d’euros pour un sac- sont bien loin de ceux

des vêtements des plus grandes maisons de la haute couture. Ainsi la maison démocratise

ses produits, fabriqués en grande série avec des moyens de production parfois automatisés.

Elle attire un consommateur en quête de satisfaction personnelle et sociale mais n’ayant pas

les moyens de garantir son originalité et sa distinction. A son niveau et avec ses moyens, il

achète une part de rêve sous tendu par des produits de Luxe inaccessibles. L’autosatisfaction

et le sentiment de Luxe que procurent ces produits entretiennent le chiffre d’affaires des

maisons de Luxe, permettant de financer de nouvelles collections et de nouveaux produits

inaccessibles.

Derrière les doux noms des marques de Luxe se trouvent des groupes puissants, ingénieux et, qui

rivalisent sans cesse en matière de gestion des marques, de créativité, de communication et de

distribution. Depuis quelques années, la mode est à la concentration32. Cette opération a pour but

d’intégrer des maisons indépendantes dans des grands groupes. Les grands acteurs du secteur

confortent leurs positions à l’international et sont donc obligés d’étendre leur visibilité sur ces

territoires. La conjoncture économique internationale actuelle a obligé les industriels du Luxe à

effectuer des changements dans leur politique ; la première étant le désendettement par un

accroissement de la capacité financière, une modernisation des outils de production, un déploiement

des réseaux commerciaux, plus de création et d’innovation. En effet, chaque marque de Luxe veut

32 Processus de diminution du nombre d'entreprises pour un marché donné, qui peut engendrer la création d'un monopole. C'est une tendance naturelle de l'économie de marché à laquelle le droit de la concurrence vise notamment à remédier.

Page 18: Anaïs desbos  luxe et démocratisation entre idéal et illusion

18

donner au public une image d'elle et de ses produits, qui vise à être ancrée dans l'esprit des clients.

L’enjeu principal est donc de se démarquer de ses concurrents.

De plus, au cours des vingt dernières années, le Luxe a intégré une nouvelle ère. Les produits et

services de Luxe sont progressivement descendus dans la rue. Par exemple le parfum créé par une

marque de Luxe ou certains produits comme les accessoires, sont occasionnellement consommés par

le plus grand nombre. Certaines maisons de Luxe ont démocratisé leur offre afin d'élargir leur

clientèle, espérant par là faire du volume. Ainsi le plus grand nombre pourra se parfumer avec Must

de Cartier33, mettre ses clefs dans un petit trousseau au monogramme LV (Louis Vuitton). La

longévité des marques Luxe repose sur un paradoxe : mettre en scène des produits luxueux réservés

à l'élite, pour vendre en toute simplicité des produits banalisés au plus grand nombre.

Grâce à la diversification, les marques développent leur clientèle au grand public en devenant des

marques multi-segments au risque de créer de nombreuses licences. Par exemple, Gucci est au

départ un maroquinier. Cependant depuis 1995, la marque a multiplié les licences au point de

proposer des briquets Gucci.

De plus, par la déclinaison qui consiste à créer des produits ou des enseignes d’entrée de gamme, les

marques de Luxe visent toujours le même objectif : accroître leur chiffre d’affaires en devenant

accessibles au plus grand nombre. Christian Lacroix, propose une ligne Bazar avec des articles à

moins de 150 euros. Et Louis Vuitton, propose des cartouches d'encre, très « cheap ».

Pour multiplier leurs chances, certaines marques allient diversification et déclinaison, tel Giorgio

Armani : sa griffe haut de gamme a donné naissance à des sous-marques moins chères (d'Emporio

Armani à Armani Jeans). Cependant, les marques utilisant la diversification et la déclinaison prennent

le risque de perdre leur caractère imaginaire, de se dévaloriser et d’altérer leur image.

En conclusion, le plus gros risque pour une marque est de ne plus être considéré comme une marque

de Luxe. Cela a été le cas de la société Gucci : elle avait tellement multiplié les licences qu'en 1995 on

ne reconnaissait plus son appartenance au monde du Luxe. Il lui faudra, pour retrouver un statut fort

de marque de Luxe, abandonner la stratégie de diversification et compter sur le génie du créateur

Tom Ford et sur l'ingéniosité du PDG Domenico de Sole.

C’est pour répondre à l'engouement du grand public et faire du profit que les marques se sont

lancées dans ces stratégies, afin d’acquérir une stature internationale. Mais aujourd'hui face aux

risques de banalisation, les marques préfèrent contrôler leur production et leur distribution. C'est

d'ailleurs en utilisant une distribution en réseau sélectif que les marques de luxe pourront toucher le

public qui leur convient.

33 Entreprise du secteur de luxe qui conçoit, fabrique, distribue et vend des bijoux, des montres et des lunettes et des portefeuilles. Fondée à Paris en 1847 par Louis-François Cartier

Page 19: Anaïs desbos  luxe et démocratisation entre idéal et illusion

19

C- Le Luxe et sa clientèle

Malgré la crise qui sévit depuis maintenant plusieurs années, le marché du Luxe se porte bien, grâce

notamment au nombre croissant de ses consommateurs. Selon l’étude de Bain & Co, près de 10

millions de nouveaux consommateurs entrent sur le marché du Luxe chaque année. Ainsi, le nombre

de consommateurs de produits de Luxe dans le monde a plus que triplé ces vingt dernières années,

passant de 90 millions en 1995 à près de 330 millions en 2013. Ce chiffre devrait même atteindre 400

millions d’ici 2020. Parmi ces 330 millions de consommateurs, 45% sont considérés comme « vrais

acheteurs de luxe », le reste, représentant 90% des dépenses mondiales en Luxe, oscille entre achat

de produits « haut de gamme » et produits de Luxe. Si l’essentiel des ventes a encore lieu sur les

marchés matures (Europe, Etats-Unis, Japon), la clientèle change progressivement. Elle est de plus en

plus issue des pays émergents, achète de plus en plus lors de ses voyages, et profite ainsi du

développement du « travel retail 34 ». Malgré l’explosion des pays émergents, la plus forte croissance

de consommation viendra du Japon en 2014, avec une hausse des ventes de 9% à 11% de produits de

Luxe, ce qui représente une hausse de presque 20 milliards d’euros. Les clients japonais représentent

environ 10% du total des clients du marché du Luxe (35 millions).

Les Etats-Unis affichent eux aussi une croissance de la consommation en hausse, d’environ 4% à 6%,

« mais plus près de 6% que de 4% », a ajouté Claudia Arpizo, car portée par une hausse du tourisme

et de la confiance du consommateur. Ils sont près de 90 millions et représentent à eux seuls 27% des

dépenses dans ce secteur.

En revanche, du côté russe, les prévisions ne sont pas les mêmes. En effet, les tensions politiques qui

règnent actuellement en Russie et la possibilité d’une crise structurelle, risquent d’aggraver les

perspectives économiques. Bain & Co estime que les ventes de produits de Luxe pourraient y baisser

de 4% à 6%.

La clientèle chinoise pourrait représenter quant à elle plus de 30% des ventes mondiales du Luxe,

alors qu’elle ne représente que 14% des acheteurs (50 millions).

On compte environ 80 millions de clients venant d’Europe de l’Ouest, 20 millions de l’Europe de l’Est.

L’Amérique du Sud présente elle aussi environ 20 millions de consommateurs, le Moyen-Orient 10

millions. Selon Claudia Arpizo, la nouvelle vague de clients viendra prochainement d’Afrique.

En plus d’une distinction d’après leur origine, les consommateurs du Luxe peuvent être classés en

plusieurs profils, en fonction de leurs habitudes de consommation. On les distingue selon les critères

suivants 35:

34 Réseau de boutiques détaxées dans les aéroports 35 Le Figaro.fr, Les 7 nouveaux visages de la consommation mondiale de Luxe, 15 février 2014

Page 20: Anaïs desbos  luxe et démocratisation entre idéal et illusion

20

Client régulier : fidèle et connaisseur du secteur, il apporte de l'importance au produit fini

Client omnivore : il est souvent jeune et féminin, nouveau sur le marché du Luxe. Ce client cible

les magasins de la marque et achète beaucoup lors de ses voyages

Client investisseur : il est très attaché à la qualité des matériaux et à leur durabilité; il privilégie

les achats de longue durée et de transmission

Client hédoniste : il est très friand du shopping de Luxe, il apporte beaucoup d'importance à la

marque et aux logos.

Client occasionnel : il achète des produits de Luxe pour « marquer le coup » lors d'un

évènement (mariage, anniversaire...). Le produit de Luxe a une valeur émotionnelle ou

sentimentale pour lui.

Client aspirant : il aime combiner le Luxe et les autres produits; il est très influencé par ses amis

ou les magazines.

Client très rare : il n'achète que très rarement des produits de Luxe; ceux qu’il achète sont

"accessibles" (cosmétique, petits accessoires).

De ces différents profils devront découler des stratégies de communication et marketing différentes

de la part des marques de Luxe.

Un produit de Luxe est en effet une part de rêve que les maisons offrent discrètement à certains

initiés. Exalter les sens, créer des émotions, le Luxe approche la perfection en alliant créativité,

savoir-faire et tradition. Le consommateur achète aussi du Luxe pour se faire plaisir36. Cette

dimension confère aux marques la nécessité d’évoluer en termes de produits, de communication, de

positionnement et de se moderniser sans perdre pour autant leur héritage. La marque de Luxe est

en effet une marque familiale, dont l’origine prend racine dans son histoire. Son créateur a su, à un

moment propice, conjuguer son savoir-faire, sa passion et ses ambitions pour donner naissance à un

véritable art de vivre partagé par des passionnés.

Nous pouvons partir du constat que l’univers du Luxe est lié à des besoins parfois superflus, à des

désirs, des volontés et des rêves que nous aspirons à assouvir. Cet univers est destiné à enrober d’un

jolie voile l’individu et son environnement. Le consommateur cherche par l’achat d’objets de Luxe à

séduire, donner ou se faire plaisir37. Le Luxe est généralement associé à la beauté. Il fait référence

aux cinq sens, mais aussi à la satisfaction individuelle et au souhait de s’élever au-dessus de sa

condition sociale.

37 Cf : Annexe 5, Enquête grand public « Le Luxe et vous », février 2015

Page 21: Anaïs desbos  luxe et démocratisation entre idéal et illusion

21

La première règle lors de l’introduction de produits sur le marché est d’être conforme aux aspirations

des consommateurs et de les comprendre au point d’anticiper leurs envies, afin d’assurer aux

marques de Luxe une pérennité. Le cœur de cible du secteur du Luxe possède des caractéristiques

propres. Tout d’abord le consommateur a des moyens financiers nettement supérieurs à la moyenne

(CSP les plus élevées). Cette catégorie sociale est désignée comme l’élite de la société ayant des

motivations très particulières. Il faut répondre à leurs désirs et non à leurs besoins. Il est donc

nécessaire de miser sur le mental plus que sur le matériel. Cibles hédonistes de moins en moins

fidèles aux marques, ils souhaitent toujours plus de qualité et surtout de valeur ajoutée immatérielle

(service, citoyenneté, écologie...). Pour les atteindre, les marques doivent provoquer la demande.

Généralement le créateur impose donc ses goûts. Cette cible sélectionne ses objets de Luxe selon

deux critères : les plus novateurs et les plus inaccessibles. Elle souhaite par cet achat réaffirmer son

statut social. De plus, elle a un style de vie très distinctif, elle veut être différenciée des « nouveaux

riches ». Le Luxe est donc pour elle un signe d’appartenance à un groupe spécifique et sélectif.

Ainsi la cible principale regroupe en son sein ces « nouveaux riches », généralement jeunes (à partir

de 25 ans) qui ont acquis un rang social élevé grâce à des revenus issus du monde des affaires, des

industries de hautes technologies. Ils voient l’univers du Luxe comme le miroir de leurs choix

esthétiques ainsi que de leur personnalité.

Les modes de consommation de notre société ont beaucoup évolué au fil des décennies. Hier, on

consommait des biens nécessaires voire indispensables alors qu’aujourd’hui on tend à rechercher le

plaisir avant tout. Comme le dit si bien Bernard Dubois dans L'Art du marketing : « "jadis alimenté par

la consommation ordinaire de gens exceptionnels, le luxe se nourrit aujourd'hui de la consommation

exceptionnelle de gens ordinaires". »

Dans la dernière partie de ce mémoire, il sera démontré que « le luxe peut également être une

consommation exceptionnelle de gens ordinaires »38, en abordant les conséquences de cette

nouvelle tendance pour les marques.

Après avoir évoqué le marché du Luxe, son histoire, ses composantes et sa stratégie, nous allons

désormais nous pencher sur l’évolution de ce secteur face à la mondialisation

38 HERSARD Katia, directrice de la marque Club Med au marketing stratégique

Page 22: Anaïs desbos  luxe et démocratisation entre idéal et illusion

22

PARTIE 2 : L'EVOLUTION DU LUXE ET LA MONDIALISATION

Face à ces difficultés d’établir une définition précise, Kapferer39 s’est quant à lui lancé dans une

définition du point de vue du consommateur de Luxe. Il définit ainsi le Luxe comme : « de l’art qui

s’applique à des objets fonctionnels. Telle la lumière, le luxe éclaire [...] (Les objets de luxe) offrent

davantage que de simples objets : ils représentent la référence du bon goût. C’est pourquoi le

management du luxe ne doit pas dépendre uniquement des attentes du consommateur : les marques

de luxe sont animées par leur programme interne, leur vision globale, le goût particulier qu’elles

mettent en valeur, ainsi que la poursuite de leur propre standard ... Les objets de luxe procurent un

plaisir supplémentaire et flattent tous les sens à la fois. »

I. Le Luxe et sa stratégie financière

A- Le Luxe et son financement

La première spécificité financière des sociétés de Luxe est l’importance de la valeur de la marque.

« La stratégie financière d’une marque de Luxe consiste à maximiser non le résultat net, mais la

valeur de la marque; elle s’oppose aux stratégies traditionnelles ». Cela a pour conséquence que

l’organisation elle-même adopte une culture tournée vers le compte d’exploitation. De plus, les

marques n’étant jamais portées au bilan à leur vraie valeur, surtout tant que la société reste

contrôlée par la famille, les sociétés de luxe ont généralement un « return quality » très élevé,

phénomène accentué par une rentabilité souvent très haute, indispensable au luxe », comme nous

allons le voir.

L’émergence de groupes de luxe est récente. Le premier, LVMH a été fondée en 1987 donc il y a

seulement vingt-cinq ans, alors que L’Oréal remonte à 1939 et que Procter & Gamble a été fondé en

1837, donc avant même Louis Vuitton (1854). Il existe une grande différence de gestion entre les

sociétés familiales et les sociétés cotées : les premières pensent surtout au maintien de la valeur et

de l’image du nom, qui est souvent le leur, alors que les secondes cherchent la rentabilité à court

terme et une croissance à tout prix.

Les grands groupes de Luxe sont en réalité des Holdings : une société ayant pour vocation de

regrouper des participations dans diverses sociétés et d’en assurer l’unité de direction. La création

d’une holding permet aux majoritaires d’accroître leur pouvoir dans les affaires gérées via des

39 BASTIEN Vincent et KAPFERER Jean-Noël, Luxe Oblige, Paris, 2013, Eyrolles, 454pages, p. 61 à 72.

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23

participations financières. La holding gère et contrôle des sociétés ayant des intérêts communs.

Généralement, la société holding est une société mère. Elle permet donc à une personne ou à un

groupement de personnes de détenir et/ou de contrôler une multitude de sociétés nationales et

internationales sans avoir besoin d’apparaître en tant que dirigeant de toutes les sociétés sous-

jacentes. Une holding peut également effectuer des actions de contrôle, d’aide au lancement

d'entreprises récemment créées, gérer des brevets, placements et financements. L’avantage

considérable d’une holding est de pouvoir détenir de nombreuses participations et un contrôle

relativement important à partir d’un capital réduit, ce grâce à la possession d’holdings par d’autres

d’holdings : il suffit de détenir 50% +1 action d’une entreprise pour la contrôler.

Le leader est LVMH (Moët Hennessy Louis Vuitton), une holding détenant plus de cinquante marques

dans le secteur du Luxe. Le groupe LVMH est né en 1987 du rapprochement de Moët Hennessy et

Louis Vuitton qui a permis de constituer le leader mondial des produits de Luxe. Héritier d’une

longue histoire, LVMH réunit des métiers nobles, à fortes traditions et un ensemble unique de

marques mondialement établies. Dans le domaine du champagne, des spiritueux et de la

maroquinerie, les sociétés qui le composent sont centenaires, voire bicentenaires (Moët & Chandon -

1743, Veuve Clicquot Ponsardin - 1772, cognac Hennessy- 1765, La Maison Louis Vuitton – 1854). De

même dans le domaine des parfums et cosmétiques et celui de la couture, la Maison Guerlain

remonte à 1829, Christian Dior à 1947 et Givenchy à 1951. Aujourd’hui, le groupe compte plus de 50

marques (Céline, Berluti, Kenzo, Marc Jacobs, Fendi…) grâce à une politique de croissance externe40

agressive.

Autre groupe important, le groupe KERING anciennement Pinault-Printemps-Redoute (PPR) est une

holding française. Elle est composée de plusieurs groupes ou marques, créée par le milliardaire

François Pinault et pilotée par la holding Artémis. KERING développe à travers ses filiales un

portefeuille de marques grand public et de Luxe qui sont distribuées dans cent-vingt pays. Le 2 juin

1962, François Pinault inaugure les Etablissement Pinault, spécialisés d’abord dans la négociation du

bois, puis dans les matériaux de construction. Le groupe va s’agrandit avec la prise de contrôle

d’enseignes de distribution grand public comme le Printemps, la Redoute, ou encore la Fnac.

L’année 1994 marque l’entrée de PPR dans le secteur du Luxe avec l’acquisition de 42% de Gucci

Group NV. Actuellement, le groupe possède des marques de Luxe de renom telles que Yves Saint

Laurent, Sergio Rossi, Bottega Veneta, Balanciaga et a signé des accords de partenariat avec Stella

McCartney et Alexander McQueen.

40 Elle correspond pour un groupe à l'acquisition de sociétés concurrentes ou complémentaires qui augmentent ainsi son volume d'activité. http://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_croissance-externe.html?GAJZAeG7VODYJAy4.99

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Les groupes investissent pour accroître leur chiffre d’affaires ; ils veulent de ce fait que la croissance

de leurs marques protégées soit toujours en hausse, et se séparent de celles qui sont non rentables

financièrement : KERING a revendu ses marques phares. KERING a également revendu Conforama

en 2011, puis Redcats, la Fnac, et en janvier 2013 la Redoute. Le groupe se sépare de ces marques

afin de conserver sa ligne directrice entretenue depuis 2005 : un recentrage autour des marques de

Luxe et de sport. Le PDG François Pinault a ainsi proposé un nouveau nom pour le groupe: Kering,

Ker signifie « maison », « foyer », et le suffixe anglais-ing suggére l’action.

Le marché du Luxe est actuellement caractérisé par l’éclatement de la demande. L’offre est détenue

par de grands groupes propriétaires de différentes grandes marques et des fonds d’investissement.

Ils sont présents sur les marchés financiers comme la bourse. Mais ils font aussi appel au

financement participatif 41 pour se financer: « Celestina Agostino, la créatrice de la maison du même

nom, spécialisée dans les robes de mariées haut de gamme, se lance dans une opération de

financement participatif : Une première dans la haute couture. »42

La mondialisation offre de nombreuses opportunités d’investissements pour les marques de Luxe.

B- Les BRIC et pays émergents, nouvel eldorado du Luxe

Selon « lesmetiers.net » : « En Europe, le marché du Luxe est devenu mature et vieillissant avec une

clientèle spécifique, tandis qu’il existe dans les pays émergents (Chine en tête, Brésil, Russie, Inde) un

marché du Luxe en plein développement avec l’apparition d’une classe moyenne et aisée, qui aspire à

se différencier par la consommation. A titre d’exemple, les 78 maisons du Comité Colbert disposent de

plus de 1 600 points de vente rien qu’en Chine ! » Avec la première édition de son étude Living Luxury

in Emerging Markets menée entre février et avril 2011, l’Ifop se penche sur la sociologie de

consommation des acheteurs de Luxe dans les pays émergents. Elle a pour but de comprendre les

acheteurs de Luxe dans les pays émergents pour permettre aux entreprises d’adapter leur stratégie

d’implantation, leur offre et leur communication. Cette étude est concentrée sur les marchés du

Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine, du Mexique et de l'Argentine.

Premier constat: après la crise de 2008, le secteur du Luxe affiche une excellente reprise en 2010

notamment dans ces pays émergents avec l’essor de la classe moyenne et le développement de

classes aisées. Sur le territoire de la Grande Chine (Chine continentale, Hong-Kong, Macao et

41 Le financement participatif (en anglais crowdfunding) est une expression décrivant tous les outils et méthodes de transactions financières qui font appel à un grand nombre de personnes pour financer un projet. 42 lesechos.fr 2 avril 2015

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Taiwan), le secteur du Luxe a ainsi connu une croissance de près de 30% en 2010 (source: Bain & Co),

à comparer au Japon qui ne progresse que de 2%, l'Amérique et l'Europe de 7 à 8%.

Selon Stéphane Truchi, président du directoire de l'Ifop43, pour la clientèle des BRIC : « si la qualité

reste la valeur maîtresse du luxe, les motivations sont différentes suivant les cultures.» Il ajoute

qu' « en Chine, le Luxe répond à la fois à un besoin d'exprimer un style de vie «trendy», une

personnalité unique et la volonté de montrer sa distinction sociale, ceci comme dans tous les pays

émergents. En Inde, au-delà de la quête d'expression statutaire, c'est avant tout un moyen d'exprimer

sa personnalité. En Russie, le plaisir et la quête de distinction sociale sont les premières motivations,

alors qu'au Brésil, l'achat de luxe recouvre des notions plus individuelles, motivé par des désirs

hédonistes comme le plaisir pour soi et le besoin de se récompenser. » La sécurité en boutique est

également un critère important au Brésil et en Russie. Pour l'Ifop il y a là un terrain à conquérir car

l'expérience proposée par les boutiques de Luxe dans les pays matures reste supérieure à celle

proposée dans les pays émergents.

Pour développer le marché du Luxe dans ces pays, « les marques ont un devoir d'initiation aux codes

du Luxe tout en s'adaptant aux cultures », rappelle le président de l'Ifop. En Russie, il faut renvoyer

des signes de plaisir et de sensualité propres à l'âme russe et intégrer des signes locaux dans la

communication des marques internationales, pour créer l'adhésion d'un consommateur animé par

des valeurs patriotiques, indique l'étude. En Chine, il s'agit pour les marques de revendiquer leur

savoir-faire spécifique, l'authenticité de leurs modes de fabrication, mais aussi transmettre un rituel

de consommation sachant que même si les jeunes manifestent un regain d'intérêt pour les rites et

traditions, la revendication de l'origine étrangère est un élément contribuant au succès du Luxe.

Le Luxe, par sa définition ne s’adresse pas à l’ensemble des consommateurs et se divise en biens

matériels ou de services. Dans les pays européens, le Japon ou les Etats-Unis, le marché du Luxe est

occupé à 68% par des prestations et des services alors que les pays émergents comme la Chine,

l’Inde et plus récemment le Moyen-Orient, n’y consacrent que 45% de leurs dépenses. Ces derniers

privilégient des produits visibles pour affirmer leur nouveau statut, alors que les acteurs du Luxe plus

anciens et donc plus matures se tournent vers des biens plus sophistiqués et moins tangibles.

La Chine compte plus d’un million de millionnaires et les dirigeants asiatiques, Chine et Inde

majoritairement, annoncent un potentiel de plus de 400 millions de sujets à fort pouvoir d’achat

prêts à consommer le Luxe en excès. Selon la banque HSBC, la clientèle chinoise a déjà représenté

43 L'Ifop, fondé en 1938, est le premier institut de sondages d'opinion et d'études marketing à avoir vu le jour en France. Il reste aujourd'hui l'un des principaux acteurs de ce marché

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35% des achats luxe dans le monde en 2012 devenant ainsi le deuxième consommateur mondial. De

plus la clientèle chinoise est jeune : la moyenne d’âge d’un consommateur est de 25 ans, soit 15 ans

de moins qu’en Europe ou Amérique. Les nouvelles classes aisées souhaitent bénéficier rapidement

de ce confort mais aussi en faire profiter leurs enfants.

« Autrefois, les fortunes se construisaient plus lentement, les nouveaux venus avaient le temps de

raffiner leurs goûts, animés par la volonté d’intégrer les élites. Désormais, on fait fortune très vite et

le temps manque pour intégrer cette culture » Frédéric Malle, parfumeur français

Aujourd’hui, les Maisons de Luxe se concentrent sur trois zones géographiques, le Moyen-Orient, le

Brésil et la Turquie. Le Moyen-Orient et le Brésil sont en plein essor économique et voient affluer des

capitaux très importants. Des fortunes se créent et de nouvelles classes aisées sont, à la manière des

asiatiques, désireuses d’accéder rapidement à des produits ostensiblement luxueux. Le cas du Brésil

est particulier car le commerce ne se fait pas dans la rue. Les achats de produits de Luxe s’effectuent

encore exclusivement à l’intérieur de gigantesques centres commerciaux reliés directement à de

nouveaux complexes immobiliers acquis par des familles aisées ; ces zones d’achats sont entièrement

fermées sur elles-mêmes avec tous les services réunis en un seul et même point : boutiques,

restaurants, spas… La localisation des différentes marques haut de gamme est entièrement contrôlée

par deux groupes leaders qui construisent et gèrent ces centres. Le développement dans ce pays est

donc entièrement dépendant de l’évolution de ces « zones sécurisées luxe ». La nécessité de ces

bulles de sûreté est le reflet du manque de sécurité qui règne encore au Brésil.

Alors que le Moyen-Orient est devenu une destination phare dans la stratégie du Luxe mondial, sa

population relativement jeune a acquis ces dernières années un pouvoir d’achat très important, en

raison du dynamisme de son économie mondiale. Les grands représentants de cette nouvelle

puissance sont DubaÏ, le Quatar, Abou Dhabi, Bahrein ou encore le Koweït. Le shopping est

profondément ancré dans la culture régionale car 90% déclarent faire des achats régulièrement.

Pilier de la vie sociale, il favorise les rencontres, surtout pour les jeunes, puisqu’ils sont parmi les

rares lieux de mixité hommes-femmes. De plus, l’offre de loisirs est restreinte, et les conditions

climatiques contraignantes limitent les activités de plein air. Ainsi pendant plusieurs mois de l’année,

la vie se passe à l’intérieur de grands centres commerciaux dédiés à la consommation. Chez eux, ils

dépensent en moyenne 1300$ par mois en vêtements et accessoires dont 700$ en prêt-à-porter et

300$ en chaussures. Contrairement au reste du monde, les consommateurs de la jeune génération

ont connu la richesse depuis leur naissance et sont déjà des consommateurs de Luxe expérimentés.

Ils disposent notamment d’un budget de 100$ par mois, sur le concept de la consommation-

divertissement, il s’agit d’une région où le commerce se base sur les relations, la confiance et la

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fidélité, ce qui fait des réseaux un élément incontournable pour réussir. Le tourisme mondial est

également un point fort de cette zone géographique située entre l’orient et l’occident. Avec une

croissance rapide de visiteurs, le Moyen-Orient en attend 101 millions d’ici 2020, doublant le chiffre

actuel.

En 2013, les Maisons de Luxe, principalement françaises mettent le cap sur la Turquie. A l’aide du

Comité Colbert, qui concentre son action sur les marchés émergents pour le développement du Luxe,

les grand groupes ont appris à comprendre et se sont informés précisément sur l’état actuel du pays.

Ils ont mis en place des stratégies internes pour appréhender au mieux leur implantation sur ce

nouveau marché. Une conférence réunissant les adhérents du Comité Colbert a permis de définir les

enjeux géopolitiques et économiques de cette puissance qui connait une croissance sans égale en

Europe et qui s’inscrit de fait parmi les pays les plus dynamiques du monde sur le plan économique.

Territoire entre l’Europe et l’Asie Centrale, la Turquie est un partenaire privilégié qui réduit les droits

de douanes et les frais sur l’importation des produits industriels de l’Union Européenne. Pays en

pleine révolution culturelle, la Turquie voit augmenter son nombre de visiteurs. Istanbul et son

attractivité renouvelée misent sur la multiplication des projets prestigieux de centres commerciaux

et espèrent attirer 28 millions de visiteurs par an.

Cependant, l’avenir du Luxe passe aussi par les pays développés qui restent des facteurs clés dans la

stratégie mondiale de cette industrie.

Selon les estimations du BCG (Boston Consulting Group) 70% des parts de marché du Luxe

demeurent détenues aujourd’hui par des pays développés. L’enquête annuelle menée par Ipsos (le

World Luxury Tracking) montre que malgré la crise, les consommateurs des pays matures continuent

d’apprécier le Luxe et que la crise a même accru sa valeur à leurs yeux. Malgré une population

vieillissante, mais avec une espérance de vie qui ne cesse d’augmenter, le nombre de séniors qui ont

le souci de leur apparence et de leur qualité de vie augmente.

Le Luxe a su s’adapter à l’évolution de son environnement en se réunissant en grands groupes

dominants le secteur, selon cette maxime: « ensemble on est plus fort ».

Les groupes tels que LVMH et KERING l’ont bien compris, car ils possèdent un portefeuille de clients

conséquent. Désormais le Luxe, n’est plus uniquement présent dans les suprématies européennes et

américaines ; il s’ouvre aux pays émergents.

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II) Le Luxe et le grand public

A- La Communication avant tout

En matière de Luxe, Paris reste le centre de la création, de la décision et de la définition de la

stratégie des entreprises. En revanche les fabricants sont présents sur tout le territoire français. Le

leader du marché du Luxe est le groupe LVMH (Louis Vuitton, Moët Hennessy). Le challenger est le

groupe Kering (ancien PPR). Ces deux groupes sont français. Les autres principaux acteurs sont : le

groupe Richemont (Suisse) et le groupe Prada (Italie). Ces grands groupes financiers et industriels ont

un point commun : la possession des portefeuilles de marques de Luxe riches d’une histoire

fondatrice qu'il est nécessaire d'exploiter. Ils ont compris qu'une marque a besoin d'avoir un point de

départ, une histoire humaine, même ancienne ou lointaine.

Une marque peut être qualifiée de vecteur de sens 44 car elle transmet un message à des

destinataires. Chaque marque crée son univers à travers un discours qui lui est propre en lien avec

ses produits, son histoire, ses projets et sa clientèle, afin d’être facilement identifiable et de se

démarquer de ses concurrents. Une marque est donc parfaitement intégrée dans un processus de

communication car elle est composée d’un émetteur (l’entreprise), d’un destinataire (le

consommateur, client) et d’un message.

De plus, l’identité d’une marque de Luxe peut être appuyée par une égérie qui représente la marque

et ses valeurs, telle que Kate Moss pour Calvin Klein. Cette identité peut reposer sur des

personnalités fortes de la marque, Tom Ford pour Gucci, Yves Saint-Laurent, Jean-Paul Gaultier. Mais

lors de la disparition du créateur ou de la personnalité qui caractérisait la marque, il est nécessaire de

faire durer cette identité de marque sans perturber le client.

Ces procédés permettent à la marque de proposer des produits ayant des valeurs symboliques,

imaginaires et de représenter le consommateur comme destinataire du message que souhaite

véhiculer la marque.

Le succès des marques de Luxe d’aujourd’hui repose sur une identité de marque solide basée sur un

code génétique (ADN : une histoire fondatrice). Une marque a besoin d’un point de départ, d’une

histoire, mais aussi d’un savoir-faire qui se transmet de manière concrète ou non ; dans tous les cas il

44 ATIKENT Aurélie, Les marques de luxe face à l’engouement du grand public, Grenoble, ESC Wesford, 2004, 25 pages, p16

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sera gage de qualité, de professionnalisme et confère à la marque sa renommée. Sans oublier des

signes distinctifs ; ils sont essentiels tels qu’un logotype, le service, le produit, le design ou la couleur

(le rouge Ferrari). Pour compléter tout cela, un langage propre à la marque est nécessaire, il se

retrouve dans les outils de communication. Le réseau de distribution s’adaptera à l’évolution

comportementale des consommateurs.

Pour être vue, une marque a besoin d’une identité forte pour être attractive auprès du

consommateur. Il est donc nécessaire d’avoir une communication adéquate. En termes de

communication, les campagnes sont généralement internationales et non différentes selon le pays.

Cependant, parfois le facteur culturel est tel que les marques varient les produits en fonction des

caractéristiques des pays où la marque est implantée. Notamment pour les produits de beauté, la

femme asiatique utilise plus de produits de beauté que la femme occidentale ; c’est pourquoi

Lancôme adapte ses produits et doit donc communiquer différemment sur ces deux marchés.

Les marques de Luxe opèrent une stratégie de communication basée sur l’image. Les codes de

communication ont pour but de créer des diktats. Les publicités sont souvent minimalistes45, le

produit est seul, ne reposant sur aucun support. Ce tableau a pour but de montrer la perfection du

produit. Généralement, le produit et la marque sont valorisés sans forcément les mettre en scène.

A mon avis, la communication des marques de Luxe repose sur trois éléments :

la qualité du produit

l’image de marque

et pour certaines marques la qualité de service.

Le Luxe utilise fréquemment, la presse, l’événementiel, le sponsoring comme moyens de

communication.

Les deux grands types de presse plébiscités par le secteur du Luxe sont :

la presse magazine féminine, de mode tels que : Elle, Cosmopolitain, Officiel, Vogue.

la presse pan-européenne, internationale avec le Time, Newsweek ; elle permet de miser sur

une image globale et de cibler les CSP les plus aisées et géographiquement mobiles.

Les marques de Luxe ont une forte présence médiatique dans les magazines.

« Le grand facteur de démocratisation, ce n'est pas le fait que les boutiques se multiplient, mais c'est

la publicité. A partir du moment où vous avez des pages et des pages de pub dans les magazines

45 Cf : Annexe 1 : Publicité pour le parfum Cartier, La Panthère – février 2014p 41

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“Elle” ou “Vogue”, vous devenez une grande marque et vous êtes moins une marque de Luxe »,

Régine Lemoine D’Artois.46

Quand une marque de Luxe s’engage dans le sponsoring son but est d’améliorer sa notoriété et son

image en associant son nom à un événement prestigieux : L’American Cup’s a été sponsorisé par

Louis Vuitton. Si la marque choisit de s’associer à un événement sportif, il est fondamental que le

sport véhicule des valeurs positives et proches de celle du Luxe comme la pureté, la beauté et

l’exclusivité.

Les acteurs du Luxe se livrent à une bataille sans relâche pour combattre le manque de fidélité des

clients. En effet, ces derniers suivent une mode qui est constamment en évolution. Les marques

cherchent donc à se démarquer et à devenir encore plus uniques. Cet engouement atteint également

le sponsoring ; la marque de Luxe sera un partenaire fusionnel et omniprésent, puisque la marque

communiquera sur l’événement dans ses points de vente et utilisera les relations publiques afin de

médiatiser au maximum l’événement auquel elle participe.

Les marques de Luxe ont un budget de communication en hausse et réalisent de nombreux

partenariats symboliques avec des marques grand public (H&M). Les marques allouent un budget

astronomique pour les défilés et il en est de même en sponsoring. Les grandes maisons de Luxe

souhaitent toucher un public plus jeune pour élargir leur clientèle ; elles utilisent internet et

l’événementiel.

Afin d’être vues de tous, elles sont désormais présentes sur les réseaux sociaux et proposent leurs

produits sur leur site internet. Nous pouvons désormais acheter un produit de Luxe comme nous

faisons nos courses sur le drive des sites d’hypermarchés.

Un produit de Luxe visible de tous est-il toujours un produit de Luxe ? Une communication à

outrance des marques de Luxe ne nuit elle pas à leur image de marque ?

Etre vu ne suffit pas, il faut aussi être trouvé …

B- Le Luxe, omniprésent

Les habitudes de consommation contemporaines 47 démontrent que de nombreux produits autrefois

considérés comme luxueux sont devenus des produits de consommation courants. C’est le cas du

saumon fumé, du foie gras, de certains matériels informatiques ou électroniques… Certaines

marques se démocratisent pour pouvoir toucher une clientèle plus large et accroître leur chiffre

46 Présidente d'Euromap

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d’affaires. De grands couturiers s’associent avec des réseaux de distribution populaires pour vendre

des collections griffées de leur nom à prix cassé comme Karl Lagerfeld avec H&M ou Jean-Paul

Gaultier avec La Redoute. Ce procédé peut être nommé par le terme "masstige" : un mot-valise

anglo-saxon né de la contraction des deux termes "mass" et "prestige". Il symbolise l'union d'une

marque de prestige et d'une marque de grande consommation, souvent le temps d'une collection

éphémère.

Les marques doivent veiller à conserver leur positionnement Luxe. Les produits de Luxe, censés être

inaccessibles, sont banalisés et rendus accessibles au plus grand nombre par la multiplication des

lieux de ventes. En France où le Luxe est un marché mature, les diverses formes de distribution co-

existent, avec une prédominance des circuits traditionnels, à savoir les magasins exclusifs et les

grands magasins :

Les magasins exclusifs ou succursales ; il s’agit des boutiques à l’enseigne de la marque. On parle

alors de distribution intégrée. Le nombre d’ouvertures est en voie d’accélération car ce choix

répond à la volonté des maisons du Luxe d’être plus visibles et lisibles auprès d’une clientèle

élargie tout en maîtrisant les marges (prix au détail) et l’image de marque (contrôle de

l’environnement des produits) : Guerlain.

Les grands magasins et les détaillants multimarques ; ce sont des enseignes de notoriété pour

l’essentiel. Elles détiennent de fortes parts de marché et ont une connaissance des goûts et des

comportements d’achats locaux. Ces grands magasins font appel à des bureaux d’achats pour

référencer les marques étrangères. Deux formes possibles : un référencement classique géré par

le grand magasin ou la location d’un espace clos ou « shop in shop » exploité par la marque de

luxe. Les magasins indépendants multimarques restent encore aujourd’hui l’une des principales

formes de distribution dans certains corps de métiers du luxe.

Il est aussi possible d’utiliser, le travel retail et le duty free ; ce sont des boutiques implantées

dans les lieux de passage ou de concentration des voyageurs : aéroports, gares. Il est possible de

recourir, suivant les lieux d'implantation, à des formules variées telles que boutique, kiosque,

borne de gare ou d'aéroport.

Les circuits alternatifs de distribution, par la vente à distance : le VPC (vente par

correspondance) n’est pas un format de distribution traditionnellement adopté dans le Luxe.

Mais certaines maisons développent leur circuit de vente par correspondance : Le club des

créateurs de beauté, les enseignes spécialisées : Sephora

Les circuits confidentiels : les sites de ventes privées proposent des ventes événementielles de

produits de Luxe. Ils bénéficient de fortes décotes par rapport aux prix boutique : boutiques des

grands hôtels, ventes aux enchères.

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Les marques de Luxe ouvrent de nombreuses boutiques en leur nom propre ou non. Les

consommateurs ont un intérêt très prononcé pour les grands distributeurs physiques, boutiques

multimarques (Les Galleries Lafayette), showrooms (Arlettie), grands magasins (Harod’s).

Par ailleurs, la présence des marques de Luxe sur internet est de plus en plus prononcé (e-commerce

propre et e-commerce multimarques), ventes privées online. Cependant par ces procédés de

distribution les produits de Luxe risquent de perdre leur prestige car ils sont visibles de tous.

C- Le Luxe, accessible

Une fois que les produits de Luxe ont été vus et trouvés par le consommateur, un dernier élément

risque de le freiner dans son acte d’achat : le prix. Le Luxe est un bien qui, de par sa qualité est

inaccessible à la plupart des gens et qui, de ce fait, est cher (monétaire ou difficile à obtenir).

C’est pourquoi les marques de Luxe font un effort pour rendre les produits plus accessibles

financièrement. Pour cela, elles optimisent leurs coûts de production via une délocalisation partielle

de la production, en Chine notamment, pour augmenter les marges et jouer sur les prix.

Il existe d’autres moyens pour accéder à des produits de Luxe, tels que le leasing et l’achat à crédit.

Mauboussin48 permet à ses clients via un partenariat avec des banques de payer ses produits en

plusieurs fois. Cette méthode est communément bannie dans le secteur.

Quant au leasing, le consommateur peut posséder un bien d'exception en versant des mensualités

et décider d'acquérir le bien à échéance. Cela met le produit à la portée de tous.

Il existe aussi de nombreux sites de location49 de produits de Luxe, pour louer le temps d’une soirée

une robe de créateur ou des bijoux : mabonneamie.com

Aujourd'hui, pour vendre et faire une croissance à deux chiffres, la cible est clairement le grand

public souhaitant acquérir des "produits de luxe". En réalité, ce n'est pas du Luxe mais du haut de

gamme/premium car ils ne respectent ni la rareté (multiplication des boutiques, duplication massive

des références), ni la qualité (produits souvent produits à l'étranger et non made in France pour

accroître les marges). Seul le prix est artificiellement élevé car les marges tournent autour de 40%

voire bien plus. Grâce à l'illusion de Luxe générée par les défilés couplés à des produits diffusés

massivement et optimisés en terme de marges, les grandes maisons prospèrent.

48 Mauboussin est un joaillier réputé, dont la première affaire a été fondée par Monsieur Mauboussin en 1827. La boutique de la place Vendôme à Paris ouvre en 1955. 49 Cf : Annexe2 : Emission : On n’est plus des pigeons, Louer des objets de luxe, c’est possible ? diffusée le 9 mars 2013 sur France 4

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L'appât du gain et l’éternelle quête d’accroître ses bénéfices dévaluent le secteur du Luxe et créent

une confusion dans l'esprit des consommateurs. De ce fait, nous pouvons nous demander : un

produit de Luxe visible de tous et à la portée du grand public est-il toujours un produit de Luxe ?

Nous pouvons donc penser que tout ce qui paraît luxueux aujourd’hui a vocation à être vendu

demain à grande échelle au plus grand nombre à un prix modéré. Katia Hersard, directrice de la

marque Club Med au marketing stratégique, a trouvé la formule adéquate : « Avant, le luxe, c'était

l'ordinaire des gens extraordinaires. Aujourd'hui, c'est l'extraordinaire des gens ordinaires ».

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PARTIE 3 : VERS UNE NOUVELLE DEFINITION DU LUXE

« Le parfum c’est le Canada dry du luxe. Ça ne coûte rien à produire, rien à offrir. C’est un véritable tour de passe-passe. Avec ce genre de produit, on promet le bonheur pour tous ; mais c’est une fausse idée. Pareillement pour un sac, même cher, qui est en vente dans tous les aéroports du monde, n’est

pas un objet de luxe. C’est au mieux, un objet à la mode. » Pierre Bergé

I. Luxe et Démocratisation : un danger pour les marques

A) Luxe et Démocratisation : un paradoxe

Luxe et démocratisation sont deux termes paradoxaux. En effet, le Luxe est synonyme de rareté, de

produit à destination d’une élite alors que la démocratisation a pour vocation d'être accessible à

tous. « La supposée démocratisation du Luxe est née vers 1990 quand les groupes financiers et non

plus industriels se sont intéressés de près aux marques de Luxe », poursuit Jean-Jacques Picart,

consultant mode et produits de Luxe. Ces groupes ont appliqué au Luxe, avec succès, leurs règles

d'un marketing forcené. Ils ont dans le même temps créé une ambiguïté entre le vrai Luxe et un

nouveau type de Luxe, le “luxe à la mode”».

Elyette Roux, professeur à l'IAE d'Aix-en-Provence et auteur de “Le Luxe Eternel” avec Gilles

LIPOVETSKY, juge la publicité en partie responsable de cette perte de repères : « Avant les années 90,

il y avait une différence majeure entre la communication des marques de luxe et celle des marques de

masse. Aujourd'hui, cela a changé, les différences se sont réduites. »

Pour Claire Paternault, responsable études Luxe et Beauté chez Risc International, c'est Calvin Klein

qui a véritablement révolutionné le secteur en choisissant Kate Moss comme égérie : « C'est le

parfum qui a fait exploser les codes du luxe ». Avant, cantonnée aux “fantasmes et à la préciosité”, la

publicité des marques de Luxe est ainsi descendue de son piédestal.

Et d'ajouter : « Kate Moss reflétait le mal-être générationnel. Calvin Klein a ainsi cassé la distance et a

vendu un Luxe à l'américaine ».

Autre paradoxe soulevé: le fait que de nombreux groupes détiennent à la fois des marques de Luxe

et des marques de masse, à l'instar de L'Oréal. « Du coup, les publicités se ressemblent beaucoup »,

constate Elyette Roux. La marque L'Oréal utilise ainsi des codes du Luxe dans ses campagnes de

communication, via des stars habituellement plébiscitées par ce secteur. Et elle est loin d'être la

seule. Mango utilise l'image de Claudia Schiffer, Gap celle d'Helena Christensen…

Le Luxe démocratisé est un paradoxe en soi ; il n’existe pas réellement mais est communément

appelé haut de gamme car il ne respecte ni la rareté, ni la qualité. Le grand public souhaite

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occasionnellement pouvoir se procurer des produits de Luxe afin de s’exposer avec, auprès des

autres, même si l’objet n’est qu’un accessoire d’une grande marque. Le secteur du Luxe poursuit sa

mutation sur des axes complexes tels que l’élargissement des territoires de marque, la nécessité de

conquête des nouvelles générations, l’évolution des réseaux de distribution et la politique de

communication. Ces mutations nécessitent des acteurs performants et expérimentés afin de prendre

les décisions adéquates. Comme nous l'avons vu tout au long de ce travail, l'important pour une

marque de Luxe est de susciter le rêve. Pour cela il faut qu'elle reste inaccessible au plus grand

nombre, afin de ne pas altérer son image de Luxe. C'est souvent l'identité même d'une marque qui

peut être en jeu, si celle-ci se retrouve dans les mains du grand public. Il faut donc que les marques

se fixent elles-mêmes leurs limites.

B) Les marques de Luxe victimes de leurs succès

La popularité a ses limites et devient néfaste pour Louis Vuitton en Chine. La marque se vend

tellement bien (deuxième plus important marché dans le monde) que cela devient banal. Les très

riches Chinois trouvent la marque un peu trop populaire. Le Luxe doit cultiver une forme de prestige.

Le Luxe industriel fait fuir les riches. Les nouvelles classes moyennes chinoises rêvent de Louis

Vuitton, elles économisent pendant des années pour s’offrir des sacs et autres accessoires de la

marque. A tel point que les plus fortunés des Chinois, les ultra riches, se lassent. D’après une étude

sur les personnes possédant plus de dix millions de dollars d’actifs disponibles, leur réponse est en

effet assez brutale pour la marque française: « Louis Vuitton est devenu trop populaire. Tout le

monde en possède. On ne peut plus aller au restaurant sans voir du Louis Vuitton «, expliquent-ils en

substance. De vraies opportunités se présenteraient sur le marché chinois pour des marques à priori

plus « Luxe » et raffinées, comme Chanel, Hermès. Le nombre de millionnaires chinois est censé

doubler dans les cinq ans à venir.

Louis Vuitton n’est pas la seule marque française à souffrir de son succès en Chine ; Audi aurait ainsi

perdu des parts de marché récemment au profit de BMW, Porsche, et Mercedes.

Il existe différents moyens de démocratiser un produit de Luxe. Cependant les marques doivent être

vigilantes afin de ne pas nuire à leur image de qualité. De nos jours, certaines marques de grande

consommation ont trouvé un moyen de rendre leurs produits luxueux, en sortant des collections

limitées de produits associés au nom d’un grand créateur. Il s’agit de transformer un produit

ordinaire en un produit exceptionnel en associant le nom d’un grand créateur à un produit du

quotidien. Exemple : Coca Cola avec Karl Lagerfeld, ou encore Jean-Paul Gaultier. Désormais un très

grand nombre de marques luxueuses profitent des « ventes privées » sur le web pour écouler leurs

stocks. Cette pratique peut leur faire perdre un peu de crédibilité. « Vendre sur le Web ne présente

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pas de danger si les marques maîtrisent la diffusion. Les ventes privées sont donc à éviter. Car les

marques qui se sont égarées sont celles qui n'ont pas maîtrisé leur diffusion », avertit Stéphane Truchi

(Président de l’IFOP). De plus, en complément des ventes privées, un très grand nombre de magasins

« outlet » se chargent des fins de séries de marques de Luxe pour attirer de nombreux clients. Les

ventes privées et les magasins « outlet » permettent aux marques de Luxe d’écouler leurs stocks

mais également de démocratiser leurs produits.

C’est aussi le cas du « packaging » qui est le premier support de communication de la marque ; il

exprime non seulement son identité mais également son dynamisme : annoncer un produit

exceptionnel sous un packaging ordinaire. La maison Petrossian, avec la boutique d'Armen

Petrossian, propose des produits novateurs : le caviar est vendu sous forme de caviar séché dans un

packaging de poivre. Produit de Luxe dans un packaging ordinaire que l’on utilise tous les jours.50 Par

la banalisation de la consommation, la maison Petrossian a mis en place une nouvelle conception du

caviar, abordable et jeune. Le caviar devient donc un produit que l’on peut déguster sous forme de

cubes pour l’apéritif.

Il convient de souligner également le rôle des sites web marchands ; le web est devenu le nouveau

média stratégique des enseignes, qui brise les frontières des classes sociales. Un site web est aussi

une opportunité pour une marque de s’internationaliser. En effet, il n’est pas évident de trouver un «

Shopping Mall » partout où nous le souhaitons, et encore moins dans les pays en voie de

développement. C’est pourquoi, de plus en plus de marques se démocratisent en vendant leurs

produits de luxe sur le web. Mais l’utilisation d’un site marchand rend la frontière entre un produit

de luxe et un produit de grande consommation légèrement confuse. En effet, la présentation d’un

site marchand ne diffère pas significativement lorsqu’il s’agit d’une marque de luxe ; la frontière

entre les deux positionnements devient donc mince. Jean-Jacques Picart (agent de conseil Français

en marketing dans les domaines du luxe) rajoute: « Internet et luxe font mauvais ménage. Dans l'acte

d'achat d'un produit de Luxe, l'environnement est très déterminant : décor, prestige, accueil

personnalisé, emballage et packaging font partie intégrante du plaisir d'acheter. Tout ceci est

incompatible avec Internet. »

Elyette Roux confirme: « La possession de boutiques en propre est un point clé. On rétablit de la

distance, du désir, car il faut faire la démarche d'aller dans certains quartiers. »

L'engouement du grand public pour les produits de Luxe a contribué au développement de la

contrefaçon de marques. Les marques doivent faire face à une contrefaçon à l'identique, ce qui sème

50 Annexe 2 : émission : On n’est plus des pigeons, Les pigeons ont des goûts de luxe diffusé le 9 mars 2015 sur France 4

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le doute dans l'esprit du consommateur. Les marques descendent dans la rue et leur image en est

altérée auprès de la cible. Cela a été le cas pour la marque Burberry ; elle a donc du positionner ses

produits dans le très haut de gamme.

Ainsi, certaines marques de Luxe se retrouvent prises en étau entre leur volonté de se démocratiser

et les marques de « mass market » qui utilisent les codes du Luxe. Selon Stéphane Truchi, «pour

séduire une nouvelle clientèle, des marques de luxe segmentent leur offre entre des produits

accessibles d'entrée de gamme et des produits de luxe.» Une solution pour des groupes qui

souhaitent accéder à une forte visibilité tout en préservant leur rareté sur certains produits. « Si une

certaine rareté perdure sur les marchés du luxe inaccessible, les groupes sont souvent obligés de créer

des produits chers positionnés sur du luxe intermédiaire et des produits de déclinaison sur du luxe

accessible », explique Danièle Alleres, fondatrice et directrice du DESS “Gestion des métiers de luxe,

de la mode et de l'art” à Paris III et auteur de l'ouvrage “Luxe… Stratégies Marketing”. Une idée suivie

par bon nombre de marques.

Pourtant, la Fédération Française de la Couture, tout comme celle de la Haute Horlogerie ou des

Spiritueux, délimitent la notion de Luxe dans chacun des secteurs en imposant une certaine

réglementation. Les étoiles pour les hôtels par exemple, distribués par des experts, offrent à un

établissement une image particulière qui renvoie à ses valeurs et permet de l’identifier ou pas

comme Hôtel de Luxe. Malgré tout, la surabondance et l’omniprésence du Luxe rendent son identité

confuse. Le Luxe donne l’impression d’être partout, et accessible à tous : la massification pose le

problème de la distinction entre vrai Luxe et faux Luxe ; il est appuyé par l’essor du web et mis en

danger par la contrefaçon.

Le Luxe a perdu ses repères et rompu avec ses codes classiques. Le langage Louis Vuitton résonne

aujourd’hui dans les cités et les logos Chanel et Dior sont portés par les plus jeunes « Fashionista ».

Le Luxe a ainsi dû instaurer de nouvelles règles afin de répondre aux attentes d’une nouvelle

demande de mieux en mieux informée et prête à investir.

Les marques classiques se sont alors diversifiées en élargissant sans cesse leurs gammes vers le haut

mais aussi vers le bas51.

51 http://www.marketing-etudiant.fr/actualites/luxe.php

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38

« Le phénomène de banalisation du luxe est la mise à disposition d’un plus grand nombre de

personnes, c’est-à-dire l’accession au luxe pour un public plus large, à un prix plus abordable », Eric

Vernier & Pierre Ghewy

Ce phénomène mal préparé et pas suffisamment encadré devient un danger pour la marque de Luxe.

La démocratisation du Luxe a besoin d’une stratégie pour ne pas entacher le prestige du Luxe.

II. Le Luxe, un prestige à préserver

A. Luxe et Démocratisation : des risques à éviter

« Inutile, superflu et vital à la fois, le luxe est un paradoxe en lui-même. S'il s'est démocratisé par

petits pas, il doit cependant garder ses distances pour ne pas tomber dans l'ordinaire. Pour trouver le

bon équilibre, tout est une question de jeu de jambes », Aurélie Charpentier & Ava Eschwege.

Afin de conserver le prestige au cœur de leur activité, les marques de Luxe souhaitant réintégrer les

sphères du Luxe devront organiser leur stratégie autour des deux axes suivants : le retour du produit

porteur de rêve au statut de matière première de leur activité, et l’inscription de leur héritage dans

le temps.

Ainsi, pour assurer la centralité du produit comme la fondation des rêves, les marques aspirant au

titre de marques de Luxe devront rétablir la notion d’écart comme pilier de leur stratégie de

communication, afin de réamorcer le ressort du désir et ainsi recréer le rêve de l’acquisition. Ce

procédé s’appuiera sur la mise en avant de l’artisanat comme support d’une qualité unique, recréant

la rareté de l’œuvre d’Homme destinée à l’Homme. Ce faisant, ces marques assureront une rareté de

leurs produits qui, si elle parvient à trouver l’équilibre entre l’unicité et la satisfaction du besoin de

personnalisation recherché par les connaisseurs, assurera un sentiment d’exclusivité chez ses

acheteurs. Ces derniers se sentant privilégiés, ils reforgeront par leur appréciation du produit la

valeur de rêve sur lequel le prestige repose. Enfin, ces marques parviendront à préserver leur Luxe et

leur prestige lorsqu’elles puiseront dans leur histoire et leur héritage les outils leur permettant de

refaçonner un univers qui leur soit propre, univers dans lesquels leurs clients se reconnaitront, et

qu’ils chercheront à transmettre, à léguer.

B. Luxe et Démocratisation : une stratégie à adopter

Une solution a fait ses preuves pour toucher un public large et accroître encore plus le chiffre

d’affaires sans entacher l’image de la marque: la création de filiales : Ainsi Abercombie & Fitch a créé

Page 39: Anaïs desbos  luxe et démocratisation entre idéal et illusion

39

3 filiales, dont Hollister Co. qui propose des articles moins chers qu'Abercrombie & Fitch et vise les

adolescents. Cette solution a permis au groupe d’étendre sa clientèle et sa réputation à travers le

territoire américain, puis à l’international. L’enseigne a accéléré l'expansion internationale de ses

magasins Hollister Co., ayant remarqué la très grande rentabilité de ses points de vente basés à

l'étranger.

Pour finir, un produit d’entrée de gamme est une solution envisageable pour les groupes souhaitant

accéder à une forte visibilité tout en préservant leur rareté sur certains produits. Elle apparaît

comme étant une des nouvelles stratégies pour les marques afin de démocratiser leurs produits.

Stéphane Truchi (Président de l’IFOP) argumente en disant : « Pour séduire une nouvelle clientèle, des

marques de luxe segmentent leur offre entre des produits accessibles d'entrée de gamme et des

produits de luxe. » Exemple : La marque Porsche et sa voiture le « Macan » (petit SUV qui apparaît

comme étant « le petit Cayenne »), à un prix qui pourrait débuter dès 45.000 euros. Ce choix a été

mis en œuvre, afin d’élargir sa cible et de viser un plus grand nombre de consommateurs.

Les marques de Luxe doivent prendre garde à leur surexposition médiatique et à une accessibilité

trop simple. La banalisation d’achat d’objets de Luxe peut avoir des conséquences : il faut beaucoup

de temps pour se créer une image de marque de luxe et l’ancrer dans l’esprit du consommateur,

mais peu pour perdre son prestige et sa distinction « Luxe ». Il est donc primordial pour les groupes

de Luxe d’établir une stratégie complète abordant la communication, la distribution, le prix et le

produit, et faire que l’ensemble intègre les valeurs du Luxe : savoir-faire, qualité, rareté pour

perdurer et conserver sa place sur le secteur.

« Le luxe n'existe que s'il creuse l'écart », résume Corinne Perez, directrice générale de BETC Luxe.

Cependant, si le luxe creuse l'écart, peut-on encore parler de démocratisation ? « Le vrai luxe est un

jeu de jambes nécessaire et subtil où il faut rentabiliser les investissements et s'afficher pour être

visible du plus grand nombre », ajoute Corinne Perez. A l’image de la marque Nespresso qui, en 2005

a investi la presse magazine par une campagne qui tranchait avec les codes classiques du secteur et a

développé une campagne proche de l'univers des grandes maisons de Luxe. Tout en communiquant

sur les codes du Luxe et en proposant des capsules de café à un prix non négligeable, elle a pourtant

réalisé pour ses fameuses machines ultra-design, en fin d'année dernière, une opération

promotionnelle dont le but était de toucher le plus grand nombre. Serait-ce là une démocratisation

de l'icône du Luxe du café ? « Absolument pas, rétorque Olivier Quillet, directeur marketing

international. Nous nous faisons juste connaître. N'oublions pas que seulement 3 % des ménages ont

une machine Nespresso. » Un fonctionnement qui répond à l'attente du Luxe des consommateurs.

Page 40: Anaïs desbos  luxe et démocratisation entre idéal et illusion

40

La démocratisation du luxe peut se définir par : « Le luxe c'est aussi ça : exposer au plus grand

nombre ce que vous vendez finalement à très peu de gens », Corinne Perez. Car le luxe exposé au

grand public est en réalité du premium/haut de gamme, mais pour attirer et vendre le terme Luxe

est plus attractif.

Page 41: Anaïs desbos  luxe et démocratisation entre idéal et illusion

41

CONCLUSION

Tout au long de ce mémoire, nous avons cherché à comprendre comment le Luxe, tel que défini par

ses particularités que sont l’art, la magie du rêve, la rareté, le raffinement, la créativité, les savoir-

faire artisanaux authentiques ou encore l’histoire, peut être intégré avec la nouvelle ère marquée par

l’enrichissement global des plus riches, l’émergence de classes moyennes dans les zones émergentes,

et la croissance du secteur entraînant la démocratisation de ses produits.

Il y a certes une démocratisation géographique du Luxe dans la mesure où les pays parviennent à une

élévation du niveau de vie des populations. D’autre part, dans les pays européens et américains il est

vrai qu'au siècle dernier la pauvreté a reculé et que les classes moyennes se sont élargies,

permettant ainsi aux produits de Luxe de toucher une population un peu plus nombreuse. Mais cela

reste quand même limité.

L’idéal serait que tous les biens, services et produits soient accessibles à tous pour une réelle

démocratisation comme le souhaitent les sociétés contemporaines. « Une société où le luxe se

démocratise est une société qui se pacifie » 52

Cependant cette volonté de Luxe démocratisé me semble être une utopie, un idéal inatteignable.

Comment un produit destiné à une élite peut-il être accessible au plus grand nombre sans descendre

de son piédestal et perdre son prestige ? Les marques de Luxe jouent la carte de la confusion mêlée

d’un voile d’illusion incrusté dans l’esprit des gens par un univers suscitant le rêve. Les nouveaux

consommateurs du Luxe, nommés « le grand public », vivent dans l’illusion du Luxe démocratisé car

ils ont désormais accès à des produits qu’ils ont convoité. Mais cette illusion est tellement grande

qu’ils ne s’en rendent pas compte ou ne souhaitent pas voir la réalité. En effet, les marques de Luxe

ne déploient pas des stratégies marketing et de communication colossales pour le concept de

démocratisation, elles n’investissent pas pour cet idéal de Luxe démocratisé. Les stratagèmes menés

par le secteur du Luxe n’ont qu’un seul but : accroître son chiffre d’affaires, conserver sa place de

leader et perdurer dans le temps malgré les aléas. Cet aspect du Luxe lui enlève tout son charme, les

stras et les paillettes qui éblouissent les consommateurs.

A contrario nous pouvons aussi penser que ce concept de Luxe démocratisé est subi par les marques

de Luxe. Pour répondre à leur quête d’un chiffre d’affaires toujours plus conséquent, la seule

52 BASTIEN Vincent et KAPFERRER Jean-Noël, Luxe Oblige, 2013, édition Eyrolles, 454pages, p368

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solution a été de s’étendre au plus grand nombre. Le Luxe démocratisé n’est pas nécessairement

néfaste pour les marques si sa mise en place est réfléchie. C’est un moteur de croissance pour les

marques mais elles doivent être conscientes de ses limites. Il est donc nécessaire que les marques de

Luxe opèrent un changement majeur de leurs codes et de leurs stratégies.

Pour finir, est-ce que ce sont les marques de Luxe qui subissent la démocratisation et vivent dans

l’illusion de poursuivre leur quête de croissance à deux chiffres sans perdre leur prestige, ou bien est

ce le grand public qui vit dans l’illusion d’avoir accès à des produits de Luxe qui n’en sont pas ? La

réponse comme la définition du Luxe est propre à chacun.

« Le luxe, c’est le confort d’un T-shirt dans une robe très chère.

Si ce n’est pas ce que vous ressentez, vous n’êtes pas une habituée du luxe.

Vous êtes juste quelqu’un de riche qui peut s’acheter des trucs. » Karl LAGERFELD

Pourtant une question reste en suspens: la mondialisation a entraîné des changements majeurs ;

quel est l’avenir du Luxe dans un monde en perpétuelle mutation ?

La consommation de masse a certes permis l’émergence d’un Luxe démocratisé où les individus ont

retrouvé l’importance de la notion de qualité de vie et de loisirs, contre un luxe somptueux et

ostentatoire réservé à un cercle restreint.

Les élites des pays émergents sont facteurs de nouveaux modes de consommation, centrés sur des

valeurs basées sur l’épanouissement individuel (plaisir personnel, quête hédoniste). Ce nouveau Luxe

est donc une fracture avec toutes les règles utilisées pour définir le Luxe.

Le Luxe de demain ne serait-il pas, plus profond, plus éthique et plus humain ?

En intégrant le respect de l’homme et de son travail, en se souciant du bien-être des personnes

travaillant dans l’ombre (ateliers, usines), le refus de la délocalisation dans des pays où la main

d’œuvre est moindre, et pourquoi pas un Luxe éco-responsable respectant l’environnement dans le

choix des textiles par exemple ?

Selon moi, un retour aux sources pourrait être le futur du Luxe : un Luxe authentique.

« La vraie nouveauté naît toujours d’un retour aux sources. » Edgar MORIN

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43

BIBLIOGRAPHIE

LIVRES

Luxe, mensonges, marketing de SICARD Marie-Claude, 3ème édition, 2010, édition Pearson, 224 pages

Luxe Oblige de BASTIEN Vincent et KAPFERRER Jean-Noël, 2013, édition Eyrolles, 454 pages Luxe & Co : Comment les marques ont tué le Luxe de THOMAS Dana, 2011, édition J’ai lu, 380

pages La génération Y et le luxe de BRIONES Eric et CASPER Grégory, 2014, édition Dunod, 192 pages Le nouveau luxe : expériences, arrogance, authenticité, MICHAUX Yves, 2013, édition Broché 192

pages Le Luxe et l’image de marque, DEREUMAUX René-Maurice, 2007, édition Esaka, 96 pages Luxe : Stratégies-Marketing, ALLERES Danielle, 4ème édition, 2005, édition Broché, 269 pages Management et Marketing du Luxe, CHEVALIER Michel et MAZZALOVO Gérald, 3ème édition 2015,

édition Dunod, 400 pages

DOSSIERS

La Parisienne cahier n°3, Dossier Visions du Luxe, décembre 2011 Institut-numérique.org, Démocratisation du Luxe, un danger pour les marques, 28 octobre 2012 La Parisienne cahier n°2, Dossier Spécial Luxe, décembre 2013 Stratégies n° 1792, Dossier Luxe et Agences, de MAROLLEAU Aymeric, 4 décembre 2014 Capital, dossier spécial, de Cléopâtre à Hermès… La Folle histoire du Luxe, n°’ décembre 2014 –

janvier-février 2015

ARTICLES

Marketing-etudiant.fr, Histoire du Luxe: Le Luxe vous ouvre ses portes, FLORES Johanna, 19 janvier 2010

Tcamberlin.fr, Qu’est-ce que le luxe, 2 octobre 2010, CAMBERLIN Thibault La Tribune.fr, Luxe : plaisir d’avoir ou plaisir d’être, 11 février 2011 Stratgie.fr, Luxe, entre élitisme et démocratisation, BALDACCI Michaël, 22 novembre 2011 Les acteurs du Luxe : http://exploratheque.net/articles/les-acteurs-du-luxe Madame Figaro, Spécial Luxe, n° 21400, mai 2013 Le Figaro.fr, Les 7 nouveaux visages de la consommation mondiale de Luxe, 15 février 2014 Challenges.fr, La croissance du Luxe est en train de se tasse, 19 mai 2014 Capital.fr, la croissance du marché du luxe devrait ralenti en 2014, 19 mai 2014 Le Figoro.fr, La location de produit de Luxe séduit de plus en plus, 28 août 2014 L’IFM se penche sur le phénomène du luxe accessible, 20 novembre 2014, Fashionmag.com Fashionmag.com, Paris Summit Lyxury : Quel avenir pour le luxe ?, CHENU Alexis, janvier 2015 Les Echos.fr, Le Luxe, un secteur pas comme les autres, DUBOIS Bernard, 2 avril 2015

MEMOIRES

ATI KENT Aurélie, Master Communication, Les marques de luxe face à l’engouement du grand public, Ecole supérieure de Commerce, Juillet 2004, 25pages

Page 44: Anaïs desbos  luxe et démocratisation entre idéal et illusion

44

WOLF Coline, Master Communication, Le Luxe : puissance et innovation, Sup de Pub, 2013 JAUFFRINEAU Chloé, PACULT Mickaël et BLANCHY Lucas, Le Luxe exposé économie et gestion,

2DSAA, 2014 DUMAINE Julie, Mémoire de Recherche, Luxe et Internet, les valeurs du Luxe sont- elle

compatibles avec les réseaux sociaux ? ISTEC, mai 2012

ETUDES

Ifop, Living Luxury in Emerging Markets , février - avril 2011 D’ARPIZO Claudia et LEVATA Federica, Lens on the worldwide luxury consumer, janvier 2014 Cabinet Deloitte, Global Powers of Luxury Goods 2014 In the hands of the consumer, juin 2014

WEB

Sites de marques de luxe :

http://www.lvmh.fr/groupe/ http://www.kering.com/fr/groupe http://www.hermes.com htmlhttp://www.burberry.fr http://www.cartier.fr http://www.louisvuitton.com http://www.chanel.com

http://www.gucci.com/fr

http://www.mauboussin.fr/univers/

Vidéos :

Emission : On n’est plus des pigeons, Louer des objets de Luxe c’est possible ?, diffusée le 9 mars 2014 sur France 4 : http://www.france4.fr/emissions/on-n-est-plus-des-pigeons/diffusions/09-03-2015_308627

Emission : On n’est plus des pigeons, Les pigeons ont des goûts de luxe, diffusé le 9 mars 2015 sur France 4 : http://www.france4.fr/emissions/on-n-est-plus-des-pigeons/diffusions/09-03-2015_308627

Site d’actualités sur le luxe :

http://www.buzz2luxe.com http://www.darkplanneur.com http://www.influencia.net/larevue/leluxe http://journalduluxe.fr http://www.abc-luxe.com http://www.comitecolbert.com

http://luxe-accessible.over-blog.com/

http://www.webandluxe.com/

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45

Site d’actualités :

http://www.emarketing.fr http://mediametrie.fr

http://www.artdumarketing.com/

Autres :

lesmetiers.net

ifop.fr

Page 46: Anaïs desbos  luxe et démocratisation entre idéal et illusion

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LES ANNEXES

ANNEXE 1/ Publicité, pour le parfum Cartier, La Panthère p 47

ANNEXE 2/ Vidéo, Les pigeons ont des goûts de Luxe p48

ANNEXE 3 / Interview 1 p 49

ANNEXE 4 / Interview 2 p50

ANNEXE 5 / Résultat enquête “Le Luxe et vous “ p 52

ANNEXE 6 / Classement des acteurs du Luxe p 54

ANNEXE 7 / La mode et le luxe : secteurs d’excellences française p 56

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ANNEXE 1

Publicité pour le parfum Cartier, La Panthère – février 2014

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ANNEXE 2 :

Emission : On n’est plus des pigeons – France 4 – Les pigeons ont des goûts de Luxe

Diffusée : 9 mars 2015

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ANNEXE 3

INTERVIEW 1

Présentez-vous et décrivez votre parcours en quelques lignes

Je suis Emilie Tran, j’ai fait mon master Marketing for Product Manager à l’Ecole de Management

Audencia, Nantes. J’ai fait comme spécialisation Management du Luxe. J’ai eu deux premières

expériences professionnelles au sein du Groupe SEB au mécénat et aux achats. J’ai par la suite intégré

la Maison Hermès en tant que Chef de Produit.

Quel est votre définition du Luxe ?

Selon moi, le Luxe désigne ce qui est raffiné, les objets/produits du Luxe sont pérennes, s’inscrivent

dans le temps, mettent en avant les savoir-faire français, et ont été pensé, réfléchi par des hommes

Selon vous, qu’est-ce qui caractéristique le secteur du Luxe ?

Ce qui caractérise le secteur du Luxe :

- la rareté,

- l’excellente qualité,

- un appel à tous les sens (toucher, odorat etc.)

Qu’est-ce que la démocratisation du luxe selon vous ?

La démocratisation du luxe est de rendre accessible les produits de Luxe à un plus grand nombre

de personnes

Avez-vous senti un changement de comportement des consommateurs ces dernières

années ?

Oui, notamment avec l’inclusion de l’expérience technologique

Qu’est-ce qui selon vous serait l’avenir du Luxe ?

Une mise en avant de tous les savoir-faire français existants

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ANNEXE 4

INTERVIEW 2

Présentez-vous et décrivez votre parcours en quelques lignes :

Je suis Laura Perrard, directrice et fondatrice du Journal du luxe. Je suis diplômée de l'Esdes, Ecole de

management et après plusieurs expériences entrepreneuriales j'ai fondé le Journal du luxe,

aujourd'hui référence de l'actualité du Luxe en ligne.

Quel est votre définition du Luxe ?

C'est une question très complexe. Selon moi la définition du Luxe est un concept propre à chacun.

Pour moi : le luxe, ce serait de vivre, dès lors que j'achète un produit ou un service de luxe, un rêve

éveillé.

Voici notre définition du luxe à la rédaction : http://journalduluxe.fr/definition-luxe/

Dans le dictionnaire Larousse, le Luxe est défini comme le “caractère de ce qui est coûteux, raffiné,

somptueux” ; quant à Wikipédia, il décrit le Luxe comme “un mode de vie consistant à pratiquer

des dépenses somptuaires et superflues”.

Au-delà de ces définitions quelque peu culpabilisantes, se trouve la réalité de l’univers du Luxe….car

pour nous, le LUXE…. c’est le RÊVE !…. un rêve généré par les différents éléments de cet univers :

l’ambiance, les matériaux, l’architecture, les produits, l’attitude et l’élégance du personnel….

Le Luxe est une industrie dont la substantifique moelle est le commerce, mais au-delà de la vente, se

trouve tout un univers de désir, de plaisir, d’identification, d’image, de sérénité et d’élégance.

Autrefois, le luxe était réservé à l’élite ; il est devenu aujourd’hui un élément de plaisir pour tout un

chacun.

Grâce au développement des marques de Luxe, tout le monde peut s’offrir le plaisir d’acquérir un

produit de Luxe: que ce soit une pâtisserie contre quelques €uros dans la boutique d’un grand chef

pâtissier, un vêtement portant une griffe “couture” dans un grand magasin, ou un bijou chez un

joaillier de renom pour une occasion exceptionnelle.

Dans cette période morose, où nous n’entendons parler que de” crise” et de baisse du pouvoir

d’achat…qu’il est réconfortant de s’offrir une parenthèse de plaisir et de s’accorder un peu de rêve au

fil des articles du magazine luxe Journal du Luxe.fr .

Selon vous, qu’est-ce qui caractéristique le secteur du luxe ?

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L’exigence, la qualité des produits ainsi que le service et la relation client privilégiée. Le sens du détail

est également un élément majeur dans le Luxe.

Qu’est-ce que la démocratisation du luxe selon vous ?

Les modes de consommation évoluent énormément. Le consommateur, dans son ensemble, est de

plus en plus exigeant (malgré l'avènement du low cost). N'ayant plus beaucoup de temps, le

consommateur souhaite bénéficier d'un service privilégié (tout le monde utilise Uber aujourd'hui alors

qu'il y a seulement quelques dizaines d'années, les taxis/chauffeurs étaient réservés à une certaine

élite etc.)

Que pensez-vous de la digitalisation des marques de Luxe ?

Comme je le dis souvent, la transformation digitale dans le Luxe s'est opérée comme un mal

nécessaire. La stratégie n'est pas multicanale, les marques travaillent simplement sur plusieurs

canaux - grande nuance !

Qu’est-ce qui selon vous serait l’avenir du Luxe ?

Et pourquoi pas un retour à l'authenticité ? Je pense que le vrai Luxe dans quelques années sera de

bénéficier d'un canal de distribution plus sain et un retour aux ressources vitales. Bénéficier d'un

environnement non pollué, d'un produit authentique, d'un environnement sans aucune onde...ça peut

être ça aussi le Luxe du futur !

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ANNEXE 5

Enquête quantitative : Le Luxe et Vous

Enquête réalisée en France métropolitaine auprès de 200 personnes (grand public) entre le 14 janvier

2015 et le 8 mars 2015. L'objectif de cette enquête est de connaître la perception des consommateurs

et potentiels clients concernant les marques de luxe et comment ils s’y ont accès.

Les trois marques citées spontanément et considérés comme des marques de Luxe par les personnes

interrogées sont Chanel, Dior et Louis Vuitton, des entreprises françaises. Les interviewés définissent

une marque de Luxe, tout d’abord par la qualité des produits (73 %), la notoriété de la marque (71%)

et le prix élevé (71%). Parmis eux, 52% connaissent l’histoire d’une marque de Luxe. Cette histoire

est ce qui les attire et leur fait aimer la marque.

Les individus achètent ou achèteraient des produits de Luxe en fonction de la qualité (77%) et du

modèle (63%). Ces critères sont très importants pour eux. A contrario, et ce qui est surprenant,

l’influence d’un magazine, blog ou de leur entourage n’a pas d’impact sur l’acte d’achat (84%).

Près de la moitié des personnes possédant un produit de Luxe l’ont reçu en cadeau, ou bien il

provient d’une boutique de la marque. L’achat d’un produit de Luxe est un acte très rare (moins

d’une fois par an). Ce dernier est lié à la notion de « plaisir » pour soi ou pour un membre de son

entourage (cadeau, récompense).

Les catégories habillement, chaussures et accessoires (74%) intéressent en priorité les personnes

interrogées. Le secteur de la beauté par les cosmétiques et les parfums viennent en second (57%),

suivi de très près par la bijouterie, la joaillerie et l’horlogerie (56%). Ce classement est lié à

l’accessibilité de ces différents produits et à leur prix. La moitié des interviewés ont un budget

compris entre 100 € et 500 € par an pour l’achat de produits de Luxe.

Par cette enquête, nous constatons que les individus sont persuadés que les produits de Luxe sont

facilement accessibles notamment dans les boutiques des marques présentes dans les grandes villes

(Paris, Cannes). Les produits de Luxe attirent un panel cosmopolite de personnes, âges et catégorie-

socio-professionnel confondus. Les marques ont su répondre aux attentes de ces cibles variées.

Les personnes interrogées ne connaissent pas la définition d’une marque de Luxe car ils ont omis le

critère de la rareté.

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Un produit de Luxe accessible à tous est- il toujours un produit de Luxe ?

Cette enquête conforte l’idée que le grand public a accès à des produits haut de gamme/ premium

perçue comme des produits de Luxe.

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ANNEXE 6

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ANNEXE 7

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