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P lus de 6 ans après la chute du régime de Ben Ali, le chef du gouvernement vient de reconnaitre que « les réformes ne sont pas à la hauteur des attentes du peuple ». C’est le moins que l’on puisse dire. Le constat a beau être lucide, il est terrible ! Mais ce qui l’est encore plus, ce sont l’absence de perspectives et de cap d’une part et le refus d’engager les réformes nécessaires, d’autre part. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce gouvernement, empêtré dans ses propres contradictions, n’est pas en capacité de s’attaquer aux véritables préoccupations des Tunisiens. En effet, comment entrainer le pays sur la voie d’un progrès partagé quand la lutte contre le chômage des jeunes, la corruption, la pauvreté extrême ou encore celle contre le délitement de services publics si essentiels aux citoyens comme ceux de la santé ou de l’éducation, sont si cruellement « oubliés » ?! Négligés, devrait-on dire. Car, il semble plus important de se préoccuper de décrédibiliser l’instance « dignité et vérité», de préserver les intérêts de certains affairistes voire d’en « recycler » d’autres notoirement corrompus que de s’intéresser sérieusement à la vie quotidienne de nos concitoyens. Pour notre part, à Al-Qotb et au Front Populaire, nous avons choisi d’en parler inlassablement. Vous trouverez –entre autres- dans ce numéro, une réflexion sur la situation financière calamiteuse des municipalités, largement abandonnées par l’Etat, ce qui explique en grande partie la dégradation de l’environnement et celle de l’urbanisme dans la plupart de nos villes et villages. Pendant ce temps, la date des prochaines élections municipales n’est toujours pas fixée…Notre zoom, quant à lui, traite de la question des nombreux Tunisiens soupçonnés de terrorisme et de leur retour (inquiétant) en Tunisie tandis qu’en « Dernière Minute », nous revenons sur la loi 52 – en discussion au Parlement- qui enferme de très nombreux jeunes au seul prétexte qu’ils consomment du cannabis. Enfin (pour ceux qui seront en Tunisie début février), nous vous invitons à un cercle débat sur la santé où il sera proposé et discuté un projet ambitieux pour un droit universel à la santé ! A l’heure où le désenchantement gagne notre pays, à Al-Qotb, nous voulons rester fidèles à nos engagements : faire de la politique autrement et ne jamais cesser d’être une force de proposition et d’action ! Belle année 2017 à vous tous et bonne lecture ! L a nouvelle constitution tunisienne de 2014 s’est engagée à soutenir la décentralisation et à améliorer l’autonomie financière des municipalités. Cette évolution, qui place les collectivités locales au cœur des défis contemporains, qu’il s’agisse de problèmes environnementaux, énergétiques ou de lutte contre la pauvreté et qui touchent la plupart des pays, cherche à répondre de façon plus équitable et plus efficace aux besoins des citoyens sur l’ensemble du territoire. Ce processus de décentralisation impose de façon automatique une modification des compétences et des moyens surtout financiers- des municipalités afin de les porter à la hauteur des enjeux fixés.A l’occasion des élections locales qui auraient dû se tenir prochainement mais dont la date a été reportée à maintes reprises, plusieurs questions se posent : les collectivités locales ont elles les ressources nécessaires pour répondre aux défis de la décentralisati on? Peuvent- elles s’appuyer sur un cadre administratif et politique adéquat pour financer convenablement et équitablementles actions de développement local ? A l’évidence, non ! Le cadre administratif reste à ce jour très contraignant car hérité d’un régime politique corrompu et autoritaire. Les décennies de pouvoir de Ben Ali ont abouti à une fausse décentralisation mais à un authentique maillage administratif, certes « déconcentré » mais dans l’unique but de renforcer l’Etat policier et le contrôle des citoyens aux quatre coins du territoire. Aux dépens de l’efficacité d’abord mais pire encore de la notion même de service public. Ce qui explique en grande partie la défiance des citoyens vis à vis de leur administration, en particulier locale. Dans ces conditions, l’amélioration des conditions de vie tarde à se concrétiser. Le renforcement d’une décentralisation financière réelle s’avère incontournable pour rendre la décentralisation crédible. En effet, les modalités actuelles de collecte et de répartition des impôts ne permettent pas aux municipalités de disposer de recettes propres suffisantes. En effet, les recettes fiscales de l’ensemble des municipalités ne représentent actuellement qu’environ 2,5% des recettes fiscales de l’Etat. En comparaison, celles enregistrées au Maroc s’élèvent à 4,8% (près du double !), en France à 15,2%, en Allemagne à 48% … Cette « misère » locale associée à l’absence d’exécutifs locaux élus, expliquent l’état souvent déplorable des municipalités en termes d’urbanisme, de propreté ou d’investissement dans la culture. De fait, partout prolifèrent un habitat anarchique, construit sans qu’aucune règle d’urbanisme ne soit respectée, une collecte des déchets défaillante voire inexistante et sauf en de très rares endroits, un désert culturel préoccupant. Il en résulte un incivisme galopant et une dégradation manifeste des conditions de vie des citoyens. Or, non seulement les élections locales n’ont toujours pas eu lieu plus de 6 ans après l’avènement de la Révolution En attendant les élections locales… Les finances locales sont très insuffisantes. Il en résulte un incivisme galopant et une dégradation manifeste des conditions de vie des citoyens... Travail - Liberté - Justice sociale Le bulletin d'Al-Qotb France NUMÉRO 19 Janvier 2017 Editorial

Bulletin AL Qotb France- Janvier 2017

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Plus de 6 ans après la chute du régimede Ben Ali, le chef du gouvernement

vient de reconnaitre que « les réformes nesont pas à la hauteur des attentes dupeuple ». C’est le moins que l’on puissedire. Le constat a beau être lucide, il estterrible ! Mais ce qui l’est encore plus, cesont l’absence de perspectives et de capd’une part et le refus d’engager lesréformes nécessaires, d’autre part.Pourquoi ? Tout simplement parce que cegouvernement, empêtré dans ses proprescontradictions, n’est pas en capacité des’attaquer aux véritables préoccupationsdes Tunisiens. En effet, comment entrainerle pays sur la voie d’un progrès partagéquand la lutte contre le chômage desjeunes, la corruption, la pauvreté extrêmeou encore celle contre le délitement deservices publics si essentiels aux citoyenscomme ceux de la santé ou de l’éducation,sont si cruellement « oubliés » ?! Négligés,devrait-on dire. Car, il semble plusimportant de se préoccuper dedécrédibiliser l’instance « dignité et vérité»,de préserver les intérêts de certainsaffairistes voire d’en « recycler » d’autresnotoirement corrompus que des’intéresser sérieusement à la viequotidienne de nos concitoyens. Pournotre part, à Al-Qotb et au FrontPopulaire, nous avons choisi d’en parlerinlassablement. Vous trouverez –entreautres- dans ce numéro, une réflexion surla situation financière calamiteuse desmunicipalités, largement abandonnées parl’Etat, ce qui explique en grande partie ladégradation de l’environnement et cellede l’urbanisme dans la plupart de nos villeset villages. Pendant ce temps, la date desprochaines élections municipales n’esttoujours pas fixée…Notre zoom, quant àlui, traite de la question des nombreuxTunisiens soupçonnés de terrorisme et deleur retour (inquiétant) en Tunisie tandisqu’en « Dernière Minute », nous revenonssur la loi 52 – en discussion au Parlement-qui enferme de très nombreux jeunes auseul prétexte qu’ils consomment ducannabis. Enfin (pour ceux qui seront enTunisie début février), nous vous invitons àun cercle débat sur la santé où il seraproposé et discuté un projet ambitieuxpour un droit universel à la santé !

A l’heure où le désenchantement gagnenotre pays, à Al-Qotb, nous voulons resterfidèles à nos engagements : faire de lapolitique autrement et ne jamais cesserd’être une force de proposition et d’action! Belle année 2017 à vous tous et bonnelecture !

La nouvelle constitutiontunisienne de 2014 s’est

engagée à soutenir ladécentralisation et à améliorerl’autonomie financière desmunicipalités. Cette évolution, quiplace les collectivités locales aucœur des défis contemporains,qu’il s’agisse de problèmesenvironnementaux, énergétiquesou de lutte contre la pauvreté etqui touchent la plupart des pays,cherche à répondre de façonplus équitable et plus efficaceaux besoins des citoyens surl’ensemble du territoire.

Ce processus de décentralisationimpose de façon automatique unemodification des compétences et desmoyens – surtout financiers- desmunicipalités afin de les porter à lahauteur des enjeux fixés.A l’occasiondes élections locales qui auraient dû setenir prochainement mais dont la datea été reportéeà maintesreprises,plusieursquestions seposent : lescollectivitéslocales ontelles lesressourcesnécessairespourrépondre auxdéfis de ladécentralisation? Peuvent-elless’appuyer surun cadreadministratif et politique adéquat pourfinancer convenablement etéquitablementles actions dedéveloppement local ? A l’évidence,non !

Le cadre administratif reste à ce jourtrès contraignant car hérité d’unrégime politique corrompu etautoritaire. Les décennies de pouvoirde Ben Ali ont abouti à une faussedécentralisation mais à un authentiquemaillage administratif, certes «déconcentré » mais dans l’unique but

de renforcer l’Etat policier et lecontrôle des citoyens aux quatre coinsdu territoire. Aux dépens de l’efficacitéd’abord mais pire encore de la notionmême de service public. Ce quiexplique en grande partie la défiancedes citoyens vis à vis de leuradministration, en particulier locale.

Dans ces conditions, l’amélioration desconditions de vie tarde à se concrétiser.Le renforcement d’unedécentralisation financière réelles’avère incontournable pour rendre ladécentralisation crédible. En effet, lesmodalités actuelles de collecte et derépartition des impôts ne permettentpas aux municipalités de disposer derecettes propres suffisantes.

En effet, les recettes fiscales del’ensemble des municipalités nereprésentent actuellement qu’environ2,5% des recettes fiscales de l’Etat. Encomparaison, celles enregistrées au

Marocs’élèvent à4,8% (près dudouble !), enFrance à15,2%, enAllemagne à48% … Cette «misère » localeassociée àl’absenced’exécutifslocaux élus,expliquentl’état souventdéplorabledesmunicipalitésen termes

d’urbanisme, de propreté oud’investissement dans la culture. Defait, partout prolifèrent un habitatanarchique, construit sans qu’aucunerègle d’urbanisme ne soit respectée,une collecte des déchets défaillantevoire inexistante et sauf en de trèsrares endroits, un désert culturelpréoccupant. Il en résulte un incivismegalopant et une dégradation manifestedes conditions de vie des citoyens. Or,non seulement les élections localesn’ont toujours pas eu lieu plus de 6 ansaprès l’avènement de la Révolution

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En attendant les élections locales…

Les finances locales sont très insuffisantes. Il enrésulte un incivisme galopant et une dégradationmanifeste des conditions de vie des citoyens...

Travail - Liberté - Justice sociale

Le bulletin d'Al-Qotb FranceNUMÉRO 19

Janvier 2017

Editorial

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mais les gouvernements successifsn’ont en rien anticipé l’impérieusenécessité de rendre possible unevéritable autonomie financière desmunicipalités. Dans ce cas, si rien n’estfait dans les meilleurs délais pourtrouver un début de solution à cettequestion cruciale, lerisque est grandque les prochains conseils municipaux-ne disposant pas de moyens financierspermettant d’assumer lesresponsabilités qui leur sont confiéespar la loi- ne puissent mener à bienleurs programmes. Ledésenchantement – une fois encore –prévaudra alors avec tous les maux

qu’il engendre : aggravation del’incivisme, défiance vis-à-vis del’administration, délitement desservices publics et donc aggravationdes inégalités.

A El Qotb, nous considérons qu’unevraie politique locale et citoyenne doitêtre menée avec des moyens humainset financiers adéquats car elle toucheaux préoccupations quotidiennes denos compatriotes. Comme pour toutepolitique publique, elle suppose unefiscalité efficace et juste à tous lesniveaux, central comme local. Nous ensommes malheureusement fort loin…

Ces dernières semaines il n'y a pas unjour sans que le sujet du retour desmercenaires tunisiens dans les "zonesde conflit" ne soit débattu dans lesmédias. Et il y a de quoi, vu le dangerque peut représenter la présencemassive de ces paramilitairesendoctrinés sur notre sol. Médiasaidant, on entend essentiellementdeux options : la rédemption prônéepar leurs sympathisants plus ou moinsdéclarés, et la déchéance denationalité par d'autres,

Ces deux options sont illusoires etirresponsables. En effet comment peut-on imaginer ne plus avoir à répondrede ses actes via une simple déclaration(dont la sincérité sera invérifiable)?D'autre part comment peut-on sedéresponsabiliser en tant que société,ces criminels étant malheureusementle produit de celle-ci ?Si l'on croit à la nécessité d'institutionsfortes, et à la crédibilité de l'Etat auxyeux des citoyens et du monde, alorsles solutions pour faire face à cette trèsgrave menace sont à puiser dans unejustice impartiale et efficace. Il estd'ailleurs essentiel que les enquêtesremontent les filières de radicalisationet d'envoi sur les terrains de conflit, etque les responsables soient jugés etcondamnés. Ne mettons pas lapoussière sous le tapis, les enjeux sontbeaucoup trop importants

Zoom

NUMÉRO 10 - MARS 2015Le bulletin d'Al-JabhaFront Populaire de Tunisie - Coordination Ile de FranceLe bulletin d'Al-Qotb France NUMÉRO 19

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Zatla : en finir avec le tout carcéral !

La fameuse loi 52, qui condamne à minima à 1 an de prisontout consommateur de substance de type cannabis, est l'unedes plaies du système judiciaire tunisien. En effet les prisonssont pleines de ces personnes, souvent jeunes, dont le séjouren prison ne modifie pas leurs habitudes de consommation,bien au contraire. Al-Qotb avait à ce sujet proposé unerefonte complète de la législation. Récemment un projet de loiémanant du gouvernement allegeait enfin ces peines et allaitdans le bon sens. Mais la commission de législation générale àl'assemblée des représentants du peuple a préféré dans unpremier temps amender en catimini ce projet en le durcissantconsidérablement. C'était donc retour à la case départ... Il y aquelques jours elle a enfin daigné écouter les intervenants dela société civile dans ce domaine. Espérons que ce ne sera passans suite, et que des places soient libérées dans les prisonspour les mercenaires qui sont, sans aucun doute, beaucoupplus dangereux pour la société.

Le parti Al Qotb vous invite à son cercle débat« Pour un droit universel à la santé ! »

Samedi 4 février 2017 à partir de 15 h, au siège de la Fondation Rosa Luxembourg, sis au 23, Av. Jugurtha, leBelvédère, qui sera animé par Dr Hakim BECHEUR

Plus de 6 ans après l’avènement de la Révolution tunisienne, le droit à la santé pour tous dans notre pays est loin d’être garanti.L’hôpital public souffre d’une crise grave, la santé de base et la prévention sont négligées, la médecine libérale connait elle-mêmedes difficultés et n’est pas accessible au plus grand nombre : la situation est critique à bien des égards. Or ce droit – constitutionnel– à être correctement soigné quel que soit son milieu social ou son lieu de vie, n’est-il pas un préalable à la jouissance de ses autresdroits ?Le projet que nous présentons « pour un droit universel à la santé » est donc une exigence citoyenne et constitue pour nous unepriorité nationale. Il repose sur une triple ambition : un financement solidaire, une régulation juste, une organisation décentraliséeet rigoureuse. De plus, face aux renoncements et au discours fataliste ou conservateur, nous démontrons qu’en s’appuyant sur unelarge concertation, il est possible de conjuguer justice sociale et pertinence économique, dans l’intérêt général de la Nation.Soyons nombreux à en débattre et à faire avancer notre pays sur la voie d’un progrès partagé !

Dernière minute