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Dans ce numéro est routé un encart « Semaines sociales de France » pour les abonnés Paris et région parisienne DISPUTATIO Travail le dimanche, des théologiens avancent leurs arguments P. 14 Par conviction, des médecins choisissent de résister aux sirènes du privé. Travaillant dans le secteur public, ils sont moins bien payés mais se mettent au service de la collectivité. P. 2-3 Hôpital la passion du public © ISTOCK PHOTO HEBDOMADAIRE PROTESTANT D’ACTUALITÉ 2,60 – 3,90 FS n o 3531 10 octobre 2013 www.reforme.net DOSSIER Tunisie : désavoué, Ennahda quitte le pouvoir Devant les blocages de la société civile et ses difficultés à gérer l’état, le parti islamiste a pris la décision de renoncer. Il s’est engagé à partir avant la fin du mois. Un gouvernement de technocrates devrait prendre sa place. P. 8 - 10 POLITIQUE Municipales à Paris Entretien avec Nathalie Kosciusko- Morizet. Son ambition pour la capitale et le « Grand Paris » P. 6-7

Désavoué, Ennahda s’en va

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Tunisie. Le parti islamiste Ennahda s’est engagé à quitter le pouvoir avant la fin du mois. En cause, son incapacité à gérer l’État, l’hostilité de la part de la société civile et les grèves organisées par l’UGTT, le puissant syndicat historique tunisien. La Tunisie vient peut-être de faire un premier pas vers la sortie de crise. Le parti islamiste Ennahda, qui dirige le gouvernement, s’est engagé à quitter le pouvoir avant la fin du mois.… http://www.reforme.net/journal/%5Breforme-numero-publication%5D/dossier/desavoue-ennahda-va

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Dans ce numéro est routé un encart « Semaines sociales de France » pour les abonnés Paris et région parisienne

DISPUTATIOTravail le dimanche, des théologiens avancent leurs arguments P. 14

Par conviction, des médecins choisissent de résister aux sirènes du privé. Travaillant dans le secteur public, ils sont moins bien payés mais se mettent au service de la collectivité. P. 2-3

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Tunisie : désavoué, ennahda quitte le pouvoirDevant les blocages de la société civile et ses difficultés à gérer l’état, le parti islamiste a pris la décision de renoncer. Il s’est engagé à partir avant la fin du mois. Un gouvernement de technocrates devrait prendre sa place. P. 8- 10

POlITIqUe

Municipales à ParisEntretien avec Nathalie Kosciusko-Morizet. Son ambition pour la capitale et le « Grand Paris » P. 6-7

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2 Événement réforme No 3531 • 10 octobre 2013

ÉDITORIAL

Salaires plus bas que dans le privé, gardes dans la plupart des spécialités, services débor-dés, l’activité publique peut

être vue de l’extérieur comme un sacer-doce. Pas pour ces médecins ou futurs docteurs. Le choix du service public ? Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, à l’origine de la révélation du scandale du Mediator, ne s’est jamais vraiment posée la question : « J’ai été interne, j’ai bénéficié d’une formation de très haut niveau et je suis devenue chef de clinique. Ça a été une évidence, je me suis sentie happée par le monde hospi-talier. » Le monde hospitalier, mais pas n’importe lequel, celui du CHU (Centre hospitalier universitaire, ndlr), d’abord à Paris puis à Brest : « L’émulation qui y règne est très forte, très stimulante, grâce notamment aux liens avec la recherche et l’enseignement. C’est grâce à ce cadre que j’ai pu me transformer en cardiologue experte en valvulopathie pour l’affaire du Mediator ! », sourit-elle.

« On n’est jamais limités dans ce qu’on entreprend, la structure et ses capa-cités permettent beaucoup de choses, confirme Jean-Jacques Baldauf, profes-seur en gynéco-obstétrique à Strasbourg depuis les années 70. Et puis le tissu hospitalier, c’est une grande famille ! » Beaucoup soulignent en effet l’attrait du travail en équipe, le libéral se retrouvant bien souvent seul. Une plus-value pour les médecins, comme pour les patients. « Si on a un doute sur un diagnostic, un souci, on peut en parler avec les collègues. C’est une prise en charge multidiscipli-naire », confirme le Dr Charles Meyer, chirurgien à l’hôpital de Colmar depuis plus de trente ans.

Défense bec et onglesDans la même veine, nombreux sont

ceux qui vantent la possibilité de traiter des pathologies variées. Comme Clé-mence1, interne en chirurgie dentaire. Sa spécialité serait plus rémunéra-trice dans le privé. Très peu pour elle. Sa motivation est tout autre. La jeune femme ambitionne de devenir PH (pra-ticien hospitalier, ndlr) pour « travail-

ler avec des patients dits “spécifiques” (jeunes enfants, patients hospitalisés, incarcérés, handicapés), tous ceux qui ne peuvent pas accéder à un cabinet de ville ».

« J’aurais eu peur de l’aspect répétitif en ville, de ne traiter que cinq ou six patho-logies au maximum », poursuit Irène

sèquement liée à la nécessité de ren-tabilité. « Le cabinet est devenu une entreprise comme les autres, le dentiste se retrouve à travailler comme un com-mercial », assure Clémence1. L’avantage du service public, outre la sécurité de l’emploi et l’absence de gestion admi-nistrative ou comptable, est d’être bien loin de ces considérations. « Je ne suis pas payé à l’acte, c’est un luxe extrême », avoue la pneumologue Irène Frachon.

Avec les fortes rémunérations qui accompagnent la profession libérale, difficile de faire machine arrière. Pas aisé de renoncer à un haut niveau de vie. C’est pourtant ce qu’a fait Hervé Die-bold, cardiologue. Après vingt ans de carrière en libéral dans l’Ouest parisien, il a quitté l’Ile-de-France pour terminer sa carrière en Bretagne. « Je travaillais beaucoup, ma femme aussi, nous avions beaucoup de frais », explique le docteur. L’homme avait souhaité travailler dans le public au début de sa carrière, mais un différend avec un chef de service avait rendu les choses difficiles. Vingt ans plus tard, le voilà qui rejoint l’Hô-tel-Dieu de Pont-l’Abbé. « J’avais envie

Frachon. La spécialité impose quelque-fois le choix. Impossible de travailler en génétique en libéral, par exemple.

« Ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut pas que l’argent soit le moteur principal », lâche le Pr Baldauf. C’est une réalité, les rémunérations sont plus faibles dans le public qu’en libéral. « La médecine ne devrait pas être mercantile. Le privé, c’est la course au fric, il n’y a plus que les chiffres qui comptent », enrage le Dr  Charles Meyer. Il travaille douze heures par jour, mais défend bec et ongles le service public, c’est son

éthique. Comme la loi l’y autorise, il pratique une activité libérale dans les murs de l’hôpital, deux demi-journées par semaine. Mais le médecin

a choisi le secteur 1, il applique les tarifs de la Sécurité sociale. « Dans certaines cliniques, on ramasse trois fois plus que nous. Mais moi, je vois ça tranquille-ment », sourit le Dr Bertrand Schoch, anesthésiste-réanimateur à l’hôpital de Saverne depuis 1979.

L’activité libérale ou privée est intrin-

Lampedusa, une paraboleLa polémique sur les Roms n’est pas terminée qu’elle est remplacée à la une des médias par le drame de Lampedusa. Entre ces deux faits, un point commun : il existe des milliers de personnes qui trouvent plus enviables d’être sans pa-piers dans les pays riches que sans ave-nir dans le leur. Non seulement, elles le pensent mais elles sont prêtes à tout pour le vérifier. Y compris à payer des coûts exorbitants pour risquer leur vie sur des embarcations qui sont à nos navires de transport ce que leur faim est à nos pro-blèmes de surpoids. Je connais les arguments qui disent qu’on ne peut accueillir toute la misère du monde et qui me font remarquer que je n’accueille pas sous mon toit tous les SDF que je croise sur ma route. Il ne s’agit pas d’accueillir tous les pauvres de la terre mais de ne pas ignorer ceux qui viennent échouer aux frontières de notre continent. En s’approchant, ils sont devenus des proches, des prochains, qu’on le veuille ou non. Le Christ ne nous a pas demandé d’aimer nos prochains à condition qu’ils aient la même religion, la même nationalité, la même langue et la même couleur de peau que nous, mais d’aimer nos prochains tout court.On ne fait pas de la bonne politique avec des sentiments mais on n’en fait pas non plus en ignorant les sentiments. C’est ce qu’a rappelé le pape François lorsqu’il a décrété une journée de pleurs, c’est ce qu’a reconnu le gouvernement ita-lien en annonçant une journée de deuil national. La France a-t-elle déjà organisé une journée de deuil national pour des clandestins ? L’Europe se grandirait à s’associer à ce deuil et à manifester sa solidarité avec l’Italie.On n’a pas le droit de fermer les yeux devant ce qui se passe à notre porte. Je pense au témoignage de ce pêcheur qui a vendu son bateau parce qu’il ne sup-portait plus de retrouver des morceaux de corps humains dans ses filets. Lampedusa, ses plages de sable fin et son centre de rétention, ses touristes repus et ses réfugiés affamés, ses vacanciers at-tendus et ses clandestins recherchés, ses estivants avides de soleil et ses migrants en quête d’une vie tout simplement pos-sible. Lampedusa… la métaphore d’un monde globalisé.•

Antoine Nouis

« Le privé, c’est la course au fric, il n’y a plus que les chiffres qui comptent »

Hôpital public. Par défi, par conviction ou par envie, ils ont résisté aux sirènes du privé. Rencontre avec ces médecins engagés qui se sont mis au service du plus grand nombre.

Ils ont choisi le service public plutôt que l’argent

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3Événementréforme No 3531 • 10 octobre 2013

mordial pour moi de former les médecins de demain, ceux qui exerceront quand je ne serai plus là. » Qu’en est-il des jeunes médecins justement ? Ont-ils envie de rejoindre le secteur public ? « Ils n’ont pas envie de trop bosser », observe le Dr Willems. Et se retrouvent face à un choix, que Clémence1 résume ainsi  : « Soit avoir un métier passionnant, mais mettre de côté sa vie privée. Soit travailler dans un cabinet ou une clinique à mi-temps, des vacances, mais l’impression de ne pas être allé au bout de ses convic-tions. »•

PhiliPPe Schaller

de faire bénéficier de mes compétences et de mes services ce petit hôpital et ses patients, moins privilégiés qu’à Paris. Il faut bien avouer que ma foi protestante n’a pas été étrangère à mon choix. »

l’apprentissage au cœurLe Dr Willems, réanimateur de trente-

six ans dans le sud de la France, sépare actuellement son activité entre un 60 % dans un hôpital et quelques jours dans une structure privée où il « gagne plus, mais travaille plus ». Cette dernière lui propose de doubler sa présence, avec une proposition financière très alléchante. Le réanimateur hésite encore, soucieux de garder du temps pour lui. Car les conditions de travail sont un élément non négligeable dans le choix du secteur public, surtout en centre hospitalier traditionnel. « C’est assez confortable, on travaille envi-ron 48 heures par semaine, on a 25 jours de congés, 15 jours de RTT et 15 jours de formation par an », explique le Dr Willems. Quand les services ne sont pas débordés... Les gardes ? Pas un problème pour l’anesthésiste Ber-

trand Schoch, soixante-trois ans, bon pied bon œil. Alors qu’on voulait l’en décharger, il tient à en conserver au moins un minimum. « Ça entretient mes techniques, j’aurais trop peur de désapprendre à travailler », se justifie-t-il. Sachant que dans certaines spé-cialités, comme la pneumologie ou la gastro-entérologie, pas de garde pour les praticiens hospitaliers, seulement des astreintes.

Le choix du secteur public a égale-ment pu être celui des rencontres. « Le hasard des stages a fait que j’ai ren-contré une équipe sympa. À l’époque,

il manquait des anesthésistes. Je suis resté !, dit le Dr Schoch. Et puis le public était presque le seul à faire vraiment de la réanimation. » Son éducation protes-tante, son milieu familial, ses années de scoutisme ont aussi fait que pour lui « la communauté de destins était une valeur sûre ». Contacté par le privé pour des remplacements au début de sa carrière, il ne s’y est pas beaucoup plu.

Le Pr Baldauf, PU-PH (professeur des universités-patricien hospitalier, ndlr) à Strasbourg, rappelle la dimension très importante de l’apprentissage, du patronage dans son choix : « Il était pri-

1. Son prénom a été changé à sa demande.

« ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut pas que l’argent soit le moteur principal »

Hôpital public. Par défi, par conviction ou par envie, ils ont résisté aux sirènes du privé. Rencontre avec ces médecins engagés qui se sont mis au service du plus grand nombre.

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Urgences : quelles réponses à la violence ?médecins, infirmiers et directions tentent de trouver la parade. L’ambition, et la difficulté : sanctuariser l’hôpital sans le « bunkériser ».

Agent d’accueil menacé avec un couteau aux urgences de Bourgoin-Jallieu, coups de feu tirés à Saint-Denis, infirmier blessé à l’arme blanche à Marseille. Cet été, les actes graves de violence se sont multipliés dans les hôpitaux, mettant en lumière ce qui semble bien devenu un phénomène préoccu-pant. En cinq ans, les agressions contre le personnel de santé « auraient augmenté de plus de 80 % », selon l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf). Les pouvoirs publics ont mis en place en 2005 un observatoire, l’ONVS, chargé de recueillir tous les signalements des hôpitaux. L’an passé, 11 344 déclarations d’atteintes aux biens et aux personnes ont été recueillies, dont 25 % en psychiatrie, 14 % aux urgences. Face à cela, les hôpitaux multiplient les dispositifs de sécurité, tout en essayant de rester des lieux de soins ouverts sur la ville.

Les responsables marseillais ont passé la vitesse supérieure. Courant septembre, la direction de l’AP-HM a lancé un plan de prévention de 30 mesures, plus ou moins coercitives : fer-meture nocturne des points d’entrée, développement de la vidéosurveillance, dispositifs d’alerte, création de chambres avec sas de sécurité, révision de l’aménagement et de l’orga-nisation des services. Une campagne d’affichage sera bientôt lancée, tandis que les syndicats militent pour la création d’une trentaine de postes de médiateurs. Le calendrier n’est pas défini, le financement encore en question. À la direction, on avoue que « peu de dispositifs sont déjà en place ». Seules les rondes quotidiennes de police et de gendarmerie, plus que nécessaires aux yeux du personnel, fonctionnent. « Ces mesures ne vont pas résoudre tous les problèmes de violence, mais certainement améliorer la situation. À condition d’aller au bout », soutient Danielle Ceccaldi, secrétaire CGT à l’AP-HM.

l’attente suscite la violenceBien souvent, c’est la vision sécuritaire qui a pris le dessus.

Depuis 2007, le CHU de Nîmes a un responsable de la sécurité. « Parce que la délinquance ne s’arrête pas aux portes de l’hôpital », Thierry Gaussen gère 33 agents titulaires d’un CAP de sécurité, formés au milieu hospitalier et appliquant des techniques vali-dées par les médecins. Ils ont su se faire accepter du personnel soignant et interviennent au moindre signalement, « dans tous les services, sans exception ». Ça peut aller plus loin. L’organisme « Scope santé sécurité » propose, parmi ses formations médi-cales, une initiation à l’autodéfense. « On est obligé d’en arriver

là, parce qu’il n’y a aucune régulation, aucune filtration aux urgences », explique Alain Perrier, le responsable pédagogique. Cet ancien anesthésiste vend entre dix et quinze sessions – pour des vigiles ou du personnel de santé – par an, encadrées par des médecins ou infirmiers de métier. Ce dispositif, encore minori-taire, a pour ambition d’apprendre à « se protéger en cas d’agres-sion ou immobiliser une personne agitée quand le dialogue est rompu », explique-t-il.

Rondes de police, sas de sécurité, stages d’autodéfense, voilà l’avenir de l’hôpital ? Pour l’Amuf, c’est plutôt un cauchemar. Son porte-parole, Christophe Prudhomme, confirme que l’hô-pital n’échappe pas à une société de plus en violente. Lui-même a été agressé plusieurs fois et a déjà reçu un coup de boule. « On a oublié que la médecine, c’est avant tout des rapports humains et des valeurs humanistes », analyse le porte-parole.

Pour ce médecin du Samu en Seine-Saint-Denis, une barrière stricte sépare les hommes en blanc des hommes en bleu. Sur-tout dans les banlieues parisiennes « où la confiance limitée envers la police nationale met en danger nos équipes ». Pour lui, le coupable de la violence aux urgences est tout désigné, c’est l’attente. Le porte-parole de l’Amuf préconise l’embauche de personnel, des formations de réponse à l’agressivité, des boutons poussoirs semblables à ceux des banques ou des bijou-teries. « L’accueil doit rester convivial », assure-t-il.

« Société McDonald’s »L’enjeu est simple et compliqué à la fois, il faut sanctuariser

l’hôpital sans le « bunkériser ». Veiller à ce que l’hôpital reste un endroit ouvert, c’est ce qu’a tâché de réaliser le Pr Casalino, chef de service aux urgences de l’hôpital parisien de Bichat. Depuis 2006, il y mène une réflexion sur la politique de sécurité. Outre la sensibilisation des équipes à la prévention et à la gestion des conflits, l’hôpital s’est fixé comme objectif « zéro patient dans les couloirs des urgences ». Les patients sont accueillis par une infirmière d’accueil et d’orientation, qui les installe dans les secteurs de soins appropriés. Seuls les patients sont admis, les accompagnants doivent rester en salle d’attente. En contrepartie, un membre de l’équipe de soins les informe sur les délais. Pas d’angélisme non plus, la salle d’attente et tous les accès ont été sécurisés par des portes à code et des caméras. Grégory Chabert, ambulancier agressé en février dernier à Bourgoin-Jallieu, milite surtout pour un changement de comportement des patients : « Les gens ne voient que leur propre urgence. Nous sommes dans une “société McDonald’s” où l’on reçoit tout rapidement. Mais la médecine ne fonctionne pas comme cela ! » Sera-t-il entendu ?• Ph. Sc.

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4 Monde réforme No 3531 • 10 octobre 2013

Le 24 mars dernier, à Bangui, en Centrafrique, les rebelles de la coalition hétéroclite Séléka chassaient du pouvoir François

Bozizé pour le remplacer par Michel Djotodia, issu d’une ethnie musulmane minoritaire – le tout sur fond de scènes de pillages à grande échelle. Depuis, les mercenaires de la Séléka sont devenus incontrôlables, même par le nouveau pouvoir en place, qui a fini par dissoudre la coalition, mais en vain. En réponse, à travers tout le pays, des milices d’auto-défense, majoritairement chrétiennes, ont vu le jour. Les affrontements avec leur lot de vengeances se font plus nom-breux chaque jour, faisant craindre un embrasement de cette région d’Afrique réputée jusque-là pour son calme inter-religieux.

«  La vie quotidienne de la popula-tion aujourd’hui en Centrafrique est marquée par la peur et l’angoisse. Elle a été traumatisée. Elle a tout perdu.

Elle n’a plus droit à rien et vit en pleine insécurité. Alors, on s’en remet entre les mains de Dieu », témoigne Ludovic Fio-mona, médecin et secrétaire général de l’Église réformée du Christ Roi à Ban-gui, responsable du programme de lutte contre le sida en Centrafrique pour le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Son confrère Bertin Oudagnon, vice-président de l’Église du Christ Roi, et

directeur du bureau de traduction biblique Wycliffe, a dû se réfugier quelque temps chez les Diaconesses de Reuilly en France, après avoir été agressé trois fois par des membres de la Séléka. Il a été mis en joue plusieurs fois par des hommes armés qui ont tiré sur lui, pour le terroriser. Il a dû leur don-ner l’argent dont disposait la mission de traduction biblique, l’équivalent de 1 500 euros en francs CFA.

« Les exactions continuent »Ses agresseurs ont également volé

voitures et motos, ordinateurs et ampoules électriques, et ont menacé de violer ses deux filles. « Mais le Sei-gneur n’a pas permis qu’ils passent à l’acte », témoigne-t-il, encore sous le choc. Il remercie grandement le Défap, service protestant de mission, qui lui a permis de venir souffler en France avec son épouse, du 22 août au 11 septembre dernier – l’obtention de son visa ayant

été très compliquée.Aujourd’hui, il décrit une situation de guerre en Centrafrique : «  Les exactions continuent de façon plus ciblée. Il y a des

braquages de véhicules. Il est risqué de sortir après 18 h. Alors, tout le monde se barricade chez soi, de peur d’être la cible de personnes armées. Le jour, on peut circuler, mais avec prudence car il y a des enlèvements, avec des demandes de rançon. Il faut donc rester discret et prudent. »

Ailleurs dans le pays, si le calme semble être partiellement revenu, des déplacements de populations font

craindre le pire pour leurs conditions sanitaires, voire leur survie. La ville de Bouar, qui se trouve dans l’ouest du pays, a été relativement épargnée par les rebelles venus du Nord-Est. C’est pourquoi elle a reçu beaucoup de dépla-cés, accueillis et nourris par les Églises sur place. Les catholiques ont été for-tement sollicités, les luthériens aussi. « Notre Église de Bouar a déjà accueilli plus de 900  personnes, et il en arrive de nouvelles tous les jours témoigne le pasteur André Goliké, président de l’Église évangélique luthérienne de Centrafrique. Nous avons reçu de l’aide financière des luthériens américains, qui nous a permis d’acheter du riz, des hari-cots rouges, du manioc, du sucre, du sel, du savon et du poisson fumé, autant de vivres que nous avons distribuées aux déplacés. Grâce au bureau de la Fédé-ration luthérienne mondiale installé à Bangui, nous avons consulté l’Unicef et le Programme alimentaire mondial : on espère recevoir de l’aide de ces ONG à partir du 15 octobre. »

Tentative de médiationFin août, le Défap a reçu des photos

de déplacés dans la ville voisine de Bohong, qui ont été publiées sur son site Internet1 : les déplacés, contraints de se cacher dans la brousse car des membres de la Séléka étaient à leurs trousses, comptent parmi eux des enfants, dont certains souffrent de fièvres ou du palu-disme. Ils boivent de l’eau impropre et essayent de se soigner avec des écorces d’arbres.

Pour tenter de mettre fin au chaos, les responsables religieux chrétiens et musulmans se sont rencontrés à plu-sieurs reprises pour lancer des appels

au calme. « À Bohong, nous essayons de faire de la médiation, de tenter une réconciliation entre les gens, mais ce n’est pas facile. Je vais y aller demain pour rencontrer la population, car c’est jour de marché. Nous avons formé une plate-forme religieuse, avec des catholiques, des protestants et des musulmans. Nous rencontrons les autorités, les membres de la Séléka, les notables et les religieux pour essayer de convaincre tout le monde de se pardonner mutuellement. Mais nous entendons encore des coups de fusils », raconte le pasteur André Goliké.

Le nouveau pouvoir, quant à lui, aux mains des musulmans, vient de nom-mer deux chrétiens à des postes clés, en signe d’apaisement : le président de l’Église du Christ Roi est son nouveau chef d’état-major, et Ludovic Fiomona est le responsable gouvernemental de la lutte contre le sida. Mais les autorités sont complètement dépassées par leur base, c’est pourquoi nombre d’interlo-cuteurs appellent de leurs vœux une intervention de la communauté inter-nationale. « Nous avons soif de la pré-sence des “casques bleus” pour protéger la population. S’ils sont là, sa sécurité sera assurée. Nous les attendons depuis longtemps », résume le pasteur André Goliké.

Ludovic Fiomona renchérit : « Nous fon-dons beaucoup d’espoir sur la résolution qui pourra être prise par les Nations unies à New York. Aujourd’hui, notre pays ne sait plus à quel saint se vouer. Nous avons été abandonnés. L’affaire du Mali était plus sérieuse, donc nous avons été délais-sés. » Pour combien de temps encore ?•

Marie Lefebvre-biLLiez

1. www.defap.fr

Centrafrique. Le chaos s’est répandu depuis le coup d’État du 24 mars. Les chrétiens sont les premières cibles. L’ONU interviendra-t-elle ?

faire face à l’insécurité

« Nous essayons de convaincre les gens de se pardonner mutuellement »

D. R

.

Les responsables religieux, catholiques, protestantset musulmans, tentent l’apaisement, mais ils sont dépassés parleur base

Lors du coup d’État du 24 mars, ni les 450 sol-dats français en poste à Bangui ni les 1 400 hommes de la force panafricaine Misca ne sont intervenus. Depuis, le chaos s’est installé et, se-lon Laurent Fabius, « une zone de non-droit peut devenir un repaire pour tous les extrémistes ». François Hollande a donc lancé un appel à la tri-bune de l’ONU le 25 septembre dernier, appelant au vote d’une résolution et à un déploiement de « casques bleus ». La situation au Mali et l’attentat de Nairobi font-ils craindre le pire ?« La Séléka est d’abord une rébellion contre le régime de Bozizé, analyse Jean-Arnold de Cler-

mont, président du Défap. S’y sont associés des bandits de grand chemin, dont le seul objectif est le pillage et la rapine. Dans cette désorganisation, il est indéniable que se sont greffés des éléments à visée djihadiste, venus du Tchad et du Soudan, et peut-être du Nigeria et du Mali, chez qui la dimen-sion antichrétienne est évidente. Cela met en péril la tradition de paix qui régnait jusqu’à présent entre chrétiens et musulmans. Une force d’interposition est une nécessité. Il y a urgence à rétablir l’ordre pour que les relations islamo-chrétiennes ne soient pas mises en péril et pour préserver la possibilité en Afrique d’un islam soufi pacifiste. » M. L.-B.

un risque d’embrasement religieux ?

Page 5: Désavoué, Ennahda s’en va

5Monderéforme No 3531 • 10 octobre 2013

ÉGLISE cathoLIquE. La réforme de la curie romaine, promise à mots couverts par le pape François, fermerait une parenthèse ouverte voici près d’un siècle et demi.

La curie sous pression

Septembre 1870 : profitant de la chute de Napoléon III, qui pro-tégeait les États pontificaux, le roi Victor-Emmanuel II para-

chève l’unité italienne en contraignant le pape à se réfugier dans Rome. Rien à voir, au premier abord, entre la défaite de Sedan et la réforme de la curie dont le pape François, voici quelques semaines, a lancé le chantier.

Pourtant, c’est bien la perte du pouvoir temporel sur leurs terres italiennes qui a encouragé les papes à concentrer leur autorité sur la cité vaticane et donc à renforcer la curie romaine.

Ce changement s’est trouvé renforcé par le dogme de infaillibilité du pape, décrété par le concile Vatican I, à la fin de l’été 1870. « Pie IX s’est évidemment senti humilié par l’occupation de ses États, relate le théologien jésuite Henri Madelin. Mais il s’est assez vite aperçu que cette lourde défaite pouvait lui laisser les mains libres sur le peu qui lui restait. » À condition de se doter d’un outil efficace.

Une force en mouvementLe phénomène a pris du temps. Pen-

dant la Première Guerre mondiale, le pape n’est jamais parvenu à se faire entendre des belligérants. Les grandes voix chrétiennes parlaient même contre lui. Mais pour continuer à jouer un rôle international, les papes n’ont eu d’autres choix que de suivre ce chemin escarpé, de s’appuyer sur les hommes de confiance qui composaient la curie.

Par les accords du Latran, signés en

1929, Mussolini a reconnu la légitimité du souverain pontife à conserver ce territoire de 44 hectares. La curie s’est muée en une véritable administration, capable de gérer non seulement le petit État, mais encore l’armée des nonces qui portaient partout la parole du pape. « La centralisation des pouvoirs n’a plus cessé, reconnaît l’historien Jean-Marie Mayeur. On a même pu parler d’une papauté impériale, dont le prestige culmine avec Pie XII et le rayonnement médiatique avec Jean-Paul II. »

Les enjeux idéologiques ont aussi contribué à renforcer le poids de la curie. « Pie XI et Pie XII ayant été nonces dans les pays de l’Est, ils avaient assisté aux massacres frappant les catholiques

dans les régions dominées par le com-munisme, observe Henri Madelin. Jean XXIII avait subi des avanies de la part des Orientaux, Jean-Paul II avait vécu toute sa vie en Pologne dominée. Cela forcément les encourageait à se doter d’une machine implacable pour faire contrepoids aux menaces extérieures. »

Cet excès de pouvoir n’est pas passé inaperçu. « De temps à autre, tel ou tel pape a pu avoir des velléités de réforme,

admet Jean-Marie Mayeur. Mais très vite ils ont été rattrapés par des réflexes insti-tutionnels plus forts que leur propre per-sonne. » Le souci d’efficacité primait sur le désir de collégialité. Faut-il en déduire que la réforme de la curie est impossible ? Évidemment non. Les pistes existent.

« Le concile Vatican II a voulu une curie au service de l’Église universelle, de l’effort missionnaire et de tous les diocèses, rappelle Henri Madelin. Le projet n’a pas beaucoup avancé à cause de l’avènement d’une société média-tique qui privilégie la personnification à outrance et de l’élection d’un pape de combat – Jean-Paul II. Mais aujourd’hui, les conditions sont requises pour que le travail soit entrepris. » Les vives critiques entendues pendant le conclave cette année donnent au pape François une opportunité rarement rencontrée. La diversité des personnalités que le pape a choisies pour formuler des propositions laisse augurer de vrais changements.

Mais il faut agir vite, au risque de voir la routine reprendre le pouvoir.•

frédérick caSadeSUS

De par le monDe

Tournant iranienIl y a quarante ans, la visite du président Nixon en Chine, du 21 au 28 février 1972, marquait un tournant historique en ou-vrant le dialogue, après de nombreuses années d’ignorance mutuelle, entre Pé-kin et Washington. Saluant l’événement, Nixon parlait de « la semaine qui a changé le monde ». Dira-t-on de la dernière se-maine de septembre 2013, marquée par un coup de téléphone largement média-tisé entre le président Obama et son ho-mologue iranien, Hassan Rohani, qu’elle a changé le monde ? Peut-être pas, ou du moins il est trop tôt pour l’affirmer.Mais l’échange entre les deux dirigeants a mis fin, comme l’a noté un journal ira-nien, à un tabou qui rendait impossible un dégel des relations entre les deux pays. Les ponts étaient coupés depuis la chute du shah et l’instauration de la République islamique en 1979. L’occu-pation de l’ambassade américain à Téhé-ran et la prise en otage de ses personnels pendant près de quinze mois avaient provoqué la rupture des relations diplo-matiques entre l’État que l’Iran qualifiait de « grand Satan » et celui que les États-Unis considéraient comme un « État-voyou ».De part et d’autre s’exprime aujourd’hui la volonté d’établir entre les deux pays des relations plus apaisées.Pour Barack Obama, l’intérêt est à la fois économique (favoriser l’ouverture du marché iranien aux industriels améri-cains) et stratégique (diminuer les ten-sions qui agitent la région, en particulier en Syrie et en Irak, deux alliés de l’Iran).Pour les dirigeants iraniens, qui ont choisi en Hassan Rohani un réformateur modéré, l’objectif est d’abord d’obtenir la levée des lourdes sanctions qui affai-blissent le pays ; il est ensuite de rendre à l’Iran sa place de puissance régionale, aux côtés de l’Arabie Saoudite, sa prin-cipale rivale, qui l’a évincé de la scène diplomatique. Un rapprochement peut donc s’amor-cer. Le résultat est loin d’être acquis. Le principal obstacle demeure la question du nucléaire iranien, qui fait depuis de longues années l’objet d’interminables négociations. À Washington comme à Téhéran, on se montre prudent, ne serait-ce que pour ne pas heurter de front les conservateurs des deux camps. Mais un élan est donné, qui ouvre des perspectives encourageantes.•

Thomas ferenczi

« dans le passé, le souci d’efficacité primait sur le désir de collégialité »

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Le pape françois, lors de sa visite à assise, le 4 octobre

Parmi les évolutions, la plus facile concerne la gouvernance et une plus grande collégialité avec les confé-rences épiscopales. Pour les fidèles, sans changer la foi de l’Église, trois mesures sont attendues par de nom-breux catholiques. L’ordination d’hommes mariés, comme c’est le cas dans les Églises catholiques de rite oriental, uniates et maronites, soumise à l’autorité de Rome. Comme pour les diacres, les prêtres célibataires ne pourront

se marier mais le presbytérat serait ouvert aux hommes déjà mariés. Le remariage des divorcés, comme dans les Églises orthodoxes. La ri-gidité actuelle de l’Église sur cette question oblige les prêtres à des attitudes pastorales intenables. Enfin, l’ouverture du diaconat aux femmes. Dans la mesure où le prêtre représente le Christ, la foi catholique réserve ce ministère aux hommes. Il peut en être autrement pour les diacres. A. N.

Les ouvertures possibles

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6 Société réforme No 3531 • 10 octobre 2013

questions àNathalie Kosciusko-Morizetdéputée de l’Essonne candidate UMP à la Mairie de Paris

Que vous inspire la situation de la droite républicaine aujourd’hui ?Je veux d’abord affirmer que l’on se construit dans l’action. Ce qui m’im-porte aujourd’hui, c’est de mener la bataille pour l’alternance à Paris.

Je souhaite le faire dans l’unité, ou pour mieux dire dans l’union, c’est-à-dire en respectant la spécificité de cha-cun. Les primaires ouvertes ont permis aux Parisiennes et aux Parisiens de dési-gner la candidate de l’UMP.

En retour, elles m’ont donné la légi-timité pour rassembler ceux qui se trouvent dans d’autres mouvements politiques – UDI, MoDem – auxquels s’ajoutent des personnalités issues de la société civile, qui ont envie de construire un projet d’avenir assez éloigné des ten-sions partisanes.

Vous n’ignorez pourtant pas que le Front national est actuellement perçu, par la gauche comme par la droite, comme une menace. Que pensez-vous des déclarations de François Fillon et d e s p o l é m i q u e s q u ’e l l e s o n t entraînées ?Ce genre de débat n’est pas neuf. Cela fait des années que la présence du Front national dans la vie politique provoque des discussions. Nos concitoyens n’at-tendent plus de consignes de vote – s’ils l’ont jamais fait. Il est donc inutile de formuler des injonctions.

Chaque responsable politique, en revanche, a le devoir de dire clairement comment il se comporterait, à titre per-sonnel, s’il était obligé de choisir entre un candidat du Front national et un can-didat de gauche. J’estime cette question tellement cruciale que j’ai rédigé un livre pour y répondre.

Vous appartenez à la tradition gaul-liste, qui permet à chacun, d’où qu’il vienne, de s’accrocher au projet col-lectif de la nation française. Quelles réponses apportez-vous à ceux qui se l a i s s e n t e n t r a î n e r p a r l a xénophobie ?C’est en proposant des objectifs que l’on peut bâtir une espérance commune. Pour ne prendre qu’un exemple : voici quelques jours, les responsables socia-listes de Paris ont affirmé que la solution au problème des Roms consistait à les reloger.

Mais les Roms ne vont pas être installés dans des appartements situés en HLM…Certes, mais c’est un effet de cascade : j’ai été ministre en charge du logement et j’ai donc eu à gérer l’hébergement d’urgence.

Le nombre de places n’étant pas extensible, les pouvoirs publics sont

Or, actuellement, 130 000 personnes sont en attente d’un logement social à Paris, certaines d’entre elles depuis plus de dix ans ; comment peuvent-elles accueillir une telle déclaration ? Je m’op-pose à cette option parce que je la trouve injuste et inaudible par des citoyens qui, de façon légitime, s’impatientent.

contraints d’établir des parcours de vie qui entraînent les derniers demandeurs à intégrer des pensions de famille, puis les logements sociaux. Dire que l’on va répondre à tous les problèmes tout de suite et faire face à toutes les situa-tions, et surtout aux plus médiatisées, ce n’est pas faire justice à l’attente de nos concitoyens.

élEctions MUniciPalEs (1). Candidate UMP à la Mairie de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet livre son diagnostic sur les enjeux politiques actuels et son point de vue sur le développement de la capitale.

« Il faut renforcer la société par la logique du contrat »

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Nathalie Kosciusko-Morizet a vu le jour en 1973, dans le quinzième arrondissement de Paris.Son engagement politique est le gaullisme et s’inscrit, à n’en pas douter, dans une histoire familiale : fille de Fran-çois Kosciusko-Morizet, qui exerce toujours les fonctions de maire de Sèvres (Hauts-de-Seine), la candidate UMP à la Mairie de Paris est également la petite- fille de Jacques Kosciusko-Morizet, grande figure de la Résistance et an-cien Ambassadeur de France. Polytechnicienne ayant effectué son service militaire à Dji-bouti, cette jeune femme est entrée dans la carrière poli-tique en 2002, comme suppléante de Pierre-André Wilzer, député de l’Essonne.Assez vite, Nathalie Kosiuscko-Morizet s’est imposée dans

le débat public, associant fidélité aux traditions et prise en compte assumée de la modernité.Secrétaire d’État chargée de l’écologie sous l’autorité de Jean-Louis Borloo en 2007, Nathalie Kosciusko-Morizet n’a pas hésité à dénoncer avec virulence les prudences de son camp. Devenue maire de Longjumeau en 2008, elle a conforté sa liberté d’action. Lors de l’élection présiden-tielle de 2012, elle fut porte-parole du candidat Nicolas Sarkozy, incarnant l’aile progressiste d’une équipe domi-née par des tendances conservatrices.La candidature de Nathalie Kosciusko-Morizet à la Mairie de Paris consacre son avancée au premier plan de la vie politique.

F.C.

Un tempérament bien affirmé

« Je travaille sur un concept qui est celui de la réciprocité »

Page 7: Désavoué, Ennahda s’en va

7Sociétéréforme No 3531 • 10 octobre 2013

Urbanisme. Face à la concurrence européenne, l’État et les collectivités cherchent à muscler la capitale.

Le pari du « Grand Paris »

Ce qu’il est convenu d’appeler « Grand Paris » n’est pas un programme technocratique, mais une réponse ambitieuse aux problèmes

qui se posent autour de la capitale, la première action d’envergure depuis près de cinquante ans, lorsque le général de Gaulle avait confié à Paul Delouvrier le soin de donner une cohérence à l’essor de la région parisienne.

Le 3 juillet 2010, à l’instigation du président Sarkozy, les députés ont voté une loi donnant naissance au « Grand Paris ». Ce projet, présenté comme urbain, social et économique, avait à l’origine pour objectif d’unir les grands territoires stratégiques de la région d’Ile-de-France, dans les bassins d’emploi et d’habitations. Le texte de la loi précise que le « Grand Paris » devait réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux.

Comme on le devine, les transports consti-tuaient déjà l’élément clé du dispositif. Le Grand Paris Express devrait permettre la construction de 205 kilomètres de lignes de métro automatique et 72 nouvelles gares pour relier les territoires de la Région, alléger le trafic du RER et des transports existants. Les querelles personnelles et politiques oppposant Christian Blanc, chargé de mener à bien l’aventure par le président de la République, et Jean-Paul Huchon, président du conseil régio-nal socialiste, ont freiné le lancement du projet. Aujourd’hui, les travaux ont commencé.

Les métropolesLa victoire de François Hollande a modifié la donne.

En effet, soucieux d’approfondir la décentralisation, le nouveau président de la République a souhaité don-ner naissance à des entités territoriales urbaines : les métropoles. Ce projet vise, selon les termes de la loi actuellement en discussion, à clarifier les responsa-bilités des collectivités territoriales et surtout confor-ter les dynamiques urbaines en affirmant le rôle des métropoles dans le cadre de la décentralisation. Trois métropoles devraient en principe voir le jour au 1er janvier 2016 : Paris, Lyon, Aix-Marseille-Provence.

124 communes, 19 intercommunalités, 4 dépar-tements, la métropole parisienne pourrait bien s’élever au niveau des capitales européennes– en particulier celui de Londres. Outre la promesse d’un développement compatible avec la protection de l’environnement, le nouveau « Grand Paris » repo-serait sur la densification, c’est-à-dire une ville qui intègre l’idée de la proximité, dans le domaine de l’emploi, des services essentiels et du domicile. « À l’hypothèse d’un monde plat, il faut substituer celle d’un monde épais, roulé en boule », observe Olivier Mongin dans son livre La Ville des flux (Fayard).

Autant le dire, à Paris comme ailleurs, ces objec-tifs suscitent le scepticisme et font grincer les dents des élus. En période de crise, certains s’interrogent sur le financement des projets, d’autres critiquent la création d’une nouvelle trame administrative, à l’heure où nos concitoyens réclament plutôt de la simplicité. Mais la plupart des acteurs de terrain craignent surtout d’être dépossédés de leur pouvoir de décision. La perspective des élections munici-pales et régionales (en 2014 et 2015) pourrait ouvrir la voie de la contestation tous azimuts.• F. C.

ou anthropologiques, il faut trouver le consensus. À propos de l’euthanasie, la majorité précédente avait créé une commission composée de députés de droite et de gauche, qui siégeait à l’écart des médias et donc à l’abri des pos-

tures politiciennes. Le résultat est que ces femmes et ces hommes de bonne volonté ont élaboré un projet de loi qui fut adopté à la quasi-unanimité, qui est la loi Léonetti.

Quelle place les Églises doivent-elles tenir dans l’espace public ? Les Églises ont toute légitimité à inter-venir dans le débat public. Par le prisme de leur tissu associatif, elles connaissent bien la société française. Elles doivent être un lieu de réflexion et de débat sur la modernité. Elles ne doivent pas se contenter d’exprimer un dogme.

Le phénomène de métropole engage les candidats présents dans les grandes villes à créer des programmes extra-muros. Comment envisagez-vous la coopération de Paris avec les com-munes qui composeront le « Grand Paris » ?Je crois beaucoup au « Grand Paris ». Lorsque j’étais ministre du Logement, j’ai tenté de stimuler cette coopération, notamment le projet « Grand Paris Express ».

Le gouvernement actuel a poursuivi ce travail, en dépit de quelques modi-fications subalternes, et je m’en réjouis parce qu’il est bon qu’un projet impli-quant des millions d’habitants et des investissements considérables bénéficie d’une forme de continuité.

En revanche, je ne crois pas du tout qu’il faille en passer par une loi qui s’applique à tous les domaines. Cette option, choisie par l’actuelle majorité, conduit à la gabegie : création d’une nouvelle institution, recrutement d’un millier de fonctionnaires supplémen-taires, nécessité de débloquer un budget de 2 à 4 milliards. Le mille-feuille admi-nistratif entraîne des frais considérables et j’ai la conviction qu’en cette période de crise, alors que nos concitoyens se plaignent déjà d’être suradministrés, il dévoie la belle idée de métropole.

Cela peut-il se traduire de façon concrète ?Je voudrais, par exemple, que nous

En revanche, à Lyon, qui est aussi une municipalité socialiste, j’observe que la mairie a développé une coopération in situ avec la Roumanie pour déve-lopper des capacité d’insertion locale, pour éviter que le problème des Roms ne s’exporte.

Je trouve cette démarche très intéres-sante – ce qui démontre que je n’aborde pas cette question sous un angle par-tisan. Alors, bien entendu, je ne pré-tends pas qu’un seul dispositif suffise à résoudre tous les problèmes – ce que la mairie de Lyon reconnaît elle-même.

Simplement, je crois que ce genre d’initiative a du sens et contribue à réduire les tensions au sein de notre société. C’est un chemin pragma-tique, efficace, pour lutter contre la xénophobie.

Il y a quelques mois, dans nos colonnes, Bruno Le Maire appelait sa famille politique à porter, haut et fort, les valeurs de la droite républicaine. Quelles sont, selon vous, les valeurs qu’il convient de placer au premier plan ?Avec la « France droite », le mouvement politique que j’ai créé, je travaille sur un concept qui est celui de la réciprocité.

La société risque de se déliter quand ceux qui la composent – quel que soit leur niveau de vie – nourrissent le senti-ment que certains reçoivent plus, tandis que d’autres donnent beaucoup trop. Je veux repenser la question de l’échange, du don et du contre-don. Notre devise républicaine « Liberté, Égalité, Frater-nité  » pourrait être renforcée par la logique du contrat, de la réciprocité.

Sous l’influence de Nicolas Sarkozy, la droite a paru admettre une forme de libéralisme dans le domaine des mœurs. N’est-elle pas en train de renouer avec ses traditions ?Je regrette que nous ne soyons pas allés au bout d’une promesse faite en 2007 : l’union civile en faveur des homosexuels.

Ce dispositif, complété par des solu-tions concrètes – je pense par exemple à la reconnaissance d’un statut pour le beau-parent, faisant droit à des situa-tions complexes qui se posent depuis longtemps.

Ce système fonctionne en Allemagne, il permet de faire face à tous les cas de figure sans contraindre le corps social à verser dans les dérives de l’indifférenciation.

Hélas, le gouvernement actuel a cher-ché un avantage politique et préféré séparer les Français plutôt que de les rassembler. Quand on aborde un sujet qui concerne les questions morales

élections mUnicipales (1). Candidate UMP à la Mairie de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet livre son diagnostic sur les enjeux politiques actuels et son point de vue sur le développement de la capitale.

« Il faut renforcer la société par la logique du contrat »travaillions sur le périphérique. Dans son livre intitulé L’invention de Paris, Eric Hazan démontre que Paris s’est construit en débordant progressive-ment de ses murailles, celles de Philippe Auguste, celles de Charles X, celles des

fermiers généraux. Depuis quarante ans, cette extension butte sur le périphérique. Il me semblerait pertinent de couvrir cette voie. Nous ne pourrions pas réali-ser un tel projet en quelques mois, mais le vote d’un fonds

d’amorçage, qui permet de créer les pre-miers mètres carrés et qui se refinance par la vente de ces mêmes premiers mètres carrés, lancerait la machine de manière efficace. Un tel projet, associant des logements et des bureaux, favorise-rait la coopération entre la capitale et sa banlieue, redonnerait de la liberté, du dynamisme, à tous.

Quels sont vos projets dans le domaine culturel ?Le musée gratuit devait favoriser l’ou-verture des publics. En fait ce dispositif n’atteint pas sa cible parce que l’accès à la culture ne relève pas uniquement de considérations financières.

C’est la raison pour laquelle je suis tel-lement critique au sujet de l’application de la réforme des rythmes scolaires. La Ville de Paris a voulu être le meilleur élève de la pire des politiques, en refu-sant de prendre le temps de former des animateurs.

À partir du moment où l’on s’engage dans cette voie, il faut creuser des pistes sérieuses, utiliser le temps périscolaire à l’élaboration de programmes solides, capables de toucher les publics qui ren-contrent le plus de difficultés sociales. Aujourd’hui, le gouvernement s’apprête à dépenser plus de 50 millions d’euros par an pour saupoudrer les écoles d’ac-tivités disparates, abîmant au passage l’autorité des chefs d’établissement et des enseignants.

C’est une opportunité gâchée. Si les Parisiennes et les Parisiens me choi-sissent en mars prochain, je prendrai mes responsabilités au niveau local : je veillerai à définir des règles de transpa-rence sur le choix des associations et le profil des animateurs, afin de donner une cohérence à l’ensemble du dis-positif, assurer l’égalité des chances et conforter les acteurs de la vie scolaire. •

ProPoS reCueILLIS Par F. CaSadeSuS

¿À lire : Le Front antinational Nathalie Kosciusko-Morizet éditions du Moment 200 p., 8,95 €.

« Sur les questions morales ou anthropologiques, il faut trouver le consensus »

Page 8: Désavoué, Ennahda s’en va

8 Dossier réforme No 3531 • 10 octobre 2013

La Tunisie vient peut-être de faire un premier pas vers la sortie de crise. Le parti islamiste Enna-hda, qui dirige le gouvernement,

s’est engagé à quitter le pouvoir avant la fin du mois. D’ici à trois semaines, un nouveau gouvernement, essentielle-ment composé de technocrates, devrait être mis en place avec pour objectif de redresser le plus rapidement possible une situation économique de plus en plus difficile. Le pays compte plus de 700 000 chômeurs. L’inflation dépasse les 6,5 %. Une partie de l’administration ne suivrait plus les directives du gou-vernement. Les investisseurs étrangers quittent le pays. La désespérance sociale reste forte. Au lendemain de l’assas-sinat de deux députés de l’opposition en février et en juillet, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans la rue pour réclamer la démission du gouvernement en place.

L’échec d’EnnahdaLes islamistes ne pouvaient pas faire

autrement, selon Hazem Ksouri, avo-cat, membre de la société civile, fon-dateur de l’association Tunisie libre, proche du Front populaire, la gauche laïque opposée au pouvoir actuel : « La société tunisienne n’est pas la société égyptienne. L’armée a refusé de tirer sur le peuple tunisien au moment de la révo-lution de jasmin. Elle refuse d’intervenir politiquement. Le conflit armé n’est pas inscrit dans les gènes du pays. L’opinion a été surprise et profondément choquée par l’assassinat de Mohamed Brahmi et Cho-kri Belaïd, leaders de la gauche laïque. C’est tellement étranger à nos pratiques politiques ! Les dirigeants islamistes ont

compris que, s’ils restaient davantage au pouvoir, le mouvement en tant que tel pouvait disparaître politiquement aux prochaines élections. Le mécontentement est tellement fort. »

Le parti islamiste a remporté les pre-mières élections libres du pays avec 40 % des voix au moment de la désignation de l’Assemblée constituante en octobre 2011. Il est aujourd’hui crédité de 15 % d’intentions de vote dans les sondages. Abdelfattah Mourou, vice-président du parti, reconnaît aisément l’échec de son mouvement. L’expérience du pouvoir fut un désastre.

L’homme est, avec Rached Ghan-nouchi [leader du parti islamiste, ndlr], l’un des fondateurs de l’islam politique en Tunisie, au début des années 70. Il nous reçoit dans une maison cossue à La Marsa, banlieue chic de Tunis. Sa fille dirige un fonds d’investissement en finance islamique. Elle ne porte pas le voile. L’homme représente l’aile modé-

rée du parti. « Nous sommes sans doute arrivés aux affaires trop rapidement, sans aucune expérience réelle du pouvoir. Moi-même, Rached Ghannouchi et cer-tains cadres du mouvement vivions dans l’opposition depuis plus de 40 ans, ana-lyse le vice-président d’Ennahda. Il faut savoir comment faire fonctionner une administration, un État, un pays. Nous

avions très peu de prise sur la machine administrative. Nous n’avions pas cette compétence.

» Le mouvement s’est quelquefois plus apparenté à une confrérie religieuse qu’à un véritable parti politique capable notamment d’articuler une communi-cation moderne. Nos discours étaient empreints de religiosité mais nous avons fait preuve d’amateurisme et de mala-dresse politique. Nous avons commis des erreurs qui ont heurté profondément une partie de l’opinion et qui ont conforté les gens qui, au départ, ne nous considé-raient pas comme étant un mouvement légitime. »

« Rois du double discours »Rached Ghannouchi, le leader histo-

rique du parti, un moment contesté par des éléments plus radicaux, a ainsi orga-nisé une rencontre avec les salafistes, la branche la plus radicale des isla-mistes en Tunisie, en leur demandant

de patienter avant l’établis-sement d’un État islamique dans le pays. « Ghannouchi n’est pas un extrémiste. Il a fait cela par calcul politique pour renforcer son autorité politique dans le parti. Cela a été une très grave erreur stratégique, qui a davantage

scindé la population en deux, entre un courant civil et un courant religieux, alors que nous avions besoin d’unité et de consensus », reconnaît ce proche de Ghannouchi.

Meriem Zeghidi, membre de l’associa-tion des femmes démocrates, fait partie du courant civil de la société tunisienne. Pour elle, le retrait du pouvoir des isla-

mistes est une excellente nouvelle. « C’est un mouvement idéologiquement équivalent aux Frères musulmans égyp-tiens. Ce sont les rois du double discours. Ils cherchent certes à islamiser progres-sivement la société en douceur mais, de fait, ils remettent en cause les libertés publiques et les libertés fondamentales des femmes.

» Leur objectif, lors des séances de l’As-semblée constituante, a été par exemple de remettre en cause le code du statut personnel des femmes de 1956, qui inter-dit la polygamie, autorise le divorce et empêche le mariage forcé. Ghannouchi n’a pas cessé de réaffirmer que le code du statut personnel n’était pas remis en cause dans la nouvelle Constitution. En même temps, il prônait la levée de l’inter-diction de la polygamie.

» Ce sont des fascistes verts qui ont trompé le peuple tunisien. Ils n’ont rien à faire dans le champ de la démocratie. Les Tunisiens religieux ont voté pour eux par peur de Dieu. Ils ont regretté leur choix. Hitler avait obtenu 40 % des voix. Était-il pour autant légitime ? Ils ont des dépu-tées femmes. Le mouvement a présenté des candidates parce qu’il y avait une loi sur la parité électorale. Mais, en tant que femme, je ne suis rien pour eux », assure Meriem Zeghidi.

Ahmed Sisi, jeune Tunisien, proche du Front populaire, tient le même dis-cours. Il vient chaque semaine mani-

Désavoué, Ennahda s’en vaTunisie. Le parti islamiste Ennahda s’est engagé à quitter le pouvoir avant la fin du mois. En cause, son incapacité à gérer l’État, l’hostilité de la part de la société civile et les grèves organisées par l’UGTT, le puissant syndicat historique tunisien.

« Lorsque le pays enregistre plus de 33 000 arrêts de travail dans l’année, vous ne pouvez plus gouverner »

Évolution politique en Tunisie ¿Le parti islamiste Ennahda, en butte à une hostilité croissante, quitte le pouvoir ¿ La liberté d’expression toujours sur la sellette ¿Le désenchantement des jeunes Tunisiens Dossier réalisé Par Pierre Desorgues, envoyé sPécial à Tunis

Page 9: Désavoué, Ennahda s’en va

9Dossierréforme No 3531 • 10 octobre 2013

fester sur l’avenue Bourguiba, à Tunis, pour réclamer la vérité sur l’assas-sinat des deux leaders politiques de gauche. « L’objectif d’Ennahda est de créer un État où un seul parti, celui de l’islam politique, tiendrait le pouvoir. Ils veulent à moyen ou long terme repro-duire le système politique de Ben Ali en ajoutant leur sauce islamiste », estime le jeune militant.

Le poids de l’UGTTMalgré l’accord annonçant que Enna-

hda quittera le pouvoir, ces deux Tuni-sie refusent encore véritablement de se parler. Plus que les partis d’opposition, c’est l’UGTT, le principal syndicat, qui est véritablement derrière la décision des islamistes de quitter le pouvoir. « Lorsque le pays enregistre plus de 33 000 arrêts de travail dans l’année, notam-ment dans la fonction publique, vous ne pouvez plus gouverner », reconnaît Abdelfattah Mourou.

« Nous voulons un gouvernement de technocrates pour relancer l’économie. Les islamistes devaient partir », soutient Sami Aouadi, conseiller économique de l’UGTT.

« Nous sommes restés dans un schéma politique et institutionnel qui existait sous Ben Ali. L’opposition refuse de par-ler au pouvoir en place. Un syndicat très puissant, l’UGTT, prend le relais d’une opposition absente et fait parfois plier

le pouvoir. C’est ce qui se passe en ce moment », analyse Habib Guiza, ancien dirigeant du syndicat.

Hazem Ksouri, avocat au barreau de Tunis, est partisan d’une réconciliation : « Ennahda fait partie de la société tuni-sienne, que cela nous plaise ou non. Ils ont leurs militants, leur base sociale. Il faut les intégrer dans le jeu politique et essayer de les transformer. Il faut arrêter de faire des procès en légitimité. Si nous les excluons, ils vont se radicaliser. La démocratie est une affaire d’affrontement pacifique et aussi de compromis. »

Le vice-président d’Ennahda, Abdelfattah Mourou, abonde dans le même sens : « Il faut cesser de voir l’adversaire politique comme un ennemi à abattre. L’opposition laïque doit nous reconnaître comme un parti légitime et un parti tunisien. Nous ne sommes pas financés par des États du Golfe. Nous, nous devons nous réaffirmer comme un parti qui revendique l’héritage arabo-islamique de la Tunisie mais qui ne remet pas en cause la démocratie. Nous ne sommes pas des Frères musulmans. Nous n’avons pas de double discours. Nous n’avons pas aboli le code du sta-tut personnel de la femme. Que l’on nous juge sur nos actes. Nous voulons être en terre d’islam l’équivalent de ce que fut la démocratie chrétienne en Europe. »•

Pierre DesorGUes

envoyé sPéciaL à TUnis

assisterait-on à un tour de vis sur la liberté d’expression en Tunisie ? En quelques semaines

plusieurs journalistes et artistes se sont retrouvés menottes au poignet en comparution immédiate devant un tribunal. Le rappeur tunisien Klay BBJ a été condamné à six mois de prison ferme pour des chansons jugées insul-tantes contre le pouvoir en place. Son confrère Weld El 15 écopait, lui, de 21 mois de prison. Il a décidé de fuir et de se cacher. Les deux rappeurs avaient été passés à tabac par la police avant leur jugement. Le journaliste Zied el-Heni et son cameraman ont été poursuivis pour avoir filmé des jets d’œufs sur le ministre de la Culture par la foule. Toute la profession s’est mobilisée. Plus de 90 % des journalistes ont fait grève. Les deux journalistes ont été libérés après deux jours de prison.

Ce type de harcèlement judiciaire et ces condamnations ne surprennent pas Hishem Snoussi, journaliste et membre de l’équivalent du CSA fran-çais – l’Instance nationale de la réforme de l’information et de la communica-tion : « Le régime reproduit exactement les mêmes procédés que sous Ben Ali. On ne persécute pas directement avec des ratonnades. On utilise le pouvoir judi-ciaire à travers des textes de loi qui n’ont pas changé. Les lois sur la diffamation contre le pouvoir datent de l’époque de Ben Ali. La moindre critique du pouvoir en place, que ce soit en chanson ou dans un article ou dans un journal télévisé, peut faire l’objet d’un procès. Il faut changer les textes législatifs pour éviter que les procès deviennent des règlements politiques. »

Le rôle des magistratsAu lendemain de la révolution, les

décrets gouvernementaux 115 et 116 ont reconnu la liberté de la presse et la liberté d’expression. Mais ces deux textes ne pèsent rien juridiquement face au code pénal du régime déchu, toujours en vigueur.

« Nos hommes politiques n’ont pas encore de véritable culture démocra-tique et ont encore du mal à concevoir que la critique, voire la virulence, fasse partie du jeu politique. La liberté d’ex-pression existe toujours en Tunisie mais un climat d’insécurité et de méfiance touche la profession. Avec toutes ces affaires, il y a un réel risque d’autocen-sure de la part de la profession. Nous ne sommes plus au temps de Ben Ali. On assiste même, à travers les blogs, à une augmentation du nombre de gens qui se revendiquent journalistes mais qui

ont été un peu formés sur le tas et qui commettent des erreurs déontologiques, en confondant commentaire et fait, en faisant des erreurs factuelles. Le pouvoir en profite pour les attaquer en justice », ajoute le journaliste tunisien.

Depuis le déclenchement de la révo-lution, 187 journaux et revues ont vu le jour dans le pays. La mentalité des magistrats na pas vraiment changé, selon Selim Dawla, écrivain tunisien, emprisonné plusieurs fois sous Ben Ali. « Ce qu’on appelle “l’État profond”, la jus-tice, la police, a horreur du manque de respect envers l’autorité. Des journalistes, des écrivains, des artistes ont été pour-suivis sans que forcément les autorités politiques engagent elles-mêmes la pro-cédure judiciaire », souligne l’écrivain philosophe, surnommé le « Socrate de Tunis ».

Bataille d’influence« Il y a une émotion légitime qui se

manifeste à chaque fois qu’un journaliste ou un artiste est menacé. Nous avons été tellement privés de liberté d’expression. Maintenant, j’ai plutôt le sentiment qu’il y a trop de paroles. Nous sommes enfer-més dans une série de débats politiciens sans fin, sans que les vrais problèmes sociaux et économiques soient abordés.

» Beaucoup de Tunisiens aujourd’hui ont une sorte de nostalgie un peu mor-bide de l’ancien régime. “À l’époque, les gens parlaient moins mais le prix de la viande et de l’huile ne bougeait pas”, se dit l’homme de la rue », précise Selim Dawla.

« L’attention médiatique et internatio-nale s’est portée sur ces procès mais la liberté journalistique est plus menacée lorsque Ennahda essaie, comme d’autres mouvements politiques, de placer ses hommes à la tête des chaînes ou de la radio publique », explique pour sa part Hishem Snoussi.

Le Premier ministre sortant, Ali Larayedh, a voulu nommer directe-ment les directeurs des programmes de quatre antennes de la radio publique. Les journalistes des radios concernées doivent désormais « bannir toute infor-mation susceptible de menacer l’ordre public ». Les déroulés des journaux devaient être remis sur le bureau du Premier ministre 24 heures avant leur diffusion.

La radio publique, quant à elle, se met régulièrement en grève. «  Nous sommes dans une bataille d’influence. Une culture démocratique, hélas, ne s’invente pas du jour au lendemain », conclut Hishem Snoussi…•

P. De.

Presse. Malgré l’émergence de nombreux titres depuis la révolution, il n’est toujours pas aisé de s’exprimer librement en Tunisie, surtout sur les chaînes de télévision et à la radio publique.

La liberté d’expression sous contrôle

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Le 19 septembre, des partisans du Front populaire, l’opposition de gauche, manifestent à Tunis sur l’avenue Bourguiba pour réclamer la vérité sur l’assassinat des deux députés d’opposition, chokri Belaïd et Mohamed Brahmi

Page 10: Désavoué, Ennahda s’en va

10 Dossier réforme No 3531 • 10 octobre 2013

La nostalgie de l’ère Ben Ali pointe chez de nombreux jeunes de Tunis. Souhabib, vingt-deux ans, titulaire d’un BTS en action

vente, cherche toujours du travail. En vain. « Depuis la révolution, les inves-tisseurs étrangers n’ont plus confiance. L’économie, à cause de l’instabilité poli-tique, s’est effondrée en quelques mois. J’ai effectué mon stage de fin d’études dans une société qui commercialisait des systèmes d’arrosage au goutte-à goutte pour de grandes exploitations agricoles. Je n’ai pas pu être embauché. Un des investisseurs saoudiens de Tunis Drip s’est retiré. L’entreprise est en grande difficulté », explique le jeune homme.

Rihab, ingénieur en informatique et jeune militante de la CGTT, un nouveau syndicat né au lendemain de la révolu-tion, cherche toujours du travail. « J’en-voie à peu près une vingtaine de CV par semaine. En vain. Je ne reçois même pas une lettre de refus à ma candidature. Les employeurs reçoivent en moyenne entre 300 et 400 candidatures pour chaque poste. Rien n’a vraiment changé pour nous jeunes chômeurs depuis la chute de Ben Ali  », décrit la jeune femme.

700 000 chômeursLe pays compte un peu plus de 700 000

chômeurs, pour une population de plus de 10 millions d’habitants. Le taux de chômage des jeunes diplômés dépasse les 35 %. Il est de plus de 45 % pour les jeunes femmes diplômées de l’ensei-gnement supérieur. Les jeunes diplô-més chômeurs ont pourtant été l’un des moteurs de la révolution de jasmin. Le 4 janvier 2011 à Ben Arous, Moham-med Bouazzi, vingt-six ans, membre d’une association de jeunes chômeurs, s’immolait et déclenchait le début de la contestation.

« Les gouvernements qui se sont suc-cédé après le départ de Ben Ali ne se sont pas véritablement attaqué aux causes structurelles du chômage endémique qui frappe la jeunesse tunisienne. Les pre-miers exécutifs provisoires ont mis en place des mesures de traitement social du chômage. Le plan Amal [espoir en arabe, ndlr] permettait aux jeunes chômeurs de toucher une pension de 200 dinars par mois [95 euros]. Les caisses se sont rapidement vidées et, au bout d’un an, le programme a été supprimé », décrit Sami Aouadi, professeur d’économie à l’université de Tunis, principal conseil-ler du premier syndicat du pays, l’UGTT.

« La Tunisie reste un pays en voie de développement. Ben Ali et l’actuel gou-vernement dominé par Ennahda, le

principal parti du pays, issu de l’islam politique, ont reproduit les mêmes poli-tiques, celles du laisser-faire, qui ne fonc-tionnent pas pour les pays pauvres. La Tunisie a besoin d’une base industrielle forte et d’infrastructures pour résorber le chômage des jeunes. Ceci passe par des dépenses publiques et la constitution d’une économie mixte partagée entre l’État et le secteur privé. Les gouverne-ments qui se sont succédé préfèrent suivre les directives du FMI et de la Banque mondiale », poursuit l’économiste.

« Ben Ali, dans les années 90, a en outre ouvert de manière démagogique l’accès

à l’enseignement supérieur. Il voulait démontrer que le régime faisait fonction-ner l’ascenseur social. La seule économie de la connaissance devait faire décoller l’économie tunisienne. Le marché du travail n’était pas en mesure d’accueillir cette nouvelle classe de diplômés. Beau-coup de familles, qui ont investi dans l’éducation de leurs enfants, se sentent trompées », conclut Sami Aouadi.

Entre 1995 et 2005, le nombre d’étu-diants est passé de 150 000 à 350 000. Ce petit pays de 10 millions d’habitants

abrite 13 universités et 150 institutions et écoles d’enseignement supérieur. L’actuel gouvernement n’a rien fait pour corriger cette explosion de l’offre éduca-tive, notamment privée. Les jeunes diplô-més en recherche d’emploi préfèrent pour leur part souligner la persistance de pratiques sur le marché du travail déjà fortes sous le régime de Ben Ali.

Corruption, le maître motAhmed, vingt-sept ans, chômeur

depuis 4 ans, titulaire d’une maîtrise de philosophie, ne veut plus entendre parler des concours d’enseignement.

«  Pour réussir le CAPES [concours pour être pro-fesseur dans le secondaire, ndlr], il fallait verser en 2010 un peu plus de 7 000 dinars [3 500 euros]. Sous les islamistes, les prix ont augmenté. Si on veut avoir une chance d’être professeur des écoles, le tarif est de 8  000 dinars [4  000 euros]. Bien entendu, ma

mère, ouvrière dans le textile, et mon père, ancien ouvrier d’une usine d’alumi-nium, n’ont pas les moyens de m’aider », indique Ahmed.

La corruption, selon le jeune homme, n’est pas propre au ministère de l’Édu-cation nationale. Elle touche l’ensemble des administrations publiques. « Vous avez une chance de décrocher un emploi public, sans payer, si vous êtes proche du pouvoir. Ennahda place à tous les postes vacants ses militants et ses proches », estime le jeune philosophe.

Désenchantement. Les jeunes Tunisiens, pourtant acteurs et élément essentiel de la « révolution de jasmin », confrontés au chômage, à la corruption et au népotisme politique, se considèrent comme les grands perdants de cet épisode historique. Entre survie économique et désir de quitter le pays, le sentiment de faire partie d’une « génération perdue » domine.

« Mon avenir n’est plus ici »Le népotisme, le clientélisme politique

ne sont pas les seules tares du marché de l’emploi, selon Rihab, informaticienne. «  La mentalité des patrons tunisiens vis-à-vis des femmes n’a pas changé. J’ai toutefois réussi à décrocher deux entre-tiens. Ma candidature a été refusée car si je tombais enceinte, je pouvais constituer un coût inacceptable pour l’entreprise. Les femmes ne sont bonnes qu’à rester à la maison », déplore la jeune militante syndicale.

L’abandon des gouvernants«  Nous, jeunes, avons été à l’origine

de la révolution. Nous avons participé à Kasbah 1, Kasbah 2 [les rassemble-ments sociaux et politiques de Kasbah 1 et Kasbah 2 désignent la fin du règne de Ben Ali et la chute du premier gouver-nement provisoire, ndlr]. Nous sommes aujourd’hui les grands perdants de cette révolution. Notre slogan était : “Travail, liberté et dignité”. Il ne reste qu’une liberté d’expression, aujourd’hui menacée par les islamistes. Les dirigeants d’Ennahda n’ont pas permis la chute de Ben Ali. Ils sont descendus de l’avion et ont pu accé-der au pouvoir grâce à nous. Aujourd’hui, ils nous méprisent », dénonce la jeune femme.

Le ministre de l’Emploi, Naoufel Jam-mali, proche des islamistes, a proposé de faire participer par la force les jeunes diplômés chômeurs à la cueillette des olives dans les champs. « La fin du pro-gramme Amal fut le signe de l’abandon de nos gouvernants. L’espoir [Amal] ne coutait pourtant pas très cher, moins de 100 euros par mois », estime Rihab.

Ces jeunes vivotent. « Je survis grâce à mes parents. Je donne quelques heures de soutien scolaire également. J’ai travaillé dans un centre d’appel, seul véritable débouché pour nous pour l’équivalent du salaire minimum, 280 dinars, soit 140 euros par mois. Je me suis senti humi-lié. Nous sommes une génération per-due. J’ai songé à quitter la Tunisie pour l’Europe mais la traversée clandestine en mer est trop dangereuse », avoue Ahmed.

Rihab, elle, veut quitter le pays : « La situation économique ne s’améliorera que dans dix ans. Nous sommes une génération perdue. Je ne compte pas attendre. J’aimerais quitter la Tunisie pour le Canada ou l’Allemagne. Obtenir un visa reste très difficile. Des instituts se montent. Vous versez de l’argent. Ils vous promettent de faire accélérer votre dossier auprès des consulats. C’est sou-vent sans résultat. Mais mon avenir n’est plus ici. »•

Pierre Desorgues

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Ahmed, 27 ans, titulaire d’une maîtrise de philosophie, chômeur depuis4 ans : « Vous avez une chance de décrocherun emploi public, sans payer,si vous êtes proche du pouvoir »

« Nous sommes une génération perdue. J’ai songé à quitter la Tunisie pour l’europe mais la traversée clandestine en mer est trop dangereuse »

Page 11: Désavoué, Ennahda s’en va

11réforme No 3531 • 10 octobre 2013

Si on reste dans le champ de la socio-logie, la secte correspond à un type d’or-ganisation qui n’a rien de péjoratif. En France, une sorte de phobie des sectes s’est développée à la suite de certains faits divers dramatiques comme le siège de Waco en 1993 aux États-Unis durant lequel 80 personnes – dont 21 enfants – ont péri dans l’incendie du ranch dans lequel elles s’étaient retranchées, ou la mort (suicides ou crimes ?) des adeptes de l’ordre du temple du soleil en 1994 et

1995. Alors que les groupes qui ont fait l’objet d’une condamnation judiciaire ne sont qu’une poignée, une mission d’enquête parlementaire a publié en 1995 un rapport qui a dressé une liste de 173 mouvements sectaires en France, établis à partir de notes superficielles des renseignements généraux, sans enquête sérieuse, ni visite, ni débats contradictoires. Le rapport a été vive-ment critiqué mais, une fois déposé, il ne pouvait être modifié. Des années plus

S comme… Secte. En France, à la suite de quelques faits divers dramatiques, le Parlement a cherché à établir une législation antisecte. Le problème est que, sous couvert de lutte contre les dérives sectaires, c’est souvent la liberté de conscience qui est menacée.

Faut-il légiférer contre les sectes ?tard, il a été considéré comme n’étant plus d’actualité par une autre mission parlementaire mais des Églises évangé-liques ont été stigmatisées, avec parfois des conséquences dramatiques pour certains de leurs membres. Une Église, aujourd’hui membre de la Fédération protestante, a dû changer de nom parce qu’elle faisait partie de cette liste noire.

Liberté de conscienceOù commence et où finit la secte ? Il y

a des tendances sectaires dans les reli-gions les mieux installées et des ouver-tures dans les groupes les plus fermés. Des grandes mythologies politiques, portées par le parti communiste dans les années 50, les groupes maoïstes dans les années 70 et des mouvements trots-kystes aujourd’hui, ont toutes les carac-téristiques d’une secte. Sous couvert de lutte contre les sectes, c’est souvent la liberté de conscience qui est menacée. Du fait de leur histoire, les protestants sont très réservés contre toute tentative d’interdiction ou de stigmatisation d’un mouvement religieux. Les dérives qui ont été observées dans certains mou-vements tombent sous le coup de la loi ordinaire sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter une législation antisecte.

Dans une chronique pertinente, Jean-Claude Guillebaud a pointé trois cri-tiques qui sont habituellement adressées aux sectes : la complaisance pour l’irra-tionnel qui est une insulte à la raison, la cupidité des gourous et la pratique du lavage des cerveaux. Avec justesse, il fait remarquer que ces trois reproches peuvent être signifiés à notre société. Les journaux sont pleins de publicités pour des guérisseurs, des voyants ou des astrologues et le thème de la « société merveilleuse que je vous promets » n’est pas absent des discours politiques. La cupidité est la dérive la mieux partagée de notre monde. Et quant au lavage de cerveau, ce n’est pas un religieux mais un publicitaire qui a parlé de « temps de cerveau disponible ». Et Jean-Claude Guillebaud de conclure  : « Le procès intenté aux sectes se trouve gangrené par une vague hypocrisie sur laquelle on pré-fère faire silence. Tout ce passe comme si, faisant cela, l’époque cherchait surtout à se rassurer sur elle-même en cherchant à conjurer ce qui la hante. »•

antoine nouis

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Parfois un engagement religieux est une façon de s’affirmer©

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Le mot secte vient du latin sequi, « suivre », ou sequare, « couper ». Ces étymologies sont toutes les deux éloquentes

puisqu’une secte peut se définir par la suivance d’un maître spirituel, mais aussi par la rupture avec un autre mou-vement. Renan a écrit qu’une religion était une secte qui avait réussi. De fait, toutes les grandes religions ont d’abord été des sectes en ce que leur fondateur a réuni un groupe de disciples et qu’il s’est progressivement éloigné du mouvement au sein duquel il était né.

secte ou Église ?Au début du siècle dernier, deux socio-

logues, Max Weber et Ernst Troeltsch, ont typologisé la différence entre une secte et une Église. Une secte se dis-tingue par l’engagement volontaire de ses membres, une autorité charisma-tique du responsable et une rupture avec le monde ; alors qu’on naît le plus souvent dans une Église, l’autorité y est de type institutionnel et la relation avec le monde se joue sur le registre du compromis. Les auteurs ajoutent qu’une secte a vocation soit à dispa-raître soit à se transformer en Église avec l’apparition d’une deuxième puis d’une troisième génération. La disparition du fondateur s’accompagne généralement d’une « routinisation du charisme » et la radicalité du mouvement a tendance à s’estomper pour laisser place à une forme de compromis avec le monde. Pour illustrer cette transition, nous pou-vons évoquer les Témoins de Jéhovah qui sont en train de passer du type secte au type Église avec une minoration du discours apocalyptique, une plus grande liberté laissée aux adeptes pour gérer leur vie intime, et l’élaboration de com-promis avec la société, par exemple sur la question des transfusions sanguines.

Tout pasteur peut être conduit à accompagner des parents qui sont décontenancés par la démarche d’un de leurs enfants. Parfois un engagement religieux extré-miste est une façon de s’affirmer, de se forger une iden-tité, de trouver un but à sa vie. Il faut d’abord ne pas dramatiser la situation. De même qu’une secte peut se transformer en Église, tout adepte peut évoluer et nuancer la radicalité de son engagement.Il est sage ensuite de se renseigner sur le groupe et ses écrits fondateurs. C’est une façon de dire qu’on s’intéresse à la démarche de son enfant. Si le discours sectaire est totalitaire en ce qu’il enferme la réalité dans sa compré-hension, il ne faut pas lui répondre par un discours totali-

taire opposé car on entre alors dans une spirale au sein de laquelle chaque radicalité renforce l’autre. Il est plus sage d’entrer en dialogue, de ne pas diaboliser et d’essayer de comprendre les raisons de son choix, en acceptant de se remettre en cause.Enfin, il faut toujours garder le contact. Les études ont montré que l’on reste en moyenne deux ou trois ans dans une secte. En isolant ses adeptes de leurs proches, les mouvements extrémistes maintiennent leur mainmise sur eux. Il est important de dire et de signifier à nos enfants qu’ils sont aimés inconditionnellement et qu’ils seront toujours accueillis car il est des liens que rien, pas même les divergences religieuses, ne peuvent détruire. A. N.

Quand un proche est séduit

« selon ernest Renan, une religion est une secte qui a réussi »

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12 réforme No 3531 • 10 octobre 2013

Lorsqu’il a plu à Dieu de révéler à moi son fils. » (Ga 1,15). C’est ainsi que Paul présente l’événement fondateur de sa vocation. Mais quel « fils » Dieu lui

a-t-il révélé ? Le Christ évidemment, c’est-à-dire littéralement le Messie, celui que Dieu a oint pour libérer son peuple. Pour Paul, l’événement central par lequel le Christ se révèle est sa cru-cifixion (1 Co 2,2). En dehors de la croix, cela a été maintes fois souligné pour s’en étonner, Paul ne dit rien ou presque de l’existence historique de Jésus : rien sur ses miracles, rien sur ses paraboles, rien sur ses controverses avec les pharisiens, rien sur ses discours. La mort de Jésus par le supplice de la crucifixion est l’unique événement de son existence historique qui intéresse Paul.

Il convient de s’interroger sur le sens de cette concentration. Empruntant l’ex-pression à Luther, on a coutume d’appe-ler cette compréhension paulinienne de la mort du Christ « la théologie de la croix ». Quatre éléments importants sont à souligner pour bien comprendre de quoi on parle.

Interpréter l’impensablePremièrement, l’interprétation pauli-

nienne de la croix n’est pas une théologie du sacrifice. Les premiers disciples ont été confrontés au défi d’interpréter ce qui fut d’abord vécu comme un échec radical : le Messie dont ils attendaient la libération était mort. Pas même comme un héros qui meurt sur un champ de bataille, les armes à la main ! Non. Condamné comme un paria rejeté par tous. Comment interpréter cela ? Les premiers disciples vont puiser dans la Torah et les Prophètes, et dans l’univers religieux ambiant, pour tenter de donner du sens à ce qui n’en a pas : ce seront les figures du juste ou du serviteur souffrant, le sacrifice expiatoire, l’agneau pascal, le bouc émissaire… Représentations dont nous sommes encore héritiers. Paul, ailleurs dans ses épîtres, fera droit à cet arrière-plan (cf. Rm 3,25). Mais, dans la première aux Corinthiens, il va opérer un geste véritablement novateur qui,

aujourd’hui, est considéré comme une figure de la pensée par des auteurs qui ne se réclament pas de la foi chrétienne. Quel geste fait Paul ? Le texte de 1 Co 1,18-25 nous en donne la clé. Il convoque le signifiant de la croix en dehors de toute interprétation religieuse – c’est ce qu’il appelle « le discours de la croix ».

Insistons sur ce point fondamental, décisif pour la pensée et qui constitue le second élément à retenir : Paul est le premier dans l’histoire des religions à déployer une interprétation non reli-gieuse, donc profane, de la foi dont il se fait le proclamateur ! Qui en effet irait se réclamer d’un objet de supplice, d’un ins-trument de torture ? La difficulté, c’est qu’aujourd’hui la croix est devenue un objet identitaire dont on peut se récla-

ont fait son histoire, ce Dieu n’est pas là où le prétendent Juifs et Grecs – qui sont des figures de l’humanité. Dieu se révèle aux côtés d’un crucifié. Il se révèle là où on ne va pas le chercher. En se révélant à la croix, Dieu est donc totalement Autre. Cette compréhension révolutionnaire de Dieu est non communautaire : il n’est pas le Dieu d’un peuple élu. Non religieuse : il n’est pas le Dieu des gens pieux. Non philosophique : il n’est pas le Dieu des sages et des philosophes. Pour tout dire, c’est une compréhension non métaphysique de Dieu : il n’est tout simplement pas le Dieu du théisme. Une véritable révolution dont on n’a pas fini de tirer toutes les conséquences : Paul fait descendre Dieu du ciel ! Folie pour les Grecs, scandale pour les Juifs, mais sagesse paradoxale pour celui qui croit.

« A-théisme »Car, quatrième et dernier point, la croix

conteste la sagesse des hommes. Ils pensent depuis toujours qu’ils peuvent découvrir Dieu par leur sagesse, ils se trompent. Le croix met les hommes en accusation. Elle affirme leur égare-ment, leur perdition. Mais pour celui qui reconnaît dans la croix la révélation de Dieu et la contestation de ses pré-tentions à la sagesse, alors la croix est source d’apaisement et de salut.

Le Crucifié révèle un Dieu différent de toutes les représentations que l’on s’en fait, qu’elles soient religieuses ou phi-losophiques. Paul a bel et bien inventé « l’a-théisme » au sens précis que tout discours sur Dieu non inscrit dans l’évé-nement scandaleux de la crucifixion est disqualifié.

Dans le Crucifié, un Dieu se révèle à partir du lieu le plus sombre et le plus fragile de ce qui peut constituer une existence humaine. Il y a là une contestation radicale de tout ce dans quoi le monde met sa confiance : réus-site, force, pouvoir, puissance, succès, performance – aussi bien économique, politique, religieux que sportif ou intel-lectuel. Loin d’être déconnecté de la réa-lité, la théologie paulinienne de la croix est d’une actualité surprenante.•

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mer. Le geste fondateur de Paul est de dire quelque chose de révolutionnaire au plan religieux donc identitaire : il invite les croyants de Corinthe à se réclamer de quelque chose dont personne ne se récla-merait. En risquant un anachronisme, c’est comme si aujourd’hui il disait : la chaise électrique parle et dit quelque chose de décisif sur Dieu et sur l’exis-tence humaine. C’est en elle qu’il vous faut trouver le sens de votre existence !

Car, troisième point à souligner, pour Paul, la croix dit quelque chose sur Dieu. Elle atteste d’une manière totalement paradoxale la divinité et l’altérité de Dieu. Ce Dieu que les sages cherchent dans la philosophie et dont ils pensent qu’il va les libérer, ce Dieu qu’Israël cherche dans les grands événements qui

Paul, fondateur du christianisme ? (4). L’apôtre centre sa théologie sur le Christ mais de ce dernier il n’évoque que la croix qui est la déconstruction de tous les discours religieux.

le scandale radical de la croix

Il a dit : Car j’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié PAul, première épître aux Corinthiens (2,2)

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la croix est à l’opposé de toute représentation religieuse

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Nathalie ChaumetÉglise unie Le Vésinet

réforme No 3531 • 10 octobre 2013

BiBle et actualité. Après le drame de Lampedusa.

Les passeurs de mort

Que dire après le drame de Lampedusa ? 500 per-sonnes embarquées sur une coquille de noix ont chaviré et seules 150 d’entre elles ont pu être

sauvées. L’émotion est vive face à l’am-pleur du désastre humain qui, pourtant, est loin d’être isolé.

C’est un tragique mélange d’espoir et de désespoir qui incitent ces personnes à confier leur vie à des passeurs peu scrupuleux. Le désespoir abyssal d’une situation sans avenir nourrit l’espoir à la démesure de l’abîme ressenti d’un ave-nir meilleur. Entre la terre du désespoir et celle de l’espoir, il y a un fossé, celui de cette mer qui engloutit toujours plus de corps.

Pourtant, loin d’imaginer que l’hori-zon bleu azur puisse se transformer en monstre marin, les migrants s’ac-crochent désespérément à ce passage comme le sésame pour l’entrée en terre promise. D’un côté, l’esclavage d’une situation sans avenir où la pauvreté est grandissante, de l’autre l’espoir de cette terre occidentale où coulent, comme le promettent les médias, le lait et le

miel… Et entre la réalité et le rêve, il y a cette mer turquoise qui fait miroiter les espoirs les plus fous et se révèle pourtant si dangereuse.

Dans la Bible, les passages sont tou-jours délicats et affaire de passeurs. Lorsque le peuple fuit l’Égypte, la tra-versée de la mer Rouge est risquée, périlleuse. Mais le peuple se confie en Moïse lui-même porté par le Dieu qui est et qui sera. Dans l’Évangile, la traver-sée du lac s’avère soudain dangereuse pour les disciples mais le Christ apaise les flots. Et dans nos vies occidentales pourtant si protégées, les passages en apparence anodins peuvent parfois se révéler difficiles : l’adolescence néces-site par exemple de trouver des adultes relais pour oser l’aventure de la vie.

La confiance trompéePasser implique donc un transfert

de confiance envers celles et ceux qui connaissent le chemin. Or la foi, étymo-logiquement, ne veut rien dire d’autre que la confiance. Dans ces passages en Méditerranée, pour quelques dollars de plus, des skippers peu scrupuleux surchargent leurs bateaux, au risque de

perdre leur cargaison humaine et c’est dans la tromperie de la confiance posée que surgit la mort.

Alors que dire ? Dieu est-il absent de ces coquilles de noix sur lesquelles s’em-barquent tant de passagers aux rêves désespérés ? Comment n’entend-il pas les cris qui s’élèvent lorsque le bateau chavire ? Pourquoi ne se lève-t-il pas comme Jésus a apaisé la mer dans la tempête ? Le nom de Dieu lui-même est-il encore pertinent ?

Au cœur de ces drames, il apparaît évident que c’est le lien humain de la confiance qui est vidé de toute subs-tance. Les passeurs avides trahissent la confiance des migrants en condui-sant leurs embarcations à la mort et nos société sont parfaitement inconsé-

quentes lorsqu’elles pensent naïvement qu’il suffira de protéger nos frontières pour que le désespoir de là-bas ne nous envahisse pas.

La destruction du lien de confiance entre les humains dénie au Dieu de la vie toute légitimité puisque c’est dans la mort qu’elle s’inscrit. Ainsi Dieu a bel et bien chaviré dans les eaux de Lampe-dusa et chavire avec chacun de ceux qui voient leur confiance trahie et leur vie balayée. Et c’est le silence de la croix, seul, qui nous entoure.

L’ampleur de ce drame nous fera-t-il comprendre qu’aucune frontière n’endi-guera l’espoir qui naît du désespoir ? Il nous appartient collectivement d’ouvrir enfin les yeux et de poser les lois et les actions qui protègent la confiance déses-pérée de l’avidité cupide pour que le nom de Dieu vive de nouveau dans l’espé-rance qui naît d’une confiance expéri-mentée au cœur des relations humaines.

C’est l’appui réel de la confiance qui fait revivre l’espérance aux couleurs du royaume. La résurrection n’est pas pour demain. Elle commence chaque fois que la confiance renaît et, avec elle, le Dieu de la Vie.•

Marion Muller-Colardthéologienne

Bible

« Dieu est-il absent de ces coquilles de noix sur lesquelles s’embarquent tant de passagers aux rêves désespérés ? »

méditation. Luc 17,11-19.

La foi comme reconnaissance

C’est en revenant de la chambre d’hôpital d’un monsieur de quatre-vingt-treize ans que je relis le récit de la guéri-son des dix lépreux.

« Il est temps de faire un genre de bilan », me disait avec espièglerie le vieil homme. Et dans un sourire, il me dit qu’il était reconnaissant. Reconnaissant de petites choses, insistait-il en faisant, avec sa main, le geste de tasser toute prétention de grandeur. Simplement reconnaissant de cette fidélité réciproque d’une vie, où il a fait confiance à Dieu, et où Dieu a ouvert au fond de ses impasses de petites portes inespérées. « Je n’ai pas peur de la mort », dit-il encore. Je souris : « Vous devez vous douter qu’il vous ouvrira une ultime petite porte au fond de l’ultime impasse… » Acquiescement profond. Grande connivence des vies croisées. « Vous savez, dit-il finalement…, je sais à qui je dis merci. » Entrebâillement des portes du Royaume.

Suspendue à ce moment de grâce, me voilà mise en route avec les dix lépreux. Pleine d’un désir puissant de revenir sur mes pas, vers la source de ma joie. Avec

ce lépreux samaritain, avec mon vieil ami de quatre-vingt-treize ans, avec ma propre louange pour compagne. Rendre grâce. Redonner la grâce reçue, faire cir-culer le cadeau de Dieu.

Les dix lépreux sont tous dans une démarche de foi, puisqu’ils élèvent ensemble la voix pour supplier Jésus. Ils espèrent en son pouvoir de guérison

et obéissent à son injonction d’aller se montrer aux sacrificateurs, avant même d’avoir été exaucés. C’est en chemin qu’ils guérissent. Leur foi, leur élan vers Jésus dans la supplication les ont sauvés. Mais c’est à celui qui rebrousse chemin pour rendre grâce que Jésus dit : « Lève-toi, va ; ta foi t’a sauvé. » Il ne s’agit plus de la foi-espérance qui se révèle dans

l’attente, mais de la foi-reconnaissance qui se révèle dans la louange.

Dans son roman Mars, Fritz Zorn écrit : « Même si l’on part de l’hypothèse que Dieu n’existe pas, on devrait positive-ment l’inventer rien que pour lui casser la gueule. […] Je crois que l’âme tourmentée ressent la nécessité de Dieu. Il est l’adresse à laquelle on peut envoyer son accusa-tion et où cette accusation doit parvenir. Il est le vase dans lequel l’homme doit déverser sa haine. » Il est douloureux de n’avoir aucun accusé de réception de sa colère. D’une tout autre manière, il est aussi douloureux de n’avoir aucun accusé de réception de sa joie. André Suarès écrit à propos de l’élan de la prière : « Tantôt l’élan est donné par une douleur qui semble plus intolérable d’être nouvelle ; et tantôt par l’excès d’une joie qu’on a peine à contenir : il faut lui don-ner l’essor, ou elle nous étouffe. »

Je crois que l’âme joyeuse ressent la nécessité de Dieu. Il est le vase dans lequel l’homme doit verser sa louange. Car j’ai besoin de savoir, aujourd’hui comme au jour où je ferai le bilan de ma vie, à qui je dis merci.•

Je sais à qui je dis merci Et il n’est pas perdu, le temps où je reviens sur mes pasoù je remonte le courant de ma vie vers la source de ma joie

Je sais à qui je dis merci pour les choses infimes, cueillir le fruit à l’arbre, rire sous la surprisese sentir vivant dans la fraîcheur du vent

Je sais à qui je dis merci pour l’ami retrouvé, la fidélité des matins, le repos de la nuitle regard perçant d’un nouveau-né, la rencontre inattendue

Et je veux te louer, mon Dieude donner un visage à ma reconnaissanceet de faire circuler ta grâce à l’infini

M. M.-C.

PRIÈRE•

Page 14: Désavoué, Ennahda s’en va

14 Opinions réforme No 3531 • 10 octobre 2013

Le dimanche n’est pas le monopole du Seigneur. I l n ’y a r ien dans les Évangiles qui fasse du dimanche un jour spé-cial. C’est une tradition

ancienne qui est devenue un privilège. Les Églises ont pendant longtemps eu la mainmise sur le dimanche, mais les temps changent et nous ne devons surtout pas nous attacher à de vieux privilèges.

En fait, j’avoue que lorsque le gou-vernement de Margaret Thatcher a décidé de laisser les magasins ouvrir le dimanche en 1994, l’homme d’Église que j’étais était furieux. J’avais l’impres-sion qu’un gouvernement conservateur, qui disait partager les valeurs tradition-nelles, était prêt à tout jeter à la pou-belle pour satisfaire sa soif capitaliste. Ensuite, j’ai réfléchi à l’impact que cette nouveauté avait sur les communautés. Il faut être honnête, si la fréquentation des Églises a baissé, ce n’est pas à cause de l’ouverture dominicale des bou-tiques… C’est surtout la faute de l’Église qui n’a pas su communiquer l’Évangile de manière efficace et convaincante. Être contre l’ouverture des magasins le dimanche serait une nouvelle erreur de communication, l’Église serait l’empê-cheuse de danser en rond, le rabat-joie qui condamne une activité que beau-coup apprécient : le shopping. Ne pas s’y opposer, au contraire, signifie deux choses. D’abord que les sept jours de la semaine peuvent être l’occasion de se recueillir ou de prier. Le Seigneur n’est pas à notre écoute que le dimanche. Et ensuite que l’Église sait accompagner

l’évolution de la société, elle n’a pas peur de la modernité.

Ici, nous pouvons faire, et certains de nos lieux de culte ont déjà fait, d’une pierre deux coups : elles ont réins-tauré les services en fin de journée ou à des horaires particuliers. Ce faisant, les Églises locales montrent qu’elles connaissent leurs paroissiens et la communauté dans laquelle elles sont installées, et qu’elles s’adaptent à leur rythme de vie.

L’Église au cœur du mondeJ’ajouterais qu’il y a aussi un atout

pastoral à l’ouverture des magasins le dimanche. Depuis 1994, les gens ne traversent plus des rues vides pour se rendre à l’église, ils passent au milieu d’une foule de gens qui vaquent à leurs

occupations. J’aime bien le symbole. Ça ne va peut-être pas donner envie aux gens qui font les magasins de lâcher leur porte-monnaie pour aller à une célé-bration religieuse, et ça ne donne pas aux paroissiens l’impression d’être plus pieux, mais ça inscrit l’Église dans la vie commune. Le chemin vers l’église ne se fait plus en catimini.

N’oublions pas non plus que les Églises ont un rôle social à remplir. Alors, de quel droit interdire aux gens de travailler le dimanche s’ils ont besoin de gagner plus d’argent pour nourrir leur famille ? Je me suis inquiété, et je m’inquiète encore, de la pression que les ouver-tures sept jours par semaine peuvent représenter pour les employés, mais si les entreprises organisent le travail respectueusement, nous n’avons pas le droit d’interdire aux gens d’améliorer leur quotidien.•

La régulation du travail dominical se justifie sur au moins trois plans : anthro-pologique, éthico-social et théologique.

L’être humain obéit à des rythmes : l’alternance de l’activité et du repos est non seulement une nécessité biologique, mais un invariant anthropo-logique. Notre société est la première et la seule dans l’Histoire à avoir idolâtré à ce point le travail, la production et la consommation, qu’elle en vient à per-turber le cadre structurant qui contri-buait depuis toujours à notre huma-nisation. L’homme unidimensionnel, strictement producteur-consomma-teur, ne laisse plus de place dans sa vie pour le délassement, le jeu, la créati-vité, la contemplation : la gratuité et la gratitude.

Une régression des droitsDu point de vue d’une éthique sociale,

le travail dominical et l’ouverture des magasins le dimanche ne peuvent que signifier une régression pour les droits des salariés. Sous couvert de liberté de choix de nos jours et de nos heures de travail et de shopping, c’est une nou-velle aliénation qui s’impose sournoi-sement. Parler d’émancipation dans un contexte de pressions de toutes sortes, d’emprise de la propagande publicitaire, de conditionnement normatif, de chan-tage à l’emploi et de violence symbo-lique s’avère être une totale illusion, si ce n’est une vaste escroquerie. Ainsi ne cesse de s’ouvrir la boîte de Pandore de la soumission des petites gens aux impé-ratifs du marché : travailler et consom-

mer dans n’importe quelles conditions, à n’importe quel prix.

Enfin, sur un plan théologique, l’ac-ceptation de la dérégulation du travail et du commerce ne ferait que para-chever la conformisation de l’Église au monde : « Ne vous conformez pas au siècle présent  ! », s’écriait déjà l’apôtre Paul (Romains 12,2). N’y a-t-il pas d’autres moyens de rejoindre nos contemporains qu’en suivant le cou-rant sociologique ?

La Bible donne deux justifications au repos sabbatique : le septième jour de la Création (Exode 20,9-11), et la sor-tie d’Égypte (Deutéronome 5,13-15). Il s’agit donc d’une rupture dans l’enchaî-nement des tâches et des soucis pour se souvenir du Dieu créateur et libéra-teur. Si le dimanche fait brèche dans le nivellement des jours par le travail et la consommation généralisés, c’est afin de libérer l’homme à l’égard de lui-même.

Lorsque Jésus transgresse le sabbat, c’est pour conférer un surcroît de sens et de liberté à l’existence des hommes. On peut trouver un écho laïc de ce « sabbat fait pour l’homme » dans la continuité dominicale du service public (santé, transports, énergie). Mais il n’est nul-

lement certain qu’une normalisation de la transgression aille dans la même direction : ne tient-elle pas plutôt du fantasme de toute-puissance, qui enjoint aux hommes d’être flexibles, disponibles, joignables et connectés à tout instant, c’est-à-dire de s’extraire des limites de leur condition ?

Il faudra peut-être songer, pour faire mémoire de notre vocation d’êtres humains appelés à la liberté, à trans-gresser la transgression.•

DispUtatiO : Faut-il réguler le travail dominical ?

Oui. Il faut résister à l’injonction de la société de travailler et consommer à n’importe quel prix.

Sous couvert de liberté, une aliénation s’impose

NON. L’ouverture des magasins le dimanche offre des opportunités pastorales pour les communautés.

L’Église doit s’adapter à l’évolution de la société

Frédéric Rognonprofesseur de philosophie à la faculté de théologie de Strasbourg

Jeff astleyprofesseur honoraire du département de théologie à l’université de Durham et prêtre anglican

« si le dimanche fait brèche, c’est pour libérer l’homme de lui-même »

« au nom de quoi interdire aux gens d’améliorer leur quotidien ? »

Page 15: Désavoué, Ennahda s’en va

15réforme No 3531 • 10 octobre 2013 Opinions

Le grand Montesquieu a dit  : «Les lois inutiles affaiblissent les lois néces-saires.  » En inscrivant l’interdiction du port de la burqa dans leur Constitu-

tion, nos amis tessinois viennent, à deux contre un, d’ajouter un nouveau fleuron à ces textes qui, tout en ne servant pas à grand-chose, allument des débats et conflits qui mettent à mal la vie en commun.

Dimanche 22 septembre à la radio romande, une journaliste tessinoise soulignait qu’il est aujourd’hui extrê-mement rare de voir une burqa chez nos Confédérés du sud des Alpes (Gior-gio Ghiringhelli, promoteur du texte accepté, est donc chanceux d’en avoir vues…). De plus, il est vraisemblable qu’il s’agit de riches touristes orien-tales, dont il est peu probable que le Tessin ait envie de se débarrasser. Allez comprendre.

Tout indique ainsi que la démarche électorale populiste en question s’est passionnée pour un non-problème –  que certains, pour des raisons de profilage politique, ont besoin de faire passer pour une défense indispensable de notre « suissitude ». Chacun a le droit de choisir sa guerre de Troie, aussi futile soit-elle.

Une mesure autoritaireQuant au fond : pour qui est attaché

aux droits des gens, dans la foulée des Lumières et des Déclarations qui y ont fait suite, la liberté de mener sa vie sans en être empêché en aucune manière, dans la mesure où cela ne nuit pas à autrui, est un principe fondamental. Y compris la liberté de manifestation et de religion.

Des mesures autoritaires d’interdic-tion ne sont imaginables que s’il y a

atteinte caractérisée aux droits ou aux intérêts d’autres. Or à qui, mesdames et messieurs, la rarissisme femme en burqa qu’on peut (qu’on pouvait) entre-voir dans une rue tessinoise, à qui cette femme fait-elle un tort majeur ? À per-sonne, à l’évidence.

On dira que cette décision pourrait ne pas être antifemme ou anti-islam mais qu’elle est justifiée, dans un esprit d’éga-lité de traitement, par rapport à l’inter-diction dans certains endroits du port de la cagoule – qui peut cacher un hooligan voire un terroriste. En fait, la question est ici académique puisque Giorgio Ghiringhelli ne cache pas que son ini-tiative entend lutter contre l’influence de l’islam.

Dans tous les cas, des services de police aussi compétents que ceux que nous espérons avoir devraient être en mesure de faire la différence entre une ménagère qui fait ses emplettes et un gangster. Sur le sujet voisin du voile, certains voudraient que le canton de Vaud légifère ; il est dit que 200 jeunes Vaudoises le portent, sur 40 000 fré-quentant école ou apprentissage. Là

formisante du pays voisin et ami, est un éteignoir de diversités.

Dans un pays qui depuis sa fondation a vécu très pratiquement les différences culturelles, il faut de loin préférer le principe qui est le nôtre de neutralité religieuse des pouvoirs publics. Les Suisses ont pour habitude, exercée au cours des siècles, de gérer leurs diffé-rences dans l’écoute et la discussion, généralement sereines ; les modalités hexagonales parfois agressives ne sont pas notre manière de faire.

Contre-productifEn résumé : la pesée des enjeux fait

penser (à mon sens démontre) qu’il est contre-productif et, au moins poten-tiellement, source d’exclusions et de racisme, de légiférer sur ces sujets. Notamment parce que aujourd’hui, rien ne le demande (si ce n’est des souhaits de visibilité politique) et que les débats y relatifs, dans les parlements comme la collectivité, risquent fort de devenir acrimonieux, voire nauséabonds. À rele-ver encore de très probables difficultés d’application pratique (en France, qui connaît une telle loi, les incidents rela-tifs à son application sont fréquents et, en juillet dernier, le contrôle d’identité d’une femme portant un voile intégral a déclenché plusieurs nuits de violences).

L’intérêt public ne sera certainement pas servi en ressuscitant des guerres de religion. Avoir la sagesse de préser-ver par d’autres moyens la convivialité entre nous. À cet égard, j’ai entendu avec une vraie préoccupation le président du PDC suisse dire le bien qu’il pensait de la décision tessinoise et laisser entendre qu’il était en faveur de lois cantonales limitant ou interdisant le port du voile par les écolières. Pour sauver qui de quel danger ? Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.• (Source : protestinfo)

aussi : qui menacent-elles ? Poser la question, c’est y répondre. Élément de nature quasiment historique, je m’étais félicité à l’époque d’une décision à La Chaux-de-Fonds refusant d’interdire le voile à l’école.

Je peine à être convaincu par les théo-ries selon quoi le voile, par exemple, est un signe caractérisé de soumission à l’homme, et donc d’oppression – et note en passant m’être engagé souvent, publi-quement, contre toute oppression des femmes et jeunes filles, et des enfants d’ailleurs. Laissons donc à ces femmes (à supposer qu’il ne s’agisse pas de tou-ristes) un peu de temps pour vivre ici et, le cas échéant, modifier progressive-ment leur manière de vivre et de se vêtir.

Une raison majeure de ne pas suivre l’exemple tessinois, dans des situations de non-problème et compte tenu d’un fréquent bruit de fond xénophobe, c’est qu’on doit craindre que les discussions politiques et sociétales sur ces sujets ne dérapent. Une autre est la référence trop aisément faite à la laïcité exacerbée à la française, inadaptée à notre réalité et qui, dans la ligne centralisatrice-uni-

Laïcité. Le canton du Tessin, en Suisse italophone, a voté il y a quelques jours une initiative pour l’interdiction du port du voile intégral dans les lieux publics. Un éthicien réagit.

« Burqa : des lois inutiles et potentiellement délétères »

Jean Martinmembre de la commission nationale suisse d’éthique

Paul Ricœur

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16 réforme No 3531 • 10 octobre 2013Courrier

La mort de Giap

La mort de Vo-Nguyên-Giap, le vainqueur de Dien Bien Phu, en 1954, évoque une époque chargée de grande histoire, et porteuse d’ensei-gnements valables encore aujourd’hui. Cette époque, je l’ai vécue, à la fois à Genève au printemps 1954, comme conseiller de la radio suisse sur l’Extrême-Orient. Et ensuite, à l’automne 1954 comme envoyé spécial de Radio-Genève et de l’Express au Vietnam. J’ai assisté au crépuscule impérial de la France. J’ai vécu trois ans, entre 1954 et 1957 dans ce pays et je l’ai énormément aimé. Je n’ai pas les yeux bri-dés, mais c’est tout juste.

Le peuple vietnamien, et nous-mêmes Français avions créé en commun une sorte de civilisation mixte. Cette société était à la fois porteuse des Lumières et politique-ment bloquée. Les Français enseignaient dans les écoles les grands principes de la Révolution. Des hommes comme le jeune Giap et le jeune Hô Chi Minh étaient d’ardents patriotes vietna-miens tout en étant profon-dément francisés. Ils souhai-taient fonder une république amie et alliée de la France. Ils espéraient que la France ait à leur égard une attitude comparable à celle de l’An-gleterre par rapport à l’Inde.

Mais la France officielle était incapable de partager le pou-voir qu’elle tenait pour une sorte d’Empire romain et napoléonien, indivisible et immuable. Et du coup, fin 1946, des hommes de valeur comme Giap se sont insur-gés et ont mené huit ans de guerre.

Tout cela était évitable. Aujourd’hui, l’Angleterre a de solides positions en Inde alors que la France et la langue française sont presque effacées de la terre du Vietnam. Avec un peu de pragmatisme, il aurait pu en aller tout autrement.

jean-pierre riChardotcourriel

Comité d’éthiqueÀ propos de l’article de M. Carbonnier sur sa nomination, Réforme no 3530

J’ai lu l’opinion de Marianne Carbonnier concernant sa fonction de représenta-tion du protestantisme au Comité d’éthique. Je relève qu’elle passe sous silence le problème essentiel que pose sa nomination. Ce pro-

blème, ce n’est pas celui de sa compétence. Ni le court-circuitage des autorités de la FPF, même si certains, j’en suis, le déplorent. Ce qui est scandaleux, c’est l’éviction du théologien, professeur d’éthique (et pas seulement pasteur-clerc-religieux) Louis Schweitzer du CCNE. Il n’en était qu’au terme de son premier mandat dans cette instance, l’usage aurait

voulu qu’il en fît un second. Je reste également sceptique devant le rapprochement que Mme Carbonnier tente in fine entre le rôle qu’elle pourra jouer au comité d’éthique et celui de l’ânesse de Balaam.[…] Voilà comment je trans-crirais ce récit biblique savoureux dans le contexte qui nous occupe (Nb 22,2-7) .« Balaqhollande fut très effrayé par le rôle qu’avaient joué les religions en France dans l’opposition au mariage gay. Il dit à ses conseillers :

“Maintenant ils vont conti-nuer à me mettre des bâtons dans les roues, que ce soit pour la PMA ou la GPA revendiquée par le lobby LGBT, ou encore le suicide assisté et l’euthanasie. Ils sont partout, même dans ce comité d’éthique aux avis duquel j’ai indiqué que je me conformerais. Mais encore faut-il que ce comité émette des avis conformes à ce que

ma majorité souhaite. » Bala-qhollande remania donc le CCNE. Pour régler le sort de sa composante protestante, il envoya des messagers à Balaamarianne et lui fit dire : « Viens je te prie, remplace-moi Louis Schweitzer, ce théologien baptiste. »

Je laisse à l’intéressée le soin de transcrire la suite. Je ne peux que lui souhaiter de faire au CCNE ce que Dieu a ordonné à Balaam, en le laissant finalement partir auprès de Balaq : « Va avec

ces hommes, mais tu diras seulement ce que je te dirai. »

Christophe despLanque

courriel

Culte de peFÀ propos du compte rendu de « Protes-tants en fête », Réforme no 3530

Oui, ce culte de dimanche à Bercy fut un moment béni ! Oui, l’Esprit de Dieu a soufflé dans cette grande enceinte. Mais Dieu n’agit jamais seul directement, il nous appelle et nous demande de l’aider pour accomplir son œuvre.

Pour la pleine réussite de ce dimanche, il y eut un nombre incalculable de serviteurs, de petites mains qui ont œuvré dans l’ombre et l’anonymat depuis de longs mois avant mais aussi pendant et après le grand jour. Qu’ils soient remerciés pour ce travail fantastique, sans eux la fête n’aurait pas été ce qu’elle fut.Leur ego dusse-t-il en souffrir, je crois cependant que nous devons exprimer un merci très particulier à Gill Daudé et à John Featherstone.

Animer une telle célébration était une vraie gageure et si l’unité fut au rendez-vous, je crois qu’ils y ont grandement contribué. Je suis sûr qu’il me répondront en citant l’évan-gile de ce dimanche, qu’ils sont des serviteurs inutiles et qu’ils font leur boulot, qu’ils essaient simplement d’ex-primer les talents qu’ils ont reçus… mais quand même ! Ils y ont mis tout leur cœur, toute leur foi et nous l’avons tous ressenti. Alors merci.

GeorGes Lawton

courriel

Économe habileÀ propos de la méditation de M. Muller sur cette parabole, Réforme no 3528

La méditation présente une interprétation de la fameuse parabole de l’économe habile (Luc 16,1-8). L’au-teure de ce texte l’introduit en disant que l’intendant «  avait coutume d’ajouter aux dettes dues à son maître un intérêt qu’il prélevait lui-même  ». Il n’existe aucun indice dans toute la para-bole de ce fait. La parabole telle qu’elle est écrite ouvre bien d’autres perspectives qu’il est impossible de déve-lopper dans un courriel de quelques lignes.

Bernard piCinBono

courriel

« La mort d’un général et les querelles protestantes »

« L’angleterre a de solides positions en inde alors que la France est presque effacée de la terre du Vietnam »

Vous allez dire que je fais un peu une fixation sur le football, c’est vrai, je l’avoue. Mais fran-chement... Là, c’est le futur Mondial 2022 qui me hérisse. Déjà, je trouvais parfaitement stu-pide d’aller faire courir des gars sur des terrains par 40 degrés à l’ombre. Ce à quoi il m’était aus-sitôt rétorqué que la climatisation fonctionne-rait à plein dans un pays capable d’importer de la neige ! Formidable, en ces temps de change-ments climatiques, alors qu’en France on vous explique comment ne pas laisser votre télévi-sion en veille. Et voilà que j’apprends que les ouvriers chargés de la construction des stades seraient maintenus en situation de travail forcé, voire d’esclavagisme, ce que dément évidem-ment l’émirat. Au rythme actuel des décès sur les chantiers, au moins 4 000 ouvriers pour-raient mourir avant même le coup d’envoi de cette Coupe. Telle est l’accusation portée par

la Confédération internationale des syndicats, dans une enquête du Guardian, qui dénonce des conditions de travail indécentes, dont le re-fus d’accès à l’eau potable ! La FIFA s’est dite pré-occupée. Espérons qu’elle deviendra inquiète.Il faudra qu’on m’explique un jour la fascination qu’exerce ce tout petit pays, passé champion mondial dans l’art du double langage. L’Occi-dent en général et la France en particulier sont prêts à vendre leur âme à l’émirat, présenté comme si moderne. Alors que l’on sait bien qu’il est loin, très loin, de respecter les droits de l’homme (et surtout de la femme). Et qu’il enferme les étrangers pour blasphème. Il suffit pour s’en convaincre d’aller jeter un œil sur les rapports d’Amnesty International. L’argent n’a pas d’odeur ? Si, celui du soufre, ou plutôt du gaz et du pétrole. Il écrase tout, même les valeurs les plus fondamentales...•

coup de patte… au Qatar !nathalie Leenhardt

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Page 17: Désavoué, Ennahda s’en va

17réforme No 3531 • 10 octobre 2013

livre

Michel Leplay

Historiettes et grande histoireCes études d’histoire religieuse et culturelle forment autant un bouquet d’hommages à André Encrevé qu’une encyclopédie vivante. Une vingtaine de collègues et anciens élèves lui offrent le meilleur, le plus pointu de leur savoir. Professeur émérite depuis 2007, ensei-gnant et chercheur, André Encrevé a toujours été un historien scrupuleux mais non ennuyeux, rigoureux sans rai-deur et finalement d’un protestantisme aussi évangélique que libéral, tout en discrétion. N’ayant d’autre compétence que celle d’un amateur bienveillant, je me conten-terai de deux remarques pour encourager la lecture de cette heureuse compilation.André Encrevé est un expert. La grande Histoire, avec ses fresques et ses frasques, se nourrit de petites informa-tions, d’histoires locales ou mineures, de trouvailles singulières à mettre ensuite en ligne pour essayer de comprendre quelque chose du mouvement en cours. En second lieu, bien qu’il s’agisse de mélanges, c’est un horizon qui s’ouvre sur ces diverses affirmations de foi. Moins comme des contenus doctrinaux fiables que dans une libre confiance à l’Évangile ! Nous avons ici un témoi-gnage convergent de ce que pourrait être l’essence du protestantisme aperçu sur les diverses facettes de son existence. Il n’y a pas de fonction doctrinale, mais une dynamique optimiste qui crée de la nouveauté, prend des risques, ne craint pas le ridicule de l’utopie.Une histoire, savante et modeste, lucide et heureuse. Au prix de quelques his-toires, mineures ou grandioses, ridi-cules ou souriantes. Car l’histoire des protestants est relationnelle, ni bloc er-ratique, ni sable mouvant, mais pierres vivantes.•

¿ Affirmations de foi, mélanges offerts à André Encrevé

Éditions Bière, 2012, 264 p., 29 €.

La vie en questions

PSycHologie. La personne présentant une hostilité exacerbée à l’encontre du religieux témoigne d’un mauvais positionnement par rapport à la loi.

Ce que disent nos réactions excessives

Édith Tartar-Goddetpsychosociologue, présidente de l’ap2e / association protestante pour l’éducation et l’enseignement

Devant le collège, le jour de la rentrée des classes, une ensei-gnante voit arriver une de ses élèves de 4e accompagnée de sa

mère. L’une et l’autre portent le voile isla-mique. L’enseignante se précipite et dit de manière agressive et péjorative : « Tu vas pas rentrer dans le collège comme ça ! » L’élève répond : « Je fais ce que je veux en dehors du collège. » L’enseignante se pré-cipite dans le bureau du principal pour lui dire de venir régler un problème car elle vient de se faire agresser par une élève…

Ce que cache l’agressivitéPourquoi tant de précipitation et

d’agressivité ? Et quel dommage que l’enseignante n’ait pas pris le temps d’une grande inspiration avant de démarrer au quart de tour. Cela lui aurait peut-être permis d’entendre une petite voix inté-rieure lui poser, avec humour, quelques questions simples comme : « Est-ce que le voile de cette jeune fille met vraiment la laïcité en danger ? L’interdiction des signes religieux ostentatoires concerne-t-elle aussi l’extérieur des établissements scolaires ? Comment pourrais-tu t’adres-ser à cette élève pour qu’elle entende ce que tu as à lui dire ? » Questions qui lui auraient permis d’approcher la jeune fille

et sa mère avec civilité, sans brusquerie et sans produire une réaction en miroir de la sienne : raideur et agressivité.

Le principal du collège, dépêché sur les lieux, a su, lui, aborder la question du voile paisiblement et calmer par le dialogue une situation qui était sur le point de déraper vers le blocage.

Pourquoi cette différence d’attitudes ? Que nous dit la crispation exagérée de l’enseignante pour tenter de faire dis-paraître ce voile qui la dérange ? Elle résonne au lieu de raisonner. Ce type d’attitude devrait en toute circonstance nous conduire à ne pas prendre au pre-

mier degré ce que nous entendons. Car si la différence de l’autre est insuppor-table au point de vouloir la faire dispa-raître, c’est qu’elle trouble plus que de raison et dit peut-être « autre chose » que ce qui est formulé. Autre chose qui fait peur et ne peut pas être entendu.

Le manque de distance de l’ensei-gnante à l’égard du religieux la fait réagir trop vite et trop fort. À force d’être contre

ce qui relève du religieux, elle devient « tout contre », c’est-à-dire tout près, trop près. Cela indique une relation trop étroite au reli-gieux qui s’exprime dans le registre de l’opposition et du rejet.

Que cache cette trop grande proxi-mité ? De multiples pistes pourraient ici être explorées mais j’en retiendrai deux : celle d’une identité que l’enseignante croit en danger et celle de son rapport inapproprié à la loi.

L’école laïque s’est construite sur un modèle religieux par la sacralisation du savoir : la raison est mise en lieu et place du divin, les connaissances en lieu et place des croyances. Ainsi l’école ne peut servir deux maîtres à la fois et l’en-seignante signifie à l’élève que son voile ne peut entrer au collège en concurrence ou en rivalité avec le savoir institué par

les programmes scolaires. Elle met en évidence par la violence de son ton son propre rapport conflictuel au religieux et sa crainte de voir son identité profession-nelle malmenée dans cet affrontement. Elle affirme aussi par son attitude mépri-sante que le savoir qu’elle transmet est à ses yeux bien supérieur aux croyances de l’élève – ou du moins le croit-elle…

La question de la loi, des manque-ments par rapport à sa mise en pratique (ici l’interdiction des signes religieux ostentatoires dans l’espace scolaire) et des manières d’y faire face, est une question centrale à l’école aujourd’hui. Question difficile car elle renvoie chaque enseignant à sa propre relation à la loi ; relation souvent inadéquate par manque de distance. Travaillant régulièrement avec des personnels scolaires la ques-tion du cadre à faire vivre dans l’école, je m’aperçois qu’un certain nombre d’enseignants se prennent pour la loi et mettent un point d’honneur à la faire respecter par les élèves en les obligeant à s’y soumettre au lieu de leur apprendre à choisir de lui obéir de leur plein gré. L’enseignante se met ici dans une place intenable et usurpée, celle d’énonciateur de la loi ; position qu’elle sait ne pouvoir tenir, à ses yeux, que par la force car elle risque de s’y mettre en péril et d’y perdre la face. Ce qui d’ailleurs se produit…•

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« L’école laïque s’est construite sur un modèle religieux, la raison en lieu et place du divin »

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L’enseignante se met dans une place intenable, au risque d’y perdre la face

Page 18: Désavoué, Ennahda s’en va

18 Guide réforme No 3531 • 10 octobre 2013

Décès« Heureux les doux, car ils

auront la terre en partage.

Heureux les artisans de paix,

car ils seront appelés

fils de Dieu. »

(Matthieu 5)

Claire-Lise OTT-ERBES,

son épouse,

ses enfants et leurs conjoints,

ses petits-enfants,

les familles CHARRA, ERBES,

FRIEDEL, SCHNEIDER

et alliées

ses amis à travers le monde

ont la grande tristesse

d’annoncer le décès de

Jean OTTArchitecte D.P.L.G.

et aquarelliste

survenu le 10 septembre 2013

dans sa 88e année.

Un culte d’adieu

et d’action de grâce aura lieu

le samedi 26 octobre à 15 h

au Foyer de la Mission

populaire évangélique,

17, rue de l’Avre, 75015 Paris.

Madame Monique PFENDER,

née DAUSSANT, son épouse ;

Anne-Lise et Christian GENEST,

Michel et Anne-Lise PFENDER,

Etienne et Momoko PFENDER,

ses enfants et leurs conjoints ;

Pascal, Olivier et Arnaud

GENEST,

Sandra, Grégory et Thibaud

PFENDER,

Olivia PFENDER,

ses petits-enfants

et leurs conjoints ;

ses huit arrière-petits-enfants

vous font part du décès de

Jean-René PFENDERPasteur

rappelé à Dieu le vendredi 27

septembre 2013 à l’âge de 89 ans.

Un culte a été célébré

le mercredi 2 octobre 2013

au temple d’Agen.

« Cherchez premièrement

le Royaume de Dieu et sa justice,

et toutes choses vous seront

données par surcroît. »

(Matthieu 6,33)

interreligieuse pour tout public. À Ambert, Clermont-Ferrand, Mozac, Royat, Volvic, Yzeure. Informations pratiques & billetterie : Centre diocésain de pastorale, Église protestante unie de France, Espace Victoire, place de la Victoire, Institut théologique d’Auvergne.Renseignements, billetterieet programme complet :04 73 98 27 82.contact@festivaltheatrebiblique-clermont.comwww.festivaltheatrebiblique-clermont.comRéforme est partenaire de cette manifestation.

• « Jean carbonnier, ou le rêve de coligny »Conférence-film-débats organisée par l’Association des protestants du Palais.Présentation et entretienavec Olivier Abel, IPT Paris. mercredi 16 octobre, à partir de 20 h 30, grand auditorium de la maison du Barreau, 2/4, rue de Harlay, Paris Ier. Entrée libre et ouverte à tous.

• « Des peurs à la confiance – visions d’apocalypses »Journée de réflexionet d’échanges articulant problématiques politiqueset textes bibliques. Samedi 19 octobre, 9 h-17 h, IPT, 83, bd Arago, Paris 14e. Libre PAF.Intervenants : Patrice Rolin, François Vouga, Marie-Noëlle et Jean-Luc Duchêne, Bernard Piettre, Annick Jacq, Olivia Draghici, Eric Hernandez, Jacques Perrier, Jacques-Frédéric Josserand. Merci d’annoncer votre participation. Rens. et contact : patrice.rolin @orange.fr06 72 38 19 13.

• « Vivre autrement, une possibilité ou un rêve ? »Avec Frédéric Rognon, professeur de philosophieà la faculté de théologie protestante de Strasbourg. EOP/Vision. mardi 15 octobre, 20 h-22 h, Foyer protestant,

que sont l’islam et l’occident.Conférence par Pierre Lafrance, Ambassadeur de France. mardi 15 octobre, 13 h. Église protestante unie du Saint-Esprit, 5, rue Roquépine, Paris 8e.01 42 65 43 [email protected]

• « Soirée publique de rentrée académique de la faculté de montpellier »Lundi 14 octobre.À 18 h 30. Réception de la faculté. Leçon du professeur Pierre Bühler (université de Zurich) : « Ma tâche était desoulever partout des difficultés », relire Kierkegaard à l’occasion de son bicentenaire. Faculté de Montpellier,13, rue Louis-Perrier, Montpellier (34).04 67 06 45 71. [email protected]

• 7e festival de théâtre biblique Du samedi 12 au samedi 19 octobre. Le Festival de théâtre biblique veut montrer l’actualité de la Bible pour l’homme du XXIe siècle. Depuis 2001, ce rassemblement culturel a lieu tous les deux ans. Cette année, 14 troupes de comédiens professionnels ont permis au comité organisateurcomposé de catholiques et de protestants de bâtir un programme de qualitéréunissant des genres théâtraux divers. C’est le seul événement de ce type en Europe et il accueille plus de 6 000 spectateurs. L’objectif des organisateurs du Festival est aussi de permettre la découverte des textesbibliques par les publics scolaires. Des séances spéciales sont proposées en milieu carcéral et hospitalier.Aux deux communautés organisatrices (catholique et protestante), se joindront les communautés israélite et orthodoxe pour une méditation interreligieuse le jeudi 17 octobre.Spectacles, stages, méditation

petites annonces

Voyage biblique en israël-palestineAutour de Jn 10,10. 13-20 février 2014, avec le pasteur JC Perrin, 1 250 € tout compris. Contact : 06 11 45 27 48.

réunions

• « Nécessité d’un synode national pour les réformés du royaume, 1640-1660 »Conférence par Françoise Chevalier, jeudi 17 octobre, 18 h 30, Société de l’histoire du protestantisme français (SHPF), 54, rue des Saints-Pères, Paris 7e. Entrée libre et gratuite.

• « comment est fabriquée une information télévisuelle ? »Avec Sabine Pfeiffer, journaliste à France 3 Alsace. Jeudi 17 octobre, 20 h-22 h, Foyer protestant, Niederrœdern (67). MIAN, 03 88 53 84 55.

• « Quelle terre laisserons-nous à nos enfants ? »Journées du mouvement d’action rurale (mAr).Du vendredi 18, 14 h,au lundi 21 octobre,Au Centre culturel d’Obermodern (67). Présentation de la région, études bibliques, visites techniques, conférences-débats, culte, soirée récréative…Cordiale invitation à tous.Possibilité de prendreles repas sur inscription.Pour tous renseignementset inscriptions :03 88 90 83 68.

• « trois morceaux en forme de poire »Une réflexion sur ce

Colloque œCuménique

le travail autrement

La 88e session des Semaines sociales de France se déclinera en trois lieux : Paris, Lyon et Strasbourg pour permettre au plus grand nombre d’y assister. Les conférences seront projetées en direct dans les autres lieux. Les participants pourront poser des questions même s’ils ne sont pas sur le lieu de la conférence. Le thème choisi est : « Ré-inventer le travail », décliné sous divers as-pects économique, social, politique, théolo-gique… et même dans le cinéma !La journée du vendredi sera consacrée au thème du travail et de l’emploi dans un monde en mutation. Deux conférences trai-teront de l’impact de la mondialisation et de comment réinventer le travail sans crois-sance, entrecoupées de séances de débats dans les trois lieux. L’après-midi concernera les jeunes, les territoires et la prévention de la précarité, ainsi qu’une conférence plus ludique sur le travail dans le cinéma.La journée de samedi sera dédiée aux pistes d’action, notamment en politique, et dans l’économie sociale et solidaire. Une interven-tion du théologien Bruno-Marie Duffé por-tera sur la pensée sociale chrétienne au défi des mutations du travail. L’après-midi sera consacré à des ateliers dans les trois lieux autour de « réinventons le travail ». La jour-née se terminera avec une intervention sur la formation, en présence de Claude Thélot, haut fonctionnaire et spécialiste des ques-tions éducatives. Pour le dimanche, une célébration est prévue à 9 h à Paris et à Lyon. À Strasbourg elle sera œcuménique. Les célébrations seront suivies d’un débat avec des représentants syndicaux et par les présentations des pistes concrètes issues des ateliers. Ces Semaines sociales seront clôturées par une conférence du mi-nistre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, sur la puissance publique face au défi de l’emploi.•

¿ 88e Semaines sociales de FrancePour les inscriptions, les lieux précis des rencontres à Paris, Lyon et Strasbourg, ainsi que les horaires des conférences, consultez www.ssf-fr.org

Affiche 2013

D. R

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88e Semaine sociale de Francewww.ssf-fr.org

22/23/24 novembre 2013 Lyon-Villeurbanne • Paris • StrasbourgUn seul événement dans 3 lieux

Tarif peTiTes annonCes (forfaiT TTC) 5 lignes 37 € (5 fois : 148 €) De 6 à 10 lignes 74 € (5 fois : 296 €) De 11 à 15 lignes 110 € (5 fois : 440 €) De 16 à 20 lignes 147 € (5 fois : 588 €) De 21 à 25 lignes 184 € (5 fois : 736 €) De 25 à 30 lignes 220 € (5 fois : 880 €) et ainsi de suite + 5 € pour domici- liation éventuelle au journal.

rédigez votre annonce en vous servant du tableau ci-dessous : n’inscrire qu’un signe (lettre ou ponctuation) par case et laisser une case libre après chaque mot. merci de ne pas utiliser cette grille pour le carnet (naissance, mariage, décès)

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Merci d’envoyer votre texte à :[email protected] devis vous sera établi.

Page 19: Désavoué, Ennahda s’en va

19Guideréforme No 3531 • 10 octobre 2013

EPCAAL

Élections

Un président laïcChristian Albecker, 58 ans, directeur géné-ral du Sonnenhof (Fondation spécialisée dans l’accueil de personnes handicapées en Alsace), et président de la Sémis, a été élu le 5 octobre comme nouveau président de l’Église protestante de la Confession d’Augs-bourg d’Alsace et de Lorraine. Il succède au pasteur et éthicien Jean-François Collange, élu en 2003, qui souhaitait prendre sa re-traite. Les luthériens alsaciens ont donc choisi pour prendre la relève un laïc, ayant connu à la fois le service public (ministère de l’Agriculture et préfecture d’Alsace) et le monde de l’entreprise (Crédit Agricole), avant de rejoindre l’univers associatif des œuvres liées aux Églises. Christian Albecker a aussi suivi des études de théologie, ce qui lui sera très utile pour son nouveau mandat. Sa nommination deviendra effective dans un délai de deux mois, dès que le Premier mi-nistre l’aura confirmée. Il prendra ses fonc-tions début 2014.Il s’est donné quatre objectifs : la formation des laïcs, le renforcement de la diaconie, l’accompagnement du corps pastoral et le développement de la synodalité, pour que les membres de l’Église soient mieux asso-ciés aux prises de décision, et dans un esprit de rapprochement avec les Églises réfor-mées. Il envisage la céation d’un « synode des jeunes » pour mieux les impliquer, et un travail approfondi sur l’évangélisation. Il sera en charge, pour les luthériens alsaciens, des festivités des 500 ans de la Réforme en 2017. Il souhaite faire des questions environne-mentales une priorité absolue, et faire de la place de la femme le cœur du dialogue inter-religieux.Christian Albecker a promis de limiter le mandat du président du consistoire à sept ans, renouvelable une fois (alors que la nomi-tation est à vie actuellement). Il a déjà pré-venu qu’il ne serait pas président plus de dix ans. Par contre, il est candidat à la prési-dence de l’Union, laissant peu de chance au petit frère réformé d’accéder à cette prési-dence sous son mandat.•� M. L.-B.

radio-tv

• france culturewww.franceculture.frdimanche 13 octobre, 7.30Culte avec le pasteur Yves Parrend : « Sagesse biblique ».dimanche 20 octobre, 7.30Culte avec le pasteur baptiste Richard Gelin.

• france 2Présence protestantewww.presenceprotestante.comdimanche 13 octobre10.00-10.30« Mag Bible ». Art : Job, de Léon Bonnat et Madeleine au désert, de Jean-JacquesHenner, deux tableaux expliqués par l’historienne Emmanuelle Amiot-Saulnier.Actu : Christoph Müller revient sur l’aventure de la traduction de la Bible en sango (Centrafrique). Rencontre : Marlies Voorwinden, étudiante à l’IPT, a obtenu le prix Lombard 2013 pour son travail sur la Genèse. Société : les prénoms bibliques sont-ils toujours d’actualité ?dimanche 20 octobre10.00-10.30Culte en direct de l’église baptiste de Rueil-Malmaison. Dans un même lieu se réunissent une communauté anglophone, une assemblée francophone et une communauté philippine.

• fréquence protestante(100,7) 01 45 72 60 00www.frequenceprotestante.comsamedi 12 octobreActuelles, 18.30« Mémoires d’un épris de justice », Claudine Castelnau avec Louis Joinet, magistrat.Dialogue, 19.00« Tout savoir sur le protestantisme », Michelle Gaillard avec Éric Denimal.lundi 14 octobremidi-magazine, 12.05« La Grande Guerre à travers trois générations », Claude Boulanger avec Stéphane Audoin-Rouzeau, historien.mardi 15 octobremidi-magazine, 12.05« Paris : une géographie sociale bouleversée ? », Philippe Arondel avec Pierre-Olivier Monteil.mercredi 16 octobretraversées du monde, 14.00« Actualité géopolitique », Malou Bernasconi avec Daniel Vernet, ancien directeur de la rédaction du Monde.vendredi 18 octobremidi-magazine, 12.05« Des initiatives pour changer le monde », Florence Terray avec Christian de Boisredon, entrepreneur social.

• rcfwww.rcfsamedi 12 octobreGrand forum, 12.00« La politique peut-elle changer la société ? », avec Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la Famille, Bernard Accoyer, ancien président de l’Assemblée nationale, et Jean-Claude Guillebaud, écrivain.mercredi 16 octobreVisages, 17.03Thierry Lyonnet.« Pierre Rabhi, le semeur d’espoir ».jeudi 17 octobrerepères, 13.32Béatrice Soltner.« N’ayons pas peur de vieillir », avec Catherine Bergeret-Amseleck, psychanalyste.

ténor, Jean-Louis Jardon, basse, Mireille Patrois, soprano, Hélène Blajan, alto.Dimanche 20 octobre, 16 h, temple de l’Oratoire du Louvre, 4, rue de l’Oratoire, Paris Ier. Billetterie à l’entrée du concert. Tarifs : 17 €.Moins de 20 ans : 5 €.www.ensemble-laudate-dominum.fr

• bach, Duruflé, eschaichDans le cadre des Concerts du temple. Avec Maris Podekrat, orgue. Dimanche 13 octobre, 17 h. Temple protestant d’Enghien-les-Bains (95), 155, av. de la Division-Leclerc. PAF libre et responsable.

• concert spirituelAutour d’airs du Messie de G. F. Händel, de la Passion selon Saint Matthieu de J.-S. Bach, du Stabat Mater de G. B. Pergolesi…Concert organisé par l’ASMEO dans le cadre de la « Semaine de musique protestante ».Libre participation aux frais.Dimanche 20 octobre, 17 h, église Saint-Matthieu (chœur) de Colmar, 3, Grand-Rue, Colmar (68).

• récital de violonPar Dominique Hofer. Œuvres de J.-S. Bach, E. Bloch, A. Furer, E. Ysaÿe. Dimanche 20 octobre, 16 h, Cathédrale américaine, 23, av. George-V, Paris 8e. Entrée libre, PAF.

Pfaffenhoffen (67).MIAN, 03 88 53 84 55.

• « Le culte protestant et la Parole en musique »Conférence par Christian Lepper, pasteur du temple protestant de Mulhouse-Dornach, mercredi 16 octobre, 19 h 30, à la bibliothèque, 19, Grand rue, Mulhouse. 03 89 42 89 95.www.dialogue-jca.org

• « 100 ans de théologie à meylan »Le Centre théologique de Meylan-Grenoble (CTM) en fête ! « Dire Dieu aujourd’hui », conférence par Timothy Radcliffe, dominicain. Table ronde, témoignages, théâtre, animations, buffet… Du vendredi 18 au samedi 19 octobre. CTM, 15, chemin de la Carronnerie, 38240 Meylan. 04 76 41 62 [email protected] le programme sur : www.ctm-grenoble.org

ConCerts

• “Petite messe solennelle”de rossini.Avec l’Ensemble Laudate Dominum de Fontainebleau sous la direction de Jean-Jacques Prévost.Avec chœur, solistes, piano et orgue. Solistes : Gil Chazallet,

Oui, je m’abonne à Réforme

Offre réservée à la France métropolitaine, tarif étranger sur demande.

Offre valable jusqu’au 31 décembre 2013, réservée à la France métropolitaine, tarif étranger sur demande. Conformément à la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectifi cation quant aux informations vous concernant, que vous pouvez exercer librement auprès de Réforme, 53/55, avenue du Maine, 75014 Paris.

MES COORDONNÉESNom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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C. Albecker, nouveau président de l’EPCAAL

Page 20: Désavoué, Ennahda s’en va

20 réforme No 3531 • 10 octobre 2013Portrait

FrÉDÉric LAMANTiA. Organiste du Grand Temple à Lyon, ce géographe revisite les œuvres du « grand Jacques ».

On a vu souvent rejail-lir le feu de l’ancien volcan »… Quelle que soit la force de ces mots d’espoir et de foi, le volcan que fut

Jacques Brel s’est définitivement éteint, le 9 octobre 1978. Le feu n’en rejaillira pas. Mais Brel reste présent par ses vers et ses airs. Il ne nous « quitte pas ». D’autant que sa mémoire est entretenue par des artistes d’aujourd’hui. Certains pourraient être ses petits-enfants comme le jeune chanteur belge Stromae qui revendique une filiation avec lui et a gravi récemment quatre à quatre les marches de la notoriété.

Dans un autre registre, plus discret, un hommage est rendu à l’interprète de Quand on n’a que l’amour par l’organiste lyonnais Frédéric Lamantia. Il vient de sortir un CD de trente titres des plus célèbres de Brel et les a interprétés lors d’un concert sur l’orgue du temple pro-testant de la place du Musée à Bruxelles, à l’occasion du trente- cinquième anni-versaire de la mort de l’artiste.

« Organiste municipal »Ce CD et ce concert sont l’aboutisse-

ment d’une histoire qui a pour princi-paux personnages un organiste géo-graphe, Jacques Brel et sa fille, France. Frédéric Lamantia a une double vie. Côté cour, il est universitaire, ensei-gnant-chercheur en géographie à l’uni-versité de Lyon. Côté jardin, il est pas-sionné de musique en général et voue à l’orgue en particulier une adoration telle qu’il lui consacre ses loisirs et une bonne partie de sa vie. Sans doute parce que cet instrument « dégage énergie et lumière », Frédéric, quarante-trois ans, trouve la force, en plus de ses activités professionnelles, d’assumer la charge de titulaire de l’orgue du Grand Temple de Lyon – celui-là même qui environna musicalement le culte inaugural de l’Église protestante unie, le 12 mai dernier – et de l’orgue de la mairie de Villeurbanne, seul orgue « municipal » de France.

Être « organiste municipal » est un honneur qui récompense une compé-tence acquise tout au long d’un cursus musical classique (violon, piano, cla-vecin puis orgue). Mais c’est aussi une fonction qui ne va pas sans certaines contraintes. Officiant dans un lieu laïc, l’organiste doit éviter le répertoire reli-

gieux. D’où la nécessité d’interpréter d’autres œuvres. Frédéric s’inspire de musiques de films. Il s’est surtout inté-ressé à l’adaptation ou la transcription de chansons qui, par leur message et leur musicalité, sont devenues des clas-siques, celles de ces grands noms de la variété que sont Brassens, Ferré, Ferrat, Barbara, Trenet et bien sûr Brel.

Par passion pour ce fantastique instru-ment de communication qu’est l’orgue, Frédéric Lamantia voulut aller plus loin. Il eut l’intuition que l’interpréta-tion à l’orgue de ces airs inscrits dans l’inconscient collectif était l’occasion de montrer au grand public que l’orgue était autre chose qu’un instrument litur-gique. Poursuivant son raisonnement, il prit conscience que « le côté mystique des vibrations de l’orgue véhiculait un message qui nous dépasse ».

Et ainsi, même avec des airs profanes, l’orgue, « cet instrument transcendan-tal », pouvait conforter dans leur foi les croyants et inciter à la méditation non-croyants et personnes en quête de spiri-tualité. Un tel constat ne pouvait que le conduire à proposer à Anne Faisandier, pasteure du Grand Temple, une expé-rience des plus originale : des « cultes musicaux ». Avec des airs retranscrits à l’orgue, la pasteure et son organiste ne

cherchent pas à faire dire à Brassens, Brel et Ferré ce qu’ils n’ont pas voulu dire mais partent du principe que la musica-lité et la spécificité de l’instrument, ainsi que la sensibilité de l’interprète, donnent à ces chansons une résonance telle que, pour certains, la Bible sera d’un accès plus facile.

Avec France BrelDe là à un double CD, il y a plus

qu’un pas. Il n’aurait pas été franchi si Frédéric Lamantia n’avait pas été géographe. En effet, voulant mieux connaître le chanteur belge, il s’était lancé dans une recherche sur « les pay-sages selon Jacques Brel » – entre autres « Bruxelles », « Amsterdam », « Le plat pays », « Vesoul », « Les Marquises ». Avec l’intuition que son travail serait bien reçu, il l’envoya à France Brel. Celle-ci fut plus qu’intéressée. France et Frédéric décidèrent de faire connais-sance. Lors d’une rencontre à Lyon en 2012, le géographe musicien évoqua son travail d’adaptation à l’orgue de quelques titres de Brel. Il les fit écouter à sa fille. Elle fut émue et enthousias-mée. Sans doute parce que l’interpréta-tion à l’orgue des chansons du « grand Jacques » révélait une facette de son père qui intéressait particulièrement France,

car « elle est très croyante ». De fait, Brel est un artiste à plusieurs dimensions. Son côté provocateur au langage cru ne doit pas masquer l’homme assoiffé d’ab-solu, porté par un idéal et toujours en recherche. N’a-t-il pas écrit et composé un titre comme La lumière jaillira qui, à sa demande, fut enregistré en 1958 sur l’orgue de l’église réformée de l’Oratoire dont Marie-Louise Girod était titulaire ?

Toujours est-il que France Brel convainquit Frédéric Lamantia de se lancer dans la transcription de ces trente titres qu’ils choisirent ensemble. « Ensemble, nous écoutons son travail, évoquons les mots intimement mariés aux notes, retrouvons l’œil moqueur, les sourires et les déchirures du poète, raconte France Brel. Et Frédéric se remet au clavier pour enlever un peu de trom-pette, ajouter un rien de flûte, installer un silence ou intensifier un crescendo. Sans cesse, il tente et ose. Il sait que dans les silences du temple ses doigts vont trouver le chemin de son cœur pour caracoler sur le clavier… »

« Je ne me permets pas de liberté par rapport à la partition, poursuit le rigou-reux Frédéric. C’est tout simplement du Brel à l’orgue. » L’orgue pétille de mille notes. Des notes qui s’égrènent dans la mémoire collective. Des notes qui res-plendissent dans le Grand Temple. Des notes de lumière… D’ailleurs « La lumière jaillira, Et de la voir si belle, Je connaîtrai pourquoi, D’avoir tant besoin d’elle »…•

Pierrick eBerhArd

Jacques Brel à l’aune de l’orgue

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À noter

Voici 30 chansons de Jacques Brelà l’orgueFrédéric Lamantiadisponible sur : www.jacquesbrel.be/product/voici-30-chansons-de-jacques-brel-a-lorgue

Frédéric Lamantia à l’orgue du Grand Temple de Lyon, interprétant Brel

« Le côté mystique des vibrations de l’orgue véhicule un message qui nous dépasse »