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La Nouvelle Presse Magazine 262 janvier fevrier 2009

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Les armes doivent se taire ! 2 Peuples, 2 Etats, 1 Paix négociée Les résurgences du néo-nazisme et l’antisémitisme Les juifs ont résisté en France 15 janvier 2009 L’UJRE condamne les actes inacceptables commis en France contre des synagogues et centres communutaires juifs. La démocratie française interdit de stigmatiser ou agresser un individu en fonction de ses origines ou de sa foi. L’UJRE, profondément attachée au vivre ensemble républicain, rappelle que le conflit israélo-palestinien n’est ni religieux ni ethnique mais politique, et que pro- pager la violence en France ne fera pas progresser la paix à Gaza. 3 janvier 2009 L’U.J.R.E. ne s’associera pas à la manifestation organisée par le C.R.I.F. en soutien à Israël le dimanche 4 janvier à 14 h. Bien que l’U.J.R.E condamne fermement l’envoi de missiles sur la population civile israélienne par le Hamas, elle ne peut s’associer à une manifestation qui dans les faits, soutient la politique agressive de l’Etat d’Israël. En effet, celui-ci, pendant la trêve, n’a pas fait le moindre geste d’apaisement et au contraire, a renforcé le blocus de Gaza qui rend exsangue et affame les Gazaouis, en les jetant ainsi dans les bras du Hamas. L’U.J.R.E. par contre, participera à toute initiative en faveur de la Paix sur la base d’une solution politique des problèmes du Moyen-Orient, qui respecte la reconnaissance de la légitimité de l’existence de l’Etat d’israël, des droits nationaux du peuple palestinien et leur prise en compte effective. Le 22 mai 1949 au Cirque d’Hiver, la “journée nationale contre le racisme, l’antisémitisme, et pour la paix” marque la naissance 3 du MRAP (Mouvement contre le racisme et l’antisémitisme et pour la paix). On voit ici la genèse de la cassure entre la future LICRA et le MRAP. Nous reviendrons dans un prochain numéro sur le racisme à l’encontre des juifs et des émigrés et sur l’importante activité anti-raciste du MRAP, promoteur, nous ne saurions trop le rappeler, de la première loi anti-raciste jamais votée en Europe.

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Page 1: La Nouvelle Presse Magazine 262 janvier fevrier 2009

LA PRESSE NOUVELLE MagazineProgressiste

Juif

N° 262 - JANV./FÉV. 2009 - 27e ANNÉE MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E.Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide

PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d’antisémitisme et deracisme, ouvertes ou sournoises. PNM se prononce pour une paix juste au Moyen-Orient, sur la base du droit de l’Etat d’Israël à la sécurité, et sur la reconnaissance du droit à un Etat du peuple palestinien.

Le N° 5,50 €

Les armes doivent se taire ! 2 Peuples, 2 Etats, 1 Paix négociée

OUI : l’UJRE a dès le premier jourcondamné la guerre d’Israël contreGaza, une guerre injuste, injustifiée,inqualifiable. Et encore, à ce momentlà, nous ne savions pas qu’il y avait euusage de bombes au phosphore.L’UJRE s’est déclarée solidaire de lapopulation de Gaza, de la populationpalestinienne et du droit desPalestiniens à vivre enfin dans un Etatindépendant et viable. Ce faisant, elleétait et reste convaincue d'oeuvreraussi pour la sécurité de la populationisraélienne.NON : l'UJRE ne se sent pas coupabled’avoir participé à des manifestations à côté et non pas avec des mouvements dont elle ne partagepas nécessairement les positions et dont certains pêchent en eau trouble. Ces mouvements s’excluentd’eux-mêmes d’une manifestation pour la paix lorsqu’ils adoptent pour slogan Mort aux juifs, mortà Israël ! Ne soyons pas naïfs. Il y a ceux qui tirent les ficelles, ici comme là-bas. Mais il y a ceuxqui risquent de se laisser entraîner. Il y a aussi, et n’est-ce pas le premier objectif, le risque de détour-ner des indispensables manifestations de solidarité ceux qui viendraient d’enthousiasme, n’était laprésence des récupérateurs. Ce risque serait moins grand, les fauteurs de guerre seraient moins visi-bles, moins convaincants, si les démocrates de France étaient plus nombreux à demander justice.

Jacques LEWKOWICZ Trois préoccupations et quatre vœux

PROCHE-ORIENT

Moi, je crois au processus d’Oslo A. Kapeliouk p.3Communiqués UJRE p.3Black-out médiatique à Gaza P.Kamenka p.4Le rêve de Barenboïm J.L. p.4

SOCIÉTÉL’air du temps rend de méchante humeur J. Levart p.5

HISTOIREdu MNCR au MRAP S.Goldstein p.3

ENQUETEPogrom à Buenos Aires N.Mokobodzki p.8

MÉMOIREBelzec - Refus de la négation(entretien avec G..Moscovitz) Laura Laufer p.7

PORTRAITLe petit juif de Tunis(entretien avec Georges Wolinski) J.Dimet p.5

CULTURE

«Plus tard, tu comprendras» d’Amos Gitaï LL p.7

Samedi 10 janvier 2009l’UJRE défilait sous la banderole d’ Une autre voix juive (UAVJ)

Au seuil de l’année 2009, notre atten-tion est attirée par trois problèmesliés entre eux :

Le premier, au Proche-Orient, c’est bien évi-demment le retour de la Paix. Le silence retom-be sur un champ de ruines. Dans ces ruines, onn’entend plus les hurlements des blessés. Onentend les lamentations d’incrédule épouvantede ceux qui survivent. C’est dans ce décor dan-tesque et nulle par ailleurs, qu’il nous appartientque se lève une génération pour la Paix. Ce conflit a revêtu, une fois de plus, un caractè-re d’une violence extrême. Certes, les injustifia-bles tirs de roquettes du Hamas ont fourni l’oc-casion au gouvernement israélien de son agres-sion contre la bande de Gaza. Mais ils étaient laréponse au tout aussi injustifiable blocus quiaffamait la population de Gaza.. Nous sommeshorrifiés de cette guerre et l'attitude des diri-geants d'Israël nous choque profondément.L’incroyable disproportion du nombre de victi-mes de part et d’autre, en faveur d’Israël et audétriment des Palestiniens, montre bien que laforce est du côté israélien. Il faut appeler un chatun chat : ainsi le plus fort s’attaque au plus faiblesignant une très coupable lâcheté. Celle-ci n’estque la suite logique de l’attitude israélienne qui

n’a jamais sérieusement agi, depuis 1967, pourprendre l’initiative en vue de dégager une voienon militaire vers la paix. Notre vœu est quedevant les protestations, chaque jour amplifiées,qui se développent dans le monde, Israël se déci-de à reconnaître la légitimité des droits revendi-qués par les Palestiniens et que ces derniersréaffirment la légitimité du droit à l’existenced’Israël, l’ensemble de ces orientations devantse situer dans le cadre des différentes résolutionspertinentes de l’ONU. Les uns et les autres doi-vent reprendre le dialogue et coopérer pour unavenir de paix dans la région, dans l’intérêtmutuel des deux peuples.

Ensuite, la crise financière qui devient, aujour-d’hui, économique et sociale avec son cortège dedifficultés qui s’amoncellent pour les salariés etles familles modestes. Certes, Sarkozy a annon-cé un plan de relance. Mais, que peut-on attend-re d’un plan qui se contente d’aider les entrepri-ses et les banques sans s’attaquer à la racine dumal : l’invraisemblable appât de profit ayantconduit celles-ci à la spéculation et à la cata-strophe actuelle ? Notre vœu est que se lève unpuissant mouvement social dont l’action pourraseule conduire à prendre des mesures efficaceset d’urgence contre la crise.

Enfin, les résurgences du néo-nazisme et l’an-tisémitisme : Nous en avons vu l’illustrationsous la forme de la croix gammée « taguée » endécembre sur la porte de notre cher 14 rue deParadis au mépris du respect dû aux différentesactivités regroupées par les juifs progressistesdans l’après guerre, rassemblés dans l’UJRE etqui ont marqué l’histoire de ce lieu. Nous l’a-vons aussi remarqué dans la lamentable masca-rade de Dieudonné, invitant le coupable néga-tionniste Faurisson à recevoir un prix des mainsd’un comparse revêtu d’une tenue de déporté etd’une étoile jaune. Le prix des places étant cequ’il est au Zénith, ce ne sont pas des blacks des« quartiers » qui emplissaient la salle. Qu’on nes’y trompe pas : l’antisémitisme n’est qu’unedes branches du racisme comme le montrent lesdifférentes attaques contre les lieux musulmans.Il en est ainsi du cimetière militaire d’Arras oùles tombes aussi bien musulmanes que juivesont été recouvertes des mêmes croix gammées.Notre vœu, ici, est que les pouvoirs publics pren-nent toutes les mesures nécessaires pour mettrefin à ces menées.A vous tous, nous souhaitons pour chacunune très bonne année 2009 dans un mondeen paix. r

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2 P.N.M. JANV. / FÉV. 2008

Nous nous félicitons de la parution prochaine desactes du colloque organisé par les Amis de la CCEavec le concours de l’UJRE, du Musée de laRésistance Nationale de Champigny, du groupe detravail des anciens résistants de l’UJJ (Zone Sud) etde MRJ-MOI. Nos lecteurs peuvent d'ores et déjàsouscrire à cet ouvrage qui contiendra de nombreuxtextes additionnels sur la résistance juive en France.Information : Amis de la CCE , 06 31 15 62 85 ouamisdelacce@ aacce.org

LE NOUVEL AN

Le nouvel an commence sous debien sombres auspices. Bush quit-

te la Maison Blanche. Il laisse à sonsuccesseur, Obama : - Un monde en proie à une crise éco-nomique mondiale- Le Proche-Orient en crise, et avec luile monde.Car la guerre de Gaza ne doit pas faireoublier toutes celles qui se livrent àgrande échelle sur la planète, pour desenjeux qui n’ont rien à voir avec dequelconques idéaux de démocratie.Sans parler de cette guerre larvée quis’appelle la misère, escortée de lamaladie et de la faim.Tous les quatre jours en Afrique, lafaim tue autant d’enfants que labombe d’Hiroshima a fait de victimes.Mais on ne voit pas de champignonatomique tandis que ces enfants ago-nisent en silence.Là, pas besoin de black-out média-tique. Un enfant mort de faim, ça n’estmême pas un dommage collatéral !

27 J A N V I E R 1945LI B É R AT I O N D U C A M P D’AU S C H W I T Z

27 J A N V I E R 2009JOURNÉE DE LA MÉMOIRE DE L'HOLOCAUSTE ET DELA PRÉVENTION DES CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ

*21 F É V R I E R 1944

Missak MANOUCHIAN, Joseph BOCZOVet 20 de leurs camarades des FTP-MOI

tombent au Mont-Valérien sous les balles naziesOlga BANCIC, seule femme du groupe, sera décapitée en Allemagne le 10 mai suivant

22 F É V R I E R 2009 À 11H.UN HOMMAGE AUX HÉROS DE L’AFFICHE ROUGE SERA

RENDU AU CIMETIÈRE PARISIEN D’IVRY-SUR-SEINE

Agenda de la Mémoire !

Nous sommes le 6 juin 1945 à Paris. D’où revient MirkaGhelbein, adolescente de 17 ans, quand elle écrit ce

poème, Les camps de la mort lente ? Et qu’est-elle devenuedepuis ? Sans le hasard d’une rencontre avec Lisa Sepel, conser-vatrice du Musée d’Histoire Vivante de Montreuil (voir PNM

n° 260 nov/déc 2008), ce poème aurait disparu des mémoires ...

Guerre de GazaDEMENTI

Des bruits circulent, des cour-riels aussi, alors soyons clairs,

les faits sont les faits : L’UJRE n’a NI pris l’initiative, NIrejoint ceux qui ont pris l’initiativede porter plainte contre Israël, quece soit pour crimes de guerre oupour crime contre l’humanité.Cette déclaration ne vise en aucuncas à donner quitus à Israël et neminimise pas, pour autant, le désastre humanitaire causé par sesforces armées.

MISE AU POINT

20 janvier 2009 : la secrétaire nationale du Pcf, M.G. Buffet récuse lespropos de Richard Prasquier, président du Crif. Il vient, sur RFI, d’as-similer la position du Pcf sur le conflit israélo-palestinien «à celle desgroupes radicaux voire à celle du terrorisme international». Elle rap-pele «le combat des communistes français parmi lesquels de nomb-reux juifs contre l’antisémitisme et le racisme» et la position du Pcf :arrêter les colonisations, le mur, fonder un Etat palestinien viable etindépendant au côté d’un Etat israélien vivant en sécurité. Dont acte.

Volker Mall, de l’association Gegen Vergessen-Für Demokratie e.V.(Contre l’oubli, Pour la Démocratie), est membre de la commissionBöblingen-Herrenberg-Tübingen qui documente l’histoire du campHailfingen/Tailfingen, sous-camp de Natzweiler/Struthof. A cetitre, ils ont déjà produit un ouvrage Spuren von Auschwitz ins Gäu-Das KZ-Außenlager Hailfingen/ Tailfingen (Préface de GideonGreif, Yad Vashem), Filderstadt 2007, deux documentaires et un por-tail internet : www.zeitreise-bb.de (>Themen >Tailfingen >KZ > U). Leur projet : ouvrir un centre de documentation, une exposition etpublier un Livre-Mémorial avec 60 Portraits de victimes et survi-vants. L’un de ces survivants, Maurice Benadon, était membre del’UJRE. Aussi, Volker Mall recherche-t-il plus d´information à sonsujet, en particulier l´adresse de son fils pour recevoir des docu-ments, photos etc.Il a déjà l´ interview de l’USC Shoah Foundation et l’ouvrage deJean-Pierre Arthur Bernard, Paris Rouge, 1944-1964, Seyssel 1991qui consacre un chapitre à Maurice Benadon. Il sait qu’ont également survécu au camp d’Hailfingen les françaisEmanuel Mink, Simon Gutman, Eric Breuer, Henry Bily et MauriceMinkowski. Ce dernier quitta Drancy par le Convoi 77. Avecquelques camarades, il tenta de s’évader. Pour compléter sa docu-mentation, Volker Mall aimerait savoir qui était le "chef" de cegroupe, celui que Maurice Minkowski, dans l’interview USC,dénomme "le Grand Robert", membre célèbre de la résistancetoulousaine.Vous avez des informations ? Merci d’avance de contacter le journal.NB Le portrait de Maurice Benadon réalisé par Volker Mall figure sur le site UJRE

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J’O F F R E U N A B O N N E M E N T À :N o m e t p r é n o m . . . . . . . . . . . . . .A d r e s s e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .T é l é p h o n e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .C o u r r i e l . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

DécèsNous avons appris avec tristesse le départ de

Louisette KAHANEFemme sensible et cultivée, née dans une famille juive immigréeyiddishophone de sensibilité communiste, scénariste passionnéede cinéma*, militante pour la reconnaissance du yiddish commegrande langue de culture, Louisette n'est plus. C'est une grandeperte pour sa famille et tous ceux qui l'ont aimé, pour le Muséed’art et d’histoire du Judaïsme dont elle contribua à créer le fondsaudio-visuel et pour la Maison de la Culture Yiddish dont elle futmembre du conseil d’administration. Nous prenons part à leurpeine. Sincères condoléances. PNM

* Clara Lemlich : le journal d'une meneuse de grève d’Alex Szalatet Louisette Kahane, France, 2004 (51 min.) JEM Productions

*Au moment où nous mettons sous presse, nous apprenons avecbeaucoup d’émotion la disparition survenue le 19 janvier de

Micheline LASKNée dans la tourmente en 1940, Micheline, enfant cachée, perd samère en déportation. Après-guerre, elle passe un an dans le foyerd’enfants « des tout-petits » de la CCE*, puis retrouve son père et sonfrère Serge né en 1937. Son père reconstruit une famille dont naî-tront Max et Evelyne. Micheline développe son idéal communisteet laïque dans des mouvements tels les Auberges de Jeunesse, lesJeunes Filles de France… et sait rester fidèle à son idéal. Engagée,elle travaille longtemps chez notre confrère La Terrre. Jeune retraitée,elle se consacre au bénévolat social au Secours Populaire Français,entre autres. Nous garderons le souvenir d’une personne fidèle enamitié, attentive aux autres et partageant dans son immeuble uneexceptionnelle convivialité : on avait toujours plaisir à la rencontrer.Elle avait eu la douleur de perdre en 2002 son frère, le peintre SergeLask, dont l’oeuvre fut construite sur la mémoire et sur l'absence.Cette absence, Micheline, nous la ressentons aujourd’hui. Nous pre-nons part à la peine de ta famille et de tous ceux qui t'ont aimée. PNM

* Après-guerre, la Commission Centrale de l’Enfance auprès del’UJRE ouvre nombre de foyers pour enfants de fusillés et déportés(voir Pnm n° 253 février/mars 2008). Micheline adhèrera, dès sacréation, à l’Association des Amis de la CCE.

Carnet

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P.N.M. JANV. / FÉV. 2008 3

«Moi, je crois auprocessus d’Oslo»

nous déclare Amnon KapelioukEn 2006 déjà, à la demande de l’UJRE, ce journaliste franco-israélien, collaborateur duMonde Diplomatique, était venu parler au « 14 », en présence d’un auditoire nombreux,du conflit israélo-palestinien, après Gaza et Rafah ... Il répond de nouveau aujourd’huià nos questions, et cela, avant l'entrée en fonction d'Obama et l'arrêt des combats

A. Kapeliouk

Quels sont les enjeux de cette guerre lan-cée par Israël contre Gaza et sa popula-tion ?

Il y a plusieurs explications à cette situa-tion. Il est clair que les dirigeants israé-liens ont jugé habile de déclencher l’opé-ration Plomb durci durant la période quisépare l’élection de Barack Obama et soninstallation. Bush ne pouvait plus, àquelques jours de l’expiration de son man-dat, user de son droit de veto au Conseilde sécurité des Nations Unies. Son suc-cesseur ne pouvait pas encore agir. D’oùl’abstention américaine lors du vote sur larésolution de l’ONU ( résolution 1860 du 8janvier appelant à un cessez-le-feu). Quant àObama, qui entre en fonction le 20 jan-vier, il s’est jusqu’à présent prononcé surles souffrances des Palestiniens et a décla-ré que dès son arrivée à la MaisonBlanche, si le conflit se poursuivait, ilentreprendrait des démarches pour résou-dre cette question.Deuxième explication, l’enjeu des élec-tions législatives israéliennes de février.La cote du ministre de la Défense EhoudBarak était très basse dans les sondages.Une seule chose pouvait l’aider à faireremonter sa cote de popularité, selon denombreux observateurs en Israël, lancerune opération militaire de grande enver-gure, c’est ce qu’il a fait (à Gaza) et lerésultat ne s’est pas fait attendre puisquetrès rapidement sa popularité a sensible-ment grimpé. En effet, il ne faut pas seleurrer, la guerre est populaire en Israël.Il y a aussi une autre raison à cette situa-tion : il fallait qu’Israël rétablisse saforce de dissuasion après les événe-ments du Sud-Liban de 2006. L’arméeet les dirigeants politiques ont cherché icià faire oublier le grand fiasco par lequels’est soldé la guerre menée au Sud-Libancontre le Hezbollah. Les opérations deGaza visent également à rappeler la«leçon» qu’Israël a donnée au Hezbollahen détruisant complètement son quartiergénéral. C’est la même chose qui estentreprise ici, quand on voit les destruc-tions massives qui sont faites à Gaza.Côté palestinien, le Hamas a continuémalgré les menaces et les opérations desmilitaires israéliens à lancer des missilesartisanaux sur le territoire israélien. Ilvisait, par ces tirs, à forcer Israël à mettrefin au blocus de la bande de Gaza. Maisaussi sur le plan politique, les dirigeantsdu Hamas veulent montrer auxPalestiniens que le Hamas est là, et dire àl’Etat hébreu : Nous n’allons pas tolérercela.Le mouvement du Hamas est apprécié parles Palestiniens, quelle que que soit leurposition politique, car il apparaît commecelui qui lutte, à sa façon, sur le terrain. LeFatah et Abou Mazen (le président del’Autorité palestinienne, MahmoudAbbas), ne participent pas à ces actions,car ils sont opposés à la politique duHamas.Il y a aussi à travers cette crise des enjeuxinter-palestiniens : certains se demandentsi le Hamas ne va pas hisser le drapeaublanc devant les pertes terribles infligées à

Gaza aux Palestiniens, devant les destruc-tions énormes causées par l’aviation,devant, enfin, le déploiement des chars etde l’infanterie autour de la ville de Gaza etau nord du territoire.

Y a-t-il une réponse à travers l’opérationPlomb durci aux dirigeants de Téhéran,face au dossier nucléaire?

George Bush, qui est en fin de mandat, n’asemble-t-il pas voulu autoriser une opéra-tion (israélienne) en Iran, car personnen’aurait été dupe (du feu vert américain),car tout le monde connaît les relationsentre Israël et les USA. Bush n’a pas livréà l’aviation israélienne de bombes sophis-tiquées pour attaquer les centrales iranien-nes. Option désormais exclue, puisqueBarack Obama a indiqué son intention devouloir entamer des discussion avec lesdirigeants iraniens.

Quelles sont les perspectives de paix,alors que la troisième semaine de guerreest en cours et qu’Obama va prendre sesfonctions ?

La paix va arriver, mais la question est desavoir quand. Aujourd’hui, Israël continuede mobiliser des réservistes et le Hamasaffirme vouloir poursuivre les combats. Ilest trop tôt pour savoir quand et commentla paix va survenir, même si actuellementl’éventualité d’une escalade est perçuecomme très dangereuse. Il y aura unesorte d’accord, mais là, ce sont les politi-ciens qui vont négocier. Malgré les opéra-tions militaires, les missiles (tirés par lescombattants du Hamas) continuent depleuvoir sur le territoire israélien.

Est-ce à dire que le processus d’Oslo estenterré et qu’il n’y a pas d’avenir pour unEtat palestinien ?

La seule solution passe par la créationd’un Etat palestinien. Moi, je crois au pro-cessus d’Oslo. C’est la droite nationalistequi l’a torpillé. Les accords d’Oslo, quiincluaient le respect d’Israël dans les fron-tières de 1967, peuvent servir de base pourde prochaines négociations. Aujourd’hui, ce sont les canons qui par-lent, mais dès que des négociations serontentreprises, leur déroulement évoqueranécessairement le processus de Madrid oucelui d’Oslo.

Le nombre très élevé des victimes civilespalestiniennes donne d’Israël une imagenégative : cela ne risque-t-il pas deretourner l’opinion contre Israël ?

La réponse officielle des dirigeants israé-liens, c’est qu’il est important, impératifmême, de préserver la sécurité de lapopulation d’Israël. Mais cela neconvainc pas l’opinion publique devantle nombre très élevé de morts, qui atteintdéjà un millier, au moment de cetteinterview. Les frappes actuelles contreGaza rappellent également par leurampleur et leurs destructions l’opérationmenée par l’armée israélienne en 2006contre le quartier de Chiyah dans la ban-lieue sud de Beyrouth. r

Propos recueillis par Patrick Kamenka

15 janvier 2009 L’UJRE condamne les actes inacceptables commis en Francecontre des synagogues et centres communutaires juifs. La démocratie françaiseinterdit de stigmatiser ou agresser un individu en fonction de ses origines ou de safoi. L’UJRE, profondément attachée au vivre ensemble républicain, rappelle que leconflit israélo-palestinien n’est ni religieux ni ethnique mais politique, et que pro-pager la violence en France ne fera pas progresser la paix à Gaza.

8 janvier 2009 L’armée israélienne fait la guerre à la population de Gaza : 1,4milion d’habitants sont enfermés dans une prison à ciel ouvert, sans frontières,sans port, sans aéroport, sans communications terrestres. 85% d’entre eux vit au-dessous du seuil de pauvreté (moins de 1 $ par jour). Ce sont eux qu’Israël attaque,avec son armée suréquipée et dotée de la plus haute technologie de renseignement.A ce jour : 763 morts dont 200 enfants, et notamment 40 dans une école souscontrôle de l’ONU. Les morgues débordent et l’on manque de sacs à morts.Ajoutons 3.200 blessés et l’on manque d’ambulances, de médicaments (l’entrepôta été bombardé). Interrompant les pourparlers en cours avec le Hamas malgré lestirs de roquettes, les autorités israéliennes ont donc choisi la force, comme elles lefont depuis plus de 40 ans, pour venir à bout de la volonté des Palestiniens de faireaboutir leur droit, consacré par les résolutions de l’ONU, à se doter d’un Etat via-ble. Pareille agression serait impensable sans le soutien actif des USA et la com-plicité dégradante du Conseil des Ministres européen qui, contre le vote duParlement européen, vient de renforcer les relations commerciales avec Israël.Cette offensive constitue une violation flagrante du droit international, consacré,notamment par les conventions de Genève (protection des personnes civiles)qu’Israël a ratifiées. C’est une atteinte aux valeurs de la civilisation et à la dignitéhumaine. Pour toutes ces raisons, l’Union des Juifs pour la Résistance etl’Entraide (UJRE), au nom de ses valeurs progressistes, proclame son soutien totalà la population de Gaza et au peuple palestinien dont les droits sont bafoués depuistrop longtemps, ainsi qu’aux pacifistes israéliens qui manifestent courageusementleur refus de la guerre, y compris à Sdérot. Elle participera et appelle à participerlargement à la manifestation du samedi 10 janvier à 15 heures place de laRépublique, à Paris, pour un arrêt immédiat des opérations militaires, pour dessanctions européennes à l’égard d’Israël, jusqu’à ce que des négociations aboutis-sent à l’élaboration et l’application d’un plan de Paix

4 janvier 2009 Interrogé dimanche matin [04/01/2009] sur Judaïques FM, unvice-président du Crif déclare que celui-ci appelle naturellement « au nom de tou-tes les associations du Crif » à une « manifestation de soutien à Israël », contrai-rement à la manifestation organisée la veille, qui à l’en croire, aurait été « unemanifestation de soutien au Hamas ». Membre fondateur du Crif, l’UJRE née deet dans la résistance au nazisme et à l’antisémitisme dément ces propos du Crif surdeux points : 1. Elle n’a aucunement manifesté son soutien au Hamas : la mani-festation [du 03/01/2009] à laquelle elle a, avec nombre d’organisations et de par-tis politiques, appelé à participer et participé n’avait d’autre objectif que d’affir-mer son hostilité à la guerre et de témoigner de sa solidarité avec le peuple pales-tinien et, plus particulièrement avec la population de Gaza qui, dès avant l’offen-sive de l’armée israélienne, vivait à 85% au-dessous du seuil de pauvreté et qui,écrasée sous les bombardements, paye un lourd tribut à la guerre. Fidèle à la ligneque l’UJRE n’a cessé de défendre, elle réaffirme sa conviction que la paix résultenon de la guerre mais de la volonté à tous les niveaux, y compris à celui du gou-vernement français, de l’UE et de l’ONU, de prendre des positions et des mesuresefficaces pour que s’instaure une paix juste et durable conforme aux décisions del’ONU, dans la reconnaissance du droit à l’existence de deux Etats, Israël et laPalestine. 2. Elle dénie au Crif le droit de s’exprimer au nom de tous les juifs deFrance. Elle n’a pas été consultée sur l’objectif de la manifestation d’aujourd’hui[04/01/2009]. L’eût-elle été qu’elle se serait refusée à cautionner la politique d’unEtat dont tel dirigeant vient de prédire « une guerre totale ». Appeler à « soutenirIsraël », formule vague au demeurant, ne conduira pas à la paix au Proche-Orientmais peut très bien contribuer à propager en France ce conflit. L'UJRE demande auCrif de bien vouloir prendre en compte le fait que la communauté juive de Francen'est pas israélienne et de respecter ses adhérents et leur diversité d'opinion.

3 janvier 2009 L’U.J.R.E. ne s’associera pas à la manifestation organisée par leC.R.I.F. en soutien à Israël le dimanche 4 janvier à 14 h. Bien que l’U.J.R.Econdamne fermement l’envoi de missiles sur la population civile israélienne parle Hamas, elle ne peut s’associer à une manifestation qui dans les faits, soutient lapolitique agressive de l’Etat d’Israël. En effet, celui-ci, pendant la trêve, n’a pasfait le moindre geste d’apaisement et au contraire, a renforcé le blocus de Gaza quirend exsangue et affame les Gazaouis, en les jetant ainsi dans les bras du Hamas.L’U.J.R.E. par contre, participera à toute initiative en faveur de la Paix sur la based’une solution politique des problèmes du Moyen-Orient, qui respecte la recon-naissance de la légitimité de l’existence de l’Etat d’israël, des droits nationaux dupeuple palestinien et leur prise en compte effective.

L’Ujre communique...

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P.N.M. JANV. / FÉV. 20084

Un dimanche de janvier plutôt enso-leillé qui motive à la flânerie : pour-

quoi pas du côté de la Tour Eiffel et desjardins du Trocadéro ? Nous y étions. Pasen promenade. Nous avons avec nospancartes, bien modestes mais pourtantvisibles (y compris par les cameramen etphotographes) affirmé notre présence etnos différences. Où ? Au rassemblementorganisé par Les amis de Shalom Arshav.Oui, nous aussi nous aimons la Paix !Mais nous l’aimons dans la justice ren-due à tous les peuples de cette région, etnon dans la contrainte. UJRE

10/01/09

Le Pendisqualifié !

Le peuple de France a offert samedi 10 janvier une grande journée de

solidarité pour le retour de la paix àGaza, pour faire cesser le massacre desPalestiniens en manifestant par centainesde milliers dans de nombreuses villes del'hexagone.Ces défilés constituent implicitementune réponse cinglante à un Le Pen quis'est permis tout récemment de comparerGaza à "un véritable camp de concentra-tion". Venant du leader d'un parti de l'extrême-droite française,qui a osé parler de"détail" à propos des chambres à gaz,comment a-t-il pu oser de tels amalga-mes ? Lui, le chef du FN, qui exècre les deuxpeuples, juif comme palestinien ?Lui, qui a soufflé, toute sa vie politiquedurant, sur les braises du racisme, de l'an-tisémitisme ?Vous êtes disqualifié, M. Le Pen. Paix à Gaza. Cela ne risque pas de vousrappeler vos jeunes années, lorsque lesnôtres défilaient non sans risque en criantPaix en Algérie. Cette semaine, la popu-lation française était aussi dans la ruepour faire taire vos vociférations haineu-ses, vos provocations nauséabondes. Paslui, pas çà ! r

Plusieurs organisations syndicalesde journalistes, dont laFédération internationale des

journalistes (FIJ, 600.000 membres surles 5 continents) et le SNJ-CGT, ontcondamné l’attitude du gouvernementisraélien qui interdit aux medias inter-nationaux de couvrir les événementsqui se produisent à Gaza depuis 15jours.L’exclusion de Gaza par Israël desmédias étrangers depuis le 27 décemb-re suscite des questions quant à unevolonté systématique d’empêcher lestémoignages sur les actions de l’arméeisraélienne, a déclaré Aidan White,secrétaire général de la FIJ. Les yeux dumonde entier sont braqués sur Gazamais Israël tente de censurer l’informa-tion en maintenant à l’écart lesmédias.Pour la FIJ, l’affirmation israé-lienne selon laquelle cette interdictionest justifiée par la nécessité de garantirla sécurité des journalistes n’est pastenable. L’interdiction frappe égale-ment la presse israélienne.Pour sa part, le SNJ-CGT avait, après lelancement de l’attaque terrestre, publiéun communiqué dans lequel il appelaitles responsables français, ceux de l'UE,le Parlement européen et l'ONU àcondamner l'attitude des autoritésisraéliennes qui maintiennent un blo-cus total sur Gaza où la population sur-vit dans des conditions désastreuses età permettre enfin aux média de couvrirles événements dans le territoire pales-

Le rêve deBarenboïm

LLe traditionnel concert du nouvelan, donné par l’Orchestre philhar-monique de Berlin était cette année

dirigé par Daniel Barenboïm, qui à cetteoccasion, a formulé des vœux pour unepaix juste au Proche-Orient.

Un rêveC’est, en effet son rêve. C’est pour contri-buer à sa réalisation qu’il a créé et qu’ildirige l’orchestre israélo-palestinien duDivan, de même qu’il a demandé et obte-nu la nationalité palestinienne. Il n’y a pasde jour sans que le conflit israélo-palesti-nien ne le fasse souffrir. Il considère quepolitiques et militaires n’ont fait qu’enve-nimer le conflit.

Enfance et jeunesse D. Barenboïm est né d’une famille de juifsrusses originaire d’Allemagne (le nomd’origine est Bachenbaum) qui se réfugieen 1942 en Argentine. La famille de sonpère, totalement assimilée, ne fréquentaitla synagogue que comme un lieu de socia-bilité juive. Elle n’a pas souffert de l’anti-sémitisme mais, sous le règne de Peron,moyennant argent, on accueillait aussibien les anciens nazis que les rescapés dugénocide. En 1952, lasse du péronisme etde son climat de corruption, désireuse depermettre aux dons musicaux du petitDaniel de s’épanouir, la famille décided’émigrer en Israël où il est frappé par ledynamisme et l’espoir dont fait preuve lapopulation.

Un choc : la découverte du pro-blème palestinien

Une année fait date pour lui : 1967, où ilépouse la prestigieuse violoncelliste bri-tannique Jacqueline du Pré, tout endécouvrant la réalité palestinienne. Ceuxqu’on lui décrivait comme des voleurs,des êtres incultes qui avaient quitté Israëlparce qu’ils n’acceptaient pas un Etat juif,il s’aperçoit qu’on les a encouragés à par-tir ou qu’on les a chassés. Les traditiona-listes et la plupart des religieux ont consi-déré qu’Israël devait s’approprier les terri-toires occupés après 1967. Le choc estredoublé lorsqu’en 1970 G. Meir affirmeque le seul peuple palestinien est israélien.Barenboïm juge cette attitude moralementinacceptable. Il est heurté du mépris dontIsraël fait preuve à l’égard de la popula-tion palestinienne. Il estime en effet que lapuissance occupante doit, à tout le moinssatisfaire les besoins essentiels. A sesyeux, le gouvernement israélien manquenon seulement d’humanité mais de visiond’avenir. Il s’interroge d’ailleurs : « où estpassée l’intelligence juive ? ».

Quel rêve ?D. Barenboïm rêve que l’on comprenneune bonne fois pour toute que chaquevictoire de l’armée israélienne se soldepar un affaiblissement politique d’Israël.Et qu’il n’y a pas de solution militaireau conflit. Israël doit admettre que laPalestine était peuplée… dePalestiniens. Les Israéliens ont de leurcôté besoin de voir reconnue la légitimi-té de leur Etat. Les destins des deux peu-ples sont inextricablement liés. Il estimpératif de reprendre le dialogue et deconstruire ensemble un avenir fondé surla coopération économique, scientifiqueet culturelle.

Cette conviction, un Barenboïm lamet en œuvre en faisant vivre sonorchestre. r JL

Le Droit pour construire

la Paix

Rencontre

Paix à Gaza

Mercredi 10 décembre, se tenait àSarcelles une soirée organisée à la

Maison des Jeunes sur le thème : "LaPalestine et les droits de l’homme”.Présence de Hind Khoury, déléguéegénérale de la Palestine en France.Assistance nombreuse. Projection d’undocumentaire montrant la vie desPalestiniens au quotidien : une popula-tion qui a faim, qui subit des coupuresd’électricité, dont le système scolaireest réduit à la portion congrue, contrôlesbiquotidiens subis par les travailleursqui doivent “passer la ligne”. Deuxorganisations juives (UJFP, UJRE) ontmarqué leur solidarité avec ceux qui lut-tent pour une solution s’appuyant sur leDroit, sur les frontières décidées parl’ONU, dans un sentiment d’égal respectpour chacun. r

Black out médiatique tinien.Dans le même sens, la FIJ a appuyé lesefforts de l’association de la presseétrangère, basée à Jérusalem, pourobtenir que les journalistes puissentaccéder à Gaza, tout en soulignant quecet accès ne doit être ni contrôlé, nisupervisé par les autorités israéliennes.Ce n’est pas à l’une des parties de dic-ter qui se rend dans la zone et de quel-le façon, selon White ajoutant : Lesjournalistes devraient pouvoir sedéplacer et travailler librement sansentrave ni contrôle de la part de l’ar-mée.Israel a finalement autorisé quelquesjournalistes « embedded » - c'est-à-direencadrés par l'armée israélienne et dontles papiers et photos sont soumis à lacensure - à se rendre à Gaza après ladécision de la justice israéliennecondamnant l’interdiction de Tsahalfaite aux medias de couvrir les événe-ments. Parallèlement, la Fédération interna-tionale des journalistes a apporté sonsoutien aux journalistes palestiniensqui travaillent à Gaza au péril de leurvie pour les médias internationaux,dont beaucoup se sont vus refuser touteaccréditation officielle par Israël etn’ont aucune liberté de mouvementdans la région. Deux journalistes ont d’ailleurs payéde leur vie leur présence à Gaza : BaselFaraj, cameraman travaillant pour lachaîne de télévision algérienne, estmort de ses blessures après des tirsisraéliens tout comme son collèguephotographe Hamza Shahin. r PKGaza, le 15 janvier

Un être humain mort estun “dommage collatéral”

Les dirigeants israéliens affirmentavoir envoyé l'armée à Gaza pour

mettre fin aux tirs de rockets du Hamassur Israël.Depuis 20 jours, l'aviation, l'artillerie,l'infanterie, les chars, ont lancé un délugede feu sur la bande de Gaza en utilisant -comme l’a reconnu un communiquéisraélien - des bombes au phosphore, desobus Dime qui brûlent et déchiquètentles corps.Mais si les buts de guerre ne sont pasencore atteints, selon la direction israé-lienne, le bilan des victimes parmi lapopulation civile palestinienne lui est tra-giquement identifié :1.100 Palestiniens ont été tués depuis ledébut de l'opération, dont 670 sont descivils innocents - et parmi eux un grandnombre d'enfants. Les blessés se comp-tent par milliers (5.000, selon certainschiffres).Alors tous terroristes ces enfants, cesfemmes ?Les bombes ne font pas de quartier. Ellesne font pas non plus la différence entreles combattants et une population paisi-ble, prise en otage dans cette zone sur-peuplée où manque l'eau, le pain, le gazl'électricité.Le jeudi 15 janvier, c'est même un hôpi-tal palestinien du Croissant rouge, uneagence de l'ONU et un immeuble abritantplusieurs médias qui ont été visés par lestirs de l’armée israélienne.Et pendant ce temps-là, à l'autre bout dumonde, une chaîne humaine s'estdéployée pour sauver la vie d'un marincompétiteur du Vendée globe.Comprenne qui pourra. r PK

IsraëlDes organisations

de femmes protestentcontre la guerre

«Nous, organisations de femmespour la Paix, appartenant à un

large spectre d’opinions politiques,exigeons la cessation des bombarde-ments et autres moyens de mort etdemandons l’ouverture immédiate depourparlers pour la cessation des com-bats et l’instauration de la Paix. Il fauten finir avec la danse macabre et soncortège de destructions. Nous exi-geons que la guerre cesse d’être uneoption, la violence une stratégie, lemeurtre une alternative. Nous appe-lons de nos voeux une société au seinde laquelle chacun puisse vivre avec lagarantie de sa sécurité personnelle,économique et sociale.»r

31 décembre 2008

Duo israélo-palestinien

Félicitons IBA*, la télédif-fusion israélienne, d’a-

voir choisi ce 11 janvier le duo israélo-palestinien Mira Awad et Noa pourreprésenter Israël à la 54e édition duConcours Eurovision de la chansondont la finale est prévue le 16 mai2009 à Moscou. Ce duo interprétera,tout un programme, la chanson desBeatles : "We can work it out".La PNM souhaite que soit entendu lemessage de ces artistes qui ont déjàchanté pour la Paix, en Belgique,Espagne, Israel... r

* IBA : Israel Broadcasting Authority

Mira Awad et Noa

2 Peuples, 2 Etats, 1 PaixRassemblement du 18 janvier 2009à l’initiative de La Paix Maintenant.

Gaza

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L’actualité n’offre pas matière àsourire. Trop de malheurs, trop desouffrances, trop d’injustices ser-

rent le cœur. Pour ne pas permettre deles percevoir, d’en prendre la mesure,d’en définir les causes, les cercles politi-co-médiatiques érigent un mur d’hypo-crisie. Les vœux pieux, comme lesfeuilles mortes, se ramassent à la pelle.

Egalité des chances : sept étudiants surdix contraints à de petits boulots précai-res, rémunération du livret A ramenée à2,5%, SDF enfin assurés d’une viemeilleure par l’annonce de leur recen-sement.

Moralisation du capitalisme : unhomme nouveau est apparu sur le petitécran. L’ex-patron d’Aventis recon-verti en conseiller financier internatio-nal nous procure, fort de sa « richeexpérience » ses conseils pour jugulerla crise.

Réformes : la démocratie avance àgrands pas avec les droits du Parlementreniés, l’indépendance de la justicebafouée, l’information muselée.

Solidarité : alors qu’il est constammentfait appel à la générosité populaire, desbanquets à prix exorbitant se déroulentau Château de Versailles, un magazinetruque une photo afin de ne pas montrerla bague de forte valeur au doigt de laGarde des Sceaux, hors de portée pourles familles victimes du chômage ou dela pauvreté.

Liberté d’expression : en son falla-cieux respect, des salles sont encoredisponibles pour d’abjects spectacles àprovocations antisémites. Devant tantde bassesse négationniste, ayons unepensée salutaire envers Aimé Césaire,ce grand intellectuel humaniste qui sedisait «Juif, Hindou, Noir de Harlem».La négritude et la judaïté ne sauraientêtre des ferments de division de lasociété française.

Fraternité : un sémillant ministre,naguère représenté un sac de riz sur l’é-paule, fit partie d’un jury attribuant leprix de la tolérance à l’Arabie saoudite.No comment !

Ruptures : le poids des mots est trom-peur. Il y a d’effectives ruptures, maisavec le service public traité selon lescritères de rentabilité : démantèlement,privatisation de la poste, de la santé, del’éducation nationale, du transportferroviaire, du gaz, de l’électricité, del’eau ; avec l’abandon du programmedu CONSEIL NATIONAL DE LA

RÉSISTANCE (objectif déclaré duMEDEF), la destruction des conquêtessociales.

Droits de l’homme : les intransigeantsdu slogan sont bien timorés à les invo-quer, s’en tenant tardivement à de brè-ves apparitions, tandis que le bombar-dement et l’intrusion des tanks n’ontcessé de s’amplifier. La cohorte debien-pensants, aux avis éclairés tousazimuts, éternels invités des plateaux

télévisuels, s’y produisent comme si derien n’était, s’esbaudissant et secongratulant.

Palestine : on dit bien les Palestiniens,jamais la Palestine. Parce que dire laPalestine, c’est énoncer un territoireoccupé ; c’est faire état d’un Etat dontIsraël ne veut pas ; c’est évoquer unenation martyrisée. La France a appeléIsraël à ne pas utiliser d’obus auphosphore : noble et vertueuse indigna-tion. Il aurait pu être précisé qu’uneautre arme de « dissuasion » est égale-ment utilisée : de petites boules de car-bone coupant des corps à deux mètreset des jambes à huit mètres. Le messa-ge de notre diplomatie est en quelquesorte le suivant : « Continue la besogneen évitant toutefois cette sorte de muni-tion ». L’opinion est bernée par l’affir-mation d’un corridor humanitaire quiest inexistant. C’est un pur mensongede propagande. C’est l’ordre d’arrêterl’agression que la France, l’Europe, lesinstances internationales auraient dûintimer à Israël. La PNM dénonce avecfranchise les responsabilités et les agis-sements du Hamas. Il convient cepen-dant de ne pas s’aligner sur les amalga-mes, les fausses similitudes propagéespar les zélateurs de la politique israé-lienne, les adeptes d’une impossiblesolution militaire. Il y a d’un côté unepolitique d’annexion programmée,poursuivie avec acharnement ; de l’au-tre côté, un peuple opprimé, humilié,affamé, massacré.

Communautarismes : il est fait grandbruit d’ actes d’antisémitisme et d’isla-mophobie. Intolérables, nous lesdénonçons fermement comme nous l’a-vons toujours fait et comme nous leferons toujours. Les lanceurs de cock-tails ou de voitures enflammées sur lessynagogues, les extrémistes juifs munisde revolvers, les agresseurs d’imamsdoivent être arrêtés et châtiés. Mais pre-nons garde, la guerre du Proche-Orientn’est pas une confrontation religieuse,même si les uns ont délaïcisé leur paysen un «Etat des juifs» et si les autresprônent l’avènement d’un Etat musul-man. Transférer l’origine du conflit surle plan religieux, c’est verrouiller enco-re plus fermement la porte à une issuepolitique juste et durable. En ce sens, siles prières communes sont louables etbienvenues, elles restent insuffisantesen vue d’un règlement positif. Les for-ces intéressées au pourrissement de lasituation s’en accommodent pour mas-quer leurs objectifs. A ce propos, desjournaux comme La Croix etLibération ont brandi des titres ahuris-sants : «Gaza, prévenir – empêcher lacontagion en France.» La confusion està son comble.

Pour notre part, continuons à donner aupacifisme la clarté et la déterminationnécessaires.

Voilà le meilleur moyen d’éviter cheznous de regrettables affrontements. r

L’air du temps rend de méchante humeur

par Henri Levart

Code au pas de la porte. Escalier àgravir. En haut de l’escalier, lesaint des saints. L’appartement,

l’atelier de Georges Wolinski.Souvenirs. Mai 68 et après, la pub deMars détournée et qui donne : « un coupde barre, Marx et ça repart ». Hara-Kiri, pour sûr, et sesdéclinaisons : HaraKiri Hebdo, l’HebdoHara Kiri, CharlieHebdo après l’inter-diction du précé-dent. Le mensuelCharlie surtout oùWolinski nous faisaitdécouvrir la grandeBD américaine. Ledessin de presse,chaque jour, à laUne de l’Humanité,Paris-Match, le JDD.[Excusez cette paren-thèse personnelle :celle que j’aimais,moi, c’était Paulette,la Paulette dePichard et Wolinski…Ceux qui savent mecomprendront...]Chevalets, sculptu-res, tableaux et dessins au mur.Bibliothèque débordant, regorgeant delivres, on parle du temps. De celui d’iln’y a pas si longtemps, de l’autre côtéde notre mer, la Méditerranée, quandWolinski Georges, fils d’un juif polonaisqui avait transité par l’Egypte et d’unejuive italienne, était un petit tunisien(presque) comme un autre. Un gossesale à défaut d’être un sale gosse, quiaimait se promener dans les ruelles. Wolinski et les juifs, c’est toute une his-toire. Je me remémore le live pamphletécrit autrefois par André Wurmser, écri-vain de talent, injustement mis à l’écartparce que communiste, éditorialiste,billettiste à l’Humanité : « L’Eternel, lesjuifs et moi ». Il y a de l’éternité chezWolinski : l’éternité des amours, l’émoidevant les femmes, la soif de la justice.Les juifs, il va nous en parler, justementet « le moi », c’est-à-dire lui, il est pré-sent partout dans son œuvre. Et pour-tant, il n’y a pas plus humble queGeorges …La vie du petit tunisien commence tra-giquement. Son père, ferronnier d’art,est assassiné à coup de révolver par unde ses ouvriers révoltés alors qu’il avaitdeux ans, ce qui fera dire à la grand-mère : « Ton père a été tué par les com-munistes ». Mais, voilà, un des onclesde Georges, le mouton noir de la famille(ou peut être devrions nous écrire, le mou-ron rouge), est un militant communiste,secrétaire de la section du PCI* deTunis. Il a pris le petit Georges sous sonaile et lui fait découvrir la lecture.Bref, revenons aux Juifs.« Je suis juif, dit Wolinski qui, commechacun ne le sait pas, a « fait » sa bar-mitsva à Tunis, comme Obama est noir :je suis né comme ça. Je ne renie pas mesorigines, mais je suis un laïc : plusqu’un laïc, un athée. J’ai une méfiancevis-à-vis de la religion juive qui estaussi importante que vis-à-vis des au-

tres religions, l’islam ou le christianis-me. J’ai plus confiance dans les gensqui ne croient pas que dans les gens quicroient. » Ce qu’il a connu de juif àTunis et qu’il a perdu en France, c’étaitPessah (Pâque) et le shabbat : «Toutela famille se réunissait le vendredi, sauf

mon oncleVictor** qui étaitcommuniste ita-lien ; or, mafamille était anti-communiste».« J’ai vécu àTunis comme unpetit juif ». Auxjuifs tunisiensd’origine s’é-taient ajoutés desjuifs venus duPortugal etd’Italie. « LesArabes, noteG e o r g e sWolinski, lesavaient bienreçus, mais ilsn’avaient aucunsdroits : les juifsn’avaient pasd’existence légale.

Les Français ont facilité la naturalisa-tion des Juifs. Mes parents ont été natu-ralisés en se mariant et c’est ainsi queje suis né français. »« Très petit, j’aimais me promener dansla Médina. J’allais me perdre [dans lequartier réservé] et je regardais lesfilles. » À Paris, dans les années soixante,Georges erre dans Belleville qui « était complètement juif ». Il y dégus-tait des bricks à l’œuf : « ça me rappe-lait à Tunis, la rue de Marseille, où àcôté de la maison il y avait un mar-chand de beignets, saupoudrés desucre, qu’on ramenait à la maison. »Gosse sale, c’est lui, Georges, qui le dit :« dans l’appartement, il n’y avait pas desalle de bain, simplement un lavabodans les chiottes. On se lavait le samedidans une bassine. C’était une époqueoù c’était normal d’être sale, mais lamer, la nature, elles, étaient propres. »La Tunisie, la guerre d’Algérie oùGeorges Wolinski sert dans le désert etoù il en profite pour dessiner. C’est làqu’il termine son hommage si particu-lier à Victor Hugo en illustrant la totali-té de Après la bataille (vous savez : « mon père ce héros au regard si doux »),que Cavanna s’empressera de publierdans Hara Kiri (le mensuel).Quant au conflit proche orientalWolinski pense qu’il est « très difficile »d’avoir « une opinion juste ». « Je neprétends pas, dit-il, détenir la vérité. Jesuis français, donc je pense qu’unedémocratie ne doit pas s’appuyer sur lareligion. Ce n’est pas à la religion defaire la loi. C’est ça qui me choque enIsraël et dans les pays musulmans inté-gristes. » r

* PCI : Le Parti communiste italien avait àl’époque une section dans l’immigration ita-lienne de Tunis.

** L’oncle Victor a été placé dans un camp deconcentration à Kef, comme militant commu-niste italien, jusqu’à la fin de la guerre.

Le petit juif de Tunispar Jacques Dimet

Il a un nom polonais. Il est l’un des symboles de la libération crayonnéede mai 68 et pourtant… il est né à Tunis. Rencontre avec Georges Wolinski.

Illustration du poème «Après la bataille»de Victor Hugo, parue dans Hara-Kiri en 1960

G. Wolinski

Société Portrait

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quand le MNCR rassemble surtout desouvriers et de petits artisans.

En outre, les membres de la LICA

sont plus âgés que ceux du MNCR. Etpuis des désaccords politiques semanifestent : entre les militants com-munistes et progressistes et le courantgaulliste1.

Le 22 mai 1949 au Cirque d’Hiver, la“journée nationale contre le racisme,l’antisémitisme, et pour la paix”2

marque la naissance3 du MRAP

(Mouvement contre le racisme etl’antisémitisme et pour la paix).

On voit ici la genèse de la cassureentre la future LICRA et le MRAP. r

NDLR. Nous reviendrons dans un prochainnuméro sur le racisme à l’encontre des juifs etdes émigrés et sur l’importante activité anti-raciste du MRAP, promoteur, nous ne sau-rions trop le rappeler, de la première loi anti-raciste jamais votée en Europe.

1. Historiquement, le MRAP sera toujoursconsidéré comme ayant des affinités avecla gauche et notamment le Parti commu-niste, alors que la LICRA sera considéréecomme proche de la droite. On peut noterpar exemple que Mouloud Aounit, actuelPrésident du MRAP, est élu au Conseilrégional d'Ile-de-France sous les couleursdu Parti communiste (sans en avoir jamaisété membre), tandis que Patrick Gaubert,actuel Président de la LICRA, est élu auParlement européen sous l'étiquette duParti Populaire Européen (Droite) aprèsavoir été le conseiller de Charles Pasqua,ministre de l'Intérieur. On peut noter égale-ment que tous les présidents de SOSRACISME furent des cadres du PartiSocialiste.

2. Droit et Liberté nouvelle série n°28 (96)du 15 Mai 1949, appel à la journée; Droit etLiberté nouvelle série n°29 (97) du 1er Juin1949: Compte rendu complet de la journéenationale contre le racisme, l'antisémitis-me, pour la Paix; manifeste Tous unis cont-re le racisme et pour la Paix en p. 12

3. Droit et Liberté 01/1987 - Naissanced'un mouvement

Du MNCR au MRAPpar Sylvain Goldstein

Histoire

Dès 1939, les dirigeants de labranche juive de la MOI, dufait de l’interdiction du Pcf et

de ses organisations, ont constitué unmouvement nommé SOLIDARITÉ dontla mission est de porter secours auxfamilles juives en difficulté. Ce mou-vement poursuivra ses activités jus-qu’au moment où il est décidé de par-ticiper activement aux luttes pour lalibération de la France.

SOLIDARITÉ décide alors, sur instruc-tion de la direction générale de la MOI

clandestine, de se scinder fin 1942 enplusieurs organisations (ce qui devien-dra effectif en 1943 en raison des dif-ficultés dues à l’Occupation) : l’UJRE

(Union des Juifs pour la Résistance etl’Entraide), l’UJJ (Union de laJeunesse Juive), l’UFJ (Union desFemmes Juives), le MCR (Mouvementcontre le Racisme) qui deviendra leMNCR (Mouvement National Contre leRacisme).

Des journaux clandestins sont publiés :l’UJRE et l’UJJ impriment la NaïePresse (fondé en 1934), Droit etLiberté, et Jeune Combat. Quant auMNCR, il fait paraître J’accuse en zoneNord et Fraternité en zone Sud. Dèsoctobre 1942, J’accuse publie destémoignages sur l’extermination mas-sive des juifs déportés en Europe del’Est. Après-guerre, l’UJRE publie lequotidien Naïe Presse et l’hebdoma-daire Droit et Liberté qu’elle cèdera auMRAP en 1949.

En février 1945, le MNCR créel’Alliance Antiraciste qui regroupe desmilitants venus d’horizons très divers.Parmi ceux-ci se trouvent des mem-bres de la LICA (Ligue internationalecontre l’antisémitisme) fondée parBernard Lecache et dissoute sousl’Occupation. Très vite, des tensionsapparaissent au sein de la jeuneAlliance. Elles sont dues, en premierlieu, à l’origine sociale : les membresde la LICA sont plutôt des notables

Pourquoi le campd’extermination deBelzec, sujet de votrefilm, est-il si peuconnu ?Guillaume Moscovitz : Iln’y a quasiment pas eu desurvivants : c’est la raisonprincipale de cetteméconnaissance. Seulesdeux personnes ont pu

témoigner après la guerre : Rudolf Reder,décédé dans les années 1960, et ChaïmHirszmann, mort assassiné à Lublin en1946. Si on connaît les nomsd’Auschwitz, Treblinka et Sobibor, c’estparce qu’il y a eu des survivants.Auschwitz est le plus connu parce quec’est là qu’il y a eu le plus grand nombrede personnes qui sont revenues. Il y a àpeu près une centaine de survivants deTreblinka et de Sobibor. Avant le film deLanzman, Shoah, je ne sais pas si magénération connaissait les noms deTreblinka, Sobibor et Chelmno. À proposde ces camps d’extermination, seuls leursnoms ont été évoqués au moment du pro-cès de Nuremberg, mais cela s’est arrêtélà, on n’en a pas parlé. Les procès descamps d’extermination ont eu lieu enAllemagne, et c’est à partir de là qu’on aété amené à connaître l’existence de cescamps. Il y a eu un procès Belzec en 1965.Sur les huit inculpés, sept ont été relaxés,au motif qu’ils avaient obéi aux ordres.

Les différences entre camp de tra-vail, camp de concentration et cen-tre de mise à mort sont importantes.Pourriez-vous les expliquer ?GM : En Pologne, il y avait plein decamps de travail, surtout au début del’occupation, entre 1939 et 1941. Il yavait ce qu’on appelait les bataillons dutravail. C’étaient des hommes qui, à par-tir de 15 ou 16 ans, pouvaient être arrêtésdans la rue et envoyés en camp de travail,mais ils en revenaient quelques semainesaprès. Les conditions étaient toutefoistrès dures et certains mouraient d’épuise-ment. En 1939-1940, Belzec a d’abordété un camp de travail. Des Juifs et desTsiganes travaillaient à la construction dela ligne défensive germanique contre lesSoviétiques, en creusant des fossés anti-chars.Dans le camp de concentration, ce n’étaitpas cela : nombreux étaient les déportésqui pouvaient être utilisés par les naziscomme force de travail. Les déportés yétaient beaucoup plus nombreux et, engénéral, on n’en revenait pas. Il n’y avaitpas que des Juifs en camp de concentra-tion. On y trouvait aussi des Polonais,des politiques, des résistants, àAuschwitz par exemple. Ces camps deconcentration n’avaient pas pour fonc-tion unique le meurtre de masse, même sibeaucoup y sont morts. Il y avait aussides chambres à gaz dans ces camps, maisla sélection n’y était pas systématique.Auschwitz était un camp de concentra-tion, mais Belzec, comme Treblinka,Sobibor, Chelmno et Birkenau étaientuniquement des camps d’extermination,

centres de mise à mort. Ceux qui sontgazés à Buchenwald ou à Dachau sontceux qui n’ont plus la force de travailler,mais il n’y avait pas de gazage systéma-tique comme il y en aura à Belzec unefois transformé en centre de mise à mort.

Les Tziganes et les handicapés ont-ils été, comme les Juifs, déportés àBelzec ?GM : Non. Les handicapés ont étéexterminés en Allemagne, et lesTziganes essentiellement à Birkenau.Quelques convois de Tziganes ont aussiété gazés à Treblinka. Le nombre total deTziganes gazés varie entre 200.000 et500.000. À Belzec, on n’exterminera quedes Juifs. Les camps d’exterminationn’ont pas d’autre fonction que le meur-tre. C’est une erreur de qualifier cescamps de camps « de la mort ». Non, cesont des camps de meurtres. Les gazés deces camps ne sont pas « morts », commeon peut mourir naturellement ou d’épui-sement. Non, on les a tués, on les a assas-sinés. Dans ces centres de mise à mort, iln’y avait pas de sélection. La seule sélec-tion concernait les quelques hommes oufemmes qui deviendront les sonderkom-mandos. Ceux qui ont été déportés dansces centres industriels de mise à mortétaient à 99 % éliminés dès leur arrivée.Alors qu’à Auschwitz, la sélection entreceux qui travailleraient et ceux quiseraient tués se faisait principalement à ladescente du train, à Belzec, Sobibor etTreblinka, la sélection s’opérait dans lesghettos, avant même le départ des trains.Les convois ainsi formés étaient desconvois pour la mort.

En neuf mois, plus de 600.000 Juifsont été tués à Belzec, mais ce camp,comme celui de Treblinka ou deSobibor, a été détruit. Votre travailparticipe à l’œuvre de mémoire...GM : Je voudrais à ce propos revenir surla phrase qu’Himmler a prononcé en octo-bre 1943, lorsqu’il a déclaré, devant lesgénéraux SS, que la destruction des Juifsd’Europe devait être « une page glorieusede notre histoire qui n’a jamais été écriteet qui ne devra jamais être écrite ».Belzec, comme centre de mise à mort, estconstruit à partir de novembre 1941. Laconférence de Wannsee*, qui se tient enjanvier 1942, n’est pas qu’un acte d’enre-gistrement de la Solution finale. La phrased’Himmler est dite après la destruction ducamp de Belzec, juste avant les révoltesdes camps de Sobibor et de Treblinka. Ceteffacement des traces, la négation ducrime faisaient partie du plan d’anéantis-sement. Je ne pense absolument pas quel’effacement des traces soit un effet ou uneconséquence du plan d’exterminationnazi, mais une des conditions de sa réali-sation. Pour que le crime soit possible, ilfaut le nier. La place occupée par l’efface-ment des traces et la négation du crime estcentrale dans la compréhension de la des-truction des Juifs d’Europe.r

Propos recueillis par Laura Laufer

* Wannsee est une petite ville de la ban-lieue de Berlin.

Entretien avec Guillaume Moscovitz

Refus de la négationGuillaume Moscovitz a 40 ans. D’abord parti faire du théâtre à Bruxelles, il a travaillé plusieursannées comme comédien. En 1996, il réalise un premier court-métrage. Après cinq ans de tra-vail, son premier long-métrage, Belzec, voit le jour grâce à sa ténacité et à celle de son produc-teur. Belzec est chronologiquement le premier centre de mise à mort de l’Aktion Reinhard, leplan nazi d’extermination des Juifs des territoires de la Pologne occupée. Sa destruction totale,au début de l’année 1943, un an avant le démantèlement des camps de Sobibor et de Treblinka,témoigne de la volonté nazie d’effacer les traces de l’extermination des Juifs d’Europe.

Mémoire

COMMÉMORATIONMardi 27 janvier - Journée

de la mémoire de l'Holocauste et de la prévention

des crimes contre l'humanité

La France et l'Allemagne ont choisi ladate du 27 janvier, date de la libérationdu camp d'Auschwitz, pour instituercette journée du souvenir. En partenariat avec la chaine Toute l'his-toire, le Mémorial propose une semainespéciale dédiée à la Shoah. A noter également la prolongation del'exposition Dans les pas des Disparus,photographies de Matt Mendelsohn,jusqu'au 29 mars !

Information : Mémorial de la Shoah 17 rue Geoffroy l’Asnier Paris 4°

01 42 77 44 72

Négationnisme

Faurisson, Ratzinger,même combat ?

Le pape lève l'excommunication dequatre évêques intégristes dont le bri-tannique Richard Williamson. Ce der-nier a déclaré sur une chaîne publiquede la télévision suédoise : "Je pensequ'il n'y a pas eu de chambres à gaz.Je crois qu'il y a tout au plus 200.000à 300.000 juifs qui sont morts dans lescamps de concentration". En Francel'auteur de ces propos serait passiblede poursuites. Au Vatican, apparem-ment, ce mensonge ne dérange pas.C'est pourtant en qualité de prélat etpas à titre personnel que Williamsonétait invité.

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NDLR : Lire aussi notre présentation du filmBelzec dans la PNM n° 231 (déc. 2005) etnos commentaires dans la PNM n° 233 (fév.2006)A noter la sortie par la Cie.des Phares & Balises d’uncoffret double DVD (25€Û ) ,comprenant le film Belzec(108 min.) et trois filmsinédits de GuillaumeMoscovitz : Braha, l’enfant cachée (33 min), Vivre (63min) et Tuviah Friedmann, chasseur de Nazis(118 min). Ce coffret inclut un livret pédago-gique écrit avec la contribution d’AnnetteWieviorka et de Jean-François Forges. Avecle soutien de la Fondation pour la Mémoire dela Shoah.

Nul ne saurait refaire ou défairel’histoire, et peut-on l’oublier ?

Telles sont les questions qui obsèdentVictor né en 1945, d’une mère juive etd’un père chrétien. Son enquête surl’Histoire et le passé de sa familledevient une quête d’identité.L’Histoire y ressurgit au cœur du quo-tidien, fantôme d’un passé dont sub-sistent quelques traces, telle la voix decette femme, témoin au procès Barbieou ces noms sur un mur, presque illisi-bles par leur nombre. Avec la dispari-tion des derniers témoins directs com-ment se dira l’Histoire ?

Plus tard tu comprendras interroge lelien entre le passé et le futur. RivkaGornick a gardé le silence pour sesenfants ; à l’aube de sa mort, elle par-lera à ses petits-enfants. Rivka, quitoute sa vie a collectionné des objetsdérisoires, a gardé l’essentiel. Pourson dernier Kippour et au sein mêmede la synagogue, elle transmet son seulhéritage à son petit-fils : son étoilejaune et la recommandation de tou-jours combattre les discriminations etl’injustice. Pour ce film en plans-séquence etlongs travellings, le cinéaste retrouve,très émouvante, Jeanne Moreau,Louis Sclavis qui compose une bellemusique au thème récurrent etCaroline Champetier pour une photo-graphie toujours magnifique. La caméra explorant lieux, objets, ges-tes, visages retrouve la thématiquecentrale des films de Gitaï, le terri-toire spolié. Ailleurs, c’était la terredes Palestiniens, ici c’est leYiddishland : une terre disparue maisaussi une langue, celle des Gornickqui vécurent rue de Paradis. Victor tient ici du pèlerin sans destina-tion et du profanateur qui entrouvreune tombe inconnue. Sa quêteemprunte les méandres d’un couloirsans fin et où le sol paraît se dérober.Fouiller dans le passé fragilise le pré-sent et rend le futur incertain.Douloureux travail de deuil où Victor

Jeanne Moreau donne son étoile jaune à son petit-fils

Nous sommes heureux de vous annon-cer la sortie de Nokh Oyfn Veg

(Encore en chemin), CD de chants popu-laires yiddish interprétés par le QuintetOyfn Veg, harmonisés pour chœurs paret sous la direction de Jean Golgevit, chefde chœur et harmonisateur, conseillertechnique et pédagogique. Ce deuxième opus fait suite au CD OyfnVeg (En chemin) interprété par le Trio defemmes Isajoan. Ces chants traditionnels sont pour la pre-mière fois harmonisés à plusieurs voix,ce qui les rend accessibles à toutes leschorales. Les textes - traduits par BatiaBaum - se trouvent intégralement dans lerecueil composé de 38 chansons yiddish,Oyfn Veg, harmonisées pour chœurs de 2à 6 voix égales ou mixtes par JeanGolgevit, édité par la Maison de laCulture Yiddish à Paris (www.yiddish-web.com). L'utilisateur peut, sans parlerle yiddish, comprendre la chanson et l'in-terpréter dans sa langue originelle.Informations : www.les-independants.comou Anima & Cie - [email protected]

06 63 45 93 77

PLUS TARD TU COMPRENDRASfilm d’Amos Gitaï

vit une spoliation dont il demanderéparation à l’administration. Mais lesolde de tout compte avec l’Histoire serévèle incalculable dans la mémoired’un no man’s land. r LL

A lire aussi Plus tard, tu comprendras deJérôme Clément, Ed. Grasset,Paris, 01/2009, 406 p., 18,90 Û,ISBN 9782246653929. Une centai-ne de pages, Maintenant, je sais, ycomplètent l’édition originale de2005. Elles décrivent l’aventure dupassage de l’écrit à l’écran par leréalisateur Amos Gitaï.

Jeanne Moreau avec Amos Gitaï dans la synagogue de la rue Copernic

Hippolyte Girardot devant le Mur du Souvenir

Anima communique ...

Pogrom à Buenos Aires(suite de la page 8)

.../...

Belzec est diffusé sur FR2 le 5 février à 22H45 et 00H34

Nous avons relevé au programme du

Musée d’Art et d’Histoire du JudaïsmeHôtel de Saint-Aignan

71 rue du Temple, Paris 3°Informations : 01 53 01 86 53

Une exposition ...

FUTUR ANTÉRIEURL'avant-garde et le livre

yiddish (1914-1939)Du 11 février au 17 mai 2009

« Nous avons tout à coup découvert lamagie de la yiddishkeit, nous avons étéentraînés par le grand mouvement d’é-mancipation spirituelle, par la résur-rection de notre conscience nationale,par le combat des masses ouvrières jui-ves pour la justice sociale. Nous, artis-tes juifs semi-assimilés, sommes retour-nés vers le peuple. C’était, pour ainsidire, une contre-émancipation... »

Henryk Berlewi1955

L’exposition Futur Antérieur racontel’histoire de cette contre-émancipationqui s’incarne essentiellement dans lelivre yiddish illustré. Principauxacteurs de cette renaissance, Lissitzky,Chagall, Altman mais aussi des artistesmoins connus comme Ryback, Berlewi,Tchaïkov ou d’autres dont les noms ontété effacés comme Sarah Shor ou MarkEpshteyn. Leurs trajectoires individuelles sedessinent à partir de cette prise deconscience : pour certains, le supré-matisme ou le constructivisme ; pourd’autres, le réalisme socialiste...Cette exposition est conçue à partird’une collection de livres imprimés etd’esquisses originales que le musée aacquise en 2000. Elle est complétée parle fonds Boris et Lisa Aronson dumusée d’Israël et par un prêt exception-nel du musée ethnographique de Saint-Pétersbourg qui conserve une partie dela collecte ethnographique du drama-turge An-sky, auteur du Dybbouk etinstigateur de cette redécouverte de l’artpopulaire juif.

Un cycle de films ...KINOJUDAÏCA

Le cinéma juif de Russie et d’Union soviétique

Dimanche 8 mars de 12 h à 19h30

Une importante rétrospective de films àthématique juive réalisés entre lesannées 1910 et 1960 dans l’espace géo-graphique relevant de l’empire russepuis soviétique.

Un atelier enfant ...

IL ÉTAIT UNE FOIS UN TAILLEUR

Jeudi 19 février à 13 h 30

Durée 1h30. Les enfants rencontrent untailleur en train de confectionner desvêtements somptueux pour une noce. Defil en aiguille, il leur raconte pourquoises ancêtres exercent, depuis le temps deMoïse, des métiers liés au textile. Il lesemmène ensuite admirer les costumes etles étoffes conservés au musée. Deretour dans l’atelier, tous préparent lemariage, auquel ils sont conviés.

Les Etats tiennent à leur image. Etpuis, un peuple informé, c’est un peu-ple dangereux. Beaucoup de crimesd’Etat restent impunis et surtoutoccultés. Sans doute a-t-on comprisque la vérité est révolutionnaire. Sait-on aussi que tout ce qui a été caché sereproduira ? Somme toute, le pogrométait à sa façon annonciateur de la ter-rible dictature militaire quel’Argentine subira entre 1976 et 1983.Les descendants des communardsdéportés à la Nouvelle-Calédonieattendent toujours la réhabilitation deleurs aïeux qui, selon eux, n’ont rienfait de plus condamnable que lesRésistants de la deuxième guerre mon-diale. Le jour où la France saura ensei-gner l’histoire de la Commune,l’Argentine écrira sans doute l’histoiredu pogrom de janvier 1919. Ce jour-là…Ce jour-là, la vie sera plus belle et lesoleil plus brillant sur les toits. r

Nicole Mokobodzki

1. Tango célèbre, qui a fait le tour du monde2. Juan Carulla, Al filo del medio siglo3. Le terme de pogrom désigne ici “le mou-vement dirigé par les autorités tsaristespour l’extermination des juifs”. Nous com-prendrons plus loin à quel point il est tristement justifié. Nda4. « Ruso » signifie évidemment russe ;mais en Argentine comme en Uruguay, lemot a pris le sens de « juif », en raison del’importance de l’émigration de juifs rus-ses. Les Russes non juifs n’avaient pas deraisons de fuir les pogroms. 5. Soiza Reilly, Revue El Popular, N° 45,03/02/19196. Arturo Cancela, Tres relatos porteños”(Trois récits sur Buenos Aires)7. En 1997, Fihman a remis à la FondationJuan B. Justo toute sa documentation,ainsi qu’une courte version romancée desévénements intitulée « Le cri oublié ».C’est ce cri que j’ai voulu faire entendre,en présentant le récit de ces événementscomme l’aurait fait un reporter.8. José Mendelson, Der Pogrom inBuenos Aires, 01/1919 Bibliografia temati-ca sobre Judaismo Argentino, tercer tomo,Centro Marc Turkow, Buenos Aires, 19859. Refuge comparable à ceux de l’Arméedu Salut10. Sic ! C’est sans doute le yiddish qu’onaura pris pour de l’hébreu. 11. El grito olvidado.

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8 P.N.M. JANV. / FÉV. 2008

Pacte du silencePogrom à Buenos AiresUn reportage de notre envoyé spécial

Scènes d’épouvante dans les quartierscommerçants de Once et VillaCrespo, qui ressemblent un peu au

10ème arrondissement de Paris. Bizarre.La chaleur de l’été, en ce mois de janvier,porterait plutôt à la nonchalance. Ici et là,on fredonne La cumparsita1. Pourtant,Carulla, qui est généralement bien infor-mé est formel2 : Il paraît qu’on est entrain d’incendier le quartier juif. J’y suisallé voir. Arrivé à la hauteur de la Facultéde médecine, j’ai été témoin de ce que l’onpourrait appeler le premier pogrom3 del’histoire argentine. On se bat dans lesmaisons, aux cris de « mort aux russes4 ».On brûle en pleine rue des livres empilés,des vêtements entassés, des meubles. Lesflammes éclairent la nuit d’une lueurmonstrueuse qui projette des reflets rou-ges sur les visages d’une foule en proie àla panique. De temps à autre, je vois pas-ser des vieillards barbus et des femmeséchevelées. Je n’oublierai jamais cethomme à la figure violacée, au regardimplorant, cet enfant qui s’accroche ensanglotant à une lévite noire en lambeaux.De fait, Soizy Reilly, qui est un journalis-te sérieux écrit5 : « J’ai vu des vieillardsà la barbe arrachée. L’un d’eux a soulevésa chemise pour me montrer deux côtesensanglantées qui lui transperçaient lapeau comme deux aiguilles. Deux adoles-centes ont été violées. L’une d’elles a tentéde résister. On lui a tranché la main droi-te d’un coup de hache. J’ai vu desouvriers juifs dont on brisait les jambes àcoups de pieds. Tous ces crimes sont com-mis par de la racaille qui hurle « mort auxjuifs » en brandissant le drapeau argen-tin !» / “De jeunes voyous porteurs debrassards et armés de bâtons et de cara-bines arrêtent tout ce qui porte barbe.Ceux qui ont des carabines leur crèvent leventre ; les autres jettent des pierres dansles vitrines des magasins dont les proprié-taires affichent des noms impossibles àprononcer.»6

Et la police, elle laisse faire ? Mais non !Elle est sur place. Il y a des flics ivres quiachèvent les blessés à coups de bâtons oude sabre, quand ils ne leur crèvent pas leventre à coups de baïonnettes. Peu de juifssortent vivants du commissariat du 7ème

arrondissement, où comble de délicatesse,on leur urine dans la bouche. Ce n’estguère mieux dans celui du 9ème. Ala pré-fecture de police, on se relaye par équipesde cinquante pour les martyriser : onfouette ; on brûle les genoux avec desallumettes ; on enfonce des rasoirs dansles plaies ouvertes. Impossible à l’heure où nous mettons souspresse d’évaluer le nombre exact des vic-times. Interrogé, le directeur de la police,cherche à minimiser les chiffres.Connaîtra-t-on jamais le nombre des gros-sesses déclarées en ce sinistre mois de jan-vier, sans parler de celui des avortements.

L’ambassadeur de Russie vient d’adresserune note au ministre de l’Intérieur et uneautre au ministre des Affaires étrangèrespour exiger la protection des juifs russes.Parions qu’elles resteront sans réponse.L’ambassadeur de France note que lapolice massacre sauvagement tout ce quiest « russe » ou qui a « une gueule derusse : c’est-à-dire de juif ».

Enquête

Tel est le récit que j’aurais dûfaire si j’avais assisté, il y a 90ans, à la Semana Tragica de

Buenos Aires, cette semaine de jan-vier 1919 où les assassins hurlaient« Mort aux juifs et aux Catalans ».Cette page sombre de l’histoire del’Argentine a été arrachée à l’oubli parPablo R. Fihman7, qui n’est ni journa-liste ni historien : simplement un juifdont l’enfance a été bercée par le récitde ces horreurs et qui, parvenu à l’âgeadulte, a voulu en avoir le cœur net.Ses recherches lui ont pris de longuesannées. Elles n’ont guère intéressé, nises corréligionnaires, ni les historiens.A signaler tout de même, une étude deNaum Solominsky. L’auteur y repro-duit en partie un article de JoséMendelson8 qu’il juge fondamentalpour l’étude de la question. «Les massacres de juifscommis en Europeorientale, déclareMendelson, sont jeuxd’enfants en comparai-son de ce qui s’estpassé dans les rues deBuenos Aires. Vétilles,tous les pogroms, àcôté des sévices infli-gés à des vieillardsjuifs dans les commis-sariats des 7ème et 9ème arrondisse-ment et à la Préfecture de police. Lapolice montée traînait de vieux juifsnus dans les rues ; ceux qui n’avaientplus la force de courir étaient tirés parla barbe ; ils s’écorchaient la peau surles pavés ; les coups de sabres et defouets pleuvaient. Peut-être verra-t-ondes épisodes semblables sous Hitler,vingt ans après, ce qui est bien peu àl’échelle historique.»Qui ? Pourquoi ? La date de 1919fournit déjà une piste. A la fin du19ème siècle, le mouvement ouvriercommence à s’organiser sérieusement.Nous avons vu que certains crientMort aux juifs et aux Catalans. C’estqu’en Catalogne, il y a déjà eu une ten-tative d’instauration de la République,et la répression contre les anarchistesest aussi sauvage que le courant anar-chiste y est vigoureux. Barcelone aurasa Semana Tragica avant BuenosAires. Le début du 20ème siècle esttémoin, dans le monde entier, d’unemontée des revendications ouvrièresqui, somme toute, va de pair avec ledéveloppement du capitalisme indus-triel. En 1905, déjà, Buenos Aires esten état de siège. Les manifestationssont imposantes. En 1909, à l’appelde leurs organisations d’obédiencemajoritairement anarchiste, 170.000ouvriers font grève dans la capitalepour obtenir la journée de huit heures

et de substantielles augmentations desalaires. La police tire sur la foule.Quelques années plus tard, laRévolution de 1917 va porter au pou-voir Lénine et Trotski. Ce n’est paspour rassurer l’oligarchie : la révolu-tion risque de faire tache d’huile. Lesdirigeants peuvent-ils s’offrir une nou-velle fois le luxe d’envoyer la troupecontre les ouvriers ? C’est ça ou trouver des boucs émissai-res. Aux Etats-Unis, en 1920, les anar-chistes Sacco et Vanzetti feront trèsbien l’affaire. D’autant que ce sont desétrangers, ce qui permet d’accréditerque les ouvriers américains eux, sontde bons citoyens qui se satisfont desalaires de misère. Et l’Argentine ?Mais elle a, elle aussi ses étrangers :des juifs immigrés, presque tous d’ori-gine russe. Qu’à cela ne tienne !Janvier 1919, c’est d’abord la grandegrève des ouvriers métallurgistes.Leurs revendications : ramener la jour-née de travail de 11h à 8h ; améliorerles conditions d’hygiène ; respecter lerepos dominical ; augmenter les salai-res ; réintégrer les délégués licenciés.La répression est brutale. Il y a desmorts. La police tire sur la foule quisuit l’enterrement. Quarante morts etun climat d’émeute. L’oligarchie est

peu encline à faireconfiance au présidentYrigoyen, membred’un parti modéré,assez comparable auparti radical de laIIIème République enFrance.L’idée germe de profi-ter des troubles pourrenverser Yrigoyen etle remplacer par unpouvoir « fort ». La

tentation est grande pour la droite clas-sique et classiquement antisémite. AuCercle des officiers de marine, onenseigne le maniement d’armes et lecontre-amiral O’Connor apostropheles jeunes, en termes qui ont le méritede la clarté : « Si les juifs et lesCatalans n’osent pas venir ici, c’estnous qui irons les chercher ». L’Eglisecatholique apporte plus d’eau qu’iln’en faut au moulin du crime et publieen trois mois une douzaine d’éditosviolemment antisémites. Un évêqueharangue de jeunes nervis en ces ter-mes : “les juifs sont les seuls coupa-bles de la pénurie ; ce sont de vérita-bles sangsues qui se font expulser detous les pays ». Est-ce pour parer à l’éventualité d’uncoup d’Etat de droite que le parti pré-sidentiel va perdre son honneur ? Entout état de cause, il est aujourd’huiétabli que la fédération radicale deBuenos Aires a délibérément transfor-mé 2.000 de ses adhérents en assas-sins. Un dirigeant se vantera mêmed’avoir à lui seul massacré quarantejuifs en un jour ! La police, de soncôté, prépare le terrain en répandantdes rumeurs diverses. Des juifsauraient pris une part active à l’atten-tat commis contre le foyer9 et l’églisede Jesus Sacramentado. Les responsa-bles de l’ « intense agitation anarchis-te sont les nombreux ressortissants de

la communauté russo-israélite qui selivrent à une propagande acharnée,tant en russe qu’en hébreu10. Lesgrandes grèves ouvrières qui viennentd’avoir lieu auraient été provoquéespar un juif bundiste, un certain Pedro(Pinie) Wald, présenté comme le diri-geant du futur soviet argentin».Défense de sourire. Didier Daeninckxraconte comment en 1918, l’arméefrançaise a libéré l’Alsace qui venaitde hisser le drapeau rouge et de pro-clamer la République des soviets.Seulement, voilà : les victimes dupogrom de Buenos Aires étaient desartisans et des ouvriers juifs indus-trieux, pieux et sincèrement patriotes. Rendons hommage aux 400 membresdu parti radical qui ont déchiré leurscartes et à Francisco Beiro, hautresponsable de l’Union CiviqueRadicale, qui eut le courage d’organi-ser une rencontre entre les représen-tants du Comité politique de la com-munauté israélite et le Président,lequel déclare qu’il a lui-même étévictime de persécutions et qu’il s’en-gage à trouver les coupables et à leschâtier. En fait, il se contentera denommer Beiro ministre de l’intérieur. Fin de l’épisode. Echec partiel de lastratégie répressive : Le ministère del’Intérieur est contraint de négocieravec les ouvriers qui obtiennent de20% à 40% d’augmentation, ainsi quela libération de leurs dirigeants. Quantau pogrom de Buenos Aires, on n’enentendra plus parler. Et pourtant, Quién sabe, si supieras,volviendo a tu pasado, chante LaCumparsita (Si tu revenais sur tonpassé, qui sait, si tu savais…). Fihmana raconté les faits dans un court romanintitulé « Le cri oublié »11Puis unjour, l’âge venu, il est allé remettretoute sa documentation à la FundacionJuan B. Justo. Devoir de mémoire ? Il avait aussi eula curiosité d’aller voir en quels termesles manuels d’histoire rendent comptede la Semaine tragique. “Il y eut, ditl’un, de nombreux affrontements quifirent beaucoup de victimes”. Un autreavance même un chiffre : « une centai-ne de morts ». Un troisième risque unejustification : un « mouvement extré-miste obligea l’armée à intervenir ».Un auteur, qui a d’ailleurs permis àFihman d’entreprendre ses recherches,parle « d’actes de vandalisme commiscontre “des personnes innocentes,totalement étrangères aux intérêts enjeu », sans aller jusqu’à préciser queles innocents sont des juifs. Un biogra-phe du Président admet : “Il y a eubeaucoup de morts, peut-être unmillier, et plusieurs milliers de blessés.La plupart des victimes étaient nonpas des ouvriers, mais des passants oudes personnes qui regardaient par lefenêtre et qui reçurent une balle dansla tête ». Bref, vous l’aurez compris :les luttes ouvrières contraignent lesdirigeants à commettre des assassinatsmais jamais, au grand jamais, il n’yeut d’antisémitisme en Argentine : lamorale est sauve ! Les coupablesn’ont pas été punis. Les innocents ont-ils seulement été réhabilités ?

Meeting anarchiste en Argentine au début du XXe siècle

L’ambassadeur des Etats-Unis fait état de1.356 morts et de 5.000 blessés. A quoi ilfaut ajouter les 179 cadavres entassés àl’intérieur de l’arsenal. Et puis, tous lesmorts ne sont pas comptabilisés. Il y a descadavres qui sont incinérés au fur et àmesure qu’ils sont déversés. En tout étatde cause, ces chiffres sont impression-nants quand on sait que les évaluations dela population juive de la capitale variententre 70.000 et 100.000 personnes.

(suite et notes en page 7).../...

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