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LE MODÈLE S UÉDOIS

Le modèle suédois

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Une description du modèle social suédois qui a souvent servi de référence

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Le ModèLe SuédoiS

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Préface Le modèle suédois suscite un intérêt croissant à l’échelle nationale et internationale. Nous rencontrons de plus en plus d’individus et d’organismes étrangers souhaitant s’informer sur notre modèle social. Cela n’est pas surprenant, car la Suède figure dans le peloton de tête de la plupart des classements, si répandus, qui comparent les pays dans divers domaines. D’aucuns estiment même que la Suède a résolu la plupart des nombreux problèmes sociaux auxquels sont confrontés les autres pays. Il va sans dire que ce n’est pas le cas. Je suis convaincu que le modèle suédois doit encore être amélioré, car il laisse un nombre croissant de problèmes non résolus. Les identifier et tenter d’y apporter des solutions est une mission d’avenir majeure. En outre, il est impossible de transposer un modèle de société. Bon nombre de caractéristiques essentielles du modèle suédois sont dues à notre histoire spécifique et à des situations fort anciennes. D’autres pays ont connu des expériences différentes et ne reposent donc pas sur les mêmes fondements. En dépit de cela, j’espère que cette brochure pourra nourrir le débat sur l’évolution de la société en Suède et dans d’autres pays. Les définitions du modèle suédois varient selon les acteurs et ses divers aspects sont abordés ici. Néanmoins, TCO étant est une organisation syndicale, il est naturel qu’une place prépondérante soit accordée aux aspects concernant le système paritaire. Sture Nordh Président de TCO

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Introduction Le modèle suédois ne s’est pas construit en un jour Il est l’aboutissement d’un long processus, depuis les luttes syndicales du début du 20e siècle jusqu’à la politique actuelle en faveur de la famille et de l’égalité des chances, en passant par de nombreuses années de réformes sociales. Aujourd’hui, tous les partis politiques suédois s’accordent pour dire qu’il fonctionne. Ce modèle offre une souplesse d’action aux entreprises, tout en garantissant la sécurité et l’influence des salariés. Basé sur des règles du jeu claires et prévisibles, il a contribué à la compétitivité de l’économie suédoise. Aucun autre système ne s’est avéré meilleur pour la stabilité et la croissance. Il repose sur quatre piliers : des syndicats forts, un droit du travail flexible, une politique active en faveur du marché du travail et de la famille, et enfin une protection sociale généralisée. La Suède se caractérise par un haut niveau de formation et de technicité, un climat de coopération largement répandu, une bonne égalité des sexes, un secteur public efficace avec un degré de transparence unique, d’excellentes infrastructures, une solide protection sociale et relativement peu de disparités sociales. Sa politique est imprégnée par une ouverture sur le monde et des accords de libre-échange. L’indépendance des partenaires sociaux est la cheville ouvrière du modèle suédois, et les conventions collectives en sont le principal instrument. Dans le cadre de conventions collectives centrales et locales, les employeurs et les fédérations syndicales négocient des conditions applicables sur le marché du travail suédois ainsi que dans l’entreprise. Les salariés sont également responsables de l’évolution de leur entreprise. L’État n’intervient pas directement, il peut définir des cadres sous forme de lois relatives au marché du travail, mais la responsabilité finale incombe aux partenaires sociaux. Contrairement à ce qui se passe dans de nombreux pays, l’État ne légifère pas sur la base des conventions collectives, qui sont autonomes et relèvent du droit privé. Il n’existe pas de système public d’inspection du marché de travail pour surveiller le respect des conventions collectives, car c’est aux partenaires sociaux qu’il incombe de s’en assurer. Le système suédois des conventions collectives offre une grande souplesse, en limitant la bureaucratie et les « blocages » politiques souvent inhérents aux processus législatifs. Les systèmes de protection sociale aident à affronter les périodes de reconversion et de changement et peuvent revêtir différentes formes : contrats de reconversion, assurance chômage, etc. Grâce à ces dispositifs, les salariés acceptent souvent les restructurations et contribuent à en définir les modalités en concertation avec leurs syndicats.

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Toutes les activités doivent intégrer une perspective d’égalité hommes-femmes. C’est une question de justice, mais aussi un point essentiel pour l’évolution de la société. Selon une analyse effectuée par TCO, l’égalité des sexes favorise la natalité et, à terme, l’emploi progresse. La Suède fait partie des pays où l’évolution démographique semble relativement favorable, ce qui crée les conditions d’une croissance économique à long terme. Néanmoins, le modèle suédois des conventions collectives est menacé. La baisse des indemnités de chômage affaiblit le système de protection sociale. Si le nombre de salariés syndiqués diminue, les conventions collectives ne présenteront plus le même intérêt pour les employeurs. Si l’État ou l’Union européenne interviennent pour réglementer les conditions de travail au moyen de lois et de directives, cela affaiblira le droit de librement négocier et conclure des conventions. Ces dernières années, la proportion de salariés syndiqués a diminué. Pour pouvoir recruter de nouveaux membres et les conserver, les syndicats doivent mieux faire comprendre la valeur de l’adhésion. Ils doivent donc accentuer leur présence sur les lieux de travail, soutenir les individus, participer aux discussions sur l’évolution des métiers et des activités, formuler des exigences à l’encontre des employeurs et veiller au respect des lois et des conventions. Il est décisif que les représentants syndicaux aient toute latitude et possibilité de remplir cette mission.

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Ingrédient n° 1: Des syndicats forts et libres négociant des salaires réels corrects, mais aussi des entreprises rentables Les conventions collectives – accords volontaires entre organisations syndicales et employeurs – créent une stabilité sur le marché du travail, car elles rendent les règles du jeu claires et prévisibles. Elles assurent la paix sociale aux employeurs, tout en permettant aux salariés d’exercer leur influence par le biais de négociations. En cas de restructuration, les contrats de reconversion offrent aux salariés un gage de sécurité et les incitent à développer leurs compétences. Ce modèle offre une souplesse d’action aux entreprises, tout en garantissant la sécurité et l’influence des salariés. Il s’est avéré contribuer à la stabilité et à la croissance économique du pays. Les conventions collectives ont ainsi rendu l’économie suédoise compétitive. Le modèle en question repose sur une bonne intelligence entre employeurs et salariés. Au lieu de brandir l’arme du conflit, les partenaires sociaux viennent à la table des négociations. Les représentants des salariés ont le droit de demander des négociations concernant toute question sur le lieu de travail. La légitimité des syndicats repose sur des taux d’adhésion élevés. Environ 75 % des salariés – employés de bureau compris – sont membres d’un syndicat. De leur côté, les employeurs adhèrent à des organisations patronales. Ce système de partenariat social génère un climat de compréhension mutuelle où les partenaires sociaux négocient des solutions acceptables pour tous. Les fédérations syndicales se sont constituées au cours d’âpres luttes au début du 20e siècle. Företagens organisation a vu le jour dès 1902 et les premiers compromis entre employeurs et salariés datent de 1906. Il a alors été décidé qu’il fallait préserver le droit d’association – et donc le droit de constituer des syndicats – tout en inscrivant dans les conventions collectives que l’employeur avait, à lui seul, le droit de diriger l’entreprise, de répartir le travail, d’embaucher et de licencier. Une législation sur les conventions collectives a été élaborée dès 1928 et, en 1938, employeurs et salariés ont signé les Accords de Saltsjöbaden, qui stipulent que le marché du travail doit être réglementé par des conventions collectives afin d’éviter le recours à la législation. L’État n’a aucun pouvoir d’ingérence dans les négociations, mais les conditions négociées résultent d’accords volontaires entre les partenaires sociaux. C’est également à ces derniers qu’il appartient de négocier le de droit de grève et de lock-out. Ces accords constituent la cheville ouvrière du modèle suédois. Aujourd’hui, en 2008, de nouveaux « Accords de Saltsjöbaden » sont en cours de négociation.

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Les différents syndicats suédois sont membres des confédérations LO (Confédération générale du travail de Suède), TCO ou SACO (Confédération générale des travailleurs intellectuels de Suède). LO est une confédération de syndicats d’ouvriers, tandis que TCO et SACO regroupent les syndicats d’employés de bureau et de travailleurs intellectuels. À l’heure actuelle, TCO et SACO totalisent 1,8 membres et LO un peu moins. Près de 90 % des salariés sont couverts par les conventions collectives. TCO et SACO ne sont liés à aucun parti politique, tandis que les syndicats de LO sont proches du parti social-démocrate. Depuis toujours, l’objectif du mouvement syndical est d’améliorer les conditions de travail et de veiller à ce que les salariés reçoivent une part raisonnable des profits générés par les entreprises. Ce but a également été atteint. Les conventions collectives impliquent que les conditions de base liées à l’embauche, à l’influence des salariés, etc. ne peuvent être modifiées pendant la durée de validité de ces mêmes conventions. Un employeur ne peut pas embaucher quelqu’un à un salaire inférieur à celui mentionné dans la convention. Il n’est donc pas nécessaire de légiférer sur un salaire minimal, bien que certaines conventions collectives comportent des dispositions sur ce point. Tant qu’une convention collective est en vigueur, les grèves et les conflits sociaux ne sont pas autorisés, hormis les actions de solidarité. Les conventions collectives garantissent en outre la paix sociale. La force des syndicats repose sur l’engagement et la confiance des membres. Sans cette dernière, les syndicats perdraient leur légitimité. C’est pourquoi les conventions collectives doivent constamment évoluer et permettre aux individus de mieux influencer leur situation. Elles sont le principal instrument pour une influence collective sur les conditions de travail des salariés. Des règles du jeu fixes et prévisibles sont bénéfiques tant pour les employeurs que pour les salariés. Le rôle des syndicats dans la protection des conventions collectives est considéré comme positif. Aujourd’hui, les conventions collectives sont conclues par secteurs, mais avec d’importantes différences entre les organisations centrales. Les syndicats membres de LO s’efforcent d’aligner leurs exigences salariales. La plupart des fédérations syndicales d’employés de bureau appliquent des conventions sectorielles centrales, mais bon nombre de conventions collectives des syndicats de travailleurs intellectuels ne fixent pas de niveau de salaire et reposent donc sur des accords individuels. Les salaires sont souvent négociés entre l’employeur et l’organisation syndicale locale.

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Outre les salaires, les conventions collectives garantissent au salarié une protection de base. Les syndicats œuvrent pour la sécurité des salariés en cas de maladie et de chômage, mais aussi que pour les retraites et la protection de l’emploi, pour l’influence des salariés sur leur organisation et leur cadre de travail et leur emploi du temps, ainsi que pour leur épanouissement professionnel et le développement de leurs compétences. En Suède, les conventions collectives peuvent se substituer à la quasi-totalité des lois régissant le droit du travail. Les syndicats et les employeurs peuvent ainsi s’adapter aux réglementations et aux conditions applicables dans les différents secteurs. Le droit du travail est donc empreint d’une grande souplesse. Quand une convention collective a été signée dans une entreprise, elle couvre l’intégralité des salariés, qu’ils soient syndiqués ou non. Tous les salariés bénéficient des améliorations négociées par les syndicats. La loi de participation des salariés aux décisions, entrée en vigueur en janvier 1977, a permis aux salariés de mieux contrôler et influencer les activités de l’entreprise par le biais de négociations avec l’employeur. L’organisation syndicale a le droit de formuler des exigences, mais la décision revient à l’employeur. Les conventions peuvent être conclues au niveau local ou central. Il existe un modèle de résolution des litiges pour les questions réglées par la convention. Si l’une des parties enfreint la convention, l’autre partie peut imposer des négociations locales ou centrales pour tenter de résoudre le litige. En dernier lieu, il est possible de s’adresser à la Cour du travail, constituée de représentants des employeurs et des salariés. Lors des négociations salariales, les syndicats ont accepté de demander des niveaux de rémunération compatibles avec les objectifs d’inflation. Ils acceptent également que les entreprises dégagent des bénéfices importants, mais que ceux-ci soient affectés à des investissements et au développement de l’entreprise. Une menace plane sur les salaires si les exigences croissantes des entreprises en termes de rentabilité ne mènent qu’à un rendement plus élevé pour les actionnaires et non à des investissements en vue de la production future. Les salariés jouent un rôle actif dans la restructuration et le développement d’une entreprise. Souvent, avec leurs organisations syndicales, ils participent activement au processus de restructuration, lors duquel le système de protection sociale permet d’épauler l’individu qui doit chercher un nouveau travail. Les contrats de reconversion dans le cadre des conventions collectives permettent aussi aux employeurs et aux salariés de procéder à des restructurations, à des rationalisations ou à des licenciements en cas de

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rentabilité insuffisante. Un « conseil de sécurité », qui est souvent une fondation bipartite, peut intervenir pour épauler le salarié qui perd son travail. L’entreprise alloue des fonds proportionnellement à la masse salariale. Les personnes licenciées bénéficient d’une compensation économique et d’une aide qualifiée pour trouver un nouveau travail. Le « conseil de sécurité » ou son équivalent existe dans tous les secteurs du marché du travail, sauf dans le secteur municipal. En d’autres termes, les syndicats suédois ont investi une part de la marge salariale dans d’autres domaines que les hauts salaires, estimant que cela était important pour les salariés et avantageux pour la société. La Suède a toujours été ouverte au monde, œuvré pour le libre-échange et lutté contre le protectionnisme et les frontières fermées. Cette attitude a accéléré la nécessaire restructuration d’un pays agraire vers un pays industriel, puis vers un pays où le secteur tertiaire est de plus en plus dominant. Diagramme 1 Évolution du nombre d’employés dans les entreprises créées, fermées ou restructurées en 2003

Source : TCO : « TCO granskar », n° 10 2006, p. 34

Des entreprises ferment et d’autres voient le jour, dans un cycle continu de restructurations. Comme l’illustre le diagramme 1, près d’un demi-million de salariés ont changé de travail en Suède en 2003. C’est un chiffre élevé par rapport à d’autres pays.

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Ingrédient n° 2: Un droit du travail fort, mais souple Il n’y a aucune contradiction entre la compétitivité des entreprises et la sécurité des salariés. Le modèle suédois le prouve. Le droit du travail contribue à la productivité et à l’emploi et il peut être adapté, dans le cadre de conventions collectives centrales et locales, aux besoins des employeurs et des salariés dans différents secteurs. Une législation n’offrirait pas une telle souplesse. Dès 1906, des accords avaient déjà été conclus entre employeurs et salariés, autorisant les employeurs à « librement embaucher et licencier » les salariés, sous réserve que ces derniers puissent s’organiser en syndicats. Au fil des ans, les accords ont été renégociés et de nouvelles lois votées pour limiter le droit des employeurs à licencier. Depuis 1964, les employeurs sont tenus de fournir un motif objectif de licenciement. En 1974, la loi sur la protection de l’emploi a été promulguée, après plusieurs années d’efforts au sein du mouvement des cols blancs. Cette loi a supprimé le libre droit des employeurs à licencier le personnel. Elle s’applique à l’ensemble du marché du travail et repose sur deux grands principes. D’une part, un contrat de travail est normalement à durée indéterminée, d’autre part un licenciement ne peut avoir lieu que pour des motifs objectifs. En outre, il existe des règles concernant les délais de préavis, les ordres de priorité et le droit de réembauche. Le but de cette loi est d’offrir une bonne sécurité aux employés et de garantir leurs droits. Elle est en partie semi-dispositive, c’est-à-dire que les partenaires sociaux peuvent conclure des conventions collectives pour la compléter, voire la remplacer. Elle peut également imposer des négociations en cas de licenciements. Il n’existe que de manières de résilier un contrat de travail : le licenciement avec ou sans préavis. Dans le premier cas, le salarié perçoit normalement au minimum un mois de salaire ; dans le second, le salarié cesse immédiatement le travail et ne touche pas son salaire – cela peut se produire en cas de vol ou de comportement violent sur le lieu de travail. Les licenciements doivent avoir des motifs objectifs, c’est-à-dire une pénurie de travail ou des raisons personnelles. Le délai de préavis est d’un mois au minimum, mais il varie selon la durée d’embauche. Si l’entreprise fait faillite, un fonds salarial public intervient pour verser les salaires. L’ancienneté des salariés est déterminante en cas de licenciements. Le principe de base est que les derniers embauchés sont les premiers licenciés.

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Dans les entreprises comptant au maximum dix salariés, l’employeur peut accorder une dérogation à deux d’entre eux. Les qualifications peuvent aussi être déterminantes. Les règles sont dispositives, c’est-à-dire que, dans le cadre des conventions collectives, les partenaires sociaux peuvent négocier d’autres règles que celles prévues par la loi. À l’échelle locale, il est également possible de convenir d’autres règles. Cela rend la loi souple – les partenaires peuvent faire de concessions pour obtenir les meilleures conditions possibles. Une personne licenciée a le droit d’être réembauchée dans un certain délai. La loi de participation des salariés aux décisions est entrée en vigueur en janvier 1977. Elle permet aux syndicats de peser sur les décisions importantes. L’employeur doit continuellement fournir des informations sur l’évolution des activités et sur les orientations de la politique du personnel, il est aussi tenu de négocier avec les représentants des salariés avant de prendre des décisions impliquant des changements importants au niveau des activités ou des conditions de travail et d’embauche. L’organisation syndicale jouit du droit de négociation et peut également imposer des négociations dans d’autres domaines. Il est possible de modifier les dispositions de cette loi par des conventions collectives. La loi sur le temps de travail fixe la durée de travail journalière, hebdomadaire ou annuelle, ainsi que les périodes de permanence, les pauses rémunérées ou non, et le repos nocturne. Certaines dispositions peuvent être remplacées par des conventions collectives. En revanche, elles ne doivent pas être inférieures aux règles définies par la Directive européenne sur le temps de travail. Les lois contre la discrimination dans le monde du travail permettent de lutter contre les discriminations fondées sur le sexe, l’origine ethnique, la religion, l’appartenance sexuelle ou les handicaps. L’âge est désormais défini comme motif de discrimination, conformément à une directive européenne. Il incombe aux employeurs de s’assurer que les conditions de travail soient acceptables. La loi sur les conditions de travail définit les devoirs de l’employeur et des autres instances responsables de la sécurité pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il existe également des règles sur la coopération entre employeurs et salariés, notamment pour les activités des délégués à la sécurité. Les salariés qui exercent une action syndicale dans une entreprise couverte par une convention collective sont protégés par la loi sur les élus syndicaux. Les employeurs doivent leur verser leur salaire même pendant le temps consacré à l’activité syndicale dans l’entreprise, dans la mesure où celui-ci est « raisonnable et non excessif ». S’ils exercent cette activité hors de l’entreprise, participent à une conférence ou à une formation, le syndicat leur verse une indemnité pour perte de revenus professionnels. La loi leur donne également

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le droit de négocier et de faire évoluer des questions syndicales et elle les protège contre la discrimination. La plupart des personnes souhaitent un emploi sûr et stable, qui leur procure un sécurité financière et sociale. Cela permet de lutter contre un mauvais climat de travail, les discriminations et les problèmes de santé. La sécurité de l’emploi est essentielle pour une vie professionnelle durable. Et pourtant, depuis plusieurs années un nombre croissant de contrats à durée indéterminée ont été remplacés par des emplois de plus courte durée et la proportion de travailleurs intérimaires augmente. Diagramme 2 Productivité professionnelle en Suède et dans l’OCDE, économie dans son ensemble, évolution en pourcentage par année

Source : SCB (Office suédois de la statistique), OCDE

La productivité relativement élevée de la main-d’œuvre suédoise s’explique par plusieurs facteurs. La capacité à constamment restructurer les dispositifs de production et le marché du travail, sans conflits sociaux, est largement reconnue. Elle tient au fait que les relations entre les partenaires sociaux sont basées sur des conventions collectives et que les règles du droit du travail sont dispositives et peuvent donc être adaptées en fonction des secteurs et des entreprises.

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Ingrédient n° 3: Une politique de l’emploi active et exigeante, ainsi qu’une politique de la famille égalitaire Une bonne assurance chômage et une politique active du marché de l’emploi permettent à une personne perdant son travail d’en retrouver un rapidement. En cas de licenciement, les accords de reconversion offrent une aide financière et un accompagnement, ce qui atténue les craintes liées aux restructurations. La politique du marché du travail vise à assurer le bon fonctionnement de celui-ci. Une personne cherchant du travail doit pouvoir aisément trouver un employeur ayant besoin de main-d’œuvre, et inversement. Une personne au chômage doit pouvoir développer ses compétences et être épaulée pour trouver un emploi. C’est le principe du « travail avant tout ». L’Agence pour l’emploi fait office d’intermédiaire sur le marché du travail, par le biais de ses bureaux répartis dans toute la Suède, ainsi que sur Internet. Elle gère également les programmes de politique de l’emploi, en particulier les mesures destinées aux personnes handicapées et la garantie salariale versée lorsqu’une entreprise fait faillite. L’Agence pour l’emploi est placée sous la tutelle du gouvernement et du Parlement. Elle a pour mission de faciliter et d’accélérer l’insertion sur le marché de travail, même pour les immigrés récemment arrivés en Suède et les handicapés. Les discriminations professionnelles liées au sexe, à l’origine ethnique, à la religion, à des handicaps ou à l’appartenance sexuelle doivent être combattues, de sorte que tous aient les mêmes chances de trouver un emploi. L’assurance chômage est administrée par des caisses d’assurance chômage. Celles-ci sont des organismes de droit privé, bien souvent liés aux fédérations syndicales. Le Parlement a fortement augmenté les cotisations aux caisses d’assurances chômage et il va probablement les rendre obligatoires. Cette assurance compense une partie de la perte de revenus, jusqu’à un certain niveau. Les personnes dont le salaire est plus élevé ne perçoivent donc pas une indemnité d’assurance chômage plus importante, mais elles peuvent, par le biais de certaines fédérations syndicales, souscrire une assurance contre les pertes des revenus. L’assurance chômage doit être une assurance de transition. Le demandeur d’emploi est épaulé dans sa recherche ; il ne doit pas se cantonner aux secteurs dans lesquels il a déjà travaillé, mais peut aussi chercher dans un secteur connaissant une pénurie de main-d’œuvre. C’est une exigence de l’Agence pour l’emploi, tout comme le fait de rechercher activement du

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travail. Seuls les emplois garantissant les avantages sociaux prévus par les conventions collectives peuvent être proposés à l’Agence pour l’emploi. La proportion de femmes et d’hommes est presque égale dans le monde du travail. Pour l’année 2008, l’Office suédois de la statistique (SCB) a calculé que 76,2 % des femmes de 16 à 64 ans travaillaient, contre 80,6 % des hommes pour la même tranche d’âge. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à suivre une formation supérieure. Néanmoins, le marché du travail suédois est sexué. Certaines professions sont presque entièrement dominées par les hommes, d’autres par les femmes. L’Administration suédoise du travail doit œuvrer pour favoriser l’égalité des sexes dans le monde du travail, en veillant à ce que cet aspect soit pris en compte dans toutes les décisions, planifications et mises en œuvre. Dans le cadre de « projets de rupture », l’agence pour l’emploi œuvre activement pour mettre fin à cette situation. La politique en faveur de la famille est l’un des piliers de l’action pour l’égalité des sexes. Dès les années 1970, TCO a fait évoluer la législation sur l’imposition séparée des couples mariés. Le travail salarié est alors devenu plus rentable pour les femmes. Le développement de la prise en charge de tous les enfants à partir d’un an a été une autre question essentielle. Le mot d’ordre était de bons centres d’accueil préscolaires abordables. En 2007, un parent de la commune de Stockholm payait au maximum 1 260 SEK par mois (env. 130 euros) pour faire garder son enfant à temps complet. Tous les enfants ont droit à une place en centre d’accueil préscolaire et une loi plafonne les prix. L’assurance parentale permet aux parents de rester chez eux pour s’occuper de leur enfant nouveau-né pendant dix jours au total. L’indemnité leur est versée par l’Agence de la sécurité sociale et elle est aussi élevée qu’en cas de maladie. Au-delà de ces dix jours, l’un des parents peut rester à la maison pendant 480 jours au total, en percevant une indemnité. 60 jours sont réservés au père si c’est la mère qui prend le reste du congé. Il est autorisé de prendre des congés. Un parent a aussi le droit de s’absenter du travail pour garder son enfant malade et de percevoir une indemnité au titre de l’assurance parentale, jusqu’au 12e anniversaire de l’enfant. Les parents peuvent également diminuer leur temps de travail. À l’heure actuelle, en Suède, 20 % des pères prennent l’intégralité du congé parental et 30 % un congé quand l’enfant est malade. Les syndicats, en particulier TCO, œuvrent activement pour qu’un plus grand nombre d’entre eux prennent une plus grande partie du congé parental maternité.

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Diagramme 3

Versement de l’indemnité parentale (1995-2005), répartition entre hommes et femmes, en %

0%

25%

50%

75%

100%

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

%

HommesFemmes

Source: Conseil suédois des assurances sociales Il est interdit aux employeurs de défavoriser les salariés pour des raisons liées aux congés parentaux, mais environ un tiers ont des pratiques discriminatoires. Dans une analyse, TCO a démontré que le taux de natalité variait d’un pays industriel à l’autre. Plus l’égalité des sexes est respectée, plus le taux de natalité est élevé. C’est pourquoi l’égalité des sexes favorise l’emploi à long terme. Dans les pays industrialisés, l’évolution de la pyramide des âges va jouer un rôle déterminant dans la croissance économique à long terme. La Suède fait partie des pays où cette évolution semble relativement favorable. Dans les pays où les hommes et les femmes ne peuvent pas concilier leur vie parentale et professionnelle de manière positive, la croissance économique ne pourra pas être maintenue à long terme. Cela risque de compromettre le système de protection sociale, qui est une condition pour assurer l’égalité des sexes dans le monde du travail.

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Ingrédient n° 4: Une protection sociale généreuse financée par les recettes fiscales, généralisée, mais assortie de conditions La protection sociale relève de la responsabilité de l’État, mais les syndicats ont joué un rôle dans son développement. Grâce aux conventions collectives, les syndicats ont pu améliorer conditions de retraite et de congé, mais aussi les indemnités versées au titre de l’assurance maladie. De fait, les assurances sociales ont été précédées par des accords conclus entre les partenaires sociaux. Le système de protection sociale couvre l’éducation, la santé, les soins, la prise en charge des enfants et des personnes âgées, ainsi que la sécurité sociale. Ce système de protection généralisée est financé grâce à une forte pression fiscale, qui est acceptée tant que la protection est générale et fonctionne bien. La clé de ce système réside dans le fait que les citoyens riches bénéficient également de la protection dont ils ont besoin et qu’il est basé sur des assurances sociales et non des allocations. La redistribution des richesses a lieu entre les classes sociales, mais aussi entre les communes. Les communes riches reversent une partie de leurs recettes aux communes moins favorisées, qui ont des coûts importants à assumer. Cela permet d’atténuer les inégalités sociales. Tous les enfants ont droit à des soins et à des centres d’accueil préscolaires de même qualité, les jeunes doivent avoir les mêmes possibilités, aller dans des écoles de même niveau, les personnes âgées ou malades ont les mêmes droit de se faire soigner ou d’être prises en charge, indépendamment de leur classe sociale et de leur lieu de résidence en Suède. En cas de maladie, le versement d’une indemnité est garanti par la loi, mais selon certaines conventions collectives négociées par les partenaires sociaux, il est possible de percevoir une indemnité plus élevée pendant un période de maladie pouvant aller jusqu’à un an. Le régime d’assurance générale verse 80 % du salaire, et l’employeur 10 %. La protection sociale garantie par les conventions collectives prévoit également des indemnités en cas d’accident du travail, d’invalidité ou de décès. Depuis quelques années, la retraite garantie par la loi est constituée d’un régime de retraite général et d’une retraite par capitalisation, que l’on doit soit même gérer par le biais de fonds d’actions ou des fonds communs de placement. Le montant de la retraite est calculé sur la base des revenus cumulés au cours de la vie professionnelle, mais il est aussi indexé sur l’évolution des salaires en Suède. Plus l’économie suédoise est prospère, plus les retraites seront élevées. L’employeur prélève les cotisations pour la retraite complémentaire prévue par les conventions collectives. L’employeur verse

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ces cotisations et le montant de la retraite complémentaire est calculé en pourcentage du salaire final. Le salarié peut lui-même choisir comment gérer sa pension complémentaire. L’âge de la retraite est de 65 ans, mais il est possible de faire valoir ses droits dès 61ans ou de continuer à travailler jusqu’à 67 ans. Si l’on part à la retraite avant ou après l’âge de 65 ans, cela joue sur le montant de la pension. Le système suédois de protection sociale fonctionne depuis longtemps et il explique en grande partie le fait que le pays soit si bien classé dans divers systèmes d’évaluation des conditions de vie. Diagramme 4 Indice de développement humain, 2007

Source : Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)

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Conclusion Le modèle suédois ne s’est pas construit en un jour, mais il a fallu du temps pour en mettre tous les éléments en place. Il repose sur le rôle que les partenaires sociaux indépendants ont joué. Le fait de pouvoir conclure des accords relatifs au marché du travail, en concertation et sans intervention du système politique, permet de garantir aux salariés de bonnes conditions de travail, de renforcer les organisations syndicales qui les représentent, et d’assurer la paix sociale et la stabilité des entreprises et du monde du travail en général. Le droit du travail existant est, pour l’essentiel, laissé aux mains des partenaires sociaux. Le rôle des pouvoirs publics est de préserver la sécurité sociale. Grâce au fort accent mis sur une protection sociale générale et commune, la plupart des citoyens jouissent d’une bonne protection lors des différentes phases et périodes changeantes de la vie. La légitimité de ce modèle est forte. Bien souvent, le modèle suédois a été déclaré mort, surtout – et cela est symptomatique – par des débatteurs suédois. Néanmoins, aux yeux du reste du monde, son intérêt ne se dément pas, bien au contraire. Cela tient finalement à sa capacité à produire les résultats voulus. Ce modèle a permis d’offrir à l’immense majorité de la population un niveau de vie élevé et de meilleures chances, tout en garantissant une plus grande efficacité et rentabilité des entreprises.

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