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Profession La Commission livre ses statistiques Le nombre de journalistes diminue LE JOURNALISTE - 3 E ET 4 E TRIMESTRE 2010 - 3 caires (3). L’an dernier, nous écrivions : « Inexorablement, la précarité devient la norme… » (Le Journaliste n° 291-292)… Formation L’« augmentation générale du niveau d’étude et de formation » (3) cache une réalité plus contrastée. Seulement 15,2 % des journalistes détenteurs de la carte en 2009 sont passés par une formation reconnue par la profession. Certes, cette proportion a augmenté: ils étaient 14,8 % en 2008 et 12,2 % en 2007. Si l’on resserre la focale sur les nouveaux entrants (première demande de carte accordée), on constate que la moitié ont suivi une formation initiale au journalisme. (4) « Une inversion totale des données obtenues » en 1990 et 2000. Mais ceux issus d’une formation reconnue ne sont que 13,2 %, et cette propor- tion diminue, puisqu’ils étaient 15,3 % en 2008 (selon l’Observatoire). Davantage de nou- veaux journalistes issus d’une formation de journaliste, mais moins d’une forma- tion reconnue : voilà qui doit interroger la profession, alors que le nombre de formations reconnues s’est accru. D’autant que, parmi les nouveaux entrants, les chercheurs de Panthéon-Assas diagnosti- quent une « socialisation précoce et continue aux milieux médiatiques par l’intermédiaire d’un très grand nombre de stages, de piges, de formes de collaborations variées à des médias […]. Les trois quarts des jeunes jour- nalistes ont cumulé au moins trois séquences préprofessionnelles dans des rédactions au cours de leur formation » (3). « Ces deux com- posantes de la formation des jeunes journa- listes – niveau d’étude et passage par une for- mation professionnelle – marquent une évolution majeure, confirmant les hypothèses d’une élévation toujours en progression du niveau d’étude atteint et surtout de la part désormais majoritaire des jeunes issus d’une formation professionnelle initiale. » Employeurs Si la presse écrite reste de loin le premier employeur, sa part s’affaisse: 61,6 % en 2009 contre 65,1 % en 2008 (Observatoire). Concernant les nouveaux entrants, deux chiffres me semblent significatifs : 11,8 % travaillent dans la presse en ligne, 42,4 % dans l'infor- mation spécialisée (4). Et on relève une « quasi- absence des grands titres nationaux de la presse d’information générale et politique » (3). Age « La part des renouvellements, autour de 92 % à 95 % » des cartes émises chaque année, stagne, tandis que « le nombre de premières cartes est en baisse relative (8 à 5 %), alors que la part de ceux qui quittent la profession reste stable (5 %) » (3). Conséquence : un vieillissement de la population des journalistes (âge moyen de 42 ans). Les auteurs en dédui- sent que « les journalistes en poste préservent leur situation dans un contexte agité ». Sexe La féminisation se poursuit. Les femmes repré- sentent 44,4 % des cartes en 2009. Songeons qu’en 1965, elles n’étaient que 15,3 % ! Côté nouveaux entrants, 55 % des premières cartes sont « féminines » en 2009 (53,7 % en 2008, 48,1 % en 1998). Depuis 2004, plus de femmes que d'hommes entrent dans la profession (Observatoire). Mais il y a davantage de femmes parmi les contrats précaires : en 2009 on décomptait 51,5 % de femmes parmi les journalistes pigistes et 56,2 % parmi les CDD. Et elles sont sous-représentées dans les fonctions de direc- tion. La féminisation a été utilement com- mentée dans Le Journaliste (n° 291-292, n° 287- 288 et n° 282). Nous relevions alors que « la féminisation d’une profession va souvent de pair avec la précarisation », mais des publica- tions récentes apportent de pertinents complé- ments (5)… Eric MARQUIS (1) http://www.metiers-presse.org/pdf/1255448008.pdf (2) V. Devillard, M.-F. Lafosse, Ch. Leteinturier, R. Rieffel, Les journalistes français à l’aube de l’an 2000 (en coll. avec CCIJP), Ed. Panthéon-Assas, 2001. Et Les journalistes français en 1990, La Documentation française, 1991. (3) Selon les chercheurs de Panthéon-Assas, Le Temps des médias, n° 14, printemps 2010. (4) Selon les chercheurs de Panthéon-Assas, présen- tation à la CCIJP le 18 mars 2010. (5) Lire Le journalisme au féminin : assignations, inventions, stratégies, dir. B. Damian-Gaillard, C. Frisque, E. Saitta (Presses universitaires de Rennes, 2010). Et, des mêmes auteurs, un article de la revue « Questions de communication » (n° 15, 2009), Le Journalisme au prisme du genre. 3 7 007 cartes de journaliste ont été attri- buées en 2010 (37 390 en 2009, 37 307 en 2008, 37 301 en 2007), selon les chiffres publiés début janvier 2011 par la Commission de la carte (cf. www .c cijp .ne t ). La diminution du nombre de journalistes professionnels est une première dans l'histoire de la carte de presse depuis plusieurs décennies. Elle était prévisible : « Serait-ce l’heure de la décroissance? » écri- vions-nous il y a plus d'un an (Le Journaliste n° 291-292). Il faut se souvenir que le nombre de cartes supplémentaires chaque année pou- vait atteindre 1100 dans les années 1990, 600 à partir de 2002 (Le Journaliste n° 287-288)… Sur les 37 007 cartes attribuées en 2010, 1 822 sont nouvelles (2 024 en 2009, 2 004 en 2008, 2 109 en 2007), alors même que le nombre de formations reconnues augmente sensiblement depuis quelques années. La Commission a franchi depuis deux ans un seuil qualitatif et quantitatif dans la connais- sance chiffrée de la profession, puisqu’elle a ouvert ses fichiers (dans le respect de la confi- dentialité des données personnelles) d’une part pour une étude annuelle de l’Observatoire des métiers de la presse écrite (1), et d’autre part pour l’étude décennale 2010, après 1990 et 2000, des chercheurs de l’Université Panthéon-Assas (2). L’Observatoire des métiers a inauguré cette col- laboration avec la CCIJP en travaillant sur les prin- cipales caractéristiques et les évolutions majeures de la profession entre 2000 et 2008, étude dont une synthèse a été publiée sur son site (1). Précarité L’étude de l’Observatoire sur les cartes 2009 révèle que : - de 2008 à 2009, la proportion de pigistes (obtenant la carte) sur la totalité des cartes accordées est relativement stable: 18,8 % à 19,8 % ; - pour les nouveaux entrants (premières demandes accordées), la proportion de pigistes et CDD passe de 39,6 % en 2008 à 49,4 % en 2009, soit un bond de dix points en un an. Cela signifie que la moitié des journalistes qui viennent d'entrer dans la profession n'ont pas d'emploi stable. Selon les chercheurs de Panthéon-Assas, si « on agrège les CDD, les contrats de profes- sionnalisation et les pigistes, la majorité des nouveaux entrants (60,7 %) » sont pré-

Le nombre de journalistes diminue

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ProfessionLa Commission livre ses statistiques

Le nombre de journalistes diminue

L E J O U R N A L I S T E - 3 E E T 4 E T R I M E S T R E 2 0 1 0 - 3

caires (3). L’an dernier, nous écrivions :« Inexorablement, la précarité devient lanorme… » (Le Journaliste n° 291-292)…

FormationL’« augmentation générale du niveau d’étudeet de formation » (3) cache une réalité pluscontrastée. Seulement 15,2 % des journalistesdétenteurs de la carte en 2009 sont passés parune formation reconnue par la profession.Certes, cette proportion a augmenté: ils étaient14,8 % en 2008 et 12,2 % en 2007.Si l’on resserre la focale sur les nouveauxentrants (première demande de carteaccordée), on constate que la moitié ont suiviune formation initiale au journalisme. (4) « Uneinversion totale des données obtenues » en1990 et 2000. Mais ceux issus d’une formationreconnue ne sont que 13,2 %, et cette propor-tion diminue, puisqu’ils étaient 15,3 % en 2008(selon l’Observatoire). Davantage de nou-veaux journalistes issus d’une formationde journaliste, mais moins d’une forma-tion reconnue : voilà qui doit interroger laprofession, alors que le nombre de formationsreconnues s’est accru.D’autant que, parmi les nouveaux entrants,les chercheurs de Panthéon-Assas diagnosti-quent une « socialisation précoce et continueaux milieux médiatiques par l’intermédiaired’un très grand nombre de stages, de piges,de formes de collaborations variées à desmédias […]. Les trois quarts des jeunes jour-nalistes ont cumulé au moins trois séquencespréprofessionnelles dans des rédactions aucours de leur formation » (3). « Ces deux com-posantes de la formation des jeunes journa-listes – niveau d’étude et passage par une for-mation professionnelle – marquent uneévolution majeure, confirmant les hypothèsesd’une élévation toujours en progression duniveau d’étude atteint et surtout de la partdésormais majoritaire des jeunes issus d’uneformation professionnelle initiale. »

EmployeursSi la presse écrite reste de loin le premieremployeur, sa part s’affaisse : 61,6 % en 2009contre 65,1 % en 2008 (Observatoire).Concernant les nouveaux entrants, deux chiffresme semblent significatifs : 11,8 % travaillentdans la presse en ligne, 42,4 % dans l'infor-mation spécialisée (4). Et on relève une « quasi-absence des grands titres nationaux de lapresse d’information générale et politique » (3).

Age« La part des renouvellements, autour de 92 %à 95 % » des cartes émises chaque année,stagne, tandis que « le nombre de premièrescartes est en baisse relative (8 à 5 %), alorsque la part de ceux qui quittent la professionreste stable (5 %) » (3). Conséquence : unvieillissement de la population des journalistes(âge moyen de 42 ans). Les auteurs en dédui-sent que « les journalistes en poste préserventleur situation dans un contexte agité ».

SexeLa féminisation se poursuit. Les femmes repré-sentent 44,4 % des cartes en 2009. Songeonsqu’en 1965, elles n’étaient que 15,3 %!Côté nouveaux entrants, 55 % des premièrescartes sont « féminines » en 2009 (53,7 %en 2008, 48,1 % en 1998). Depuis 2004, plusde femmes que d'hommes entrent dans laprofession (Observatoire).Mais il y a davantage de femmes parmi lescontrats précaires : en 2009 on décomptait51,5 % de femmes parmi les journalistespigistes et 56,2 % parmi les CDD. Et elles sontsous-représentées dans les fonctions de direc-tion. La féminisation a été utilement com-mentée dans Le Journaliste (n° 291-292, n° 287-288 et n° 282). Nous relevions alors que « laféminisation d’une profession va souvent depair avec la précarisation », mais des publica-tions récentes apportent de pertinents complé-ments (5)… !

Eric MARQUIS

(1) http://www.metiers-presse.org/pdf/1255448008.pdf(2) V. Devillard, M.-F. Lafosse, Ch. Leteinturier,R. Rieffel, Les journalistes français à l’aube de l’an2000 (en coll. avec CCIJP), Ed. Panthéon-Assas, 2001.Et Les journalistes français en 1990, La Documentationfrançaise, 1991.(3) Selon les chercheurs de Panthéon-Assas, LeTemps des médias, n° 14, printemps 2010.(4) Selon les chercheurs de Panthéon-Assas, présen-tation à la CCIJP le 18 mars 2010.(5) Lire Le journalisme au féminin : assignations,inventions, stratégies, dir. B. Damian-Gaillard,C. Frisque, E. Saitta (Presses universitaires de Rennes,2010). Et, des mêmes auteurs, un article de la revue« Questions de communication » (n° 15, 2009), LeJournalisme au prisme du genre.

37007 cartes de journaliste ont été attri-buées en 2010 (37390 en 2009, 37307en 2008, 37 301 en 2007), selon leschiffres publiés début janvier 2011 par la Commission de la carte (cf.

www.ccijp.net). La diminution du nombre dejournalistes professionnels est une premièredans l'histoire de la carte de presse depuisplusieurs décennies. Elle était prévisible :« Serait-ce l’heure de la décroissance ? » écri-vions-nous il y a plus d'un an (Le Journalisten° 291-292). Il faut se souvenir que le nombrede cartes supplémentaires chaque année pou-vait atteindre 1100 dans les années 1990, 600à partir de 2002 (Le Journaliste n° 287-288)…Sur les 37007 cartes attribuées en 2010, 1822sont nouvelles (2024 en 2009, 2004 en 2008,2109 en 2007), alors même que le nombre deformations reconnues augmente sensiblementdepuis quelques années.La Commission a franchi depuis deux ans unseuil qualitatif et quantitatif dans la connais-sance chiffrée de la profession, puisqu’elle aouvert ses fichiers (dans le respect de la confi-dentialité des données personnelles) d’unepart pour une étude annuelle de l’Observatoiredes métiers de la presse écrite (1), et d’autrepart pour l’étude décennale 2010, après 1990et 2000, des chercheurs de l’UniversitéPanthéon-Assas (2).L’Observatoire des métiers a inauguré cette col-laboration avec la CCIJP en travaillant sur les prin-cipales caractéristiques et les évolutionsmajeures de la profession entre 2000 et 2008,étude dont une synthèse a été publiée surson site (1).

PrécaritéL’étude de l’Observatoire sur les cartes 2009révèle que :- de 2008 à 2009, la proportion de pigistes(obtenant la carte) sur la totalité des cartesaccordées est relativement stable : 18,8 % à19,8 %;- pour les nouveaux entrants (premièresdemandes accordées), la proportion depigistes et CDD passe de 39,6 % en 2008à 49,4 % en 2009, soit un bond de dixpoints en un an. Cela signifie que la moitiédes journalistes qui viennent d'entrer dans laprofession n'ont pas d'emploi stable.Selon les chercheurs de Panthéon-Assas, si« on agrège les CDD, les contrats de profes-sionnalisation et les pigistes, la majorité desnouveaux entrants (60,7 %) » sont pré-

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Une démission apparentée à un licenciement

Clause de cession : mode d’emploi

Profession

l'identité des actionnaires, et il n'y a pas tou-jours de représentants du personnel. Il fautdonc surveiller l'intitulé de son bulletin desalaire et l'ours de la publication. On peut aussiconsulter le registre du commerce (le numérode l'entreprise figure sur le bulletin de salaire)mais sa mise à jour est souvent très tardive.Enfin, on peut demander à l'inspecteur du tra-vail ou à un contrôleur d'aller es qualité poserla question à l'entreprise et consulter les docu-ments sociaux. Attention : un changement édi-torial (de rédacteur en chef, de directeur de larédaction voire même de directeur général…)n'implique pas forcément une cession qui estavant tout liée à la structure financière de l'en-treprise. Et une mise en gérance n'ouvre pasde clause de cession.

Quand s'ouvre la clause de cession ?Lorsque la vente est réalisée. Ce n'est pas lechef d'entreprise qui "ouvre" la clause de ces-sion mais l'acte de vente. La clause de cessions'impose à l'acheteur et non au vendeur. C'estdonc au nouvel employeur qu'il faut envoyerson courrier.

De combien de temps bénéficient les jour-nalistes pour prendre leur clause de ces-sion ?En théorie, cette clause s'ouvre mais ne seferme jamais. En pratique, le repreneur peut,éventuellement par accord avec les syndicats,indiquer un délai pour que les journalistes sedécident. Ce n'est qu'une recommandation,sans valeur légale. En réalité, cela permet à ladirection de provisionner le coût des départs,de réfléchir à la réorganisation et auxembauches et, parfois hélas, d'exercer unepression pour que les salariés se décident vite.Légalement donc, même si l'entreprise nedonne qu'un court délai, le journaliste peutdépasser cette date pour se décider.

Un employeur peut-il contester une clausede cession prise par un journaliste ?L'employeur peut tenter de s'opposer au droitdu journaliste, notamment si le « délai », luiparaît trop important. Le journaliste argumen-tera que ce droit est imprescriptible (sans délailégal). Cela peut se terminer en justice. Mais mêmesi ce risque existe, la règle est l'imprescripti-bilité et le journaliste a le droit et le devoir deréfléchir en pleine conscience et avec tous leséléments dont il dispose, à son avenir au seind'une entreprise qui a été cédée à un tiers.D'ailleurs, la jurisprudence de la Cour de cas-sation pose le principe de la parfaite informa-tion du journaliste sur le devenir de son contratde travail pour justifier la validation ou l'inva-

E n cas de cession d’une activité ou d’uneentreprise, tous les contrats de travail encours subsistent entre le nouvelemployeur et le personnel de l’entre-prise (article L 1224-1 du Code du travail).

Mais les journalistes possèdent un droit excep-tionnel et dérogatoire au droit commun: ils peu-vent quitter une entreprise sans faire acte dedémission lorsqu'il y a une vente ou change-ment d'actionnaire principal. Le journaliste faitalors jouer « la clause de cession » (articleL7112-5 du Code du Travail). En droit, il s'agitd'une rupture du contrat de travail dans uncadre particulier, à l'initiative du journalistemais imputable à l'employeur, ce qui signifiequ'elle produit tous les effets d'un licencie-ment. Le SNJ défend le droit à la clause de ces-sion pour tous les journalistes alors que certainsemployeurs tentent de nier ou contourner cedroit.Voici le détail de la procédure, avant, pendantet après.

AvantQu'est-ce que la clause de cession ?Lorsqu'il y a changement de propriétaire oud'actionnaire majoritaire, qu'il s'agisse de la ces-sion de toute l'entreprise ou seulement dutitre auquel il collabore, le journaliste peutpartir, de sa propre initiative, en invoquant ce

droit et en bénéficiant des indemnités légalesde licenciement et des allocations chômageensuite, s'il ne retravaille pas.

Qui peut bénéficier de la clause de cession?Tous les journalistes, journalistes « en pied »et journalistes pigistes réguliers, quelle quesoit leur ancienneté, dont l'entreprise ou le titreest vendu. Une exception notable toutefois : lesjournalistes qui travaillent en agence de pressene peuvent bénéficier de ce droit. Les agencesne sont pas citées dans l'article du Code du tra-vail qui aborde la clause, et la Cour de cassa-tion a refusé d'en faire une lecture extensive.

Comment est-on sûr que la clause de ces-sion est ouverte ?En général, la direction connaît ses obligations :elle doit faire savoir que la vente est effectiveet que la clause de cession est ouverte. Ledroit des contrats impose qu'un co-contrac-tant soit informé de son changement de "par-tenaire". Dans le cas où le journaliste n'a pasd'information précise et s'interroge, il doit serapprocher des représentants du SNJ (délé-gués syndicaux, élus au CE, délégués du per-sonnel), surtout pour les journalistes pigisteset/ou ceux qui travaillent à distance. S'il y achangement manifeste de direction, il y a defortes présomptions pour qu'il y ait changementd'actionnaire. Néanmoins, il est parfois com-pliqué de connaître les dessous d'une vente et

Les patrons découvrent la déontologieLe SNJ a choisi le bon moment pour remettre en chantier sa charte

fondatrice (lire page 13). Les choses bougent en effet sur le front de ladéontologie, pas forcément dans le bon sens. Animateur du pôle sur

« l’avenir des métiers du journalisme » aux États généraux, Bruno Frappata proposé, début décembre, une réunion « informelle » sur le projet de« code de déontologie » rédigé par son « groupe des sages ». Surprise :

toutes les organisations patronales de la presse écrite étaientreprésentées, celles-là même qui, à plusieurs reprises, ont accueilli avec le

plus grand mépris les propositions des syndicats – SNJ en tête – de semettre autour d’une table. Certaines ont même annoncé avoir adressé le« Frappacode » à leurs adhérents au titre de « recommandation », quand

elles ne l’ont pas annexé à leurs statuts !Difficile de ne pas voir derrière cet empressement suspect la main de

l’Élysée. Après tout le battage qui en a été fait, le bilan des États générauxne peut se limiter à la distribution de centaines de millions d’euros d’aides

exceptionnelles, concernant d’ailleurs fort peu le journalisme, si ce n’estpour favoriser des restructurations qui ont supprimé des emplois. Du côté

du gouvernement, on attend donc un « signal fort » sur la déontologie,comme le rappelle le ministre de tutelle à chaque fois que l’occasion lui

en est donnée. Certains élus ont même laissé entendre que la voieparlementaire n’était pas exclue. Autant de raisons qui amènent le SNJ à

rappeler haut et fort que, sur cette question de la déontologie, il estl’acteur le plus légitime et aussi le plus incontournable.

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La commission arbitralecible des patronsL’offensive a pris la forme d’unequestion prioritaire de constitution-nalité (QPC) déposée par la directionde L’Yonne Républicaine (groupeCentre France) devant la Courd’appel de Paris. En cause : l’impos-sibilité de faire appel des décisionsde la commission arbitrale ce qui,aux yeux des patrons, justifierait soninconstitutionnalité (défaut de res-pect du double degré de juridiction).Fort heureusement, la Cour d’appela décidé de ne pas répondre favora-blement et donc, de ne pas fairesuivre cette QPC au Conseil consti-tutionnel. On peut cependant s’at-tendre à ce que les choses ne s’ar-rêtent pas là. Toute juridictionpouvant être saisie de l’examen dubien-fondé d’une QPC, l’arbitraleelle-même a déjà été amenée à seprononcer sur de telles demandes.Pour les patrons et leurs conseils,tous les coups sont bons pour fairereculer nos droits…

Hadopi : la commissiond’arbitrage tardeElle se fait appeler Désirée… Lacommission de conciliation et d'arbi-trage prévue par la loi du 12 juin2009 en cas de blocage des négo-ciations droits d'auteur, n’est tou-jours pas opérationnelle. Le décretde mise en place s’est déjà faitattendre (il est n’est paru que le28 août 2010). C’est maintenant ladésignation de ses membres quiposerait problème. D’abord parceque certaines organisations n’onttoujours pas transmis au ministère laliste de leurs représentants. Ensuite,parce que le haut fonctionnaire pres-senti pour en être le président a étérécupéré par l’Élysée et il faut donctrouver quelqu’un d’autre. Ceci dit,rien n’empêche de la saisir dèsmaintenant de différends apparusdans certaines négociations. Ça ferapeut-être avancer les choses…

Auto-entrepreneurs :dangereuse impostureLa polémique sur la cotisation fon-cière appliquée aux auto-entrepre-neurs est révélatrice des dérives dece statut. Elle a montré qu’une partnon négligeable de ceux qui ont étépoussés à le choisir ne réalisaient enfait que peu, ou pas, de chiffre d’af-faires. Le désastre social seconfirme et les exonérations votéesà la hâte par le législateur risquentde ne pas y changer grand-chose.Une raison de plus de combattreavec la plus grande énergie cetteimposture qui, rappelons-le, estincompatible avec notre statut.

ProfessionAprèsQuelles indemnités ?Ce sont les mêmes que dans le cadre d'un licenciement. Ellesse calculent donc sur le dernier salaire brut (obligatoirement leplus haut), en incluant toutes les primes fixes (comme lesprimes d'ancienneté par exemple) auquel on ajoute 1/12e pourtenir compte du 13e mois. Ou plus si un accord d'entreprise pré-voit un 14e mois ou un demi-mois supplémentaire pour lesvacances. Lorsque le salaire fluctue, comme c'est le cas pourles journalistes pigistes mais aussi pour les temps partiels quiexécutent des heures complémentaires ou pour ceux qui per-çoivent des primes de nuit ou des frais réintégrés dans lesalaire, la convention collective autorise que l'on calcule lesalaire servant de référence pour déterminer l'indemnité de licen-ciement sur les 12 ou 24 derniers mois travaillés, en choisis-sant la moyenne la plus avantageuse pour le salarié. Le jour-naliste perçoit une fois ce salaire dit « de référence » par annéetravaillée (période de 12 mois à partir de la date d'embauche,par année civile). La dernière année, même incomplète, comptepour une année pleine. Les congés payés non pris doivent êtrepayés. Ils figurent sur le dernier bulletin de salaire sous l'inti-tulé « indemnité compensatrice de congés payés ». Ils vien-dront ensuite allonger le « délai de carence » de l'assurancechômage. Les RTT non prises doivent être payées aussi (à ladifférence des congés payés, elles n'entreront pas dans le délaide carence fixé par Pôle-Emploi). L'indemnité de licenciementdes journalistes professionnels est « légale » (elle figure dansle Code du travail). Elle n'est pas imposable.

Que se passe-t-il pour le journaliste qui a plus de 15 ansd'ancienneté ?Il doit obligatoirement demander à un syndicat de journalistes,le SNJ de préférence, de saisir la Commission arbitrale en sonnom. C'est la Commission arbitrale (paritaire) et elle seule quia compétence légale pour déterminer le montant de l'indem-nité de licenciement d'un journaliste licencié alors qu'il a plusde 15 ans d'ancienneté dans l'entreprise. Cette indemnité n'estpas imposable si, et seulement si, elle a été déterminée par laCommission arbitrale. Le journaliste pigiste qui a plus de 15 ansd'ancienneté doit, lui aussi, demander à un syndicat de saisiren son nom la Commission arbitrale. Le SNJ dispose de plusieurs« arbitres » rompus à l’exercice et soucieux de l’intérêt de laprofession, ce qui garantit que les droits de chaque journalisteconcerné ne seront pas bradés. Les frais engendrés par la sai-sine sont partagés entre le journaliste et l’employeur.

Peut-on bénéficier d'une formation ?Oui. Dans la lettre de licenciement, l’employeur doit men-tionner les droits du journaliste en matière de DIF (droit indivi-duel à la formation) : nombre d’heures acquises, possibilité deles utiliser pendant le préavis, portabilité (article L 6323-17). Sile journaliste n’a pas utilisé ces heures avant la fin du préavis,il peut/doit demander leur transférabilité afin de les mobiliserauprès de l’organisme paritaire de branche (Mediafor pour lapresse écrite et Afdas pour l’audiovisuel) ou du nouvel employeur.Par ailleurs, dans les 12 mois suivant la rupture, tout journa-liste peut faire valoir son droit à CIF (congé individuel de for-mation) auprès de l’organisme paritaire de branche. Compte tenudu versement à Mediafor des contributions obligatoires concer-nant les journalistes pigistes de presse écrite, ces derniers doi-vent s’adresser directement à Mediafor pour toute action de for-mation relevant du DIF ou du CIF. Mediafor : www.mediafor.org ;AFDAS www.afdas.com !

lidation d'une clause. Le journaliste doit avoir été informé dela cession de son contrat de travail.

Un employeur peut-il obliger un salarié à prendre laclause de cession ?Non, c'est un acte individuel et volontaire. S'il veut profiter dela cession pour faire partir un journaliste, il doit évidemmentmotiver sa décision de le licencier. Certaines entreprises qui ven-dent un titre prennent à leur charge le coût des clauses de ces-sion imputable au repreneur.

PendantComment procéder ?Par lettre recommandée avec accusé de réception à la direc-tion pour lui faire part de sa décision de faire jouer la clause decession en vertu de ce droit reconnu par le Code du travail, aveccopie à l'inspection du travail.

Comment rédiger la lettre ?Évoquer dans une première partie le motif : la vente ou la ces-sion de l'entreprise. Puis, dans une deuxième partie, l'actevolontaire et légal : le statut de journaliste qui donne le droitde quitter l'entreprise dans le cadre de l'exercice de la clausede cession, en vertu de l'article L.7112-5 du Code du travail.Attention : le mot « démission » ne doit jamais être employépar le journaliste. Au contraire de la clause de cession, la démis-sion induit une rupture du contrat de travail sans procédure delicenciement et sans ouverture de droits à l'assurance chô-mage !

Doit-on motiver sa décision ?Non, à la différence d'une clause de conscience qui doit êtreargumentée, la clause de cession ne se justifie pas. Inutile doncde faire du zèle dans la lettre recommandée.

Doit-on faire un préavis ?Au contraire de la clause de conscience, la clause de cessioncomporte l'exécution du préavis. Il est d'un mois si le journa-liste a travaillé moins de deux ans. Au-dessus de deux ans deprésence dans l'entreprise, en l'absence de jurisprudence pré-cise, il vaut mieux laisser la direction en décider. Il pourra êtred'un ou de deux mois. Si l'employeur dispense le salarié de faireson préavis, il a néanmoins l'obligation de le payer (il figureradans le dernier bulletin de salaire sous forme d'indemnité com-pensatrice de préavis et allongera d'autant le délai de carenceavant indemnisation du chômage). Mais si c'est le journalistequi demande à être dispensé de l'exécution, il dispense par là-même l'employeur de le rémunérer.

Que se passe-t-il à la fin du préavis ?Il faut récupérer son « solde de tout compte » sur les bases légalesd'un licenciement. Il faut aussi récupérer la feuille qui sera des-tinée à Pôle-Emploi - même si l'on a retrouvé un emploi : onne sait jamais de quoi est fait l'avenir… Il faut "faire ouvrir sesdroits", quitte à n'en bénéficier ni immédiatement… ni ultérieu-rement.

Que faire si l’employeur « ignore » la clause de cession ?Si le nouvel employeur reste muet ou refuse la clause de ces-sion, il appartient au journaliste de saisir les délégués SNJ pourqu’ils lui rappellent ses obligations. À défaut, il peut s'adresserau Conseil des prud’hommes. Quand plusieurs journalistesconnaissant la même situation, ils peuvent déposer leursdemandes le même jour (section encadrement) afin que lesaffaires soient jointes. Ils peuvent utilement prendre le mêmeavocat (de préférence recommandé par le SNJ) afin que ce der-nier prépare des conclusions communes assorties de variantesindividuelles.

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