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U.L.B. Faculté des Sciences Sociales politiques et économiques LE ROYALISME DANS L'EUROPE DU BICENTENAIRE DE LA REVOLUTION FRANCAISE Mémoire présenté par Bruno Duboisdenghien en vue de l'obtention du grade de licencié en sciences politiques et relations internationales Année Académique 1990-1991 UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES Avenue Franklin Roosevelt 50 1050 Bruxelles U.L.B. Faculté des Sciences Sociales politiques et économiques

Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Le royalisme est l'attachement au roi ou au prétendant. Ce courant politique « n'est pas l'adhésion à une pensée politique continue, mais (il est composé d'une) suite de pensées et d'options sans autres liens que la consanguinité de ceux qui les formulent » . Le royalisme est intimement lié à la personnalité du prétendant. Celle-ci peut orienter de manière significative le contenu du message politique de ses partisans. Le royalisme peut s'orienter vers un monarchisme. La valorisation de l'institution monarchique et l'attachement au roi peuvent, dans certains cas, se combiner. Nous avons étudié le royalisme au travers de deux entités: la France et l'« Autriche-Hongrie ». Dans ces deux cas, la monarchie n'existe plus.

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U.L.B. Faculté des Sciences Sociales politiques et économiques

LE ROYALISME DANS L'EUROPE DU

BICENTENAIRE DE LA REVOLUTION FRANCAISE

Mémoire présenté par

Bruno Duboisdenghien

en vue de l'obtention du grade de licencié en sciences politiques et

relations internationales

Année Académique 1990-1991

UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES Avenue Franklin Roosevelt 50

1050 Bruxelles

U.L.B. Faculté des Sciences Sociales politiques et économiques

Page 2: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

LE ROYALISME DANS L'EUROPE DU

BICENTENAIRE DE LA REVOLUTION FRANCAISE

Mémoire présenté par

Bruno Duboisdenghien

en vue de l'obtention

du grade de licencié en sciences politiques et

relations internationales

Année Académique 1990-1991

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Le présent mémoire est soumis au droit d’auteur et ne peut en

aucune manière être publiée sous quelque support que ce soit sans l’accord de l’auteur.

Page 3: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

Introduction

Chap I La France et le royalisme A. Introduction

1. Monarchie 2. Monarchie absolue 3. La Révolution Française 4. Le royalisme 5. La Restauration 6. La Monarchie de Juillet 7. République et Empire

8. Le Nationalisme B. Les royalistes à la lumière du Bicentenaire de la Révolution Française

1. Introduction 2. Nouvelle Action Royaliste 3. Restauration Nationale 4. Les Légitimistes 5. France et Royauté 6.D'autres mouvements royalistes

C. Portrait socio-politique des royalistes D. Manifestations des royalistes E. Les prétendants

1. le duc de Cadix 2. le comte de Paris 3. le comte de Clermont 4. Sixte Henry de Bourbon Parme

Chap II l'Autriche-Hongrie et le royalisme

A. Introduction B. La Hongrie 1. Les différents gouvernements 2. La question européenne hongroise

3. Qui défendait la monarchie? 4. L'Amiral Horty et le roi 5. Deux tentatives de restauration 6. La Hongrie autoritaire

Page 4: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

C. L'Autriche

1. La 1ère République 2. Les années trente et les monarchistes

3. La fin des lois « anti-Habsbourg »

4. L'Anschluss 5. La guerre 1939-45 6. La Fédération Danubienne

7. La 2ème République D. La nostalgie de la monarchie danubienne 1. L'après-guerre 2. Le cardinal Mindszenty

3. Le retour de l'archiduc Otto en Autriche 4. La monarchie à l'époque atomique 5. Les années quatre-vingt-nonante 6. Le décès de l'impératrice Zita 7. Le retour de l'archiduc Otto en Hongrie 8. Un espace politique danubien

E. Les relais de la pensée d'Otto de Habsbourg 1. Le CEDI International 2. L'Union Paneuropéenne 3. Neues Abendland 4. Certains Ordres de Chevalerie

Chap III D'autres royalismes A. La Roumanie B. La Bulgarie

C. L'Albanie

Chap IV Deux conceptions de l'Europe A.L'Europe nationale du comte de Paris

B.L'Europe impériale d'Otto de Habsbourg 1. Un chef d'État pour l'Europe 2. L'Europe chrétienne

Conclusion

Annexes

Bibliographie

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INTRODUCTION Le royalisme est l'attachement au roi ou au prétendant. Ce courant politique « n'est pas l'adhésion à une pensée politique continue, mais (il est composé d'une) suite de pensées et d'options sans autres liens que la consanguinité de ceux qui les

formulent »1. Le royalisme est intimement lié à la personnalité

du prétendant. Celle-ci peut orienter de manière significative le contenu du message politique de ses partisans. Le royalisme peut s'orienter vers un monarchisme. La valorisation de l'institution monarchique et l'attachement au roi peuvent, dans certains cas, se combiner.

Nous avons étudié le royalisme au travers de deux entités: la France et l'« Autriche-Hongrie ». Dans ces deux cas, la monarchie n'existe plus. Le royalisme français fut analysé par rapport à la célébration du Bicentenaire de la Révolution Française. Le choix de cette

période est dicté par l'importance européenne des effets de 1789 et l'existence d'un récent Mémoire qui a traité la période antérieure à 1989.

2 Nous avons introduit la description du

royalisme par un rappel de ce que furent la Monarchie et la Révolution Française. Cette étude s'est penchée sur les différentes organisations royalistes: la Nouvelle Action Royaliste, la Restauration Nationale, les Légitimistes, France

et Royauté, ainsi que sur leurs attitudes et actions politiques à l'égard du Bicentenaire. Nous avons analysé la sociologie politique des individus qui se déclarent royalistes. Nous avons confronté ces différents éléments aux positions des prétendants: le duc de Cadix, le comte de Paris, le comte de Clermont et Sixte Henry de Bourbon-Parme. L'antagonisme Bourbons-Orléans

explique la pluralité. Cependant, nous avons développé de manière plus approfondie la personnalité du comte de Paris. Nous pensons que son importance politique est supérieure à celle des autres prétendants. L'entretien que nous a accordé le comte de Paris nous a permis d'apporter un éclairage particulier sur sa pensée politique. Des

zones d'ombre subsistent cependant quant aux relations de ce dernier avec Ch. De Gaulle. D'une manière plus globale, nous devons constater le manque de références objectives concernant la période actuelle du

1 du PUY DE CLINCHAMPS, Ph., Le Royalisme, p 10, Collection

Que Sais-je?, Presses Universitaires de France

2 HERMAN, P., Le mouvement royaliste en France de 1945 à nos

jours, Mémoire présenté en vue de l'obtention du grade de licencié en sciences politiques et relations internationales, Année académique 1987-1988, Université Libre de Bruxelles

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royalisme français. Beaucoup d'auteurs consultés sont eux-mêmes royalistes. Ils sont dès lors subjectifs. Nous en sommes conscients et avons voulu le mentionner. Nous avons aussi dû

surmonter leur raisonnement qui tend à exagérer le rôle de leur prétendant ainsi que l'importance numérique des monarchistes. Le « royalisme dans l'Autriche-Hongrie » est avant tout lié à l'évolution politique de ces deux pays issus du démembrement de l'Empire Habsbourgeois. L'empereur Charles conserva en Hongrie un courant de sympathie. Celui-ci se retrouva au sein de

différents partis politiques et de l'Église catholique. L'existence de ce courant et l'appui de certaines autorités expliquent les deux tentatives de restauration. L'archiduc Otto de Habsbourg devenu chef de la Maison Impériale va focaliser dans un premier temps son action sur

l'Autriche. Dans les années trente, des monarchistes ont soutenu le régime de Dollfuss auquel succédera Schuschnigg. Des contacts auront lieu entre le chancelier autrichien et le prétendant. Durant la Seconde Guerre mondiale, Otto de Habsbourg proposera un plan de « Fédération Danubienne » qui sera discuté avec les autorités américaines et anglaises. Un certain nombre de mouvements de résistance et d'Autrichiens exilés vont lui faire

écho. La famille Habsbourg sera politiquement très active. L'engagement de l'archiduc va évoluer. Il va se créer une stature d'homme politique européen. Ses activités de prétendant seront toujours présentes. Il développera sa conception du « monarchisme ». Ses actions européennes vont parfois se confondre avec son statut d'héritier de la Double Monarchie.

C'est ce que nous avons voulu, principalement, mettre en évidence dans cette partie du travail. Nous sommes conscients de n'avoir qu'effleuré ce sujet. Il nous a été difficile d'obtenir des précisions quant au rôle actuel d’Otto de Habsbourg en Europe Centrale. Son nom ainsi que celui de son organisation apparaissent à de nombreuses reprises. Nous avons essayé d'y

trouver une logique politique. La nostalgie de l'Autriche-Hongrie fut aussi valorisée par l'impératrice Zita. Nous avons complété cette comparaison France - Autriche-Hongrie par une analyse plus succincte d'autres royalismes. Ceux-ci se sont récemment manifestés avec « l'effondrement » des régimes totalitaires de l'Est. Nous avons retenu trois pays:

Roumanie, Bulgarie, Albanie. Ils ont rappelé qu'ils avaient été des monarchies. Celles-ci n'avaient rien de démocratique. Nous avons précisé dans les trois cas, les caractéristiques des régimes établis sous ces monarchies. Nous avons voulu savoir quelles sont les relations qu'entretiennent les trois prétendants: Michel, Siméon, Léka avec les nouvelles autorités politiques ainsi qu'avec la population de leurs pays.

Page 7: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

4

Pour conclure, nous avons examiné comment la dimension européenne était prise en compte par deux prétendants. Nous

avons analysé la « pensée européenne » du comte de Paris et celle de Otto de Habsbourg. Dans sa fidélité à Ch. De Gaulle, le comte de Paris développe une « Europe Nationale ». L'archiduc Otto de Habsbourg, devenu député européen, défend l'idée d'une « Europe Impériale ». Cette conception s'enracine dans l'histoire de sa famille. À la différence de l'héritier des Orléans, Otto de Habsbourg dispose d'un réseau européen

d'associations. Ces dernières rattachent son engagement à la droite ultraconservatrice de tendance fascisante.

Chap 1. La France et le royalisme A) IInnttrroodduuccttiioonn 1.Monarchie Étymologiquement, la Monarchie est une forme de gouvernement

caractérisé par l'unicité du titulaire du pouvoir et par l'exercice de celui-ci au bénéfice de tous. C'est Aristote qui avait retenu ce critère. Cette conception fut bien souvent contredite par la réalité. Bien des monarques ont exercé leur pouvoir dans leurs intérêts ou au bénéfice de groupes structurés.

La monarchie est une forme de pouvoir organisé suivant des principes et des normes institutionnelles. L'absence de principes organisationnels caractérise la tyrannie et la dictature. La monarchie a toujours connu une relation avec le sacré et le

religieux. Cette relation est liée à l'interprétation du monde elle-même sacrée ou religieuse. « Le roi était strictement lié par des règles d'origines divines; il exerçait son pouvoir en fonction d'une élection divine, par exemple la monarchie en Israël, et selon un canon très précis, ainsi la monarchie égyptienne, aztèque, romaine. Ce pouvoir ne comportait ni toute-puissance ni arbitraire. La relation des rois à la divinité,

exprimée dans les mythes, à la fois assurait le pouvoir et le limitait. »

3

Lorsque la monarchie « se laïcise », elle conserve sa réglementation. Il s'agit d'un système juridique donné et hors d'atteinte du pouvoir. Il est soit encore lié au sacré, soit

fondé sur la coutume. Ce système définit le caractère de la monarchie. Deux règles se retrouvent dans chaque système. Elles concernent la succession au pouvoir et l'exercice de celui-ci. Il « n'y a monarchie que lorsque le titulaire unique du pouvoir

3 ELLUL, J., "Monarchie",in Encyclopaedia Universalis, Vol

11, pp 213-222 Paris, 1968

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5

est tenu d'obéir à un certain nombre d'impératifs externes et de gouverner selon des normes, à l'intérieur d'un système plus global qu'il ne domine pas. »

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Le roi entretient des relations avec certains groupes sociaux. Ces relations procurent un appui à son gouvernement. Il s'agit aussi d'un système de relations entre le monarque et l'ensemble du peuple. Ces groupes ne sont pas associés à la gestion du pouvoir. Mais parfois, ils parviennent à prendre une telle importance qu'ils limitent l'action royale. Ainsi, le pouvoir

échappe au roi et est concentré entre les mains d'un groupe dominant. 2.La monarchie absolue Elle règne sur la France du XVIe au XVIIIe siècle. Elle

constitue le cadre politique dans lequel se prépara la Révolution Française. La monarchie absolue est centralisatrice. La société française est considérée comme un corps dont le roi en est le sommet. Il est le seul centre de décision. Le roi prétend gouverner sans limites et avoir tous les droits sur ses sujets. Pour ce faire,

un quadrillage administratif de la société est nécessaire. Le roi assimile sa volonté à la loi. La seule légitimité, toute théorique, de ce régime est la relation personnelle entre le monarque et Dieu. Le roi est son représentant sur terre.

L'absolutisme monarchique s'est établi par l'élimination des grands féodaux et l'intégration de leurs territoires dans un royaume. Celui-ci est conçu comme une unité organique qui implique la suppression des différents centres politiques. Cela a pour conséquences: l'unification de l'administration, l'unité de la langue et de la religion.

Malgré son haut degré d'organisation, la monarchie absolue est limitée dans son exécution. D'abord, elle doit obéir aux lois fondamentales du royaume. Celles-ci sont coutumières, mais impératives. Étant la source profonde du Droit, le roi ne peut pas les modifier de manière autoritaire.

D'autre part, la monarchie absolue doit faire face à un second obstacle qui est l'absence de moyens d'action. L'absolutisme est d'autant plus fort que ses moyens d'action sont faibles. L'absence de moyens de communication rapides, la faiblesse de la police, le petit nombre de représentants du roi, la fragilité de l'appareil économique empêchent une exécution de la politique royale. Des actions dites « exemplaires » sont entreprises.

3.La Révolution Française

4 ibid

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6

Elle va mettre fin au régime féodal, mais pas, dans un premier temps, à la monarchie. Le 9 juillet 1789, l'Assemblée Nationale devient Constituante.

Le 11 août 1789, l'Assemblée vote qu'elle détruit entièrement le régime féodal...Elle désigne par là, ce qui subsiste de la propriété féodale et du contrat de fief, les dîmes, la vénalité des offices, les privilèges des individus et des corps, bref l'ensemble de la structure corporative de la société.

Mais rien n'est réglé en ce qui concerne la Constitution du royaume.

5 Louis XVI est d'ailleurs proclamé Restaurateur de la

liberté française Le Régime qui s'établit est composé de deux pouvoirs: le Roi et l'Assemblée. Il n'est plus le roi de France, mais devient roi

des Français. Ceci implique qu'il n'est plus roi absolu. Il ne détient plus la souveraineté. Le roi est soumis à la loi et ne règne plus que par la loi. La personne du roi est inviolable. Il ne lui reste que très peu de pouvoirs réels. Le roi ne détient plus le pouvoir législatif. C'est l'Assemblée qui exerce le pouvoir constituant et le pouvoir législatif. La Déclaration des Droits de l'homme est votée. Les biens du clergé sont mis à la

disposition de la Nation. La constitution civile du clergé est instaurée en août 1790. Ce faisant, les curés et évêques vont être élus par le peuple . Cette décision impose aux ecclésiastiques un serment civique. Louis XVI, résigné, apporte son contreseing à ces décisions. Ainsi, l'Église catholique perd son rôle politique dans la société française. Mais, en même temps, en voulant créer une Église nationale, ces décisions

allaient dans le sens du gallicanisme. 6

De septembre 1791 à août 1792, la Constitution va s'appliquer. Celle-ci pose les principes de la souveraineté nationale et de la séparation des pouvoirs, mais elle maintient la monarchie. Dans cette conception, le roi représente à l'extérieur la

nation. Ce n'est pas le cas à l'intérieur L'Assemblée législative constitue le premier pouvoir qui a l'initiative et le vote des lois. Le roi peut indiquer les matières sur lesquelles il souhaite établir une loi. Pour qu'une décision de l'Assemblée législative devienne « loi », elle doit revêtir la sanction royale. Le roi dispose ainsi d'un veto.

Cette possibilité institutionnelle provoque la crise permanente et l'effondrement du régime. En votant le contingent militaire, l'Assemblée participe à l'exécutif, mais n'a pas de pouvoirs politiques réels. Le roi détient le pouvoir exécutif, mais ses pouvoirs sont énumérés. Il

5 FURET, F., "Ancien Régime", in Dictionnaire Critique de

la Révolution Française, pp 627-637, Paris, 1988

6 Doctrine de l'Eglise de France, qui, tout en marquant son

attachement à la foi catholique voulait restreindre l'emprise du souverain pontife.

Page 10: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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choisit et révoque ses ministres. Ceux-ci ne doivent pas être députés. Ils ne forment pas un cabinet, puisqu'ils travaillent de manière isolée. Ils doivent rendre des comptes à l'Assemblée.

Cette dernière peut déclarer au roi que ses ministres ont perdu la confiance de la Nation, mais ne peut pas les révoquer. « L'idée d'«Ancien Régime», formulée pour la première fois à propos du gouvernement monarchique....( est encore ) apprivoisée par la présence de Louis XVI dans la nouvelle Constitution, comme si le roi d'hier, récupéré par la Révolution dans un rôle

tout différent, restait malgré tout un trait d'union entre les Français et leur histoire. Mais cette fiction fragile, déjà mise à mal par les journées d'octobre de 1789, meurt avec la fuite à Varennes (juin 1791). Louis XVI, avant de quitter les Tuileries, a laissé sur son bureau un désaveu public des lois révolutionnaires qu'il a dû signer, et d'ailleurs son départ dit

tout sur ses sentiments. »7

Les débats autour de la nouvelle constitution, le rôle grandissant des clubs, les menaces de complots et d'interventions armées de l'étranger vont accélérer la chute de l'institution monarchique. Le 20 avril, la France déclare la guerre au roi de Bohème et de Hongrie. Le 12 juillet 1792,

l'Assemblée déclare la «patrie en danger». Le 10 août, c'est l'insurrection parisienne qui se poursuivra par la prise des Tuileries et le renversement du trône. Le 21 septembre, sous la Convention Girondine (septembre 1792-juin 1793) la royauté est abolie. Les actes publics sont désormais datés de «l'an 1 de la République». Trois jours plus

tard, la République est déclarée une et indivisible. Le 11 décembre débute le procès de Louis XVI. Le roi sera exécuté le 21 janvier 1793. 4.Le royalisme

« Le royalisme naît de la Révolution et, dès la Révolution, il éclate en de nombreuses chapelles. Il y a ceux qui refusent toute la révolution, ceux qui en acceptent un peu, ceux qui en acceptent beaucoup. »

8 Nous tempérons cette affirmation, en

soulignant que s'il naît à la Révolution, le royalisme « a pris forme après 1870 et plus précisément après la restauration manquée par le comte de Chambord en 1873 »

9

Du point de vue de la forme, nous pensons que le royalisme s'exprime -tout au long de son histoire- par trois types d'acteurs: le prétendant, le « praticien » ou homme politique et le théoricien ou intellectuel militant, celui-ci étant dans bien des cas plus royaliste que le roi ou que le prétendant. Ce

7 FURET,F., "Ancien Régime", in Dictionnaire Critique de la

Révolution Française, pp 630-631

8 FLEUTOT F.M., LOUIS P., Les Royalistes. Enquête sur les

amis du Roi aujourd'hui, pp 13-1989, Paris

9 du PUY DE CLINCHAMPS, Ph, op.-cit., p 13, Paris, 1967

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8

dernier n'ayant pas toujours le contrôle des deux autres « acteurs du royalisme ».

En 1789, on peut parler de « préroyalisme ». Il y a d'abord la pensée du comte de Provence, régent du royaume après l'exécution de Louis XVI. Sa pensée politique se retrouve dans le Manifeste de Hamm et celui de Vérone. Il condamne la Révolution dans son ensemble. Il veut rétablir la monarchie d'avant 1789 en réformant certains abus qu'il ne précise jamais. Il était partisan d'un absolutisme royal à la manière de Louis XIV.

Il y a ensuite ceux qui dans les Assemblées et dans les gouvernements de la France de 1792 à 1799 défendent l'institution royale. Sous la Constituante, les monarchiens sont partisans d'une royauté à l'anglaise contrôlée par deux Chambres (une élue, l'autre composée de « dignitaires »). Le roi possède

le droit de veto absolu. « Il se situe entre les aristocrates, à l'extrême droite, et les patriotes constitutionnels, au centre. »

10 Progressivement, les monarchiens entrent dans

l'opposition au régime révolutionnaire. D'autre part, trois doctrinaires ont influencé le royalisme. Jacques Pallet défend une monarchie respectant les

transformations sociales issues de la Révolution et contrôlées par deux assemblées. En ce sens, il rejoint les monarchiens. Joseph de Maistre et Louis de Bonald sont des théocrates. Tout pouvoir venant de Dieu, il ne peut être exercé que par ceux qui en ont été divinement investis. C'est une monarchie absolue de droit divin qu'ils défendent. Celle-ci reposant sur une série de familles, qui constituent la société et non plus des individus

comme le voulait la Déclaration des droits de l'homme. La presse royaliste est déjà présente. Rivarol est le premier rédacteur du Journal politique national.

11 D'autres titres

existent: Les Actes des Apôtres (son financement fut attribué à Louis XVI), Le Journal de monsieur Suleau, La Gazette de Paris

de Rozoi, L'Ami du roi de l'abbé Royou. Ces publications disparaîtront après le 10 août 1792. Après le 14 juillet 1789, le comte d'Artois, second frère du roi, est le premier à émigrer. Il entraîne des nobles et des militaires. Des armées sont constituées aux frontières de la France. Le comte d'Artois et le comte de Provence complotent de

l'extérieur. L'exécution de Louis XVI, la Constitution civile du clergé, la levée des trois cent mille hommes pour la guerre du Rhin, vont susciter des insurrections contre la Révolution. Celles-ci se situent dans l'Ouest; la Bretagne méridionale, le Bas-Poitou, l'Anjou, le Bas-Maine et la Vendée.

10 "Monarchiens", Grand Larousse Encyclopédique, vol 8,

p 448, Paris, 1963

11 TULLARD, J., "Contre-Révolution", in Encyclopaedia

Universalis, corpus 5, pp 444-447, Paris, 1985

Page 12: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

9

En mai 1793, la Grande armée catholique et royale est créée. Le bas clergé n'a pas accepté de prêter serment et des nobles

vont encadrer les paysans de cette région. L'opposition ville-campagne a influencé ces mouvements: les révolutionnaires, bourgeois, acquéreurs de biens nationaux ou animateurs de loges maçonniques, sont dans les villes; les paysans, en revanche, restent sous l'influence des seigneurs, d'autant que dans le cas des régions de l'Ouest le régime féodal était assez doux »

12 Au

prix de nombreuses pertes humaines, les Vendéens et les Chouans

sont vaincus. 5.La Restauration En 1814, la Restauration bien que ramenant les Bourbons sur le trône de France ne met pas un terme aux divisions des

royalistes. La Charte constitutionnelle de juin 1814 prévoit: l'égalité devant la loi, les libertés individuelles, de culte, de travail et de commerce. Elle limite expressément les pouvoirs du roi à l'exécutif et (inspiré du modèle anglais) instaure un conseil des ministres nommé par le roi. Le décorum de l'Ancien Régime est rétabli. Symbole important, le drapeau tricolore est remplacé par le drapeau blanc. La Restauration n'implique donc

pas totalement une rupture avec l'histoire républicaine et impériale de la France. C'est ce qui explique la désunion des royalistes. Les « ultras » sont plus royalistes que le roi. Ils sont placés à l'extrême droite. Ils défendent la doctrine autoritaire et théocratique de Joseph de Maistre et Louis de Bonald,

élaborée durant la République. Ils souhaitent le rétablissement intégral de la monarchie absolue. Ils sont en désaccord avec Louis XVIII (« Vive le Roi... quand même" criaient-ils). Ils placent tous leurs espoirs dans le comte d'Artois (futur Charles X) Le parti des ultras est surtout composé de hobereaux ruraux. L'action politique des « ultras » est aussi caractérisée par un

ultramontanisme. 13

Les royalistes constitutionnels sont satisfaits de la Charte et du parlementarisme qui en découle. Ils sont au centre de l'Assemblée. Le règne de Charles X (1824-30) accentue le cléricalisme dans les Institutions françaises. Les ultras sont au pouvoir. La révolution de 1830 provoque la chute des

Bourbons. 6.La Monarchie de Juillet Louis-Philippe d'Orléans monte sur le trône français. La révolution de 1830 marque le triomphe de la bourgeoisie et du libéralisme. La charte de 1814 est révisée. Elle n'est plus

octroyée, mais devient un contrat entre le roi et la nation.

12 ibid

13 Doctrine théologique favorable au Saint-Siège et au

renforcement de son rôle sur l'Eglise.

Page 13: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

10

Le drapeau tricolore fut adopté. Le catholicisme cesse d'être religion d'État. Désormais, il n'est plus possible, pour le roi, de suspendre une loi ni de dispenser son exécution.

Les tribunaux d'exception sont interdits. La liberté de la presse est renforcée. Cette politique est défendue par la Résistance qui devient la droite dynastique. Pour le parti du mouvement, puis pour la gauche dynastique, le pouvoir appartient aux Chambres et aux Ministères. Ils sont partisans du principe: « Le roi règne, mais ne gouverne pas »

Le légitimisme apparaît à cette époque. Il regroupe les royalistes fidèles à la branche aînée des Bourbons, représentée par le comte de Chambord, petit-fils de Charles X. Cela va contribuer à la division des royalistes français. Cette divergence dans les allégeances ne doit pas masquer un différend

idéologique fondamental. Les légitimistes n'acceptent pas le principe de droit national. Ils souhaitent le rétablissement d'une monarchie paternelle et chrétienne, de droit divin. Les Orléanistes acceptent le principe de la souveraineté du peuple symbolisé dans le drapeau tricolore. Ils sont attachés au parlementarisme.

7.La République et l'Empire En 1848, la Monarchie de Juillet est renversée. Une nouvelle république voit le jour. Louis Napoléon Bonaparte est élu Président lors d'un quasi-plébiscite. Un peu plus tard, l'Assemblée Nationale élue comprend une majorité de monarchistes. Ils se sont retrouvés -avec des catholiques

conservateurs- au sein du Comité de la rue de Poitiers. Mais la division entre Orléanistes et Légitimistes persiste toutefois. Le comte de Chambord demande à ses partisans de se retirer de la politique active. Les royalistes ont vécu dans le souvenir de la Restauration, pour les uns, de la Monarchie de Juillet, pour les autres.

En novembre 1852, un sénatus-consulte proclame Louis Napoléon empereur des Français sous le nom de Napoléon III. Les dissensions entre royalistes facilitent la restauration de la monarchie impériale. À la chute du Second Empire, les monarchistes gagnent les

élections de 1871. La troisième République est proclamée. La querelle dynastique semble être apaisée. Les Orléans ont fait allégeance au comte de Chambord. L'affaire du Drapeau Blanc va empêcher toute Restauration. Derrière la question du Drapeau, se cache une opposition plus fondamentale quant à la nature du Pouvoir et des Institutions.

À la mort du comte de Chambord (24 août 1883), les royalistes s'unissent derrière les Orléans. Mais des royalistes s'orientent vers les Bourbons d'Espagne. Entre temps, à l'Assemblée, les Républicains sont majoritaires. En juin 1886, la loi d'exil est adoptée par la Troisième République. Le Chef de la Maison de France doit quitter le territoire français. En 1890, l'Église

Catholique à travers le cardinal Lavigerie reconnaît la

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11

légitimité de la République. Ainsi, des catholiques vont quitter les rangs monarchistes. Ceux-ci n'étaient attachés à la monarchie que parce qu'elle était catholique et constituait une

alternative à la République laïque. 8.Le Nationalisme En 1899, autour de la Revue d'Action française, animée par Maurice Pujo et Henri Vaugeois va se développer un nouveau courant royaliste. Ce mouvement est avant tout nationaliste.

L'Action Française, sous l'influence de Charles Maurras 14,

devient royaliste. C'est lui qui sur base de son nationalisme intégral défend une monarchie héréditaire, décentralisée et

antiparlementaire. Son nationalisme explique le choix des Orléans comme prétendants au trône de France.

15

Il ne défend pas une monarchie de droit divin. Il considère le choix de la monarchie comme rationnel. Il démontre la nécessité de cette institution. Son « positivisme ou scientisme agressif » 16 a pu heurter certains royalistes catholiques. Il profite de

« l'anticléricalisme » de la République, de la condamnation de la Démocratie chrétienne par Pie X en 1910 pour les rallier. Ceci implique que la monarchie de Maurras n'est pas liée à la

Mystique royale ni au dogme de la divine providence. L'influence de Maurras sur le royalisme sera importante. Étant donné l'existence du récent Mémoire

17 consacré à ce même sujet, nous

n'approfondissons pas les relations entre Charles Maurras, l'Action Française et le royalisme français. Ces relations y font d'ailleurs l'objet d'une analyse approfondie. Le royalisme durant et autour du Bicentenaire de la Révolution Française fait

l'objet de nos recherches.

14 Il pense que la royauté est la forme la plus parfaite

du nationalisme.

15 Maurras préfère les princes de nationalités françaises

aux Bourbons d'Espagne.

16 CHEVALIER,J.J., Les grandes oeuvres politiques de

Machiavel à nos jours, p 232, Armand Collin-Collection U, 1970, Paris

17 HERMAN, P, op.-cit.

Page 15: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

12

B) LLeess rrooyyaalliisstteess àà llaa lluummiièèrree dduu BBiicceenntteennaaiirree ddee llaa

RRéévvoolluuttiioonn FFrraannççaaiissee

1. Introduction La célébration du Bicentenaire provoqua plusieurs débats. Que commémore-t-on? se sont demandé plusieurs intellectuels. 1789, est-ce, pour reprendre le titre du dossier du Nouvel

Observateur, 18 la liberté ou la terreur ? La richesse des

différences a apporté différentes réponses. Nous en avons retenu trois. Pierre Chaunu pense qu'on commémore un « ratage de notre histoire ». À l'opposé, Régis Debray, commémore « Notre acte de naissance républicain ». Dans la même acception de l'événement, mais avec des nuances qu'elle eut l'occasion de développer, Mona

Ozouf pense que la Révolution Française de 1789 est avant tout « une revendication illimitée d'égalité »

19.ainsi, Mona Ozouf

fait partie de ceux qui refusent de célébrer la Révolution Française comme un « Bloc »

20

Aujourd'hui comme hier, il n'y pas une célébration de la Révolution Française. De la même manière, il n'y a pas une

condamnation de la Révolution Française. En 1989, on peut dire qu'il existe d'une part les contre-révolutionnaires et d'autre part les royalistes. Les premiers se retrouvent autour de l'Anti-89. Il s'agit des disciples de la Fraternité Saint-Pie X de Mgr Lefèvre

21 , du

Centre Henri et André Charlier, du mouvement Chrétien Solidarité

de Bernard Anthony (député européen du Front National) qui veut rapprocher les lefèvristes de l'ultradroite de l'Église romaine catholique. Le mouvement Chouan qui défend l'identité de la chouannerie se retrouve dans ce mouvement. Il y a aussi d'autres groupuscules dont: la Contre-Réforme Catholique de l'abbé Georges de Nantes hostile à Jean Paul II et à Mgr Lefèvre. Il

défend un maurassisme de stricte obédience teinté de théocratie. Il ne ménage pas Jean-Marie Le Pen et a appelé à voter Jacques Chirac. Au nom de leur foi catholique, les contre-révolutionnaires se retrouvent dans un rejet total de la Révolution Française. Les

18 "La révolution devant ses juges", Le Nouvel Observateur,

4-10 mai 1989

19 Ces citations furent reprises du dossier mentionné ci-

dessus. Nous sommes conscients que cette question a donné lieu à des Débats, des Colloques importants. Ceux-ci ainsi que l'oeuvre

des auteurs cités ne se résument pas dans ces trois réponses. Mais elles permettent de sentir les différences d'appréciation. Celles-ci impliquent des perceptions différentes de ce que représente 1789. C'est pourquoi nous les avons mentionnées.

20 La Révolution est un bloc avait dit Clémenceau en 1891.

21 Mgr Marcel Lefèvre est décédé le 25 mars 1991. C'est

l'abbé allemand Franz Schmidberger qui lui a succédé. Pour une meilleure compréhension, nous mentionnerons le nom de Mgr Lefèvre lorsque nous évoquerons son mouvement.

Page 16: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

13

contre-révolutionnaires sont avant tout religieux. Mais, s'ils partagent tous la foi catholique, ils ne se retrouvent pas tous au sein de la même Église. Ils véhiculent la nostalgie de

l'Ancien Régime. Sur base de ce tronc commun, les divergences sont de règle. Il n'est pas obligatoire que cette nostalgie s'exprime politiquement par la défense de la royauté. Ils se retrouvent très bien dans les régimes autoritaires qu'a connus le continent européen: Vichy, Salazar au Portugal, Franco en Espagne, la Grèce des Colonels. L'engagement politique est secondaire.

Les royalistes sont aussi divisés en plusieurs chapelles. Mais leur engagement est avant tout politique. Il est marqué par leur fidélité à une famille royale. Il est évident qu'une grande partie des royalistes est contre-révolutionnaire. Mais cet aspect de leur engagement est, en théorie, secondaire. La

position schismatique de feu Mgr Lefèvre rajoute un élément de division au sein des royalistes. Ceci est aussi vrai pour les contre-révolutionnaires. Dans ce climat, nous pensons qu'à long terme, l'Opus Deï pourrait trouver au sein des royalistes et contre-révolutionnaires français une « clientèle » en quête de certitude religieuse.

En 1989, le royalisme s'exprime suivant le schéma élaboré plus haut: le prétendant, « le praticien » ou homme politique, « le théoricien » ou intellectuel. Cependant, un élément doit être modifié. Il n'y a plus, excepté des élus locaux ainsi que Bertrand Renouvin (membre du Comité économique et Social) qui se disent royalistes, de praticiens ou hommes politiques d'envergure nationale qui défendent le royalisme. Signalons

cependant, l'attitude du Député R.P.R Philippe de Villiers qui défend l'héritage vendéen. Ceci n'implique aucunement un engagement royaliste. L'intellectuel royaliste existe toujours. Il est religieux ou laïc. Mais il faut tenir compte d'individualités militantes.

L'année du Bicentenaire fut l'occasion pour les contre-révolutionnaires et royalistes de se manifester. Après s'être déjà fait connaître dans les actions contre le film « La dernière tentation du Christ » de Scorcese, des royalistes ont débuté l'année « sacrilège » en faisant parler d'eux bruyamment. Le 7 janvier, ils envahissaient une salle de spectacle où se

déroulait un récital de la chanteuse Hélène Delavaut intitulé « La Républicaine ». Le commando d'une vingtaine de jeunes au crâne rasé a arrosé la scène de gaz lacrymogène et malmené la chanteuse la jetant à terre. Cet événement résume-t-il le royalisme français ? Nous ne le pensons pas.

Page 17: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

14

En 1987, dix-sept pour cent des Français se prononcent pour le rétablissement de la monarchie.

22 De manière plus précise, dix-

sept pour cent d'hommes et dix-huit pour cent de femmes pensent

ainsi. Les moins de trente-cinq ans sont plus nombreux à se prononcer pour la monarchie. Ils sont plus nombreux à droite à approuver pareille restauration (vingt-deux pour cent). Ils sont tout de même treize pour cent à gauche à accepter pareille hypothèse.

Voyons quels sont les principaux mouvements royalistes à l'époque du Bicentenaire. Nous examinerons quelles ont été leurs prises de position. Ensuite, nous analyserons les positions des deux prétendants français et nous nous attarderons sur la position du comte de Paris.

Il existe au niveau national deux mouvements royalistes: La Restauration Nationale et la Nouvelle Action Royaliste. Les légitimistes et le mouvement France et Royauté animent le royalisme français. 2. La Nouvelle Action Royaliste

La N.A.R. est issue de l'Action Française de Charles Maurras. Ce mouvement a rompu tous les liens qui pouvaient le rattacher à l'extrême droite. Pour préparer l'année du Bicentenaire, il a organisé un colloque qui s'est tenu à Paris le 19 novembre 1988. Il avait pour thème « Célébrer 1789 ». Pour Bertrand Renouvin, le président de la N.A.R., sérénité et

humilité seront les règles de l'attitude de son mouvement à l'égard de ces festivités. Pour lui, « la Révolution est ici pleinement assumée, dans son génie (le mot est du comte de Paris) comme dans ses tragédies. Cela signifie que la Révolution Française est faite, que nul ne peut en effacer l'héritage, et qu'elle est pour nous terminée puisque nous refusons de rejouer

ou de prolonger les terribles affrontements de l'époque. Précisons encore que le Bicentenaire n'est pour les royalistes conséquents ni une gêne ni une menace - et cela d'autant moins que l'événement révolutionnaire de 1789 s'inscrit dans le cadre d'une institution monarchique qui n'est pas récusée ».

23

Durant l'été des célébrations, son bimensuel avait consacré un

numéro spécial intitulé «Des Bastilles restent à prendre». Il insiste sur les aspects positifs de la Révolution. Il s'agit de la Déclaration des droits de l'homme, l'Assemblée nationale, la fête de la Fédération. Il rappelle que la Révolution française s'accomplit avec la monarchie, non contre elle.

22 Sondage IPSOS-Le Point, 21/01/1987

23 RENOUVIN, B, "Les enjeux du Bicentenaire", Royaliste,

n52, p 12

Page 18: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

15

« C'est donc sans aucun paradoxe que notre famille politique peut participer à la célébration de ces événements, sans que soient oubliées pour autant les tragédies ultérieures..(mais il

prévient) Nous ne saurions cependant nous contenter d'une approbation benoîte des cérémonies du Bicentenaire . La contradiction est en effet trop violente entre le projet révolutionnaire actuellement glorifié et l'état de notre société. Puissance de l'argent, privilèges en tous genres, inégalités scandaleuses, division et exclusion sociale, citoyenneté déficiente devraient susciter un projet de

transformation économique et sociale digne de nos principes de justice et de liberté....Plutôt que de commémorer la Révolution en s'abritant derrière une fausse humilité gestionnaire, c'est sans plus attendre qu'il faut reprendre le mouvement de 1789 ».

24

Le message et l'attitude politique de ce mouvement tranchent

avec les autres mouvements monarchistes. On les situe souvent comme des Royalistes de Gauche. Eux se disent ni de Droite, ni de Gauche, mais «ailleurs». Précisons que Bertrand Renouvin fut candidat à l'élection présidentielle de 1974. Il avait recueilli 43.722 voix soit 0,14% de l'électorat. Depuis août 1984, il est membre du Conseil Economique et Social. Certains y verront un remerciement au soutien apporté par son mouvement, en 1981, à

l'élection du Président Mitterrand. Ils ont appelé à voter pour François Mitterrand. « On les a vus manifester contre la réforme du code de la nationalité, aux côtés des militants de S.O.S. Racisme...(Ils) se tiennent pour la plupart à l'écart des grandes manifestations monarchistes traditionnelles. Mais ils ne dédaignent pas marquer leur

fidélité en assistant aux messes à la mémoire de Louis XVI et ne manquent jamais d'entourer le comte de Paris (dont nous parlerons plus loin) lors de ses manifestations publiques. Pour le reste, plutôt que de rester entre eux, ils préfèrent dialoguer avec des personnalités non royalistes du monde intellectuel et politique »

25

Ils s'opposent à ce qu'on appelle la «Nouvelle Droite» organisée autour de différents clubs comme le G.R.E.C.E.

26

Certains de leurs militants sont actifs dans les milieux syndicaux ou participent à la vie municipale sur des listes PS, divers gauche ou du Centre. Ils sont quinze à être considérés comme élus de la N.A.R. En mars 1986, dans le Maine-et-Loire,

une Liste N.A.R. recueille 2230 voix soit O,67% de l'électorat. En 1988, Bertrand Renouvin fut invité à représenter la N.A.R. au sein du Comité national de soutien à François Mitterrand Son engagement politique au sein des institutions républicaines va encore se préciser. Le 13 novembre 1990, le Conseil National de la N.A.R. envisage favorablement la

proposition faite par Mr Soisson, Ministre du Travail dans le

24 RENOUVIN, B, "Editorial", Royaliste, n519, p 3

25 FLEUTOT, F.M., LOUIS,P, Les royalistes. Enquête sur les

amis du Roi aujourd'hui, pp.51-63, Albain Michel, Paris, Janvier

1989

26 Groupement de Recherche et d'Etudes pour la Civilisation

Européenne fut fondé en 1969.

Page 19: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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gouvernement Rocard, quant à la participation de la Nouvelle Action Royaliste à la France Unie. Rappelons une fois de plus que la N.A.R. est le seul mouvement royaliste aussi intégré dans

le cadre républicain. À cette occasion, B. Renouvin déclare: « Un souhait vieux de dix ans en ce qui nous concerne, est en train de devenir réalité: celui du rassemblement et de l'organisation, à côté du Parti Socialiste, de tous ceux, personnalités et mouvements qui soutiennent le président de la République...(Il tient à

rappeler) Nous sommes des royalistes, dont la visée à long terme n'exclut pas l'engagement présent, dès lors qu'un projet politique rencontre le nôtre sur des points que nous jugeons essentiels, dès lors que le chef de l'État inscrit son projet dans la continuité nationale. Tel est le cas en ce qui concerne François Mitterrand. »

27

Cette adhésion à France Unie suscita l'opposition d'une composante de ce rassemblement, le Mouvement des Radicaux de Gauche. Son Président, M. Zuccarelli, a exprimé son refus formel d'accepter la Nouvelle Action Royaliste. Le 13 avril 1991, le mouvement France Unie de J.P. Soisson et

la N.A.R. annonçaient leur accord au terme duquel, la Nouvelle Action Royaliste participera à l'élaboration du projet et de la stratégie de France Unie, et à la mise en place de l'organisation nationale et locale de la majorité présidentielle. Le 18 avril, le M.R.G. réagissait en réaffirmant que les radicaux de gauche ne voulaient pas d'alliance avec les royalistes.

Il n'est pas certain que la Famille de France voie d'un très bon œil l'orientation politique directe de la N.A.R. Le comte de Clermont (fils aîné du comte de Paris) n'apprécie pas l'attitude des amis de Bertrand Renouvin. Il est vrai que la N.A.R. avait soutenu le Président Mitterrand (comme d'ailleurs le comte de

Paris lui-même), mais en dehors de toute structure politique partisane. Bien que nous comprenons l'attrait de la personnalité et de la politique du Président Mitterrand, on peut se demander si, en devenant une composante de France Unie, la N.A.R. est encore royaliste? Cependant, ce mouvement fait sortir le royalisme du carcan

étroit de l'extrême droite passéiste. La N.A.R. s'inscrit dans le courant de pensée qui défend l'institution présidentielle comme étant l'expression républicaine de l'idéal monarchique.

27 RENOUVIN, B., "Vers la «France unie»", Royaliste, p 12,

3-12/12/90

Page 20: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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3. La Restauration Nationale La R.N. se veut l'héritière directe de l'Action Française.

EIle reprend les idées de Charles Maurras: «Nationalisme intégral», Monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée. Elle dispose d'un hebdomadaire « Aspect de la France ». Ce mouvement s'est structuré dans le milieu étudiant. Deux publications leur sont destinées: « Feu Follet » (bimestriel étudiant) et « Insurrection » (mensuel lycéen).

Selon la Restauration Nationale, « le régime républicain met la France en danger de mort et, par ses doctrines de base, le libéralisme et la démocratie, elle sape le pouvoir de l'État...Il faut abattre la République et restaurer la Monarchie, incarnée par Monseigneur le comte de Paris, héritier

des quarante Rois qui, en mille ans, ont fait la France ».28 Il

faut savoir que le comte de Paris s'est fortement éloigné de l'Action Française. Il ne manque d'ailleurs aucune occasion pour désavouer les actions violentes de la R.N. Ce mouvement est animé par Pierre Pujo et Guy Steinbach. Ils commémorent chaque année la fête nationale de Jeanne d'Arc.

Pendant une période, ils manifestèrent avec les membres du Front National. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Ses militants se veulent les héritiers des « Camelots du Roi ».C'est ce qui explique que ce soient certains d'entre eux qui aient participé à l'action contre la chanteuse Delavaut. À la différence de la N.A.R., ils ne participent pas à la vie politique active. Ils n'ont pas d'élus.

4. Les Légitimistes Ces derniers contestent la légitimité dynastique du comte de Paris

29 et se tournent vers un prince espagnol. Il s'agit

d'Alfonso de Bourbon-Dampierre, duc de Cadix, aîné des Bourbons.

Ils ont refusé de se rallier aux Orléans à la mort du comte de Chambord en 1883 et ont fait acte d'allégeance aux Bourbons d'Espagne. Ceux-ci sont les descendants directs de Louis XIV. À la différence des Orléanistes, les liens entre le duc de Cadix et ses partisans sont beaucoup plus forts. On peut dire que ces mouvements sont d'une certaine manière dirigés par le prétendant.

L'Union des Cercles Légitimistes de France édite une publication « La Gazette Royale ». Celle-ci fut fondée en 1957. L' U.C.L.F. se dit « catholique et monarchiste » et défend la « Monarchie catholique française traditionnelle ». « Nous refusons et refuserons toujours toutes concessions à la république et aux erreurs de la révolution. Ni Marseillaise, ni

drapeau tricolore, incarnation de cette révolution satanique. » Ainsi elle se démarque des royalistes de la N.A.R., qui «jouent le jeu» des institutions républicaines. Elle n'a qu'un

28 "Le combat royaliste. Principes fondamentaux", Aspects de

la France, nhors série, été 1987, p 38

29 Dans le chapitre consacré aux prétendants, nous

résumerons l'opposition Orléans-Bourbons d'Espagne.

Page 21: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

18

but: « la restauration de la Monarchie française, traditionnelle, catholique, hiérarchique, corporative, antidémocratique, antiparlementaire, anticentralisatrice,

garante des libertés des Provinces, des professions, des communes, des familles... ayant à sa tête au sommet de la hiérarchie, le Roi, Lieutenant du Christ Vrai Roi de France. »

30

On retrouve -avec des nuances- les termes utilisés par Charles Maurras pour définir la Monarchie. Les légitimistes se

différencient -du courant maurrassien- par la Famille Royale à laquelle ils se rattachent, mais aussi par l'absence de violence potentielle pour rétablir l'ordre politique qu'ils défendent. D'autre part, en matière religieuse, ils soutiennent Mgr Lefèvre et s'en prennent violemment à la Franc-maçonnerie. Les légitimistes n'assimilent pas à la royauté française le concept

de nationalité. À propos du Bicentenaire, leur attitude est tranchée « Parce qu'au nom des néfastes utopies et des mortels sophismes du Siècle «des lumières» dont on va nous rabattre les oreilles à l'occasion du Bicentenaire de 89, parce qu'au nom des sacro-saints «droits de l'homme» si chers à l'intelligentsia

gauchiste, aux évêques et aux curés rouges ou roses, à toutes ces organisations apatrides (cela rejoint la tradition de l'extrême droite) qui sont devenues la conscience de la Cinquième République, on a détruit ces liens qui, à travers des générations, unissaient nos peuples dans une même tradition, dans une même foi et dans une même vocation, pour promouvoir l'anarchie, la chienlit, les «égalités» illusoires et contre

nature, et les «libertés» nuisibles » 31

5. France et Royauté Parmi les Légitimistes, certains se sont distingués en créant en novembre 1987 le mouvement « France et Royauté ». Celui-ci

édita une publication utilisant la quadrichromie sur papier glacé, intitulée, « La France monarchiste et légitimiste ». Cette qualité d'impression était le signe d'une certaine aisance financière, ce qui est loin d'être la règle dans les milieux royalistes français. Ils firent allégeance au prince Alphonse de Bourbon, duc de Cadix.

Ce mouvement est animé par Marcel Chéreil de la Rivière, un aristocrate très proche de Jean-Marie Le Pen. Il fut candidat F.N lors d'élections cantonales et soutint le tribun de l'extrême droite, lors des élections présidentielles. Mais les propos tenus par le prince Alphonse de Bourbon au magazine « Newmen » ne seront pas acceptés par le président de

« France et Royauté ». Le prince déclarait qu'il fallait respecter les droits de l'immigrant et souhaitait que les immigrés puissent s'intégrer à la société française. Le fait que

30 SACLIER de la BATIE, G, "Notre combat", La Gazette

Royale, Janvier- Février 1989, n30

31 LAURENT,P.M., "A l'aube du Bicentenaire de la révolution.

Le recours", La Gazette royale, Novembre-

Décembre,1988, n29

Page 22: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

19

l'aîné des Bourbons ne condamne pas l'immigration et qu'il fasse des déclarations à un magazine érotique lui faisait perdre toute légitimité. C'est en tout cas le raisonnement que tient M.

Chéreil de la Rivière. « Une nouvelle loi fondamentale (de dévolution de la couronne) est née: «pour être légitime, le roi doit penser comme il faut». Exception faite des providentialistes purs, qui attendent le choix de Dieu, et des survivantistes, qui cherchent une éventuelle descendance de Louis XVII; tous les royalistes,

qu'ils fussent partisans d'un Orléans ou d'un Bourbon d'Espagne, semblaient d'accord sur le contenu des règles de dévolution de la Couronne. La querelle ne portait que sur l'existence ou la non-existence d'un «vice de pérégrénité», c'est-à-dire sur l'éventuelle influence de la nationalité du prince sur sa capacité théorique à régner. Aucun royaliste n'avait encore

affirmé que les idées du prince décidaient de sa légitimité. Cela paraissait être une caractéristique essentielle de la monarchie héréditaire, échappant à toute discussion. »

32

Le directeur de la France Monarchiste propose comme prétendant légitime, le prince Sixte Henri de Bourbon Parme qui est un descendant de Louis XIV (mais il est le cadet d'une branche

cadette) et a la nationalité française. En ce sens, ils se coupent du légitimisme qui accordait plus d'importance à la descendance qu'à la nationalité du prince-prétendant. De plus, Sixte Henri de Bourbon Parme « pense bien » puisqu'il fut membre du comité de soutien de J.M. Le Pen.

33

Tout en restant dans cette même filière politique, on retrouve

Jean Louis Damville, correspondant national du Mouvement France et Royauté, qui vient du Front national de la Jeunesse. Ce dernier rappelle les enseignements de Mgr Escriva Balaguer (fondateur de l'Opus Deï)

34 dans la problématique concernant

Mgr Lefèvre. Ceci est-il suffisant pour pouvoir affirmer qu'en matière religieuse, « France et Royauté » ait pris le parti de

l'Opus Deï contre les traditionalistes ? On peut le supposer. Mais nous ne disposons pas d'assez d'éléments pour pouvoir l'affirmer.

32 FLEUTOT,F.M., LOUIS,P, op.- cit., pp 97-98

33 ibid

34 DAMVILLE, J.L., "Déclaration de Foi", La France

monarchiste et légitimiste, août 1988

Page 23: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

20

Le mouvement France et Royauté s'est opposé aux célébrations du Bicentenaire. Arguant du caractère «viscéralement anticatholique» de la Révolution, ils qualifient leurs

adversaires de «fils de persécuteurs et de régicides (qui) s'apprêtent à pavoiser pour leur bicentenaire d'enfer» Ils considèrent aussi que « l'essor économique entamé sous Louis XVI fut brutalement stoppé en 1789 et donna naissance quelques années après, à l'éconocratie et au libéralisme sauvage. (Ils défendent l'ordre corporatif) que l'on a supprimé

pour mieux asservir la classe ouvrière » 35

Ce mouvement se démarque de la violence dont voulaient faire preuve certains royalistes à l'égard du Bicentenaire et invite ses amis « à ne point répondre aux éventuelles provocations antiroyalistes... Nous ne supporterions pas que des royalistes

se comportent en personnes discourtoises et agressives. 1989 n'est pas une année de vengeance, mais plutôt d'espoir...nous pourrons enfin dévoiler certaines vérités sur la Révolution française et le jeu de la démocratie républicaine »

36

En fait, nous pensons que les vérités dévoilées concernent surtout les liens existant entre ces organisations royalistes -à

l'exception de la Nouvelle Action Royaliste- et l'extrême droite. 6. D'autres mouvements royalistes Il existe d'autres mouvements qui n'ont pas une grande audience politique.

L’Association des Amis de la Maison de France fut créée par Stéphane Bern en 1984. Cette association a pour but de faire connaître la famille de France et ses activités auprès des Français et promouvoir la pensée et l'action du comte de Paris. Les adhérents ne souscrivent pas à un programme politique, à la

différence de la N.A.R. mais défendent la légitimité du comte de Paris. L'Association édite un bimestriel; l'Alliance Royale. Il existe des « royalistes mystiques » ou « providentialistes » qui croient au « Règne du Grand Monarque ». Sur base de prophéties, ils pensent que la monarchie de droit divin sera restaurée par la seule volonté de Dieu et

par des moyens qui échappent à toute prévision humaine. Les « survivantistes » croient en la descendance du fils de Louis XVI. La France debout, bulletin royaliste et catholique de Bretagne est un mouvement qui s'est converti au survivantisme.

35 G.F., "Economie", La France Monarchiste et légitimiste,

n 13, février 1989

36 "Vie du mouvement «France et Royauté»", La France

Monarchiste et légitimiste, n13, février 1989

Page 24: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

21

Pour des mouvements plus locaux, la question de choix de prétendants n'est pas primordiale. L'amitié les rapproche dans la défense de la monarchie.

Le Cercle d'Aguesseau rassemble à Limoges des royalistes qui veulent dépasser les habituelles divisions. Les mêmes responsables éditent une revue: Légiste, qui, elle, est orléaniste. À Tours, fut créée l'Union royaliste de Touraine qui édite l'Action Royaliste du Centre-Ouest. Ce mouvement n'a aucune attache avec des mouvements nationaux. C'est ce qu'on appelle une « Communauté militante ». À Grenoble, les royalistes

se retrouvent autour de la Chronique dauphinoise. Ils défendent une tradition royaliste ouverte sur le monde moderne. Parmi ceux-ci, on retrouve un gynécologue qui pratique l' I.V.G., mais il avoue lui- même ne pas être accepté par les autres royalistes. Il existe aussi l'Union des sections royalistes de Lorraine qui

a son siège à Nancy. Cette union a rallié la Restauration Nationale. L'association Vendée Militaire fut créée en 1976 et est animée par Lambert de la Douasnerie qui veut sauver de l'oubli et de l'indifférence le souvenir des guerres de Vendée et la Chouannerie. Il édite la revue Savoir qui est patronnée par

Sixte Henry de Bourbon-Parme. C. PPoorrttrraaiitt ssoocciiooppoolliittiiqquuee ddeess RRooyyaalliisstteess

37

La confusion Royaliste-Noble semble n'être qu'une idée reçue, seuls dix pour cent des répondants sont nobles. L'éparpillement

régional est total. Il n'y a pas de réponses significatives quant à savoir s'ils sont plus nombreux à la campagne ou dans les villes. Concernant l'échelle d'âges, il n'y a pas surreprésentation d'une génération. Les royalistes semblent faire partie des classes sociales

élevées; vingt-huit pour cent exercent une profession libérale ou sont cadres supérieurs. Dix-sept pour cent appartiennent à -ce qu'ils appellent- « la classe intellectuelle » c'est-à-dire: les enseignants, chercheurs, écrivains, artistes. À cela s'ajoutent treize pour cent d'étudiants. De manière plus globale, cinquante-huit pour cent des royalistes font ou

ont fait des études supérieures. Ils lisent (nonante pour cent d'entre eux) plus de dix livres par an et de préférence des livres historiques. Septante pour cent achètent régulièrement un quotidien et soixante-huit pour cent lisent des magazines. L'enquête ne dit rien des titres des quotidiens et magazines lus par ces derniers.

En matière religieuse, quatre-vingt-cinq pour cent se déclarent catholiques, trente-neuf pour cent précisant catho-

37 Les informations qui vont suivre sont extraites de:

FLEUTOT,F.M., LOUIS,P., op.-cit., pp 239-243. Cette enquête est

basée sur 1542 réponses d'un questionnaire. Celui-ci contenait 115 questions et a été diffusé à plus de 7000 exemplaires par différentes organisations royalistes. Ce portrait s'attache aux individus et non aux différents mouvements politiques.

Page 25: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

22

liques-traditionalistes. Ces réponses ont été formulées avant le schisme de Mgr Lefèvre. Seulement sept pour cent des royalistes interrogés s'affirment agnostiques ou athées.

L'enquête révèle que quatre pour cent de royalistes sont protestants. Ce qui fait dire aux auteurs qu'ils sont « les héritiers d'une tradition souvent méconnue ». Comment vivent-ils leur royalisme ? Ils appliquent en quelque sorte un des principes de la monarchie à savoir, la continuité,

puisque trente-sept pour cent reconnaissent qu'il y avait déjà des royalistes dans leur famille. Quelques signes extérieurs les distinguent. Trente-huit pour cent possèdent un portrait de leur prétendant à domicile, vingt-huit pour cent portent une fleur de lys à la boutonnière, une cravate ou un noeud fleurdelysé.

Seulement dix-huit pour cent adhèrent aux partis politiques. Six pour cent choisissent le Front National et cinq pour cent les partis de la Droite parlementaire (RPR ou UDF). Signalons que quatre pour cent choisissent le PS ou le MRG et deux pour cent ont rejoint la mouvance écologique.

38 Pour cette dernière

possibilité, on peut la mettre en rapport avec la volonté de retour aux traditions. Certes, l'écologisme ne se résume pas à

cette dimension. Les royalistes sont dix-sept pour cent à se syndiquer. En 1988, en France le taux de syndicalisation était de quatorze pour cent. La syndicalisation des royalistes se répartit de la façon suivante: la C.G.C (Confédération Générale des Cadres)

39

l'emporte devant la CFTC (Confédération Française des

Travailleurs Chrétiens), la CFDT (Confédération Française Démocratique du Travail) et FO (Force Ouvrière). En matière de questions de société ou plus généralement les questions morales, il n'y a que quarante-neuf pour cent des royalistes favorables à l'usage de contraceptifs et seulement

treize pour cent à accepter la liberté de l'avortement. Signalons que les réponses féminines à ces questions font augmenter les pourcentages cités ci-dessus. Nous comparons ces chiffres avec deux autres types de réponses. Premièrement, cinquante pour cent de catholiques (mais vingt-cinq pour cent de catholiques pratiquants acceptent l'avortement.

40 Il semble que les royalistes aient, pour ces

questions, une conception plus restrictive des problèmes. L'influence de l'intégrisme religieux, de la droite ultra de l'Église catholique sur les royalistes permet sans doute d'expliquer leurs conceptions.

38 Rappelons que ces chiffres concernent les adhésions aux

partis politiques. Ils ne disent rien sur la manière de voter des royalistes dans leur ensemble.

39 Ceci confirme les chiffres cités ci-dessus qui

indiquaient la présence des royalistes dans les classes sociales élevées. Ce chiffre ne fait qu'affiner le profil des royalistes.

40 Chiffres issus d'un Sondage Sofres-Le Monde de septembre

1986 sur base d'un échantillon de 1500 personnes de 18 ans et plus.

Page 26: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

23

Concernant la peine de mort, trente-six pour cent des royalistes interrogés sont « résolument opposés ».

41 En

comparaison, soixante pour cent de Français pensent que la peine

de mort serait une mesure efficace pour faire diminuer l'insécurité.

42

Soixante-sept pour cent des royalistes sont favorables à une France multiconfessionnelle et soixante-cinq pour cent acceptent une France multiraciale. Cela tranche avec les discours sectaires et d'exclusion prononcée par certains.

Les auteurs ont voulu savoir quel type de monarchie, les royalistes souhaitaient. Soixante-cinq pour cent des royalistes sont pour une «démocratie sous l'autorité du roi». De manière plus précise, soixante-quatre pour cent sont favorables à l'existence des partis politiques.

C. LLeess mmaanniiffeessttaattiioonnss rrooyyaalliisstteess Ces dernières ne furent pas nombreuses. Si l'on excepte l'intrusion violente dans une salle de spectacle, les apparitions des royalistes n'ont pas mis en danger le bon déroulement des cérémonies ni les fondements de la République.

Signalons qu'elles rassemblèrent aussi beaucoup de contre-révolutionnaires et de sympathisants de l'extrême droite. Le 21 janvier 1989, ils célébrèrent le 196e anniversaire de la mort de Louis XVI, mais, ils étaient divisés et dispersés. Certains se sont retrouvés à la salle de la Mutualité à

l'appel du Comité Anti-89. Il s'agit d'un regroupement d'asso-ciations contre-révolutionnaires où se retrouve une partie des royalistes. « Dans le ciel de la Contre-Révolution, la religion donne la main au nationalisme.. Rassemblés pour dénoncer «l'imposture» de

1789, ils accusent en bloc «le manque de vertu» du monde moderne et «l'invasion immigrée» qui menace d'asphyxier la terre de France. Le sentiment d'appartenir à une même famille persécutée par la «trilatérale franc-maçonne» et les «lobbies sionistes» gomme bien les différences. Des prélats intégristes aux longues

soutanes noires déambulent à travers la foule, rappelant par leur présence que le combat contre la célébration du Bicente-naire est avant tout une lutte en faveur de la religion tradi-tionnelle. La Révolution offre aux intégristes des martyrs dont l'interminable inventaire ponctue les discours à la façon d'une litanie. La Déclaration des Droits de l'homme, qualifiée de

41 Les chiffres avancés par les auteurs ne sont pas clairs.

Y a-t-il 70 % de royalistes qui soient résolument contre la peine de mort?

42 D'après un sondage de la Sofrès réalisé en novembre 1984.

Signalons que les questions ne portaient pas directement sur le

rétablissement de la peine de mort. Ces chiffres sont aussi à replacer dans le climat d'attentats qu'a connu la France pendant le début des années quatre-vingt. Ces chiffres sont néanmoins des indications.

Page 27: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

24

«fausse», figure en bonne place sur le cahier des doléances de cette journée. Cette soumission aux volontés du Christ n'est cependant pas la seule préoccupation des participants. S'ils

acceptent volontiers leurs devoirs religieux, ceux-ci n'enten-dent pas se priver de leur droit à la contestation, voire à l'anathème. On annonce publiquement la prochaine commémoration du 6 février 1934 (tentative de putsch organisée par les ligues fascistes). On se réjouit de la disparition des deux premiers Présidents de la Mission Nationale du Bicentenaire. On parle à la tribune, de la «démocratie sans âme et sans souffle» (qui)

est condamnée pendant le grand banquet au cours duquel certains portent des toasts à la mémoire du maréchal Pétain, tandis que d'autres boivent à la santé du roi » .

43

Les militants du Parti nationaliste français et européen (PNFE), groupe néo-nazi, côtoyaient les disciples de la Frater-

nité Saint-Pie X de Mgr Lefèvre.Les militants de « L'oeuvre Française », animée par Pierre Sidos, participaient à cette manifestation comme ceux du Mouvement Chouan où rock n'roll et royalisme vont de pair. Le 20 janvier, les légitimistes se sont retrouvés à Saint-Denis. À l'issue d'une messe en latin, le duc de Cadix est allé

se recueillir un instant sur la tombe de Louis XVI. Le 22 janvier, tous ces fervents se sont retrouvés aux alentours de la Chapelle expiatoire, square Louis XVI.Celle-ci fut bâtie sur l'emplacement du cimetière où le roi fut inhumé initialement. Les partisans de Sixte Henri de Bourbon Parme étaient regroupés autour de « France et Royauté ». Ces derniers avaient

aussi participé aux réunions de l'Anti-89. Venant de la chapelle expiatoire -où ils n'ont pu entrer- ils défilèrent vers la Concorde où ils déposèrent une gerbe de lys. La famille d'Orléans fut beaucoup plus discrète, seul le comte de Clermont accompagné de son épouse et de quelques amis

prièrent en l'abbaye du Temple, en région parisienne. Le comte de Paris n'assiste jamais aux messes du 21 janvier. La disparition quelques jours plus tard du duc de Cadix fit perdre au courant légitimiste beaucoup d'énergie. D'autant que son fils, encore jeune, n'a pas encore manifesté d'intérêt pour cet hypothétique trône.

Les royalistes d'obédience légitimiste ou parmiste ont continué à organiser dans plusieurs villes des messes pour «réparer la Révolution». Ils se sont manifestés au mois d'août 1989 lors de l'Assomption. Cette fête religieuse devait être la «grande journée de réparation des crimes de la Révolution». Ce devait être le point d'orgue des «croisés contre-

révolutionnaires». Ils n'étaient pas un million, comme les organisateurs de l'Anti 89 l'avaient espéré lors de la présenta-tion de leur projet en 1987. Ils n'étaient pas 500.000, chiffre avançé quelques semaines avant la cérémonie. Ils étaient plusieurs dizaines de milliers à s'être donné

43 REROLLE, Raphaëlle, "Les différentes familles de

l'extrême droite ont participé à la «grande journée anti-89»", Le Monde, 24/01/1989

Page 28: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

25

rendez-vous à la place du Louvre à Paris. Cette célébration était orchestrée par les disciples de Mgr Lefèvre. La position schismatique de ce dernier, peut expliquer, en partie, le peu de

succès rencontré par les organisateurs. Il s'agissait principalement de catholiques intégristes français, mais aussi espagnols et belges. Certains royalistes étaient présents. Les orléanistes ne participaient pas à ces cérémonies. Le seul représentant de la famille Capétienne était le Prince Sixte Henri de Bourbon Parme (dont nous parlerons plus loin).

Avec la disparition du duc de Cadix, il pourrait bien devenir le prétendant des légitimistes qui sont loin d'être unis. Certes, ils étaient plus nombreux qu'en janvier, mais nombreux aussi, étaient ces « touristes japono-italo-allemands ravis d'assister à une manifestation de chants folkloriques sans

avoir eu à réserver les places » 44

D. LLeess pprréétteennddaannttss Nous avons délibérément choisi de nous en tenir aux deux principaux descendants d'Hugues Capet. Nous sommes conscients

qu'il s'agit d'un choix subjectif. Nous pensons que ces deux personnalités ont un intérêt politique et parfois historique plus important que « d'autres prétendants ».

45 Cependant, deux

autres figures, le comte de Clermont, Sixte-Henri de Bourbon-Parme pourraient aussi marquer le devenir politique du royalisme français. Ils feront l'objet d'une plus courte analyse.

Un court rappel historique nous paraît nécessaire. 46

Le comte de Paris (Henry d'Orléans) est le descendant de Louis-Philippe 1er qui fut le dernier roi des Français. Ce dernier descend de Philippe 1er qui fut le frère de Louis XIV. Le duc de Cadix (Don Alfonso de Bourbon-Dampierre) est le descendant en ligne directe de Louis XIV par son petit-fils, le roi

Philippe V d'Espagne. Il est l'aîné des Bourbons. Un conflit existe entre les deux familles. Depuis le Traité d'Utrecht où Philippe V abandonne ses prétentions au trône de France les Bourbons-Orléans revendiquent l' héritage de la monarchie française. Cette analyse n'est pas partagée par le duc de Cadix et ses partisans légitimistes. Il se veut le successeur

légitime de Saint-Louis et arbore les « armes pleines de la Maison de France » à savoir : « trois fleurs de lys d'or, sur champ d'azur ». Ses partisans affirment que la couronne se transmet par ordre d'aînesse, de mâle en mâle appartenant à une même branche. Par conséquent, ils pensent que Louis Philippe fut un usurpateur. Ils répondent à l'argument du Traité d'Utrecht

44 REYNAERT, F., "Intégristes ASSOMPTION: LE FLOP DES ANTI

89", Libération, 16 août 1990

45 Pour plus de détails à propos des "autres prétendants"

cf. "Descendants des anciens souverains français", QUID 1991, pp 614-618, 1991, Robert Laffont,Paris ainsi que de WARREN, R., Les

prétendants au trône de France, Col. Mémorables L'Herne, Paris, 1990

46 Voir le schéma dynastique en annexe.

Page 29: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

26

que les règles de l'ordre successoral, lois fondamentales du Royaume, l'emportent sur la nationalité du prince capétien héritier. Selon cette logique, celui qui reçoit la couronne ne

peut y renoncer. Sans vouloir trancher entre ces deux thèses, nous devons constater qu'en 1830, il y a eu transmission de la couronne au profit des Bourbons-Orléans. La volonté politique de l'époque en a décidé ainsi. Pour notre part, nous nous sommes intéressés à la vie politique des deux principaux héritiers de Louis Capet.

1. Le duc de Cadix a. Généralités

Sa vie politique fut, d'abord, liée à l'histoire espagnole. Jusqu'en 1969, ce licencié en droit travailla dans le monde de la banque et de la finance. Franco trouva que c'était indigne d'un prince royal. Le général le recommanda pour qu'il entre à la Banco Extérior (banque d'État.). Il fut vice-président de la Chambre de commerce italienne en Espagne.

Il fut ambassadeur d'Espagne à Stockholm de 1969 à 1972. Il épousa le 8 mars 1972 la petite-fille du Général Franco dont il divorça. Le mariage sera annulé par le Vatican en 1986. En novembre 1972, Franco l'autorise à porter le titre de duc de Cadix. Il était qualifié d'Altesse Royale. Le duc de Cadix logea auprès du chef de l'État franquiste. Il eut l'occasion de le rencontrer et, à plusieurs reprises, de s'entretenir avec lui.

Il succéda à son père en 1975 et prit le titre de duc d'Anjou. Nous devons cependant rappeler, que son père, Dom Jaime duc de Ségovie, devenu sourd et muet renonça à ses droits en 1933. Ceci fut confirmé en juillet 1945 et en juin 1949. Mais en décembre 1949, Dom Jaime déclare revenir sur sa renonciation.En 1963, il

se proclamera chef de la Toison d'Or. Le duc de Cadix occupa la présidence de l'Institut de la culture hispanique. Ce poste fut spécialement créé pour lui par le Général Franco qui y voyait un intérêt politique évident. Il avait rang de Sous-Secrétaire d'État. Son Institut dépendait directement du Ministère des Affaires étrangères. Un prince

d'Espagne, de plus l'aîné des Bourbons au service du franquisme avait un intérêt politique. Il fut en relation avec l'Amérique centrale et particulièrement avec le général Omar Torijos du Panama. En 1978, il fut relevé de ses fonctions.

47

Bien qu'officiellement, il ne fit aucune opposition à l'accession au trône de Juan Carlos, il faut cependant constater que « dans la famille de Franco, le prince d'Espagne (Juan Carlos) est loin d'être aimé, et le mariage du duc de Cadix avec la petite-fille de Franco a animé les espoirs d'une dynastie

47 "Descendance des Capétiens. Le duc d'Anjou. Chef de la

Maison Bourbon", p 615 et "Espagne. Famille royale", p 951, QUID 1991, Robert Laffont, 1991

Page 30: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

27

nouvelle de Bourbon-Franco »48. Cette possibilité était aussi

partagée par les responsables de la Phalange. Finalement, il n'en fut rien.

De 1974 à 84, il fut Président de la Fédération espagnole de ski. En 1984, il sera élu Président du Comité Olympique Espagnol. b. Son attitude à l'égard du Bicentenaire

Sa disparition accidentelle, le 30 janvier 1990, ne permet pas de connaître avec précision quelle aurait été son attitude durant le Bicentenaire. Néanmoins, certains écrits et déclarations permettent d'en savoir plus. Cependant, cette disparition a privé le mouvement légitimiste d'un catalyseur

important. Il disposait d'un Institut de la Maison Bourbon dont il avait la présidence d'honneur. Celui-ci était présidé par le duc de Bauffremont. Un organisme politique lui était favorable, l'Union des Cercles Légitimistes de France déjà évoqué. D'autre part, il a reçu la présidence d'honneur du Mémorial de France à Saint-

Denis. En 1972, lors de son premier voyage en Vendée, haut lieu de la contre-révolution, le ton est donné, « La véritable unité de la Nation française ne se fera que par un retour à la foi de ses ancêtres et à la royauté capétienne... le corps social doit être délivré de toutes ces pollutions mortelles que sont l'étatisme,

le laïcisme, le socialisme, les partis, l'immoralité et l'argent tout puissant »

49

Lors du Millénaire Capétien, il réalise un véritable Tour de France (Saint-Denis, Narbonne, château de Saumur, Pau, château de Béthune, Béziers, cathédrale de Lyon, Nantes, École militaire

de Sorèze, la Vendée et Reims...) Il ne fut pas invité à toutes les manifestations célébrant le Millénaire. Là où il le fut, sa présence suscita l'opposition des Orléanistes. Le Premier Ministre de l'époque, Jacques Chirac, n'accepta pas qu'un « prince étranger » soit associé à une « manifestation nationale française ».

Le descendant en ligne directe de Louis XIV préfère célébrer le quadricentenaire de l'avènement d'Henri IV qui a su « réconcilier les Français, catholiques ou protestants, panser les plaies d'une épouvantable guerre civile, réduire les factions, redonner la paix religieuse, restaurer l'État et le pouvoir royal...et redonner à la France...les moyens de son rayonnement international »

50. Cette célébration, selon son vœu,

aurait dû être l'occasion de rassembler tous les Français

48 BERN,S, L'Europe des rois, p 440, Paris, 1988

49 Déclaration du duc de Cadix à l'occasion de son voyage

dans les "provinces de l'ouest, au Mont des Alouettes, le 19

novembre 1972

50 Allocution du duc d'Anjou prononcée à l'Institut de la

Maison Bourbon à Paris le 22 janvier 1989.

Page 31: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

28

évitant toute division. Sa présence suscita l'opposition des Orléanistes.

Il considère la célébration du Bicentenaire comme la fête d'une victoire d'une partie de la nation sur l'autre et ne peut s'y joindre. « Mais si la célébration du Bicentenaire a pour résultat de dresser un bilan sans complaisance de la Révolution, de faire litière de tous les mensonges apologétiques accumulés depuis deux siècles, de faire le ménage dans les écuries d'Augias jacobines, alors j'approuverai, car c'est autour de la

vérité que les Français pourront réaliser une nouvelle unité, et certes pas autour d'un mensonge, même entretenu. Je constate que dans beaucoup de livres qui paraissent sur la Révolution depuis quelque temps, le bilan de cette période tragique de notre histoire est globalement négatif ».

« En abolissant la monarchie millénaire, la Révolution a aussi et d'abord voulu abolir la royauté de Dieu sur la société française...On célèbre aussi les Droits de l'homme, mais que d'efforts ne faut-il pas faire pour qu'ils soient respectés dans notre monde? Les Droits de l'homme sans Dieu se sont révélés comme une catastrophe »

51

Le prince va même plus loin en affirmant que « Lénine Staline,

Hitler, Mao, Pol Pot, Castro et autres ne sont que les fils des Danton, Robespierre, Saint Just, Marat, Turreau, Carrier ».

52 Le

duc de Cadix est un prétendant militant. Il ne se place pas au-dessus des partis. Il a choisi, le sien, celui des intégristes légitimistes. Tout en affirmant vouloir la vérité historique et ainsi unir, il s'est enfermé dans un traditionalisme intolérant.

Celui qui fut l'Ambassadeur de l'Espagne franquiste et considéré comme successeur possible de Franco préfère les commémorations religieuses qu'elles soient fidèles à Rome ou à Mgr Lefèvre.

2 Le comte de Paris a. Généralités En 1932, le comte de Paris prend la direction des activités politiques de la Maison de France. Le secrétariat politique est ouvert à Bruxelles. Il se dotera -plus tard- d'un Centre d'Etude

Sociale. D'autre part, un bureau sera ouvert à Paris. Un réseau indépendant de l'Action Française se structure.

51 DEM, M, Le Duc d'Anjou m'a dit, Paris, Perrin, pp 150-151

Ce livre a été publié après la disparition du prince. Ce dernier était au courant de la rédaction de l'ouvrage. Selon l'auteur, le prince y avait

apporté certaines modifications. Cependant pour des "raisons politiques,

familiales et juridiques" non précisées par l'auteur ("au pays des

royalistes", on aime s'entourer de mystères) ces textes ne sont pas publiés

sous la signature du Duc d'Anjou. C'est en accord avec la mère du prince et de

l'Institut de la Maison Bourbon qu'ils sont publiés sous la signature et sous

la responsabilité de M. Dem. Cela permettra à certains de douter de

l'authenticité de certains faits relatés. Pour ma part, je pense que l'on peut

tirer de ce livre certaines précisions sur la pensée politique du prince. Cela

explique les différentes citations auxquelles je me réfère.

52 ibid

Page 32: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

29

Il fonde en 1934 la revue d'Information Question du Jour. Celle-ci parut jusqu'en avril 1936 date de sa fusion avec

Courrier Royal. Celui-ci porte en manchette: La Monarchie n'est pas un parti. Une campagne d'affichage fut lancée à travers l'hexagone avec comme slogan: Une Famille au service de la France. En 1936, il publie un livre « Essai sur le gouvernement de demain ». L'année suivante, un second ouvrage sort en librairie; « Le Prolétariat ».

Il défend une monarchie humaine et soucieuse de justice sociale non liée au nationalisme intégral ni à l'antisémitisme de l'A.F. En octobre 1938, il entre clandestinement en France et dénonce publiquement les accords de Munich. Lorsque la guerre est déclarée, il demande à être incorporé dans l'Armée Française. La République refuse, mais il sera chargé de

plusieurs missions auprès de plusieurs Cours d'Europe. En juin 1940, il s'engage dans la Légion étrangère sous le pseudonyme de Robert Orliac. Il fut démobilisé fin juillet. Son père décède le 25 août 1940. Il devient le chef de la Famille de France. Il s'installe près de Rabat au Maroc. En août 1942, il va à Vichy pour connaître les intentions de Pétain dans

l'hypothèse d'un débarquement anglo-américain en Afrique du Nord. « Le comte de Paris tout un temps, va se montrer favorable à une sorte de recueillement autour du Maréchal Pétain. Cela n'ira pas au-delà de l'été 1942 ».

53 En novembre 1942, il

assiste au débarquement. On imputa l'assassinat de l'amiral Darlan au comte de Paris ou même à De Gaulle bien que rien ne fut prouvé. À la fin de la guerre, le comte de Paris s'établit

en Espagne puis au Portugal. À la libération, il crée à Paris un cercle de réflexion et d'information monarchique: le Centre d'Étude et de Documentation. En octobre 1946, sous la directive du comte de Paris, les Comités monarchistes furent fondés.

54 En mai 1947, le

prince crée un hebdomadaire: « Ici France » qui va dans le prolongement des activités du Centre d'Étude. Celui-ci sera publié jusqu'en 1948. Entre-temps, en novembre 1947, les Comités monarchistes furent dissous. La constitution d'un mouvement politique important autour du prince échoue. Il annonce la fin de toute propagande royaliste organisée autour de sa famille. Toute cette structure était liée à Pierre Delongraye - Montier

qui représentait le comte de Paris en France.

53 VALYNSEELE, J., Les prétendants aux trônes d'Europe,

p 201, Paris, 1967

54 "On y retrouve mentionnés: le Mouvement Socialiste

Monarchiste, le Mouvement Traditionaliste, le Mouvement National-Royaliste Démocratique, et divers radicaux Royalistes, Chrétiens Royalistes, Paysans Royalistes. En organisant les Comités Monarchistes, le comte de Paris souhaitait sans doute éviter tout risque de cacophonie et réaffirmer son autorité sur l'ensemble des royalistes" PIERRAN, P, "Un moment de l'histoire du royalisme. le Congrès de

1947", Lys Rouge, n39, décembre 1988, p 16. Signalons qu'il s'agit de la revue trimestrielle d'études et de débats de la Nouvelle Action

Royaliste (déjà évoqué plus haut) Ce numéro publie une reproduction du

Bulletin d'Information de ces Comités Monarchistes voulus par le prince.

Page 33: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

30

En mai 1947, paraît un nouveau livre: « Entre Français » qui analysent la situation intérieure de la France. Signalons ces

quelques mots concernant les communistes: « Pourquoi s'obstiner à ne pas voir dans le marxisme et surtout le communisme moscoutaire...un effort immense pour repenser et reconstruire l'humanité que de mauvais chrétiens conduisaient vers sa perdition ? »

55 À propos de cette époque, il écrit,

rétrospectivement,". Mon propos continuait de s'inscrire dans l'esprit de la démocratie chrétienne. J'inclinais en faveur d'un

centre étayé par les socialistes et les radicaux » 56

Le 24 janvier 1948, il décida la création du « Bulletin mensuel d'information du bureau politique de Mgr le Comte de Paris » tiré à 70.000 exemplaires. La diffusion de ce Bulletin fut ciblée: les membres des grands corps de l'État,

syndicalistes, prêtres, rabbins, pasteurs... Les destinataires étaient choisis par le comte de Paris. Selon les propos du Chef de la Maison de France, ce bulletin servit à préparer et à faciliter son retour. Le Bulletin cessa toute activité le 18 juin 1967. En juin 1950, la loi d'exil est abrogée.

57 La famille

s'installe à Louveciennes près de Paris. Il va visiter méthodiquement chaque Département français. Il se rendra dans l'Union Française en A.O.F. et en A.E.F. (c'est-à-dire l'empire colonial de la France) Il sera invité à de nombreuses cérémonies officielles. Il recevra, lui-même, plusieurs hauts responsables de la République. Les mercredis furent consacrés aux audiences du public. La presse française « couvrira » l'actualité de la

Maison. En décembre 1953, il se déclare prêt à accepter des responsabilités actives dans le cadre du régime républicain. Il accepterait des responsabilités gouvernementales « à condition (qu'il) puisse compter sur la collaboration de toutes

les familles spirituelles françaises. » 58 Mais il ne souhaite

pas occuper le poste de Président de la République. Le 13 mai 1958, le comte de Paris va prendre fait et cause pour le Général de Gaulle. Il va soutenir son projet de constitution. Le Prince approuve l'élection au suffrage universel du Président de la République. Les deux hommes auront

des relations privilégiées. Il soutiendra le Général de Gaulle dès son arrivée au pouvoir. Ses Mémoires d'exil le prouveront,

55 Propos cités par VALYNSELE, J., op.-cit, p 205

56 HENRI COMTE DE PARIS, Mémoire d'exil et de combats,

p 231, 1979

57 Elle fut votée en 1886. Elle s'appliqua seulement aux

Bourbons Orléans et aux Bonaparte. C'est Paul Hutin-Desgrées, MRP, qui fit la proposition de la supprimer. 314 voix ont accepté le retour (MRP, Radicaux, diverses formations du centre et de droite) Il y eut 179 votes opposés au retour (communistes

et apparentés). Les socialistes se sont abstenus.

58 "Henri, comte de Paris intervient", L'Express,

26/12/1953, n32, p12

Page 34: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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il entame avec de Gaulle une réflexion. Le comte de Paris rencontrera très souvent le Général. Ces rencontres se firent le soir, « lorsque l'Élysée n'est plus que le palais du monarque,

hors des oreilles et des yeux indiscrets. Nos entretiens ont toujours eu la couleur du soir »

59

Une question se pose. De Gaulle a-t-il pensé au comte de Paris comme son successeur ? Nous devons apporter certaines précisions à ce propos. Tous les témoignages concernant cette éventualité sont issus du comte de Paris ou de royalistes convaincus. À

notre connaissance, il existe très peu de travaux scientifiques sur la possible succession royale du Général. Mais certains éléments peuvent laisser croire à l'existence de préparatifs à cette succession. Parmi les témoignages les plus importants, il faut citer celui de Philippe de Saint-Robert.

Nous avons repris les éléments principaux de celui-ci. Après le référendum portant sur l'élection du Président de la République au suffrage universel (octobre 1962), le Général De Gaulle déclara au prince qu'il avait trois ans pour se préparer. Certains affirment que dès décembre 1961, cette éventualité avait déjà été examinée. Certaines déclarations du Général furent analysées comme allant dans ce sens.

« Quand je ne serai plus là, il faudra un chef de l'État en dehors des partis et qui ne soit pas lié à une majorité parlementaire. Il faudra qu'il puisse donner les grandes options, être un arbitre, mais surtout exprimer les grandes orientations"

60. Était-ce le comte de Paris qui se cachait

derrière ce portrait ? Ces déclarations visaient-elles à entretenir le doute sur les réelles intentions du Chef d'État

français ? Aucune réponse affirmative, allant dans un sens ou dans l'autre, ne peut, à notre avis, être formulée. L'attribution de la présidence de la Croix-Rouge au comte de Paris fut évoquée. Ceci aurait facilité l'implication plus directe du prince dans la vie politique française. Mais le

général ne mit pas beaucoup d'ardeur à réaliser ce projet. Sous l'action du président sortant, André-François Poncet, le projet échoua. À cette époque et selon le comte de Paris, le général « n'envisageait pas de se représenter en 1965. Il s'estimait âgé et fatigué. Son intention était de finir son septennat puis de me laisser jouer. Jamais il ne s'était exprimé sur ce sujet avec une telle netteté »

61

À en croire B.Renouvin,

62 un groupe de personnalités ont

participé à cette préparation à savoir; Edmond Michelet (alors membre du gouvernement) Michel Herson (secrétaire général adjoint de l'UDR) Philippe de Saint-Robert et Pierre Delongraye-Montier (secrétaire du comte de Paris). Selon Michel Herson, certains gaullistes étaient attachés à un prolongement

59 HENRI COMTE DE PARIS, op.-cit., p 298

60 Propos repris par PASSERON, André, De Gaulle parle, 1962

et cité par de SAINT ROBERT, op. cit., p 53

61 HENRI COMTE DE PARIS, Mémoire d'exil et de combats,

p 292, Paris, 1979

62 RENOUVIN, B, La République au roi dormant, p 153

Page 35: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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monarchique, comme le sénateur Jean-Louis Vigier et le député René Hostache.

63 D'autres auraient exprimé leur sympathie à ce

projet. Les noms de Maurice Schumann, Louis Terrenoire et

Raymond Jacquet furent cités. Cette possibilité de succession royale attira l'attention de L'Express. Le 23 mai 1963, Jean Ferniot consacra une double page à analyser les liens existant entre le comte de Paris et le Général. Dans cette « longue et méticuleuse analyse historique et institutionnelle (il souligna les) constants propos du

général de Gaulle, ses affinités politiques avec le comte de Paris en dépit de la prudence de celui-ci pendant la guerre, la suppression dans la Constitution de 1958 de l'article interdisant aux membres des familles ayant régné sur la France d'être éligibles à la présidence de la République, mais aussi le maintien, par l'article 89, de l'intangibilité de la forme

républicaine du gouvernement »64. Cet article suscita des

réactions de l'appareil gaulliste affirmant que le comte de Paris n'était pas le dauphin du général. En 1965, le Général se représenta. Il fut mis en ballottage, mais néanmoins réélu. Sa légitimité perdit en qualité. Pour le prince, « désormais, il cessait d'être l'arbitre pour devenir le

chef d'une majorité. À mes yeux, tout était, radicalement changé...Si j'avais, un temps, sérieusement envisagé de tenter ma chance devant les Français, pour succéder au général de Gaulle, il n'en était de toute façon plus question. Je n'aurai jamais la vocation de diriger une majorité »

65

Cette phrase est, à notre avis, révélatrice de l'éventualité de la succession à De Gaulle. Nous pensons que l'héritier des

Orléans ne souhaitait pas diriger la France en devant tenir compte d'une majorité parlementaire. Le 20 janvier 1966, le comte rencontre le Général à l'Élysée. Ce dernier évoqua la candidature du prince. Il se demanda si les Français pourraient séparer sa candidature d'un vote contre la

République. Ce à quoi, le prince répondit qu'il n'espérait pas une restauration monarchique. Le général évoqua la possibilité pour le prince d'être candidat à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Le prince récusa cette éventualité. Le Chef de l'État lui conseilla de voyager au Canada et en Afrique et de communiquer avec les Français. Henri d'Orléans comprit qu'il n'avait plus rien à attendre du Président.

Cependant, en août 1966, il fit parvenir au Chef de l'État, un long Mémoire sur la situation de la France et des institutions. Ils en discutèrent en octobre de la même année. Le prince lui annonça qu'avant les prochaines élections, il préciserait publiquement sa position et rassemblerait ceux qui s'inquiétaient de la situation de la France. Le comte de Paris

lui confia qu'il allait organiser des enquêtes et sondages pour déterminer les préoccupations des Français. Le coordinateur de cette étude allait être Maurice Schumann. Le Général marqua son accord sur le nom.

63 cf Le Figaro Magazine, 21avril 1979 et Royaliste, n309

64 de SAINT-ROBERT, op.-cit., pp 88-89

65 HENRI COMTE DE PARIS, op.-cit., p 304

Page 36: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

33

La rupture de la communauté d'esprit entre les deux hommes se fit en janvier 1967 lors de la campagne électorale.

René Rémond évoque l'affirmation selon laquelle, Charles de Gaulle, aurait restauré une monarchie à qui ne manquerait plus que le nom pour couronner le retour aux institutions traditionnelles. Il ne partage pas cette affirmation qui impliquerait la proximité politique entre le gaullisme et la pensée maurassienne.

« On tire aussi argument, dit le professeur de Sciences Politiques, des égards que le Général de Gaulle témoigna à maintes reprises à la personne du comte de Paris, de l'hommage qu'il rendit à travers lui à la maison de France et de la conviction que le prétendant en retira que le président de la Ve

République aurait songé au descendant des quarante rois qui firent la France comme successeur possible. Pour séduisantes qu'elles soient ces analogies ne touchent que la surface des choses. La personnalisation du pouvoir est moins significative que son origine: hors sous ce rapport, le Général de Gaulle a toujours professé que le suffrage universel était en notre siècle la seule source de légitimité et le peuple le souverain

véritable. Cette seule acception de la démocratie sépare sans retour le chef de la France libre du maurrassisme »

66

Le débat sur les relations De Gaulle - comte de Paris n'est pas clos. Il mériterait peut-être une étude plus approfondie. Aujourd'hui, le comte de Paris préside la Fondation Saint-

Louis qui s'occupe du patrimoine immobilier de la Maison de France. Il est aussi à la tête de la Fondation Condé qui possède à Chantilly une Maison de Retraite et de Santé. La brochure présentant la Fondation précise que « sur la démarche du Comte de Paris auprès de Monsieur Mitterrand, Président de la République, les anciens bâtiments datant de Louis Philippe ont

été rénovés et transformés en logements sociaux ». L'attitude du comte de Paris à l'égard de la République, et vice-versa, est à mon avis résumée dans cette phrase. b. Son attitude à l'égard du Bicentenaire

Le prince s'est voulu discret pendant ces célébrations. Il a souhaité être présent à certains événements de 1989. C'est ainsi qu'il participa à la célébration du Bicentenaire des Droits de l'homme. Il rappelle que ceux-ci ont été voulus par les États Généraux, puis votés par l'assemblée constituante et finalement signés par le Roi lui-même. Il assista à la reconstitution du cortège des États généraux qui s'est déroulée à Versailles, car,

selon lui, il s'agissait d'un événement rassembleur, porteur d'espérance. Il assista le 16 septembre 1989 au spectacle retraçant la bataille de Valmy. Celle-ci marquait l'arrêt de l'invasion prussienne, mais elle a aussi une autre symbolique, le lendemain de cette victoire militaire, la Royauté était abolie.

Il ne participa à aucune manifestation à la mémoire des

66 REMOND, R., Les droites en France, p 316, Paris, 1982

Page 37: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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victimes de la Terreur (comme les Vendéens). Il n'a jamais participé à la messe pour Louis XVI, les 21 janvier, à la différence de son fils; le comte de Clermont.

67

Par ailleurs, durant l'année du Bicentenaire, le journal Le Monde publia chaque mois dans ses numéros spéciaux intitulés: Le Monde de la Révolution Française une tribune intitulée « Le Roi et moi » et signée par le comte de Paris. Il y évoqua la figure de Louis XVI et rappela qu'avant de se proclamer républicaine, la Révolution s'est faite avec le roi contre le privilège.

Voyons comment il analyse le phénomène révolutionnaire. Le comte de Paris se démarque des doctrinaires de la contre-révolution « qui considèrent les événements de 1789-1793 comme une sorte d'acte de décès de la nation réelle, je ne dénie pas au processus révolutionnaire son caractère authentiquement et

terriblement français... Comme tout événement majeur, la Révolution française est une source inépuisable de questions, qui découragent les condamnations radicales et les célébrations sans réserve. Il faut se souvenir que Louis XVI avait engagé un vaste mouvement de réformes, que les événements de 1789 vinrent

accélérer. Les cahiers de doléances ne sont pas antimonarchiques, mais réclament classiquement une rénovation de la fiscalité et de la justice...Ni la nuit du 4 août, ni la Déclaration des droits de l'homme n'annoncent la chute de la monarchie... Le 14 juillet 1790, la fête de la Fédération renouvelle en effet le pacte entre le roi et le peuple. Le pouvoir royal conserve alors toute sa force symbolique et

affective...Au pacte entre le roi et le peuple, on veut substituer un contrat que le peuple passerait avec lui-même, afin que la société soit fondée en lui et non plus sur une institution extérieure, afin que la société se représente et se gouverne elle-même dans un pouvoir qu'elle se serait enfin approprié. En bonne logique, Louis XVI ne pouvait plus régner ni

exister. » 68

Le comte de Paris pense que la monarchie est morte à cause « d'un relâchement entre elle et le pays ». Il condamne l'écran formé par la Cour, l'inexistence de toute représentation nationale, la conception passéiste et figée de l'organisation politique et sociale. Cependant, il reconnaît au pouvoir royal,

sa volonté de modernisation administrative et le fait qu'il ait été un facteur de développement. Certains verront dans cette analyse, les conceptions de Tocqueville. En 1856, dans son ouvrage L'ancien Régime et la Révolution, il montre que la Révolution n'a été qu'un aboutissement ultime de la politique monarchique d'abaissement de la noblesse, de centralisation administrative, de morcellement de la propriété.

69

67 Nous verrons plus loin les relations entre le comte de

Paris et son fils aîné, le comte de Clermont.

68 COMTE DE PARIS, L'avenir dure longtemps, p 52, Paris,

1987

69 MOURRE, M., "Tocqueville", Dictionnaire d'Histoire

Universelle, vol 2, pp 2143-2144, Edit. Universitaire, Paris et LAMBERTI, J.C., "Tocqueville", pp 175-183, Nouvelle Histoire des idées politiques, Hachette, 1987

Page 38: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

35

Le comte de Paris ne veut pas refaire le procès de la Révolution. « L'événement a eu lieu, il a transformé pendant

plus d'un siècle notre conception du pouvoir et notre représentation de la société. La tragédie de la Révolution, vécue dans la ruine de la justice et du droit, dans la destruction de tant de vies, tient au fait que malgré l'abolition de la monarchie, le socle social ne parvient pas à se constituer autrement : le peuple idéal demeure aussi introuvable que le pouvoir qui devait advenir. Les

révolutionnaires évoluent dans un espace vide, qu'ils n'occupent qu'artificiellement. »

70 Le comte de Paris regrette que le

processus révolutionnaire ait utilisé la Terreur et la guerre pour imposer son message. Ce faisant, le processus divise la France au lieu de l'unir.

À l'occasion du Bicentenaire, il veut unir ce qu'il appelle « les deux France ». Ses présences à certaines cérémonies font partie de cette démarche. Il faut souligner qu'en 1987, la France avait célébré le Millénaire Capétien qualifié de « succès politique » par le prince. Jacques Chirac et la Mairie de Paris consacrèrent à cette célébration une plaquette. « Certes (déclare-t-il) la Royauté qui a donné la France aux Français

n'est plus; mais confusément, l'idée du Royaume vit dans la République. Car dans son identité profonde la France est à la fois République et Royauté ». En avril 1987 à Amiens, on remarqua la présence de François Mitterrand aux côtés du comte de Paris lors d'une des cérémonies. Le prince pense le plus grand bien de l'actuel

Président de la République: « Son sens de l'État, son respect de la loi démocratique ont fait de lui malgré sa fidélité à la vieille tradition républicaine un Chef d'État soucieux du bien commun »

71

Dans l'entretien qu'il nous a accordé, le comte de Paris qualifie de « cordiales » les relations qu'il a avec F.

Mitterrand. » Avec De Gaulle, j'avais été plus loin dans l'analyse. J'avais vraiment infléchi la pensée de De Gaulle pendant les deux ou trois premières années où il était au Pouvoir surtout pendant la période de la guerre d'Algérie. Avec Mitterrand, j'ai infléchi (sa politique ou son attitude) dans certains cas où je lui ai permis de voir clair. (En matière

de politique extérieure) il poursuit sûrement, même certainement, les principes de la Monarchie Française. Au moment où Chirac et d'Estaing étaient associés au Pouvoir, ils n'ont eu aucune grande politique étrangère. Mitterrand a eu le mérite d'être logique et cohérent dans sa position (dans un autre domaine) il a fait avancer l'Europe de

manière prodigieuse, plus que tous les autres avant lui.72

70 COMTE DE PARIS, op.-cit.,pp 145 et 148-151

71 ibid

72 Extrait de l'entretien que l’auteur a eu avec feu le comte de

Paris, le 13 mars 1990 à Chantilly dans son bureau de la Fondation Condé.

Page 39: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Il nous précise aussi qu'il a cherché -par la présence de Mitterrand au Millénaire Capétien et la sienne au Bicentenaire des Droits de l'homme- à « réconcilier l'idée monarchique avec

la France républicaine. Je les ai rapprochés. Ceci étant réalisé, il reste à franchir le reste du parcours, ce qui est le plus difficile » Cette réconciliation se manifesta, notamment en novembre 1990, par la participation active du prince aux réflexions autour des questions de santé.

À l'occasion du 350e anniversaire des centres de santé, le comte de Paris participa à cette cérémonie aux côtés du Ministre délégué à la Santé, le barriste, Bruno Durieux. Ils inaugurèrent tous deux la plaque commémorative à la mémoire de Théophraste Renaudot. Ce dernier fut à l'origine des premières consultations

médicales qui furent placées sous la protection d'un secrétariat d'État par décision de Louis XIII. Le comte de Paris prononça un discours dans lequel, il souligna que « notre société est confrontée aux scléroses des situations acquises, des égoïsmes corporatifs et des classes privilégiées » Il se dit favorable à un réaménagement complet du

système de sécurité sociale. « Il faut demander à ceux qui en ont les moyens de payer leur hospitalisation, leurs soins et leurs médicaments, et offrir par l'impôt, collecté à cette fin, la gratuité de ces mêmes prestations aux pauvres » La gratuité, selon le comte de Paris, se déterminerait sur base du revenu fiscal. Certains ont vu, dans ces propos, une critique de la Contribution Sociale Généralisée défendue par le Premier

Ministre, Michel Rocard. En 1991, on peut retrouver le principe évoqué par le prince dans la philosophie qui anime le projet du gouvernement Rocard de demander aux communes riches de contribuer au développement des communes « pauvres ». Il insista aussi sur la nécessaire réforme d'un enseignement

inadapté et sur un dialogue gouvernement population, car c'est « sur un consentement préalable et populaire que le Pouvoir sera en mesure d'introduire les réformes urgentes et nécessaires pour être en harmonie avec les exigences de notre temps »

73

Ce faisant, le prince, fidèle aux principes de justice sociale qui l'animent depuis 1932 intervient modestement, mais avec conviction dans la vie politique lorsqu'il le juge nécessaire,

ses interventions se plaçant toujours dans le cadre républicain des institutions. 3 Le comte de Clermont et Sixte Henry de Bourbon Parme Deux autres prétendants ont attiré notre attention. Il s'agit

du comte de Clermont et de Sixte Henry de Bourbon-Parme. a. Le comte de Clermont Le comte de Clermont est le fils aîné du comte de Paris. Il épousa en 1957, Marie-Thérèse, duchesse de Wurtemberg. Ce

73 Propos du comte de Paris cités par FERNOY Sylvie, "comte

de Paris, Santé publique et justice sociale", Royaliste, n547, p 3, 3-16/12/1990

Page 40: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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mariage fut utilisé politiquement. On y voyait un rapprochement franco-allemand. Le 3 février 1984, le couple divorça.

Le comte de Clermont se remaria civilement contre la volonté de son père avec Michaëla Cousino Quinomes de Leon, fille d'un Grand d'Espagne. Du premier mariage sont nés trois enfants: François, Jean et Eudes. Le comte de Paris n'accepta pas le divorce puis le remariage qui était en opposition avec la loi de catholicité, une des lois fondamentales de la monarchie française.

La situation évolua en 1987. Le 26 septembre, au Château d' Amboise, le Chef de la Maison de France, lors d'une cérémonie, titularisa ses petits-fils Jean et Eudes. Jean devenu duc de Vendôme fut présenté comme le futur chef de la Maison de France. Le comte de Paris considérait ainsi, son fils aîné comme inapte

à lui succéder. Dès lors, le comte de Clermont, comme n'étant plus l'héritier. Mais ce dernier continua à affirmer qu'il le demeurait et qu'on ne pouvait pas transgresser la loi de succession par primogéniture qui régit la Famille de France. Les deux frères du comte de Clermont; le duc d'Orléans, le comte d'Evreux, l'a soutenu dans sa défense de la continuité dynastique.

Le comte de Clermont a créé deux associations. Le Centre d'Études et de Recherches pour la France Contemporaine fut conçu comme un « creuset de réflexion » auquel participent des personnalités de tout horizon sociopolitique. Celui-ci édite depuis le mois de mars 1988 La LETTRE de S.A.R. le comte de Clermont. Cette publication qui paraît tous les deux mois

contient d'une part, l'Éditorial du prince, d'autre part les informations sur ses activités. Cette Lettre est en fait l'organe politique du comte de Clermont. Thierry de Montaigu en est le Rédacteur en Chef. Le comte de Clermont avec Michel Baroin

74 ont créé la

Fondation pour l'Europe Unie qui a pour but de rechercher tous les points de convergences des différents courants de pensée qui peuvent exister sur le plan européen. Existe-t-il des nuances -voire même des oppositions- quant à la politique à suivre par la Famille de France entre le comte de Paris et son fils aîné ? Le doute est permis.

À l'égard de la prise de position du comte de Paris en faveur du Président Mitterrand, le comte de Clermont déclara: « Il n'est pas dans le rôle d'un prince de la Maison de France de donner quelque consigne de vote que ce soit. Notre mission est de rechercher les points de convergence entre les idéologies partisanes trop souvent opposées, afin de trouver -si faire se

peut- de justes solutions aux problèmes de notre époque. Cela suppose que nous soyons indépendants de tout, c'est-à-dire de

74 Michel Barouin, Pdg de la FNAC et de la Garantie Mutuelle

des Fonctionnaires fut, de 1977 à 1979 à la tête du Grand-Orient de France. Ses amitiés pour Jacques Chirac ne l'ont pas empêché

d'être nommé par François Mitterrand à la présidence de la mission interministérielle de la célébration du Bicentenaire de la Révolution Française. Il fut victime d'un accident d'avion au Cameroun en février 1987.

Page 41: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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tout esprit de clocher ». 75

Comment alors comprendre la présence du comte de Clermont à

une réception à caratère politique bien clair? Le 17 octobre 1986, au pavillon d'Amenonville à Neuilly, on signala la présence du comte de Clermont à une réception sur invitation organisée par Jean-Marie Le Pen.

76

À propos de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le comte de Clermont pense qu'aujourd'hui « autant la

liberté est un droit garanti au citoyen adulte, fort et sûr de ses droits, autant c'est un privilège fragile et menacé pour le petit, le faible, le pauvre et l'abandonné »

77 Il dénonce la

non-reconnaissance des droits de l'enfant. Ce qui l'amène à critiquer la pratique de l'avortement. Il s'inquiète aussi du statut des pauvres et des abandonnés: « rendre leur liberté -

leur droit au respect- aux déviants, aux “anormaux”, aux déclassés, serait reconquérir sans doute l'intégrité des nôtres »

78

À la différence de son père, le comte de Clermont ne participa à aucune manifestation du Bicentenaire. Le comte de Clermont a son analyse de la Révolution. Celle-ci n'est pas basée sur un

rejet intégral de 1789. En ce sens, il rejoint l'attitude de son père. De cette révolution, il pense « qu'on ne peut extraire ni les débordements atroces et sanglants de 1793 (date de l'exécution de Louis XVI) ni la suppression nécessaire des privilèges ou l'indispensable unification des Parlements qui ont cristallisé les prémices de notre modernité. Toute révolution est, par définition, une violence faite à l'évolution normale,

plus lente, qu'eut choisi d'accomplir progressivement une société vivante. Peut-être aura-t-on fait l'économie de cinquante ou cent années de tentatives plus ou moins réussies pour parvenir aux structures qui sont aujourd'hui les nôtres ? (Ceci ne l'empêche pas de défendre la monarchie comme idéale pour la France) Point d'ancrage entre le spirituel et le

temporel, entre la tradition et la modernité (le roi) n'est pas soumis à des modes idéologiques, à des partis. Et sa fonction est que règnent la justice et la paix. Le roi est la clef de voûte et le garant d'une véritable démocratie »

79

Bien qu'il reconnaisse que la Constitution de la Ve République découle de la théorie de l'État forgée par les légistes du

XVIe siècle, instituant l'arbitrage, l'indépendance du chef de l'État, la continuité dans l'action du service public, il pense que le Président de la République est à la fois juge et partie

75 SERROU, R., "Serment pour une couronne",

Paris Match, 6/11/1987

76 D'après Le Quotidien de Paris,20/10/86 cité par la revue

anti-fasciste Article 31, Connexions et rapprochements, n 25, p 5, Décembre 1986, Paris

77 Editorial, La LETTRE de S.A.R. le Comte de Clermont,

Hiver 1988-1989, n 5

78 ibid

79 ibid

Page 42: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

39

et est limité dans le temps et dans l'espace. Selon lui, à la différence du monarque, le Président ne dispose d'aucun caractère sacré.

Le comte de Clermont participa aux célébrations du Quadricentenaire de l'avènement d'Henri IV. À la différence de son père, le comte de Clermont célèbre depuis 1982 le 21 janvier, date anniversaire de Louis XVI. Mais cette cérémonie diffère de celle organisée par les partisanes des Bourbons d’ Espagne et autres branches de la famille Bourbon.

Comme le dit le communiqué du Bureau du C.E.R.F.: « le Dauphin de la Maison royale de France a fait célébrer une liturgie à la mémoire du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette et de Louis-Philippe-Joseph, duc d'Orléans. Durant sept ans le Prince a récité une prière dont il a pesé chaque mot à ces intentions » 80

Le comte de Clermont a aussi intenté un procès à son lointain parent, Don Alfonso de Bourbon-Dampierre pour utilisation du tire de « duc d'Anjou » attribué le 3 mai 1771 au futur Louis XVIII, titre exclusivement français. Il voulait aussi que la justice républicaine interdise au prince espagnol de faire figurer dans ses armoiries, celles de la maison de France.

Le comte de Clermont fut soutenu par les princes Ferdinand de Bourbon-Sicile et Sixte Henri de Bourbon-Parme. Ces deux derniers estimaient que le titre de « duc d'Anjou » était indisponible en l'état des institutions françaises. Les juges ont estimé la querelle dynastique aux dimensions

d'un problème d'état-civil. Ils ont constaté que le titre est tombé en désuétude pratiquement et légalement. Les juges ont dit que ce titre a bien été concédé en dernier lieu par Louis XV à son deuxième petit-fils Louis Stanislas Xavier, futur Louis XVIII. Il a été aboli par un décret de l'Assemblée nationale constituante le 19 juin 1790. Les titres nobiliaires

supprimés par les révolutions de 1789 et de 1848 ont certes été rétablis par un décret de 1952. Mais ils ne peuvent être régulièrement portés et inscrits dans les actes d'état-civil qu'en vertu d'un arrêté d'investiture pris par le Garde des Sceaux. Depuis 1952, personne n'a sollicité que le titre soit inscrit à

son état-civil. Que doit-on alors conclure de la carte d'identité française établie le 7 janvier 1988 par la préfecture de Montpellier au nom de « S.A.R. le prince Alphonse de Bourbon, duc d'Anjou » ? La justice de la République a conclu qu'il ne lui appartenait pas d'arbitrer la rivalité dynastique qui sous-tend en réalité

cette querelle héraldique et l'ensemble de la procédure engagée devant elle. À l'automne 1990, le père et le fils se sont retrouvés à la Fondation Condé.

81 La réconciliation fut officialisée en mars

1991. C'est à l'occasion du vernissage de l'exposition des

80 La LETTRE de S.A.R. le Comte de Clermont, Hiver 1988-

1989, n5

81 Depuis Amboise, ils ne s'étaient plus revus.

Page 43: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

40

peintures du comte de Clermont que l'annonce fut faite. Les cartons d'invitation mentionnaient la participation officielle du comte de Paris. Un ennui de santé l'empêcha d'y

participer. Le 7 mars 1991, le fils aîné du chef de la Maison de France fut remis dans son rang dynastique en lui restituant son titre de comte de Clermont. Sa seconde épouse reçut le titre de princesse de Joinville et le prédicat d'Altesse Royale. Nous pensons que cette réconciliation pourrait donner au comte de Clermont un rôle politique plus important. En effet, jusqu'à

présent, son action était ambiguë puisqu’elle semblait ne pas avoir l'aval du Chef de la Maison de France. Cette réconciliation dynastique impliquera-t-elle une réconciliation politique entre les deux Orléans ? Nul ne le sait. Mais si la famille veut unir la France, il faut d'abord qu'elle soit elle-même unie. Les royalistes favorables aux Orléans y verront sans

doute un premier signe d'encouragement. Nous pensons que la forme de la future action du comte de Clermont sera différente de celle du comte de Paris. Elle sera plus « militante ». Mais sur le fond, elle restera identique à celle du chef de la Maison de France.

Le fils du comte de Clermont, Jean, duc de Vendôme, qui fut présenté par son grand-père, le comte de Paris, comme son successeur a réagi à cette réconciliation. Sur le plan familial, il s'en réjouit. Mais, dans une lettre à Aspects de la France

82

il rappelle que « la monarchie capétienne reste la monarchie des rois très chrétiens et repose sur un ensemble de principes qui...constituent notre tradition royale, notre droit

dynastique. Si la loi de primogéniture en est un des éléments essentiels, les lois de catholicité et de nationalité le sont aux mêmes titres ». Ainsi, le duc de Vendôme,- étudiant en Philosophie dans la vie civile- entend bien succéder à son grand-père passant au-dessus de son père. De la même manière, il dénie les éventuelles prétentions de Luis Alfonso de Bourbon,

fils du duc de Cadix. On peut comprendre que le duc de Vendôme, arrivant au terme de ses études, veuille affirmer son futur rôle politique. Certains observateurs diront, sans doute qu'avant de réconcilier la France avec elle-même, il faudrait que la famille d'Orléans soit réconciliée avec elle-même. On en est encore fort loin.

b. Sixte Henry de Bourbon Parme Les prétentions des princes de Parme sur le trône de France sont plus complexes. Elles s'expliquent en partie par le Traité d'Aix-la-Chapelle de 1748 qui attribua le duché de Parme à

l'infant Philippe, septième fils de Philippe V roi d'Espagne. L'infant Philippe fut élevé à Versailles. Il épousa en 1739 la

82 Ce journal est l'organe de la Restauration Nationale,

héritière de l'Action Française de Charles Maurras. Rappelons qu'à plusieurs reprises, le comte de Paris a condamné les

actions et prises de position de ce mouvement politique. Cette lettre est citée par Point de Vue Image du Monde, O2/O5/1991. Nous n'avons pas pu parcourir le numéro d'Aspect de la France en question.

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fille aînée de Louis XV. En 1743, il fut autorisé par Louis XV à prendre rang et à user de la qualification de « fils de France ».

Les princes de Parme sont une des composantes de la Branche « espagnole » des Bourbons, mais ils se rattachent à la branche « française » des Bourbons par le mariage de Charles III, duc de Parme avec la soeur du comte de Chambord.

83 Les opposants aux

princes de Parme rappellent que leurs prétentions s'opposent à la loi salique qui régit la succession dynastique. Nous n'irons

pas plus loin dans ce débat, car cela sort du cadre de ce travail. L'important à nos yeux, c'est que Sixte Henry de Bourbon Parme a une activité politique. Celle-ci est soutenue par une branche du royalisme français.

Bien qu'il soit né en France, son action politique fut d'abord centrée sur l'Espagne. Celle-ci est liée au carlisme.

84 Comme

son père, Xavier, prince puis duc de Parme, il eut une action politique espagnole puis française. En 1956, écrivant à des traditionalistes de Séville, il signe

« Sixte de Bourbon, infant d'Espagne ». Il fait son service militaire en Espagne. À partir de 1968, son frère, Hugues Charles

85 dirigera depuis

la France le parti du Ralliement Carliste. Il préconise pour l'Espagne, une monarchie populaire socialiste et fédérale dans le cadre du carlisme.

Le 9 mai 1976, Hugues-Charles et son épouse se rendent à Montejura (haut lieu du carlisme) avec ses partisans. Son frère Sixte Henri est aussi présent ainsi que ses fidèles. Une bagarre va se déclencher entre les partisans des deux princes. Celle-ci se terminera en fusillade. Il y aura un mort

et plusieurs blessés. Les partisans de Sixte Henri sont « fidèles à la tendance populiste d'extrême droite profranquiste »

86. Selon le prince,

seuls ses partisans sont fidèles à l'idéal carliste « Dios, Patria, Fueros y rey »

83 Rappelons que le comte de Chambord descend de Louis XIV

via Louis XIV et Charles X.

84 En 1957, Xavier de Bourbon Parme parle en Vendée "au nom

de la royauté très chrétienne de France". Alors qu'en 1952, il fut proclamé roi d'Espagne par les carlistes et se déclare prêt

à accepter la charge de la couronne.

85 Depuis 1963, par jugement du Tribunal de la Seine, il se

fait appeler légalement Don Carlos Hugo de Bourbon. En 1964, il épousa la princesse Irène des Pays-Bas (fille de la reine Juliana). Il sera expulsé d'Espagne en décembre 1968. ( Sur la fin du soutien des carlistes et de ses princes au régime de

Franco voir: GALLO, M, Histoire de l'Espagne franquiste, pp 433-435)

86 BERN, S, Les couronnes de l'exil, p 500

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Comme d'autres chefs de famille royale, Sixte Henri fut en relation directe avec le président portugais Salazar. Ce dernier

l'autorisa à étudier les rouages de l'État portugais. En 1971, l'État l'envoie en Angola afin d'étudier les problèmes du territoire. À propos de ces voyages d'études, il déclare: « L'Angola et le Mozambique étaient des colonies très spécifiques en raison de l'attitude non raciste des Portugais envers les Africains. L'une des idées de Salazar était que le Portugal pourrait se tourner vers l'Afrique et le Brésil afin de

constituer une sorte de “Commonwealth” dont la capitale serait établie dans l'archipel des Açores »

87

Nous pensons qu'il faut rappeler que « le régime qu'instaure Salazar est fasciste par le rejet du parlementarisme, l'adoption d'un système corporatif, et l'interdiction des grèves,

l'encadrement des individus, les internements de caractère administratif; il exalte le Chef, le Sauveur, diffuse les mythes nationalistes, proclame la vocation colonisatrice du Portugal

(l'acte colonial de 1933 fonde l'unité du Portugal et de ses possessions

d'outre-mer). Il rêve d'un Portugal tourné vers le passé, figé, agricole, peu instruit, dirigé par les notables, conduit par les prêtres dans la voie des valeurs familiales et de la morale

chrétienne. Il est effrayé par les perspectives qu'offre la société industrielle... (Salazar) s'appuie sur les grands propriétaires plus que sur la bourgeoisie industrielle, plus libérale d'ailleurs »

88

Dans les années septante, le prince Sixte de Bourbon Parme vécut plusieurs années en Argentine. Tout comme son cousin Otto

de Habsbourg, il devint conférencier politique et visita tous les pays du continent sud-américain. En 1984, il poursuit ses conférences en France. Trois ans plus tard, il est choisi par les royalistes du mouvement France et Royauté de Marcel Chéreil de la Rivière comme leur prétendant.

Cet ancien candidat du Front National s'est reporté sur Sixte Henri qui fut membre du comité de soutien de Jean-Marie Le Pen. Sixte Henri participera au procès (dont nous avons parlé plus haut) intenté au duc d'Anjou. Le prince n'est pas prisonnier des amis de Chéreil de la Rivière. Le 8 mai 1989, il participa à une manifestation de la

Restauration Nationale (déjà évoquée). Rappelons que ce mouvement se veut l'héritier de l'Action Française et a fait allégeance aux Orléans.

87 DE CUGNAC, S., "Après des années d'absence Sixte de

Bourbon Parme: le retour à Lignière", Point de Vue Image du

Monde, 11/04/91. Nous pensons qu'il serait intéressant de réaliser une étude politico-économique de cette revue. Bien qu'elle se présente comme le magazine de l'actualité heureuse elle donne la parole aux tenants d'une société politique ultraconservatrice voire même fascisante. Ce faisant, cette revue permet à ces princes de se donner une image médiatique "positive" qui cache bien souvent une doctrine politique que

nous ne partageons pas et qu'il faut, selon nous, combattre.

88 MICHEL, H., Les fascismes, pp 91-92, Coll Que Sais-Je?,

Presse Universitaire de France.

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Au mois de juillet 1989, étant le cadet d'une branche cadette des Bourbons, il indique que le concept de l'aînesse est un

principe déstabilisateur lorsqu'il n'y a pas de continuité du pouvoir royal comme c'est le cas depuis un siècle. Selon Sixte Henry, aucun prince ne peut se réclamer d'une légitimité exclusive en sa faveur. Sixte Henry fut le seul représentant de la Famille Capétienne à la manifestation de l'Anti-89 lors de la célébration du 15

août 1989. Il expliqua sa présence: « C'est le sens de la tradition qui nous appelle tous à nous réunir. Il ne faut pas oublier que c'est notre aïeul, le roi Louis XIII, qui a instauré cette procession et la consécration de la France à la Vierge Marie. Et dans la situation où se trouve la France, extraordinairement détériorés par les ruptures avec ses

principes fondamentaux, -ceux qui ont fait sa force dans le monde- nous avons tous besoin de reprendre ces traditions pour lui redonner cette force qu'elle a connue, pour lui redonner son rayonnement »

89

Depuis octobre 1989, le prince Sixte de Bourbon Parme publie une lettre d'information politique « Libres Propos ». Par manque

de temps, nous n'avons pas pu prendre connaissance de cette publication. À propos de la construction européenne, il croit qu'on n'unit pas des peuples par des accords économiques. Il eut l'occasion de visiter l'URSS. Il en a surtout retenu

« l'extraordinaire spiritualité de la population, spiritualité que soixante-dix ans de régime totalitaire n'ont pu détruire. Il n'est pas impossible qu'un retour de la Russie à ses sources culturelles et religieuses conduise un jour la France à envisager un retour à ses propres racines monarchistes. »

90

Il se définit lui-même comme un « traditionaliste...qui utilise les ressorts spécifiques de sa société politique pour la dynamiser et la faire progresser alors que par définition un conservateur piétine ».

91 Dans le prolongement de cette

attitude, il restaure le château familial de Lignières.

89 "Entretien de Sixte-Henri de Bourbon-Parme", Point de vue

Image du Monde, 25/08/1989, pp 40-41. Signalons que celui-ci est publié dans le cadre de la "Chronique du Bicentenaire". Philippe Delorme y déclare que ce rassemblement de l'Assomption "fut un des moments forts du Bicentenaire" Nous ne partageons pas cette analyse. Ce fut surtout le cortège des réfractaires de la société française.

90 DE CUGNAC, "Après des années d'absence Sixte de Bourbon-

Parme: le retour à Lignière, op.-cit.

91 ibid

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44

Chap II. LA MONARCHIE AUSTRO-HONGROISE

A) IInnttrroodduuccttiioonn La double monarchie (Autriche-Hongrie) porta ce nom de 1867 à 1918. Le compromis de 1867 voulait éviter les luttes entre les

nationalités. Celles-ci étaient nombreuses. La population était évaluée à 35 millions d'habitants, dont 9 millions d'Allemands, 6 millions et demi de Hongrois, 5 millions de Tchèques, des Polonais, des Slovaques, des Roumains, des Serbes, des Slovènes, des Croates, des Italiens, etc... L'occupation de la Bosnie-Herzégovine en 1878 qui sera annexée en 1908 accentua la complexité du problème des nationalités.

92

Pour y faire face, une politique fédéraliste fut mise en place par Taaffe (1879/93). Ceci n'empêcha pas l'agitation nationaliste. C'est la dynastie des Habsbourg qui unissait l'Empire d'Autriche au Royaume de Hongrie. Nous n'approfondirons pas les causes de la chute de l'Empire,

car cela sort du cadre de ce travail, mais nous souhaitons mentionner l'analyse de François Fejtö. « C'est le refus ou le retard des classes dirigeantes à réviser le système politique de l'Empire qui a fini par conduire les forces autonomistes modérées elles-mêmes à rejoindre le camp des séparatistes. (Cependant) les tendances centrifuges, autonomistes,

séparatistes n'auraient pu aboutir à une désagrégation par l'intérieur, si le démembrement de la monarchie n'avait pas été décidé à l'extérieur, si les forces séparatistes (dont rien ne prouve qu'elles étaient unies ni qu'elles représentaient la majorité des populations) n'avaient pas été soutenues, encouragées par les «décideurs» de l'Entente »

93

Nous allons décrire les mouvements ou courants politiques favorables à la monarchie austro-hongroise et ceux défendant les différents projets du chef de la maison impériale. Ils ne sont pas tous d'essence monarchiste. Nous commencerons par ceux qui le sont. Les termes génériques que nous allons utiliser ne

correspondent pas aux définitions élaborées dans le chapitre précédent. Le légitimisme concerne les partisans du chef de la maison impériale. Ils soutiennent, par définition l'institution monarchique. De la fin de la double monarchie à 1921, le chef sera l'empereur Charles. Ensuite, c'est l'archiduc Otto qui aura la responsabilité de la famille. Les légitimistes poursuivent un

projet monarchiste dont l'acteur central est le chef impérial, mais tous les monarchistes ne sont pas légitimistes. Les monarchistes, en tant que tels, sont ceux qui soutiennent le principe de l'institution sans nécessairement partager les vues du chef de la famille impériale et royale.

92 "Autriche", Dictionnaire d'Histoire Universelle,pp 164-

167 Edit. Universitaire, Paris, 1968

93 FEJTÖ, François, Requiem pour un Empire défunt, p 16

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Cependant, des nuances existent. Dans ce qui était, jadis, l'Empire des Habsbourg, il peut exister des courants royalistes.

Ceux-ci n'impliquent pas pour autant une dévotion à la famille Habsbourg. Il peut exister un royalisme hongrois distinct de l'idéal austro-hongrois. En Yougoslavie, il existe un royalisme de fidélité à la famille des Karageorgevitch. De la même manière, il existe un royalisme bulgare. Nous nous sommes intéressés aux mouvements qui véhiculent soit

l'idéal de la monarchie austro-hongroise, d'un espace politico-économique danubien ou qui sont liés pour une raison ou pour une autre au chef de la Maison Habsbourg. B) LLaa HHoonnggrriiee

1. Les différents gouvernements En octobre 1918, la défaite des Puissances Centrales est quasiment acquise. Un Conseil National s'est formé à Budapest dont le principal représentant est le comte Michel Karoly. Ce

Conseil va prendre le pouvoir et donne l'ordre aux armées hongroises de déposer les armes avant que l'armistice ne soit signé. Les nouvelles autorités proclament l'indépendance. Elles vont essayer d'obtenir l'abdication du roi. Le souverain refusa d'abdiquer formellement, mais signa un document connu sous le nom de Lettre d'Eckartsau.

94 Le

13 novembre, il déclare se démettre de toute participation aux affaires de l'État. Il reconnaît à priori la décision par laquelle la Hongrie déterminera la forme future de l'État. Deux documents de ce type furent signés en tant que Roi de Hongrie et en tant qu'Empereur d'Autriche.

Le gouvernement Karoly déclara que le roi Charles n'était plus souverain. En vertu de la Loi populaire 1 de 1918, la Hongrie devint une République qui fut proclamée le 16 novembre. Le Président désigné fut le comte Michel Karoly. En juin 1919, s'était constitué à Arad puis à Szeged un Gouvernement National. Il n'avait de « national » que le nom

puisqu'il ne contrôlait pas la Hongrie. Cette « autorité » se caractérisait par son nationalisme et par un antibolchévisme musclé. Il disposait d'une petite force armée. Elle était dirigée par le contre-amiral Horty (ancien Commandant en Chef de la Marine Impériale et Royale). Parmi ces forces militaires, certains pensaient à l'installation

d'un État fort, dirigé par un militaire ou éventuellement par un roi national élu. Cela excluait le roi Charles. Le 1er août 1919, le socialiste Peidl prit la direction du gouvernement. Cinq jours plus tard, il fut renversé par un coup d'État que l'on qualifia de « monarchiste ». Le gouvernement

94 cf. BOGDAN, H., La question royale en Hongrie au lendemain de

la Première Guerre Mondiale, Cahier de l'Institut de recherche de l'Europe Centrale

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46

fut dirigé par Étienne Friedrich qui était partisan du roi Charles. C'est l'archiduc Joseph

95 qui assuma les fonctions de

« Chef d'État provisoire ». À cette époque, la Hongrie était

occupée par les puissances victorieuses de l'Entente ainsi que par leurs alliés. Ainsi, Serbes, Croates et Roumains contrôlaient des parties du territoire. 2. La question européenne hongroise

À l'initiative du ministre tchécoslovaque Benès, l'Entente va intervenir directement dans la désignation du Chef de l'État. La Tchécoslovaquie n'acceptait pas la restauration d'un Habsbourg qu'elle considérait comme un danger pour son existence en tant qu’État. Le ministre demanda à la Conférence de ne pas soutenir la restauration et de ne pas reconnaître Joseph de

Habsbourg. Le 21 août, le Conseil Suprême des Alliés reprit la demande tchécoslovaque. Une paix durable, dit-il, ne pouvait pas avoir lieu avec à la tête de la Hongrie un membre de la famille Habsbourg. Deux jours plus tard, l'archiduc Joseph se retira, mais pas le cabinet Friedrich.

L'Entente envoya un diplomate britannique, Sir Georges Clerk, à Budapest. Celui-ci négocia avec tous les partis politiques. Le cabinet Friedrich se retira. Il fut remplacé par une coalition où les chrétiens-nationaux étaient majoritaires. Le cabinet Huszar ainsi constitué fut reconnu par l'Entente.

« À la fin de l'année 1919, l'ensemble du monde politique hongrois, excepté les sociaux-démocrates et les communistes, témoignait de sentiments franchement antirépublicains. Le journal libéral qui, un an auparavant, avait appuyé l'expérience républicaine de Michel Karoly, se prononçait ouvertement en faveur de la monarchie constitutionnelle..( Des élections

devaient avoir lieu au début de l'année suivante). Il était même vraisemblable qu'une majorité favorable à la restauration du Roi Charles sortirait des urnes. »

96

Les élections des 25 et 26 janvier 1920 donnèrent une majorité qui était théoriquement favorable au retour de la monarchie. Le parti des Petits propriétaires ainsi que les Chrétiens-Nationaux

étaient les deux principaux défenseurs de la restauration. Nous verrons plus loin que ces partis vont diverger quant au choix du monarque. Le 29 janvier, la Grande-Bretagne tout en affirmant ne pas faire obstacle au choix de la forme de l'État, déclara qu'elle était opposée à la désignation de l'archiduc Joseph comme Chef

d'État ainsi que tout autre membre de la famille de Habsbourg. Le 2 février, la Conférence des Ambassadeurs alliés -cette fois- réitère sa position quant à tout projet de restauration. Ils s'opposent à toute restauration de la dynastie des Habsbourg qui serait en désaccord avec les bases du règlement de paix.

95 Voir, en annexe, le schéma dynastique.

96 BOGDAN, H, op.-cit., p 11

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Officiellement, la France était hostile à la Restauration de la dynastie Habsbourg. Plusieurs hauts fonctionnaires au Quai

d'Orsay avaient de très bonnes relations avec les dirigeants tchécoslovaques. En janvier 1921, Aristide Briand devint Président du Conseil. Durant la guerre, il s'opposa au démembrement de la double monarchie. Il pensait que la dynastie pouvait contrebalancer l'influence allemande en Europe Centrale. D'aucuns affirment qu'il fut favorable à la restauration d'un Habsbourg. Ceci mériterait une analyse plus précise qui dépasse

le cadre de ce travail. L'Autriche et l'Allemagne étaient hostiles à la restauration. Dans ces deux pays, les autorités craignaient que cette éventualité n'encourage des mouvements politiques. Dans l'Allemagne de Weimar, les dirigeants ne souhaitaient pas

que le séparatisme bavarois catholique se rapproche d'une nouvelle Autriche-Hongrie. Il existait une tradition monarchiste bavaroise, mais aussi austro-bavaroise. Les autorités avaient établi avec les Italiens une action commune contre les menées monarchistes en Hongrie et en Autriche. Quant aux dirigeants républicains autrichiens, ils craignaient que pareille hypothèse n'encourage les monarchistes de leur pays. La social-démocratie

« austro-allemande » s'inquiétait du développement monarchiste austro-hongrois. Ces différentes analyses prouvent que le retour à la monarchie faisait partie des réalités politiques d'après-guerre. Plusieurs projets de retour à la monarchie existaient.

Ce débat est à replacer dans le cadre de la négociation des traités d'après-guerre. Le 4 juin 1920, le Traité de Trianon fut signé entre les alliés et la Hongrie. Sa superficie fut réduite à un tiers de celle existant en 1914. La Slovaquie et la Ruthénie furent attribuées à la Tchécoslovaquie. La Transylvanie et le Banat Oriental seront cédés à la Yougoslavie. La Croatie,

la Slavonie et le Banat occidental rejoignent la Roumanie. Le Burgenland va à l'Autriche, à l'exception de la région de Sopron. Plusieurs millions de Hongrois vont se retrouver sous l'autorité d'autres pays. Le traité impliqua aussi une réduction de ses forces militaires. Les effets de ce traité ont influencé l'évolution politique interne de la Hongrie. Le rôle des militaires et du nationalisme

peuvent aussi s'expliquer par ce traité. 3. Qui défendait la monarchie? Le principe de l'institution monarchique était partagé par plusieurs courants à l'intérieur des partis politiques existants. Nous distinguons les partisans d'une monarchie

héréditaire de ceux défendant l'élection d'un roi national. Le Parti Chrétien-National, dans sa majorité, défendait la monarchie héréditaire qui impliquait le retour du roi Charles. Pour eux, la lettre d'Eckartsau n'avait aucune valeur juridique. D'autre part, l'Église catholique prit ouvertement position.

Elle s'opposait à l'élection d'un roi national. Cette possibilité fut qualifiée, lors de la Conférence épiscopale du 10 février 1920, de « velléité calviniste et républicaine". Elle poursuit: « les catholiques ont le devoir, dans l'intérêt bien

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compris de l'Église, de se tenir aux côtés du roi couronné et de la dynastie des Habsbourg »

97

Notons, qu'à l'époque certains députés juifs partageaient ce sentiment légitimiste pour se prémunir de l'antisémitisme des militaires. Les partisans de l'élection d'un roi se retrouvaient dans les rangs du Parti des Petits Propriétaires. Ils considéraient la lettre d'Eckartsau comme un acte d'abdication, ce qui

impliquait la vacance du trône. L'Empire des Habsbourg, n'existant plus, ils se prononçaient pour l'élection d'un monarque. Certains militaires se retrouvaient derrière cette possibilité. Beaucoup d'entre eux songeaient à l'archiduc Joseph, mais cette possibilité était refusée par l'Entente.

Plusieurs noms furent cités. Le roi de Roumanie fut pressenti. Ceci aurait permis la création d'un État trilatéraliste Roumanie-Hongrie-Transylvanie. Le Quai d'Orsay pensa attribuer la couronne au deuxième fils du Roi Albert de Belgique, le prince Charles. On parla des princes Philipe et Adalbert de Savoie. Il fut aussi question du comte Étienne de Croüy-Chanel. Certains diplomates avancèrent la solution d'un prince

britannique. Le nom du Duc de Connaught -troisième fils de la reine Victoria- fut cité. Le 16 février 1920, lors de la première séance de l'Assemblée, une large majorité désigna comme Président de l'Assemblée, un député qualifié de légitimiste, Étienne Bakovsky.

Le gouvernement Huszar fit adopter un projet appelé « Loi 1 de 1920 ». Elle constatait: la fin de l'union de 1867 avec l'Autriche et la cessation d'existence du pouvoir royal depuis le 13 novembre 1918. Elle définissait les pouvoirs du Régent et son élection. Il serait élu par la seule autorité légale: l'Assemblée Nationale. Il ne pouvait pas dissoudre l'Assemblée

ni octroyer des titres de Noblesse. Le 1er mars 1920, l'amiral Horty

98 fut élu, avec une large

majorité, Régent de Hongrie. Cette majorité fut composée d'éléments divergents. Certains voyaient en Horty l'éloignement définitif de la dynastie Habsbourg. D'autres, au contraire, le considéraient comme l'étape nécessaire avant le retour du roi

Charles. Ces derniers croyaient à la loyauté affichée de l'amiral à l'égard du roi. Les pouvoirs dont disposaient le Régent furent accrus. Il obtint de pouvoir dissoudre le Parlement. Seul le droit de conférer des titres de noblesse lui fut refusé. Toutes les

97 Cité par BOGDAND, B, op.-cit., p 12

98 Nicolas Horthy de Nagybanya est issu d'une vieille

famille de magnats, de religion calviniste. En 1886, il devient officier de la marine austro-hongroise. En 1909, il devient aide de camp de l'empereur François Joseph et participe aux

opérations navales dans l'Adriatique durant la première guerre mondiale. Sa conduite dans la bataille d'Otrante (mai 1917) le fit devenir populaire. En 1918, promu contre-amiral, il devient le commandant en chef de la marine austro-hongroise.

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conditions étaient réunies pour qu'un pouvoir autoritaire de type militaire puisse s'installer. Il pouvait compter sur la fidélité des militaires et des groupes paramilitaires.

4. L'Amiral Horty et le Roi Charles Depuis 1919, Horty était en relation avec le monarque. Ces contacts eurent lieu via Aladar Boroviczény, envoyé personnel du roi. Il déclara qu'il ferait tout pour que ce retour puisse

avoir lieu dès la signature du traité de paix. Un fois au pouvoir l'attitude de Horty évolua. Le serment presté par l'armée ne mentionnait plus la fidélité au roi. Ceci fut remplacé par un serment de « fidélité et d'obéissance à Son Altesse Sérénissime Nicolas Horthy de Nagyvanya légalement élu

Régent de Hongrie » 99

Le 4 juin 1920, le Régent reçut une lettre du monarque. Il rappelait qu'il était légalement et constitutionnellement Roi de Hongrie et qu'il n'avait pas abdiqué. Il déclara vouloir prendre part aux affaires du pays. Il affirma que la France ne ferait pas obstacle à son retour.

En octobre, l'archiduc Joseph rassembla plusieurs personnalités politiques hongroises de tendances légitimistes dont un membre de l'Épiscopat hongrois. Il leur fit part de l'attitude du roi à l'égard de son pays. L'archiduc rappela les principes déjà développés plus haut.

Il semble que l'archiduc Joseph 100 joua un double jeu. Alors

qu'il défend les propos du monarque devant des légitimistes, il se présente aussi comme un éventuel souverain. Il rencontra à plusieurs reprises le Haut Commissaire de France, Fouchet, à qui il tint les mêmes propos.

Le 9 novembre, le roi Charles écrit, une nouvelle fois, au Régent. Il précisait que le Compromis de 1867 n'avait plus de valeur ce qui impliquait aussi, à ses yeux, la pleine indépendance de la Hongrie. Il assura le Régent, que s'il devait remonter sur le trône d'Autriche, il ne le ferait que si le parlement hongrois l'autorisait.

Le roi informa le cardinal de ses projets. Le cardinal lui répondit que lui-même et les évêques le considéraient comme le roi légitime. Ils s'engageaient à faire partager cette opinion par l'ensemble du clergé et des fidèles hongrois.

99 Cité par BOGDAN, op.-cit., p 22

100 La popularité de l'archiduc Joseph est confirmée par

CORDFUNKE, Zita la dernière impératrice 1892-1989, p 176. L'archiduc Joseph "se retira en 1930, à la majorité d'Otto". S'il se retira, c'est qu'il eut jusqu'à cette époque des visées politiques. Le 16 mai 1930, il reconnut -par écrit et oralement-

Otto de Habsbourg comme Chef de la Maison de Habsbourg et comme Roi de Hongrie. Jusqu'à cette date, l'impératrice Zita était bien consciente de l'existence des différentes sensibilités au sein de la famille.

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5. Deux tentatives de restauration habsbourgeoise

Elles furent menées avec la conviction que la France était favorable à pareil projet ou, en tout cas, adopterait une neutralité bienveillante. Ces projets avaient « la bénédiction » du Vatican. Le beau-frère du roi, le prince Sixte de Bourbon-Parme, rencontra Briand et Lyautey. On peut donc supposer que ces engagements français oraux furent suffisamment crédibles pour donner corps au projet.

Le 24 mars 1921, la première tentative eut lieu. Le roi quitta la Suisse pour Vienne via Strasbourg. Il se rendit ensuite au Palais Épiscopal de Szombathely, en Hongrie, où se trouvaient plusieurs autorités politiques et religieuses.

Le 27 mars, le monarque arriva à Budapest. Il était accompagné du comte Sigray et de deux officiers. Il rencontra le Régent. La discussion fut longue et difficile pour le Roi Charles. Le compromis prévoyait que le roi retrouverait son trône dans les semaines à venir. En attendant, il devait s'installer à Szombathely.

Mais les militaires n'acceptaient pas cette hypothèse. Il semble même que l'archiduc Joseph s'y opposa également. Le Régent voulait, en fait, garder le pouvoir. Son « loyalisme » n'était que de façade et servit à obtenir la confiance des légitimistes pour lui assurer son élection. Le Régent fit savoir au souverain qu'il refusait de lui céder le pouvoir.

La présence du roi fut connue des diplomates. Les représentants de l'Entente firent savoir leur opposition au projet. La France partagea officiellement cette position. Les États successeurs eurent des positions très tranchées. Le roi quitta Budapest pour Szombathely et refusa de faire

intervenir l'armée pour appuyer son projet. Le 5 avril, il quitta la Hongrie. Sur son parcours, la population, présente, l'ovationna. Cette première tentative renforça les liens entre l'Autriche et la Tchécoslovaquie en matière de surveillance des monarchistes autrichiens et hongrois. Les autorités hongroises

renforcèrent, elles aussi, la surveillance de ces mouvements. La « Petite Entente » fut formée. Elle unissait la Roumanie, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. Mais cet échec n'empêcha pas la préparation d'une deuxième tentative. Le Vatican s'intéressait aux projets de Restauration. Le Pape Benoît XV dépêcha un envoyé, le Père Célestin, pour

encourager le monarque à reprendre le chemin de son pays. L'ecclésiastique avait déjà rencontré le monarque durant l'hiver 1920-21. Le Vatican espérait la création d'un État danubien qui s'opposerait au bolchévisme. La restauration aurait donc servi aussi les intérêts de l'Église catholique. « Rares sont ceux qui à (cette époque) ont connaissance de l'intervention pontificale.

C'est pourtant elle qui déterminera finalement Charles à tenter une deuxième fois de remonter sur le trône. »

101

101 CORDFUNKE, E, op.-cit, p 153. Signalons que ce livre a

reçu l'aval de l'archiduc Otto de Habsbourg. Il participa lui-

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Selon Bogdan les contacts entre la France et les proches du roi reprirent dès le mois de mai. Il semblerait que malgré le

premier échec, Briand aurait à nouveau apporté son soutien oral au projet de restauration. La deuxième tentative fut, cette fois, préparée militairement. Celui-ci fut conçue comme un putsch militaire. Les légitimistes hongrois devaient s'occuper de l'aspect politique. Le couple royal, Charles et Zita, quitta la Suisse le 20 octobre

pour la Hongrie. Ils se rendirent à Sopron. Le roi y constitua un gouvernement. La direction de celui-ci fut attribuée à Étienne Rakovszky. Le colonel Lehar fut promu général et devint Ministre de la Guerre. Le poste de Ministre des Finances fut attribué au Dr. Gratz.

(..suite) même à la présentation officielle de celui-ci.

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Cette deuxième tentative aurait reçu l'appui de mouvements autonomistes « monarchistes » croates et slovaques de Bohème et des monarchistes autrichiens, mais, ces courants étaient bien

minoritaires. Les militaires casernés à Sopron se sont mis sous la bannière royale. Le trajet vers Budapest se fit en train. Le gouvernement fut évidemment averti. Le Régent n'acceptait toujours pas de céder les pouvoirs au monarque. Il prit les dispositions pour empêcher la réussite du projet. Ce sont les troupes paramilitaires de Gömbös, par définition hostiles à la

Dynastie, qui furent rassemblées. Les sociaux-démocrates, pourtant opposés au pouvoir du Régent Horty, déclarèrent que le retour des Habsbourg était plus dangereux que le régime Horty. Le Régent invita, par écrit, le monarque à quitter la Hongrie. Il lui rappela l'opposition des puissances de l'Entente ainsi que celles de la Petite Entente au projet de restauration. Cela

n'empêcha pas le convoi de poursuivre son avancée malgré des sabotages de la voie. Le 23 octobre, aux portes de Budapest le train royal fut attaqué. Les combats firent plusieurs victimes dans les deux camps. La violence et les victimes ont impressionné le roi. Des négociations eurent lieu entre les envoyés du roi et ceux du

gouvernement. Le roi refusa les propositions du gouvernement (renonciation écrite au trône hongrois et acceptation du lieu de séjour fixé par les autorités), mais ordonna la fin des combats. Les alliés ont réagi avec beaucoup d'énergie. Cependant, la

France ne fut pas aussi pressée que ses partenaires. Signalons qu'au moment où le train royal était attaqué, Berthelot (un haut fonctionnaire du Quai d'Orsay) reçut longuement le prince Sixte de Bourbon-Parme. Dans les pays de la Petite Entente, la réaction fut beaucoup

plus décidée. La Tchécoslovaquie mobilisa son armée. La Yougoslavie partageait cette éventualité militaire. La tension en Roumanie était moins grande. Ces trois pays voulaient obtenir le détrônement de la Maison de Habsbourg alors que la Grande Entente souhaitait l'éloignement du roi. Les négociations entre le gouvernement hongrois et le monarque

avaient pour but de le faire abdiquer. Le roi Charles refusa et rappela les principes déjà évoqués en juin 1920. Le 1er novembre, le couple et sa suite quittèrent la Hongrie et embarquèrent sur un navire de guerre anglais. L'Entente désigna l'île de Madère comme lieu d'exil.

Le 5 novembre, le gouvernement hongrois accepta, après négociations, de se conformer aux vœux de l'Entente, quant au choix de son futur roi. Avant toute élection, la Hongrie s'entendrait avec les Alliés. Les dirigeants tchécoslovaques craignaient que l'archiduc Otto, une fois majeur, puisse être élu roi. De même, ils voulaient éviter que l'archiduc Joseph

puisse bénéficier d'une élection. Le 6 novembre, la loi dite « de détrônement » fut adoptée. Elle annulait les dispositions de la Pragmatique Sanction de

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1713 102, mais elle maintenait la forme monarchique du

gouvernement. La Nation pouvait ainsi procéder à l'élection de son Roi. Celle-ci fut remise à plus tard.

6. La Hongrie monarchique, autoritaire sans monarque Malgré que le monarque fut détrôné, on peut dire que la Hongrie continua à considérer le roi Charles comme le monarque légitime. Lors de son décès, le gouvernement décréta un deuil national de trois semaines. Tous les drapeaux furent mis en

berne. Le Régent Horty n'est jamais devenu le monarque de Hongrie. La couronne de Saint-Étienne ne fut plus portée. L'État conserva toutefois une forme monarchique sans monarque. En février 1942, une loi institua une vice-régence. Mais elle ne comportait pas le droit de succession. Cependant, le Parlement

élira à ce poste le fils aîné de l'amiral. Le régime hongrois se rapprocha de l'Italie fasciste et de l'Allemagne hitlérienne. En novembre 1938, la Hongrie récupéra les districts méridionaux de Slovaquie et de Ruthénie subcarpatique et, en 1939, l'entièreté de celle-ci.

D'abord neutre, la Hongrie s'engagea aux côtés des troupes nazies dans la guerre contre l'URSS. Nous verrons plus loin qu'il y eut des relations entre certaines autorités hongroises et Otto de Habsbourg. En octobre 1944, les troupes soviétiques occupaient la Transylvanie. Ceci amena l'Amiral Horty à demander l'armistice. Horty fut enlevé et déporté en Allemagne. Des fascistes prirent le pouvoir. Ils appliquèrent une politique

prohitlérienne. Le 20 janvier 1945, un Gouvernement provisoire, installé à Debrecen, présidé par le Général Miklos, signa l'armistice avec l'U.R.S.S. Des élections eurent lieu en novembre 1945. Le parti des Petits Propriétaires remporta la victoire. Les communistes

représentaient 17 % de l'électorat hongrois. La République populaire fut proclamée en février 1946. C) LL''AAuuttrriicchhee

1. La Première République Suite au traité de Saint-Germain du 10 septembre 1919, la République Autrichienne est proclamée. La Maison Habsbourg-Lorraine est expropriée. Seuls les Habsbourg qui ont renoncé à leurs prérogatives et dont la déclaration de renoncement a été acceptée par le gouvernement fédéral et par la commission

principale du Conseil National ont le droit de séjourner en Autriche. Il n'y a pas eu de tentative de restauration monarchique menée par le roi Charles.

102 Ordonnance rendue par l'empereur Charles VI qui établissait

l'indivisibilité du patrimoine des Habsbourg. Elle réglait la succession au trône impérial par primogéniture, même au profit d'une femme. Marie-Thérèse, fille aînée de Charles VI, fut désignée comme héritière de ce dernier.

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Les monarchistes se retrouvent à l'intérieur des partis existants. Plus tard, il existera des mouvements spécifiquement monarchistes. Voyons comment les partis politiques réagirent à

l'héritage monarchique autrichien. Le parti social-démocrate occupa le devant de la scène politique autrichienne et devança à plusieurs reprises les conservateurs. Les sociaux-démocrates autrichiens pratiquèrent une hostilité non dissimulée à tout ce qui rappelait de près ou de loin la monarchie austro-hongroise.

Il faut aussi noter l'existence des pangermanistes qui se retrouvaient dans l'Allemagne de Bismarck et souhaitaient rattacher les parties germanophones de l'ancienne monarchie au IIe Reich. Revenons-en aux plus ardents nostalgiques de l'héritage habsbourgeois.

Le parti chrétien-social réunissait toutes les composantes du courant catholique: paysannerie catholique, industriels, la bourgeoisie, certains salariés ainsi que certaines couches défavorisées de la population. Cette unité s'opérait grâce à l'autorité de l'Église catholique. Celle-ci était respectée par ces différentes composantes.

« Sous la première République, la plupart des chanceliers étaient issus des rangs (du parti chrétien-social) qui, tout en gouvernant la république, affichaient une nostalgie de la monarchie qui marqua ses principaux dirigeants. Son idéologie était également imprégnée d'un fort antisémitisme social et confessionnel qui prépara un terrain fertile à la propagande national-socialiste. »

103

Les socialistes perdent le pouvoir en 1922 au profit des chrétiens sociaux. Mgr Ignace Seipel obtient de la SDN le lancement d'un important emprunt international en faveur de son pays. L'agriculture et l'élevage connaissent un développement extraordinaire.

Mais le pays sera plongé dans des luttes politiques violentes opposant les socialistes et les chrétiens sociaux. Ces derniers vont s'appuyer sur les gardes civiques, les « Heimwehr ». Ces luttes aboutiront aux troubles sanglants de juillet 1927 et à l'écrasement des socialistes.

103 KREISSLER, F, La prise de conscience de la Nation

autrichienne, Tome 1, p 90, Presses Universitaires de France, 1980

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2. Les années trente et les monarchistes

En 1929, les autorités procèdent à une réforme de la Constitution qui renforce les pouvoirs de l'Exécutif. À cette époque, l'idée du retour des Habsbourg est développée surtout dans les rangs des chrétiens sociaux. Un mouvement d'opinion se forme en faveur de la restauration de la monarchie. Il y a eu plusieurs animateurs au sein de celui-ci. Ils n'avaient, sans doute, pas tous la même conception du pouvoir.

Pour certains, la monarchie allait de pair avec autoritarisme. Ils se retrouvèrent ainsi dans le régime de Dolfuss. Pour d'autres, la monarchie n'avait rien à voir avec cette gestion du pouvoir. En 1930, l'archiduc Otto demande au diplomate Friedrich von

Wiesner (qui mena auparavant l'enquête sur le meurtre de l'archiduc François-Ferdinand) d'organiser un mouvement monarchiste en Autriche. Ce qu'il accepta. Il réunira dans l'Anneau de Fer plusieurs groupes. Parmi ceux-ci, on retrouve une composante juive et protestante. Les noms des princes de Hohenberg, Max et Ernest, sont aussi

cités.104 Max de Hohenberg, « ce prince éloigné de toute

mesquinerie d'amour-propre se met...sans réserve, au service de son cousin Othon »

105. Nous n'avons pas su déterminer s'il y

avait un lien entre l'Anneau de Fer et les princes de Hohenberg. À cette époque, plusieurs communes et sociétés nomment l'archiduc Otto membre ou citoyen d'honneur. En 1930, l'Autriche

va célébrer le centenaire de la naissance de François-Joseph. Trois ans plus tard, on commémore le dixième anniversaire de la mort de l'empereur Charles. Un buste et une plaque commémorative sont placés dans la Crypte des Capucins. En 1935, l'Autriche de Dolfuss célèbre le centenaire de la mort de l'empereur François 1er. Ce mouvement trouve un écho favorable dans le

culte de la tradition autrichienne développé par le régime de Dolfuss Une fois au pouvoir en 1932, Dolfuss va encourager ces idées. Il est soutenu par le parti chrétien-social, le parti agraire ainsi que par le mouvement de type « milice » le Heimatschutz. Le prince Ernst-Rudiger de Starhemberg en est le fondateur. À en

croire Gabriel Puaux, les cadres de ces milices « sont pour la plupart aristocratiques et militaires (ces milices) avaient surtout une couleur monarchique et vieille-Autriche »

106

104 Ils sont nés du mariage morganatique de l'archiduc

François Joseph qui mourut dans l'attentat de Sarajevo.

105 MARTIN,M.M.,Othon de Habsbourg un prince d'Occident,

p 159

106 PUAUX, Gabriel, Mort et transfiguration de l'Autriche, p 25,

1966

Page 59: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

56

Sous cette version, le courant monarchiste se confond avec l'autoritarisme fascisant. Le prince de Starhemberg soutient la

politique de Dolfuss. Il deviendra, en 1934, vice-chancelier et sera le chef du « Front de la Patrie ». Joseph Valynseel précise: ce « monarchiste militant » va représenter le Chancelier à toutes les manifestations commémorant la famille Habsbourg. Le 12 février 1934, une émeute fera 300 morts et un millier de

blessés. Dolfuss va suspendre la Constitution. Ces événements vont susciter un tollé de condamnations de la part des démocrates. Parmi les critiques, il faut signaler l'initiative des légitimistes. Un tract portant la mention « Österreich-AEIO »

fut daté et distribué à Vienne suite aux tragiques événements. A.E.I.O.U., « Austira est imperare orbi universo », signifie: il appartient à l'Autriche de régner sur tout l'univers. C'est Frédéric III qui au travers de cette devise exprima son but, à savoir la monarchie universelle.

107

Le tract qui fut sans doute édité à Paris condamne les

événements: « Il ne doit plus y avoir de querelles entre nous; seules la liberté à l'intérieur et l'égalité en droit de tous les Autrichiens peuvent garantir la liberté extérieure. Plus jamais des Autrichiens ne tireront sur des Autrichiens, plus jamais le peuple travailleur de l'Autriche ne sera exclu de la reconstruction et de la défense de la patrie »

108

Ce mouvement prône le rétablissement d'une « monarchie populaire sociale ». Nous n'avons pas trouvé trace de l'existence d'un lien entre cette initiative et Otto de Habsbourg. Ceci ne signifie pas qu'il n'y en ait pas eu. Le 1er mai 1934, l'Autriche devient un « État chrétien

allemand ». Il est basé sur l'autoritarisme et le corporatisme. Le Parlement est remplacé par une assemblée consultative rassemblant quatre conseils représentant les métiers, les activités économiques et les régions. Il dissoudra le partis social-démocrate ainsi que les nationaux-socialistes. Le 25 juillet, le Chancelier Dolfuss est assassiné par les

nazis autrichiens. Le ministre de la Justice et de l'instruction publique, Kurt von Schuschnigg, devient chancelier. Le lendemain de l'assassinat, le prince Max de Hohenberg (déjà mentionné plus haut) rencontre le nouveau chancelier. « Il est porteur d'un message ( de l'archiduc Otto ) qui se déclare disposé à revenir immédiatement pour sauver l'indépendance de sa patrie.

107 BERENGER, J., "Habsourg", Encyclopaedia Universalis, Vol

8, pp 201-202

108 Cité par KREISSLER,F, op.-cit.,p.152.

Page 60: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

57

Seule une Autriche forte et unie peut, selon (l'archiduc), résister à la pression de l'Allemagne national-socialiste. »

109

Le Chancelier hésita, mais ne prit pas de décision. Son patriotisme autrichien repose « sur un certain atavisme militaire de loyalisme monarchique »

110. Son père ainsi que son

grand-père servirent dans l'armée impériale et royale de François-Joseph. « Cette empreinte K und K (Kaiserlich und Königlich) fut pour la politique du chancelier, sans qu'il s'en soit bien rendu compte lui-même, une sorte de gêne. À Prague, à

Belgrade, à Bucarest et même à Rome, on lui en tenait rigueur. Sa fidélité aux Habsbourg insuffisamment camouflée devait lui aliéner la sympathie de la Petite Entente sans lui gagner celle des «Occidentaux»

111

3. La fin des lois “anti-Habsbourg” En 1935, l'archiduc Otto précise sa conception -que l'on peut qualifier de paternaliste - des relations avec les travailleurs. Celle-ci a aussi pour but de maintenir le contact avec la base de la social-démocratie autrichienne. " Mon père impérial, en tant que véritable empereur du peuple, a

toujours été soucieux du bien-être des travailleurs que Dieu lui avait confiés. Aux heures dures de l'exil dont le peuple véritable n'était pas responsable, ses pensées allaient souvent vers vous, travailleurs autrichiens et, au dernier jour de sa vie encore, il parlait de vous et de vos enfants affamés...En tant que son héritier, je suis habité des mêmes pensées. »

112

Il définit alors sa conception de la monarchie : " Je voudrais bâtir la monarchie sociale-chrétienne de l'avenir sur les principes fondamentaux énoncés par les grands Papes qui témoignaient de préoccupations sociales...En lieu et place de la lutte sociale, nous voulons introduire la fraternité chrétienne dans la vie publique. Plus de confrontation entre les classes,

mais réconciliation et justice sociale, voilà notre devise... L'empereur n'appartient pas à un parti ou à un groupe déterminé, il est là pour le peuple entier. »

113

Cette vision d'une "monarchie sociale-chrétienne" allait-elle dans le prolongement de l'enracinement de l'Autriche dans le catholicisme et du culte de la tradition instaurée par Dolfuss?

Les légitiministes dont on a parlé plus haut partageaient-ils cette vision ? Dans l'état de nos recherches, nous n'avons pas trouvé de réponses précises. D'une manière générale, on peut remarquer que "cette spécificité sociale-chrétienne" se retrouvera plus tard dans ses engagements européens. Mais elle évoluera vers un conservatisme militant.

109 CORDFUNKE,E, op.-cit., p 184

110 PUAUX, G, op.-cit., p 58

111 ibid

112 OTTO von HABSBURG, "Briefe aus der Verbannung", Leipzig und

Wien, 1935, cité par Cordfunke, op.-cit., p 182

113 ibid

Page 61: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

58

Le nouveau Chancelier va faire adopter plusieurs mesures gouvernementales favorables aux Habsbourg. En 1935, une loi

restitue à l'ex-famille régnante quelques-unes de ses propriétés. Les décrets anti-Habsbourg sont abolis. Le 13 juillet 1935, l'assemblée autrichienne, à la demande du Chancelier, met fin à l'exil imposé aux membres de la famille Habsbourg-Lorraine. Deux membres font leur retour. L'archiduchesse Adélaïde parcourt tout le pays. Elle obtient un certain succès qui sert la cause de la monarchie. L'archiduc

Félix interrompt ses études à Louvain pour entrer à l'académie militaire de Wiener-Neustadt. À plusieurs reprises, le nouveau chef de l'Autriche rend visite à l'héritier. En septembre 1935, les deux hommes se rencontrent à Mulhouse. Le Chancelier promet à l'héritier

impérial de le tenir informé de toute évolution importante au sein du gouvernement autrichien. L'archiduc lui fait savoir qu'il ne regagnera l'Autriche qu'après la légalisation du parti social-démocrate. Un mois plus tard, Otto déclare attendre l'appel du Chancelier pour remonter sur le trône. Il fera la même déclaration en juin 1936.

Le Chancelier va prendre contact avec l'Italie de Mussolini et les pays de la Petite Entente. D'après les Mémoires de Schuschnigg

114, Mussolini déclara qu'il ne ferait pas de

difficultés à une Restauration avec à sa tête l'archiduc Otto. Gabriel Puaux pense qu'au contraire, l'Italie y était opposée. La France n'était pas favorable à pareille hypothèse. La Yougoslavie s'y opposa également.

En novembre 1936, un événement permit aux monarchistes de manifester leurs idées. Pour la première fois de son histoire, la République autrichienne reçut le "Régent" de Hongrie, l'Amiral Horty. L'accueil ne fut pas chaleureux. Beaucoup d'Autrichiens n'avaient pas oublié qu'il donna l'ordre de tirer

sur l'empereur. Mais pour marquer son attachement à la famille impériale, l'Amiral Horty déposa une couronne dans la crypte des Capucins sur le cercueil de François-Joseph. L'aristocratie autrichienne ne se laissa pas impressionner et ne participa pas aux réceptions. La population ne fut pas nombreuse à saluer le cortège.

114 cités par MARTIN , M.M., op.-cit., pp 164-165

Page 62: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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À cette époque, le Chancelier Schuschnigg confia à l'ambassadeur de France ses intentions à propos d'une

restauration monarchique. Il se donnait un délai d'un an pour réaliser ce projet. Elle impliquait le retour de l'archiduc Otto. Dans la conversation qui s'en suivit, l'ambassadeur lui exprima sa conviction qu'Hitler ne le laisserait pas faire ni même les socialistes autrichiens. Le diplomate nota la résolution du chancelier autrichien.

Ce projet n'était pas partagé par tous les proches du leader autrichien. Son Vice-chancelier, le prince de Starhemberg, pourtant monarchiste, était sceptique. Tout en reconnaissant la possibilité, pour l'Autriche, de déterminer sa forme de gouvernement, il était persuadé qu'un tel projet sans l'accord des pays voisins ne durerait pas longtemps.

Un régime intérimaire fut cependant discuté. Celui-ci aurait permis la transition souhaitée par Otto de Habsbourg. Le nom de l'archiduc Eugène, ancien maréchal d'Autriche-Hongrie fut cité. Il aurait pu succéder au Président de la République, Guillaume Miklas, en qualité de Régent.

Le 11 juillet, Schuschnigg signa un Traité avec Hitler. Celui-ci reconnaissait la souveraineté de la République Autrichienne qui se proclamait État Allemand. Plusieurs conspirateurs nazis emprisonnés furent libérés. Otto s'opposa à ce traité et le considéra comme un aveu de faiblesse. "Il (demanda) à ses partisans en Autriche de dévoiler le véritable visage du national-socialisme. Lors d'une entrevue avec Schuschnigg durant

l'été 1936, il plaida une fois encore en faveur d'une collaboration avec les socialistes. Il a lui-même, depuis la révolte de 1934, entretenu des contacts étroits avec des personnalités importantes du parti socialiste, notamment avec l'ancien bourgmestre de Vienne Karl

Seitz..."115

Le 20 novembre 1937, les monarchistes manifestèrent à l'archiduc Otto leur fidélité à l'occasion de son anniversaire. Signalons qu'à cette époque, une gigantesque effigie de François Joseph fut installée devant l'ancien Palais Impérial. Cela " symbolisait la valeur de l'idée monarchique.

Esthétiquement, elle pouvait séduire les amoureux du passé. Dans le domaine de la Realpolitik, elle n'avait pas plus de consistances que cette silhouette peinte en trompe-l’œil"

116

Le 16 décembre 1937, le Gouverneur du Tyrol aurait notifié la décision d'annuler tout projet de restauration monarchique à l'archiduc Otto. Ceci se serait fait lors du séjour du

prétendant à Vaduz dans la principauté du Liechtenstein.

115 CORDFUNKE, E, op.-cit., p 185

116 PUAUX, G, op.-cit., p 94

Page 63: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Cela n'empêcha pas certaines initiatives en faveur de l'archiduc Otto. Selon le témoignage du fils d'Alfred Missong

(ce dernier fut diplomate, écrivain et co-fondateur de "l'Action autrichienne") Alfred Missong et le baron Zessner-Spitzenberg ont essayé de faire revenir en Autriche l'archiduc. "Au cours d'une conversation téléphonique, ils le conjurèrent d'abandonner toute hésitation et de placer Schuschnigg devant le fait accompli; mais Otto de Habsbourg ne put se décider à une action énergique".

117

4.L'Anschluss S'il ne rentra pas, Otto resta persuadé de pouvoir jouer un rôle politique dans son pays. Le 17 février 1938, l'héritier

impérial adresse une lettre au Chancelier. Il lui demande de lui céder le poste de chancelier sans modifier la Constitution. Cela n'impliquait donc pas le rétablissement de la monarchie. Convaincu des projets hitlériens d'annexer l'Autriche, il pensait que le chancelier ne serait pas capable de faire obstacle à la pression allemande. Le 2 mars, Schuschnigg répond négativement à la demande habsbourgeoise. Le 12 mars, les

troupes nazies entrent en Autriche. C'est l'Anschluss sous le nom de code "Otto". Avec l'Anschluss, la recherche d'une nation autrichienne va aller de pair avec l'héritage monarchique de l'Autriche. Cette vision n'est pas partagée par toutes les conceptions de la nation autrichienne qui seront développées à partir de cette

période. Otto de Habsbourg va publier plusieurs articles dans la presse occidentale pour protester contre l'occupation illégale de l'Autriche. Dans le journal parisien, "Le Jour" du 16 mars 1938, il déclare " La situation créée par un déni de droit flagrant ne

trouvera jamais mon accord ni celui du peuple autrichien. Au nom du peuple autrichien opprimé, je fais appel à la conscience de tous les peuples pour lesquels la liberté, la paix et la justice ne sont pas des mots vides de sens. Je leur demande de soutenir le peuple autrichien dans sa volonté inébranlable de reconquête de l'indépendance et de la liberté". Cet appel fut réitéré le 29 mars dans "Le Petit Parisien". Aux États-Unis, "The New York

Times" publiera pareille déclaration. Il se place quasiment en porte-parole des Autrichiens opprimés. Max et Ernest de Hohenberg sont arrêtés et envoyés au camp de Dachau. L'archiduchesse Adélaïde et l'archiduc Félix rejoignent la Belgique. Le 29 mars, un mandat d'arrêt est lancé contre Otto sous l'inculpation de haute trahison. La cour de Leipzig

condamnera l'archiduc-héritier à mort.

117 KREISSLER,F, op.-cit., p 115

Page 64: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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5. La guerre 39-45

Dans les mois qui suivirent l'annexion, fut créée à Paris la revue Die Österreichische Post. Elle exposa des idées conservatrices et fut avant tout l'organe légitimiste. Elle exista jusqu'à l'occupation de la France par les nazis. Elle défendait l'indépendance de l'Autriche, mais prônait le

rétablissement de la monarchie, soit en Autriche, soit dans le bassin danubien. Les animateurs de ce périodique étaient Hermann Rauschning et Martin Fuch.

118 Ils développèrent l'opposition

entre l'Autriche et la Prusse qui impliquait, selon eux, deux conceptions incompatibles de l'État.

On peut affirmer que des liens existaient entre ce mouvement et la famille impériale. Le numéro 4 de février 1939 publia la lettre qu'Otto de Habsbourg avait adressée au chancelier Schuschnigg. L'archiduc lui demandait de lui céder son poste. La publication de cette missive nous en dit plus. On y découvre que le prétendant affirme que le "vrai Deustschum» (la cause allemande) c'est-à-dire tel qu'il était conçu sous le

Saint-Empire germanique romain, se trouve aujourd'hui dans l'Autriche.

119 Cette conception de Deuschtum ainsi connue, va

rendre plus difficile encore l'action d'Otto de Habsbourg auprès de la résistance autrichienne et des exilés. Elle s'oppose à la conception de véritable nation autrichienne développée par les communistes ainsi qu'à la conception de nation allemande moderne envisagée, à l'époque, par les socialistes.

Durant la guerre, plusieurs mouvements de résistance vont se constituer. Nous nous sommes intéressés à ceux d'entre eux qui étaient d'obédience monarchiste. Ceci ne veut en aucune manière minimiser l'importance reconnue des mouvements socialistes et communistes autrichiens dans la résistance au nazisme.

L'avocat Jakob Kastelic fonda la "Grossöstereichische Freiheitsbewegung". Le mouvement de libération pour une grande Autriche défendait comme objectif politique la constitution d'une Fédération Danubienne. Celle-ci devait aussi comprendre la Bavière et serait placée sous l'autorité d'un Habsbourg.

D'autres mouvements d'obédience conservatrice, comme le Mouvement de libération autrichien (Ö.F.B) du chanoine Scholz ou encore l'Union de combat autrichienne fondée par Karl Lederer ont milité aux côtés du mouvement pour la grande Autriche. Une union entre ces trois groupements devait s'établir. Cependant, les trois dirigeants furent arrêtés et torturés par la Gestapo.

118 Martin Fuch deviendra après la guerre ambassadeur

d'Autriche à Paris.

119 Correspondance publiée dans Die Österreichische Post et citée

par KREISSLER,F, op.-cit., p 243

Page 65: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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D'autres groupes catalogués comme d'obédience conservatrice ou légitimiste existaient.

En décembre 1943, un tract alerta les services de la Gestapo en Autriche et à Berlin. Ce tract portait la mention "Alpenland,

Organe du gouvernement d'Autriche n1" et fut distribué en Autriche, en Bavière, en Bohème et Moravie. Il s'intitulait "Déclaration d'indépendance autrichienne". Il appelle à l'union

de tous les antinazis sous la bannière du Freiheitsfront. Il refuse l'Anschluss du Reich allemand. Ce mouvement rejoint l'esprit de "Grande Autriche", puisqu'il appelle à la fondation d'une Autriche libre et démocratique recouvrant l'Allemagne du Sud, le territoire autrichien de l'époque plus le Tyrol du Sud. On reconnaît ainsi l'influence des projets habsbourgeois. Ceci pouvait expliquer l'inquiétude des autorités hitlériennes.

Ces projets avaient déjà vu le jour en Bavière sous la République de Weimar.

120 Cependant, ils prévoyaient une

monarchie danubienne sous la couronne des Wittelsbach. On peut dire que pendant la guerre, l'archiduc Otto sera politiquement très actif. L'archiduc défend trois principes: une Autriche indépendante, la protection de la Hongrie contre les

Soviétiques et le respect des minorités persécutées dont les juifs. Il réclame la restitution du Tyrol du Sud cédé à l'Italie en 1918. L'archiduc pourra compter sur la sympathie de plusieurs mouvements. Le reste de la famille impériale se fixe au Québec. Pendant

la guerre, l'archiduc Otto se rend successivement aux États-Unis et en France. Dans ce pays, il tenta de promouvoir une représentation officielle de l'Autriche appelée "Office autrichien". Ceci lui fut refusé. 6. La Fédération Danubienne

Les plans de l'archiduc se précisèrent en 1942. Il publia une brochure intitulée "Danubian Reconstruction". Il proposait aux alliés occidentaux la reconstitution d'une monarchie danubienne autrichienne qui ferait tampon face à l'Est communiste. Plusieurs mouvements vont en faire mention. Ces plans ne vont pas faciliter l'union des Autrichiens exilés.

Les idées d'Otto de Habsbourg furent d'une certaine manière reprises par Churchill. Celui-ci défendit aussi le principe qu'une fois libérée, l'Autriche aurait pu entrer dans une confédération danubienne ou sud-allemande.

L'homme d'État anglais reviendra avec cette idée lors de la Conférence de Téhéran. Par deux fois, il évoqua ces projets. Sa première intervention mentionnait la réunion Bavière-Autriche-Hongrie dans une grande fédération pacifique. La deuxième prévoyait une grande fédération danubienne comprenant la Saxe, la Bavière, le Palatinat, le Bade-Wurtemberg

120 KAUFMANN, W, Monarchism in the Weimar Republic, pp 103-109,

1973, New-York. L'auteur y développe l'histoire du monarchisme allemand dont une des composantes était favorable à une Monarchie Danubienne.

Page 66: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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et l'Autriche. Staline défendit l'indépendance de l'Autriche et de la Hongrie. Roosevelt avait la même approche que Staline.

Durant le mois de juillet 1942, Otto de Habsbourg demanda au Sénat américain de pouvoir faire une déclaration publique et radiodiffusée le jour du huitième anniversaire de l'assassinat de Dolfuss. Les autorités américaines firent savoir que leur intérêt n'était pas d'identifier l'Autriche à l'archiduc. Une interview du prétendant fut néanmoins diffusée. Elle fut suivie d'un discours du Sénateur Pepper sur l'indépendance de

l'Autriche. Cette initiative fut sévèrement critiquée par plusieurs associations non monarchistes. Les autorités ont néanmoins permis que l'archiduc par cette émission et par la présence d'un sénateur discourant sur l'indépendance de l'Autriche obtienne d'une certaine manière plus de légitimité qu'il n'en avait réellement.

En novembre 1942, l'archiduc ainsi que plusieurs personnalités du bloc conservateur: Hans Rott (ancien ministre), Guido Zernatto (ancien ministre également) Richard Schüller (ancien ambassadeur) Walter Schuschnigg (ancien consul) ainsi que le capitaine U.S. Frederick Taylor diffusèrent un appel à la constitution d'un Comité militaire pour la libération de

l'Autriche. Le Secrétaire d'État à la Défense, Henry L. Stimson accepta le principe de ce comité qui servirait au recrutement d'un bataillon autrichien au sein de l'armée des États-Unis d'Amérique. Cette initiative suscita la colère des organisations d'Autrichiens non monarchistes majoritaires (faut-il le

rappeler) et des gouvernements tchèque, yougoslave en exil. L'ambassadeur tchécoslovaque à Washington rencontra Cordell Hull. Il le mit en garde contre les activités de l'archiduc Otto. Celles-ci n'avaient pas l'assentiment des autorités tchécoslovaques.

Ce n'est qu'en avril 1943, que les autorités militaires demandèrent qu'il soit mis fin aux préparatifs. Il semble que ceux-ci étaient déjà bien avancés. Ce n'est que le 3 mai qu'officiellement les autorités décidèrent de le dissoudre. C'est aux États-Unis que les légitimistes vont se concentrer. D'autres seront aussi représentés à Londres. Des communistes

autrichiens se retrouveront en U.R.S.S. et développeront eux aussi la notion d'Autriche indépendante. L'importance monarchiste de certains mouvements aux États-Unis est renforcée par la présence du prétendant lui-même et de ses projets. Mais la plupart des organisations n'étaient pas monarchistes: l'Austrian Action et l'Austrian Labor Comittee. Le premier voulait obtenir des avantages matériels pour les

Autrichiens exilés. Le second rassemblait les socialistes de ce pays. D'autres associations existaient aussi: Austro-American League, Austro-American Centre, Austrian Society. Nous nous attarderons sur les mouvements d'obédience monarchistes. L'ancien ministre du gouvernement Schussnig, Hans

Root, fonda le Free Austrian National Council. L'ex-ministre souhaitait obtenir du Département d'État de se faire admettre comme le représentant légal de l'Autriche. Ceci lui fut refusé. Il fut dit à l'époque qu'Hans Root était en étroite liaison avec l'archiduc Otto et partageait ses idées.

Page 67: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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L'ancien ministre fonda également le Frei Östererreicher Bewegung. Nous devons constater " que toutes les organisations

d'émigrés autrichiens -celle de Hans Rott mise à part - refusèrent d'envisager la restauration d'une monarchie sous quelque forme que ce fût: Fédération danubienne, monarchie austro-bavaroise ou monarchie autrichienne. Mais par divers côtés, et non seulement par Otto, ces trois variantes avaient déjà été envisagées"

121

L'archiduc Robert est resté à Londres où il termine ses études universitaires débutées à Louvain. Il fut chargé par son frère, Otto, de le représenter et d'animer un mouvement. Nous supposons qu'il s'agit de l'Austrian League. Les projets monarchistes suscitèrent des débats entre les organisations d'Autrichiens à Londres.

Il exista entre le Free Austrian Movement (non-monarchiste) et l'Austrian League des liens organiques, ce qui n'était pas le cas aux États-Unis. Le F.A.M. s'en est expliqué. Il adopta cette attitude pour assurer l'unité des forces anti-hitlériennes. Les monarchistes étaient considérés comme d'utiles partenaires au regard de l'activité combattante de ces mouvements en Autriche.

Cependant, le F.A.M. expliqua clairement que leur lutte commune n'impliquait en aucune manière son approbation des plans des Habsbourg. Ceci fut explicitement formulé dans le Zeitspiegel du 4 avril 1942. Implicitement, on peut donc en déduire que les projets habsbourgeois étaient pris au sérieux puisqu'ils nécessitèrent des mises au point assez fermes de

leurs adversaires. En septembre 1944, lors de la seconde conférence de Québec, Otto de Habsbourg intervint auprès de Roosevelt et de Churchill. Il évoqua le bastion contre le communisme qu'il pourrait mener dans une Autriche-Hongrie remodelée. Cette idée se retrouvera

plus loin. Les projets de l'archiduc se préciseront aussi à l'égard de l'ancien royaume hongrois. Les relations entre la famille impériale et les autorités hongroises vont se renouer. Le 21 septembre 1943, le frère d'Otto, l'archiduc Charles-Louis se rend auprès de la légation de Hongrie à Lisbonne.

121 KREISSLER, F, op.-cit. p 351

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"Le Gouvernement Kally souhaite savoir quelle est la position d'Otto vis-à-vis de la Fédération du Danube et si le prince est

prêt à en prendre la tête. Otto soumet le projet à Roosevelt et, avec l'accord du Président, fait exposer au gouvernement hongrois la nécessité primordiale de former en Hongrie un gouvernement qui déclarerait la guerre à Hitler. Dans ces conditions, les troupes hongroises seraient appelées à combattre aux côtés des Alliés. Le ministre-président Kally répond qu'il autorise Otto à agir en chef d'État dès que Horthy se sera

retiré. Ce qui se fait attendre... Le 10 mars 1944, le gouvernement hongrois marque à Otto son plein accord. Neuf jours plus tard, Hitler, qui a été averti des plans hongrois, envahit la Hongrie. La liaison via Lisbonne est rompue."

122

En janvier 1945, les archiducs Charles-Louis et Rodolphe

entrent secrètement en Autriche et participent à l'action de la Résistance. Au printemps 1945, les archiducs Otto, Robert et Félix se rendent au Tyrol. La famille y conserve beaucoup de partisans. À la libération, ils se rendent à Innsbruck où ils sont chaleureusement accueillis. D'après Erik Cordfunke, après avoir consulté plusieurs de leurs fidèles, ils décident de fonder un parti monarchiste. Ils lui fixaient comme but de

déterminer, au moyen d'une consultation populaire, la forme de l'État autrichien. Le Haut Commissaire russe interdit l'inscription de ce parti sur les listes électorales.

123

7. La Deuxième République L'Autriche est occupée par les Alliés. Les sociaux-démocrates

et les chrétiens sociaux constituent un gouvernement. Le 1er mai 1945, le gouvernement provisoire réintroduit la Constitution de 1920 et reconduit ainsi les lois anti - Habsbourg. L'archiduc prolonge cependant son séjour au Tyrol, situé en zone d'occupation française. Les élections ont lieu en novembre. Les socialistes exigent l'expulsion des archiducs. Une fois le

gouvernement de coalition formé, les archiducs sont expulsés en janvier 1946. La deuxième République est proclamée. La Famille Habsbourg-Lorraine repart en exil. À partir de cette période, l'action politique de l'héritier va prendre une autre orientation. L'archiduc Otto va s'engager dans la construction européenne,

mais cet engagement n'écarte pas pour autant son "activité autrichienne" bien qu'exilé par la loi. Nous avons scindé, à dessein, les deux aspects de son action politique.

122 CORDFUNKE, E, op.-cit., pp 192-193

123 ibid

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D) LLaa ""nnoossttaallggiiee"" ddee llaa mmoonnaarrcchhiiee ddaannuubbiieennnnee

1. L'après-guerre Otto de Habsbourg va parcourir l'Europe, les États-Unis et l'Amérique du Sud comme conférencier. L'archiduc devient professeur extraordinaire de droit international à l'université de Bogota en Colombie. Il écrit chaque semaine un article de presse qui sera simultanément publié dans différents pays

européens, aux États-Unis, au Canada et en Amérique du sud. Tout comme Joseph Vanlynseel,

124 nnoouuss ppeennssoonnss qquuee cceett eennsseemmbbllee

dd''aaccttiivviittééss lluuii aappppoorrttee llee ppaaiinn qquuoottiiddiieenn.. CCeelllleess--ccii nnee llee

ddiissttrraaiieenntt ppaass ddee sseess ttââcchheess ddee pprréétteennddaanntt.. CCeess ccoonnfféérreenncceess eett

ll''eennggaaggeemmeenntt eeuurrooppééeenn ssee ccoonnffoonnddeenntt aavveecc eelllleess

L'archiduc Otto épouse le 10 mai 1951 la princesse Régina de Saxe Meiningen. Ce mariage fut célébré à Nancy. Il ne pouvait se dérouler ni à Vienne ni à Budapest. Cet événement sera l'occasion pour des milliers d'Autrichiens et d'émigrés Hongrois, Tchèques et Croates de manifester leur fidélité à la famille. La population locale manifesta en nombre sa sympathie. Plusieurs représentants de familles souveraines ou anciennement

souveraines firent le déplacement ainsi que plusieurs membres de l'aristocratie européenne. Aucun représentant de la République autrichienne n'avait rejoint la capitale de la Lorraine. Seul un télégramme du Chancelier, le Dr Figl, leader des populistes, fut envoyé à titre personnel. Si en Autriche, dans les années cinquante, les projets de

restauration n'ont plus cours, on constate un changement d'état d'esprit à l'égard de la monarchie. Au printemps 1952, lors d'un voyage, G. Puaux, ancien ambassadeur de France à Vienne constate certains changements et affirme: " La tendance des socialistes autrichiens a toujours

été de condamner en bloc le passé de leur pays antérieur à la proclamation de la République (12 novembre 1918) Le silence devait se faire sur l'Autriche des Habsbourg. Peut-être cette consigne s'est-elle quelque peu relâchée. Une revue socialiste a publié sur François-Joseph un article très objectif. On a été très surpris que le Länderbank nationalisée et soumise à l'influence du parti ait financé un film à la gloire de Marie-

Thérèse. Une restauration est impensable, et (il est difficile de) concevoir la constitution d'un parti monarchique intervenant dans la vie politique. On constate dans l'ensemble du pays, un certain regret du passé. L'époque de François-Joseph devient peu à peu « le bon vieux temps » et l'archiduc Otto incarne dans certaines imaginations le rêve d'un bonheur aboli."

125

124 VALYNSEELE, J, op.-cit., p 101

125 PUAUX, G, op.-cit., pp 169-170

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L'ambassadeur signale un voyage du prétendant qu'il fit en Bavière."Des délégations et personnalités ont passé en nombre la

frontière pour aller saluer «l'Empereur». Il peut y avoir là un sujet de méditation pour les gouvernements occidentaux. (Selon G. Puaux) si l'on veut sauvegarder le patriotisme autrichien, rien ne serait plus maladroit que de paraître prendre systématiquement ombrage au «prétendant» «

126

À la fin 1952, un nombre important de monarchistes se

déplacèrent à Passau pour saluer le prince. On signale que beaucoup de fonctionnaires faisaient partie de la délégation. En 1953, lors de la cérémonie du baptême du premier enfant du couple impérial, des monarchistes autrichiens se manifestèrent symboliquement.

Par Décret, le 8 septembre 1953,la République autrichienne reconnaît, souveraine la branche autrichienne de la Toison d'Or. Depuis le décès de l'Empereur Charles 1er, c'est Otto de Habsbourg qui détient la Grande Maîtrise de cet Ordre. Par cette reconnaissance, l'Ordre dispose d'une personnalité juridique internationale. Ceci se fit, en assimilant la Toison d'Or, aux

anciens ordres religieux-soldats qui ont possédé jadis des territoires souverains. Cette officialisation a permis à l'archiduc, avant qu'il soit lui-même autorisé à rentrer et avant la signature du Traité d'État, de disposer d'une structure reconnue en Autriche. Il serait intéressant de savoir, en quoi, cet Ordre put avoir une quelconque activité en Autriche.

En 1954, le couple s'installe au sud de la Bavière dans le village de Pöcking dans une vaste villa. Le 125e anniversaire de la naissance de François-Joseph fut célébré. Plusieurs cérémonies furent organisées. L'archiduc Otto ne se désintéresse aucunement de ce courant de sympathie. Lorsqu'il est à Pöcking, il consacre une partie de son emploi du temps aux visites de ses

fidèles "sujets" autrichiens. Bien que n'ayant pu mesurer, de manière plus précise, ce courant, nous tenons à mentionner l'existence de deux sondages d'opinions.

127

Le premier eut lieu à la fin 1957. 48 % des personnes

interrogées se déclaraient favorables à la République. Seuls 17 % avaient pris le parti de la monarchie. Les indifférents à la forme de l'État étaient estimés à 35 %.

126 ibid

127 Les résultats de ceux-ci sont extraits de VALYNSEEL, J, op.-

cit., pp 107-108

Page 71: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

68

Le deuxième sondage eut lieu en 1959. Il portait sur la question du retour de l'archiduc Otto non en tant qu'empereur,

mais en tant que simple citoyen autrichien. 54 % se sont déclarés favorables. 18% y étaient opposés. 28 % n'avaient pas exprimé d'opinion. On peut donc constater que l'institution monarchique en tant que telle ne recueille les suffrages que d'une minorité. Par contre la figure d'Otto de Habsbourg recueille une majorité.

Est-ce l'héritier de l'empereur et donc de la monarchie danubienne qui est plébiscité ? Ou est-ce l'homme politique catholique, Anticommuniste, atlantiste qui est soutenu par une majorité. Nous pensons que les deux aspects de la personnalité d'Otto de Habsbourg sont intimement liés. Ceci se vérifiera encore plus loin.

2. Le Cardinal Mindszenty C'est un personnage clé de la Hongrie post-Habsbourgeoise. Le cardinal Mindszenty fut arrêté en novembre 1944 par les nazis. Il sera libéré en avril 1945 et deviendra Primat de Hongrie de

la même année. Dès le début du régime communiste, il prit position contre la réforme agraire et contre la nationalisation des écoles libres. La moitié des établissements scolaires étaient confessionnels (catholiques ou protestants) Il menaça d'excommunier ceux qui participaient à la réduction du rôle de l'Église dans la société

hongroise. En décembre 1948, il fut arrêté par les communistes. Bien que nous soyons conscients que certaines mises en scène des procès de type staliniens, intolérables, furent utilisées, nous devons cependant rappeler quel type de société l'Église hongroise et le Vatican défendaient.

Le clergé hongrois se déclarait identique à la nation elle-même puisqu'il affirmait en être le créateur. Arguant du fait que Saint-Étienne fut le fondateur de la Hongrie, le Primat et les évêques réclamaient le droit de pouvoir intervenir dans la gestion politique. Ils insistaient aussi sur la permanence dans les Constitutions hongroises du rôle affirmé et reconnu des

Églises. Le Primat de Hongrie affirma ne jamais renoncer à son droit d'intervenir auprès des politiques lorsque des projets de loi concernaient la religion. Il réclama le droit de pouvoir intervenir avant que de tels projets soient discutés au Parlement. Ainsi, selon le Primat, les évêques avaient le droit

d'examiner comment les législateurs respectaient les Dix Commandements. Église, patrie, famille, individu étaient les valeurs défendues par la Hongrie.

Page 72: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

69

Ce rappel nous paraît important pour resituer les fondements de l'action politique du Cardinal Mindszenty. Ceux-ci sont à

l'opposé de toute séparation Eglise-Etat la plus élémentaire. Nous pensons que ceci ne justifie en rien l'attitude du pouvoir hongrois. Le procès du Cardinal est d'ailleurs critiquable. Les droits de la défense ne furent pas respectés. Il semble même que la torture fut utilisée pour obtenir des aveux. Mais à une époque, où l'on tente de nous faire croire que la

religion est le meilleur instrument de lutte contre le totalitarisme de type stalinien, nous pensons qu'il faut redire le type de société que l'Église défendait. Aujourd'hui, rien ne dit que le Vatican ne veuille retourner à ce type de relations Eglise-Etat dans cette partie de l'Europe.

Parmi les chefs d'accusation, Midszenty fut notamment accusé d'avoir organisé un complot contre la République visant à rétablir la monarchie. Selon le Révérend Père Jérome Szalay

128, qui, tout en refusant

de parler de complot, affirme: " (le Primat) n'a jamais caché ses sentiments royalistes et il en avait le droit...Le Primat

aurait été dans ses droits en pensant à organiser un mouvement royaliste, du moment qu'il restait dans les cadres du droit des gens, qui prescrivent les droits de l'occupant. C'est lui qui couronne les rois de Hongrie et c'est lui qui a été l'unique expression possible de la conscience nationale. Non! D'être légitimiste en Hongrie n'a jamais constitué un crime de lèse-majesté, même sous le régime Horty...Si le primat a été

légitimiste, en cela il est d'accord avec l'immense majorité des Hongrois. (L'homme d'Église affirme: ) Qu'on organise un plébiscite sous le contrôle des Suédois ou des Suisses ! Nous osons croire que même M. Rakosi ne se fait pas d'illusions sur son résultat..."

129

En juin 1947, le Cardinal rencontra aux États-Unis l'impératrice Zita, l'archiduc Otto de Habsbourg et le cardinal Spellman. On sait qu'à cette époque, les projets de restauration n'étaient pas complètement éteints. Le professeur Hours, se demandant si l'activité de l'archiduc avait reçu un quelconque soutien, souhaitait "que, soit aux États-Unis, soit dans les hautes sphères ecclésiastiques, personne ne prête à de telles

utopies un intérêt excessif" 130 Il y avait un intérêt du Vatican

pour les projets de l'archiduc. On peut supposer que le Cardinal Mindszenty n'y ait pas été étranger.

128 R.P. SZALAY, J, Le Cardinal Mindszenty, pp 124-139,

Mission catholique hongroise de Paris, 1950

129 ibid

130 HOURS, J, L'idée européenne et l'idéal du Saint-Empire

L'année Politique et économique, p 15, n111- 112,janvier-mars 1953

Page 73: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

70

D'autre part, le Cardinal aurait défendu les projets de Fédération Danubienne (projet aussi défendu par l'archiduc Otto)

regroupant les États catholiques. À cet égard, signalons l'analyse du Révérend Père Szalay: "Cette idée ne vient pas du Primat de Hongrie. Elle a pris naissance aussitôt que les peuples de l'Europe Centrale ont dû constater que les démocraties faisaient faillite en voulant organiser l'Europe Centrale après la destruction de l'Autriche-Hongrie sur les injustices criantes...On comprend facilement que les Russes

n'auraient point été enchantés de voir se réaliser de tels projets qui eussent constitué une barrière à leurs visées expansionnistes. Comme tous les adeptes de cette idée ne peuvent être expédiés en Sibérie, ils ont pris le Primat de Hongrie"

131

Faut-il croire que la majorité des Hongrois soutenaient de tels projets? On peut en douter, mais la question mériterait une étude plus approfondie. Y avait-il une majorité pour soutenir ce que l'archiduc déclara en octobre 1952, à savoir que sa famille pourrait jouer un certain rôle dans le Fédération européenne.

132

Le Cardinal partageait-il de telles préoccupations? Nous n'avons pas trouvé d'éléments permettant de l'affirmer.

Signalons que l'archiduc Otto lui rendit un vibrant hommage dans son dernier livre.

133 Mais ceci n'apporte pas de réponses aux

questions restant en suspens. 3. Le retour de l'archiduc Otto en Autriche

Comme nous l'avons dit plus haut, une majorité d'Autrichiens se dit favorable à son retour. L'archiduc lui-même manifeste son désir de revenir en Autriche. Cependant, le Traité d'État portant rétablissement d'une Autriche indépendante et démocratique signé à Vienne le 15 mai 1955 entre les États-Unis, la France, l'U.R.S.S. et l'Autriche par son article 10,

maintient en vigueur la loi d'avril 1919. Le 31 mai 1961, l'archiduc Otto déclare renoncer à ses droits héréditaires de souveraineté et se proclame citoyen loyal de la République d'Autriche. Le 5 juin, son chargé d'affaires à Vienne remet cette déclaration à la Chancellerie.

Le 13 juin, la déclaration est examinée au Conseil des Ministres. Les socialistes s'opposent à son retour. Malgré les interventions des populistes, l'entente au sein du Cabinet n'est pas réalisée. Le 21 juin, le gouvernement répond négativement à la demande.

131 R.P. SZALAY, J, op.-cit.

132 Déclaration citée par HOURS,J, op.-cit., p 14.Nous y

reviendrons plus loin. 133 OTTO de HABSBOURG-LORRAINE, L'idée impériale, pp 114-116

Page 74: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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L'héritier engage une procédure auprès de la Cour de droit constitutionnel en se référant à l'article 144 de la

Constitution. La Cour se déclare incompétente. Celle-ci précise sa position en déclarant que le gouvernement fédéral agissant de concert avec la commission principale de l'Assemblée nationale ne pouvait être considéré comme autorité administrative justiciable de la Cour. Otto de Habsbourg se pourvoit devant le tribunal

administratif. Celui-ci lui donne raison. Les socialistes continuent à s'opposer à son retour. Ils menacent de se retirer du gouvernement et d'organiser des grèves dans le pays. Le Ministre de l'Intérieur donne l'ordre de refouler l'archiduc. Un mouvement d'opinion développe l'idée que si le prétendant rentre en Autriche, les biens confisqués en 1919 devenus propriété de

l'État lui seraient rendus². Vu l'impossibilité d'un arbitrage entre deux institutions jugeant sans appel, la question revint devant le Parlement. Le 4 juillet 1963, l'Assemblée Nationale, par un vote unanime décida qu'une interprétation authentique de la loi d'exil était nécessaire. Les socialistes et les libéraux s'unissent pour

demander au gouvernement de s'opposer au retour. Après dix heures de débats passionnés, l'alliance socialiste-populiste en sort affaiblie. Deux ministres socialistes, de l'Intérieur et des Affaires Etrangères, déclarèrent que les frontières resteraient fermées à Otto de Habsbourg. Le Chancelier fédéral, populiste, contesta cette attitude.

Au printemps 1964, c'est la crise gouvernementale. Le Chancelier Gorbach démissionne. À ce moment, " l'archiduc pour ne pas gêner ses amis

134 a annoncé qu'il renonçait à revenir

avant les prochaines élections. Espère-t-il qu'elles se feront sur le thème de son retour ?...( Les socialistes ) déclarent que leur opposition n'est pas inspirée par une rancune historique.

Il y a, disent-ils, des Habsbourg revenus en Autriche qui mènent une paisible existence de châtelain sans se mêler de la vie politique.( G Puaux pense qu'il ) est à prévoir que l'archiduc Otto...n'observerait pas le même désintéressement."

135

En 1966, les événements seront plus favorables aux projets de l'archiduc. Les élections donnent la victoire aux populistes.

Signalons que les sociaux-démocrates avaient mentionné dans le programme électoral leur opposition au retour d'Otto. Les populistes forment, à eux seuls, un gouvernement.

134 L'auteur de ces lignes semble sous-entendre que les amis de

l'archiduc sont les populistes. Cela paraît évident eu égard à l'engagement politique plus global pris par Otto de Habsbourg.

135 PUAUX,G, op.-cit.,pp 185-186

Page 75: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Après quelques semaines, le gouvernement autorise Otto de Habsbourg à rentrer et lui remet son passeport. Celui-ci est

renouvelé le 10 juin 1966 sans date limite. Les socialistes continuent à s'opposer à son retour en Autriche. Il fait une courte excursion en octobre 1966. En juillet 1967, il parcourt le Tyrol. Il va remercier chaque société et village qui lui a accordé la citoyenneté d'honneur.

4. La monarchie à l'époque atomique Ce titre est en fait celui d'une conférence organisée par "The Cambrigde University Royalists" présidée par Timothy Robertson. Celle-ci fut publiée.

136 L'archiduc Otto y développe sa

conception de la monarchie. Celle-ci fut déjà évoquée lors

d'autres conférences à l'Institut Léon XIII de recherche sociale et politique à Madrid en novembre 1956. Sa conception de la monarchie se base sur le constat de plusieurs faits. L'archiduc affirme que les classes sociales issues du 19e siècle résultant des conditions économiques disparaissent au profit de ""ccaasstteess"". Il s'agit d'organisations

sociales, de "communautés bureaucratiques" ou de groupes d'intérêts économiques. N'est-ce pas là, la définition de ce qu'aujourd'hui, on appelle le lobbysme ? Il pense que ce phénomène se vérifie aussi bien à l'Est qu'à l'ouest du "Rideau de fer". Ces castes sont fondées sur le pouvoir politique et économique qu'elles détiennent. Ces castes représentent, à ses yeux le danger pour le "nouvel ordre du

2Oème siècle, car elles veulent s'emparer du pouvoir, en orienter les décisions pour en tirer des avantages. Il faut selon lui un nouvel ordre. Pour y arriver, il faut “rréé--ééttaabblliirr”” ll''aauuttoorriittéé ““aauutthheennttiiqquuee” de l'État. Il avoue lui-même que cette idée tranche avec la notion selon laquelle l'État

interfère dans des domaines qui ne le concernent pas. Il insiste d'ailleurs, “If we believe that the state has become too powerful, we are mistaken. On the contrary; the State's authority is today too weak”. Il faudra pour l'avenir un plus haut degré de continuité dans les plans politiques et économiques. Il regrette que les plans

existants soient limités aux périodes électorales. Ce nouvel ordre basé sur llee rreennffoorrcceemmeenntt ddee ll''aauuttoorriittéé ddee

ll''ÉÉttaatt l'amène à constater: “We need a system of checks and balances”. Il défend “a mixed form of governement”. Ce gouvernement aura des sources d'autorités diversifiées qui permettent de garantir un équilibre des pouvoirs.

136 OTTO of AUSTRIA, Monarchy in the atomic age, pp 9-15, 1960,

The Monarchist Press Association. Toutes les citations anglaises qui vont suivre sont extraites de ce livre.

Page 76: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Ceci l'amène à évoquer le “monarchisme”. Pour Otto de

Habsbourg, les titres, les couronnes et palaces n'ont pas une

grande incidence sur la “politique monarchiste”. Ce ne sont que des signes extérieurs, des symboles qui ne sont pas la base de la “doctrine politique monarchiste”. Nous insistons sur ces

mots, car, selon les documents que nous avons pu consulter, c'est la première fois que l'archiduc définit politiquement la monarchie de manière aussi claire.

" We must think of the monarchist idea as what it really is: a political doctrine, as the idea of mixed governement, as the guarantee of continuity, as the assurance of a State above parties. In other words: we must never become prisoners of the slogans of the past or even of the present. We must consider monarchy objectively as a political system." Ces différentes

considérations, développées ci-dessus, l'amènent donc à défendre la monarchie comme système politique. Il veut aussi ddiifffféérreenncciieerr llee mmoonnaarrcchhiissmmee dduu llééggiittiimmiissmmee

ddyynnaassttiiqquuee. Il définit cette dernière conception comme un " attachement particulier à une personne, une dynastie ou une forme de constitution ( selon lui, le légitimisme se ) dérobe

presque toujours aux débats d'une politique rationnelle et objective. Il est d'ordre affectif. La forme de gouvernement... doit se discuter indépendamment des questions de personnes ou de famille qui la représentent momentanément ou l'ont représentée...L'histoire a de tout temps connu des changements dynastiques...Le principe dépasse ceux qui l'incarnent, d'autant plus que ces derniers sont mortels, alors que le premier

historiquement est éternel.( L'archiduc pense que ) parmi les défenseurs de la pensée monarchiste dans les républiques d'Europe continentale, il y a relativement peu de légitimistes "

137

Cependant, nous avons constaté que dans le cadre de notre

analyse de la situation française, la notion de légitimisme telle qu'il la définit est majoritaire. Ceux qui défendent, la monarchie se disent, eux-mêmes, "royalistes". De ce fait ils défendent le "roi" en tant que personne . Ils partagent les options politiques prises par leurs "rois" ou prétendants. Ils sont polarisés sur des questions de famille et ne développent pas nécessairement une conception précise de la monarchie.

En Autriche, à en croire Geoffrey Bocca, Otto de Habsbourg dispose d'un courant de sympathisants "who are fanatically loyal to him personally, men interested not in the Hapsburg family but in Otto of Hapsburg"

138 Nous pensons qu'il existe beaucoup plus

de "monarchistes" ou "royalistes" qui ont, en fait, une attitude de légitimisme dynastique comme l'a défini l'archiduc Otto.

137 OTTO DE HABSBOURG, L'ordre social de demain, pp 106-107

138 BOCCA, G, Kings without thrones, p 121

Page 77: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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L'archiduc analyse ll''éévvoolluuttiioonn ddee ll''hhiissttooiirree ppaarr ccyycclleess. Il constate qu'on a vécu sous le cycle républicain et pense qu'on

entre dans un cycle monarchique. Il s'oppose à la conception selon laquelle certaines formes de gouvernement font partie du passé et d'autres ont l'avenir devant elles. Le cycle républicain débuta à la Renaissance. Il grandit à la Révolution Française et atteint sa maturité au 19e siècle. Mais comment alors analyser les monarchies absolues dans ce cycle

républicain ? Selon lui, la plupart des monarchies n'étaient rien d'autre que des républiques couronnées. Bien qu'il ne caractérise pas précisément ce cycle républicain, nous nous interrogeons sur cette affirmation. Cette interrogation mériterait d'être poursuivie dans un autre travail. Le cycle républicain trouverait sa fin lors de l'explosion de la première

bombe atomique. Ceci explique le titre utilisé par l'archiduc pour sa conférence. Étant au début de ce nouveau cycle, l'archiduc Otto affirme la nécessité d'une forme de gouvernement mixte, à savoir un nnoouuvveeaauu

ccoonncceepptt ddee llaa mmoonnaarrcchhiiee, devrait permettre d'éviter la formation de "castes". Ceci constitue "the great challenge to our European

states". Ce nouveau concept s'oppose aux formes constitutionnelles du 19e qui, selon lui, seraient toujours d'application. Le ddaannggeerr de la formation de castes est la constitution d'uunn

nnoouuvveeaauu ffééooddaalliissmmee."Without undue pessismism, we must admit that we are already more than half-way in the era of this neo-

feudalism, wich has all the faults of the old one, and none of its unquestionable virtues. There is only one way to counter this danger: a complete rethinking, tne creation of mixed forms of government -thats is the essence of monarchist thougt. Only monarchy is capable of guaranteeing individual freedom in an atmosphere of general and social equality of rights: only

monarchy can afford humanity the ability to use its tremendous potentialities for the betterment of the human race in freedom and dignity." Ceci pourrait se concrétiser à la condition que le mmoonnaarrqquuee soit le ddééffeennsseeuurr dduu DDrrooiitt. Il ne doit pas régler les cas concrets qui se posent. Le monarque doit "veiller avant tout à

ce que la législation concorde avec les principes de tout gouvernement, c'est-à-dire avec le droit naturel. Le droit de veto du souverain contre les lois votées par les parlements, et inversement la sanction qu'il devait décerner à ces lois étaient une survivance de cette antique dignité"

139

L'archiduc défend la pprriimmaauuttéé dduu jjuuddiicciiaaiirree. L'expression de

celle-ci se vérifiait jadis " ddaannss lleess mmoonnaarrcchhiieess cchhrrééttiieennnneess. Les plus anciennes monarchies, les royaumes bibliques avaient pour rois des juges...L'histoire des grandes monarchies médiévales montre que la puissance législative du roi était strictement limitée par des autonomies locales. On pourrait dire la même chose de la fonction exécutive du prince. Il n'était pas

avant tout législateur ou chef du pouvoir exécutif. Il était juge. Ses autres fonctions étaient subordonnées et n'entraient

139 OTTO DE HABSBOURG, op.-cit., pp 112-117

Page 78: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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en jeu que si elles étaient nécessaires au succès de la Justice"

140

Le souverain est considéré comme le premier juge constitutionnel. Il ne serait pas seul à assumer cette autorité. " À son côté devrait se tenir la cour juridique garantissant le droit et dont le souverain serait le président. Cette cour aurait à décider si une loi ou un décret est conforme ou non à la constitution."

141 Nous verrons plus loin que cette

institution peut servir à solutionner certains problèmes

dynastiques. Les monarchies, tant qu'elles furent centrées sur cette conception de Juge-Roi, continuèrent à rester fidèles à la préservation du Droit. Le pouvoir absolu monarchique est dans les germes de la Renaissance. Selon l'héritier habsbourgeois,

cette période (qu'il critique d'ailleurs à de nombreuses reprises) est marquée par le triomphe des conceptions romaines. Otto de Habsbourg analyse la logique qui en découle. L'absolutisme suscita, par après, des réactions qui ont amené la réduction du rôle du monarque à un "symbole décoratif". De ce fait, il affirme que depuis la Renaissance, les monarchies ont

perdu leurs fondements. Ce qui expliquerait, selon lui, la chute des trônes européens. Nous pensons qu'il ne faut pas sous-estimer l'engagement volontaire de certains monarques dans une politique autoritaire qui précipita aussi leur chute. Rien n'oblige un monarque à poursuivre une logique qui aurait été instaurée bien avant son

avènement. D'autre part, il précise la nnoottiioonn hhéérrééddiittaaiirree ddee llaa

mmoonnaarrcchhiiee. Il défend l'idée qu'une monarchie ne s'appuie pas sur les prétentions d'une dynastie, mais sur la certitude que cette forme de gouvernement "peut servir le bien public". Nous pensons

qu'il y aurait bien des choses à dire lorsqu'on se réfère à cette notion. Comment faut-il la définir? La notion de bien public dépend bien souvent de la situation économico-sociale que l'on occupe dans la société. Cette notion, lorsqu'elle est utilisée en politique, n'est-elle pas souvent un "passe-partout" qui cache souvent une situation de domination ?

140 ibid

141 ibidem

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L'héritier impérial ne croit pas que l'hérédité dynastique soit uniquement fondée sur la formation de futur roi reçue dès

l'enfance. Cette hérédité dynastique ne procure pas seulement un avantage de stabilité. Selon l'archiduc, "la voie héréditaire permet au prince de ne devoir son trône à personne, sinon à la volonté du Tout-Puissant"

142. La notion de Droit divin est ainsi

rappelée comme partie intégrante de sa conception monarchique. Il reconnaît toutefois la faiblesse de ce principe.

L'éventualité qu'un "incapable" parvienne au sommet de l'État suscite certaines restrictions. Il prévoit la possibilité pour la Cour constitutionnelle (dont nous avons évoqué le contenu plus haut) d'empêcher pareille hypothèse. Lors du décès du monarque, les juges resteraient en charge. Ils devraient à ce moment se prononcer "sur la dignité de l'héritier présomptif

comme successeur au trône" Ils auraient l'autorité de le remplacer, si besoin, par le premier en droit après lui . 5. Les années quatre-vingt - nonante Cette période marque l'aboutissement d'une longue évolution

des autorités autrichiennes. Lors du 80e anniversaire (en 1972) de l'ancienne impératrice Zita la télévision autrichienne diffusa une émission intitulée: "Die Kronzeugin". Elle expliqua, notamment, les objectifs de l'empereur Charles durant son règne. Elle insista sur sa politique de paix et les changements sociaux et politiques qu'il allait introduire. Dix ans plus tard, la radio diffusa une nouvelle interview de l'ex-impératrice.

Le 11 février 1980, la Haute Cour de Justice administrative précisa l'article 2 des "lois anti-Habsbourg" de 1919. La notion de "membres de la Maison Habsbourg-Lorraine" s'applique à ceux qui selon les lois en vigueur jusqu'en novembre 1918 pouvaient prétendre au trône. En conséquence, les Habsbourg nés après

novembre 1918 peuvent venir en Autriche sans devoir faire une déclaration de renonciation à la couronne. Ces "membres par alliance de la Maison Habsbourg" tombaient-ils sous la loi de 1919 ? La question sera en partie tranchée deux ans plus tard. Le 4 mai 1982, le chancelier Kreisky (socialiste) déclare à propos du retour de Zita en Autriche: "Elle est en tous cas ex-

impératrice. Le roi d'Espagne Juan Carlos m'a fait part à Majorque déjà du désir le plus cher de l'ex-impératrice. Si c'est juridiquement possible, nous trouverons une solution humaine".

143 Le 11 mai 1982, le journal "Die Presse" annonce

que le retour de l'impératrice pourra se faire.

142 ibidem

143 Propos cités par CORDFUNKE,C, op.-cit., p 209

Page 80: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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L'ex-impératrice fera une courte excursion autrichienne le 16 mai 1982 avec un passeport espagnol établi au nom de la comtesse

de Bar. Trois mois plus tard, d'août à septembre, après 63 ans d'exil, elle fait son retour de manière très remarquée. Elle s'installe,chez sa fille cadette, au château de Waldstein près de Graz. Elle fut interviewée par une radio locale. Elle reçoit la presse ainsi que Joseph Krainer, président de la Région. Le 13 novembre, Zita est à Vienne. Elle assiste à une messe

célébrée par le cardinal König. Le corps diplomatique est présent, ainsi qu'un représentant officiel du gouvernement hongrois. La foule est nombreuse. Zita est accueillie au son de l'hymne impérial par le bourgmestre socialiste en charge du 1er district, Mr Heinz. Celui-ci lui offre un bouquet d'oeillets rouges et blancs portant ce mot: "Majesté, chaleureuse bienvenue

dans l'ancienne capitale impériale". Les symboles politiques ne sont pas absents. À la Pentecôte 1983, elle est à nouveau à Vienne. Plusieurs milliers de fidèles l'assistent dans une messe en plein air sur la Heldenplatz en commémoration des Sudèdes. Elle sera aussi présente à un service solennel qui se déroule, le lendemain, à

la frontière tchécoslovaque. À la même époque, elle affirme à propos de Mayerling, qu'il ne s'agirait pas d'un suicide, mais d'un meurtre politique. Signalons que l'impératrice respecta les orientations politiques prises par l'archiduc Otto qu'elle considérait, aussi, comme le chef de la famille impériale.

Cette évolution officielle traduit-elle un changement de la population autrichienne à l'égard de leur passé monarchique ? Certains l'affirment. "Aujourd'hui (en 1989) en Autriche, même dans certains milieux socialistes ou alternatifs, on garde un souvenir nostalgique de cette monarchie danubienne qui fut

démembrée. En Italie du Nord, les gens consacrent des fêtes populaires à la mémoire de l'empereur François-Joseph...En Hongrie, on relève les monuments de souverains austro-hongrois, qui avaient été jetés à bas. Des chercheurs tchèques et slovaques, décidés à se livrer à des recherches sérieuses, commencent à prendre du recul vis-à-vis de la propagande et de ses pamphlets qui au nom des idées nationalistes et de la lutte

des classes, s'en prennent à l'ancien État danubien. Dans les vitrines de librairies autrichiennes, de nombreux titres d'ouvrages se rapportant à l'Europe Centrale de l'époque impériale en fixent l'image".

144 Ainsi parle Otto de Habsbourg.

Pour lui, cela signifie que ces populations pensent que leurs pays, depuis 1918, n'ont pas accédé à une véritable organisation.

Il pense que la fin de l'Empire des Habsbourg signifiait la fin de la sécurité assurée par la loi. Il réfute les thèses qui présentent la Monarchie comme une prison de peuples mélangés ou conquis. Ces "nations danubiennes" occupaient des aires géographiques qui s'imbriquaient les unes dans les autres. Ces

régions linguistiques n'étaient pas strictement séparées.

144 OTTO DE HABSBOURG LORRAINE, L'idée impériale, op.-cit., p 54 et p 63

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Otto de Habsbourg tient à préciser cette situation pour prouver que la constitution d'États-Nation après la Première Guerre mondiale fut une erreur. Les frontières établies à cette

époque ne respectaient pas la volonté des populations. La fin de l'Empire habsbourgeois signifie aussi la fin du libre échange qui existait au sein de cette unité. Il fut remplacé par des barrières douanières "sous le sceau de la prétendue souveraineté nationale de petits États non viables"

145

Nous devons rappeler quel était le système économique de la

Double Monarchie avant d'en faire l'apologie. Nous devons rappeler la grave crise de croissance que connut le monde rural en Europe Centrale après le Compromis de 1867. Il a d'abord fallu attendre 1848 pour que le régime seigneurial et le système de la corvée liée à l'économie domaniale soient abolis. Mais le nouveau système continua à distinguer terres seigneuriales et

terres paysannes. Le déséquilibre entre grande propriété et petite propriété alla croissant. À la fin du XIXe siècle, il n'y a pas eu de réforme agraire. Il y eut une concentration capitaliste, l'aristocratie utilisant d'une part, les services des banques pour développer et moderniser ses grandes exploitations, et, d'autre part, les services d'un prolétariat agricole, particulièrement nombreux en Hongrie. Ainsi le

développement du capitalisme dans la Double Monarchie consolida les structures traditionnelles et contribua à créer une véritable crise sociale. Des observateurs impartiaux avaient pu, bien avant 1914, redouter une explosion révolutionnaire dans ce prolétariat agricole hongrois.

146

Otto de Habsbourg constate que les peuples danubiens savaient

s'unir pour combattre les ennemis de la couronne. Une fois sans élément fédérateur et divisé dans des États, ils n'ont pas opposé une pareille résistance à l'encontre des troupes hitlériennes. Après 1945, l'occupation soviétique de ces pays prouva que l'absence d'élément supranational fut fatale pour l'Europe Centrale et sa population.

Il s'est particulièrement opposé au Traité de Yalta qui entérina le partage de l'Europe et, de ce fait, écartait encore plus tout espoir pour l'Europe Centrale de recouvrer une certaine supranationalité.

145 ibid

146 BERENGER, J., "L'Autriche", Encyclopaedia Universalis,

Vol. 2, 1968, pp 916-917

Page 82: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

79

Selon l'archiduc, durant le règne des "Républiques Populaires", le nationalisme va être utilisé par les autorités

communistes pour opposer les peuples d'Europe Centrale et Orientale les uns contre les autres. Cette tactique développée par Staline visait à éviter que ne se créent au sein du Bloc Soviétique des alliances particulières entre États. L'aspect fédéral de l'Empire, qu'il défend, n'a pas toujours caractérisé la gestion de la Monarchie. On peut même dire que

cette notion ne fut développée qu'après 1860. La centralisation fut souvent de règle. Il défend l'idée selon laquelle cette institution incarne la tradition supranationale et devrait servir d'exemple à la construction européenne actuelle. Tout en reconnaissant que certaines erreurs ont été commises par ses ancêtres (bien qu'il en impute la responsabilité au

gouvernement de l'époque), il pense que le démembrement de la monarchie a facilité le succès d'Hitler ainsi que celui des communistes. 6. Le décès de l'impératrice Zita Dans la nuit du 13 au 14 mars 1989, l'impératrice Zita décède

dans un couvent suisse à Zizers. Ses funérailles ont eu lieu à Vienne. Le gouvernement fut officiellement informé du décès par l'archiduc Charles (le petit-fils de Zita) qui est l'héritier du trône autrichien. Il rencontra le Président puis le Chancelier autrichien. L'archiduc Charles présida le cérémonial. Ce dernier fut annoncé, dans les détails, quelques heures après la mort.

Ses funérailles furent retransmises en direct à la télévision autrichienne. Le Ministre autrichien des Affaires Etrangères, Mr Alois MOCK, déclara: " la République exprimerait le respect dû à une personnalité historique remarquable, qui a appartenu à l'une des plus grandes Maisons européennes et a mené, en tant qu'Autrichienne une vie très difficile...Il est nécessaire que

l'Autriche s'identifie avec les grandes personnalités de son histoire." Depuis la mort de François-Joseph en 1916, la capitale danubienne n'avait plus connu pareil événement. Le Réquiem de Mozart célébré dans la cathédrale Saint-Étienne fut suivi de l'hymne impérial. L'archevêque de Vienne portait les vêtements

sacerdotaux qui servirent aux obsèques de 1916. Des militaires ont pu revêtir d'anciens uniformes de l'Empire pour participer au défilé funéraire. Le cercueil fut conduit par le char funéraire de François-Joseph jusqu'à la Crypte des Capucins où repose la Dynastie Habsbourg. Signalons que la dépouille de l'empereur Charles 1er, époux de Zita, repose à Madère. On sait que la cause de béatification de l'empereur a été introduite

auprès du Vatican. Certains affirment que la fin de l'instruction de celle-ci permettrait le rapatriement de la dépouille à Vienne.

Page 83: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

80

Des délégations de Hongrie, de Yougoslavie, de Roumanie et d'Italie se sont déplacées. Plusieurs têtes couronnées et

représentants du Gotha européen étaient présents. Certaines familles royales ont boudé la cérémonie.

147 La République

autrichienne était présente avec son Président, Kurt Waldheim. Il assista au service religieux, mais ne participa pas au cortège vers la Crypte des Capucins. Le Chancelier socialiste, Franz Vranitzky était à l'étranger. Plusieurs magasins ornèrent leurs vitrines de portraits de la défunte.

Bien que la cérémonie ait été suivie dans tout le pays avec beaucoup de ferveur et d'intérêt, nous pensons qu'il serait faux de croire à l'unanimité de l'Autriche derrière la signification de cette cérémonie. Des tracts dénonçant les crimes de guerre des Habsbourg furent dispersés sur le passage du cortège. Un

Cercle républicain organisa un souper avec un menu "impérial". Certaines anecdotes sont aussi caractéristiques de l'état d'esprit: "le commentateur de l'ORF (la télévision autrichienne), durant les obsèques à la cathédrale, manifesta sa nervosité à l'écoute de la lettre du nonce apostolique qui donnait à Otto de Habsbourg le titre d’Altesse Impériale et

royale" 148 de plus, les absences et les attitudes des autorités

autrichiennes, mais aussi celles d'autres familles royales témoignent des tensions qui existent à l'égard de la famille impériale. À Budapest, le 3 avril,

149 l'archiduc Otto et sa famille ont

assisté à un requiem solennel célébré en la Cathédrale Saint-

Mathias de Budapest en présence des autorités hongroises. La population hongroise participa en importance à ce recueillement. On entendit des voix crier: "Vive le Roi", "Que Dieu protège le premier des Hongrois".

147 Il s'agit des familles d'Angleterre, du Danemark, de Norvège,

de Bulgarie, de Roumanie. Le comte de Paris s'est désisté au dernier moment.

148 CORDFUNKE, E, op-cit., p 216

149 Nous verrons plus loin que l'archiduc Otto a auparavant déjà

eu l'occasion de rentrer en Hongrie. Nous sommes conscients de ne pas avoir respecté la continuité historique. Nous avons préféré développer le chapitre concernant le décès de Zita en entier au lieu de le morceler.

Page 84: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

81

7. Le retour de l'archiduc Otto en Hongrie

En 1987, son fils, Karl est le premier membre de la famille à retourner dans ce pays. L'année suivante, Otto et son épouse s'y rendent pour une "simple visite de tourisme". C'est en mars 1989, que l'on peut vraiment parler de "visite politique" Il occupe la vice-présidence de la Délégation interparlementaire CEE/Hongrie. Celle-ci va se rendre, pour la

première fois, à Budapest. L'archiduc est du voyage. Il a l'avantage de connaître la langue du pays. Mises à part les réunions de travail liées à la mission parlementaire, Otto de Habsbourg a mené son propre programme. Comme me l'a fait remarquer, Luc Beyer De Rijke (alors Député

Européen qui faisait partie de cette Délégation) il y a bien eu deux accueils. L'un réservé à la Délégation et l'autre réservé à l'archiduc Otto. Les autorités, toujours communistes, de l'époque l'ont invité à tenir une conférence réservée aux Hauts Fonctionnaires du Ministère des Affaires Etrangères. N'est-il pas étonnant que

l'héritier du dernier Roi de Hongrie, qui dut s'exiler de son pays, soit l'hôte de l'intelligentsia diplomatique hongroise ! Il fut invité par l'Université Karl Marx à prendre la parole dans l'auditorium Golyervâr, bondé de jeunes étudiants. Deux mille s'étaient déplacés pour venir écouter cet orateur particulier. C'est la Communauté juive de Budapest qui était à

la base de cette rencontre,150 mais les auditeurs dépassaient le

cadre de cette Communauté. D'emblée de jeu, il a tenu à faire remarquer (à ceux qui l'avaient acclamé lors de son entrée) les progrès politiques qui marquent aujourd'hui la Hongrie. "C'est un progrès dans le sens d'une démocratie plus libre, que le fils aîné du dernier roi couronné de Hongrie puisse faire une

conférence ici, à Budapest, en tant que représentant de l'Allemagne au Parlement européen. Cela aurait été impensable il y a quelques années seulement". Otto de Habsbourg évoqua le problème des nationalités. Celui-ci est le plus grave qu'ait à affronter le 20e siècle. Il défend la solution du fédéralisme. Celle-ci implique la reconnaissance

à chaque nationalité petite ou grande de droits dont la majorité numérique ne peut la priver.

150 Les liens d'Otto de Habsbourg et Israël existent. Il fut

invité par l'Université Hébraïque de Jérusalem et par le maire de cette ville. Il séjourna dans la ville sainte du 26 au 30 mai 1990. L'A.F.P. précisa que cette visite privée est la première

d'un Habsbourg, 120 ans après celle effectuée par l'empereur François-Joseph. Les Habsbourg-Lorraine se transmettent, depuis le XIVe siècle, le titre de roi de Jérusalem obtenu lors des croisades.

Page 85: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Il a aussi précisé que les frontières actuelles de l'Europe de l'Est ne seront pas toujours intangibles. Il s'oppose aux

"frontières artificielles",dit-il, fixées à Yalta. On lui posa beaucoup de questions, notamment sur son rôle pendant la Seconde Guerre mondiale ainsi que sur son attitude à l'égard des juifs. Une minute de silence fut observée. À la fin de la rencontre "historique", certains étudiants entonnèrent l'hymne national qui fut repris par l'auditoire.

Ce voyage fut l'occasion pour le prince de développer une véritable opération de relations publiques. Il fut interviewé par la télévision hongroise ainsi que par la chaîne américaine A.B.C. Il fut reçu par l'ambassadeur d'Autriche en Hongrie. Les visites se succédèrent: centre touristique, coopérative

agricole, Musée National, Association Culturelle Juive. Scène étonnante, où des Hongrois d'un certain âge présentent au "député-héritier" des photos-souvenirs du dernier couple impérial. Les Hongrois se tourneraient-ils vers l'aigle bicéphale ? Certains s'opposent au retour de la dynastie Habsbourg, mais

nuancent leur position lorsqu'ils évoquent Otto de Habsbourg lui-même. Comme disait un étudiant à Luc Beyer: "Otto, c'est autre chose. Il est intelligent et sympathique". "Devant la délégation du Parlement européen et devant l'archiduc Otto, Mr Szüros, futur Président de l'Assemblée Nationale a déclaré: “Nous voulons une République. Pas une

monarchie. Otto de Habsbourg est présent. Je ne pense pas qu'il songe à la Monarchie qui serait un anachronisme. Mais en privé, un membre important du Parti ouvrier confiait à l'archiduc que la Monarchie aurait ses faveurs”

151

Pour renforcer la partie purement personnelle de cette visite,

des affiches annonçaient dans Budapest la projection d'un film consacré à Otto de Habsbourg. “Par la grâce de Dieu”, c'est le nom du film. Il fut réalisé par des Hongrois sous la direction de Paul Bokor. Ce film-document de 40 minutes est constitué d'interviews en magyar et d'images d'archives retraçant la vie d'Otto de Habsbourg. Il fut projeté dans tout le pays et obtint un certain succès.

Ce voyage n'a-t-il pas surtout permis de rappeler qu'outre ses fonctions de Député européen, il était avant tout “l'archiduc impérial et royal Otto de Habsbourg” ? Selon certains,

152 “en

menant son programme personnel de visite, l'héritier de l'empire austro-hongrois a irrité plus d'un membre de la délégation européenne présente”.

La Hongrie va connaître une rapide évolution politique. La Hongrie sera le premier pays communiste à abandonner le rôle dirigeant du P.C. Il y a la réhabilitation d'Imre Nagy. Le PSOH se transforme en Parti Socialiste à “l'occidental”. C'est en

151 BEYER DE RYKE, L., "Le retour d'Otto de Habsbourg",Courrier

de Gand, 17/03/1989, p 1 et 10

152 "Royal", Le Vif-l'Express, p 74, 17/03/89

Page 86: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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tout cas l'intention affirmée. La procession des reliques de Saint-Étienne, 1er roi de Hongrie, fut autorisée pour la première fois. La Couronne de Saint-Étienne va remplacer

l'étoile rouge du drapeau hongrois. L'action politique de l'archiduc rejoint l'évolution du continent européen au travers de la Hongrie. Le 19 août 1989, la fuite des citoyens est-allemands fut facilitée. Le mouvement paneuropéen présidé par Otto organisa conjointement avec des groupements hongrois un “pique-nique”. Celui-ci se déroula à la

frontière austro-hongroise. A l'occasion de ce rassemblement, les barbelés de la frontière, située à la hauteur de Sopron furent coupés. C'est en partie par ce passage que les migrants ont pu passer. L'archiduc Otto était représenté par sa fille, l'archiduchesse

Walburga. Elle lut en hongrois et en allemand un message de son père. Il y exprimait sa joie devant cette action qui visait à effacer une frontière artificielle. Cette action eut lieu le jour de la fête du roi Étienne (fondateur de la dynastie hongroise). À cette manifestation politique, la branche hongroise (dite “Palatin de Hongrie”) des Habsbourg était représentée par l'archiduc Édouard. De plus, le prince Vincent

du Liechtenstein (homme politique autrichien) participa à cette cérémonie. Les trois jeunes cousins ont coupé les barbelés. Plusieurs centaines d'Est-Allemands “en vacances en Hongrie” ont ainsi pu rejoindre, via l'Autriche, la R.F.A. C'est ce dernier point qui est selon nous le plus important. Nous voulons cependant mentionner le rôle de la famille

Habsbourg et de ses cousins par alliance dans la symbolique politique de ce geste. Certains ne manqueront pas de reconnaître la coïncidence des lieux. En 1921, le roi Charles rentra en Hongrie par Sopron pour tenter de restaurer la monarchie. En octobre 1989, la Hongrie abandonne l'essentiel de la

Constitution stalinienne. Le multipartisme est réintroduit. La Hongrie devient officiellement la République de Hongrie. Les Députés renoncent aux termes de: " République socialiste et populaire”. Les anciens partis hongrois vont se reconstituer. Il faut situer le contexte politique. Le parti État et la Table ronde de

l'opposition ont négocié la sortie du communisme. Le “compromis de septembre 1989” prévoyait notamment l'élection immédiate du Chef de l'État. Certains partis vont vouloir présenter Otto de Habsbourg comme leur candidat à l'élection présidentielle. Le Parti des Petits Propriétaires (PPP), ancien parti hongrois a comme devise “Dieu, Patrie, Famille”. Il sera le premier à proposer l'archiduc comme Président.

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Le Président du PPM, Imre Boross, déclara qu'Otto “serait la personne la mieux indiquée pour obtenir le consensus national ». 153 Le parti libéral et le parti des gitans ont repris cette

proposition. Jozsef Antall, président du Forum Démocratique Hongrois (MDF) n'a pas repris la proposition du PPP, “mais un représentant du MDF assistait à la dernière réunion à Budapest du mouvement paneuropéen”

154

L'archiduc Otto répondit: “Je les ai priés de ne pas me présenter parce que je suis convaincu d'être plus utile aujourd'hui pour les peuples d'Europe centrale ici, au parlement européen, au sein de la CEE. (À la question), mais si l'élection présidentielle était reportée, vous laisseriez vous faire

violence par vos partisans ? ( Il répond) Si j'étais convaincu que c'était nécessaire pour établir un système authentiquement démocratique en Hongrie, je pourrais revoir mon point de vue. La question de la forme que prendra l'État, pour moi, n'est pas prioritaire. Il faut avant tout assurer les Droits de l'homme. C'est ce qui importe en premier lieu”

155

Dans la perspective de cette élection présidentielle, les communistes “ont espéré pouvoir placer l'un des leurs, Imre Pozsgay, encore populaire à cette époque, à la tête du nouveau régime. Pour contrer cette perspective, les dirigeants de certains nouveaux partis... ont imaginé de présenter la candidature d'Otto de Habsbourg. Cette candidature pouvait trouver plusieurs justifications. En effet, l'opposition ne

possédait aucun candidat ayant une réelle envergure nationale. Par ailleurs, la personne d'Otto de Habsbourg apparaissait comme un gage d"européanité" ainsi que comme ce qui aurait été en mesure de "fédérer" les tendances parfois très antagonistes qui commençaient à se manifester au sein de l'opposition anti-communiste"

156

Le Professeur Bela Farago, mentionne l'existence " d'une tradition légitimiste, d'essence libérale " dont on trouve encore trace aujourd'hui. Selon cette tradition, " les Habsbourg représentent, au 20e siècle, le symbole d'une certaine ouverture de la Hongrie vers l'Occident démocratique et parlementaire face aux diverses tentations totalitaires. De surcroît, la

personnalité éminemment "européenne" d'Otto de Habsbourg correspond bien à cette symbolique. Par ailleurs, le courant de sympathie que l'on peut constater doit également être mis en rapport, d'une part, avec la nostalgie de la "grande" Hongrie telle qu'elle a existé dans le cadre de la monarchie austro-hongroise, d'autre part, avec la récente réhabilitation

153 Propos cités par BERN, S, op.-cit., p 178

154 SHIBAB, Sophie,"La campagne électorale. Le retour des

vieux partis",Le Monde, 23/03/89

155 "Otto de Habsbourg n'est candidat à rien", Libération,

24/10/89

156 Le professeur BELA FARAGO, "Corespondance privée",

Paris, 7 février 1991

Page 88: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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"culturelle" de l'époque 1900. (Tout ceci ne doit pas faire oublier que les rapports entre Hongrois et la Cour de Vienne étaient conflictuels pendant toute la période de la Double

Monarchie. « Un sursaut monarchique est-il possible en Hongrie ? Le Professeur pense que cela n'est pas envisageable, sauf, en cas de crise institutionnelle grave. Mais, selon lui, malgré que la politique hongroise soit relativement mouvementée, “la Présidence de la République est une institution stable et

stabilisatrice. De ce fait une éventuelle solution monarchique n'est plus du tout possible”. Le fait que l'éventuel successeur d'Otto de Habsbourg ne soit pas connu par le public hongrois diminue la probabilité d'une telle perspective pour l'avenir.

157

8. Un espace politique danubien Nous nous sommes posé cette question et nous l'avons poursuivie en nous demandant si l'archiduc Otto de Habsbourg y était intéressé. Nos recherches nous ont permis d'établir

certains liens entre des projets de ce type et l'archiduc. Après la guerre 39-45, Otto de Habsbourg reprit l'idée développée en 1942, à savoir la Fédération Danubienne. L'Europe devait être composée de Fédérations régionales dont celle évoquée ci-devant. Eu égard à la “faiblesse de l'Europe de l'Est”, il partagerait cet espace en trois secteurs appelés:

Nord-Est (Pologne et Pays Baltes), Bassin Danubien et Balkans. Ceux-ci devraient former des unités fédératives régionales. Sa définition du Bassin Danubien impliquerait le démantèlement de la Yougoslavie, de la Roumanie et de la Tchécoslovaquie. Ce projet de Fédération Danubienne a suscité de vives

critiques. Elles furent notamment exprimées par Branko Miljus.158

Selon l'ancien ministre, “il est inconcevable...de créer une fédération danubienne englobant les anciennes possessions de la double monarchie et dont le Conseil Fédéral siègerait à Vienne. Car jamais les Polonais et les Tchèques n'abandonneront la Galicie, ni les Roumains la Transylvanie, ni les Serbes la Bosnie-Herzégovine, la Voïvodine et les régions habitées par

leurs coreligionnaires en Croatie, en Dalmatie et en Slavonie, ni les Italiens Trieste et le Tyrol du Sud”

159

Mais il reconnaît qu'il existe en Italie des cercles monarchistes et catholiques qui défendent le projet de

157 ibid

158 Il est né en 1900 en Bosnie-Herzégovine. Ce docteur en Droit,

après avoir été Député durant deux législatures sous la Monarchie constitutionnelle Yougoslave, fut appelé en 1939 à faire partie du Gouvernement Royal. Il vécut en Yougoslavie sous l'occupation hitlérienne. La prise de pouvoir des communistes

mit fin à sa carrière politique.

159 MILJUS, B, Les Habsbourg l'Eglise et les Slaves du sud, pp

200-205, 1960

Page 89: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Fédération Danubienne “dans l'espoir que les régions catholiques de l'Ouest et du Sud de la Yougoslavie, Slovénie et Croatie, seraient rattachées à la péninsule”

160

L'ancien ministre s'oppose à l'idée selon laquelle une communauté religieuse existerait dans le bassin danubien et rappelle l'existence de minorités protestantes et orthodoxes. Il craint que ce projet ne se base sur une “résurgence du cléricalisme et de l'obscurantisme d'antan”

161

Cette nostalgie de l'époque danubienne impériale s'est poursuivie. On la retrouve à Trieste, en Vénétie Julienne et dans le Frioul. Dans les années septante, le “movimento mitteleuropeo” fut créé en Vénétie Julienne. Il ne souhaitait pas reconstituer une entité politique, mais “dégager l'idée d'une civiltà mitteleuropea telle qu'avait su la créer, à la

veille de la guerre de 1914, la vieille monarchie (austro-hongroise)”.

162

En septembre 1983, un congrès " Mitteleuropa: passé et à venir " fut organisé. Le lieu et les organisateurs sont symboliques politiquement. Il eut lieu au château de Duino du prince Raimondo della Torre et Tasso qui se situe entre Trieste et la

frontière yougoslave. Il fut patronné par le Président Pertini et partiellement financé par la Région Frioul-Vénétie Julienne. Pour renforcer ce caractère Kaiserlich und Königlich de ce mouvement, l'archiduc Otto de Habsbourg prononça le discours inaugural. Le groupe adriatico-alpin fut fondé en 1978. Il rassemble

quatre pays: Italie, Hongrie, Autriche, Yougoslavie. Il est a remarquer qu'il “unissait” des pays de régimes politiques et militaires opposés. Ce groupe se caractérisa par le fait que ce sont certaines Régions

163 qui participent à ces travaux. L'État

de Bavière a obtenu le statut d'observateur. Il fut d'abord conçu comme une organisation de régions voisines. Mais il

évolua-en novembre 1989- en organisation basée sur une coopération nationale. Le groupe créa sept Commissions. Celles-ci s'intéressaient aux matières relevant de: l'environnement, du transport, de la culture, de l'économie, de l'agriculture, des forêts, de la santé et d'hygiène. Les travaux portant sur une éventuelle coopération régionale

ont, notamment, amené les participants à évoquer le problème du port de Trieste. Ce groupe voulait préparer la réorganisation économique de l'Europe centrale.

160 ibid

161 ibidem

162 PUAUX, F, La politique internationale des années quatre-

vingts, p 119, PUF

163 Représentation Italienne: le Haut Trentin Adige, Frioul

Vénétie Julienne, Lombardie. Représentation hongroise: Gryoer Sopron, le comté de Vas. Représentation autrichienne: Styrie, Carinthie, Salzburg, Burgenland. Représentation Yougoslave: Slovénie, Croatie,Monténégro et Bosnie-Herzégovine.

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En 1989, il provoqua, chez certains, des inquiétudes. Celles-ci portaient sur le fait que le groupe “might become the nucleus of a restored Hapsburg monarchy or some sort of Central European

Roman Catholic order. These concerns were expressed in particular in the Serbian press. The Croats and Slovenes attempt to allay these fears, arguing that their membership in the Alpine Adriatic Working group was in keeping with both the Yougoslav Constitution and the provisions of the agreement on Cooporeration and Security in Europe signed in Helsinki in 1975. ( Les inquiétudes ont sans doute dû prendre une ampleur

politique considérable puisque, le 5 mai 1989 ) the Hapsburg heir, Otto von Hapsburg told Tanjug that the group had no connection whatever with any possible claim to a Habsburg monarchy”

164

Nous pensons que ceci révèle le problème des nationalités,

mais aussi l'échec économique de l'Europe Centrale. Nous ne pensons pas que la reconstruction d'une monarchie danubienne résoudrait les problèmes. Cependant, certains esprits véhiculent une nostalgie de cette monarchie qui aurait permis d'éviter ces échecs. D'autres, plus réalistes, pensent qu'un ensemble danubien pourrait permettre un développement de cette partie du continent européen. L'intérêt de ceci, c'est que l'on retrouve

l'archiduc Otto. E) LLeess ““rreellaaiiss”” ddee llaa ppeennssééee dd''OOttttoo ddee HHaabbssbboouurrgg Précisons que depuis juillet 1979, Otto de Habsbourg est député européen de la C.S.U. bavaroise. Il dut, pour ce faire,

obtenir la nationalité allemande. Il considère la C.S.U. comme correspondant à ses vues personnelles. La C.S.U. est l'expression du catholicisme politique conservateur de tradition rurale. Pour mettre en pratique son analyse et ses convictions

politiques, il va créer à travers l'Europe occidentale, un réseau d'associations. Ceci le différencie du comte de Paris et des autres Chefs de Familles Royales.

164 MOORE,Patrick, New Dimensions for the Alpine-Adria Project,

in REPORT ON EASTERN EUROPE of Radio Free Europe, 02/03/1990

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1. Le CEDI International Il fonde en 1949, le Centre Européen de Documentation et

d'Information (CEDI). Ce mouvement a son siège à Munich. Il est élu à vie président d'honneur de ce mouvement. Le recrutement de ce centre se limite aux milieux dirigeants. Le CEDI considère l'Europe occidentale comme le noyau autour duquel se fera une plus grande Europe. Il défend une Europe atlantiste. Il est favorable à l'entrée “le plus tôt possible”

de l'Espagne et du Portugal dans la Communauté Européenne. Signalons que l'archiduc sera reçu à plusieurs reprises par le Général Franco et le Président Salazar.

165 La proximité

idéologique du CEDI et de l'Espagne franquiste est assez claire. L'ancien ministre des Affaires Etrangères de l'Espagne

franquiste Martin Artajo occupe à partir de mars 1964 la vice-présidence du centre.

166 Dès sa création, le premier congrès du

CEDI se déroulera en Espagne. Jusqu'en 1961, ils se dérouleront toujours au pays du franquisme. À la demande du gouvernement de Lisbonne, Otto de Habsbourg effectue en 1962 un voyage dans ce qui était encore les colonies portugaises, à savoir l'Angola et le Mozambique.

Le CEDI apporte son soutien “aux régions de l'Europe Centrale et de l'Europe Orientale, aujourd'hui isolées du fait de leur régime”

167

Si ce mouvement n'est pas directement de nature monarchiste, il fut en tout cas perçu comme tel par plusieurs partis

autrichiens. Le Chancelier autrichien J. Klaus fut vice-président du CEDI."Il fut amené à démissionner en 1963 sous la pression de l'opposition des sociaux-démocrates et des libéraux de son pays, pour lesquels le CEDI couvre une entreprise de restauration des Habsbourg"

168

Le CEDI dispose, dès sa création, de plusieurs centres nationaux: (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Grande-Bretagne, Grèce, Liechtenstein, Portugal, Suède et Suisse)

165 Nous avons déjà évoqué le type de régime instauré par

Salazar au Portugal. (cf Sixte Henri de Bourbon Parme)

166 Martin Artajo fut choisi par Franco pour accentuer

l'enracinement catholique de son régime.

167 Courrier Hebdomadaire du CRISP, C.H. n252, 24 juillet , 1964

168 ibid

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2. L'union Paneuropéenne

Dès 1936, l'archiduc Otto adhéra au Mouvement Pan Européen du comte Richard Coudenhove-Kalergi.Ce mouvement veut regrouper tous les États européens dans une Confédération politique et économique basée sur la paix et l'égalité des droits. À sa création, la "Pan-Europe" devait faire face, selon ses théoriciens, à trois dangers: une nouvelle guerre européenne, le déclin entraînant une misère générale et le bolchévisme. Elle

devait assurer la paix européenne. Le mouvement pan-europa n'est pas directement un mouvement monarchiste. Otto de Habsbourg en sera un des huit vice-présidents. En 1973, il accède à la présidence internationale de l'Union pan-européenne. À cette époque ce mouvement est structuré en

Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Italie et en Autriche. Ces composantes célèbrent chaque année Charlemagne. Depuis 1962, l'archiduc Otto assiste au "Grand Dîner Charlemagne" qui se tient à Bruxelles et qui célèbre la " fête de l'illustre Empereur Romain d'Occident (dont l'archiduc Otto est présenté comme:) l'héritier spirituel et descendant de celui à qui nous

sommes redevables"169

Ces dîners sont l'occasion d'un rassemblement de quelque 200 à cinq cents personnalités venant des mouvements amis d'autres pays, mais aussi du monde politique conservateur (sociaux-chrétiens et conservateurs libéraux). Plusieurs figures de l'aristocratie belge participent à ces événements mondains à

caractère politique. Le mouvement pan-europa a eu l'occasion de se faire connaître dans des manifestations à la frontière austro-hongroise. Il s'est structuré dans les anciennes Républiques Populaires. Nous avons déjà mentionné son rôle (dans le chapitre consacré à la

Hongrie. Nous pensons que le mouvement pan-europa peut permettre de relier les nouveaux partis se créant dans ces pays d'Europe Centrale et Orientale avec la famille Habsbourg. Selon nous, ces liens n'ont pas pour but le rétablissement de la monarchie. Cependant, selon l'archiduc Rodolphe d'Autriche, "les grands mouvements monarchistes (autrichiens) sont dans le mouvement

paneuropéen dans lequel mon frère joue un rôle important" 170

L'archiduc Rodolphe nous signale l'existence de petits mouvements autrichiens qui entretiennent, au moyen de recueils historiques, la mémoire de la monarchie habsbourgeoise. Selon lui, il existe une relation entre le mouvement paneuropéen et ces mouvements. "Je crois, déclare-t-il, que se serait hautement souhaitable que ces mouvements entrent dans le cadre

169 Europe Information, Bulletin du conseil belge de l'Union

Paneuropéenne, (A.E.N.A.), n24, février 1966.

170 "Entretien privé entre l’auteur et l'archiduc Rodolphe

d'Autriche", Bruxelles, 19 décembre 1990. L'archiduc Rodolphe est le

frère d'Otto de Habsbourg. Soulignons la différence d'appellation qui est

voulue. Otto a renoncé à ses prétentions sur le trône d'Autriche. Rodolphe ne

se sent pas concerné par cette renonciation (bien qu'il comprenne sa

décision). Cela explique qu'il se fasse appeler "Rodolphe d'Autriche" et non

pas "Rodolphe de Habsbourg".

Page 93: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

90

du mouvement paneuropéen tout en maintenant leurs activités et leurs noms"

171

Ceci nous amène à dire que le mouvement pan-europa, tel qu'il existe aujourd'hui (années 85-90), peut attirer des monarchistes austro-hongrois ou des sympathisants de la famille Habsbourg quel que soit le pays où ils habitent. Mais d'autre part, et en dehors de toute considération monarchiste, le mouvement pan-europa est perçu par les

populations et certains hommes politiques d'Europe centrale comme une garantie d'ouverture sur l'Europe Occidentale. Le mouvement pan-europa est-il vraiment l'ouverture vers l'Europe occidentale démocratique ? Eu égard aux sympathies

politiques que nous avons relevées ci-dessus (ainsi que celles qui suivront), à ses conceptions de la société politique, nous ne pouvons pas répondre affirmativement à cette question. En fait, nous pensons que le mouvement d'Otto de Habsbourg reste dans la lignée de la politique de la Double Monarchie. L'archiduc défend politiquement l'attachement de cette région au

catholicisme romain. "Sur ce seul point,(les Habsbourg) étaient intransigeants à la fois par conviction intime et par principe politique"

172

L'archiduc est aussi à la tête de l'Académie Européenne de Sciences Politiques. Celle-ci a son siège à Bruxelles. Parmi les "membres perpétuels" de cette Académie, on retrouve l'ancien

Ministre de l'information et du Tourisme de Franco; Manuel Fraga Iribarne. Ce dernier entra au gouvernement le 11 juillet 1962. À propos de ce remaniement gouvernemental, Max Gallo écrit: "Les technocrates de l'Opus Deï sont plus que jamais en place"

173 Comme pour le CEDI, on retrouve les mêmes liens de

l'archiduc Otto avec le franquisme. Notons, entre autres, la

présence de Jacques Médecin, mais aussi de Gaston Eyskens...

171 ibid

172 BERENGER, J.,"Habsbourg", Encyclopaedia Universalis, vol 8, p

202

173 GALLO, M, Histoire de l'Espagne franquiste, p 363, Robert

Laffont

Page 94: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

91

À propos de l'Opus Deï, selon André Van Bosbeke

174, Otto de

Habsbourg en fait partie. Nous n'avons pas trouvé d'autres

auteurs mentionnant cette appartenance. Signalons aussi l'existence du Mouvement d'Action pour l'Union européenne qui est issu (en 1965) de la section belge de l'Union Pan-européenne. 3. Neues Abendland

L'archiduc Otto occupe aussi la présidence d'honneur d'un groupe appelé Neues Abendland. Ce groupe a son siège dans le sud du Wurtemberg près du Liechtenstein, dans le château du Schloss Zeil. "The word Abendland generally signifies Christian Europe as against Morgenland of the pagan East, and was used as early

as the Crusades. In its present particular context it means a land wich preserves European monarchist traditions and virtues, especially the Catholic vitues, against the Russian and conceivably even the American menace."

175

Ce groupe serait financé par des industriels et hommes d'affaires catholiques d'Europe ainsi que par la famille

Waldburg-Zeil. Ils éditent un magazine qui porte le nom de l'association. Ils veulent surtout renforcer le rôle de l'Église catholique en Allemagne contre le protestantisme. Ils développent comme projet, la formation éventuelle au sud de l'Allemagne d'une "Catholic Carolingian union". "Such a union would be dominated by conservative and ultimately monarchist elements and it may well be that an enterprising scion of one of

the contending princely houses will seize his chance once he sees it"

176

Otto de Habsbourg dispose donc bien d'une série d'associations qui soit s'inspirent de l'idéal monarchique ou qui directement le défendent. Cette défense d'une institution politique repose

sur une conviction militante du catholicisme romain. 4. Certains ordres de chevalerie Dans le monde de la chevalerie, l'archiduc Otto de Habsbourg dispose de plusieurs partisans.

André Van Bosbeke 177 cite l'existence du Prieuré de Sion. Ces

chevaliers affirment que leur ordre aurait été fondé par Godfroid de Bouillon. Ce dernier serait le descendant de la dynastie mérovingienne. Celle-ci serait, selon ce mouvement, descendante de Jésus-Christ. Ils défendent l'État théocratique, autorité à la fois religieuse et politique.

Van Bosbeke cite l'enquête de la BBC qui s'est orientée vers

174 VAN BOSBEKE, A.,L'Opus Deï en Belgique, p 12-13, Editions

E.P.O.Vous trouverez en annexe une reproduction de ce passage.

175 BOCCA, G., op.-cit., p 136

176 ibid

177 VAN BOSBEKE, Chevaliers du vingtième siècle, Bruxelles,E.P.O.

Page 95: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

92

le représentant de la Maison de Habsbourg. Ce dernier, de par ses ancêtres, "serait doté de sang divin"

178

Nous ne voulons pas entrer dans le débat historique quant à

l'authenticité des thèses de ce mouvement. Nous tenions à mentionner son existence pour permettre de mieux cerner les différents courants qui se retrouvent derrière l'action politique d'Otto de Habsbourg. L'Ordre Illustrissime et Souverain de la Toison d'Or est sous la paternité de l'Archiduc Otto. Ce dernier en est le Grand-

Maître. Signalons que l'Ordre de la Toison d'Or connaît deux branches; l'une dite "autrichienne", l'autre dite "espagnole". Cette scission remonte à 1713. Ce traité de paix mit fin à la guerre de succession concernant le trône espagnol en l'attribuant à un Bourbon, mais ne régla pas la Grande Maîtrise de l'Ordre de la Toison d'Or.

Aujourd'hui la branche espagnole de la Toison d'Or est présidée par le roi Juan Carlos d'Espagne. Dans le cas ibérique, l'Ordre n'exige pas l'appartenance ni à la noblesse ni à la foi catholique romaine. Ce qui est le cas de la branche autrichienne.

L'Ordre Illustrissime et Souverain de la Toison d'Or, dite "branche autrichienne", fait partie des relais politiques de l'archiduc Otto. " J'en suis toujours le chef [déclare-t-il) l'essentiel de ses statuts originaux a été conservé en Autriche; son recrutement a encore un caractère international... son trésor est demeuré intact, et par-dessus tout, l'ordre est complètement distinct de l'État. La République autrichienne a

reconnu la Toison d'or comme association où elle n'intervient pas, renouant ainsi avec la tradition impériale qui ne l'a jamais tenue pour ordre d'État. L'Ordre fut et demeure en premier lieu une institution catholique, sans but charitable comme celui de Malte ou de

Saint-Jean de Jérusalem, mais dotée d'un objectif précis, l'instauration d'une politique pan-européenne. (L'Ordre devait et, sans doute, doit) endiguer l'expansion ottomane en Europe et unifier ce continent sous le signe de la croix; en d'autres termes, ne céder aucun territoire à l'Islam, ni pratiquer la guerre entre peuples chrétiens"

179

178 VAN BOSBEKE, op.-cit., p 31

179 OTTO DE HABSBOURG, Naissance d'un continent. Une histoire de

l'Europe dite à Guy de Chambure, 1975, p 21-22,

Page 96: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

93

Avec ces différentes associations, l'archiduc Otto de Habsbourg dispose d'un potentiel militant non négligeable. Ce potentiel a de surcroît une source de financement spécifique. Mais il reste

minoritaire.

Chap IV D'AUTRES ROYALISMES

A) LLaa RRoouummaanniiee 1. Rappel historique Avant le régime de Ceaucescu, il y a eu deux Constitutions en Roumanie. « La première (calquée sur le modèle prussien) établissait un suffrage censitaire extrêmement fermé et tenait

les masses paysannes à l'écart de la vie politique. La seconde, qui date de 1923, instituait le suffrage universel, un système parlementaire bicaméral, proche de celui de la Belgique, et affirmait le respect des droits des minorités nationales. (Mais) le fonctionnement des institutions a été immédiatement dénaturé par le clientélisme et la violence. Le régime fut vite considéré comme une mascarade et cela entraîna des réactions

«autochtonistes» hostiles à l'Occident, à la démocratie et au libéralisme... Il engendra un populisme de droite autoritaire, dans la mouvance des mouvements fascistes de la Garde de fer et de la Légion de l'archange Saint-Michel. Antioccidental, il était aussi anticatholique et s'appuyait sur l'Église orthodoxe; l'érection de Bucarest en patriarcat en 1925 fut l'occasion de

grandes manifestations nationalistes. Il existait aussi une tendance populiste paysanne et démocratique regroupée dans le parti national paysan. »

180

La constitution de 1923 sera appliquée sous le règne de Ferdinand 1er (1914-27). Des querelles dynastiques vont aussi marquer l'histoire roumaine. Le prince héritier (futur Carol II)

se sépara de son épouse. C'est elle qui éleva le prince Michel. Le roi Ferdinand l'obligea à renoncer à ses droits en faveur de son fils Michel. À la mort du roi Ferdinand, un conseil de régence fut installé et Michel « devint roi ». Des élections eurent lieu. Le parti national paysan obtint une majorité écrasante. Contrairement à l'avis du Conseil de

Régence, ce parti provoqua le retour de Carol. Celui-ci devint roi. La Constitution de 1923 se décompose avec le règne de Carol II. L'antisémitisme reprend vigueur, des pogroms ont lieu dans un pays où les fascistes avaient obtenu 16 % des voix (lors des

élections de 1937) Il suspendit, en 1938, la Constitution et instaura une Dictature royale. Celle-ci institua un parti unique: « le Front de la renaissance nationale ». L'orientation prohitlérienne était déjà prise sous le règne du père de Michel.

180 DURANDIN, Catherine (spécialiste des questions roumaines et

professeur à l'Institut National des langues et civilisation orientale de Paris) interviewée par Jean-Luc Pouthier,"La Roumanie doit inventer une démocratie qu'elle n'a jamais connue", Libération, 28/12/90

Page 97: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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En 1940, un coup d'État mené par la « Garde de Fer » fit abdiquer Carol II. Ce dernier était déconsidéré par la population à cause des pertes territoriales importantes qu'avait

subies son pays. Michel 1er monte sur le trône roumain. Le maréchal Ion Antonescu obtient les pleins pouvoirs et instaure une dictature militaire et engage le pays dans une alliance directe avec l'Allemagne nazie. La Roumanie fit la guerre aux côtés d'Hitler.

Mais le 23 août 1944, le roi fomenta un Coup d'État avec l'accord des partis politiques -communistes y compris-. Il constitua un gouvernement d'Union Nationale et engagea les hostilités contre l'ancien allié allemand et signa l'armistice avec l'URSS. Signalons que Michel de Roumanie a été décoré par Staline de L'Ordre de la Victoire. Il dut abdiquer le 30

décembre 1947 et la République fut proclamée. Depuis, Michel de Roumanie vit en exil en Suisse. 2. L'hiver 1989 Lors du Sommet de Malte -entre Gorbatchev et Bush le 27 novembre 1989- l'ex-roi leur demande que « l'infortuné peuple

roumain ne soit pas oublié ». Peu de temps plus tard, la dissidente Doïna Cornéa réussissait à faire parvenir en occident 181 un message dans lequel elle exprimait son espoir que « Sa

Majesté sauvera le pays une seconde fois, comme il l'avait fait la première fois le 23 août 1944».Ce jour-là, Michel 1er assurait la rupture de l'alliance de son pays avec l'Axe.

Le 18 décembre 1989, alors que la Roumanie avait déjà connu les premières manifestations hostiles au Régime de Ceausescu (les manifestations de Timisoara) la télévision hongroise diffuse un message du Roi. Dans celui-ci, il demandait à l'armée de renverser le régime de Ceaucescu et appelait tous les travailleurs à une grève générale et les diplomates roumains à

l'étranger à participer à ce renversement. Il demandait aux généraux et à l'opposition de constituer un gouvernement transitoire appelé à restaurer la démocratie au moyen d'élections libres. Cette intervention médiatique aurait été préméditée depuis novembre 1989. Si l'on en croit le magazine Le Point

182, à cette

période, "une source tout à fait fiable d'Europe de l'Est confie en privé et sous le sceau du secret » que les Soviétiques sont prêts à se débarrasser de Ceausescu.

181 D'après FRANCK, Nicolette, "Roumanie : des fissures dans la

forteresse Ceausescu", La Libre Belgique, 7/12/1989

182 Le Point, n 902

Page 98: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Celle-ci précisait que l'opération serait déclenchée par des manifestations de rue et comprendrait une intervention du roi

Michel de Roumanie sur les ondes hongroises à destination de la Roumanie. Précisons que l'intervention du monarque coïncidait avec le départ pour l'Iran de Ceaucescu. Michel de Roumanie a-t-il été « utilisé » par ceux qui voulaient renverser le dictateur ? On peut le penser. Car à cette même période, Petre Roman (devenu depuis lors 1er

ministre) aurait contacté Michel 1er pour « lui annoncer la formation d'un gouvernement en exil. Le dialogue n'aura pas lieu"

183 Le journaliste ne précise pas l'objet de celui-ci.

Il faut cependant rester prudent à propos des événements de Roumanie, car depuis la chute de Ceaucescu, les médias et

l'opinion publique ont été à plusieurs reprises manipulés. Les journalistes parlant eux-mêmes du « Syndrome de Timisoara ». À cette période, l'Union Mondiale des Roumains libres (organisation implantée dans 24 pays), souhaite son retour. Lorsque les médias annoncent la chute de Ceaucescu, Michel de Roumanie déclare: « Si je suis sollicité, si les Roumains le

souhaitent, j'accepte et je suis prêt à servir mon pays en y instaurant un ordre constitutionnel et la démocratie »

184

3. Le retour sur la scène politique de la famille royale Mais, en attendant que les Roumains le sollicitent, deux de ses filles, les princesses Margarita et Sophie ont entamé une

action « humanitaire ». Le 18 janvier 1990, elles arrivent à Bucarest pour constater l'état de souffrance du peuple roumain et faire rapport à leur père. Elles déclarent dès leur arrivée qu'elles n'ont pas été contactées par des membres du Front de Salut national.

Nous pensons qu'il est difficile de croire qu'il n'y ait pas eu négociation entre la famille royale et le pouvoir en place pour préparer ce premier voyage. Les princesses précisent que lors de ce voyage, elles n'ont pas l'intention de rencontrer des personnalités politiques ni même de visiter les anciens palais royaux, ni de demander la restitution de leurs biens. C'était sans doute le « prix à payer » pour que ce premier retour soit

autorisé, mais aussi la décence élémentaire à l'égard des Roumains.

183 Le Point, n 903

184 VICHNIAC, I, L'ex-roi Michel «prêt à servir», Le Monde,

24/12/1989

Page 99: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Le 13 février 1990, elles font publier un appel à l'aide qui sera repris par Le Monde. Elles font état de la situation de la

Roumanie et insistent sur la précarité de l'agriculture et les désastres de la systématisation de Ceausescu. Elles relatent les pressions contre Mme Cornéa et les questions posées par les étudiants rencontrés. Celles-ci portaient sur le passé du roi Michel. Les princesses ont prêté assistance aux hôpitaux roumains. Elles vont créer une fondation qui aura pour but de s'occuper des enfants abandonnés. Elles veulent « réanimer la

mémoire de leur pays, c'est-à-dire: son histoire culturelle et son architecture ». Elles envisagent la restauration de certains bâtiments. En avril 1990, elles organisèrent un convoi de plusieurs véhicules transportant du matériel médical et des vivres venant

de Suisse, de France et d'Italie. Une fois en Roumanie, le convoi fut assisté par des représentants du gouvernement. Lors de leurs déplacements dans Bucarest, les princesses étaient accompagnées par une escorte officielle. Avec la chute de Ceausescu, les « anciens partis roumains" sont sortis de la clandestinité. Le Parti National Paysan et le

Parti Libéral se sont déclarés favorables au retour du monarque. Le premier voulait rétablir la monarchie, mais cette fidélité à l'institution royale va s'estomper avec le débat sur les élections présidentielles. Ces deux partis ont accepté ce principe et présentèrent chacun un candidat. L'abandon d'une éventuelle restauration monarchique

fut implicitement affirmé par le leader du Parti Libéral National, Radu Campeanu. « He said that restoring the monarchy was not a topical issue.The National Peasant Party has moved in the same direction, although both parties have called for a

referendum on the issue »185 Il subsiste donc une possibilité,

mais la fidélité des « anciens partis roumains » à la Royauté a

perdu en qualité. En mars, des affrontements ethniques firent plusieurs morts dans la ville de Tirgu Mures (en Transylvanie). Ils opposaient des Roumains à des Hongrois. L'ex-roi prit position. Sa déclaration fut diffusée par Radio Free Europe."... the ex-king appeal to «my compatriots» to put a end to acts of violence,

wich he said would not resolve the differences between the Romanians and Hungarians communities..(this) was couched in tones of statesmanlike wisdom that appeared to come from a concerned but nonpartisan mediator...the message continued: Let us together respect the human values of freedom, dignity, and tolerance. Our people need democratic institutions in order to resolve the existing differences, so that (the etnic

communities) may coexist in harmony. Our fatherland, situated at a religious and cultural crossroads, must become an example for the new Europe that is now being born. »

186 Ce faisant, il se

place en médiateur et en profite pour indirectement critiquer la politique du Front de Salut National. 185 DEVLIN, Kévin, "Is there any role for royalaty in a

revolution ?", Report on Eastern Europe of radio Free Europe, p 40, 20 avril 1990

186 ibid

Page 100: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Depuis le début de l'année, il a eu l'occasion de préciser certaines de ses positions. Si les Roumains l'acceptent, il

serait disposé à rétablir la Constitution libérale de 1923. Le 13 mars 1990, l'ex-roi publia une lettre qu'il avait envoyée au gouvernement intérimaire, qui en tant que " result of the overtrow of the Ceaucescu regime, the precommunist constitution of 1923 providing for a constitutional monarchy in wich «the King reigns but does not govern» has regained its

validity. He added that he himself was ready to assume the responsabilities that follow from this »

187

Mais il reconnaît que des changements devront être apportés à ce texte. Il précise que seule l'Assemblée Nationale résultant d'élections libres et démocratiques (ayant permis la

participation de tous les partis politiques) aurait la légitimité nécessaire pour amender ce texte. Selon lui, la Constitution ainsi modifiée devrait être soumise à un référendum populaire. Mais les autorités précisèrent que des élections auraient lieu le 20 mai et annoncèrent les pouvoirs du Président de la

République. « This move came after three days of debate and was an implicit rejection of the proposal that the national electorate be allowed to choose between the republican and monarchist constitutional models...A few weeks earlier Michael had criticized the NSF for « taking decisions on the future state system» before elections had been held, stating that this was «neither legal nor correct from a constitutional point of

view» "188

Malgré ce choix, le souverain veut jouer le rôle de médiateur pouvant aider à créer l'harmonie nationale nécessaire à la reconstruction économique et à une démocratie constitutionnelle et pluraliste. Il continue de croire que seul un référendum peut

décider de son éventuel retour. Il reconnaît que lui et sa famille sont victimes d'une propagande voulant discréditer la monarchie roumaine. À en croire un sondage réalisé dans la capitale,

189 il n'y a que treize pour cent de Roumains à

souhaiter le retour de la monarchie avec Michel de Roumanie. Trente pour cent disent avoir une bonne opinion de ce dernier alors que vingt-neuf pour cent ne se prononcent pas.

187 ibidem

188 DEVLIN, Kevin, op.-cit., pp 40-41

189 Sondage Paris Match-B.V.A. réalisé à Bucarest les 11 et 12

janvier 1990. Les résultats furent publiés dans Paris Match, 25 janvier 1990.

Page 101: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Il commenta ces résultats en soulignant que Bucarest n'est pas la Roumanie. La remarque est, certes, pertinente, mais la

monarchie ne reste-t-elle pas associée au régime de fer de Carol II et, d'une certaine manière, à la « dynastie Ceaucescu »? Mis à part ses partisans et certains étudiants anticommunistes, certaines personnalités roumaines lui ont apporté leur soutien. Eugène Ionesco s'est déclaré favorable à la monarchie constitutionnelle. L'écrivain Paul Goma déclare

qu'il est le seul recours possible. Il est intéressant de signaler l'attitude du nouvel Ambassadeur de Roumanie à Paris, Alexandre Paleolugu. Il critiqua à plusieurs reprises l'attitude des autorités roumaines installées après la chute de Ceausecu. Il se dit favorable au

retour du roi au pouvoir si Ion Iliescu devait le quitter. Il fut rappelé en consultation à Bucarest. Les autorités lui reprochaient ses contacts avec le roi et avec les opposants au régime Iliescu dont des monarchistes.

190 Celui-ci fut relevé de

ses fonctions après les élections du 20 mai.

La dissidente Doïna Cornéa rencontra le roi le 8 mars à Paris où elle venait participer à la journée internationale de la femme. Elle lui « aurait demandé de rentrer dans son pays afin d'y jouer un rôle arbitral avant les élections du 20 mai ».

191

Cette demande allait-elle modifier l'attitude royale qui disait attendre le référendum populaire autorisant son retour ?

a. Le retour manqué C'est avec l'héritage politique (décrit plus haut) et dans un climat électoral qu'il fut convenu, en accord avec les autorités roumaines, que le roi Michel puisse faire son retour. Si on en

croit ses déclarations, un chargé d'affaires officiel roumain avait proposé à la famille royale, pour ce séjour : une villa, une voiture ainsi qu'un service de protection rapproché. Il devait faire « un voyage privé et spirituel ». Les termes utilisés étaient, pour le moins, ambigus. Qu'est-ce qu'un voyage spirituel pour un monarque déchu ?

190 PALEOLOGUE, A., Souvenirs merveilleux d'un ambassadeur des

Golans, Entretien avec M.Semo et C. Tréan, Collection Le Nadir, Balland. Dans ce livre, il relate les différentes rencontres qu'il eutavec

l'ex-souverain. Nous pensons que lorsqu'un ambassadeur rencontre une

personnalité politique de ce type à son domicile privé, certaines autorités

politiques devaient être prévenues. Celles-ci ont sans doute dû marquer leur

accord pour qu'elles aient lieu.

191 BERN, S, Les couronnes de l'exil, p 306, Balland

Page 102: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Il devait se rendre à une manifestation à Timisoara et au patriarche de Bucarest. Mais le jour même de son départ -le 12

avril 90-les autorités roumaines lui ont retiré l'autorisation (les visas avaient été octroyés). La Compagnie Swissair refusa de le prendre à bord de l'avion qui devait le conduire dans son pays. Le Premier Ministre, Petre Roman, justifia cette décision par le fait que le voyage du roi avait changé de nature et était

devenu politique. Selon lui, la publicité qui allait être faite autour de ce voyage était de nature à « perturber la campagne électorale et rallumer de nouvelles passions ». Mais pourquoi avoir octroyé les visas, tout en sachant que le monarque allait arriver -que ce soit en voyage privé ou public-

dans une Roumanie qui se cherche et qui va élire un Président de la République ? Nous pensons que dès que les autorités roumaines acceptaient le principe même de retour, même privé, celui-ci avait intrinsèquement une signification politique. Le pouvoir en place voulait récupérer à son profit le retour du roi. Cela marquait un changement radical des autorités roumaines à l'égard de l'histoire du pays. En même temps, ce retour

donnait à Michel de Roumanie une légitimité certaine. L'impact dans la population de ce dernier a-t-il été sous-estimé par les autorités roumaines? Les royalistes répondront par l'affirmative. Il n'empêche, ils n'étaient qu'un millier (soutenus par des intellectuels dont Doïna Cornéa) à manifester dans Bucarest contre la procédure utilisée. L'attitude du

gouvernement (encore provisoire à cette époque) n'a-t-elle pas reconnu implicitement à ce « vestige de l'histoire » -comme le qualifie Petre Roman- un pouvoir politique important ? Cet épisode de l'histoire de l'après-Ceaucescu témoigne de la fragilité de la Roumanie.

4. Un autre prince ? Les familles royales bien qu'en théorie astreinte à un certain respect des traditions, connaissent aussi des « écarts ». Le roi Carol II contracta un mariage morganatique non approuvé par le chef de la maison royale. De cette union est né Mircea. Entre-temps le mariage est annulé. Néanmoins, Mircéa va porter le

titre de Prince de Hohenzollern. Du premier mariage du prince, est issu Paul. Nous n'entrerons pas dans le « débat dynastique » qui pourrait exister concernant celui qui se fait appeler: prince Paul de Hohenzollern-Roumanie. Ce dernier vient de consacrer un ouvrage à son grand-père, le roi Carol. Son activité « politique » se précise par le fait qu'il fut le

premier membre de la famille royale roumaine à entrer (sans visa) en Roumanie. Il resta en Roumanie pendant dix jours. Depuis, il y est retourné quatre fois.

Page 103: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Il se veut « un Roumain au service de son pays » tout en disant ne pas vouloir faire de politique en Roumanie. Son action

se limite au culturel. Mais on peut se demander si le culturel ne l'amène pas rapidement au politique. Le 17 mai 1990, il est interviewé sur Europe 1 par J.P. Elkabach. Il déclare à propos de Mme Cornéa qui s'en prend au régime en place- qu'elle exagère. Il cite pour montrer la bonne volonté du pouvoir la privatisation du journal « Romania

Libera ». De plus, il affirme avoir constaté pendant la campagne électorale de « grandes manifestations pro-Iliescu où les gens venaient spontanément ». Il en conclut qu'il est très populaire. Selon lui, « les gens qui sont capables de faire marcher un gouvernement sont des ex-communistes ». Paul de Hohenzollern-Roumanie croit qu’Iliescu et Roman sont les seuls capables de

rétablir le pays. D'autant que « l'opposition n'est pas organisée ». Ces propos tranchent avec les prises de position de Michel de Roumanie. De plus, on peut s'étonner qu'un membre de la famille royale roumaine prenne si clairement,et en pleine campagne électorale, le parti de certains candidats. En juin 90, il a créé à Bucarest, la « Fondation culturelle

Prince Paul de Hohenzollern-Roumanie » qui veut participer à la protection du patrimoine, à la reconstruction des villages et des monastères. De plus, la Fondation compte publier les archives politiques du roi Carol et du prince Nicolas dont il a hérité. Le culturel pourrait très vite l'amener à la politique grâce à la maison d'édition et à sa revue mensuelle. Selon ses propos, les 24 membres fondateurs sont représentatifs de la

Roumanie d'aujourd'hui: prêtre dissident emprisonné sous Ceaucescu, journaliste de Romania Libera, des peintres, des architectes, des avocats et des économistes. Si sur base de son constat: « il faut connaître la royauté pour voter pour elle », le prince Paul entame sur place une campagne de sensibilisation à l'histoire de la royauté, il pourrait jouer un certain rôle au

sein de la Roumanie. Si l'on sait qu'il a pu avoir accès à la télévision roumaine et qu'il a une certaine complaisance à l'égard des autorités, on ne peut rester qu'attentif à ce prince qui, avant la chute des Ceaucescu, s'occupait surtout d'affaires dans le domaine des arts et pas tellement du sort des Roumains. Mais l'histoire de la royauté roumaine durant la période du roi Carol n'est pas marquée du signe de la démocratie.

Autoritarisme, mensonges et compromissions en sont les caractéristiques. À moins d'une nouvelle manipulation de la vérité, les Roumains seront-ils disposés à renouer avec la monarchie autoritaire de type Carol II ? La volonté de rétablir la Constitution de 1923 -telle qu'elle est exprimée par le roi Michel- nous paraît plus

conforme avec la volonté de démocratiser la société roumaine.

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B) LLAA BBUULLGGAARRIIEE

1. Rappel historique Siméon de Bulgarie fut, sans doute le plus jeune tsar de son pays. Il avait 6 ans lorsqu'il dut prendre la relève de son père, Boris III, mystérieusement mort après avoir rencontré Hitler. Certains affirment qu'il aurait été empoisonné sur

l'ordre du leader nazi. Lors de son accession au trône, un Conseil de Régence fut installé et présidé par le Prince Kyrill. Il faut -comme nous l'avons fait pour la Roumanie- resituer la royauté bulgare dans l'histoire d'avant 40-45. En 1918, Boris III monte sur le trône bulgare. En 1923,le

gouvernement Stambouliski (de gauche) fut renversé par un coup d'État nationaliste, suivi de deux dictatures militaires (1923-26 et 1934-35) et de la dictature royale assumée par Boris III à partir de 1935. Durant la Deuxième Guerre mondiale, la Bulgarie rejoint l'Axe en 1941, sans toutefois engager la guerre contre l'URSS. Hitler souhaitait que Boris III s'engage militairement dans la guerre et rompe ses relations avec l'Union Soviétique.

Le roi s'y serait opposé. Certains expliquent sa mort par l'opposition qu'il manifesta à Hitler, mais d'autres thèses circulent aussi. Son fils se demande si ce n'est pas l'Union Soviétique qui avait intérêt à éliminer le roi en laissant sur le trône un enfant assisté d'un conseil de Régence ? En septembre 1944, les troupes soviétiques envahissent la

Bulgarie. Renversant les alliances, la Bulgarie déclara la guerre à l'Allemagne. Le 1er février 1945, le régent est assassiné. En novembre 1946, le gouvernement de coalition fut remplacé par un gouvernement communiste dirigé par Georges Dimitrov qui

institua une « République Populaire ». Siméon II doit quitter le pays en 1946 suite à un référendum qui précisait que 92 % des Bulgares étaient favorables à une République populaire. »Under the circonstances, the referendum's validity might have been questioned, but it might also be argued that a Statilinist referendum, 92 was a modest enough majority. »

192

L'exil ne l'éloigne pas de la situation bulgare. En 1955, il crée un bureau qui « s'occupe des affaires bulgares, des problèmes des activités politiques de Siméon II. Ce bureau publie, notamment, un bulletin mensuel adressé aux Bulgares en exil, destiné à leur redonner espoir. Mais l'essentiel du travail accompli concerne les demandes de subsides émanant des émigrés bulgares. Appel à la générosité et à l'union de tous les

Bulgares sont les axes principaux des discours, conférences et plaidoyers que le roi multiplie à travers le monde »

193 jusqu'en

1967, il croit encore possible la fin du régime stalinien et la restauration monarchique. C'est par pragmatisme, après Helsinki (actant la division de l'Europe) qu'il change d'attitude. Il s'oriente vers une « activité humanitaire, culturelle et

historique axée sur la tradition ethnique. 192 DEVLIN, Kevin, op.-cit., p 42

193 BERN, Stéphane, op.-cit., p 235

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102

Il rappelle fréquemment qu'il n'a jamais officiellement abdiqué. Depuis 1952, il s'est installé à Madrid. N'ayant pas

quitté le pays avec “la caisse de l'État”, il entre dans la vie professionnelle. Il s'occupe d'immobilier et a travaillé pour Thomson. En décembre 1989 -période faste en événements pour l'Europe de l'Est- le rôle dirigeant du PC bulgare est supprimé. De plus, des élections libres sont annoncées pour juin 1990. 2. Janvier 1990

Au début janvier, il déclare qu'il est prêt à rentrer dans son pays si sa présence peut servir d'une manière ou d'une autre la transition vers le multipartisme. Mais il croit que ce retour -même en touriste- ne pourra pas encore se faire. Il pense que la transition dictature-démocratie comme elle s'est opérée en

Espagne peut s'appliquer à la situation bulgare. L'allusion au rôle joué par son cousin Juan Carlos est évidente, mais il évite de parler de restauration monarchique. Il se dit aussi favorable à l'octroi de tous les droits civils à la minorité turque de Bulgarie. Le 17 janvier 1990, le Parti Démocratique et Monarchiste a

officiellement été enregistré à Plovdiv. Il défend la Constitution de Tirnovo et appelle au retour de Siméon II ainsi que sa famille

194. Ce même jour, des centaines de citoyens ont

participé à une manifestation à Veliko Turnovo. Les principes adoptés contiennent différentes propositions relatives à la nouvelle Constitution bulgare. »For the sake of national and historical continuity »

195. Les manifestants demandent que la

nouvelle Constitution soit appelée « la seconde Constitution Veliko Turnovo » et que l'on réhabilite la Grande Assemblée Nationale. Il existe aussi, à l'université de Sofia, le club « Siméon II ». Certaines initiatives peuvent surprendre, comme celle de 3

jeunes qui ont rassemblé 25.000 signatures pour réclamer que le 10 juin 1990, le roi soit élu Président de la République. Tout en se réjouissant de ces initiatives, Siméon rappelle que la monarchie n'est pas un parti. Le 2 février, le journal bulgare « Otechestven Front » publie une importante interview de Siméon. Il fit l'éloge du

gouvernement, de l'opposition ainsi que du peuple bulgare lui-même, pour la voie utilisée permettant la transition politique. Il espère retourner rapidement dans son pays, mais il ne fait aucune allusion quant à la poursuite de son rôle de monarque. Quelques jours plus tard (11 février), la télévision bulgare diffusa -pour la première fois depuis 1946- une interview de 50 minutes avec Siméon. Durant celle-ci, le journaliste lui montra

un document venant du Ministère de la Justice de Sofia disant que le roi n'avait pas été rayé de sa nationalité bulgare. Siméon déclara qu'il souhaitait vivre en Bulgarie lorsque la République connaîtrait le multipartisme et la démocratie. A-t-il implicitement désavoué toute intention de poursuivre son rôle de

194 Cette constitution date de 1878. Elle permit à la Bulgarie

d'acquérir son indépendance de l'Empire Ottoman.

195 ibid

Page 106: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

103

monarque ? Est-ce le « prix à payer » pour pouvoir rentrer dans son pays et y jouer un certain rôle ? Lequel ? Cette série de questions n'a pas encore trouvé de réponses.

À la suite de cet entretien télévisé, l'agence officielle bulgare souligna l'importance des relations internationales de Siméon qui pourraient aider le pays à surmonter la crise économique et l'isolation. Mais les autorités gouvernementales trouvèrent que cela allait

trop loin. Dans une déclaration, elles critiquèrent l'ex-roi en précisant qu'il n'y avait pas de place pour les idées monarchiques dans la vie publique bulgare. Les ambitions de Siméon de jouer un rôle dans la vie politique bulgare sont inacceptables, ont-ils déclaré.

Quelques semaines plus tard, Siméon répondit par média interposé « Pendant 44 ans (ce régime) a profité à beaucoup de gens qui sont encore au pouvoir et ne se résignent pas à devoir abandonner leurs privilèges. Je considère une telle réaction comme un compliment. (On doit lui reconnaître une certaine habileté: après avoir critiqué le pouvoir, il décerne quelques «prix d'excellence») En revanche, je crois que le parti

communiste pourra jouer un rôle important au sein de la démocratie naissante. On trouve, parmi les apparatchiks, des gens compétents. Le Premier ministre, Andreï Lukanov, ou encore le vice-président du PC Pirinski sont de très bons économistes. On ne peut pas, comme en 1944, fusiller les personnes qui pensent différemment... (il fait allusion à son oncle le prince Cyril qui présidait le conseil de Régence et fut fusillé en 1944

par les communistes) Il importe aussi que nous conservions de bonnes relations avec l'URSS. Quels que soient les mauvais souvenirs laissés par la tentative de russification de notre pays entamée en 1944 "

196

La télévision espagnole

197 annonça que le roi était en

contact avec des officiels du Parti Communiste Bulgare. Selon cette chaîne de télévision, ces contacts auraient évoqué l'engagement de la famille royale dans un processus de coopération visant la restauration de la démocratie. Le roi refusa de commenter cette information. Quant à l'ambassade bulgare à Madrid, elle a catégoriquement

démenti cette information. 3. Nostalgie Au début de mars 1990 à Sofia, 200.000 personnes ont manifesté pour réclamer son retour. Le parti républicain chrétien souhaite qu'un référendum soit organisé pour décider si la Bulgarie

revient à la monarchie ou reste république. Mais rien n'a encore été décidé. Durant la campagne électorale qui précéda les élections de

196 Propos recueillis par GIRAULT, Jacques, "Siméon II: le roi en

arbitre", Le Vif L'Express, 23/03/90

197 Information reprise par la BBC. Summary of world broadcast,

Third Series (EE/O666/19.01.90) Part two Eastern Europe.

Page 107: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

104

juin 1990, un mouvement d'émigration vers l'occident fut constaté. Il concerne des jeunes ayant un degré de qualification assez élevé. Des manifestations pacifiques furent organisées

dans les écoles supérieures et les universités pour dénoncer la situation qui suscite ce courant d'émigration. Le 25 juin, le roi réagit à cette « fuite des cerveaux ». En cette période cruciale, il demande aux Bulgares de ne pas émigrer, mais de rester dans leur pays et d'aider à la reconstruction de la Nation.

Il incite le gouvernement à encourager la population à rester dans le pays. L'ex-monarque poursuit sa tactique d'arbitre, critiquant implicitement les gouvernants. Il souhaite que l'image « d'homme d'État responsable » ou tout simplement de « monarque » lui soit reconnue par la population bulgare.

Le 28 août 1990, pour la première fois en Bulgarie, des cérémonies marquant le 47e anniversaire de la mort du Tsar Boris III eurent lieu à Sofia et dans plusieurs villes de province. Des offices religieux furent célébrés. Dans le monastère Saint Yvan Rilsky, l'Igoumen Son Éminence Ioan commença l'office par la lecture d'un message de Siméon. La plaque à l'effigie du roi Boris III, cachée jusqu'à ce jour dans

le monastère, fut replacée sur la tombe du défunt roi. « Interest in him and in his exiled son Simeon II is growing, and monarchist parties have emerged. Dozens of articles, investigative reports, exibitions, studies, and interviews with simeon II, his wife Queen Margarita, and Boris III's Queen Gioavanna have appeared. The communists traditionally portrayed

Boris as a German lackey; but his positive role as an interwar leader, his efforts to oppose Hitler and save Bulgarian Jews, and his secret peace negociations with the USA and the UK are now being emphasized. »

198

C) LL''AALLBBAANNIIEE Il existe aussi un prétendant au trône d'Albanie. Mais son cas est assez différent de la Roumanie ou de la Bulgarie. Le prétendant, Léka 1er, n'a jamais régné sur son pays. De plus son père, Zog 1er, fut président de la République avant de devenir roi.

1. Rappel historique Avant d'obtenir son indépendance, ce territoire était placé sous la souveraineté ottomane jusqu'au début du XXe siècle. Celle-ci impliqua une islamisation progressive de ce qui allait devenir l'Albanie. Parallèlement aux préparatifs de démembrement

de l'Empire ottoman, l'Albanie va devenir l'objet des convoitises autrichiennes et italiennes. Suite à une révolte, l'indépendance de l'Albanie fut proclamée en 1912. Celle-ci fut reconnue par les grandes puissances comme principauté indépendante sous le règne du prince (germanique)

Guillaume de Wied. Mais il n'y séjourna que de mars à septembre

198 "Report on eastern europe, Weekly record of events",Radio

Free Europe, pp 41-42, 07/10/90

Page 108: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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1914. Durant la Première Guerre mondiale, l'Albanie est occupée (au nord par les Autrichiens et au sud par les Italiens). Le traité de Tirana (2 juillet 1919) prévoit l'indépendance de

l'Albanie. Celle-ci sera admise à la SDN en 1920. Les luttes internes se termineront par la prise du pouvoir par Ahmed Zogou en 1922. Il fut élu Président de la République en 1925. Il sera proclamé roi sous le nom de Zog 1er en 1928. L'influence italienne continue de se manifester dans les domaines politiques, militaires et économiques. Le 7 avril 1939,

l'armée italienne envahit le pays. Le roi Zog s'enfuit et Victor Emmanuel III devient roi d'Albanie. La Maison de Savoie va donc régner sur une Albanie dont les institutions sont calquées sur celles du régime de Mussolini. En 1941, la loi martiale fut décrétée et 2 ans plus tard, le pays fut occupé par l'Allemagne hitlérienne. Durant la guerre, la résistance communiste s'y

organisa en liaison avec le mouvement de Tito. En janvier 1946, la République populaire fut proclamée par Enver Hoxha. En 1949, des contacts ont lieu entre le monarque, les États-Unis et l'Angleterre. Ces derniers souhaitent le rassemblement de tous les anticommunistes albanais sous la direction du mouvement républicain Balli Kombetar. En juin 1949, Zog accepte

le principe du Front Uni Albanais dirigé par des républicains, mais exige des Occidentaux le droit constitutionnel de former un gouvernement à la libération de l'Albanie. Les deux puissances occidentales vont « laisser tomber » tout projet concernant l'Albanie. En 1951, le roi Zog donne son accord à la constitution d'une

mission de volontaires albanais chargée de s'infiltrer en Albanie pour recueillir des informations. L'opération se soldera par un échec total. Les participants seront arrêtés, jugés et exécutés par les autorités de Tirana.

Le roi Zog décède en avril 1961. C'est son fils qui devient « le roi des Albanais ». Il n'est pas le roi d'Albanie, mais bien des Albanais où qu'ils soient. C'est à l'hôtel Bristol à Paris qu'a eu lieu la « prestation de serment » devant le « Parlement en exil» La Constitution de 1928 dit que le fils aîné devient automatiquement roi après la mort de son père, mais le Parlement doit ratifier cette décision dans les 15 jours. On

peut se demander si Léka bénéficie réellement des pouvoirs constitutionnels de monarque ? En 1962, Franco accorde à la famille royale albanaise l'asile politique et les droits d'extra-territorialité comme représentant légitime d'un gouvernement en exil. Léka va travailler pour une entreprise d'exportation espagnole. Des

difficultés financières vont l'orienter vers l'Arabie Saoudite. « Curieusement, au fil de ses nombreux voyages au Moyen-Orient, on retrouve Léka au cœur de la guerre civile yéménite, où il s'initie à «l'art» de la guérilla ! Le Shah d'Iran se prend d'amitié pour son «jeune cousin» qu'il aide à se lancer dans le commerce des grues pour les aménagements portuaires iraniens » 199

199 BERN, Stephane, op.-cit. pp 195-196

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Ses liens avec l'Espagne vont se détériorer. Le 17 janvier 1979, le Ministère de l'Intérieur ordonne une perquisition à la maison de Léka. Celui-ci refuse d'obtempérer. Le 22 janvier le

gouvernement lui notifie qu'il a 8 jours pour quitter le territoire. Les autorités lui reprochent ses activités paramilitaires, son jardin étant devenu un camp d'entraînement pour volontaires albanais. Ceux-ci auraient été parachutés en Albanie pour entamer la guérilla. Léka n'a pas la même analyse, il s'en prend aux pays industrialisés réunis, à cette période, en conférence. Ils auraient demandé à l'Espagne de saborder

l'opération mise au point par Léka visant le renversement militaire des autorités de Tirana. La contagion aurait risqué de déstabiliser la Yougoslavie. Ce qui -selon Léka- n'aurait pas été accepté par les puissances occidentales. Cette analyse ne cache-t-elle pas un autre problème ? Nous pensons que l'Espagne démocratique souhaitait se débarrasser d'un activiste

militariste qui avait été soutenu par Franco. 2. L'opposition au régime marxiste léniniste Elle existe, mais s'est organisée en exil. Il existe 6 partis qui ont leur siège aux USA, en Italie ou en Belgique. Nous nous

intéresserons aux partis défendant le principe de la monarchie. Ceux-ci ne dominent pas la diaspora albanaise. L'Organisation nationale du mouvement de la légalité (OKLL) soutient la monarchie établie par la Constitution de 1928. Son siège est à New York et est présidé par Ndue Gjormarkaj. Elle publie un trimestriel Atdheu (la Patrie). Le Comité Albanie Libre fut fondé au début des années cinquante avec l'encouragement des

États- Unis, de la Grande-Bretagne et avec l'accord du roi Zog

200. Ce

comité a son siège à New York. Mais sa préférence va à la monarchie. Il constate le caractère

non démocratique et passéiste de la société albanaise; « l'Albanie est une mosaïque de clans: cette organisation sociale traditionnelle requiert un pouvoir fédérateur puissant pour ne pas éclater. La monarchie (pense-t-il) répond à une telle exigence nationale »

201

3. Constitution de 1928 et régime économique à la Rhodésienne

La Constitution de 1928 serait remise en vigueur. L'Albanie deviendrait une Monarchie Constitutionnelle et parlementaire. Le roi serait chef de l'exécutif. Il nommerait librement le Premier ministre qui désignerait ensuite ses ministres. Le Parlement serait monocaméral. Il pourrait renverser le gouvernement (deux tiers des voix). Cette même majorité pourrait décider d'une

révision de la Constitution. Remarquons qu'elle permettrait au Parlement la possibilité de destituer le roi s'il est convaincu qu'il a failli à sa mission. C'est l'économie de marché qui est l'idéal à atteindre pour le

200 D'après DOUCET, Philippe, "Le chaudron albanais",in

Politique Internationale, n 47, printemps 1990,p 217

201 ibid

Page 110: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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roi. Il reconnaît que le libéralisme « à la Thatcher » ne peut pas s'appliquer du jour au lendemain à son pays. Une phase transitoire serait nécessaire. Pendant celle-ci, l'État

conserverait la maîtrise de quelques secteurs. Comme modèle d'application de ces théories, il se réfère aux mécanismes économiques appliqués en Rhodésie! Il s'agit du régime raciste de I. Smith, politiquement proche de l'Afrique du Sud, qui heureusement a disparu. Voulant éviter l'inflation, il souhaiterait dans un premier temps, un système financier fermé avec des salaires bas, mais des biens de consommation

subventionnés par l'État. La libre entreprise serait le stade ultime. 4. Renverser militairement les autorités de Tirana

Selon Léka 1er, il existe plusieurs réseaux de résistance au pouvoir albanais actuel. Certains furent créés dans les années quarante. D'autres, se trouvant dans le sud, sont financés par les Grecs. Ils collectent principalement des informations. La plupart se trouvant en Albanie sont « dormants» mais certains se livreraient déjà à des actes de sabotage. Il affirme que des armes ont été placées au Kosovo dans l'optique d'armer la

résistance le moment venu. Il compte sur certains éléments de l'armée albanaise et du Sigurimi (la police politique albanaise) pour renverser le régime. Le 25 décembre 1989, le roi Léka demande au peuple albanais de profiter des événements qui ont secoué les pays de l'Est pour déclencher un soulèvement. Il leur demande de renverser le

« régime tyrannique, illégitime, illégal et athée ». Il promet un référendum national qui permettrait au peuple de choisir la forme de gouvernement démocratique. Ce message a été repris intégralement par le service albanais de Radio Moscou. Les autorités albanaises ne sont pas insensibles aux

déclarations du prétendant au trône. Ramiz Alia, dans son discours de Nouvel An 1990, évoque les événements de l'Est qui ont encouragé « certaines formes antialbanaises bien connues à reprendre leur campagne de calomnies contre notre pays. Mais elles n'arriveront pas à nous faire du tort ». Le journal du PC, Zeri i Popullit, accuse les Albanais en exil de fomenter un soulèvement populaire et de vouloir restaurer la monarchie du

roi Léka. Celui-ci affirme être pris au sérieux par les autorités albanaises. Il est placé en troisième position -après l'Union soviétique et les Etats-Unis sur la liste des ennemis les plus dangereux du « peuple albanais ». Ils le traitent de drogué, de contrebandier, d'aventurier. En bien ou en mal, son nom est connu en Albanie.

5. Que veut faire Léka 1er ? Il veut créer « l'Albanie Ethnique » sans suffisamment insister -à notre avis- sur son caractère démocratique alors qu'il critique son absence actuelle. Il veut la réunification du Kosovo à l'Albanie actuelle. Il rejoint ainsi les nationalistes

du Kosovo. De plus, il veut intégrer deux autres territoires « ethniquement albanais », situés au Monténégro et en Macédoine. Cette position remet en question l'unité territoriale de la Yougoslavie ainsi que l'Acte Final d'Helsinki qui garantit le respect des frontières en Europe. Signalons que l'Albanie -même

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marxiste-léniniste n'a pas ratifié cet Acte. Il affirme " qu'une paix durable dans les Balkans passe par le respect des caractéristiques nationales et ethniques de chacune

des nations qui les composent. La réunification albanaise est nécessaire. (Malgré ses antécédents militaires:) Il n'est pas question, pour nous, de déclarer la guerre à la Yougoslavie après avoir libéré l'Albanie. (À la question, votre projet bénéficie-t-il d'un rapport de force favorable ? Il répond:) Le Kosovo est en territoire serbe. Mais la Serbie ne peut plus compter sur les troupes de la Slovénie -qui a quitté la

fédération communiste yougoslave en février (1990)-, de la Croatie et de la Bosnie pour y défendre ses positions. Ces trois républiques nous ont déjà offert des gages de neutralité. Elles sont devenues nos alliées. »

202

Dans l'hypothèse de son retour au pouvoir, Léka souhaiterait

faire de l'Albanie « la Suisse des Balkans » avec à long terme un niveau de vie comparable. Chaque Albanais deviendrait un soldat pour protéger son pays. Nous pensons toutefois que dans un pays qui n'a pas de tradition de démocratie et où les notions de clan et de vendetta sont présentes, l'idée de « citoyen soldat » est dangereuse et amènerait une militarisation du système politique, l'éloignant encore plus de la démocratie.

Sa politique étrangère vise la construction d'une Confédération balkanique respectant totalement la souveraineté de chaque nation. Cette organisation implique l'explosion de la Yougoslavie. La confédération serait ouverte dans un premier temps aux: Croates, Slovènes, Serbes, Albanais, Grecs, Bulgares. Plus tard, les Turcs pourraient la rejoindre.

Voulant jouer le rôle d'arbitre national et de fédérateur, Léka 1er se dit prêt, si les Albanais le décident ainsi, à assumer les fonctions de Président de la République. Il est le seul prétendant d'Europe de l'Est à accepter l'éventualité républicaine. Il est vrai qu'il n'a pas tellement

le choix puisqu'il n'y a pas d'unanimité derrière lui. Tous les partis d'opposition en exil ne lui sont pas favorables. Rappelons que son père était Président de la République avant de devenir Roi.

202 Propos de Léka 1er in "Entretien avec Léka 1er d'Albanie,

Albanie: du Stalinisme à la monarchie? ", Politique

Internationale, n47, printemps 1990, p 219

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DEUX CONCEPTIONS DE L'EUROPE

À la veille du Grand Marché européen, nous avons voulu examiner comment la dimension européenne était prise en compte par deux prétendants: Otto de Habsbourg et le comte de Paris. Elles sont assez symboliques. Le comte de Paris est le descendant de Louis Philippe 1er qui dut abdiquer dans le climat

d'éruption qui bouleversa l'Europe de 1848. Cette même vague d'événements secoua l'Empire des Habsbourg. Les peuples de l'Europe Centrale souhaitaient l'indépendance. C'est « grâce » aux contradictions entre les forces centrifuges et au moyen d'une répression militaire importante que la monarchie des Habsbourg put se maintenir. Ces deux conceptions ont en commun un fondement religieux.

A) LL''EEuurrooppee NNaattiioonnaallee dduu ccoommttee ddee PPaarriiss Le comte de Paris a une vision « nationale » de l'Europe. Celle-ci fut déjà exposée dès 1947. C'est la Deuxième Guerre mondiale qui l'a poussé à défendre le fédéralisme pour l'Europe.

Ce serait un gage pour la paix.203 Il s'agit d'un Fédéralisme des

Nations. Il pense qu'une concertation pourrait aboutir à un

gouvernement supranational. Il n'affirme pas la nécessité d'une supra nationalité. Il analyse l'interaction entre intérêts nationaux et intérêts mondiaux, ce qui l'amène à développer « les impératifs d'une politique mondiale ».

Ses convictions religieuses ne sont pas étrangères à son analyse. Le comte de Paris constate « la supériorité de l'Europe féodale (où)...l'unité humaine était assurée par la chrétienté. Le Chrétien et la chrétienté formaient les deux communs dénominateurs de ce fourmillement de cités, de petits États, de souverainetés minuscules. La Réforme (a rompu) la

chrétienté » 204

Dans le contexte d'après-guerre, l'Europe, qu'il qualifie de « presqu'île », possède, selon ses termes, un « fondement commun qui la prédispose à l'unité: la civilisation gréco-latine enrichie par le christianisme »

205

Il définit deux étapes pour préparer le fédéralisme européen. D'abord, il faut établir un accord des politiques anglaise et française qui constitueraient le noyau de la construction européenne autour duquel se placeraient d'autres pays. Ensuite, il faudrait formuler « une politique franco-allemande équitable ».

Dans sa conception, il attend beaucoup des organismes internationaux qui pourraient préparer les esprits à la nécessaire interdépendance. Il n'évoque pas directement de perte de souveraineté.

203 Déclaration du comte de Paris, 07/11/1947

204 COMTE DE PARIS, Entre Français, pp 187-189, Paris, 1947

205 ibid

Page 113: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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Cependant, il n'acceptera pas le projet de Communauté européenne de Défense qu'il considère comme un « Marché de

dupes ». Il pense qu'il faut d'abord reconstruire l'unité et la cohésion de la France. Il considère cette unité comme la base de toute souveraineté nationale. Celle-ci n'étant pas encore réalisée, il faut d'abord s'y atteler avant tout projet européen. À travers son Bulletin (déjà évoqué plus haut), le comte de

Paris s'estime favorable à l'Europe à trois conditions: que la Grande-Bretagne équilibre l'expansion allemande, que l'Europe soustraie la France de la tutelle américaine et à l'obsession russe et que la France soit reconstituée en elle-même.

206

Tout en étant conscient du dualisme des « nations continents »

que sont les USA et l'URSS, la pensée du comte de Paris s'éloigne de tout projet d'Europe militaire qui ne pourrait que « se ranger sous une des deux bannières » (soviétique ou américaine). Il défend une Europe « pacifique », selon ses termes, qui sera économique. La constitution de celle-ci permettra de la rendre indépendante des deux blocs.

En 1987, le comte de Paris n'a-t-il pas changé d'attitude à l'égard de l'Europe économique ? On peut se le demander. Il écrit: « l'Europe des Traités de Rome s'est donné le fondement le plus fragile qui soit. L'économie est par elle-même un facteur de division, surtout lorsqu'on tente de bâtir une communauté où coexistent et s'affrontent des productions non complémentaires »

207

Il constate la difficulté du « Marché Commun » à associer pleinement des pays moins riches que ceux d'Europe du Nord. Celui qui fut très proche du Général De Gaulle accorde une grande importance à la notion de nationalité. Il pense que les monarchies constitutionnelles auront un rôle important dans la

construction européenne. Monarchie, nationalité et identité sont trois concepts qui sont centraux dans son raisonnement. « Les monarchies faciliteront la mise en place des institutions communautaires, car chaque nation couronnée sera en mesure de préserver son identité tout en contribuant à l'unité européenne"

208 Il ne croit pas à la disparition des nationalités

provoquée par la construction européenne qui aurait fait place à une « nation européenne ». « Je crois que l'Europe se fera, mais que chacune des nationalités gardera son identité. La monarchie est un système qui permet dans l'Europe fédérée et unie de sauvegarder l'identité de chacun. »

209

206 VIMEUX, Ph., Le comte de Paris ou la passion du présent,

pp. 97-106, 1975, Paris

207 COMTE DE PARIS, L'avenir dure longtemps, pp 241-243

208 Préface de CANNUYER, Ch., Les Maisons royales et

souveraines d'Europe ,p 6, 1989, signée par le comte de Paris.

209 Cette citation ainsi que les suivantes sont issues de

l'entretien privé de l’auteur avec feu le comte de Paris,

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L'héritier des Orléans cite les cas des Bretons, des Basques et des Corses qui veulent conserver leur identité. À leur égard, il parle de « nationalismes » qualifiés de « solides et

traditionnels ». Mais peut-on vraiment parler dans ces cas de « nationalismes » ? L'« autonomisme » ne convient-il pas pour mieux cerner ces problèmes ? " Nous ne devons pas rayer les nationalismes, nous ne pouvons pas supprimer les identités de chaque nation (citant le cas belge, il affirme ) qu'une monarchie peut tenir deux communautés même si elles ne s'aiment pas beaucoup ».

Le comte de Paris souhaite le retour des monarchies dans les pays de l'Est. « Je pense que ce serait une bonne solution. Il faut que le peuple puisse s'exprimer. Pour le moment, il n'a rien à dire. Les peuples sont voués au silence. Je sais que tant Siméon (de Bulgarie) que Michel (de Roumanie) ont une position

très forte. Ils ont des possibilités. Il y a des amitiés qui restent nouées entre chacun de ces personnages et leurs pays. Actuellement, ils ont la chance de bénéficier dans leur pays d'un retour aux sources historiques qui est assez solide. Pourront-ils bénéficier de ce courant ? Je n'ai pas assez d'informations locales pour pouvoir vous apporter plus de précisions. Ce que je souhaite, c'est qu'ils y réussissent. »

Mais il reste réaliste: « Si cela ne se fait pas tout de suite, cela ne se fera pas facilement ». Le Chef de la Maison de France constate que pour le « patchwork » que constitue la Yougoslavie, « il faut un chef et une volonté. (la famille Karageorgevitch) aura peut-être à remplir à nouveau son rôle. Le jeune Alexandre de Yougoslavie en

est capable. Je crois que ce serait très souhaitable intellectuellement que la Yougoslavie retrouve un équilibre royal permettant de rassembler les éléments hétérogènes d'une Nation qui sont loin de s'entendre sans un dénominateur commun ». Mais il reconnaît que les origines serbes de la famille pourraient être un handicap pour ceux qui s'opposent à

ce groupe ethnique dominant la Yougoslavie. Dans ce pays, comme dans les autres, le prince tient à souligner l'importance de la population: " Toute la question est de savoir si la population le souhaite ". Il reste sceptique quant au cas de l'Albanie; « Je ne crois pas que le roi d'Albanie pourra facilement accéder au trône ni

même retourner dans son pays ». À propos des problèmes des frontières qui pourraient être remises en cause: « Il y aura nécessairement des remises à jour des frontières. Cela devrait se faire au travers de commissions qui devraient examiner le problème. Un dialogue peut parfaitement les résoudre. C'est là que la Communauté Européenne

peut avoir sa signification dans la construction de cette Europe ». De manière plus générale, il croit que l'Europe devra « assimiler" ce qui résulte de « l'éclatement est-européen ». « Ce qui est certain, c'est que la Pologne, la Tchécoslovaquie,

la Hongrie et la Bulgarie feront partie de l'Europe. Nous allons retourner à l'ancienne Europe ».

(..suite) op.-cit., 13/03/1990

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Sa réflexion sur l'Union Soviétique -qu'il nomme « Russie »- est assez culturelle, à l'image de son analyse de l'Europe de

l'Est. « Que va faire la Russie ? Va-t-elle être européenne (avec la Sibérie) ou va-t-elle avec la Sibérie (se constituer en ) un Empire intermédiaire entre la Chine et l'Europe ? Nous n'en savons rien. J'ai le sentiment que tout ce qui est autour du Transibérien sera rivé à la Russie. La Russie des Tsars va -d'une certaine manière- se reconstituer ». Il reconnaît que des doutes subsistent quant à l'avenir de la « Russie islamique ».

À propos de la C.E.E., il affirme que la supranationalité communautaire « se fera, mais à très long terme. Je ne crois pas du tout à une supranationalité rapide. Si elle doit venir, précise-t-il, elle sera contrainte et forcée par les nécessités ». À ce propos, il reste fidèle à son analyse

d'après-guerre. Il place le développement de la construction européenne dans la bipolarisation du continent européen. La nécessité de la construction européenne existait « du temps où la Russie était communiste. Il fallait construire face à cet Empire monolithique et oppressif une entité solide. Mais cet Empire vient de

s'effondrer ». Tout en reconnaissant que des inconnues subsistent, il prédit que " l'évolution de l'unité européenne va être freinée par le fait que l'Empire soviétique a disparu ou est en voie de disparition ». Il accorde une grande importance à une personnalité qui pourrait incarner l'Europe. Il applique à ce domaine le même

raisonnement que celui qu'il tient à propos du pouvoir présidentiel français. Il défend la Constitution de la Cinquième République qui octroie au Président un pouvoir de type « monarqual ». Cela se vérifie par les pouvoirs réels et importants exercés, depuis De Gaulle, par le Président, mais aussi par la forme et la manière dont ils sont exercés.

" Une société ne peut réussir que si elle a un chef, un leader. L'Europe ne pourra progresser que si elle dispose d'un leader. Sa méfiance des assemblées, qu'il partage avec De Gaulle s'exprime dans l'entretien qu'il nous a accordé. “Je ne crois pas que les assemblées, seules, livrées à elles-mêmes, soient

capables de secréter une politique et une volonté. Les Assemblées ont pour règle d'aller toujours à la facilité. Elles font un compromis.(celui-ci) est forcément une facilité.” Selon le comte de Paris, deux éléments sont nécessaires à toute société: “une volonté un peu forte et dure. Mais il faut aussi un contrepoids, à cette autorité (que sont) le compromis

(et) la discussion.” À ce stade du raisonnement, la question de la forme de ce pouvoir se pose. Il faut mentionner l'idée, peu connue, d'un Président de la République française.

210 “Georges Pompidou, qui

était pourtant le représentant d'une solide tradition

républicaine, avait un jour tracé une perspective héréditaire

210 Celle-ci fut dévoilée par de SAINT-ROBERT, Ph., Les

septennats interrompus, pp 200-203, Paris, 1977

Page 116: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

113

pour une Europe qui voudrait se donner un minimum d'unité et d'identité”.

211 Il émit l'idée que le grand-duc de Luxembourg

assume à titre héréditaire la présidence de la Confédération

européenne. Le comte de Paris est assez sceptique; » Je ne crois pas qu'on puisse attribuer l'Europe à un Monarque. Ce serait atteindre une perfection qui ne serait pas parfaite. Je crois qu'il faut faire confiance à la nature humaine et permettre à l'Homme de sortir de l'Institution et d'en être maître ».

212 Cette personnalité

pourrait être un Chef d'État actuel, mais pourrait aussi provenir des institutions communautaires. L'héritier des Orléans cite deux Français qui ont beaucoup fait pour l'Europe; François Mitterrand et Jacques Delors. Remarquons qu'ils sont tous deux socialistes bien que ne

partageant pas toujours les mêmes idées. Nous pensons aussi qu'ils ont en commun une culture chrétienne. Parlant de Delors, « Il veut que l'Europe sorte de toutes ces palabres et il y met une volonté tenace pour le faire. Voilà ce que j'appelle l'homme de la providence et l'homme de la volonté.(Il ne s'agit pas d'un dictateur, ni d'un “Gorbatchev de

l'Europe qu'il suggère). C'est l'homme qui sortira des Institutions et des événements et qui fera progresser l'Europe. Il faut un homme de tempérament, de caractère, de volonté pour imposer à l'Europe son orientation. »

B) LL''EEuurrooppee IImmppéérriiaallee ddee OOttttoo ddee HHaabbssbboouurrgg À la différence du comte de Paris, Otto de Habsbourg se différencie des autres chefs de dynasties par son engagement

européen actif. Celui-ci a une finalité politique précise. Il défend une Europe chrétienne et anticommuniste. Il a une vision « impériale » de l'Europe. Il fonde sa conception dans l'Europe de Charlemagne. Il puise aussi ses références dans le Saint-Empire Romain Germanique, dans la Bourgogne et, enfin, dans l'État multinational des Habsbourg.

« Même si cela ne plaît pas à tout le monde, l'enracinement de l'Europe future dans la tradition impériale est incontestable. On a connu l'antinomie entre l'Empire et l'État National; mais comme l'unification européenne est issue de la fin tragique du nationalisme et qu'elle a prospéré sur les ruines des États nationaux, elle n'a plus d'autre voie que de prendre appui sur

les moments où notre histoire a valorisé le modèle supranational... Il faut que l'Europe devienne un empire, sous quelque nom que ce soit,...L'Europe fut grande chaque fois qu'elle fut un empire, mais elle commençait à décliner dès que

211 RENOUVIN, Bertrand, La République au Roi dormant, p 29,

Paris, 1985

212 Entretien privé de l’auteur avec feu le comte de Paris,

op.-cit., 13/03/1990.

Page 117: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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l'empire prenait fin. »213 Cet Empire reposerait sur un droit

supranational. Il ne serait pas l'expression d'une seule et unique nation, mais ferait le lien entre les différents peuples

et États. 1. Un chef d'État pour l'Europe Cette conception est pleine d'ambiguïté. D'une part, il précise la fonction d'empereur. Tout en ne voulant pas rétablir

cette institution, il en vante les mérites et avantages. Il définit ensuite le processus dans la situation actuelle qui permettrait d'institutionnaliser le chef d'État européen. Il fait un lien entre cette notion et l'empereur au moyen de la couronne du Saint-Empire Romain dont ce chef d'État devrait être le gardien.

Il différencie la notion d'empereur de celle de roi. Selon lui, le roi est un souverain territorial tandis que l'empereur est un souverain juridique. " ( La ) souveraineté territoriale (de l'empereur) est médiatisée par la présence royale qui, elle, ne saurait s'étendre à plus d'une nation à la fois. ( L'empereur est en fait le Roi des rois ) La fonction royale incarne le

droit national, la fonction impériale est d'essence supranationale, donc le porte-parole du droit international »

214

Selon son raisonnement, la fonction d'arbitrage était assumée par l'institution impériale. Il se rend compte que la notion de chef « de l'État européen »

soulèvera des rivalités nationales. Il pense que ce problème sera simplifié « dès que nous aurons admis que, pour l'Europe, comme pour un État indépendant, la solution se trouve dans la primauté du pouvoir judiciaire, conformément à l'essence, sinon à la parole ou à la forme, d'une monarchie »

215 Il constate que

dans le cas d'un État, on peut toujours trouver une dynastie

pour endosser cette vision. « Pour l'Europe, c'est à peu près inconcevable, en tout cas dans la phase actuelle de l'histoire ». Nous insistons sur ces mots qui, à notre avis, signifient que son raisonnement n'écarte pas cette éventualité dans une phase ultérieure. Le système idéal, selon l'archiduc, impliquerait que ce chef

d'État soit élu à vie. Il faudrait, selon ses propres dires, « bien choisir le corps électoral » afin d'éviter des « compromis malsains ». « Les chefs d'État des différentes nations -monarques ou présidents- paraîtraient tout désignés pour le (corps social) composer. Leur tâche serait d'élire à vie

213 OTTO DE HABSBOURG-LORRAINE, L'idée impériale. Histoire et

avenir d'un ordre supranational, pp 10-11, Presses Universitaires de Nancy,1989

214 OTTO DE HABSBOURG, Naissance d'un continent. Une histoire de

l'Europe dite à Guy de Chambure, pp. 23-24, Paris, 1975

215 OTTO DE HABSBOURG, L'ordre social de demain, pp 137-139,

Coll. Questions actuelles, Edit. Desclée De Brouwer, 1960, Belgique

Page 118: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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le gardien du droit en Europe. Ainsi, pareils aux Princes-Electeurs du Saint-Empire, ils répondraient dans la plus large mesure possible à l'exigence imposée: l'indépendance et la

stabilité de la présidence. Telle est, sous une forme adaptée à notre temps, la pensée antique et éternellement actuelle du grand empire d'Occident. Ce que serait le titre donné à l'arbitre suprême du droit européen, c'est la chose accessoire; l'essentiel est le principe. »

216

Défendre ce principe, comme le fait l'archiduc, n'implique-t-

il pas que ce dernier puisse espérer en bénéficier. Est-il candidat à cette éventuelle responsabilité ? « Je suis trop vieux pour cela, déclare-t-il, et je ne crois pas que cela viendra de mon temps. Il faudra attendre un peu plus tard ». Autrement dit, il y aura toujours un Habsbourg pour reprendre l'idée.

Rappelons que son fils, outre le fait qu'il est l'héritier de la couronne autrichienne, est très actif au sein du mouvement pan-europa en Autriche. Cependant, l'archiduc tient à affirmer: " Nous avons en commun un symbole européen. C'est la couronne du Saint-Empire Romain,

qui incarne la tradition de Charlemagne, le maître de l'Occident unifié... Songe-t-on que la couronne n'a jamais signifié la souveraineté du seul monarque, mais le lien commun qui rattache le peuple à l'autorité.. Il conviendrait d'examiner si le chef de la fédération européenne, garant du droit des peuples, ne devrait pas être aussi le gardien de ce symbole qui représente mieux que nul autre la communauté et la souveraineté

occidentales » 217 implicitement, ne se présente-t-il pas comme

le candidat idéal ? Mais sortons de ce romantisme politique. À notre connaissance, aucun projet communautaire officiel ne prévoit l'institutionnalisation d'un chef d'État européen à vie. Deux

solutions semblent plus vraisemblables: soit, une élection au suffrage universel du président européen; soit, chaque chef d'État serait, à tour de rôle, le « président de l'Europe ». Ceci serait en fait le prolongement plus formalisé de la pratique actuelle de présidence du conseil européen. D'autre part, l'héritier impérial affirme que bien des

institutions existantes sont « des moutures modernes de la justice impériale »

218. Il cite comme exemples la Cour de

Justice de La Haye, la Société des Nations ou le Conseil de l'Europe. Voyons quels sont les éléments sur lesquels,"l'Europe impériale » repose. Il pense que cette Europe doit donner la

préférence à l'agriculture qui est, selon lui, prioritaire à l'ère industrielle. Il considère l'agriculture paysanne et les petites et moyennes entreprises comme « l'avant-garde de l'avenir ». Dans le même ordre d'idées, l'individu et la famille

216 ibid

217 ibidem

218 eribidem

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sont les premiers sujets de droit. Son projet implique, que les pouvoirs centraux cèdent leurs pouvoirs vers le haut (c'est la supranationalité) et vers le bas, à savoir, les Régions.

Ce régionalisme européen doit se prolonger par la reconnaissance aux groupes ethniques d'un droit européen spécifique. Ceci permettra d'éviter que ces minorités se sentent lésées et puissent faire exploser l'organisation supranationale européenne.

L'unification européenne ne pourra aboutir qu'avec l'Europe Centrale. Il compte sur la présence de Députés européens originaires de cette région pour faire aboutir ce principe. Un siège symbolique de l'Assemblée fut réservé aux peuples d'Europe centrale et orientale. Il est favorable à l'adhésion de l'Autriche à la CEE. Celle-ci devrait lui accorder un statut

particulier. En attendant cette perspective, il défend un rapprochement entre la Communauté européenne et l'Autriche. 2. L'Europe Chrétienne La conception politique d'Otto de Habsbourg est fortement enracinée dans le christianisme. Il pense que l'Europe est

"indissolublement liée aux commandements chrétiens »219 Il

valorise le Royaume de Tolède des trois religions où le protestantisme, l'islam et le judaïsme coexistaient pacifiquement. Il en appelle à la solidarité de tous ceux qui croient en Dieu face à « l'athéisme militant » et le « marxisme matérialiste et totalitaire ». Il pense que pour cette « lutte », « l'allié naturel c'est l'islam ».

Il s'en prend violemment aux tenants du nationalisme borné qui calomnient les juifs d'apatrides et se dit favorable à une coopération judéo-chrétienne. Dans ce débat politico-religieux, il critique Alain de Benoist

220 qui valorise la race indo-

européenne et le paganisme.

Nous pensons que malgré tout, le chef de la Maison Impériale rejoint, à notre avis, un certain intégrisme religieux et ainsi une partie de l'extrême droite traditionaliste dans sa critique de la Révolution Française. À la différence de l'héritier des Orléans, Otto de Habsbourg

accuse la Révolution Française de tous les maux. Lorsqu'elle « proclama le caractère absolu de la souveraineté nationale, un germe de totalitarisme fut introduit dans l'État qui allait le

219 OTTO DE HABSBOURG LORRAINE, L'idée impériale, p 214

220 Alain de Benoist est le fondateur de la revue "La Nouvelle

Ecole" qui est éditée par le Groupement de Recherche et d'Etude pour la Civilisation Européenne (GRECE). Cette "nouvelle droite" veut se distancier de l'extrême droite traditionnelle. Ce courant culturel et idéologique développe un nationalisme européen. Selon le rapport du Parlement Européen de janvier 1986

consacré à la montée du fascisme et du racisme en Europe, une grande partie de l'extrême droite se reconnaît dans l'idéologie de ce mouvement. Notons qu'Otto de Habsbourg faisait partie de cette commission d'enquête.

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ronger"221. Selon lui, elle permet tout aussi bien une

proclamation de pouvoirs absolus du souverain qu'un massacre légalisé de prétendus ennemis. Ce pas aurait été franchi par le

massacre d'Européens durant la Deuxième Guerre mondiale. Nous ne partageons pas le lien établi entre Hitler et la Révolution Française. Nous ne croyons pas que l'on puisse résumer la Révolution Française par celle de la Terreur. Il affirme que la Révolution Française engendra tout aussi bien le nationalisme que le marxisme. Ceux-ci se seraient

toujours manifestés de concert. Le « culte de la Raison » développé à la Révolution Française débouche directement sur le matérialisme historique et sur le totalitarisme. Ses conceptions sont faites de plusieurs « raccourcis » faciles. Cette « décadence » trouve ses origines à la Renaissance « qui

coupa l'héritage classique de la tradition chrétienne. La nouvelle pensée païenne détruisit graduellement le contenu transcendantal de la conscience occidentale. La Renaissance laisse en effet paraître les signes avant-coureurs du matérialisme dont le nationalisme et l'anarchie sont la conséquence logique »

222

Le nationalisme qu'il dit issu de « l'esprit perverti du XIXe siècle », le centralisme, notions issues du jacobinisme qui revendiquent toute la souveraineté sont le « produit d'une évolution aberrante, contraire à l'Europe »

223

À la différence du comte de Paris, Otto de Habsbourg ne défend pas le retour des monarchies dans les pays d'Europe de l'Est. On

peut facilement comprendre qu'il ne souhaite pas cautionner d'éventuels retours d'institutions d'État-Nation dont certaines sont issues du démembrement de l'Empire des Habsbourg. Il n'accorde pas beaucoup d'intérêt à ces dynasties en tant que telles. L'important pour lui sont les hommes, certains sont

capables d'avoir certaines responsabilités, d'autres ne le sont pas précise-t-il. Remarquons qu'il considère Siméon de Bulgarie comme « remarquablement intelligent » et « bénéficiant d'un grand prestige dans son pays ».

221 OTTO DE HABSBOURG-LORRAINE, op.-cit., pp 27-28

222 ibid

223 OTTO DE HABSBOURG-LORRAINE, op.-cit. p 153

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CONCLUSION

On aurait pu croire que la célébration du Bicentenaire de la Révolution Française allait provoquer des manifestations royalistes voulant marquer leur rejet de l'avènement (en tout cas dès 1792) de la République. Il n'en fut rien. L'incident « Delavaut », la célébration en ordre dispersé du 21 janvier, le

« flop du 15 août 89 », les messes de toute obédience à la Mémoire de Louis XVI, tous ces petits événements n'ont pas remis en cause le déroulement des cérémonies du Bicentenaire. Nous avons constaté qu'une partie importante du royalisme rejoint l'intégrisme religieux. Cela concerne: les légitimistes, le mouvement « France et Royauté » et d'une certaine manière la

« Restauration Nationale ». Nous pensons à l'instar de René Rémond que « cette école (de pensée) a une vision extraordinairement simplificatrice et unitaire du déroulement de l'histoire: la révolution soviétique sort logiquement de celle de 1789, comme celle-ci est sortie de la Réforme qui a engendré le mouvement des philosophes. Les deux révolutions sont les fruits vénéneux de l'erreur libérale. Sans se laisser

déconcerter par l'antagonisme mortel qui oppose de nos jours ces deux enfants présumés d'un même père - le libéralisme - l'intégrisme croit y reconnaître l'inspiration de Satan... L'aversion de la démocratie s'enracine dans cette perspective religieuse: elle est tenue pour un système à la fois absurde et impie, une utopie contraire à la nature et à la volonté

providentielle; au reste, les deux choses n'en font qu'une, l'ordre naturel n'étant autre que l'expression de la pensée de Dieu »

224

La société rurale sur laquelle s'appuyait l'intégrisme catholique tend à disparaître. Cette droite traditionaliste ne peut plus compter sur la hiérarchie de l'Église qui lui a retiré

toute légitimité. Depuis le schisme entre les disciples de Mgr Lefèvre et le Vatican, le divorce est d'autant plus important, mais nous pensons que différents mouvements religieux situés à la droite du catholicisme, tel l'Opus Deï, pourraient redonner une certaine vitalité au courant intégriste. La finalité politique de ce courant pourrait ne plus être royaliste.

La Restauration Nationale, héritière de l'Action Française et du nationalisme intégral, se retrouve aux côtés des intégristes dans sa condamnation de 1789. Bien que sa démarche soit avant tout politique, ils se rejoignent, car leur « ennemi » est commun.

224 REMOND, R., Les droites en France, p 278, Aubier Collection

Historique, 1982

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" Le croisement de l'idée monarchique avec le nationalisme intégral, s'il revivifia une croyance qui se mourait,l’altéra

aussi: qui sait si la modification qui en résulta n'a pas été pour quelque chose dans l'affaiblissement graduel du sentiment monarchique ? »

225

Les organisations royalistes se sont intégrées, bien qu'elles s'en défendent, au « jeu politique républicain ». Elles se sont, d'une part, orientées vers Jean-Marie Le Pen. D'autre part, le

royalisme de type N.A.R. s'est orienté vers le concept de « majorité présidentielle » de François Mitterrand. Leur engagement aux côtés des mouvements républicains prouve l'intégration de cette composante du royalisme dans la République.

226 Ce faisant, il n'existe plus de mouvements

politiques de masse voulant remettre l'institution républicaine

en cause. À l'exception de la N.A.R., il n'y a pas de réel débat public, d'envergure nationale, autour de la monarchie. La faiblesse du royalisme français tient aussi de la pluralité des prétendants et à leur engagement politique. À l'exception du comte de Paris et de son fils, le duc de Cadix et Sixte-Henri de Bourbon-Parme ont été liés de manière très claire à l'Espagne de

Franco et au Portugal de Salazar. Leur idéal ne saurait être lié à la démocratie. Le comte de Paris a, quant à lui, soutenu De Gaulle et a appelé à voter Mitterrand. Nous pensons qu'un choix politique, même partisan, pour la démocratie est préférable au soutien d'une dictature. Cependant, tout choix politique (dans le sens partisan du terme), exprimé de quelque manière que ce soit, fait perdre au prétendant une partie de son indépendance.

Nous pensons que, plus fondamentalement, l'institution présidentielle telle qu'elle existe depuis 1958 a, d'une certaine manière, rejoint l'esprit monarchique. Les pouvoirs « quasi personnels » dont dispose le Président de la République l'ont fait devenir un monarque sans couronne. Comme le dit Alain

Duhamel: « La France seule garantit constitutionnellement, presque royalement, l'hégémonie du Président de la République ».

227 La forme du pouvoir présidentiel a aussi

rejoint l'esprit monarchique.

225 REMOND, R., op.-cit., p 281

226 Nous pensons qu'une analyse plus approfondie de ce mouvement

politique permettrait d'affiner une nouvelle conception du royalisme. Certains pourront se demander s'il s'agit encore de "royalisme".

227 DUHAMEL, A., "Le règne de l'exécutif roi", Le Point,n844, 21

novembre 1988. Ce même magazine titrait son dossier:" Mitterrand Le roi et

sa cour. L'esprit monarchique envahit le second septennat du Président. Son

comportement institutionnel en témoigne. Sa vie quotidienne en fait la preuve.

Et son entourage devient une cour"

Page 123: Mémoire universitaire Bruno Duboisdenghien

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« On est, plus généralement, en droit de se demander si, dans l'attachement que porte manifestement la grande majorité des

électeurs à l'institution présidentielle n'entre pas une part de sentiment royaliste et si la facilité avec laquelle l'opinion a pris son parti de l'abaissement des autres pouvoirs n'est pas une revanche déguisée de l'institution monarchique »

228

En Autriche, le sentiment royaliste a plutôt évolué vers un monarchisme. Il y a des monarchistes, mais pas de royalistes. À

la différence de la France, la monarchie habsbourgeoise, en tant qu'institution, a conservé dans la société autrichienne une relative importance. Bien qu'il y ait eu démembrement de l'Empire, il n'y a pas eu de Révolution contre la monarchie qui aurait dû être réformée. « In Austria the names of the streets, the parks, pillars, monuments, the paving stones themselves, are

heavy with the Hapsburg tradition »229.Nous pensons qu'il n'y a

pas eu une telle rupture comme ce fut le cas en France. Une partie de la population considère la monarchie comme faisant partie du passé glorieux de « la Grande Autriche ». Cet aspect de « grandeur », de domination d'une partie importante de l'Europe explique le sentiment monarchiste autrichien. De

manière générale, cette frange de la population se situe politiquement au sein de la droite catholique. Le courant monarchiste s'est structuré dans les années trente et s'est rapproché de l'autoritarisme de Dolfuss et de son successeur. Il a connu un certain essor dans l'exil pendant la Seconde Guerre mondiale, mais ce degré d'organisation ne rejoint

pas celui des royalistes français. À notre connaissance, il n'existe plus de grand mouvement monarchiste autrichien. Cela ne signifie pas pour autant que l'idéal monarchique ait disparu. Nous pensons qu'il s'exprime différemment. Le mouvement pan-europa, dirigé personnellement par Otto de

Habsbourg, a « récupéré » les monarchistes autrichiens ainsi que les partisans d'un pouvoir exécutif fort. De plus, ce mouvement -qui n'est pas en soi monarchiste- véhicule au niveau européen, et donc par delà les frontières, une conception monarchiste du pouvoir. Ceci ayant bien évidemment des retombées au niveau national. Ce n'est pas un hasard, si certains Hongrois l'ont acclamé par « Vive le Roi » et que d'autres ont voulu le

présenter comme candidat aux élections présidentielles. De la même manière, lors du cérémonial des funérailles de l'impératrice Zita, l'Autriche s'est rappelée qu' Otto de Habsbourg était bien « Son Altesse impériale et royale » et que son fils était l'héritier de cette longue tradition.

228 REMOND, R., op.-cit., p 282

229 BOCCA, G., Kings without thrones, p 133, New-York

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Comme Geoffrey Bocca, nous pensons qu'une monarchie repose sur un double respect: de l'institution monarchique et respect du

monarque lui-même. N'ayant pas à se soucier de l'aspect institutionnel, Otto de Habsbourg s'est construit une stature « d'homme d'État européen ». Celle-ci lui permettrait d'effacer, si l'on peut dire, les erreurs de son père, l'empereur Charles. C'est au travers de sa démarche européenne qu'on retrouve le monarchisme. Sa conception d'Europe Impériale repose sur une

critique radicale de la Révolution Française et de la Renaissance. Il s'appuie sur une société rurale, basée sur l'individu et la famille. Il rejoint ainsi la tradition de l'intégrisme catholique tel que l'a défini René Rémond. Politiquement, la démarche de Otto de Habsbourg implique un

chef d'État élu à vie qui soit lié d'une manière ou d'une autre à la couronne du Saint-Empire Romain. Bien qu'il s'en défende, cette définition se rapproche fortement de celle d'un monarque. La construction européenne devrait ainsi s'inspirer de l'institution impériale. Sa négation de la notion d'Etat-Nation, des frontières établies en fonction de ce principe, la valorisation du régionalisme impliquent pour l'Europe Centrale

le retour à la Fédération Danubienne qui n'est autre qu'une nouvelle mouture de l'Empire Habsbourgeois. Nous devons aussi mentionner les liens particuliers qui existent entre la Famille Habsbourg et le Vatican. Le pape Jean-Paul II a déjà eu l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises l'archiduc Otto. Ce dernier étant le « champion » de

l'anticommunisme et de la lutte contre l'athéisme peut dès lors trouver quelques alliés au sein des sphères de l'Église catholique. L'attitude militante de l'archiduc Otto ne correspond pas à celle des trois prétendants roumains, bulgares et albanais. Le

schéma selon lequel, les citoyens une fois sortis des « Républiques populaires » auraient fait appel à leurs anciens monarques ne s'est pas vérifié. Nous pensons que les quarante- cinq ans de « communisme » ont été une véritable rupture avec leur passé. Il n'y a pas eu de transmission de l'histoire royale de leur pays. Celle-ci n'est d'ailleurs pas caractérisée par la démocratie. On peut dès lors comprendre qu'il n'y ait pas un

élan royaliste triomphaliste. Nous pensons qu'en Roumanie, à cause de l'instabilité politique, du récent rapprochement entre Michel de Roumanie et le Ministre de la Défense, l'instauration d'une Monarchie constitutionnelle ne serait pas à exclure. L'exemple espagnol est la référence pour l'ex-roi roumain.

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En conclusion, à l'exception du cas roumain, du royalisme de type N.A.R. ainsi que la personnalité du comte de Paris, nous

pouvons dire que le royalisme s'est transposé de manière très claire au sein de la droite catholique ultraconservatrice. Si le royalisme, assimilé parfois au monarchisme, se retrouve dans différents pays européens, il peut aussi sous-tendre une conception de la construction européenne. À l'époque du Bicentenaire de la Révolution Française, le monarchisme peut, hélas, encore se retrouver dans un projet pluri étatique. Le

royalisme militant reste « la Grande Illusion ».

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VIMEUX, Philippe, Le comte de Paris ou la passion du présent, (Préface de Bertrand Renouvin) Centre d'Etude de l'Agora, 1975, Paris WARREN, Raoul de, LESTRANGE, Aymon de, Les prétendants au trône de France, Editions de l'Herne, 1990, Paris ┌────────────┐ │ Articles │ └────────────┘ CAMUS, J.Y., "Le légitimisme en France en 1987", Celcius, n1, octobre 1987 "Entretien de Sixte-Henri de Bourbon-Parme", Point de Vue Image du Monde, 25 août 1989 GRÜNBERG, S., BARBIEUX, J.M., "Voyage en intégrie. Enquête sur la profondeur catholique en France", Globe "Henri, comte de Paris intervient", L'Express, n32, 26 décembre 1953 JULIEN, C.F.,"Plutôt Rome qu'Ecône. Les taupes de bénitier", in "La Galaxie Le Pen ", Le Nouvel Observateur, 18 avril 1990 LE GUILLEDOUX, "Attentat anti-bicentenaire: la police sur la piste des royalistes", Libération, 10 janvier 1989 REROLLE, Raphaëlle, "Les différentes familles de l'extrême droite ont participé à la grande journée anti-89", Le Monde, 24 janvier 1989 REYNARERT, F., "Intégristes ASSOMPTION: le Flop des Anti-89", Libération, 16 août 1990 "Les partisans de Louis XVI défilent dans le désert", Libération, 23 janvier 1989 SANDERS,A., "A Pau, malgré Labarrère et les erreurs d'étiquette, journées royales pour les descendants du Béarnais", Présent, 9 août 1989. Ce journal est très proche du Front National. ┌──────────────┐ │ Publications │ └──────────────┘ Aspect de la France, n hors série été 1987, août 1989 Bulletin de l'Association Henri V Comte de Chambord, 1984-86 Chrétien et Solidarité, "1789 l'aube terroriste", Janvier 1989 Continuité, "Pour la France et le Roi: Dieu premier servi", n3, mars 1989, (directeur de publication: Dallais Francis, publication légitimiste) Jeune et...royaliste, n3 et 4 (feuille d'information des Jeunes de la N.A.R.)

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La France Monarchiste et légitimiste, n 10, août 1988 et n13, février 1989 La France Monarchiste, mars, mai, octobre, novembre, décembre 1990 et février 1991. Ces deux titres ont été les publications du mouvement France et Royauté La Gazette Royale, n28-31, septembre 1988 - avril 1989 (Organe de l'Union des Cercles Légitimistes de France) Le Feu-follet, n3, Décembre-Janvier 1989 (Bimestriel Etudiant d'Action Française) Le Soleil, août 1989, (Périodique du mouvement "L'Œuvre Française" de Pierre Sidos) Lys Rouge, n 32 janvier 1987, n38-41, mai 88 - 2e trimestre 1990 (Revue trimestrielle d'études et de débats de la N.A.R.) Rembarre!, n8, juillet-août 1989 (Organe du Mouvement chouan) Royaliste, du n502 au n557, 10/11/88 - 5/11/91. (Bimensuel de la Nouvelle Action Royaliste) ┌────────┐ │ Divers │ └────────┘ Déclaration du comte de Paris, 7 novembre 1947 Déclaration du duc d'Anjou, à l'occasion de son voyage dans les "provinces de l'ouest", au Mont des Alouettes, 19 novembre 1972 Allocution du duc d'Anjou, prononcée à l'Institut de la Maison Bourbon, Paris, 22 janvier 1989 Entretien privé entre l’auteur et le comte de Paris, 13 mars 1990, Fondation Condé, Chantilly, France

Autriche Hongrie et Habsbourg ┌─────────┐ │ Livres │ └─────────┘ BOGDAN, Henry, "La question royale en Hongrie au lendemain de la première guerre mondiale", in Cahier de l'Institut de Recherches de l'Europe Centrale, Louvain, 1979 CORDFUNKE, Erick, Zita la dernière impératrice 1892-1990, Document Duculot, 1990 COUDENHOVE-KALERGI, Richard, Pan-Europe, Publication de l'Institut Universitaire d'Etudes Européennes (Genève), Presses Universitaires de France, 1988, Paris

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DE SEDOUY, Alain, Indomptable Hongrie, Editions "Les quatre fils Aymon", 1956, Paris FEJTO, François, Histoire des démocraties populaires 1. L'ère de Staline, Editions du Seuil, 1952, Paris FEJTÖ, François, Requiem pour un Empire défunt Histoire de la destruction de l'Autriche-Hongrie, Editions Lieu Commun, 1988, Paris GEORIS, Michel, Les Habsbourg, Collection "Grandes Dynasties d'Europe", Editions Rencontre Lausanne, 1969, Paris GRANKSHAW, Edward, The Fall of the house of Habsburg, Longmans, 1964, Londres HABSBOURG, Otto, L'ordre social de demain. La société et l'Etat de l'ère atomique, Collection Questions Actuelles, 1960, Bruxelles. Traduit de l'allemand par Hélène Naef, Desclée de Brouwer. OTTO OF AUSTRIA, Monarchy in the Atomic age, Cambridge University Royalists, HABSBOURG, Otto, Au tournant de la guerre froide, Editions Magyar Haz, 1969, Bruxelles HABSBOURG, Otto, Bientôt l'an 2000, Librairie Hachette, 1969 HABSBOURG, Otto, Naissance d'un Continent Une Histoire de l'Europe dite à Guy de Chambure, Grasset, 1975, Paris HABSBOURG-LORRAINE, Otto, L'idée impériale Histoire et avenir d'un ordre supranational, (Préface de Pierre Chaunu), Presses Universitaires de Nancy, 1989 HOURS, Joseph, "L'idée européenne et l'idéal du Saint-Empire", in L'Année Politique et Economique, janvier-mars 1958, n111-112,CNRS,Paris KAUFMANN, Walter H, Monarchism in the Weimar Republic, Octagon Books, New-York, 1973 KREISSLER, Félix, La prise de conscience de la Nation Autrichienne 1938-1945-1978, Tome 1 et 2, Presses Universitaires de France, 1980 MARTIN, Anne-Marie, Othon de Habsbourg. Un prince d'Occident, Editions du Conquistador, 1959, Paris MILJUS, Branko, Les Habsbourg, l'Eglise et les Slaves du Sud, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1970, Paris PUAUX, Gabriel, Mort et transfiguration de l'Autriche 1933-45, Plon, 1966, Paris SZALAY, Jérôme, Le Cardinal Mindszenty, Mission Catholique Hongroise de Paris, VAN BOSBEKE, André, Les chevaliers du vingtième siècle Enquête sur les sociétés occultes et les ordres de chevalerie

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contemporains, Avec la collaboration de Jean Pierre de Staerke, E.P.O., Bruxelles VAN BOSBEKE, André, L'Opus Deï en Belgique, E.P.O., Bruxelles, 1986 ┌────────────┐ │ Articles │ └────────────┘ ASTORGA, A., Carlos de Austria: Nadie ha construuido una democracia como Don Juan Carolos, A.B.C., 1 er août 1990, (Madrid) BEYER DE RYKE, L, "Le retour d'Otto de Habsbourg", in Courrier de Gand, 17 mars 1989 CERRI, F., "Otto de Habsbourg n'est candidat à rien", Libération, 24 octobre 1989 GALLO, M., Histoire de l'Espagne franquiste, Robert Laffont, 1969, Paris "Groupements de Droite a vocation d'étude ou de pression en matière de politique extérieure", Courrier Hebdomadaire du CRISP, n252, 24 juillet 1964 GYORY, J., "Adieu à l'Impératrice", La Libre Belgique, 1er avril 1989 GYORY, J., "De qui avons-nous peur?", La Libre Belgique, 23 mars 1990 MOORE, P., "New dimensions for the Alpine-Adriatic Projet", in Report on eastern Europe of Radio Free Europe, 2 mars 1990 "Plusieurs centaines d'Est-allemands passent facilement de Hongrie en Autriche grâce à...un rallye européen", Le Soir, 21 août 1989 SHIBAB, S., "Hongrie. La campagne électorale. Le retour des vieux partis", Le Monde, 23 mars 1989 TON, D.,"Habsbourg président?", Le Nouvel-Observateur, 19-25 octobre 1989 ┌────────────────┐ │ Publications │ └────────────────┘ Europe Information, Bulletin du conseil belge de l'Union Paneuropéenne,(A.E.N.A), n24, février 1966 ┌────────┐ │ Divers │ └────────┘ Correspondance privée du Professeur BELLA FARAGO, 7 février 1991, Paris

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Correspondance privée du Professeur FERENC GAZDAG, 4 février 1991, Université Fötvös Lorand, Budapest Correspondance privée du Professeur Kende, 18 janvier 1991, Paris Entretien privé entre l’auteur avec l'archiduc Rodolphe d'Autriche, 19 décembre 1990, Bruxelles Entretien privé entre l’auteur avec Jean Gyory, 29 janvier 1991, Bruxelles Entretien privé entre l’auteur avec Luc Beyer De Ryke, février 1991, Bruxelles

ROUMANIE ┌────────┐ │ Livres │ └────────┘ PALEOLOGUE, Alexandre, Souvenirs merveilleux d'un ambassadeur des Golans, Avec SEMO, M., et TREAN, C., Balland, 1990, ┌────────────┐ │ Articles │ └────────────┘ DEVLIN, K.,"Is there any role for royalaty in a revolution?", Report on Eastern Europe of Radio Free Europe, 20 avril 1990 DURANDIN, C.,(interviewée par POUTHIER, J.L.)"La Roumanie doit inventer une démocratie qu'elle n'a jamais connue", Libération, 28 décembre 1990 "Ex-koning van Roemenïe wacht op oproep van zijn onderdanen",Het Belang van Limburg, 5 janvier 1990 "El Rey Miguel de Rumania vuelve a su pais tras cuarenta anos de exilio",A.B.C., 5 avril 1990 (Madrid) FRANCK, N., "Roumanie : des fissures dans la forteresse Ceausescu", La Libre Belgique, 7 décembre 1989 GORISSEN, A., "Michel de Roumanie à Bruxelles. Propos d'un roi déçu", Le Soir, 10 juin 1990 "Le deuxième échec d'un ancien monarque qui a le tort d'être populaire", Le Soir, 27 décembre 1990 HAMILTON, A., "King to leave exile for Romania tour", The Times, 5 avril 1990 IVANOV, V., "Le roi Michel expulsé", Le Figaro, 27 décembre 1990 "Des sympathies en haut lieu lors du retour du roi Michel ?", La Libre Belgique, 27 décembre 1990 Le Point, janvier 1990, n902 et 903 "Le grand retour d'exil du

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roi Michel de Roumanie s'est terminé à l'aéroport de Zurich-Kloten", La Libre de Belgique, 13 avril 1990 "Le roi Michel de Roumanie: un exil qui se prolonge", Le Soir, 13 avril 1990 "Le second exil du roi Michel", La Dernière Heure, 13 avril 1990 MARGARITA et SOFIA de ROUMANIE, "Appel: Aider la Roumanie", Le Monde, 13 février 1990 MUNZI, U., "Re Michele pellegrino in Romania", Corriere Della Sera, 5 avril 1990, (Italie) TERRIER, N., "Anne, reine de Roumanie: Maman vendait des chapeaux", France Soir, 22 janvier 1990 VICHNIAC, I., "L'ex-roi Michel pret à servir", Le Monde, 24 décembre 1989 ┌────────┐ │ Divers │ └────────┘ "Sondage Paris-Match B.V.A." réalisé à Bucarest les 11 et 12 janvier 1990.Résultats publiés dans Paris Match, 25 janvier 1990 ELKABACH, J.P., "Interview du prince Paul de Hohenzollern-Roumanie", Europe 1, 17 mai 1990

Bulgarie GIRAULT, J.,"Siméon II: le roi arbitre", Le Vif L'Express, 23 mars 1990 "Summary of world broadcast", Third Series (EE/0666) Part Two Eastern Europe, B.B.C.

Albanie ┌──────────┐ │ Articles │ └──────────┘ BRADFER, S., "Léka 1er: un coup d'Etat éviterait le bain de sang", Vers l'Avenir, 1er février 1990 DOUCET, Philippe, "Le chaudron albanais", in Politique Internationale, n47, printemps 1990 "Entretien avec Léka 1er d'Albanie Du Statlinisme à la monarchie ?", in Poolitique Internationale, n47, printemps 1990 HAQUIN, R., "Léka 1er, roi des Albanais: le Kosovo peut libérer la pression dans mon pays", Le Soir, 29 janvier 1990

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MARTEAU, M., "Léka 1er confirme l'agitation en Albanie", La Dernière Heure, 29 janvier 1990

Europe ┌────────┐ │ Livres │ └────────┘ BERN, Stéphane, L'Europe des Rois, Préface de S.A.I.R. l'archiduc Otto de Habsbourg, Editions Lieu Commun, 1988, Paris BERN, Stéphane, Les couronnes de l'exil, Editions Baland, 1990, Paris BOCCA, Geoffrey, Kings without thrones. European Monarchy in the 20 century, The Dial Press, 1959, New-York GREILSAMMER, Alain, Les mouvements fédéralistes en France de 1945à 1974, Presses d'Europe, 1975, Paris PUAUX, François, La politique internationale des années quatre-vingts, Collection Perspectives Internationales, Presses Universitaires de France, 1989, Paris VALYNSEELE, Joseph, Les prétendants aux trônes d'Europe, Préface de Mr. le duc de Castries, 1967, Paris, ┌────────────┐ │ Articles │ └────────────┘ "A quoi servent les Rois ?", Le Nouvel Observateur, 16-22 août 1990 BOUSSAGEON, A., "Le communisme sort...Coucou, revoilà les rois!", L'Evénement du Jeudi, 7février 1990 ESKENAZI, F., "Un carré de Rois sur la carte de l'Est", Libération, 22 juin 1990

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