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Rencontre des membres d'Afghanistan-Bretagne avec le Commandant Massoud le 2 Août 2001 Comment analysez-vous la situation actuelle ? La situation que les Talibans ont instaurée en Afghanistan est non seulement néfaste pour notre pays, mais elle a des conséquences importantes dans les pays qui se trouvent autour de l’Afghanistan, dans toute l’Asie Centrale, et même plus loin que l’Asie Centrale. Voyez par exemple le problème le plus concret : la drogue. Il touche non seulement l’Afghanistan, mais aussi l’Occident, et ailleurs. Le deuxième exemple, c’est le terrorisme. Leur action de terreur et leur influence ne porte pas seulement sur le peuple afghan, mais sur le monde entier. Le rôle des Talibans et des hommes de Ben Laden ne se limite pas à l’Afghanistan. D’un point de vue humanitaire, les Talibans ne respectent rien, absolument rien. Cela ne concerne pas seulement les femmes, ils méprisent aussi les hommes. Ils ne respectent rien. Et de cette façon, la responsabilité de la communauté internationale, et de l’Occident en particulier, est énorme à ce sujet. Malgré tous ces dangers, les solutions proposées par la communauté internationale sont presque inexistantes. Si on prend l’exemple de la drogue, toute les familles en Occident sont touchées par ce problème, on a tous peur pour nos enfants. Tous les jours, les troupes de Ben Laden sont plus importantes. Demandez à vos gouvernement, interrogez-les, demandez-leur si le nombre des Arabes a augmenté en Afghanistan. Bien sûr, chaque individu pose un problème pour les Afghans mais aussi pour la communauté internationale. Et devant tout ça, il n’y a aucune mesure réelle pour empêcher ce phénomène. Il y a une véritable résistance organisée en Afghanistan, et c’est une chance pour la communauté internationale. Si la résistance contre les Talibans n’existait pas, que deviendrait l’Asie Centrale ? Réfléchissez là-dessus. Le minimum des soldats talibans actuellement en guerre contre nous représente plus de 40 000 personnes. Imaginez si nous ne résistons pas et que 10000 d’entre eux partent au Tadjikistan. Que va devenir le Tadjikistan ? et l’Ouzbékistan ?

Rencontre avec le Commandant Massoud

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Rencontre des membres d'Afghanistan-Bretagne

avec le Commandant Massoud

le 2 Août 2001

Comment analysez-vous la situation actuelle ?

La situation que les Talibans ont instaurée en Afghanistan est non seulement néfaste pour notre pays, mais elle a des conséquences importantes dans les pays qui se trouvent autour de l’Afghanistan, dans toute l’Asie Centrale, et même plus loin que l’Asie Centrale.

Voyez par exemple le problème le plus concret : la drogue. Il touche non seulement l’Afghanistan, mais aussi l’Occident, et ailleurs.

Le deuxième exemple, c’est le terrorisme. Leur action de terreur et leur influence ne porte pas seulement sur le peuple afghan, mais sur le monde entier. Le rôle des Talibans et des hommes de Ben Laden ne se limite pas à l’Afghanistan.

D’un point de vue humanitaire, les Talibans ne respectent rien, absolument rien. Cela ne concerne pas seulement les femmes, ils méprisent aussi les hommes. Ils ne respectent rien. Et de cette façon, la responsabilité de la communauté internationale, et de l’Occident en particulier, est énorme à ce sujet. Malgré tous ces dangers, les solutions proposées par la communauté internationale sont presque inexistantes.

Si on prend l’exemple de la drogue, toute les familles en Occident sont touchées par ce problème, on a tous peur pour nos enfants.

Tous les jours, les troupes de Ben Laden sont plus importantes. Demandez à vos gouvernement, interrogez-les, demandez-leur si le nombre des Arabes a augmenté en Afghanistan. Bien sûr, chaque individu pose un problème pour les Afghans mais aussi pour la communauté internationale. Et devant tout ça, il n’y a aucune mesure réelle pour empêcher ce phénomène.

Il y a une véritable résistance organisée en Afghanistan, et c’est une chance pour la communauté internationale. Si la résistance contre les Talibans n’existait pas, que deviendrait l’Asie Centrale ?

Réfléchissez là-dessus. Le minimum des soldats talibans actuellement en guerre contre nous représente plus de 40 000 personnes. Imaginez si nous ne résistons pas et que 10000 d’entre eux partent au Tadjikistan. Que va devenir le Tadjikistan ? et l’Ouzbékistan ?

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Si notre résistance n’existait pas, que feraient les Américains ? Leurs intérêts ont été attaqués, leurs navires et leur ambassade ont été touchés. Ils n’ont lancé que quelques roquettes, ils n’ont rien pu faire. Il n’y a que notre résistance pour les combattre.

De la même manière, contre les Soviétiques, notre résistance n’était pas importante seulement pour l’Afghanistan mais pour le monde entier. Et notre combat est le même aujourd’hui, contre les trafiquants de drogue, contre ceux qui ne respectent pas les droits de l’homme et contre les terroristes. Et si au vingtième siècle, c’était contre les soviétiques, au vingt-et-unième siècle, c’est contre la drogue, le terrorisme et ceux qui ne respectent pas les droits de l’homme et l’humanitaire.

On parle beaucoup en Occident de drogue et de terrorisme, mais la racine du problème est là et pour enlever cette racine, on ne fait rien. Et ça, c’est une réalité triste, amère.

Malgré tout, que ce soit pour nous, les Afghans, ou pour l’ensemble de l’Humanité, nous continuerons à résister, face à eux, jusqu’au bout. C’est ma conviction personnelle et celle de mon peuple. On va continuer. J’espère que l’Occident et vos pays, grâce à votre soutien et votre témoignage, prendront davantage conscience, qu’ils seront attentifs aux dangers, et qu’ils agiront en conséquence.

Il semble que la communauté internationale s’appuie sur la situation humanitaire pour ne pas agir contre les Talibans, et que certaines organisations humanitaires entrent dans ce jeu. Qu’en pensez-vous ?

Aujourd’hui, même sur le plan humanitaire, ils (la communauté internationale – ndlr) n’ont pas décidé de ce qu’ils doivent faire avec les Talibans.

Je dois vous dire que toutes les ONG qui ont leur siège au Pakistan ne songent qu’à leurs propres intérêts. Et à ce propos-là, on n’a vu aucune décision claire et cohérente.

Vous avez évoqué l’aide humanitaire. Je ne me plains pas, mais je n’ai pas encore vu beaucoup d’aide concrète arriver. On n’a rien vu venir.

Vous êtes venus, vous avez constaté vous-même... Allez demander aux réfugiés dans le Nord, qu’est-ce qu’ils ont vu comme aide depuis des mois ? Ils vivent dans des conditions horribles.

De la même manière, pour l’aide médicale et l’aide éducative, malgré notre encouragement. Je vais vous donner quelques exemples. Prenons les blessés de guerre. Plus de la moitié des blessés doivent être transportés en dehors de l’Afghanistan parce que les hôpitaux ici ne peuvent les prendre en charge. Ils n’ont pas de matériel. S’ils ont du matériel, ils n’ont pas de médecins.

Regardez dans la région, vous ne trouverez pas un ophtalmo qui puisse opérer un œil. Donc, je n’ai pas le choix et malgré tous les problèmes que ça pose, nous devons les envoyer vers

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l’extérieur pour les soins. Actuellement, que ce soit au Tadjikistan , en Ouzbékistan ou ailleurs, nous avons entre 400 et 500 blessés.

Est-ce que, dans votre gouvernement, vous envisagez de nommer des femmes ?

Ce que je pense aujourd’hui, je m’y tiendrai, c’est ma conviction, et ce sera la même chose demain. Sur le plan social comme sur le plan humain, il n’y a aucune différence entre les hommes et les femmes. C’est un homme, c’est une femme, ils sont tous les deux des êtres humains. Pour nous, il n’y a aucun obstacle à ce qu’une femme puisse étudier, qu’elle travaille, qu’elle se présente comme candidate, qu’elle devienne ministre, vice-ministre, et tout ce qu’elle veut. C’est notre conviction et nous y croyons. Il y a sans doute en Afghanistan des gens qui ne sont pas d’accord avec cette conviction, mais nous sommes déterminés à la défendre.

Lorsque vous êtes venus en Europe, en France notamment, des promesses vous ont été faites. Ont-elles été tenues ?

Le principal but de notre voyage était politique. Il y a des pas importants qui ont été franchis. Par ailleurs, ils nous ont promis des aides humanitaires. Pour l’instant il y a des tentatives mais peu importantes, et nous espérons que plus tard, il y aura des concrétisations.

Pensez-vous que vous êtes assez soutenus par la communauté internationale ?

Le seul soutien que nous ayons obtenu est un soutien politique et après des années, et maintenant on constate une certaine pression sur les Talibans mais pas sur le Pakistan.

Quels sont les pays qui vous soutiennent actuellement?

Si on prend les Nations Unis, c’est tous les pays qui y votent qui ont voté les sanctions, et le Conseil de Sécurité également. Mais ces sanctions ne sont pas très valables. Mais c’est une part. C’est mieux que rien.