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–CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES– LES ÉTUDES DE L’EMPLOI CADRE 2016-45 OCTOBRE 2016 Partenariat de recherche entre l’Apec et le Conservatoire National des Arts et Métiers (Valérie Cohen- Scali avec la collaboration de Naima Adassen, Cécile de Calan, David Mahut, Cnam-CRF et CRTD) RECHERCHE QUALITATIVE AUPRÈS DE JEUNES RÉCEMMENT DIPLÔMÉS EN EMPLOI ET/OU EN RECHERCHE D’EMPLOI

Etude Apec - Ces jeunes diplômés qui s'intéressent à l'ESS : enjeux et perspectives

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–CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES–

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DRE N°2016-45

OCTOBRE 2016

Partenariat de recherche entrel’Apec et le Conservatoire Nationaldes Arts et Métiers (Valérie Cohen-Scali avec la collaboration de NaimaAdassen, Cécile de Calan, DavidMahut, Cnam-CRF et CRTD)

RECHERCHE QUALITATIVE AUPRÈS DE JEUNES RÉCEMMENT DIPLÔMÉS EN EMPLOI ET/OU EN RECHERCHE D’EMPLOI

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– LES ÉTUDES DE L’EMPLOI CADRE DE L’APEC–

Observatoire du marché de l’emploi cadre, l’Apec analyse et anticipe les évolutions dans un programme annuel d’études et de veille : grandes enquêtes annuelles (recrutements, salaires, métiers et mobilité professionnelle des cadres, insertion professionnelle des jeunes diplômés…) et études spécifi ques sur des thématiques clés auprès des jeunes de l’enseignement supérieur, des cadres et des entreprises.Le département Études et Recherche de l’Apec et sa quarantaine de collaborateurs animent cet observatoire. Toutes les études de l’Apec sont disponibles gratuitement sur le site www.cadres.apec.fr rubrique observatoire de l’emploi

© Apec, 2016

Cet ouvrage a été créé à l’initiative de l’Apec, Associationpour l’emploi des cadres, régie par la loi du 1er juillet 1901 et publié sous sa direction et en son nom. Il s’agit d’une œuvre collective, l’Apec en a la qualité d’auteur.

L’Apec a été créée en 1966 et est administrée par les partenaires sociaux (MEDEF, CGPME, UPA, CFDT Cadres, CFE-CGC, FO-Cadres, CFTC Cadres, UGICT-CGT).

Toute reproduction totale ou partielle par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisation expresse et conjointe de l’Apec, est strictement interdite et constituerait une contrefaçon (article L122-4 et L335-2 du code de la Propriété intellectuelle).

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02 Présentation 02 Les partenariats de recherche de l’Apec 02 Le partenariat avec le Centre de Recherche sur la Formation (CRF)

1 LE CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE – 06 L’insertion des jeunes dans l’ESS 07 Les dimensions psychologiques impliquées dans la transition école-travail 09 Le rôle des valeurs dans les choix d’insertion dans l’ESS 10 Problématique et hypothèses 11 Méthodologie

– 2 LES PRINCIPAUX RÉSULTATS – 14 Le parcours antérieur 17 Les représentations du secteur de l’ESS 20 Les sources de l’intérêt porté à l’ESS 24 Les intérêts professionnels des jeunes et les rapports à l’ESS 28 L’insertion professionnelle dans l’ESS 30 L’avenir professionnel 40 Conclusion

– 3 ANNEXES – 44 Références bibliographiques 45 Caractéristiques des jeunes diplômés rencontrés 49 Le guide d’entretien

–SO

MM

AIRE

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–PRÉSENTATION–

–LES PARTENARIATS DE RECHERCHE DE L’APEC –

En 2007, le département études et recherche de l’Apec a lancé un premier appel à projets auprès des laboratoires et centres de recherche. Cette démarche désormais renouvelée chaque année vise à renforcer les liens avec les milieux de la recherche en dévelop-pant des partenariats sur des thématiques intéres-sant l’Apec, les partenaires sociaux et les clients de l’Apec.Chaque recherche porte sur des sujets différents et l’apport de l’Apec varie selon les projets : apport fi -nancier pour optimiser des travaux en cours, appuis techniques pour des enquêtes sur Internet, exploita-tion des données de gestion de l’Apec, soutien pour l’accès à certaines populations de cadres…L’objectif est de construire de véritables partenariats dans des logiques de complémentarité des exper-tises : les chercheurs apportent leurs expertises poin-tues et spécialisées pour approfondir les sujets et étudier des méthodologies spécifi ques, le départe-ment études et recherche de l’Apec apportant, lui, une connaissance approfondie de l’emploi cadre dé-veloppée depuis plus de quarante ans.

–LE PARTENARIAT AVEC LE CENTRE DE RECHERCHE SUR LA FORMATION (CRF) ET LE CENTRE DE RECHERCHE SUR LE TRAVAIL ET LE DÉVELOPPEMENT–

Identifi er l’attractivité de l’économie sociale et solidaire (ESS) pour les cadres : un enjeu central pour l’Apec

Selon l’Observatoire National de l’Économie Sociale et Solidaire porté par le Conseil National des Chambres Régionales de l’Économie Sociale (CNCRES), ce secteur rassemble plus de 222 900 établissements et 2,34 millions de salariés soit 14 % des emplois du secteur privé. 13 % des cadres du

secteur privé exerceraient leur métier dans l’ESS, majoritairement dans des associations. En effet, depuis 2008, l’ESS regroupe les associations (78 %), les coopératives (13 %), les mutuelles (6 %), et les fondations (3 %). La loi du 24 juillet 2013 a permis d’ouvrir ce secteur aux entreprises sociales : ces organisations sont défi nies comme des groupe-ments de personnes et non de capitaux, porteuses d’un projet collectif, avec un ancrage territorial. Elles sont censées mettre en œuvre des projets innovants qui concilient intérêt collectif et activités écono-miques répondant aux besoins des populations. Les organisations appartenant à l’ESS sont susceptibles de fonctionner en s’appuyant sur des principes décla-rés qui sont les suivants :• La personne et l’objet social priment sur le capital ; les femmes et les hommes sont au cœur de l’écono-mie et en constituent la fi nalité.• La gestion est collective et démocratique et parti-cipative : élection des dirigeants, principe « une per-sonne = une voix », mise en place d’instances collec-tives de décision. • La lucrativité est limitée.• Les principes de solidarité et de responsabilité guident la mise en place des actions.

L’Apec a publié en 2015 une étude portant sur l’ana-lyse de 12 600 offres d’emploi cadre dans l’ESS. Cette étude conclut qu’un grand nombre de recrutements devraient avoir lieu dans l’ESS d’ici 2020, 600 000 postes devant être libérés par des départs en retraite dans les 5 prochaines années (d’après l’Atlas de l’Eco-nomie Sociale et Solidaire 20141). Les postes à pour-voir concerneraient plus particulièrement les métiers du social et de la santé et ces recrutements seraient réalisés majoritairement par de grands établisse-ments de plus de 250 salariés.Dans ce contexte, identifi er l’attractivité de l’ESS et repérer la manière dont des cadres en cours de car-rière s’engagent dans ce secteur doivent contribuer à mieux les préparer à affronter et réussir leur réorien-tation.Un premier rapport de recherche a été publié par l’Apec en 2015. L’enquête présentée dans ce premier rapport concerne la population des cadres en transi-tion professionnelle vers le secteur de l’ESS. Ce pre-

1. Conseil National des Chambres Régionales de l’Économie Sociale (CN CRES)

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mier volet de la recherche visait à cerner la manière dont émergent l’intérêt pour ce secteur chez des cadres, les éventuels évènements marquants qui ont donné le départ du processus de réorientation et les trajectoires suivies pour parvenir à intégrer ce secteur professionnel.

Rappel du contexte et des objectifs

Dans le cadre d’un partenariat de recherche avec l’Apec, le Centre de Recherche sur la Formation du Cnam a proposé de réaliser une recherche visant à cerner les processus de mobilités professionnelles des cadres dans le secteur de l’Economie sociale et Soli-daire (ESS). Cette recherche comprend cinq volets. Les quatre premiers volets de la recherche ont été conduits en adoptant une méthodologie qualitative et visent à réaliser un panorama des différents profi ls gravitant autour du secteur de l’ESS, aspirants et expérimentés.Le premier volet sur les attitudes et représentations des cadres en transition professionnelle vers l’ESS. Le deuxième volet est centré sur l’analyse de la situa-tion des jeunes diplômés qui souhaitent intégrer l’ESS (l’objet de ce rapport). Le troisième volet a trait aux cadres qui se sont réo-rientés dans l’ESS après avoir travaillé dans le secteur de « l’économie classique ». Le quatrième volet expose les situations de cadres expérimentés dans l’ESS.Enfi n, la cinquième étude est réalisée selon une mé-thodologie quantitative et porte sur les représenta-tions sociales de l’ESS des cadres et leurs intentions professionnelles. Elle permettra notamment de com-parer les profi ls des cadres se déclarant intéressés par le secteur de l’ESS et des cadres qui ne souhaitent

pas s’orienter vers ce secteur.Il s’agit, avec ces différentes études, d’explorer la mobilité dans un champ professionnel en constitu-tion et de repérer son attractivité pour les cadres. Il s’agit également de mieux comprendre les processus de transition et de réorientation des professionnels qui souhaitent rompre avec les entreprises du « sec-teur marchand ».

Dans ce rapport est présentée l’étude réalisée auprès de 14 jeunes diplômés qui souhaitent travailler dans l’économie sociale et solidaire. Dans cette étude, l’objectif était de repérer les aspi-rations et les attentes de jeunes diplômés qui se sont formés, pour un certain nombre d’entre eux, à l’ESS ou souhaitent intégrer une formation de ce secteur pour d’autres. Ce volet de l’étude doit permettre d’identifi er les tra-jectoires professionnelles anticipées et la manière dont les jeunes conçoivent leur progression profes-sionnelle dans l’ESS. Il s’agit d’identifi er les principaux déterminants de l’intérêt pour l’ESS comme secteur d’insertion profes-sionnelle pour les jeunes. En effet, on peut se deman-der pourquoi ces jeunes diplômés s’intéressent d’em-blée à l’ESS et conçoivent de construire leur carrière dans ce secteur. Quelles sont leurs principales moti-vations et comment conçoivent-ils leur intégration ?Un autre objectif est de repérer les représentations qu’ils ont de l’ESS, les activités qu’ils associent à ce secteur, et les compétences professionnelles qui leur paraissent nécessaires.Enfi n, nous avons voulu interroger les attentes à l’égard de l’ESS, les projets et les souhaits pour le futur. •

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06 L’insertion des jeunes dans l’ESS 07 Les dimensions psychologiques impliquées dans la transition école-travail 09 Le rôle des valeurs dans les choix d’insertion dans l’ESS 10 Problématique et hypothèses 11 Méthodologie –1–

–LE CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE–

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LE CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE–1–

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–L’INSERTION DES JEUNES DANS L’ESS–

L’Economie Sociale et Solidaire regroupe un ensemble d’organisations spécifi ques : des associations, mu-tuelles, des fondations, des coopératives et des entre-prises sociales. Il s’agit de structures qui se défi nissent comme des groupements de personnes et non de capitaux. Elles relèvent du secteur privé. Elles re-posent sur des valeurs communes, telles que la lucra-tivité limitée, des fonds propres impartageables et une faible part d’excédents distribuables (Apec, 2012). Si l’ESS rassemble 13 % de l’emploi cadre du secteur privé en France, les jeunes ne représentent que 8 % des salariés de ce secteur (Petot & Braley, 2012) tandis que les salariés de plus de 50 ans repré-sentent 27 % des salariés de l’ESS. Ainsi, 335 000 salariés de l’ESS devraient prendre leur retraite, dont 55 000 cadres entre 2008 et 2018. Cette enquête du DALR-CNCRES de 2012 (Petot & Braley, 2012) a mis au jour que 79 % des employeurs interrogés envisagent de recruter du personnel pour faire face à ces départs. Les renouvellements concerneront les responsables de structures, des cadres, des employés. Rares seraient les employeurs qui envisagent néan-moins de recruter des jeunes de moins de 25 ans pour combler ces départs. Les organisations qui emploient le plus grand nombre de personnes dans l’ESS sont celles de l’action sociale (39 %), l’enseignement (14,8 %), la banque et les assurances (11 %), la santé (7,5 %) (Apec, 2014). Potentiellement, ce secteur pourrait donc être assimilé à un secteur « en tension » susceptible d’offrir de l’emploi à des personnes de plus de 25 ans.Par ailleurs, une enquête réalisée par Petot et Braley (2012) sur près de 300 jeunes sortant d’une des 72 fi lières répertoriées de formation supérieure quali-fi ante de l’ESS permet de repérer la perception que les jeunes diplômés ont des employeurs du secteur. Au moment de l’enquête, 80 % de ces jeunes étaient en emploi dont 78 % dans une structure de l’ESS. 91 % travaillaient dans une association et 6 % dans une coopérative. 33,5 % étaient dans le secteur de l’action sociale, 9 % dans le soutien aux entreprises, 7,1 % dans l’enseignement. 70 % des diplômés de 2008, et 29 % de ceux de 2011, étaient en CDI en

2011. Les intitulés des emplois occupés sont principa-lement chargé de mission (19,8 %), directeur/trice (14,2 %), assistant, secrétaire (9,9 %) et chargé de projet (9,4 %). 48,6 % des jeunes diplômés tra-vaillaient sur une fonction « projet ». 46,7 % des jeunes récemment insérés disent avoir un poste où ils sont « très polyvalents et plutôt polyvalents » (29,2 %). Ainsi, 94 % des jeunes estiment que leur poste est polyvalent. 9 personnes se déclarent satis-faites de leur emploi actuel et 15 % des jeunes consi-dèrent que leur emploi ne correspond pas à leurs attentes. Même si leur situation professionnelle leur parait globalement satisfaisante, la plupart des jeunes ne pensent pas rester longtemps dans leur poste actuel. 39,6 % pensent n’y rester qu’entre 1 et 3 ans. Cette tendance à vouloir changer rapidement d’emploi est particulièrement vraie pour les jeunes les plus récemment insérés. Elle pourrait être interpré-tée par le fait qu’ils veulent se faire une première expérience avant de chercher un autre emploi corres-pondant mieux à leurs attentes, à leur niveau d’étude ou à leurs qualifi cations. Les premiers postes occupés à l’entrée dans la vie active pourraient donc être considérés comme des tremplins afi n de se constituer une première expérience, ainsi qu’un réseau facilitant les embauches. Selon les jeunes diplômés, certaines compétences seraient plus particulièrement atten-dues par les employeurs de l’ESS : les compétences éthiques, managériales, gestionnaires, éducatives, politiques et techniques. Seuls 54 % de ces jeunes estiment que le diplôme ou la qualifi cation joue un rôle important dans le processus de recrutement. Parmi les 295 jeunes diplômés étudiés, 34 % se sont insérés en répondant à une offre d’emploi et 18,6 % grâce au réseau professionnel, 17,4 % ont trouvé leur emploi grâce à des contacts crées en formation et 6,7 % ont créé leur propre emploi. Selon une étude de l’Apec (2014), l’ESS est un secteur qui attire les jeunes diplômés. Toutefois, les offres d’emploi ou-vertes aux jeunes diplômés sont moins fréquentes que dans l’ensemble des offres du privé (Apec, 2015). •

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–LES DIMENSIONS PSYCHOLOGIQUES IMPLIQUÉES DANS LA TRANSITION ÉCOLE-TRAVAIL –De nombreux travaux ont été entrepris dès les années 90 pour cerner la manière dont les jeunes s’engagent dans la période qui va de la fi n de la scolarité initiale au premier emploi durable (Méhaut, Rose, Monaco, et al., 1987). Il est observé une diversifi cation des itinéraires d’accès au premier emploi et l’importance des acteurs impliqués dans l’accompagnement de cette transition (Rose, 1996 ; Banks et al., 1992). Pour Lafl amme (1993), cette transition correspon-drait à un temps de structuration-déstructuration où les jeunes se confrontent à des rapports sociaux nou-veaux. L’adaptation à cette transition nécessite la mise en œuvre de certaines compétences : adaptabi-lité, connaissance de l’environnement, gestion du stress, planifi cation, identifi cation de ses points forts et faibles, etc…Selon Philips, Blustein et al., (2002) qui ont analysé les parcours de 17 jeunes en situations de transition vers le travail, il apparait que ceux qui s’adaptent le mieux à cette période de changement sont ceux qui ont des compétences généralistes, un plan clair et réaliste de la transition dans laquelle ils s’engagent, font preuve d’une certaine résilience pour affronter les obstacles, et d’un certain optimisme. Mais d’autres éléments jouent selon cette recherche : le fait de pou-voir apprendre dans les situations de travail favorise l’adaptation, le fait d’être entouré d’adultes qui ap-portent un soutien et le fait de s’engager activement vers le monde adulte. Cette « proactivité accompa-gnée » apparait déterminante pour réussir à se stabi-liser dans un emploi.Pour Heinz, la transition de l’école au travail s’appa-rente à une « socialisation de soi » (Self socialization) (Heinz, 2002). Combiner la notion d’agentivité avec celle de socialisation de soi permet de porter atten-tion aux conséquences biographiques des actions et de considérer le jeune comme un individu qui réfl é-chit à ses intentions et aux options disponibles pour les actions futures. La biographie est pour Heinz un « arrangement réfl exif » d’une personne avec les cir-constances, les contingences de la vie socialement structurées par les opportunités et les contraintes. Dans son étude empirique, Heinz identifi e 6 modali-tés d’intégration biographique de la transition école-travail:

1/ L’identifi cation à l’entreprise : l’entreprise est vue comme une sorte de domicile et les relations in-terpersonnelles au travail, sont très valorisées. Ces jeunes attendent du soutien social et de la reconnais-sance en échange de leur confi ance et de leur loyauté à l’égard de l’employeur. Dans cette confi guration, les ruptures au cours de la transition bloquent les anticipations professionnelles.2/ L’habitus du « travailleur à la tâche » : l’em-ploi est perçu comme une nécessité, et les jeunes valorisent surtout la sécurité au travail et la conti-nuité de l’emploi. Certaines jeunes femmes sortent de cette situation par des périodes de maternité pré-coces, qui ne font que repousser les diffi cultés.3/ L’orientation vers la carrière : les carrières dans une entreprise et la promotion sont favorisées parmi les alternatives professionnelles et du temps est consacré à l’enseignement supérieur.4/ L’optimisation des chances : il s’agit d’accu-muler, autant que possible, de qualifi cations supplé-mentaires pour conserver un maximum de possibili-tés de développement et d’avancements, de chances de réussir. Ces jeunes utilisent la discontinuité de la transition comme des opportunités pour se former ou développer de nouvelles expériences.5/ La croissance personnelle : le métier est choisi comme un espace pour assouvir les intérêts person-nels. Les conditions de travail et les promotions sont évaluées en se centrant sur l’autonomie octroyée et les possibilités d’auto-direction. Egalement, ces jeunes utilisent la discontinuité de la transition comme des opportunités, permettant de voyager, de se relaxer etc….6/ L’habitus d’auto-emploi : la liberté dans les activités économiques est valorisée, de même que les risques pris pour devenir un acteur indépendant. Cette approche montre que la confrontation à l’entre-prise au cours de la transition suscite des interpréta-tions diverses qui favorisent plus ou moins les pers-pectives futures.La théorie de la construction de Savickas (2005) sou-ligne également l’importance de l’adaptabilité, de l’identité et de la confrontation à une variété d’expé-riences au cours de la transition. Le développement de carrière se réaliserait en effet, par une adaptation

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successive à une série d’emplois, de postes visant une certaine connaissance et maitrise de l’environne-ment. L’adaptabilité serait ainsi une compétence clef permettant de s’organiser pendant les transitions et d’élaborer des scenarios professionnels. Le concept d’Adaptabilité de carrière réfère au fait de faire face à des tâches pour se préparer à un rôle au travail et avec des ajustements peu prévisibles, ponctués de changements concernant le travail et les conditions de travail. L’adaptabilité permettrait de planifi er son futur, d’anticiper les diffi cultés, de se fi xer des buts réalistes. Ce processus psychologique comprendrait cinq dimensions psychologiques : - Disposer d’une certaine curiosité à l’égard de son environnement,- Se sentir concerné par son orientation profession-nelle,- Avoir le sentiment d’avoir un certain contrôle sur son environnement,- Avoir conscience de ses capacités, compétences, savoirs,- Avoir confi ance en soi, dans ses aptitudes à faire face à la situationAvoir des scores élevés dans ces différents domaines de compétences provoquerait un sentiment de satis-faction dans la vie, induirait une carrière plus réussie et plus satisfaisante, un bien être subjectif élevé, une plus grande effi cacité dans la recherche d’emploi, ainsi qu’une intégration plus rapide et l’obtention d’un emploi de meilleure qualité (Monteiro & Al-meida, 2015).

Chez les étudiants, l’adaptabilité de carrière prédit de façon signifi cative la situation après l’obtention du diplôme (Yanjun Guan, Hong Deng et al., 2013). Deux dimensions de l’adaptabilité de carrière appa-raissent être particulièrement prédictives de l’inser-tion professionnelle des jeunes diplômés : le fait de se sentir concerné par son orientation et celui d’avoir le sentiment de pouvoir contrôler son environnement. Les étudiants qui ont un niveau élevé en Contrôle sont plus consciencieux et peuvent prendre des déci-sions de carrière importantes. Ils obtiennent plus faci-lement un emploi en accord avec leurs valeurs et leurs capacités. Une autre recherche auprès de 406 jeunes diplômés (Monteiro & Almeida, 2015) montre que ceux qui travaillent pendant leurs études ont des scores plus élevés sur les dimensions de Contrôle de son environnement et de Curiosité. En revanche, les activités de loisirs extra scolaires n’ont, dans cette recherche, aucun lien avec le niveau d’adaptabilité. L’expérience de travail pourrait donc être un détermi-nant de certaines dimensions de l’adaptabilité de carrière. Travailler en faisant des études (que ce soit sous la forme de formations en alternance, de stages ou de petits boulots) est apparu dans plusieurs re-cherches comme un facteur de modifi cation des re-présentations de soi, des attitudes à l’égard du travail et des perceptions du futur (Cohen-Scali, 2000). Plus particulièrement, la qualité des expériences de travail est un élément essentiel pour mobiliser les ressources psychologiques importantes dans l’insertion profes-sionnelle (Cohen-Scali, 2010). •

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–LE RÔLE DES VALEURS DANS LES CHOIX D’INSERTION DANS L’ESS–Etudiant le développement du jugement moral chez l’enfant, Piaget (1985) souligne qu’il est associé à l’importance du respect des règles : « toute morale consiste en un système de règles et l’essence de toute moralité est à chercher dans le respect que l’individu acquiert pour les règles » (p.1). Les travaux de Kohl-berg (1981) portent également sur le développement du jugement moral chez l’enfant et l’adolescent. Il observe l’existence de différents types de jugement moral qui sont défi nis comme une cognition de na-ture prescriptive, et se réfère à ce qui est obligatoire, juste, bien. Ceux-ci sont prescriptifs et normatifs et renvoient à ce qui devrait être, à des droits, des res-ponsabilités et non à des gouts ou des préférences. Kohlberg a mis au jour l’existence de 6 stades de développement du jugement moral. Selon Kohlberg les principes moraux déterminent les actions. Or, di-verses recherches (par exemple celles de Milgram sur la soumission à l’autorité) ont montré que les prin-cipes moraux n’influencent que rarement les conduites. Les individus sont capables de changer de principes moraux selon les circonstances et les contextes. Ainsi, les principes moraux formulés par les individus ne seraient pas nécessairement assortis d’actions réalisées conformément à ces principes. De même, ces principes apparaissent fortement associés à la culture et donc aux principes moraux et de com-portement qui règlent la vie des communautés dans une certaine société (Tostain, 1999). A la différence de ces principes moraux personnels, les valeurs appa-raissent comme davantage trans-situationnelles, et seraient assimilables, selon Rokeach et Schwartz (Hel-kama, 1999) à des buts généraux désirables, qui orientent les actions et les appréciations dans un grand nombre de situations de la vie. Les valeurs seraient donc plus partagées et les principes moraux plus personnels et relativement intimes. Schwartz explique « on utilise les valeurs pour caractériser les individus ou les sociétés, pour suivre le changement au cours du temps, pour expliquer les motivations de base qui sous-tendent les attitudes et les comporte-ments » (2006, p. 930). Selon cet auteur, il existerait dix valeurs de base communes à toutes les cultures, comme des motivations fondamentales. Certaines valeurs seraient compatibles, d’autres s’opposeraient. Les individus et les groupes se distinguent quant à l’importance qu’ils attribuent à ces différentes va-

leurs. Pour Schwartz, les valeurs ont certaines carac-téristiques : - Il s’agit de croyances associées aux affects.- Elles renvoient à des objectifs désirables qui mo-tivent l’action- Elles transcendent les actions et les situations spé-cifi ques- Elles servent des critères pour évaluer les actions- Elles sont classées par ordre d’importance les unes par rapport aux autres- L’importance relative des multiples valeurs guide l’action

Les dix valeurs identifi ées par Schwartz comme étant universelles sont : 1. L’autonomie, la centration sur soi (recherche d’indé-pendance)2. La stimulation (enthousiasme pour la nouveauté)3. L’hédonisme (recherche de plaisir)4. L’accomplissement (recherche de succès personnel obtenu grâce à la reconnaissance de compétences reconnues)5. Le pouvoir (recherche de contrôle, de prestige)6. La sécurité (recherche de sureté, de stabilité)7. La conformité (recherche de la modération des gouts)8. La tradition (recherche de respect des coutumes, des idées soutenues par la culture ou la religion)9. La bienveillance (recherche de préservation et amé-lioration du bien-être des personnes)10. L’universalisme (recherche de protection du bien-être de tous et de la nature)Les jeunes ont-ils des valeurs différentes des adultes ? Une étude portant sur les jeunes en France de 18 à 30 ans (Bigot, 2007) met au jour des différences importantes entre ces populations notamment sur le plan de l’optimisme à l’égard de la situation écono-mique. Les adultes portent un regard plus défaitiste sur l’évolution future de leur niveau de vie, les jeunes croient en un avenir meilleur et sont plus favorables à la mondialisation que les adultes. Ils sont plus sen-sibles que les adultes à des questions de société telles que les problèmes du chômage, de la pauvreté dans le monde, de l’environnement, de violence et ceux associés aux tensions internationales. En revanche, ils sont moins nombreux à penser que la société de-vrait être réformée (82 % contre 87 % des adultes).

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Par ailleurs, certaines valeurs liées au travail semblent jouer un rôle non négligeable dans l’adaptation à un emploi (Sortheix, Chow & Salmela-Aro, 2015). Sor-theix et al. (2015) distinguent les valeurs intrinsèques de travail (mobilisant la motivation intrinsèque : uti-liser ses compétences, l’auto-direction, le plaisir au travail…) et les valeurs extrinsèques de travail (mobi-lisant la motivation intrinsèque : avoir de bons reve-nus, la sécurité, un emploi stable). La recherche conduite selon un mode longitudinal auprès de jeunes adultes, montre qu’avoir des valeurs intrin-sèques de travail à 21 ans prédit un sentiment de meilleure adéquation avec son travail à l’âge de 23 ans. Avoir plutôt des valeurs extrinsèques au travail à 21 ans est relié positivement au fait d’être au chô-mage deux ans plus tard. Ainsi, la nature des valeurs au travail selon qu’elles mobilisent la motivation in-trinsèque ou la motivation extrinsèque constitue-raient un des soubassements de la réussite de la transition vers l’emploi. Différentes valeurs guidant les choix de carrière à l’âge de 21 ans sont liées à certaines situations deux ans plus tard. Les valeurs intrinsèques semblent contribuer, selon ces auteurs,

à trouver un emploi qui convienne mieux. Ceci peut être lié au fait que ces personnes qui ont plutôt des valeurs intrinsèques s’attacheraient à faire évoluer leur poste en accord avec leurs valeurs et leurs inté-rêts. Les auteurs concluent en soulignant que le fait de parvenir à décrocher un job qui convient serait sans doute un peu moins lié aux capacités cognitives et au diplôme obtenu qu’aux valeurs intrinsèques de travail des jeunes.Ces différentes approches montrent que la période de transition est importante pour structurer le rap-port au travail des jeunes. Différents processus psy-chosociaux comme l’identité, les représentations et les valeurs prennent une place centrale au cours de cette période notamment parce qu’elle est l’occasion de se confronter à des situations de travail réel, d’in-tégrer le monde du travail et de mettre en œuvre des compétences. Ces situations peuvent imposer des choix, des prises de décisions qui se basent de plus en plus sur des critères que les jeunes se construisent au fi l du temps (se basant notamment sur ce qui leur apparait comme particulièrement crucial dans la so-ciété) plutôt que sur des catégories prédéfi nies. •

–PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES–

L’ESS est généralement présentée comme un secteur en tension car les départs à la retraite seront impor-tants au cours des 10 prochaines années. Des jeunes diplômés pourraient donc y être davantage employés. Ce secteur s’attache à développer la communication autour de ses principes et de ses actions. Par exemple, en Ile de France, le centre de ressources de l’ESS, l’Atelier, développe des actions visant à favoriser le développement et la promotion du secteur. L’Atelier organise des sessions d’échanges de pratiques, sensi-bilise et guide pour la création de projets et propose des formations. Il organise également des évène-ments centrés sur l’information et des forums sur les emplois dans l’ESS. Dans le contexte économique actuel plutôt morose, l’ESS se présente comme une alternative proposant le développement de projets et d’activités apportant des plus-values sur le plan social et environnemental, ce qui est potentiellement attrac-tif pour des jeunes en situation d’insertion. Les tra-vaux réalisés sur les transitions de l’école au travail ont montré que cette période consacrée à l’insertion est très importante pour la construction de la carrière

future. Les expériences, les évènements rencontrés, notamment ceux en lien avec le travail, peuvent modifi er le rapport au travail et induire de nouvelles perspectives (Heinz, 2002). Les compétences mises en œuvre, les anticipations qui se dessinent, le fait de faire preuve ou non d’une certaine proactivité jouent également sur l’issue de cette transition école-travail (Philps et al. 2002). Les valeurs et le rapport au travail, ainsi que la motivation intrinsèque ou ex-trinsèque pour le travail apparaissent également comme des déterminants importants pour l’intégra-tion professionnelle et la constitution du soi profes-sionnel (Sortheix, et al. 2015). Cette recherche constitue une contribution à la com-préhension des processus psychosociaux de transition de jeunes diplômés. L’hypothèse principale est que ces jeunes souhaitent construire leur vie profession-nelle en s’appuyant sur des valeurs qu’on peut quali-fi er avec Schwartz (2006) de bienveillance et d’uni-versalisme. Une partie de la jeunesse diplômée pourrait donc défi nir elle-même ses propres normes d’insertion professionnelle et refuserait de s’engager

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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES 11

sur des voies toutes tracées. Ces jeunes construisent leur place dans la société en développant une ré-fl exion approfondie sur eux-mêmes, sur leur environ-nement et sur le monde en général. Travailler n’est pas seulement un moyen de gagner sa vie. Il s’agit de l’expression d’un rapport au monde qui fait préva-loir les valeurs. La transition serait, pour les jeunes, une période d’affi rmation des valeurs, de détermina-tion de sa place dans la société et du rôle qu’ils veulent jouer à l’avenir. Ainsi, il s’agit d’une part, de penser que les jeunes élaborent, à partir de leurs expériences de formation, personnelles, familiales et professionnelles, une représentation qui s’apparente à un modèle de vie (Savickas, 2005, Levinson, 1978) sur lequel prennent appui certaines anticipations de soi comme citoyen, professionnel, ou tout simplement jeune adulte en devenir. D’autre part, ils rattachent cette représentation à un ensemble de valeurs et à

une idéologie humaniste qui sont également en cours de formation et qui servent peu à peu de guides pour la mise en œuvre du modèle de vie.Une autre hypothèse consiste à penser que les expé-riences professionnelles peuvent notamment conduire à des modifi cations des souhaits d’insertion initiaux (Cohen-Scali, 2010) Les expériences valori-santes et positives dans l’ESS pourront conduire à un renforcement de la détermination à vouloir s’intégrer dans ce secteur ou à préciser les modalités. Les expé-riences dans l’ESS peuvent alors jouer un rôle confi r-mant ou infi rmant les premières pistes qui ont été dessinées.Il s’agit donc de cerner ce qui, dans les expériences variées des jeunes, les conduisent à déterminer un certain modèle de vie où les idéologies et les valeurs prennent une place et permettent d’élaborer cer-taines projections d’avenir. •

–MÉTHODOLOGIE–

Une étude qualitative a été réalisée auprès de 14 jeunes diplômés de l’enseignement supérieur et sou-haitant d’intégrer dans l’ESS.

L’étude par entretiens semi-directifsPour construire le guide d’entretien, plusieurs sources d’informations ont été utilisées. D’une part, certains thèmes ont été repris de l’étude réalisée auprès des personnes en transition vers l’ESS. Nous sommes en effet, dans ces deux cas confrontés à des situations de personnes qui veulent s’engager dans un secteur professionnel, l’ESS, avec des niveaux d’information et de connaissance différents. D’autre part, plusieurs enquêtes ont été réalisées par notre équipe par le passé, sur des populations de jeunes en insertion et nous avons également pris en compte cette expé-rience passée pour interroger ces jeunes.Ainsi, le guide utilisé pour réaliser les entretiens com-portait les thèmes suivants abordés au cours des entretiens semi-directifs:- Le parcours de formation, les expériences de béné-volat et d’emploi ;- Les représentations du secteur de l’ESS et les motifs de choix d’insertion dans ce secteur ;- Les circonstances qui ont conduit à s’engager dans ce secteur ;

- Les activités et la trajectoire professionnelle future attendues/espérées.Les entretiens ont été retranscrits et analysés en uti-lisant l’analyse de contenu thématique. Au cours de ce processus, l’ensemble des entretiens ont été réor-ganisés par thème.

Les participants Les interviewés ont été recrutés de plusieurs manières en contactant : - Des centres de formation et universités qui pro-posent des formations supérieures en ESS (l’Univer-sité de Marne la Vallée, le Cnam, l’Université d’Evry) ou des stages à thèmes fi nancés par la région (par exemple « Devenir entrepreneur dans l’ESS » qui s’est tenu en région Poitou Charentes ).- Les responsables de l’Atelier2 qui ont accepté que nous participions à des évènements susceptibles de rassembler des jeunes à la recherche d’un emploi dans l’ESS.- L’Apec qui pouvait nous mettre en contact avec des jeunes diplômés en recherche d’emploiLes personnes rencontrées ont 25 ans en moyenne. Elles sont toutes un diplôme supérieur de niveau Bac +3 (une seule) à Bac +5, voire davantage pour certains.

2. Centre de ressources régionales (Ile de France) de l’ESS, à but non lucratif.

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LE CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE–1–

APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES12

L’échantillon rassemble neuf femmes et cinq hommes.Le principal critère était qu’il s’agisse de jeunes qui déclarent chercher à s’intégrer professionnellement dans l’Economie Sociale et Solidaire. Les jeunes connaissaient le terme mais parfois nous mention-nions la défi nition du secteur (les organisations le constituant et les principes revendiqués).Les entretiens ont eu une durée de 1h30 en moyenne et se sont déroulés dans des lieux variés : domicile des interviewés, locaux du Cnam ou cafés. Ils ont été enregistrés et intégralement retranscrits.

Les profi ls des personnes interrogéesAu moment de l’enquête, les interviewés sont dans une variété de situations : • 4 sont employés dans le secteur de l’ESS• 3 suivent une formation supérieure en alternance dans l’ESS• 1 est employé hors de l’ESS• 1 est dans une formation en alternance hors ESS• 5 sont en recherche d’emploi et ne travaillent pas• 8 personnes travaillent dont 6 sont en recherche d’emploi.La moitié des personnes ont fait un Bac ES. La popu-lation est donc composée d’un grand nombre de personnes sensibilisées aux questions économiques. La plupart des personnes interrogées ont un parcours jusqu’en Licence dans le même domaine et ont en-suite changé d’orientation.Les diplômes de licence 3 ont été obtenus dans les fi lières suivantes :

- Le commerce (3), la gestion (2), le droit (2), l’écono-mie, la communication, les lettres, la géographie, la sociologie et les sciences politiques. Ensuite les masters réalisés ou en cours concernent : - Le management des projets dans l’Economie Sociale et Solidaire (5), le marketing (2), l’administration des territoires, la fi nance, les sciences politiques, le com-merce, les politiques culturelles, l’ingénierie. Une personne n’a pas de master.On observe deux grands ensembles de types de pro-jets d’insertion : 7 jeunes ont un projet de création de structures ou d’entreprises dans l’ESS, à moyen terme et 7 envisagent de travailler comme salariés.

Le traitement des donnéesLes trois entretiens les plus longs ont été utilisés pour identifi er les thèmes principaux, les sous- thèmes évo-qués par la population. La grille d’analyse théma-tique élaborée est présentée en annexe. Ensuite tous les entretiens ont été analysés à partir de cette trame. Dans un deuxième temps, nous avons procédé à l’analyse transversale des entretiens sur laquelle sont basés les résultats présentés dans ce document. En-fi n, une analyse individuelle, des profi ls a été réalisée et a permis d’aboutir à une typologie.Les résultats sont présentés de manière chronolo-gique en 6 points : le parcours passé, les représenta-tions de l’ESS, les sources de l’intérêt pour l’ESS, les types d’intérêts professionnels pour l’ESS, l’insertion professionnelle envisagée et les projets et concep-tions de l’engagement futur dans l’ESS. •

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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES 13

14 Le parcours antérieur 17 Les représentations du secteur de l’ESS 20 Les sources de l’intérêt porté à l’ESS 24 Les intérêts professionnels des jeunes et les rapports à l’ESS 28 L’insertion professionnelle dans l’ESS 30 L’avenir professionnel 40 Conclusion

–2–

–LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –

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LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –2–

APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES14

–LE PARCOURS ANTÉRIEUR–

Les jeunes interrogés ont acquis une formation dans l’enseignement supérieur. Ils ont suivi des fi lières variées. Ils n’ont pas nécessairement de formation dans le secteur de l’ESS. Nombre d’entre eux sont passés par l’économie, les relations internationales ou les sciences politiques qui sont des fi lières propo-sant parfois des enseignements pouvant être associés à l’ESS. Leur parcours passé comprend des expé-riences nombreuses et variées dont certaines à l’étranger.

–DES FORMATIONS SUPÉRIEURES, UN GOUT POUR LE SAVOIR, UNE FORTE IMPLICATION–

Toutes les personnes interrogées ont un master 2, sauf une jeune femme qui a une licence. Les spécialités jusqu’au master 2 sont le commerce (3 personnes en école de commerce), la gestion/management (3 personnes), les relations internatio-nales (1 personne), les sciences politiques (2 per-sonnes), les lettres et langues (2 personnes), 2 suivent un master ESS. Une personne a suivi une licence droit/gestion. Par ailleurs, dans l’ensemble, 7 per-sonnes ont suivi ou suivent une formation dans le domaine de l’ESS (premier ou second master ou for-mation continue). Les personnes interrogées ont le sentiment d’avoir été de bons élèves, relativement sérieux et plutôt brillants. Elles rapportent leur bon niveau scolaire, un goût pour le savoir, une curiosité du monde qui les entoure, ou des interrogations auxquelles elles es-saient de répondre en poursuivant des études.« J’étais bonne élève et je voulais faire un métier qui me permettrait de voyager, puis j’ai une sensibilité à tout ce qui est solidarité depuis que je suis assez petite en fait ! » Line

« Moi j’étais très bonne élève donc on m’a logiquement orientée ou poussée vers une Prépa. Dans cette Prépa, je suis allée en école de commerce parce que c’était la voie royale. » Charlotte« Je passe un bac théâtre, je fais deux ans en hypo-khâgne et khâgne pour avoir une culture générale et une compréhension plus rapide des enjeux actuels, et j’intègre des écoles de théâtre. » Bella

Les jeunes interviewés ont fait des études, le plus souvent par intérêt pour leur contenu et moins avec une perspective d’insertion et de professionnalisa-tion. Certains recherchent une stimulation intellectuelle :

« En fait, j’ai vraiment un besoin d’être stimulé en permanence et la Prépa est un endroit où je pourrais me stimuler, me faire plaisir, en terme d’ouverture culturelle, d’apprentissage, d’intensité, la densité des choses à apprendre, c’est plutôt intéressant quoi. » Moktar

D’autres cherchent à comprendre le monde qui les entoure sans perspective professionnelle claire.

« En m’engouffrant dans les sciences politiques, j’avais juste un peu soif de connaissance ou d’autres choses, d’analyse, de faire des dissertations et tout… Mais pas de métier précis quoi… J’ai toujours eu la fonction publique en tête, mais sur le plan de la sécurité que ça pouvait offrir, même si c’est de moins en moins le cas… Et puis ça pouvait être aussi stimulant sur le plan intellectuel de participer aux politiques pu-bliques. » Solal

Les études peuvent aussi contribuer à développer la culture générale. Cet intérêt profond pour les activi-tés culturelles est présent par exemple chez Clara.

« En lettres, c’était juste des études de goût plus qu’autre chose. Moi, j’aime la littérature, le cinéma tout ça. Et puis je me suis dit que je trouverai quelque chose mais… Je n’ai pas du tout réfl échi en terme d’emploi. C’est épouvantable ! Enfi n c’est complète-ment aberrant, c’est vrai quand j’étais dans les études, j’étais super investie, j’adorais ça. Jusque-là j’avais des bonnes notes mais fi nalement ! Je ne sais pas trop quoi, parce que j’aimais bien ! Mais j’ai besoin du concret ! » Clara

Les jeunes de l’échantillon interrogé ont un rapport singulier aux études : ils ont, d’une façon générale, plutôt assez bien réussi leurs études secondaires et supérieures et cherchaient à se cultiver, à apprendre avant tout. La question de la professionnalisation, de l’insertion professionnelle n’est apparue que dans un second temps, pour la plupart d’entre eux.

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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES 15

Certains, comme Solal, ont même choisi de privilégier leur vie personnelle et sociale plutôt que de s’orienter dans des fi lières prestigieuses

« Le conseil de classe me conseillait d’aller en prépa : soit Sciences Po, soit… Khâgne et tout ça… Et je vou-lais pas faire de prépa. Parce que je m’étais renseigné un peu et faire du 40h de cours, bosser comme un malade dans une chambre et tout, jamais pouvoir faire la fête avec les copains, c’était hors de question. » Solal

En plus de leur scolarité plutôt réussie, ces jeunes ont cherché à vivre des expériences à l’étranger.

–SE FORMER À L’ÉTRANGER : UNE STRATÉGIE LARGEMENT PARTAGÉE –

Parmi les 14 jeunes interrogés, 11 ont fait une partie de leur formation à l’étranger. Il peut s’agir d’une formation intégrée dans le cursus, d’échanges Eras-mus, d’expériences de petits boulots en vue d’ap-prendre des langues. Ces formations ont eu des du-rées assez longues, 6 mois en moyenne, parfois une année.Il est possible de rassembler ces expériences en trois grands ensembles :

Les expériences de développement de pro-jets dans des pays en développement (6 jeunes)Les jeunes qui ont fait une école de commerce ou Sciences Po ont effectué des missions dans des pays en développement comme l’Afrique du Sud, l’Inde, le Sénégal. Il s’agissait pour eux de travailler dans des ONG, pour le développement de missions. Cela a été le cas des expériences rencontrées par Louise et Char-lotte.

« J’arrive par un tour de force, encore une fois, à faire une césure. Je dis : je pars six mois en Inde en ONG. C’est ce que je veux. Je veux partir en Inde, je veux faire un projet qui a du sens pour moi. Je monnaie un peu tout ça, six mois en Inde en volontariat contre six mois chez Dior ! Rien à voir mais pour l’école de com-merce, ils sont contents, mes parents ils sont contents, voilà ! Mais Il a fallu forcer. » Louise

« Donc en fait mes stages ils ont été surtout dans le culturel ou la coopération internationale notamment une année de césure au Sénégal, où j’ai travaillé pour l’Institut français. Je ne sais pas si vous voyez qu’est-ce que c’est, c’est l’équivalence d’un centre culturel et d’un centre de formation à l’étranger, à Dakar; et puis pour l’UNICEF, donc c’est là où je me suis posée les premières questions. » Charlotte

Les formations visant le perfectionnement linguistique (5 jeunes)Plusieurs jeunes ont eu l’opportunité de rejoindre des programmes Erasmus ou des programmes d’échanges existant dans leur université ; Jeanne a ainsi pu aller une année en Australie suivre une licence de gestion et droit

« On était quand même inscrit en fac en France, on est à l’université de Chambéry. Donc si on validait tout à l’étranger, on obtenait la licence française. Après, en fonction des accords avec les universités étrangères, on obtenait ou pas de diplôme à l’étran-ger, moi je suis partie en Australie, j’ai tout eu. » Jeanne

Anne a vécu une année aux Etats Unis comme fi lle au pair. Joris a passé 7 mois au Mexique : « J’ai choisi le Mexique parce que je voulais un pays hispanophone mais pas l’Espagne. Je voulais voir si j’étais capable de partir un peu plus loin, me tester un petit peu, voir si j’étais capable de tenir le coup en partant une bonne durée, loin de la France, loin de mes amis, et … Me refaire une vie. Ça a marché. » Joris

Clara s’est rendue en Irlande afi n d’allier le dévelop-pement de ses compétences linguistiques et son gout pour la musique irlandaise. Elle a travaillé dans des bars et pour des festivals de musique.

« Ensuite je suis partie à étranger, je suis partie en Irlande pour six mois, pour partir, pour apprendre l’anglais. J’aime bien bouger, donc Dublin ce n’est pas très loin et ça fait du bien. J’ai validé mon Master. Je suis partie comme ça donc je travaillais en tant que serveuse dans des bars, comme ça.

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LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –2–

APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES16

Ce que font les français là-bas ? Ils servent dans les bars. Là aussi je ne voulais pas lâcher le milieu musi-cal donc je me suis rapprochée de l’Alliance française pour travailler sur le festival de « Let´s french », la musique française à Dublin, voilà donc toujours en tant que bénévole. Donc je suis restée six mois, après, j’ai voulu rechanger donc je suis partie sur l’île de la Réunion. » Clara

Séjour à l’étranger en vue de se former (2 personnes)Sofi a et Bernard originaires de pays africains ont, tous deux, été sélectionnés pour effectuer des forma-tions courtes en France dans le secteur de l’ESS dans le cadre d’un programme soutenu par l’association pour la francophonie. Ces formations leur ont permis de développer un réseau relationnel étendu à un ensemble de participants francophones issus de nom-breux pays.Ces expériences à l’étranger ont été perçues comme particulièrement formatrices, souvent intéressantes. Elles ont constitué des mises à l’épreuve, des tenta-tives « pour voir si on est capable » et ont permis des rencontres avec des cultures éloignées de la leur.

–DES PARCOURS DE RUPTURE AVEC LES ATTENTES DE L’ENVIRONNEMENT –

L’analyse des parcours de formation permet de mettre au jour une caractéristique assez commune : leur forte détermination à construire par eux-mêmes leur vie et leur carrière. Cela apparait dans les choix de formation ou dans la volonté exprimée parfois de faire ses propres expériences pour se faire son idée. Les quatre portraits suivants illustrent des parcours assez variés mais qui se caractérisent par un rejet de tout engagement précoce dans un modèle ou une tra-jectoire toute tracée. Cette tendance se retrouve de manière assez systématique et à des degrés divers chez les personnes interrogées.

Bernard : saisir les opportunités de forma-tion pour développer un projetBernard est né en Afrique de l’Ouest. Son père est gen-darme et sa mère a ouvert sa boulangerie. Après des études supérieures en comptabilité, il est sélectionné pour participer à un programme de formation « Cam-pus coopératif » dans la région du Poitou dans le do-maine de l’entreprenariat social, le sensibilisant à l’ESS. Son père est opposé à ses projets de s’impliquer dans

le monde associatif et à son départ en France pour suivre la formation. Bernard s’estime en rupture avec ses parents. En rentrant de France, il crée une associa-tion pour les jeunes, dont le but est de sensibiliser les jeunes au développement d’activités sociales et plus particulièrement à l’entrepreneuriat social. Il retourne ensuite dans le nord-est de la France pour entreprendre un master en ingénierie de l’ESS. Il veut désormais trouver des fi nancements pour développer son associa-tion afi n qu’elle soit solide et puisse l’employer comme salarié.

Bella : le théâtre à tout prixDepuis l’âge de 8 ans, Bella sait qu’elle veut être comé-dienne. Elle fait un Bac théâtre, étudie le russe pour « pouvoir lire les dramaturges russes dans le texte ». Après avoir suivi les classes préparatoires littéraires, elle enchaine sur des études de théâtre. Après avoir joué dans différentes troupes comme amateur, elle obtient son premier emploi comme comédienne en 2009. Elle décide ensuite de monter sa compagnie. Mais elle rencontre des diffi cultés importantes pour vivre de son art. Elle estime avoir rencontré beaucoup de problèmes relationnels dans le théâtre, des décep-tions, des problèmes d’argent, de la souffrance. Elle est au RSA tout en gérant son association de théâtre. C’est pour continuer à faire fonctionner son association qu’elle entreprend une formation dans le domaine de la gestion des associations. A cette occasion, elle dé-couvre ce qu’est l’ESS. Son projet est de créer une coo-pérative pour mutualiser la gestion des compagnies de théâtre.

Moktar : pas question de travailler dans des entreprises classiquesAprès un Bac ES, Moktar entre en prépa et fait une école de commerce. Il estime avoir fait ce choix par défaut car il a toujours été intéressé par l’action so-ciale. Il choisit le parcours fi nance. Pendant son année de césure, il fait des stages dans le domaine de la fu-sion-acquisition, le contrôle de gestion international et le conseil en croissance externe aux entreprises. Mais cela ne correspond pas du tout à ses intérêts profonds. Il obtient un CDD dans ce secteur. Les rémunérations sont élevées. A la fi n de son CDD, l’entreprise lui pro-pose un CDI mais il le refuse car il veut engager une rupture, changer d’orientation et utiliser ses connais-sances en gestion fi nancière plutôt dans le domaine de la fi nance solidaire. Il cherche alors un emploi et se rend compte qu’il n’est pas si facile d’en trouver un dans un secteur, l’ESS, dans lequel il estime qu’il est diffi cile d’accéder aux offres d’emploi.

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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES 17

Plusieurs jeunes expriment une certaine méfi ance à l’égard de l’entreprise marchande, qu’ils perçoivent comme parfois davantage préoccupée par le profi t fi -nancier des actionnaires que par le bien être de la population et de la société.

Cathy : ne pas être profCathy entreprend des études de Lettres Modernes après un Bac scientifi que. Lors de la première année de master, elle a l’occasion de partir en Angleterre avec le programme Erasmus pendant 6 mois. A son retour, elle suit un master 2 LEA intitulé gestion de projet et développement durable. Après son master, elle fait un stage dans une collectivité territoriale de province, puis est employée en CDD de trois mois sur la gestion de réseaux dans le développement durable, puis elle obtient un contrat dans une entreprise de conseil en gestion de déchets en province. Sans em-ploi, après ce contrat, elle contacte Pôle emploi qui lui propose un poste de professeure de lycée en fran-çais et latin. Cette option n’a jamais été envisagée car elle n’a jamais voulu s’engager dans l’enseigne-ment même si sa formation l’y oriente. Elle se voit néanmoins contrainte d’accepter ce poste pour avoir un salaire. Après 2 ans de travail comme enseignante de français et latin en lycée, un nouveau contrat de travail comme enseignante lui est proposé mais elle ne donne pas suite. Elle ne veut pas s’engager davan-tage dans un métier qui ne lui plait pas. Elle démé-nage alors pour Paris avec l’espoir de trouver un emploi dans l’ESS et pour être avec son compagnon.

Malgré ses diffi cultés fi nancières, elle essaie de résis-ter aux appels de l’Education nationale.Ces exemples nous semblent montrer que les jeunes perçoivent le travail avant tout comme source d’épa-nouissement, de réalisation de soi ayant une fi nalité sociale. Ils privilégient les chemins plus diffi ciles de la construction de soi plutôt que d’accepter des solu-tions certes plus confortables mais aussi plus éloi-gnées de leur motivation essentielle. La période de fi n de formation est aussi celle des essais et erreurs, des tests de ses intérêts et de ses projets, associés éventuellement à des confl its avec leur environne-ment familial.Les parcours de formation semblent avoir été guidés par une volonté d’apprendre et de comprendre son environnement et la société avant tout. Les jeunes témoignent d’un gout pour le savoir et une forte curiosité intellectuelle. Ils ont acquis une formation de niveau élevé, avec parfois une certaine polyva-lence. L’intérêt pour se former dans l’ESS n’est pas toujours venu d’emblée mais s’est construit au fi l des expériences et se manifeste parfois par un second master ou une spécialisation. Une partie de ces jeunes se sont formés à l’étranger, ce qui témoigne de leur ouverture culturelle et souvent de leur mai-trise de plusieurs langues vivantes. Par ailleurs, au cours de leur parcours, ces jeunes ont souvent ex-primé des choix différents de ceux qui étaient atten-dus d’eux et les ont assumés, même si ces attitudes ont induit des confl its familiaux. •

–LES REPRÉSENTATIONS DU SECTEUR DE L’ESS–Cinq grands thèmes apparaissent chez les personnes interrogées quand on leur demande ce qu’est l’ESS.

–LE DÉVELOPPEMENT D’ACTIVITÉS D’INTÉRÊT GÉNÉRAL (7 PERSONNES) –

Ce thème général est assez globalement partagé. L’idée est que l’ESS regroupe des activités et des struc-tures visant l’intérêt commun.Pour Solal, son implication dans l’ESS compense l’absence de perspectives associée aux partis poli-tiques. Pour lui, l’ESS représente un projet de société

qui peut faire évoluer la société, à l’heure où les par-tis politiques s’avèrent incapables de proposer un projet mobilisateur.

« Mais les partis politiques me gênent énormément en fait parce qu’ils sont un petit peu dans l’impasse au niveau de l’action et ils ont du mal à résoudre les problèmes. Ils sont éloignés des gens, etc. Donc je crois plutôt en la société civile. Et ça rejoint le secteur de l’économie sociale et solidaire, c’est-à-dire des gens qui se prennent en main, qui décident de s’associer, qui sont mis en relation, et qui construisent leur inté-rêt commun quoi, voilà… Et de manière alternative si possible. C’est comme ça que je vois l’ESS. » Stéphane

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LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –2–

APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES18

Pour Clara, l’activité d’une structure est plus impor-tante que son statut pour dire qu’elle appartient ou non à l’ESS. Le plus déterminant est l’objet de la struc-ture.

« Et l’économie solidaire, pour moi c’est les structures dont l’objet est l’intérêt général, pas forcément l’ESS. Enfi n, les deux ne sont pas forcément compatibles en fait. S’il y a les deux, par exemple, si c’est une associa-tion et je ne sais pas quoi comme population, qui crée la musique pour tous. Là ça fait partie de l’ESS. En-suite, l’exemple type des associations, ce sont des clubs privés, de je ne sais quelle entreprise, d’accord ils sont sous le statut associatif mais leur objet n’a rien à voir avec l’intérêt général. » Clara

Pour Line qui a une certaine expérience des activités et structures de l’ESS, ce qui compte avant tout c’est que l’activité concerne le plus grand nombre de per-sonnes et vise à améliorer le bien-être sans nuire à quiconque.

« Je vais vous décrire mon ESS idéale et ce n’est pas comme ça que ça se passe. Moi vraiment, j’inclus dans le secteur de l’ESS tout ce qui participe à la transfor-mation de la société, vers une société où le maximum de gens soient concernés, où pour faire notre bien à nous ce n’est pas faire le mal à l’autre quoi. Alors ce n’est pas du tout précis comme défi nition mais en tout cas on va sur des gains collectifs plus grands. » Line

–LE SOIN À AUTRUI, LES ACTIONS SOLIDAIRES (4 PERSONNES) –

D’autres personnes précisent davantage la nature des activités qui peuvent se prévaloir d’être dans l’ESS. Ces activités sont centrées sur le soin à autrui et le développement de l’entraide. « Après, si on élargit au monde de l’associatif, au milieu associatif en général, je trouve que c’est une très bonne chose que ça existe. C’est indispensable qu’il y ait des personnes qui donnent de leur temps et de leur argent pour prendre soin de ceux qui a priori sont les plus démunis ou, en tout cas, plus défavori-sés… ou moins avantagés que la moyenne d’une so-ciété. C’est vraiment le point de base. » Joris

Relier les individus entre eux, reconstruire des liens sociaux, l’ESS est surtout conçue de par sa fi nalité sociale, comme pour Moktar par exemple.

« Pour moi, je défi nis beaucoup par le dernier mot «solidaire» plus qu’avec le mot social. En plus ce mot pour moi c’est un mouvement qui remet le lien entre les gens. N’oubliez pas en fait, que la valeur principale quand même c’est l’humain et de recréer des liens entre les gens, c’est vraiment ça que je perçois. Donc il y a cet aspect-là dans cette perspective là c’est la proximité avec les gens mais aussi le territoire. Je pense que les choses se développent aussi dans le territoire, dans un espace donné. C’est vraiment impor-tant de le prendre en compte. Oui c’est aussi une va-leur quelque part. C’est un peu quelque chose où je me retrouve et c’est l’union, on fait passer le solidaire avant les intérêts propres, personnels même si c’est ça qui stimule les choses. Mais la valeur ici c’est la soli-darité pour moi et créer les liens. Ce n’est pas une défi nition exacte de ce qu’est l’ESS mais c’est ce que je perçois. » Moktar

–LA PRODUCTION D’ACTIVITÉS QUI NE SOIENT PAS PRIORITAIREMENT CENTRÉES SUR LE PROFIT FINANCIER (4 PERSONNES) –

Un certain nombre de personnes considèrent comme une caractéristique essentielle de l’ESS le fait que les activités ne visent pas l’accroissement du profi t éco-nomique, à l’image de Patrick ou de Louise.

« Je pense que pour être dans l’ESS, il faut briser l’es-pèce de pacte capitaliste qui veut en fait que le rôle de l’entreprise est de faire des résultats en vue de re-partir des bénéfi ces entre les actionnaires. Je crois que c’est ça qui est le nerf de la guerre. » Patrick

Louise souligne l’importance de consacrer du temps aux activités.

« Ce que je trouve dans l’ESS aussi c’est qu’il n’y a pas que l’argent, il y a le temps et pour moi le temps c’est la valeur qui me parle. Voilà, j’y mets beaucoup plus de valeur. » Louise

Pour Bella, une organisation de l’ESS ne vise pas à enrichir ses membres.

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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES 19

« Les valeurs que je mettrais dans l’ESS… Il y en a plusieurs, mais celles qui, à mon avis regroupent les trois: associations, coopératives, mutuelles, c’est plutôt la non-lucrativité. C’est à dire que les trois organisa-tions ne vont pas chercher un enrichissement de ses membres, mais toujours à être au service, soit de l’inté-rêt général, soit de l’intérêt de ses membres mais en tous cas ont une utilité sociale, et dans les trois struc-tures, l’argent va être là au service du projet, et non jamais... le projet ne sera jamais là pour enrichir le capital. Donc on peut voir la différence entre une coo-pérative, qui est une SARL, et une SARL classique. Pour moi, c’est ça qui va faire la ligne de frontière. L’association de fait, dans ses statuts, ce sont des bénévoles à la base, donc il n’y a pas d’enrichissement forcément, mais ce qui ne veut pas dire que l’activité qu’ils vont développer se sera pas une activité ren-table, ne sera pas une activité qui peut dégager des chiffres d’affaire astronomiques. Ce n’est pas ça... Mais c’est que l’objectif à l’intérieur ne sera jamais l’enrichissement des membres. » Bella

Concernant la question de la lucrativité des activités du secteur, tous s’entendent pour affi rmer que cette dimension n’est pas prioritaire. Toutefois certains jeunes pensent que le profi t doit être totalement absent et d’autres estiment que les activités de l’ESS doivent générer des bénéfi ces pour être durables.

« Il y a quand même quelque chose qui a trait aux valeurs j’ai l’impression qu’on le retrouve plus dans l’ESS, voilà, que dans les entreprises traditionnelles, sans être complètement idéaliste non plus, parce que la rentabilité fait aussi partie aussi de l’ESS, ce n’est pas le pré carré de l’économie traditionnelle. » Clara

Pour Charlotte, le principe de non lucrativité ne signi-fi e pas que les activités ne sont pas rentables.

« On ne prend plus en compte seulement l’effi cacité économique qui est nécessaire à mon avis, et qui est à la base de tout. Mais on va aussi prendre en compte tout ce qui se passe autour. Et moi je crois personnel-lement et profondément, contrairement à beaucoup de gens aujourd’hui dans l’ESS, que l’ESS peut être faire gagner de l’argent ! Bon! Je ne vous dis ça qu’à vous mais ... Et il y a mes études en école de commerce qui me permettent de voir les choses comme cela aussi. » Charlotte

–LA RÉALISATION D’ACTIVITÉS DANS UN CADRE DÉMOCRATIQUE (3 PERSONNES)–

Le management et l’organisation des prises de déci-sions des structures de l’ESS doivent, pour les per-sonnes interrogées, se conformer aux principes de démocratie affi chés par le secteur. Il est attendu que les organisations s’appliquent à elles-mêmes un fonc-tionnement participatif, respectueux des points de vue individuels, des rythmes et des modes de vie de chacun des salariés.

« Et puis l’idée que les gens qui font partie des entre-prises de l’ESS, font partie de la gouvernance. Ce qui n’est pas autant le cas dans les entreprises d’économie traditionnelle. C’est ça aussi, il y a un côté un peu..., «je suis encore moi». Je suis quand même moi-même quand je suis au travail. C’est caricatural mais quand même, je trouve que ça..., je trouve qu’il y a quelque chose avec ça quoi, le fait qu’il y a un certain nombre de valeurs autour de l’humain, autour de ... Etre une part de la société dans laquelle on travaille, le fait que la voix d’une personne compte. Dans les SCOP, je crois, chaque membre, chaque salarié a une voix au Conseil en fait. Il ne détient peut-être juste qu’un pour cent de la société mais il va avoir une voix, en principe, équi-valent à celui qui détient 20 %. » Cathy

« L’autre chose qui pour moi est très importante et qui du coup pose question dans les compagnies de théâtre, c’est la démocratie. Pour moi, ces entreprises elles sont toutes démocratiques. Et elles permettent également d’expérimenter le fait d’être démocra-tique. » Bella

–LA PRODUCTION D’INNOVATIONS (2 PERSONNES) –

La nature des activités doit également être tournée vers l’innovation sociale qui correspond à des activi-tés visant à faire évoluer certains aspects sociaux et relationnels de la société.

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LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –2–

APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES20

« J’aimerais bien qu’on garde un peu la notion d’inno-vation sociale, je ne suis pas tout le temps à dire que ce n’est pas bien comme les maisons de retraite, mais pour moi ce n’est pas innovant! Mais l’ESS a quand même une connotation d’innovation. Voilà une nou-velle manière de répondre à des besoins qui existaient depuis longtemps, autrement. » Line

–LE SENS DU TRAVAIL –

Dernier point mentionné : travailler dans l’ESS, c’est avoir une activité qui a du sens, ce qui passe par le fait de connaitre la fi nalité de son travail et d’y adhé-rer.

« Lorsqu’on regarde ce que veulent faire les étudiants, le désir d’un certain nombre de jeunes diplômés main-tenant, ce critère là permet de réunir tous ces désirs

–LES SOURCES DE L’INTÉRÊT PORTÉ À L’ESS–

que j’avais aussi et qui est partagé, on veut un tout autre but dans notre activité professionnelle, des struc-tures qui ont un autre but. Voilà, que ça ait du sens par rapport à ces valeurs-là, qui sont quand même assez présentes je crois, c’est partagé. » Anne

Les attentes sont fortes à l’égard des structures ESS. Les jeunes perçoivent ce secteur comme rassemblant des structures vertueuses à plusieurs points de vue : un management démocratique et humain, des activi-tés visant le bien commun sans profi t économique nécessaire, permettant d’aider les individus et les groupes fragiles, reconstruisant du lien social. Ce sont aussi des structures où il fait bon travailler, où l’on sait pourquoi on est là et à quoi sert le travail accom-pli.Les jeunes interrogés aspirent à effectuer un travail qui a du sens, qui leur permet d’avoir un rôle dans une société, d’être acteur de leur carrière et non de la subir en étant ballotés de contrat en contrat. •

–LE RÔLE DE LA SOCIALISATION FAMILIALE –

La moitié des jeunes interrogés (7 jeunes sur 14) esti-ment que leurs parents ont joué un rôle direct ou indirect dans leur intérêt puis leur engagement dans des activités associatives. Ces infl uences prennent des formes différentes. L’idée que les parents ont contribué à développer l’intérêt pour les pays étran-gers et les cultures différentes est présente chez plu-sieurs personnes dont les parents ont voyagé.

« C’était les préoccupations existentielles en fait fi na-lement. Je pense qu’il y a quelque chose qui a été transmis par ma famille, parce que j’ai eu des membres de ma famille qui avaient voyagé, qui ont été dans des projets d’ONG internationales. Mon père qui voyageait beaucoup aussi… vraiment, j’étais consciente assez jeune d’être prise dans un monde qui avait dépassé la France, qu’il y avait d’autres pays et qu’il y avait des relations entre ces pays. » Anne

Certains parents étaient engagés dans des ONG, dans des activités de développement des pays éloi-gnés. Ces préoccupations ont joué un rôle important

chez les jeunes qui ont rapidement souhaité partici-per à ces activités. Elles sont associées à des voyages auxquels ont pu participer les jeunes.

« Puis j’ai une sensibilité à tout ce qui est solidarité depuis que je suis assez petite en fait ! Parce que j’ai pas mal voyagé avec mes parents, pas dans les pays très lointains, et que mes deux grandes sœurs, dont une qui voyageait en Afrique assez régulièrement, qui m’en ont parlé beaucoup. Maintenant c’est complète-ment dépassé mais mes parents ont parrainé une petite nigérienne, vous savez à cette époque-là c’était… Maintenant on n’est plus du tout là-dedans mais… Après tout ça, ma mère est fi lle de militaire donc c’est à l’opposé de ça, mais elle a vécu en Afrique, aux Antilles etc. En tout cas, j’ai le goût du voyage, puis j’avais de grands espoirs de partir pour pouvoir chan-ger des choses. » Line

Dans d’autres cas, l’engagement profond d’un membre de la famille dans une activité profession-nelle dans le social, ou le soin suscite chez le jeune, une certaine admiration et évoque une sorte de modèle de conduite à suivre pour le jeune. C’est aussi au cours d’échanges dans le cadre familial que des informations importantes sur le travail et son

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contexte sont transférées au jeune. Joris parle de sa mère infi rmière qui travaille en maison de retraite comme d’un modèle moral et professionnel. Elle a contribué à susciter un intérêt de Joris pour l’aide aux personnes affaiblies, comme les enfants malades et les personnes âgées. Joris a d’ailleurs travaillé comme aide-soignant dans une maison de retraite, expé-rience qui l’a profondément ému.

« Ça ne m’étonnerait pas que ça ait un lien [avec mon parcours]. Si je devais placer l’un de mes deux parents sur un podium, je placerais ma mère sur la première marche pour plein de raisons mais qui sont person-nelles, parce que j’ai plus de respect et plus d’admira-tion pour elle. Peut-être que ça a un lien. C’est vrai, j’y ai jamais pensé à ça. [On parlait de son travail à la maison], pas dans le détail non plus parce qu’elle avait le secret médical à respecter. Donc, elle rentrait [et] elle en parlait… Oui, tout le temps… Tous les soirs, elle racontait un petit peu comme tout le monde quoi. Elle racontait sa journée, mon père racontait sa jour-née. Moi, je racontais la mienne. Et puis voilà. Et on en discutait. » Joris

L’intérêt pour l’ESS est également apparu chez des jeunes dont les parents ont un engagement religieux associé à des activités caritatives. C’est le cas de Moktar dont les parents sont engagés dans des asso-ciations catholiques et qui a hérité de certaines va-leurs de solidarité.

« [J’ai une famille] un peu militant[e] au quotidien … Une vraie ouverture là-dessus qui m’avait donné cette sensibilité, au social en tant que tel, je ne me sens pas chrétien mais là-dedans il y a des valeurs auxquelles j’adhère totalement, justement le partage, etc., et dans lequel j’étais baigné depuis que j’étais tout petit, d’autant plus que j’ai été adopté assez tard, donc ça donnait tout un contexte autour de ça, des valeurs desquelles je peux me rapprocher, c’est donc ça. » Moktar

Cathy découvre l’ESS lors de son séjour sur un campus universitaire en Angleterre lors d’un séjour Erasmus. « Je rencontrais des gens qui faisaient différentes choses et on discutait pas mal. En fait, je me suis rendu compte que ce sont des choses qui me tenaient à cœur! Améliorer les modes de vie, voilà, il y avait de beaux projets... enfi n il y avait ce côté d’utilité pu-blique qui était intéressant aussi. » Cathy

–LA PARTICIPATION À DES ACTIVITÉS DANS LES SECTEURS DE L’ESS –

L’intérêt pour l’ESS se traduit avant tout par des enga-gements bénévoles qui sont assez partagés par la population des jeunes interrogés puisque 10 jeunes ont eu des expériences bénévoles dans l’ESS. Ces activités peuvent avoir été développées dans trois types de contextes : le contexte de la formation, celui d’une création de structure, ou encore celui d’une intervention en tant que membre d’une association. De plus, certains jeunes ont également travaillé dans l’ESS.

Participer à une activité associativeQuatre jeunes déclarent être ou avoir été membres d’associations. Patrick faisait partie d’une association dans son ly-cée, puis a été réserviste pour l’armée. Sofi a participe à des actions de lutte contre le décrochage scolaire dans une association, dans son pays le Maroc. Cathy adhère à une association de promotion de la bicy-clette en ville et ne circule qu’en vélo. Joris commence par tester son intérêt pour l’ESS en intervenant dans une association d’enfants malades.

« Et donc, j’ai commencé, en Master, par travailler dans une association… Enfi n, par faire du bénévolat dans une association qui s’occupait des enfants ma-lades à l’hôpital Necker. C’était pas exactement ce que je recherchais. J’étais un petit peu déçu, fi nalement de cette expérience. Mais ça m’a quand même donné envie de continuer à essayer d’intégrer le monde de l’associatif et de l’économie sociale et solidaire. » Joris

Se former dans une associationTrois jeunes qui ont fait une formation en école de commerce sont intervenus dans des ONG à l’étranger dans le cadre de leur année de césure. Charlotte est allée au Sénégal, à l’institut Français où elle devait travailler avec des ONG locales pour développer des projets avec les écoles de la ville.Louise, tout comme Moktar, est allée en Inde pendant son année de césure. Ce choix n’était pas approuvé par les parents qui auraient préféré qu’elle intègre une grande entreprise dans le luxe. Pour Louise, cette expérience a été particulièrement enrichissante et lui a permis de confi rmer son intérêt pour ce secteur.

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LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –2–

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« Il s’agissait d’aider des ONG locales dans le sud de l’Inde. C’est un projet de développement, on aura aidé à trouver des fonds étrangers mais aussi à défi nir la méthodologie du projet. Je touchais à tout, je me re-trouvais dans une équipe multidisciplinaire. Je me suis retrouvée avec 5 ONG différentes donc 5 manières de travailler différentes, en milieu rural, en milieu urbain, etc. Ça m’a beaucoup marqué, ça m’a absolument enchanté […] : je me levais le matin, j’étais ravie de faire ce que j’avais à faire, j’étais payée zéro euro mais j’étais très contente d’avoir cette liberté d’action, de sentir que tout ce que je faisais servait aux gens d’une manière ou d’une autre, même si ce n’est pas si direct mais bon! Moi je levais des fonds mais je ne soignais personne, je n’avais pas de maison, j’avais quand même une fonction support quoi qu’il arrive, mais sentir que la fi nalité qui était là et ça, ça me plaisait. » Louise

Pour ces jeunes d’école de commerce, ces choix sont plutôt marginaux dans les promotions. Il s’agit donc de décisions murement réfl échies correspondant à une volonté délibérée d’orienter sa trajectoire profes-sionnelle vers l’ESS.Enfin, une option un peu différente évoquée a consisté à partir comme volontaire internationale. C’est ce qu’a fait Line, après un master à Sciences Po. Elle est partie comme volontaire internationale en administration au Mozambique pendant un an et demi.

Créer une structure de l’ESSTrois autres jeunes ont été à l’origine de la création de coopératives ou d’associations. Bella a créé une coopérative dans le théâtre.

« Donc moi du coup j’ai monté un structure en 2012, je me rappelle juillet 2012, on a monté une structure à plusieurs, sous forme de coopérative et on réfl échit... dans les projets à... pérenniser ça dans une autre struc-ture coopérative avec d’autres compagnies. » Bella

Bernard a créé son association de promotion de l’entrepreneuriat social destiné aux jeunes du Bénin. Solal a créé une organisation ayant pour mission le conseil aux collectivités territoriales sur les questions d’ESS, sous forme de coopérative.

« On était loin du compte puisqu’on partait de zéro, nous. Donc on a un petit peu cherché les alternatives et on a trouvé les coopératives d’activité économique,

notamment une qui est basée à Lyon, qui s’appelle Cap Services, est spécialisée dans le lancement d’en-trepreneurs soit individuels, soit maximum à deux et s’occupe un petit peu de l’accompagnement. (…). Et donc, le principe de la coopérative d’activité écono-mique, c’est qu’ils leur fournissent les statuts juri-diques. Et nous, ça nous a permis, en fait, de tester notre activité sans avoir à faire toutes les démarches administratives. Et donc, à partir de là, on a com-mencé à construire des méthodes d’intervention sur nos sujets, construire un site Internet, construire des objets de communication, essayer de contacter des collectivités territoriales et de regarder les marchés publics. » Solal.

Les engagements dans le bénévolat prennent donc une variété de formes possibles et vont des activités caritatives ou sociales effectuées à la marge à des activités plus créatives et plus centrales pour la construction de l’identité professionnelle de ces jeunes. La facilité avec laquelle il est possible de créer une association permet aux jeunes de tester des acti-vités qu’ils initient et peuvent développer.

–TRAVAILLER DANS LE SECTEUR DE L’ESS –

Quels types d’activités ont été mis en œuvre au cours de ces expériences dans l’ESS ? A titre d’exemples, quelques expériences sont décrites.

Des activités dans l’aide à autruiJoris relate son expérience comme aide-soignant en maison de retraite. Cette expérience a été diffi cile au départ mais s’est avérée enrichissante.« Je commençais en tant qu’aide-soignant pendant trois mois en maison de retraite. Le 1er mois a été hyper dur. J’ai failli démissionner parce que c’était vraiment dur et parce qu’on me faisait faire des choses que je n’étais pas censé faire : changer les personnes âgées, etc. Enfi n, ça ne faisait pas partie de mes attri-butions à la base. Les doucher non plus. Mais bon, je le faisais. J’étais, on va dire, docile. Et après, passé le 1er mois où ça passait mal. Je me suis adapté. (…) La maison de retraite, j’y suis pas allé par choix. J’ai pos-tulé à l’hôpital de façon générale. On m’a dit : “tu iras à la maison de retraite“. Et après, on m’a dit : “tu verras, c’est ce qu’il y a de pire comme job à l’hôpital“.

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Et puis, en fait, j’ai adoré ! À la fi n, quand je suis parti, il y a un des pensionnaires qui avait une lettre adres-sée au directeur pour dire que je méritais, gnagnagna, gnagnagna… Bon service, adorable, patati, patata et tout. Enfi n, ça c’était vraiment super bien passé. J’ai eu le déclic. » Joris

Des activités de gestion ou d’ingénieriePatrick a fait une formation par alternance et a tra-vaillé dans une association d’aide au logement où il intervenait dans le domaine de la gestion.

« On m’a proposé quelque chose qui est en rapport avec mon profi l, c’est plutôt accès sur la gestion. Moi, je trouvais assez intéressant comment fonctionnait une association, comment faire des demandes de sub-ventions, c’est là-dessus que vit l’association, la ges-tion prévisionnelle, le budget, etc. Bien sûr, j’étais as-sez frustré du fait que je ne suis pas vraiment en contact avec les bénéfi ciaires de l’association, les gens qui ont été suivis. Mais après je peux comprendre qu’ils nous ont donné une mission selon notre profi l. » Patrick

Cathy travaille dans le secteur des RH dans une col-lectivité locale sur une mission de mise en réseau d’organisations intervenant dans le développement durable.

« Donc 6 mois de cours intensifs, 6 mois de stage. Moi, j’ai fait le stage dans une collectivité territoriale. Du coup j’ai travaillé sur l’avancement de carrière locale, sur les questions de mobilité durable pendant 6 mois. Puis après j’ai été recrutée, j’ai travaillé trois mois en CDD pour terminer ma mission. » Cathy« Mon boulot était de travailler sur les aspects de gestion fi nancière et de management associatif. Et je travaillais dans le Sud sur la formation et le manage-ment associatif. On fait travailler ensemble avec le Conseil d’Administration et les salariés..., ce genre de chose... Je réalisais des diagnostics organisationnels. » Line« Je ne faisais pas les formations moi-même, j’organi-sais en synergie, les formations, donc, c’était très large. C’est de la création de projet, l’écriture de projet, la discussion même du projet avec les structures sur place, la réalisation, l’organisation logistique, la bud-gétisation, la vérifi cation de tous les paramètres de sécurité... Et puis une fois que j’étais à Madagascar, c’est également l’accueil de ces volontaires qui ve-naient de France sur place, tout ceci implique une logistique de suivi, et puis l’évaluation en termes de

projets. […] Ça pouvait être des besoins en compé-tences en bureautique classique, comptabilité, mana-gement et puis parfois des choses très spécifi ques, on a eu des formations d’apiculteur, de logiciel de biblio-thèque, enfi n...c’est très varié. » Anne

Clara est chargée de mission dans une université parisienne où elle s’occupe des relations entre l’école doctorale et les entreprises, notamment du secteur de l’ESS.

« Et puis ce que je fais là actuellement me plait beau-coup. J’arrive à mettre en place ce qui me plait, c’est toujours en lien avec ce que j’ai connu, c’est à dire ce qui me tient à cœur donc j’ai créé une journée d’ESS auprès des doctorants, car mon travail consiste à mettre en place des journées d’information pour les doctorants, pour leur faire découvrir différentes car-rières possibles avec le niveau de docteur. Jusqu’à présent, ce sont surtout les très grandes entreprises qui étaient venues présenter. Puis je voulais voir s’il n’y avait pas des doctorants dans les coopératives, les associations ou les mutuelles par exemple. J’ai mis six mois pour en trouver mais j’en ai trouvé dix. » Clara

Jeanne, à son retour d’Australie où elle a effectué sa licence en gestion, trouve d’abord un petit job comme réceptionniste dans un hôtel. Cet emploi mal payé ne lui convient pas. Elle trouve ensuite un remplacement à faire dans un centre équestre à un poste de secré-taire comptable. Elle découvre les diffi cultés de ges-tion de cette association et en même temps apprécie ce travail car l’ambiance est bonne et elle apprécie la relation aux clients.

« Puis je fi nis par trouver une offre de CDD de secré-taire comptable dans un centre équestre, c’était à 20 minutes de mon appartement en plus, et vu que j’ai été cavalière pendant dix ans, c’était parfait. J’y suis allée. J’ai obtenu le poste pour sept mois, en fait. Donc c’était un remplacement de congé de maternité et je préférais quitter un CDI pour un CDD tellement c’était la catastrophe. (…). J’ai travaillé à ce poste pendant sept mois.... et, c’est après coup que je me suis rendu compte qu’il y avait des choses qu’ils ne respectaient pas dans la convention collective(…), des choses qui n’étaient pas réglementaires. L’équipe était fantas-tique, je me suis très bien entendue avec les clients mais sauf que celle que je remplaçais était revenue de son congé de maternité. Ils ont essayé de s’en séparer, mais ils n’ont pas réussi parce qu’ils voulaient me gar-der. » Jeanne

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LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –2–

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L’analyse des expériences passées des jeunes permet d’observer une socialisation précoce à la sphère de l’ESS de la plupart d’entre eux. La moitié ont des parents sensibles aux valeurs de l’ESS ou impliqués dans des activités de bénévolat, avec une certaine ouverture sur d’autres cultures. C’est donc naturelle-ment, qu’ils s’intéressent à des activités qu’ils ont

toujours connues. D’autres sont venus à l’ESS parce qu’ils s’intéressent à des activités qui sont mises en œuvre la plupart du temps dans le cadre de structures de l’ESS : par exemple le théâtre, la musique, l’aide aux pays en développement. D’autres enfi n, ont saisi une opportunité de stage ou d’emploi se déroulant dans l’ESS. •

–LES INTÉRÊTS PROFESSIONNELS DES JEUNES ET LES RAPPORTS À L’ESS–

Les expériences dans l’ESS, la promotion de certaines valeurs humanistes, la mise en œuvre de certaines compétences s’organisent en plusieurs profi ls d’inté-rêts pour certaines activités mises en œuvre dans ce secteur. Ainsi, dans cette population, on compte cinq profi ls d’intérêts différents. Il s’agit des intérêts domi-nants qui marquent leur trajectoire professionnelle et occupent une partie de leur temps. Ces profi ls d’inté-rêts guident aussi la recherche d’emploi dans « une fi lière » spécifi que de l’ESS. Il s’agit donc avant tout de personnes qui souhaitent développer certaines activités, travailler dans certains types de contextes mais ayant en commun une fi nalité altruiste et de protection de l’environnement.

–INTÉRÊT POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL –

Quatre personnes sont particulièrement sensibles et intéressées aux questions de l’insertion sociale des personnes en diffi cultés.Moktar expose un projet qu’il a conduit et qui l’a beaucoup intéressé, avec des personnes Sans Domi-cile Fixe à Toulouse. Cette expérience l’a sensibilisé aux actions favorisant la réinsertion sociale et cette idée constitue selon lui, une piste sérieuse pour son avenir.

« On a essayé de trouver une autre idée, quelque chose à proximité et on a trouvé l’idée de donner les appa-reils photo à des SDF pendant trois à quatre semaines. On a donné une vingtaine d’appareils mais ça durait plus que ça, trois à quatre mois, parce qu’il fallait re-

trouver les SDF, mais c’était impossible ! On a un taux de perte extraordinaire, mais c’était un jeu. Après avoir récupéré ces appareils photo, on a fait une expo-sition des photos qu’on a sélectionnées (…) Moi, ce qui m’intéresse dans l’ESS, c’est la réinsertion, ça m’intéresse beaucoup... Cette expérience-là m’a ouvert pas mal les yeux. Voilà, pour pouvoir travailler dans l’ESS, j’aimerais travailler dans les sociétés ayant un caractère social ». Moktar.

Joris a trouvé du travail dans une association spécia-lisée dans la prise en charge de personnes qui ont un handicap physique. Il a travaillé auprès de personnes âgées et aimerait aussi travailler avec des enfants qui connaissent des situations sociales diffi ciles. Ces inté-rêts le conduisent à chercher des activités dans des associations.

« Ca m’a fait un petit déclic quand j’ai travaillé avec les personnes âgées. Il y a eu un petit déclic qui m’a fait dire qu’il y avait des gens qui, quand même, avaient besoin d’aide et qui en recevaient peut-être pas suffi samment. Donc au début, comme je disais, ça me donnait envie d’aller travailler avec les gens directement. Et puis après… Après avoir expérimenté plus sérieusement ce côté-là, en fait, je me suis aperçu que peut-être je pouvais travailler dans l’associatif sans être forcément en contact des gens tout le temps parce que je n’avais peut-être pas non plus… la car-rure. Enfi n, je n’avais peut-être pas apprécié d’être tout le temps au contact des gens et de leurs problèmes. Donc, je me suis dit que je pouvais continuer mais en étant, côté organisation justement plutôt que sur le terrain. Mais c’était un job d’été dans une maison de retraite. » Joris

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Après avoir eu une expérience, durant sa formation, dans une association d’aide au logement, Patrick s’est intéressé aux entreprises d’insertion. Il est sen-sible au fait que ces entreprises aient une activité économique réelle et ne fonctionnent pas seulement grâce à des subventions publiques.

« Je me suis intéressé à d’autres modèles économiques, on va dire plus hybrides, donc à l’insertion par l’acti-vité économique, à des structures qui ont une double vocation. Elles ont à la fois une activité de production de biens et de services et en même temps une vocation sociale. Je me suis dit que ça pouvait être intéressant puisqu’on ne construit pas une civilisation sur la cha-rité ! Je me suis dit que c’est peut-être plus intéressant de pouvoir créer des entreprises qui peuvent apporter des bénéfi ces, des richesses mais aussi peuvent se pré-occuper de l’impact social sur la société. Voilà ce que je souhaitais. C’est pourquoi je me suis orienté vers O, l’association où je travaille actuellement en alter-nance. » Patrick

Enfi n, Sofi a, qui est en master dans le domaine du marketing et du commerce, imagine bien créer son entreprise dans le domaine de l’aide sociale égale-ment.

–INTÉRÊT POUR LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT –

Trois personnes sont intéressées par les activités consistant à venir en aide aux habitants de pays en développement. Il s’agit d’un profi l qui associe le goût pour le voyage, la capacité d’adaptation à des modes de vie variés, une ouverture d’esprit et une volonté d’être utile socialement. Ces personnes ont donc eu des expériences à l’étranger, en Inde, en Afrique et ont eu le sentiment d’être vraiment utiles dans leurs missions passées, malgré les faibles sa-laires voire l’absence totale de rémunérations.Anne a travaillé pour une ONG à Madagascar dans le secteur de la formation des volontaires, après des études en relations internationales. Elle souhaite re-nouer avec cette dimension de son parcours en es-sayant de trouver un emploi lui permettant d’analyser la situation politique et économique des pays en développement.

« J’ai quelques pistes. L’une d’elle c’est travailler pour des entreprises de conseil sur les questions de straté-gie, par exemple c’est ce qu’on appelle dans les rela-tions internationales faire du risque pays. Il s’agit d’aller voir ce qui se passe dans les pays, mais le plus souvent on reste à Paris. Quand une entreprise veut exporter et veut créer un partenariat dans un pays étranger, on fait une enquête pour étudier la faisabi-lité de cette exploitation du partenariat en fonction de la corruption, des risques économiques, de la situa-tion économique et politique du pays. » Anne

Charlotte a travaillé dans une ONG au Sénégal dans le domaine de l’animation des écoles et s’intéresse toujours aux questions de développement.Bernard, qui est africain, souhaite développer l’asso-ciation qu’il a créée à destination des jeunes de son pays dont l’objectif est l’aide à l’entrepreneuriat.

–INTÉRÊT POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL EN MILIEU URBAIN (PARFOIS NOMMÉ « DÉVELOPPEMENT LOCAL ») –

Trois personnes sont intéressées par l’ESS mais plus particulièrement par les activités de promotion du développement durable local. Line vient de trouver du travail dans une structure qui vise à proposer des denrées alimentaires produites localement et selon les règles de l’agriculture durable. Si elle apprécie ce principe, elle s’interroge sur le res-pect des principes de l’ESS dans cette organisation. « Ce n’est pas une association, c’est une SAS, une so-ciété commerciale qui a l’agrément d’ESS du Ministère. Elle propose une plateforme de vente en ligne, c’est un outil qui met en relation des consommateurs avec des producteurs locaux, elle organise la vente directe entre les producteurs et les consommateurs. Donc l’idée de promouvoir les circuits courts me plait bien, je trouve que c’est un bel outil, mais après je suis un peu plus circonspecte sur le caractère..., sur l’agrément d’ESS de cette entreprise car certaines pratiques, selon moi, qui ne relèvent pas du secteur tel que je l’entends.» Line

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LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –2–

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Cathy s’intéresse au développement urbain, à la pro-motion de transports collectifs et écologiques et plus particulièrement du vélo et d’autres moyens de trans-ports propres. Depuis longtemps avec son frère et son père, elle fait partie d’une association qui répare les vélos. Elle se voit bien travailler dans le secteur de l’urbanisme.

« ESS ou pas, mais que ça m’apporte ces choses : que ça réponde à une utilité, que ça me permettre de m’épanouir, voilà. Si possible du côté de la mobilité, du côté de l’urbanisme, voilà en gros. Voilà c’est comme ça que je vois. » Cathy

Louise qui a fait une année de césure en Inde, dans une ONG en développement des projets autour de l’approvisionnement en eau, a pris conscience de son intérêt pour l’écologie. A la suite de cette expérience, elle décide d’entreprendre une formation d’ingénieur dans le domaine de l’écoconception.

« Dans le projet en Inde, j’avais touché beaucoup la question environnementale notamment parce que je bossais sur le projet de réservoir hydraulique. Et moi, ça m’a fascinée, je ne connaissais rien à l’époque mais alors je trouvais ça génial. En fait ce que j’ai aimé, c’est ça que je trouve et c’est ça que je cherche encore aujourd’hui, c’est de travailler sur des projets où on comprend vite que tout est lié. On était là pour rétablir des réservoirs hydrauliques mais les réservoirs hydrau-liques ça veut dire rétablir l’eau, l’agriculture, les reve-nus, les écoles, la santé, et ça veut dire tout et du coup, c’est ça que j’ai enfi n compris et je me suis dit que tout ça c’est logique. Il faut mettre la cohérence et le point de départ c’est l’environnemental, et c’est important. Et du coup, en rentrant d’Inde, je me suis demandé ce que je pouvais faire en ayant un diplôme de l’école de commerce qui serait proche de cette vo-lonté-là. Je me suis dit alors : commençons par regar-der les métiers de l’environnement et les métiers qui s’en rapprochent, qu’est ce qui peut faire un pont entre moi et l’environnement, et j’ai découvert l’éco concep-tion. » Louise

Cette diversité d’intérêts peut être associée à l’ESS. Il s’agit donc d’un secteur comportant plusieurs sous-secteurs, des familles de métiers très différentes mobilisant des compétences variées. Il n’est pas tou-jours facile pour les jeunes de concevoir que ces dif-férents sous-secteurs sont liés et qu’il est possible

pour eux de postuler à des emplois très différents appartenant à ces différents sous-secteurs, comme le souligne Line.

« Je me suis dit vraiment je ne vois pas dans quoi je peux postuler hors solidarité internationale! Et par exemple je n’ai jamais pensé aux métiers de l’insertion alors que lorsqu’on en parle, en fait j’avais le profi l. C’est tout à fait possible pour moi de travailler sans faire de formation, de postuler comme responsable de petites structures ou de chef d’équipe. Mais j’étais noyée par la masse des possibilités qui n’en étaient pas. » Line

Si les jeunes manifestent des intérêts plus particuliers pour certains aspects de l’ESS, ils sont néanmoins sensibles à l’ensemble des autres. Ces intérêts parti-culiers se sont construits en lien avec des expériences familiales, sociales, ou de voyages ou encore en lien avec des compétences requises.

–INTÉRÊT POUR LE DÉVELOPPEMENT RURAL –

Deux personnes interrogées ont évoqué des intérêts pour le secteur du développement rural.Jeanne est cavalière de haut niveau, et titulaire d’une licence en Gestion obtenue en Australie. Elle est pas-sionnée d’équitation et surtout d’élevage de chevaux, activité qu’elle se verrait bien développer en plus d’une activité régulière et plus sure.

« Mais le gros du circuit c’est en Europe, très peu au Canada aussi, donc pour l’équitation je n’ai pas trop l’intérêt à quitter la France. Après, c’est vrai que si un jour, je pouvais faire un petit élevage à côté d’une activité, pourquoi pas (...) mais moi je me vois plutôt dans l’élevage parce qu’il n’y a pas besoin de faire de l’enseignement. Bon, c’est très long. » Jeanne

Solal a un gout prononcé pour les activités qui se déroulent dans le monde rural depuis longtemps. Il est préoccupé par les problèmes de désertifi cation, de pauvreté dans le monde rural et d’isolement des populations. Il est sensible aux problématiques so-ciales qui, selon lui, présentent des spécifi cités dans le milieu rural mais qui n’intéresseraient personne.

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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES 27

« J’ai toujours été attiré en fait par le milieu rural, parce que j’en suis issu. Je suis originaire de Clermont-Ferrand mais j’ai habité très longtemps à la cam-pagne (…) Et au niveau de l’économie sociale et soli-daire, le monde paysan ou le monde rural était quand même un des premiers à initier les coopératives (…) De manière très lointaine, c’est vraiment pas dans mon esprit, mais peut-être qu’un jour j’envisagerais de faire une thèse sur le monde rural (…) Je serais prêt, par exemple, à aller faire une formation agricole et prendre 3 chèvres et me barrer quoi. Ça, c’est pos-sible… Ou aller rencontrer des personnes âgées qui cherchent absolument à céder leur exploitation, que quelqu’un m’apprenne ça, et que ce soit reparti. » Solal

–INTÉRÊT POUR LE DÉVELOPPEMENT ARTISTIQUE ET CULTUREL –

Deux personnes ont plutôt un profi l artistique car leurs activités visent à contribuer à mettre en œuvre et promouvoir certains arts : la musique et le théâtre. Clara n’est pas musicienne car elle estime n’avoir aucun talent musical particulier mais elle est passion-née. Elle aime travailler à l’organisation de festivals, ce qu’elle a fait en France et à l’étranger, et elle essaie de promouvoir l’accès à la musique pour des popula-tions variées et parfois défavorisées.

« Cela fait partie des missions des salles de concert, de développer des publics, de ne pas restreindre l’accès aux publics cibles, de faire des concerts dans les écoles et dans des prisons. Proposer des tarifs abordables

pour des gens qui ne peuvent pas forcément,… c’est là-dedans que je me retrouve moi quand j’étais béné-vole. » Clara

Pour Clara, ce secteur de la culture est peu présent dans l’ESS en général « en fait dans les forums ou dans les salons, la culture est très peu représentée..., c’était le commerce équitable, c’était... l’aide à la popu-lation, c’était les gens de la rue..., je dis n’importe quoi, mais voilà, tout sauf ça (la culture) ! » Clara

Bella a toujours adoré le théâtre. Depuis l’âge de 8 ans, elle sait qu’elle veut travailler dans le théâtre. Elle a fait une formation dans ce secteur ainsi qu’une formation littéraire. Elle a rapidement cherché des rôles de comédiennes dans des troupes de théâtre mais s’est rendu compte de la diffi culté à trouver un emploi stable et rémunérateur. Elle a choisi de créer sa propre compagnie sous la forme de coopérative. Ce statut présente certains avantages (par exemple d’intégrer des associations ou des personnes indivi-duelles) mais aussi des limites pour un artiste car on ne peut pas bénéfi cier du statut d’intermittent du spectacle comme le mentionne Bella.

« À l’heure actuelle, étant gérante du théâtre d’A., en l’occurrence ma propre compagnie, je ne peux pas me faire des cachets comme n’importe quelle compagnie ; parce que en tant que gérante de compagnie, de coo-pérative pardon !, on est sur des CDI, donc je suis salariée en CDI. Mais le statut se construit sur des cachets. Donc il est possible que je retrouve mon sta-tut d’intermittente ce qui me permettrait de passer du RSA à 3 fois plus d’argent grâce à d’autres compa-gnies qui m’ont employée. » Bella •

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LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –2–

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–L’INSERTION PROFESSIONNELLE DANS L’ESS–

L’ESS n’est pas un secteur professionnel clairement identifi é pour les jeunes et les annonces ne sont pas toujours facilement disponibles. Dans ce contexte, comment les jeunes recherchent-ils un emploi ? Quelles stratégies singulières doivent-ils mettre en œuvre ?

–LES MODES DE RECHERCHE D’EMPLOI DANS L’ESS –

En dehors de Bernard ou Bella qui essaient de travail-ler dans la structure qu’ils sont en train de créer, de Joris qui passe des concours de la fonction publique territoriale ou d’autres qui sont encore en formation (Sofi a, Patrick), les jeunes ont des expériences diverses de recherche d’emploi. D’après les personnes interro-gées, on n’observe pas une manière privilégiée de chercher du travail. Chacun cherche dans différentes directions, en utilisant d’abord la recherche directe et l’appel à des organisations comme Pôle emploi et l’APEC. Les stages tout comme le service civique appa-raissent aussi comme une voie possible pour obtenir un contrat de travail. Les structures de l’ESS (comme l’Atelier) n’apparaissent pas comme une ressource importante pour chercher un emploi. Recherche directe (4 personnes)Certains jeunes écrivent directement aux entreprises après les avoir sélectionnées et étudiées. C’est le cas de Moktar qui développe une stratégie de recherche d’emploi très élaborée et assez coûteuse en temps. Mais où l’idée est plutôt de proposer ses services

« Lorsqu’il y a une boîte qui m’intéresse beaucoup, je prépare un speech comme j’avais l’habitude de faire pendant ces années en formation. C’est un petit docu-ment de dix pages qui montre ma motivation, ma com-préhension de leur entreprise, quelques axes straté-giques que je compte développer, enrichis par les chiffres, et comment je compte m’intégrer dans leur entreprise. J’essaie d’arriver avec quelque chose qui a de vraies valeurs ajoutées, de synthèse. » Moktar

Charlotte effectue également un travail de repérage des entreprises potentiellement intéressantes pour elle, et les liste.

« Avec notre méthode [avec d’autres étudiants], au fur et à mesure de l’année de nos connaissances, on fait une espèce de top liste d’entreprises, une liste favorite. On en a peut-être dix en ce moment et on parle à droite, à gauche, et on va faire une base, puis on va envoyer des candidatures spontanées, ou bien on va frapper à leur porte, en espérant que les choses s’ouvrent. » Char-lotte

Cathy a opté pour une recherche classique sur Internet.

« L’Atelier, c’est intéressant mais ça ne m’était pas utile. Après, je ne sais pas, comme outil d’emploi, j’ai recours aux sites Web, aux moteurs de recherche. Parfois, je tape sur les barres de recherche, je tape ESS, je fais des associations avec les mots clés. » Cathy

L’utilisation des services de Pôle emploi, ou de l’APEC (3 personnes)Solal a fait appel à l’Apec pour être initié au secteur de l’ESS.

« Je suis réinscrit pour une 2e année. Et là, je cherche activement. D’où mon inscription, notamment à l’Apec pour qu’ils me donnent un coup de pouce, etc. Et après, je pourrai chercher aussi directement dans l’économie sociale et solidaire au niveau des cadres associatifs où des choses comme ça. Après, je n’ai pas d’expérience dans ce domaine. Donc, comme c’est un réseau très fermé, c’est délicat. … » Solal

Pôle emploi a permis à Cathy de trouver un premier emploi comme enseignante remplaçante au lycée. Même si cela ne correspondait pas à son profi l, elle a effectué ce travail durant deux ans.

« Je suis devenue prof parce que Pôle-emploi m’avait contactée en me disant qu’il y avait un gros besoin dans l’Education nationale. On recrutait des gens qui avaient des Masters, et moi, j’avais un Master de lettres modernes et j’ai fait du latin, et il se trouve qu’ils avaient absolument besoin d’un prof de latin dans leur établissement. » Cathy

De même, Pole emploi relaie les informations relatives aux journées d’information organisées par l’Atelier.

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« C’est par le mail de Pôle emploi que j’ai reçu, ils m’ont proposé de venir à une journée organisée par l’Atelier et je me suis dit pourquoi pas. Le travail en centre équestre, c’était une association, donc je me suis dit milieu associatif, ce n’est pas mal. J’ai envie d’avoir un travail qui a une utilité. » Jeanne

Ces organisations apparaissent comme un maillon utile dans le processus de recherche d’emploi.

Les stages et le service civique (2 personnes)Cathy a cherché à s’impliquer dans le service civique mais le salaire est faible et ne permet pas de vivre en région parisienne.

« En septembre, je me suis dirigée vers les services ci-viques. Je me suis dit que j’en ai marre, je vais faire le service civique pour avoir l’expérience. Dont j’ai cherché, j’en ai trouvé un à Paris sur la coordination de réseaux d’associations dans le développement durable. » Cathy

Anne a choisi de commencer par un stage de 6 mois dans une ONG mais cette implication n’a pas débou-ché sur un emploi.

« Après mon Master, je suis allée chercher des annonces de stage sur le site «Coordination Sud» qui est un site qui propose des emplois en ONG principalement, je dirais exclusivement, puis il y a quelques associations et j’ai trouvé un stage de six mois là-bas, qui a été recon-duit six mois. Cela s’appelle P. Mon idée de départ, c’était de faire six mois au siège en France [au sein de l’ONG]. Je n’avais pas d’expérience de terrain et j’avais d’abord envie de connaître le travail au siège de l’orga-nisation puis ensuite d’aller travailler sur le terrain. En fait, P m’avait proposée de prolonger mon stage en me disant qu’il y avait une ouverture de poste et que le poste ne serait pas pour moi à 100% mais je pouvais candidater en interne. C’était la meilleure chance d’y accéder. […] Et donc pour ces raisons-là, j’ai choisi de prolonger ce stage. L’emploi a été donné à quelqu’un d’autre. » Anne

Le bénévolat ne semble pas être une voie envisagée comme expérience préalable pour trouver un emploi. Finalement, les jeunes utilisent des moyens classiques, à l’exception de Moktar qui conduit des analyses fi nan-cières des situations des entreprises auxquelles il pos-tule.

–LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES DANS LA RECHERCHE D’EMPLOI –

Dans une conjoncture économique diffi cile, avec un taux de chômage des jeunes important, trouver un emploi dans l’ESS s’avère généralement diffi cile pour des débutants. Les jeunes accumulent les déconve-nues. Le premier problème souvent évoqué est la rareté des postes à pourvoir ou encore la communication limi-tée les concernant. Clara estime que le discours tenu en formation, concernant le départ à la retraite de nombreux cadres qui laisseraient leur place aux jeunes, ne se confi rme pas dans la réalité.

« Au début oui, j’étais persuadée de pouvoir trouver facilement du travail dans l’ESS, ce qu’ils me disaient régulièrement dans le Master. Ils disaient que dans ce secteur, ça allait embaucher parce qu’il allait y avoir des départs à la retraite donc il n’y aurait pas de pro-blème. Sauf qu’ils ne nous ont pas dit que les salaires ne sont pas mirobolants, que souvent ce sont des contrats aidés. Et, quand on a un contrat aidé, on n’a plus droit au contrat aidé l’année suivante, donc certes, on peut y trouver du travail mais ça reste assez précaire. Donc au bout d’un moment, on est obligé d’aller voir ce qui se passe ailleurs ». Clara

Un autre problème souvent évoqué est souvent l’ac-cès diffi cile aux offres d’emploi.

« Le marché sur l’ESS en France… Pour moi, c’est vrai-ment ça le problème dans l’ESS : il n’y a aucun moyen de savoir ce qu’on veut faire ! Quelqu’un qui veut bos-ser, qui sait dans quel secteur il va aller, par exemple l’automobile, c’est hyper simple on peut s’y retrouver, mais dans l’ESS, on ne sait pas ce qui existe. Exacte-ment ! Donc, on est obligé de créer une espèce d’an-nuaire des entreprises de l’ESS pour aller frapper à leur porte, quitte à faire des candidatures spontanées. » Charlotte

Pour les jeunes, il est diffi cile d’être effi cace dans la recherche d’emploi, alors qu’ils ne savent pas précisé-ment dans quel secteur il leur est possible de postuler et comment identifi er les entreprises susceptibles de les employer.

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LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –2–

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« Par exemple, quand je bossais à l’OFPRA (Offi ce fran-çais de protection des réfugiés et apatrides), et quand j’étais reçue par l’instructeur, il me disait, vous venez travailler dans quelle section, moi plutôt sur l’Amérique latine, Il me disait : vous avez déjà travaillé sur l’Afrique, alors on va vous mettre sur l’Afrique. On se trouve très vite cantonné... Je me suis dit vraiment je ne vois pas dans quoi je peux postuler en dehors de la solidarité internationale! Et par exemple, je n’ai jamais pensé aux métiers de l’insertion alors que lorsqu’on en parle, en fait je me rends compte que j’avais le profi l.» Line

Un autre problème est le manque d’expérience de ces jeunes, mis en concurrence avec des personnes beaucoup plus expérimentées ou spécialisées. Après son expérience de stage, Anne se voit proposer de can-didater sur un poste stable en Asie dans une ONG mais elle n’est pas retenue.

« C’est une personne qui avait presque 10 ans d’expé-rience sur le terrain. Il parlait le népalais, langue rare, et avait une très longue expérience de gestion de projet. Et comme P. (ONG) traverse un moment diffi cile, ils ont préféré trouver quelqu’un de solide et opérationnel tout de suite. C’est une création de poste et je pense que le Conseil d’Administration a besoin de certitude. Et je sais que, depuis le recrutement, ils ne recrutent plus de stagiaire malheureusement. ». Anne

Clara constate également que les jeunes diplômés rassemblent rarement l’ensemble des qualités deman-dées simultanément par les employeurs de l’ESS.

« Je n’ai pas les compétences concrètes pour pouvoir travailler dans une association comme chargée de pro-

jet, chargée de mission, et pas assez d’expérience. Puis, ce sont des contrats aidés la plupart du temps auxquels on n’est pas éligible car trop ou pas assez âgé, au chô-mage ou pas. Le secteur associatif, c’est souvent ça. Une fois qu’on n’entre plus dans les critères, ça devient très compliqué ». Clara

La recherche d’un emploi dans l’ESS est un problème pour les jeunes diplômés. Ils sont mis en concurrence avec des personnes plus expérimentées, comme dans les autres secteurs économiques. Ils trouvent les offres d’emploi diffi cilement accessibles et les postes à pour-voir sont sommes toutes, assez peu nombreux, et ce malgré les départ à la retraite. L’ESS ne leur apparaît donc pas avoir une politique de recrutement qui serait particulièrement favorable aux jeunes, ne leur parait pas développer d’actions spécifi ques à leur égard, ou envoyer des manifestations d’intérêt. Sans doute fau-drait-il conduire des réfl exions sur les pratiques de re-cherche d’emploi que les jeunes devraient mettre en œuvre spécifi quement sur ce marché de l’emploi. Aussi, il faudrait développer des actions visant à outiller les jeunes pour leur permettre d’accéder aux informations, de mettre en valeur leurs compétences et leurs valeurs, avec des organisations spécialisées en accompagne-ment vers l’emploi. L’ESS est un secteur qui semble constitué de personnes plutôt âgées, parfois proches de la retraite, et les jeunes diplômés se voient rarement confi er des responsabilités dans ces structures. Ces structures cherchent également à se professionnaliser et à renforcer leur encadrement en se dotant de com-pétences de personnes expérimentées, notamment en provenance du secteur privé. Ces préoccupations ne sont pas toujours favorables à l’emploi de jeunes diplô-més. •

–L’AVENIR PROFESSIONNEL–Malgré les diffi cultés rencontrées à trouver un travail, les jeunes interrogés demeurent très impliqués dans la construction de leur vie professionnelle future. Ils ont des attentes précises sur le type d’emploi qu’ils aimeraient trouver et sur le déroulement de leur vie au travail.

–LES ATTENTES À L’ÉGARD DU TRAVAIL (14 PERSONNES) –

Plusieurs thèmes ont été évoqués concernant ce que les jeunes interrogés attendent d’un emploi.

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Le sens du travail / la fi nalité / l’accomplis-sement (7 personnes)Regroupant un ensemble d’activités centrées sur le développement durable ou le social, les personnes ont le sentiment que l’ESS leur garantira un emploi plus épanouissant, qui leur permettra de surcroit de contribuer au changement économique et social prôné par ce secteur. Si tous sont préoccupés à des degrés divers de la fi nalité de leur emploi futur, la moitié d’entre eux se sont très clairement exprimés à ce sujet et estiment que le sens du travail, la fi nalité du travail et l’accomplissement de soi dans le travail sont les éléments les plus importants dans leur vie professionnelle.Pour Patrick, c’est le sens du travail et l’ambiance qui comptent le plus.« Le sens, le sens du travail que je fais compte le plus pour moi. Après, peut être l’ambiance du travail aussi, peut-être. » Patrick

Line veut avoir le sentiment de contribuer à une œuvre collective.

« Moi, je me suis dit que je voudrais donner un sens dans mon boulot, quelque chose de particulier. Il y a plein de choses qui m’exaltent comme tout ce qui a trait à la consommation collaborative, je trouve ça génial, je fais partie de la génération qui fait naître ça, j’ai envie d’y participer vraiment à grande échelle, enfi n, par une petite échelle d’abord mais je me suis rendu compte que c’est une goutte d’eau dans l’océan. J’ai un peu de mal à m’imaginer dans un boulot, ou c’est purement alimentaire, mais je n’arrive pas à me sentir fi ère de ce que je fais. » Line

Avoir prise sur les activités et les décisions est impor-tant pour Bella, dans le secteur artistique.

« Pour moi c’est le sens, c’est le sens à ce que je mets à ce que je fais. C’est à dire que c’est pour ça que la mise en scène m’intéresse parce que c’est moi qui dé-cide du sens du spectacle.» Bella

Cathy exprime son attachement au fait de connaitre la fi nalité de son travail.

« J’ai besoin d’un but fi nal, de trouver ça utile. Et c’est éthique quand même. Développer les pistes cyclables, je trouve que c’est utile. J’ai besoin de trouver de l’épa-nouissement avec les gens que je rencontre au tra-vail. » Cathy

Joris insiste tout particulièrement sur sa recherche d’accomplissement dans le travail.

« L’accomplissement, c‘est quand on nous attribue un travail à réaliser. Et qu’on fait tout ce qu’il faut pour le réaliser aussi bien pour soi que pour les personnes pour qui on travaille… que pour le résultat qu’on es-compte. » Joris

La stimulation intellectuelle (2 personnes)Un autre élément revient souvent dans les discours. Il s’agit de l’importance accordée à la réfl exion dans le travail. Le travail doit permettre de penser, d’élabo-rer et d’apprendre.

« La stimulation intellectuelle. Je sais que Attaché dans la fonction publique, il y a énormément de tâches et de rôles administratifs. Mais j’aimerais, dans l’idéal, avoir un poste où, certes, il y a de l’administra-tif parce qu’il faut le faire… Mais où il y a aussi un aspect intellectuel sur le fond, où l’on peut réfl échir sur le fond sur l’action publique… En partenariat avec les élus bien sûr parce que c’est eux qui décident... Et également aussi sur le plan technique… » Solal« J’aimerais pouvoir m’attacher à des choses qui de-mandent un peu plus de réfl exion intellectuelle. C’est ce qui me plait, de réfl échir sur le contenu. » Anne

Développer sa créativité, ses projets (2 per-sonnes)Créer, innover, avoir une liberté de mettre en œuvre ses propres projets, ses idées est également une di-mension importante et recherchée dans un emploi.

« Un endroit où on puisse créer en fait. Il y a un côté dans le travail qui est un peu déshumanisé, on y est pour rien, c’est la situation économique qui a perdu complètement le sens de la création à travers le tra-vail, la création d’une œuvre, même la plus basique! Créer à un moment donné en travaillant, c’est ça qui est complètement perdu. Un endroit où je serais bien c’est un endroit où je sentirais que tout le monde crée-rait un peu, chacun à sa façon. » Moktar

Le sentiment d’être dans un contexte d’émulation créative, d’ouverture aux idées et aux projets est cen-tral pour Bernard.

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LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –2–

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« Je suis intéressé par deux domaines : la coopérative et l’associatif. Il y a beaucoup à apprendre dans ce domaine, on rencontre des gens vraiment formidables. C’est un réseau et on est content d’appartenir à ce réseau-là, de voir les gens qui vous ouvrent la porte, de voir les gens de tous âges avec qui vous pouvez discuter, de rencontrer des gens qui sont aussi fous que vous, des gens qui rebondissent sur votre projet, qui discutent, qui vous donnent des idées, pas des gens qui vous disent : ce n’est pas possible. » Bernard

Une variété dans les activités (2 personnes)Avoir des activités variées, non routinières a été éga-lement mentionné.Clara a peur de se lasser dans son travail et recherche avant tout une activité variée.

« Maintenant que j’ai un peu plus de choix, ça serait être responsable d’un projet quel qu’il soit pour l’ins-tant. Avoir un peu d’autonomie dans ce que je fais, avoir un peu confi ance dans ce que je fais. Avoir un nouveau projet aussi tous les deux ans. Parce que si-non on se lasse, parce que je sais que je me lasse très vite. » Clara

Sofi a veut de la liberté et de la variété également dans ses activités.

« Techniquement parlant, ce serait vraiment un travail où il n’y a pas de routine, où il y a beaucoup de défi s, où je peux bouger, où ne je ne reste pas trop long-temps dans un bureau, où je rencontre de nouvelles personnes, où j’ai une marge de créativité ! Parce que moi, ce qui me fait le plus peur, c’est un directeur ou un supérieur qui me bloque. » Sofi a

De bonnes conditions de travail (2 per-sonnes)Enfi n, la qualité de la vie au travail compte égale-ment, notamment l’importance de la qualité des rela-tions et de bonnes conditions de travail qui sont ju-gées importantes.

« C’est à dire moi, je veux tout quoi ! Je veux un objet de travail parfait, enfi n qui me correspond, et en même temps je veux qu’à l’intérieur de ma boîte, les pratiques soient bonnes, l’ambiance soit bonne, l’équipe soit bonne. Puis je pense que j’idéalise un peu les choses mais dans l’idée c’est ça. » Charlotte

Jeanne apprécie le cadre de travail et l’ambiance d’équipe.

« Il faut que ça me plaise en fait. Il faut que je me sente bien là où je travaille, que le cadre de travail soit agréable, j’aime bien travailler en équipe. Je pen-sais que je suis quelqu’un de solitaire au travail mais au fi nal pas du tout, je me rends compte que travailler tout seul c’est extrêmement dur. L’équipe, c’est vrai-ment important, avoir un cadre de travail un peu positif. » Jeanne

Les jeunes ont de fortes aspirations professionnelles. Le travail leur apparait comme un moyen d’expres-sion de soi et de réalisation de soi. Il ne s’agit pas d’une sphère d’activités secondaires dans leur vie mais bien d’une activité centrale pour la plupart d’entre eux. Ils ont des attentes très fortes à l’égard de leur futur emploi et de leur futur secteur d’emploi. L’ESS suscite donc beaucoup de projections des jeunes qui perçoivent ce secteur comme susceptible de combler leurs attentes.

–LES DIFFICULTÉS PRESSENTIES OU OBSERVÉES DANS L’ESS –

Les expériences de travail ou de bénévolat ont toute-fois constitué des opportunités pour mieux connaitre l’ESS. Les jeunes ont pu repérer un certain nombre de problèmes existant dans ce secteur, ce qui les a par-fois déçus. Les mauvaises conditions d’emploi du per-sonnelClara a été extrêmement déçue des conditions d’em-ploi dont elle a eu connaissance au cours de sa pre-mière expérience dans l’ESS.

« Ah oui, dans cette boîte-là, il y a 70 % des gens en contrat aidé, et tous les gens qu’ils embauchent main-tenant sont les ‘services civiques’. Il y a un manage-ment et une DRH qui n’est pas du tout, du tout cohé-rent avec l’ESS ! Et ça, ça me fait très mal parce que c’est ma première expérience en ESS, je croyais vrai-ment en ce pourquoi je travaillais mais au quotidien c’est une horreur, tous les jours, enfi n! Toutes les se-maines il y avait des gens qui pleuraient. » Clara

La précarité des statuts et des contrats a souvent été évoqué.

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« Ce statut [d’intermittente], donc du coup je le renou-velle, sans problème ! Je me dis, il est assez précaire. Il est précaire (…) parce que, tous les 10 mois, on re-nouvelle quelque chose en espérant avoir 10 mois, mais bon, ça nous donne une visibilité sur 10 mois, c’est quand même pas énorme. » Bella

La gestion fi nancière parfois insuffi sam-ment démocratiqueBella a découvert le monde de travail dans le secteur du théâtre et la diffi culté à repartir les gains équita-blement entre les intervenants.

« Avec cette compagnie, qui est une association, j’ai eu mes premières déceptions avec eux parce que je me rendais compte que les décisions n’étaient pas démo-cratiques. Il y a eu plusieurs comédiens qui montaient au créneau, notamment lié à l’argent, en disant “ça ne nous pose pas de problème qu’une partie de la recette serve à ci ou à ça, mais il faut qu’on en parle avant“. Et je me suis rendu compte que le metteur en scène était très réticent là-dessus. (…) Pour moi, ces entreprises [de l’ESS], elles sont toutes démocratiques. Les compagnies de théâtre, on a ce problème-là ! » Bella

La distance insuffi sante à l’égard des entre-prises de l’économie traditionnelleLouise constate que l’entreprise ESS qui est une coo-pérative dans laquelle elle est en formation est fi nan-cée partiellement par une grande entreprise privée.

« Toujours, c’est très compliqué de tout mettre en cohé-rence en même temps! Même on a des incohérences chez nous, plein … : on est SCOP et on est fi nancé à 50% par L (grand groupe industriel), c’est quand même bizarre! » Louise

Des organisations précairesCes organisations fonctionnant à l’aide de subven-tions publiques sont perçues comme fragiles, par Bella.

« Au niveau des subventions publiques, les associa-tions sont tellement émiettées, il y a tellement de compagnies de théâtre ou autres qu’elles ont peu d’entités qui les regroupent et qui en font un pôle plus fort. Et cet émiettement fait également que les com-pétences administratives sont extrêmement réduites dans les compagnies, et que c’est très facile pour un décideur politique de couper les subventions au motif

que derrière il n’y a pas les reins assez solides pour suivre. » Bella

La diffi cile conciliation des statuts de sala-rié et de militant associatifLine souligne la diffi culté à séparer les statuts des salariés et celui des militants, tous actifs dans les associations de l’ESS.

« Enfi n comme souvent dans l’univers associatif, [la frontière] entre le statut salarié et de bénévole est très fi ne. Chez W (l’association dans laquelle elle tra-vaille), la grosse différence c’est que les salariés et les séropositifs sont très proches, mais quand on reven-dique le statut de salarié, ils nous répondent : «c’est quoi qui t’intéresse ? C’est ton statut salarié ou éradi-quer le sida ?“. Je caricature un petit peu mais c’est ça, à peine. Ça, c’est très dur à vivre pour une grosse partie d’entre nous, il y a un nombre de départs im-pressionnant. » Line

Les jeunes qui ont eu des expériences de travail dans l’ESS sont un peu plus réalistes à l’égard de son fonc-tionnement. Ils ont été confrontés à un certain nombre de problèmes importants. Ces problèmes tendent à mettre à mal les principes affi chés par le secteur, tant sur le plan du management démocra-tique, que sur la non lucrativité du secteur, voire sur la fi nalité sociale de ses organisations.

–LES PROJETS D’INSERTION –

Quand ils pensent à leur avenir, les jeunes interrogés ne sont pas fi xés précisément sur une option ou une autre, ils envisagent, en général, plusieurs possibili-tés. Il s’agit de plusieurs pistes qu’ils suivent souvent en parallèle et parfois associées à de la poursuite d’études. Trouver un poste dans une organisation plu-tôt dans l’ESS (7 personnes)

S’insérer dans une structure ESS est le projet de la moitié des jeunes interrogés. En effet, 7 jeunes envi-sagent d’être employés dans une organisation de l’ESS (Jeanne, Clara, Moktar, Charlotte, Anne, Cathy, Patrick).Cathy aimerait trouver un poste d’assistante ou de directrice.

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LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –2–

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« Je pense qu’il y a des types de postes comme chargée de projet qui existent quasiment dans toutes les asso-ciations et qui demandent des compétences un peu génériques qu’on acquiert, ce que j’avais fait dans mon autre projet en ONG. Là ça s’applique à des pro-jets culturels. Il y a aussi des postes d’assistante, de directeur, dans des plus grosses structures, directeur de certains services, ou un vrai poste ayant des conte-nus pour l’aide à la politique de la structure. » CathyAnne se voit dans un poste de chargée de mission en relation avec l’étranger.

Patrick aimerait, dans un premier temps être chargé de projet pour évoluer ensuite vers des postes de di-rection.

« Dans le premier temps, quelque chose de transversal comme travailler sur un poste de chargé de projet. Peut être chef de projet ou référent qualité, quelque chose comme ça dans une Insertion par l’Activité Eco-nomique, une entreprise d’insertion, voilà, ou dans une association intermédiaire. Cela m’intéresserait. Puis ensuite évoluer vers des postes de cadre, comme directeur adjoint et pourquoi pas d’ici cinq ans, à moyen terme, je compte monter une structure, une association d’insertion. » Patrick

Charlotte imagine également pouvoir, travailler à mettre en place un projet.

« En gros, le numéro un est porteur d’idées de projet géniales, novatrices, qui fonctionnent, collaboratives. Il a son public, les consommateurs, et tout ça. Moi je serais numéro deux, qui croit à fond à ce projet-là, qui assure le bon fonctionnement. » Charlotte

Pour Moktar, il se voit dans une organisation spécia-lisée en réinsertion sans précision de poste.

« Moi, ce qui m’intéresse dans l’ESS, c’est la réinsertion, ça m’intéresse beaucoup. Des personnes qui ont perdu leur emploi,…comme des gens qui sont en rupture avec la société comme des SDF. En fait, cette expérience-là m’a ouvert pas mal les yeux. Voilà, pour pouvoir faire l’ESS, j’aimerais travailler dans des boîtes ou dans les sociétés ayant un caractère social. » Moktar

Développer son activité (4 personnes)4 jeunes envisagent de travailler dans la structure qu’ils souhaitent créer ou qu’ils ont déjà créée à court ou moyen terme (Bernard, Sofi a, Bella, Louise).

Bella qui travaille dans le secteur du théâtre ne par-vient pas à avoir des revenus décents et elle aspire à créer une structure qui lui permettrait de vivre correc-tement de son travail.

« Ne plus être au RSA, s’il vous plaît, tout sauf le RSA, je ne pourrai pas tenir des années avec, je vais devenir folle (…) Là on est en train de discuter à créer une coopérative indépendante qui serait complètement destinée aux compagnies de spectacle vivant, aux collectifs de spectacle vivant, mais là c’est encore à l’état de projets. Il s’agit de créer une offre à destina-tion des compagnies en disant que l’on peut mutua-liser et en mutualisant on pourra être plus forts, on peut mutualiser toute notre administration plutôt que d’émietter ça dans pleins d’associations... » Bella

Bernard aimerait être salarié de son association.

« Quand j’ai créé mon association, c’est pour plus tard pouvoir continuer à travailler dans mon association en étant salarié. Aujourd’hui, on travaille en tant que bénévole et ça ne peut pas durer, travailler comme bénévole pendant très longtemps. Voilà j’ai créé l’asso-ciation il y a deux ans, ça fait bientôt deux ans, je suis vice-président, et aujourd’hui je ne suis plus président. On a mis en place un système démocratique qui est tournant, histoire de faire tourner les mandats et avec une spécifi cité : au bout de cinq ans, il faudra partir et laisser la place aux jeunes, à d’autres jeunes car on est plus jeune, ils réfl échissent mieux, donc voilà il faudrait partir. Moi, je me voyais comme ça, travailler pendant un certain temps dans l’association. Mais je suis ouvert, je travaille avec d’autres associations. » Bernard

Sofi a est encore en formation mais son projet est de créer son activité dans le secteur de l’ESS.

« Je veux créer ma propre structure et j’aimerais bien qu’elle soit dans le cadre de l’ESS. Cette période de travail ici dans le cadre de cette association me per-mettra de réfl échir un petit peu au secteur d’activité dans lequel je veux me spécialiser. Et en même temps, de me faire assez de contacts. » Sofi a

Sofi a parait assez motivée par l’ESS, à la suite de la formation qu’elle a suivie en France, au cours de la-quelle elle a été amenée à réfl échir à un projet de développement, dans son pays, le Maroc.

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De même, Louise pense rester encore un peu dans la start up où elle travaille, tout en se formant comme ingénieur en écoconception. Ensuite, plusieurs possi-bilités se dessinent : partir à l’étranger dans une ONG ou encore créer une petite entreprise autour de la couture et la cuisine.

« Je voudrais a minima rester encore un ou deux ans chez M. [la SCOP], parce que je voudrais encore ap-prendre. Je ne sais pas ce que je vais encore sortir mais je sais que je veux encore apprendre, je ne sais pas si j’ai toujours ma place là-bas parce que je ne suis pas toujours indispensable. (…)[Avec mon conjoint], on a le projet de partir peut être à l’étranger, peut-être. Donc si on part à l’étranger avec cette spécialité-là, je ne sais pas trop ce que cela va donner. Moi je suis prête à travailler dans une ONG de nouveau (…) j’ai aussi pour passion la couture, alors pourquoi pas monter un jour une marque de vêtements en choisis-sant les personnes qui recherchent un emploi et en choisissant les matières de manière intelligente, donc le lien se fait assez bien. J’aime cuisiner aussi. Je n’en sais rien... enfi n, c’est pour faire un lien. Je me vois bien un jour avoir mon petit commerce à moi.» Louise

Dans ce cas, l’ESS est une possibilité parmi d’autres. Ce qui compte, ce sont les activités que Louise déve-loppera et le fait de ne pas être dans un grand groupe marchand.

Pourquoi pas la fonction publique ? (2 per-sonnes)Deux personnes cherchent une certaine sécurité ce qui les conduit à envisager d’intégrer la fonction publique.Pour Solal, plusieurs pistes possibles sont envisagées : créer un site Web, reprendre une entreprise agricole, avoir un emploi dans une mutuelle comme chargé de mission ou encore passer un concours pour devenir attaché territorial.

« [Dans] la communauté, la consommation collabo-rative, ils tous jeunes, ils se réunissent tous, dans des forums, une fois par an, et ça a l’air cool ! “. C’est un peu des serial entrepreneurs. J’ai peu cette fi bre-là, même si pour l’instant, ça n’a pas marché, … Même si je ne gagne pas du tout d’argent là-dessus ! (...) Je serais prêt à travailler dans un secteur associatif qui serait pas trop enfermé sur lui-même... Parce que, l’ESS, c’est un peu ça des fois… C’est un peu l’entre-soi, c’est

un peu gênant. Mais un milieu ouvert qui pourrait me permettre d’avoir un poste… ou dans une mutuelle par exemple, un poste de chargé de mission même à 1200-1300 Euros… Si vraiment je n’y arrive pas, il n’y a pas de problèmes ! [Mais] aujourd’hui, (mon projet) c’est devenir attaché (territorial), mais pas par voca-tion. Ça, c’est certain, pas par vocation ! Parce que je tente encore un peu le coup. J’ai 25 ans, il faut que je tente quand même de trouver ma place. » Solal

Après avoir été contrainte au départ dans une asso-ciation d’aide aux malades, Line vient de trouver du travail dans le secteur de la distribution d’alimenta-tion par des circuits de proximité. Toutefois elle n’en-visage pas de continuer à travailler dans l’ESS car elle y juge les salaires trop faibles et les conditions de travail dégradées. Elle a l’idée de passer des concours pour entrer dans l’Education nationale et partir vivre en province.

« J’aimerais habiter à Bordeaux mais, je me demande si un jour je ne passerai pas le concours de professeur des écoles, car ça me plairait. C’est le contact avec les enfants qui me plait beaucoup. À plusieurs reprises, j’ai voulu le faire et puis je me disais que peut être je m’ennuierai, peut être que le travail en équipe me manquera, parce que j’ai toujours bossé dans les équipes, bon là où je suis maintenant (dans une struc-ture de vente selon un mode collaboratif), ça sera moins le cas. Ce qu’il y a c’est qu’une fois vous êtes institutrice… C’est pour ça, je ne veux pas être institu-trice tout de suite (rire). » Line

Créer son business hors de l’ESS (une per-sonne)Actuellement employé dans une association, Joris voit sa vie professionnelle comme étant constituée de trois principales dimensions. D’une part, il sou-haite continuer à évoluer dans le secteur associatif. En parallèle, il a un projet d’investissement dans des appartements pour les louer afi n d’accroitre ses reve-nus. Cela devrait alors lui permettre de se consacrer à des activités associatives sur son temps libre et d’aider les autres car, selon son expérience, le travail en association laisse un peu de temps libre aux sala-riés.

« J’ai commencé à bosser pour U. [association spécia-lisée dans le handicap]. Dans l’associatif, ce n’est pas toujours de gros horaires où on fi nit à 20h, ou à 22h,

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ou à 23. Donc, quand je fi nissais et que j’arrivais chez moi à 18h30 et donc, je me demandais : je fais quoi maintenant ? Je me suis dit : autant me mettre mon temps à profi t, assoir mes acquis et essayer de me faire plus d’argent pour pouvoir enchaîner sur quelques projets personnels plus tard… Pour l’instant, mon pro-jet est de rester dans le milieu associatif et puis d’évo-luer. Enfi n, je ferai ce qu’il faut pour évoluer dans le milieu associatif [et] pour rester dans le marketing. (Mais au bout de quelques années) l’idée c’est de me mettre en indépendant et de commencer à bosser en indépendant après, on verra pour se consacrer plus aux autres. (…) Mes objectifs ? Alors, il y a mon objec-tif plaisir : c’est m’acheter une 2e voiture de collection. Ça, c’est mon objectif plaisir. Mais ça, je l’atteindrai rapidement. J’espère ! Et l’objectif moins plaisir mais plus adulte, on va dire, c’est de me créer un patri-moine. Donc, acheter des appartements et les louer. Pour ça, il faut que je continue à économiser et que j’aie un apport correct pour avoir un prêt pour tout ça, il faut travailler. Et donc, une fois que ça, ce sera fait, je me constitue un truc cool… Je pourrai passer à autre chose. Je pourrai donner du temps, le temps que j’ai utilisé pour me construire, je pourrai le donner à d’autres pour les aider peut-être. » Joris

Puis des projets de reprise d’études en pa-rallèle de l’insertion pour 3 personnesClara aimerait s’engager dans un doctorat en lien avec l’ESS.

« J’ai essayé de mettre en place le doctorat aussi. C’est assez compliqué parce que ça fait quand même sept ans que j’ai arrêté mes études. Je ne sais pas dans quelle mesure on peut reprendre le doctorat en tra-vaillant. Comment ? Est-ce que je vais pouvoir combi-ner les deux ? Est-ce que c’est possible ? Est-ce que je me vois travailler sur un sujet pendant 4 ans ? » ClaraAnne envisage un master afi n de renouer avec des activités d’études et de recherches.

« Je m’étais posé la question cette année, que je de-vrais m’inscrire dans un doctorat, pourquoi pas re-prendre un Master de chargé d’études, j’y ai pensé mais je n’ai pas pris la décision Mais en effet ce n’est pas une option qui s’écarte… il y a un calcul à faire, un calcul fi nancier. » Anne

Moktar voudrait mieux connaitre le secteur de l’ESS sans pour autant mentionner de projet précis de for-mation mais fait plutôt allusion à de l’apprentissage informel.

« La première chose [pour travailler dans l’ESS] est que j’ai encore beaucoup de choses à apprendre, notam-ment en sociologie. Ce sont des choses que j’ai envie d’apprendre, vraiment comprendre les choses : qu’est-ce qu’un lien solidaire, l’entreprise solidaire, comment marche une coopérative, qu’est-ce qu’un droit de vote dans une SCOP, il y a plein de choses à apprendre. Et en même temps, je me dis : moi, qu’est-ce que je peux apporter par rapport à ce que j’ai appris ? Justement une effi cacité qu’il n’y a pas encore dans l’ESS, ou être effi cace, c’est un peu la «dictature», c’est à dire être utile à tout moment dans une journée et là on est reconnu comme des membres actifs. Et je pense que j’ai un peu acquis, ça peut donner une nouvelle vision, en tout cas une certaine approche qui peut être inté-ressante dans l’ESS et productive dans un sens. C’est assez pragmatique. » Moktar

Les jeunes interrogés n’ont pas en tête une insertion qui serait toute tracée. Au contraire, on constate que leur insertion suit un processus de tâtonnements où ils se construisent leur parcours propre en essayant de concilier plusieurs activités et intérêts à la réalité d’un marché du travail tendu. Leurs attitudes, leurs projets manifestent leur réfl exion continue sur eux-mêmes et l’émergence de divers scénarios possibles qui sont tour à tour testés. Rares sont ceux qui appa-raissent clairement engagés dans une voie précise. Ils explorent encore leur environnement de façon à iden-tifi er l’insertion qui leur conviendra le mieux. Si la plupart d’entre eux ne se projettent que dans le court ou le moyen terme, certains voient plus loin, comme Joris avec ses projets dans l’immobilier. On constate que les jeunes interrogés ont des projets variés, cen-trés sur certaines activités qu’ils veulent privilégier. Ils cherchent à identifi er le type d’emploi qui pourrait leur convenir et poursuivre parfois plusieurs projets en parallèle. Le point commun entre eux est la re-cherche d’une activité plutôt respectueuse de l’envi-ronnement et soutenant les personnes le plus en diffi culté dans la société.

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–LES CONCEPTIONS DE L’ENGAGEMENT FUTUR DANS L’ESS –

Les discours permettent de cerner le rapport que les jeunes interrogés souhaitent développer dans le futur avec l‘engagement associatif. Cet engagement dans les activités solidaires, d’aide à autrui, de développe-ment durable, sont-elles envisagées comme centrales dans leur vie ou seulement périphériques ?Les entretiens ont permis d’identifi er trois logiques.

Logique de Spécialisation de l’engagement dans l’ESS (6 personnes)Certaines personnes veulent s’engager dans une acti-vité précise de l’ESS. Leurs engagements dans l’ESS sont centraux dans leur vie. Elles veulent se spéciali-ser, développer leur compétences dans un domaine pointu de l’ESS, devenir expertes dans ce domaine. Il ne s’agit pas de s’inscrire là encore dans des voies toutes tracées. Il s’agit d’activités correspondant à des projets de réalisation de soi.Louise part dans le Sud de l’Inde, 6 mois pendant son année de césure en école de commerce. Elle travaille avec des ONG sur des projets de développement, notamment un projet de réservoir hydraulique, aide à trouver des fonds. Cette expérience lui a plu et l’a conduite à modifi er ses intentions professionnelles. A son retour, elle se passionne pour les problèmes environnementaux. Elle décide alors de se former en école d’ingénieur pour se spécialiser dans le domaine de l’écoconception.Patrick a découvert l’existence du concept d’insertion par l’économique « C’est à dire que ce qui m’intéresse aussi c’est que les indicateurs sont plus axés sur l’éco-nomie: le chiffre d’affaires, comment attirer plus de clients, les stratégies commerciales etc. Il y a aussi des indicateurs sur l’impact social, notamment l’objectif atteint sur le salaire moyen des salariés en insertion par exemple, combien on leur donne par mois, est-ce que ça leur permet de s’insérer ou pas? On voit que c’est dans l’objectif de l’entreprise. (…). C’est vrai qu’on a des gens qui sont parfois analphabètes, qui ont des problèmes de français par exemple. Comment on bosse dans les entreprises classiques? C’est vrai que ce n’est pas toujours évident, mais bon! Il faut essayer d’être effi cace. ». C’est un secteur dans lequel il vou-drait continuer à travailler, voire créer son association intermédiaire plus tard.

Bernard se spécialise dans l’entrepreneuriat social.Solal essaie de développer des activités de conseil aux collectivités territoriales qui veulent développer l’ESS.

« Donc, je me suis inscrit en prépa pour passer le concours d’attaché et, en parallèle, on a décidé de se lancer, donc avec Yves, c’est le nom de cet ami, pour essayer de monter une entreprise de conseil auprès des collectivités territoriales… en développement local et notamment en économie sociale et solidaire, en inno-vation sociale et puis après, tout ce qui est lié aux politiques transversales. » Solal

Bella veut créer une coopérative qui s’occuperait de la gestion des compagnies de théâtre.Clara aimerait réaliser un doctorat sur un sujet en lien avec l’ESS.

« Faire un doctorat, enfi n, prendre un sujet de mémoire et l’adapter à l’actualité d’aujourd’hui, notamment avec la nouvelle loi sur l’ESS. Voilà, et je suis en train de chercher un directeur de thèse ou directrice de thèse… sur l’ESS et la culture. » Clara

Ces personnes connaissent bien l’ESS ou au moins en partie. Il s’agit donc de profi ls de spécialistes en ESS.

Logique d’extension des engagements (4 personnes)Ces personnes ont développé plus récemment leurs intérêts pour l’ESS. Ils explorent la variété des activi-tés possibles dans ce champ. Leur approche les conduit à être plutôt polyvalents et à transférer leurs compétences dans différents sous-secteurs de l’ESS. Cette logique prend deux formes. La première corres-pond à des attitudes d’exploration du secteur. La seconde correspond au fait que des engagements auparavant bénévoles ont pris progressivement une place centrale mais tout en étant assez diversifi és.

– Une attitude d’exploration du secteurMoktar, après avoir entrepris des études commer-ciales dans le secteur de la fi nance, a choisi de s’inté-resser à l’ESS, en commençant par du bénévolat dans un orphelinat, puis en travaillant dans une ONG en Inde et en conduisant des actions dans une ville de France auprès de SDF. Il découvre alors le secteur du développement local et de l’action sociale. Il a une attitude d’exploration des activités et des métiers possibles pour lui dans le champ de l’ESS.

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Charlotte, qui a passé son année de césure au Séné-gal dans une ONG, n’imagine pas sa vie profession-nelle ailleurs que dans l’ESS. Toutefois elle hésite entre plusieurs activités et continue à explorer les possibilités. Elle se voit être numéro deux d’une struc-ture, dans le secteur de la distribution alimentaire, ou du recyclage, ou encore l’innovation sociale. Elle dit « Tous les jours, j’ai une idée » et continue « c’est ça, mon l’idéal d’ESS c’est de faire les choses autre-ment, de recréer en prenant en compte toutes les pro-blématiques qui sont autour de l’entreprise pour pro-poser des structures viables et rentables qui seront au service du local et de leurs acteurs en tout cas ».– L’insertion par le bénévolatSofi a a d’abord eu des activités de bénévolat dans l’aide aux enfants en situation de décrochage scolaire au Maroc, puis a suivi une formation avec Campus France centrée sur l’entrepreneuriat social. Elle s’im-plique ensuite dans un projet de développement de la logistique et des transports en lien avec sa forma-tion dans le marketing. On observe dans ce cas que l’ESS était une préoccupation circonscrite à des acti-vités bénévoles. Au moment de l’entretien, elle pense créer son association pour y travailler.Cathy a découvert l’ESS pendant son année de for-mation en Angleterre. Par la suite, l’ESS devient un secteur dans lequel elle envisage de s’insérer et à son retour elle entreprend un Master « LEA, gestion de projet et développement durable ». Elle fait un stage dans une collectivité et est recrutée en CDD pour animer des réseaux dans le développement durable. Toutefois elle ne parvient pas à trouver un emploi stable et se voit contrainte d’accepter un poste de professeure de latin pendant 2 ans. Après cette pre-mière expérience, elle continue à chercher du travail dans le développement durable et engage un service civique qu’elle doit arrêter à cause de trop faibles revenus. Elle continue à chercher dans le secteur en explorant les possibilités mais elle doit se replier sur des petits boulots afi n de subsister. Elle continue tou-tefois à chercher dans ce secteur en déployant des activités bénévoles car cela lui semble pouvoir consti-tuer une voie pour trouver un emploi.

Logique de dégagement : l’ESS, à côté de la vie professionnelle (4 personnes)Une partie des jeunes interrogés ne voient pas néces-sairement l’ESS comme seul secteur possible pour leur insertion. De leur point de vue, des engagements peuvent être déployés dans le bénévolat et pas néces-

sairement dans une activité professionnelle. Ils appa-raissent être plutôt dans une logique de retrait par rapport à l’ESS envisagé comme un secteur d’inser-tion professionnelle possible. Dans certains cas, il s’agit de jeunes déçus de l’ESS qui redistribuent leur implication dans d’autres activités. Il s’agit de jeunes qui recherchent une stabilité et une sécurité qu’il est parfois diffi cile à trouver dans l’ESS.Joris se verrait bien, soit développer des activités plus lucratives dans le cadre d’une activité d’auto entre-preneur, ou bien continuer à travailler dans l’ESS pour les horaires plus confortables dans les associations que dans les entreprises privées. Dans les deux cas, il aimerait développer à côté de son travail, une activité de bénévolat, sans pour autant que ce projet soit très précis. Joris travaille actuellement dans une associa-tion d’aide aux personnes handicapées.Line a fait Sciences Po. Après des expériences à l’étranger pendant ses études, elle connait une pre-mière insertion dans une association d’aide aux ma-lades de longue durée. Cette expérience s’est termi-née douloureusement par un licenciement.

« C’est vrai, jusqu’à récemment, je pensais que j’allais faire toute ma carrière dans les ONG, car il y a des projets urgents et ils ont besoin de moi, et puis... Une grosse déception m’a fait prendre beaucoup de recul et donc aujourd’hui, je pense qu’il y a plein d’autres choses à faire. » Line

Elle estime que les conditions de travail qu’elle a expérimentées dans l’ESS ne sont pas bonnes et que la gestion du personnel laisse souvent à désirer.

« Sous prétexte qu’on a envie de participer à une cause qui nous tient à cœur, il faudrait accepter de gagner deux fois moins que les autres, quand on accepte de ne jamais se plaindre, de travailler le weekend parce que le Conseil d’administration c’est tout le temps le weekend. Alors que pour beaucoup on est très qualifi é en sortant des grandes écoles. Ok, je ne suis pas favo-risée ni par mon salaire, ni par mon travail, ni par les possibilités de promotion mais c’est vraiment… il ne faut pas le garder en tête. Et si pendant une période, on essaie de le garder en tête quoi. Surtout lorsqu’on est dans une période fragile comme l’année dernière, ça m’a vraiment atteinte, c’était très dur et c’est le cas de beaucoup de collègues. » Line

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Anne a plusieurs pistes pour l’avenir : entreprendre un doctorat ou travailler dans une ONG à un poste de direction. Une autre piste consisterait à privilégier le développement d’activités internationales dans une entreprise privée. Finalement, le secteur profes-sionnel lui importe moins que la nature des activités à réaliser.Quant à Jeanne, elle cherche avant tout un emploi offrant une certaine sécurité, plutôt dans le secteur du tourisme et se verrait bien élever des chevaux sur son temps de loisir.

« C’est vrai qu’avoir potentiellement un centre équestre, ça m’intéresserait mais quand je connais les heures de travail que c’est, je ne sais pas si j’en serais capable. C’est vraiment du 24/h sur 24, 7j/7, Eux [les chevaux], ils mangent tous les jours. Ils ont vingt sorties par jour, je ne sais pas si je pourrais. Je pense que je garderai cette activité en loisir. Même là, je bosse et je garde les chevaux, je les monte, ça me fait des loisirs, mais il faut une sacrée organisation. » Jeanne

Une minorité de jeunes envisagent pour leur avenir professionnel de donner priorité à certaines activités ou à leurs modes de vie avec des revenus plus confor-tables et une plus grande sécurité. Ceci leur parait compatible avec la mise en œuvre d’activités béné-voles sur leur temps de loisirs.Parmi ceux qui veulent travailler dans l’ESS, on dis-tingue, d’une part les jeunes qui ont élaboré au fi l de leurs expériences des idées précises de leur insertion et un projet clair, et d’autre part ceux qui continuent à explorer, qui sont à la recherche d’une situation qui pourrait leur convenir.

Cette analyse a mis au jour le rôle fondamental de la socialisation familiale et des expériences sociales développées au cours de la jeunesse, sur la construc-tion des attentes professionnelles dans le secteur de l’ESS. La socialisation familiale prend des formes mul-tiples : discussions dans la famille sur le travail, enga-gement familial dans certaines activités sociales ou caritatives, sensibilité politique d’un membre de la famille, ou encore voyages familiaux à visée d’ouver-ture culturelle. La « fi bre ESS » se développe égale-ment au cours des expériences mises en œuvre par les jeunes telles que les engagements dans des asso-ciations, comme bénévoles, pour se former, ou pour travailler. Les parcours des jeunes interrogés présen-

tent une configuration relativement homogène même si on peut relever deux dimensions différentes. D’une part, il existe une majorité de parcours centrés sur des préoccupations ESS fortes : la socialisation en famille, la formation et les engagements précoces associés à l’ESS. Pour ces jeunes, l’ESS est une évi-dence et leur avenir y est naturellement associé. D’autre part, une minorité de jeunes sont arrivés à l’ESS progressivement ou par hasard. Mais cet intérêt n’existait pas nécessairement d’emblée. Ces jeunes doivent donc construire leur rapport à l’ESS dans le cours d’expériences plus récentes. Ils ont élaboré des représentations sociales de l’ESS centrées sur le bien-être collectif et l’équité, avec plusieurs dimensions qui ont été évoquées concernant l’intérêt général, la réin-troduction des gains de l’activité dans le projet, la gouvernance démocratique, le soin apporté à autrui et à l’environnement. Cette sensibilité partagée à œuvrer pour le bien commun prend une coloration différenciée, dès lors que l’on prend en compte la singularité des objets sociaux sur lesquels elle se porte. Cette singularité des objets est liée aux expé-riences rencontrées.

C’est ainsi que cinq profi ls d’intérêts pour l’ESS ont pu être identifi és. - Les jeunes intéressés par le développement social portent leur attention plutôt sur des individus et groupes marginalisés et visent, par leurs actions, à les aider à mieux vivre dans la société. - Ceux, qui veulent agir en direction des pays en déve-loppement, sont intéressés par les différences cultu-relles et sont sensibles à des situations de grande pauvreté. - Les jeunes, préoccupés de développement urbain local, cherchent à agir dans leur environnement quo-tidien pour faciliter la vie de tous les jours et réduire la pollution. - Ceux centrés plutôt sur le développement rural veulent œuvrer en direction des populations situées dans des territoires éloignés, voire isolés et adopter pour eux-mêmes un mode de vie rural. - Enfi n, certains s’intéressent au développement artis-tique et culturel car ils sont eux-mêmes sensibles à l’art, et veulent ainsi le promouvoir notamment au-près des populations qui en sont éloignées.- Les jeunes interrogés veulent tous protéger l’environ-nement, mais une seule personne souhaite travailler directement dans ce secteur.

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Le secteur de l’ESS porte de nombreux espoirs. Les jeunes interrogés imaginent pouvoir engager un changement important de société, amorcer un virage en conjuguant leurs forces pour promouvoir un monde plus juste et plus respectueux de l’environne-ment et des personnes. Ils apparaissent plutôt bien formés, dotés d’expériences nombreues et riches, dont certaines à l’étranger, ils ont parfois des projets innovants, des idées de service ou d’activités qui pourraient être développées. Les activités de re-cherche d’emploi dans le secteur se sont avérées as-sez peu fructueuses. La plupart ont le sentiment d’être confrontés à des diffi cultés importantes pour trouver un emploi. L’ESS ne parait pas plus que les autres secteurs d’emploi favoriser l’intégration dans un premier emploi. C’est aussi la recherche d’emploi qui est complexe, car les offres d’emploi sont diffi ciles d’accès et les critères de recrutement opaques. Ceux qui ont été formés en alternance dans une organisa-tion de l’ESS ont pu découvrir la variété des activités possibles dans des conditions jugées plutôt favo-rables.

Pour une partie de ceux qui ont travaillé dans le sec-teur, les expériences ont été différemment perçues. Parfois elles sont très satisfaisantes. Néanmoins, cer-taines déconvenues ont été expérimentées pour d’autres en lien avec des salaires faibles, des contrats précaires, des conditions de management éloignées des principes annoncés, l’implication des entreprises privées, une gestion fi nancière profi tant à certains plus qu’à d’autres, la « concurrence » avec les béné-voles, etc… Au total, il est constaté que certaines des organisations appartenant à la grande famille de l’ESS ne respectent pas les principes du secteur. La moitié des jeunes interrogés envisagent toutefois d’intégrer une organisation de ce secteur. Ces jeunes ont espoir de pouvoir se réaliser professionnellement et d’y trouver de bonnes conditions de travail et une certaine liberté, tout en y rencontrant des conditions d’emploi de bonne qualité. Une partie des autres préfèrent s’employer dans leur propre structure qu’ils veulent créer. Et d’autres enfi n se verraient plutôt dans un autre secteur professionnel, qu’ils consi-dèrent plus protégé, comme la fonction publique par exemple. •

–CONCLUSION–Les analyses des entretiens ont permis d’observer certaines spécifi cités de la population interrogée durant cette période de transition de la formation vers l’emploi dans l’ESS. D’une part, ces jeunes ont eu des expériences diversifi ées qui ont permis de développer leur adaptabilité. En accord avec les tra-vaux de Savickas (2005, 2011), l’adaptabilité est une compétence centrale pour l’insertion professionnelle. Elle comprend cinq dimensions (le contrôle de l’envi-ronnement, la confiance en soi, la curiosité, la conscience de ses capacités, le fait de se sentir concerné par son devenir). Sans avoir pu évaluer pré-cisément ces dimensions psychologiques, il apparait que les jeunes interrogés ont manifesté une certaine curiosité à l’égard de leur environnement. Ils se sen-tent également plutôt assez concernés par leur orien-tation et leur devenir et entreprennent diverses dé-marches pour trouver du travail. Or il a été montré que la curiosité (et le sentiment de contrôle sur son environnement) était corrélée à une insertion profes-sionnelle rapide et satisfaisante. Les stages, les for-mations en alternance, les expériences à l’étranger

ont probablement contribué au développement d’une certaine adaptabilité. Peut-être certains d’entre eux manquent-ils un peu de sentiment de contrôle sur leur environnement, mais d’autres ont, au contraire, l’impression que « tout est possible », que toutes les portes sont ouvertes et qu’il faut se lancer.

Par ailleurs, on constate que cette transition peut être considérée en accord avec les travaux de Heinz (2002), comme un temps de « socialisation de soi » au cours de laquelle les jeunes développent des inten-tions et identifi ent des options pour les actions fu-tures. Parmi les 6 modalités d’intégration biogra-phique de la transition école-travail, les jeunes interrogés semblent percevoir cette période comme une « optimisation des chances » et comme « un déve-loppement personnel ». L’optimisation des chances se manifeste par une tendance à l’accumulation de qua-lifi cations, qui offre des possibilités de développe-ment, des chances de réussir. Les discontinuités de la transition sont utilisées comme des temps pour se former ou développer de nouvelles expériences. Cer-

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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES 41

tains jeunes vivent ce temps comme favorable au développement personnel. Dans cette confi guration, le métier, l’organisation, apparaissent comme des espaces permettant de développer ses intérêts et de faire diverses expériences. Les opportunités d’emploi sont évaluées en fonction des possibilités d’autono-mie et d’auto-direction.La première hypothèse consistait à penser que les jeunes construisaient au cours de cette période de transition, un modèle de vie (Levinson, 1978) les gui-dant pour développer des projets et anticiper diffé-rentes situations. Nous pensions que les valeurs jouaient un rôle central dans l’élaboration de ce modèle de vie. Conformément à nos attentes, les jeunes partagent ce qui a été qualifi é par Schwartz (2006) de « valeurs de bienveillance ». Ces valeurs peuvent être assimilées à des buts généraux et dési-rables (Helkama, 1999) qui orientent les actions. Ces jeunes sont donc prêts à développer des conduites en accord avec ces valeurs. La majorité d’entre eux sont aussi surtout motivés par les dimensions intrinsèques du travail (bien-être au travail, autonomie, initiatives possibles…), ce qui peut les conduire à supporter des situations de travail matériellement moins favorables qui conduisent à du stress et de l’insatisfaction. Ainsi les modèles de vie, qui se dégagent, se confi gurent à partir de ces valeurs, des intérêts pour certains as-pects de l’ESS, des expériences rencontrées dans les organisations.

De plus, il est possible de distinguer les valeurs, des principes moraux (Kolhberg, 1981). En effet, les prin-cipes moraux ne sont pas nécessairement suivis de conduites en cohérence avec ceux-ci. Les individus peuvent mettre en œuvre des conduites parfois en contradiction avec leurs principes moraux (voir les célèbres travaux de Milgram, par exemple). Ces obser-vations peuvent éclairer certaines situations de tra-vail rencontrées au cours desquelles les principes prônés par l’ESS n’étaient pas respectés. Il n’est sans doute pas impossible que des individus rencontrent des diffi cultés à appliquer des principes moraux re-vendiqués par le secteur mais qui ne correspondent pas à des valeurs personnelles qu’ils auraient vérita-blement intégrées.Enfi n, nous avions évoqué l’hypothèse selon laquelle les expériences de travail induisaient des change-ments dans les choix d’orientation et les projets rela-tivement à l’ESS. L’analyse tend à montrer que cette

intuition se confi rme souvent et souligne ainsi l’im-portance de la qualité des expériences de travail et de formation en entreprise proposées aux jeunes. Les jeunes qui ont travaillé dans l’ESS, et qui ont eu des expériences de travail diffi ciles, envisagent d’autres orientations futures que de rester dans l’ESS. A l’in-verse, ceux qui ont eu des expériences gratifi antes, positives intéressantes, confi rment leur souhait de travailler durablement dans ce secteur.Le dernier point concerne l’insertion dans le secteur de l’ESS. Des études de l’Apec (2014, 2015) obser-vaient que l’ESS attirait des jeunes diplômés mais que les offres d’emploi leur étant ouvertes étaient moins nombreuses dans l’ESS que pour l’ensemble des offres du privé. Nos observations illustrent tout à fait ces constats qui contredisent le discours répandu sur l’ESS comme secteur « en tension » prêt à recruter en masse. Les jeunes attendent une ouverture de ce sec-teur à leur égard. Pourquoi l’ESS n’intègre–t-elle pas plus facilement les jeunes ? D’où vient cette dé-fi ance ? Cette question conduit à évoquer un nou-veau volet de l’étude qui complèterait les autres. Il s’agirait d’interroger des employeurs dans des orga-nisations diverses de l’ESS pour mieux comprendre cette situation. Certes, des cadres expérimentés peuvent être recrutés afi n de répondre aux nouveaux défi s auxquels les organisations de l’ESS sont confron-tées (recherches de fi nancement accru, obligation d’évaluation de l’effi cacité des actions, etc…) mais comment se positionnent elles concernant l’emploi de jeunes diplômés ?

Trois grands points résument les principaux enseigne-ments de cette recherche :

1/ Les jeunes qui s’intéressent à l’ESS présen-tent des caractéristiques identitaires singu-lières. D’une part, la plupart d’entre eux ont développé pré-cocement « une fi bre ESS » dans le cadre de la socia-lisation familiale avec des engagements sociaux précoces. On observe ainsi un lien entre un contexte de vie qui sensibilise à la question de la protection de l’environnement et celui de l’aide à autrui et qui se traduit par certaines intentions professionnelles Mais certains jeunes sont venus plus tard à l’ESS et ont rencontré d’autres infl uences (autres étudiants, expériences à l’étranger, opportunités de travail…).

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LES PRINCIPAUX RÉSULTATS –2–

APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES42

Ces préoccupations s’articulent alors de manières variées avec des projets professionnels qui intègrent tous des préoccupations propres à l’ESS. Ces expé-riences de socialisation à l’ESS aboutissent à plu-sieurs profi ls d’intérêts pour certaines activités de développement de la société pouvant relever de l’ESS  : le social, l’écologie, le développement local urbain, le développement rural, le développement de pays pauvres sur le plan économique. Ces résultats soulignent le fait qu’il n’a sans doute pas été réalisé suffi samment de recherches sur la question du rôle des engagements associatifs des adolescents et des jeunes adultes dans la construction de leur identité professionnelle et milite en faveur d’une approche holistique de l’accompagnement et de l’orientation professionnelle des individus.

2/ La construction des compétences profes-sionnelles, des projets de ces jeunes et leur rapport avec l’ESS se réalise selon différentes logiques. La « logique de spécialisation dans l’ESS » met au jour une construction des compétences par spécialisation dans certains domaines professionnels pointus qui nécessitent des formations particulières. La logique « d’extension des engagements » témoigne d’une volonté de mieux connaitre plusieurs aspects de ce secteur (par exemple l’insertion et le développement durable) et d’explorer les possibles professionnels. Enfi n, la logique de dégagement, correspond à des personnes qui envisagent d’autres formes d’articula-tion des engagements militants avec d’autres activi-tés, initiant des profi ls de carrière singuliers en inté-grant des éléments parfois contradictoires. Ces résultats mettent au jour l’importance des actions

conduisant les jeunes à réfl échir à la manière dont ils souhaitent intégrer ces activités, souvent d’abord bénévoles, à leur vie professionnelle. Il apparait que dans ce secteur d’activités, sans doute plus que dans d’autres, chacun se doit de réfl échir à la question des limites entre ses différents rôles et /ou à celle de leur articulation. Faut-il rester bénévole et travailler à coté ? Comment militer dans son travail, tout en gar-dant une vie personnelle privée et ne pas être envahi par son travail ? Comment supporter la dissonance que l’on ressent quand on contribue, par son travail, à agir à l’égard de la société, d’une manière que l’on désapprouve ? Et comment y mettre fi n ? On com-prend que ces jeunes construisent leur insertion pro-fessionnelle en cherchant des réponses à des ques-tions essentielles pour leur vie.

3/Le dernier élément notable de cette re-cherche est la diffi culté des jeunes à s’insérer dans l’ESS, qui est pourtant susceptible de recruter en grand nombre des cadres dans les prochaines années. Malgré leurs diplômes et leurs expériences dans le secteur et souvent à l’étranger, les jeunes peinent à susciter la confi ance des em-ployeurs. Par ailleurs, ceux qui ont eu des expériences dans l’ESS ont été un peu déçus des conditions de salaires et d’emploi parfois médiocres. Cette situation n’est pas sans conséquence. En effet, on observe que plusieurs jeunes envisagent de créer leur propre struc-ture, de développer leur propre projet et d’autres envisagent d’autres options pour le futur (articuler un emploi dans le secteur marchand et du bénévolat par exemple). Peut-être serait-il intéressant de s’interroger sur cette situation, relativement classique sur le mar-ché du travail ? •

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APEC – SE RÉORIENTER VERS LE SECTEUR DE L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE 43

44 Références bibliographiques 45 Caractéristiques des jeunes diplômés rencontrés 49 Le guide d’entretien–3–

–ANNEXES–

Page 46: Etude Apec - Ces jeunes diplômés qui s'intéressent à l'ESS : enjeux et perspectives

ANNEXES–3–

APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES44

–RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES–

Apec (2012). Les cadres de l’ESS. Paris : ApecApec (2014). Les candidats à des postes cadres dans l’ESS. Enquête auprès de 1000 cadres du privé. Paris : Apec.Apec (2015). Le marché de l’emploi dans l’économie sociale et solidaire. Les études de l’emploi cadre. Octobre, n°74. Paris ApecBanks, et al. (1992). Careers and Identities. Buckingham: Open University Press.Bigot, R., (2007). Évolution des valeurs des jeunes entre 1979 et 2006. Horizons stratégiques4, 8-29.Cohen-Scali, V. (2000). Alternance et identité professionnelle. Paris : PUFCohen-Scali, V. (2010). Travailler et Etudier. Paris: PUFHeinz, W., R., (2002) “Transition Discontinuities and the Biographical Shaping of Early Work Careers”. Journal of Vocational Behavior. 60, 220–240. doi:10.1006/jvbe.2001.1865Helkama, K. (1999). Recherches récentes sur les valeurs. In W. Doise, N. Dubois, J.L. Beauvois, & A. Boukar-roum (Eds). La construction sociale de la personne. (pp. 61-73). Grenoble : Presses Universitaires de Rennes.Kohlberg, L. (1981). Essays on Moral Development, Vol. I: The Philosophy of Moral Development. San Francisco, CA: Harper & Row.Lafl amme, C. (1993). La formation et l’insertion professionnelles, enjeux dominants dans la société post-in-dustrielle. Québec : les Editions du CRP, Université de Sherbrooke. Levinson, D. (1978). The seasons of a man’s life. New York: Ballantine Books editions.Méhaut, P., Monaco, A., Rose, J. & al. (1987). La transition professionnelle. Paris: L’Harmattan.Monteiro, S. & Almaida, L.S, (2015). The relation of career adaptability to work experience, extracurricular activities ad work transition in Portuguese graduate students. Journal of Vocational Behavior, 91. 106-112.Petot, P. & Braley, E., (2012). Formations transversales en ESS et insertion professionnelle. Rapport d’études. Paris : Observatoire de l’ESS/NCRES.Piaget, J., (1985). Le jugement moral chez l’enfant. Paris: Presses Universitaires de France.Philips, S. D, Blustein, D.L., Jobin-Davis, K., Finkelberg White, S. (2002). Preparation for the school to work transition: The views of high school students. Journal of Vocational Behavior, 61, 202-216. Doi: 10.1006/jvbe.2001.1853.Rose, J., (1996). L’organisation des transitions professionnelles, entre socialisation, mobilisation, et recompo-sition des rapports de travail et d’emploi. Sociologie du travail. 1, 61-79.Savickas, M. L. (2005). “The Theory and Practice of Career Construction.” Pp. 42-70 in Career Development and Counseling: Putting Theory and Research to Work, edited by S. D. Brown and R. W. Lent. Hoboken, NJ: John Wiley & Sons. Schwartz, S. (2006). Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications. Revue française de sociologie. 4. 929-968. DOI 10.3917/rfs.474.0929Sortheix, F.M. Chow, A. Salmela-Aro, K., (2015) Work values and the transition to work life: A longitudinal study. Journal of Vocational Behavior. 89, 162–171.Tostain, M. (1999). Psychologie morale et culture : l’évolution de la morale de l’enfance à l’âge adulte. Grenoble : PUG.Yanjum Guan, Hong Deug, et al. (2013). Career adaptability, job search, self-effi cacy and outcomes: a three-wave investigation among Chinese university graduates. Journal of vocational behavior. 83. 561-570

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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES 45

–CARACTÉRISTIQUES DES JEUNES DIPLÔMÉS–

– Tableau 1–Description de la population interrogée

Louise Line Sofi a Patrick

Sexe F F F M

Âge 25 31 23 26

Formation Ecole de commerce + Formation d’ingénieur en éco conception en cours

Sciences Politiques section Relations internationales

Etudes d’économie puis master de Marketing et Commerce.Stage en campus coopératif international

Dut GEA, licence Economie gestion et master Manage-ment de l’ESS

Situation au moment de l’enquête

Est en alternance dans une SCOP ESS

Travaille dans une Ruche qui dit Oui

En formation. Formation en alternance. Travaille dans une entreprise d’insertion.

Parents CommerçantsHostiles à ses projets dans l’ESS et ONG

Enseignantsont beaucoup voyagébénévoles

Opposés à ses engagements Mère infi rmière et père technicien

Expériences de bénévolat

En Inde pendant son année de césure

Associatifs dans le domaine du décrochage scolaire

Au lycée et a été réserviste à l’armée

Expériences à l’étranger

En Inde volontariat inter-national

Afrique Est marocaine et a fait une formation ESS en France

Non

Expériences de travail

Travaille comme ingénieure dans une coopérative

A Travaillé dans une associa-tion lutte contre la maladie et maintenant change pour une Ruche

Travaille en alternance dans une entreprise d’insertion

Intérêts Le développement,Ecoconception,l’environnement

Décrochage scolaire, protec-tion de l’enfance

Le social

Projets Travailler à l’étranger dans une ONG en lien avec l’envi-ronnement

Déçue des emplois dans l’ESS mal payés. Envisage de rentrer dans l’Education Nationale

Créer sa structure ESS Diriger une association, puis créer sa structure dans le social

Le tableau ci-dessous résume en détail les profi ls et les formations supérieures suivies par chacun des inter-viewés, ainsi que les expériences développées et les projets.

Page 48: Etude Apec - Ces jeunes diplômés qui s'intéressent à l'ESS : enjeux et perspectives

ANNEXES–3–

APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES46

– Tableau 1–Description de la population interrogée

Joris Bella Clara Moktar

Sexe M F F M

Âge 25 26 28 25

Formation Master 2 en Marketing et Communication

Hypokhâgne, Khâgne-Li-cence et Master en ESS

Géographie, et L3 en socio-logie, Master ESS

Ecole de commerce section fi nances

Situation au moment de l’enquête

Travaille dans une associa-tion secteur handicap

Sans emploi et dirige son association dans le théâtre.

Travaille comme chargée des relations entreprises et évènements dans une université.

En recherche d’emploi

Parents Mère infirmière, père, secré-taire mairie.

architectes Père très engagé dans le bénévolat

Parents bénévoles Croix rouge

Expériences de bénévolat

Associations d’enfants malades

Dans des troupes de théâtre Aide lors de festivals et intervient dans une SCOP qui réhabilite des gares

Pompier volontaireBénévolat à la croix rouge

Expériences à l’étranger

Non Non En Irlande, a travaillé dans des bars et dans des festivals

3 mois en Afrique du Sud en orphelinatAnnée de césure en Inde

Expériences de travail

Travaille actuellement dans une associationA travaillé comme aide-soignant

Petits boulots dans le théâtre

A eu deux CDD dans 2 universités, comme chargée de projetAnimation dans des asso-ciations

Un CDD dans une entreprise en fusion-acquisition-fi nancier

Intérêts Aider les enfants et les personnes âgées

Théâtre Musique, festivals L’action sociale

Projets Travailler comme indépen-dant dans l’immobilier et se consacrer à une association sur son temps libre

Créer une SCOP pour mutualiser la gestion des compagnies de théâtres.

Faire une thèse ou travailler dans l’ESS à l’étranger

Travailler dans la fi nance solidaire, à l’étranger

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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES 47

– Tableau 1–Description de la population interrogée

Charlotte Anne Solal Cathy

Sexe F M

Âge 27 28 27 25

Formation Ecole de Commerce et mas-ter ESS en cours

Licence 3 de sociologie et master politiques interna-tionales

Droit et Master en Sciences Politiques.

Licence 3 et M1 Lettres Modernes. Master LEA Lan-gues et ESS.

Situation au moment de l’enquête

En formation en alternance/travaille dans un laboratoire d’université

Chargée de mission dans un syndicat

Passe des concours d’Attaché territorial

En recherche d’emploi

Parents Grand-mère impliquée dans le bénévolat

Père géologue et mère socio esthéticienne qui ont tou-jours voyagé avec enfants et impliqués dans des ONG

Mère aide-soignante Impliqués dans des associa-tions, père syndicaliste

Expériences de bénévolat

Intervenante en Cigales (Club d’investisseurs)

Non Création de sites web pour l’ESS

Impliquée dans une associa-tion de promotion du vélo

Expériences à l’étranger

Année de césure au Sénégal Un an aux USA3 ans dans une ONG à Madagascar

Non Erasmus en Grande Bretagne

Expériences de travail

En alternance. Entreprise : Université

Chargée de mission dans un syndicat

A crée une entreprise de conseil aux collectivités territoriales

A travaillé 2 ans comme prof de lycée, 3 mois dans une collectivité, a fait un service civique sur la coordination de réseaux Développement Durable.

Intérêts Aider à construire des projets

Développer des activités intellectuelles

L’agro-écologie, la nature Promotion des transports propres - vélo

Projets Faire de la coopération internationale

Thèse ou travailler dans une ONG

Etre attaché territorial, vivre à la campagne et avoir des engagements bénévoles à côté.

Travailler dans la gestion de projets, le Développement Durable en lien avec la mobi-lité et l’urbanisme.

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ANNEXES–3–

APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES48

– Tableau 1–Description de la population interrogée

Jeanne Bernard

Sexe F M

Âge 23 23

Formation Dut techniques de commer-cialisation et Licence Droit& Gestion.

Comptabilité-Gestion puis Master ingénierie de l’ESS.

Situation au moment de l’enquête

Assistante administrative dans une association

En formation et gère son association en entrepreneu-riat social.

Parents Bénévoles resto du cœur mère donne des cours d’alphabétisation

Mère a créé sa boulangerie.

Expériences de bénévolat

Non A crée son association qui sensibilise à l’entrepreneu-riat social (Benin)

Expériences à l’étranger

Un an en Australie Originaire du Benin, il a fait une formation en France

Expériences de travail

Secrétaire dans une associa-tion équestre

Gestion de son association « jeunesse Benin »

Intérêts L’élevage de chevaux L’entrepreneuriat social

Projets Partir à l’étranger et avoir un emploi stable, élever des chevaux.

Travailler dans une coopé-rative ou être salarié de son association.

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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES 49

–LE GUIDE D’ENTRETIEN–

–LA GRILLE D’ANALYSE THÉMATIQUE DU CONTENU DES ENTRETIENS–

Thème 1 : Votre parcours de formation et professionnel Thème 2 : Comment avez-vous choisi votre travail actuel ?Thème 2 bis : Décrivez votre activité actuelleThème 3 : Comment évaluez-vous la formation suivie compte tenu de votre projet/ou activité actuelle ?Thème 4 : Comment voyez-vous l’ESS ? C’est quoi pour vous ?Thème 5 : Qu’est ce qui compte pour vous dans un travail ?Thème 6 : Comment voyez-vous votre devenir professionnel ?

I – Le parcours de formation1/ La formation au lycée1.1 Perception de soi comme lycéen1.2 Intérêts scolaires1.3 Choix du Bac2/ Formations post Bac2.1 Formation au niveau Licence 2.1.1 Type de fi lière 2.1.2 Motif de ce choix2.2 Formations de niveau Master 2.2.1 Motifs de choix 2.2.2 Formation dans l’ESS 2.2.3 Formations hors ESS3/ Autres formations suivies3.1 Types de formationDans l’ESS

Hors ESS3.2 Motifs de ces choix4/ Les stages5/ Les expériences de formation à l’étranger6/ Les expériences de « petits boulots » pendant la formation6.1 Expériences dans l’ESS6.2 Expériences hors ESS

II / L’insertion professionnelle1. Les souhaits de primo insertion2. Modes de recherche du premier emploi2.1 Types de services utilisésAteliersPôle emploiEtc.

2.2 Diffi cultés rencontrées dans la recherche d’emploi

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ANNEXES–3–

APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES50

3. Nombre d’emplois occupés depuis la fi n de la formationAucunUn : deuxDeux à quatrePlus de quatre3. Premier emploi trouvé3.1 Emploi dans le secteur de l’ESS 3.1.1 Manière dont il a été trouvé Création de structure Trouvé grâce à un stage 3.1.2 Activités dans ce premier emploi -Prospective Territoriale -Le Conseil aux entreprises 3.1.3 Type d’entreprisesCoopérativeAssociationsEntreprise privéeEtatMutuelle3.14 Evaluation de ce premier emploi

3.2 Emploi hors ESS 3.2.1 Manière dont il a été trouvé 3.2.2 Activités dans ce premier emploi Enseignante de langues en lycée 3.2.3 Type d’entreprises L’Etat 3.2.4 Evaluation de ce premier emploi3.3 Les diffi cultés rencontrées dans ces activités

4. Emplois trouvés ensuite (avant d’intégrer l’emploi actuel)4.1 Emplois dans l’ESS4.1.1 Types d’entreprises4.1.2 Activités4.1.3 Evaluations de ces activités4.2 Emplois hors ESS 4.2.1 Type d’entreprises 4.2.2 Activités/emploi 4.2.3 Evaluations

III – La situation au moment de l’entretien1/ Situation de recherche d’emploi• Durée de la recherche d’emploi• Mode de recherche d’emploi• Emploi/activités recherchées• Diffi cultés rencontrées2/ Situation d’emploi• Expérience dans l’emploi actuel• Type d’entreprise• Activité/intitulé de l’emploi• Evaluation de la situation actuelle

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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES 51

IV – Les engagements hors travail/le bénévolat 1/ Les engagements politiques2/ Les engagements sociaux/associatifs3/ Les engagements humanitaires/ONG4/ Les engagements militants non politiques

V – Les attentes professionnelles futures1/ Les attentes professionnelles1.1 Type d’emploi recherché1.2 Type d’activités recherchées1.3 Type d’entreprise souhaité1.4 Motif de ces attentes1.5 Stratégies envisagées pour y parvenir2/ Attentes sur le plan personnel2.1 Choix de vie2.2 Les engagements futurs3/ Réponses à la question « Qu’est-ce que vous attendez d’un travail »/qu’est ce qui compte pour vous dans un travail ?

VI – Les représentations du secteur de l’ESS1/ Travailler avec l’humain2/ L’argent est secondaire3/ Une alternative sociale

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APEC – CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES52

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–CES JEUNES DIPLÔMÉS QUI S’INTÉRESSENT À L’ESS : ENJEUX ET PERSPECTIVES–

Le Cnam, en partenariat avec l’Apec, a mené une enquête auprès d’un échantillon de jeunes en début de carrière dans le secteur de l’Economie Sociale et Solidaire ou désirant s’y insérer.• Quelles sont leurs motivations professionnelles pour s’engager dans ce secteur ?• Quelle est leur représentation du secteur ?• Comment envisagent-ils leur trajectoire dans ce secteur ?

ISBN 978-2-7336-0954-5OCTOBRE 2016

www.apec.fr

Étude réalisée dans le cadre d’un partenariat de recherche avec Valérie Cohen-Scali (Cnam-CRF et CRTD).Avec la collaboration de Naima Adasse, Cécile de Calan et David Mahut (Cnam-CRF et CRTD).

Équipe projet du département études et recherche de l’Apec : Claire Margaria et Raymond PronierDirection du département : Pierre Lamblin

ASSOCIATION POUR L’EMPLOI DES CADRES51 BOULEVARD BRUNE – 75689 PARIS CEDEX 14

POUR CONTACTER L’APEC

DU LUNDI AU VENDREDI DE 9H À 19H

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0171

–10.

16

N°2016-45OCTOBRE 2016

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