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0123 MARDI 1 ER MARS 2016 Le gouvernement tente de déminer le débat sur la sélection en master Un décret doit être publié en avril pour « sécuriser » les fili ères sélectives L a sélection des étudiants en master avait jusqu’ici été to- lérée discrètement. Depuis que le Conseil d’Etat a confirmé, dans un avis du 10 février, qu’elle ne reposait sur aucune base légale, le débat monte. Le secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur, Thierry Mandon, a immédiate- ment annoncé qu’un décret serait pris pour « sécuriser le fonctionne- ment actuel », c’est-à-dire valider les procédures sélectives, dont une liste doit être rendue au ministère par la Conférence des présidents d’université (CPU) le 14 mars. Ce décret sera soumis pour avis au Conseil national de l’enseigne- ment supérieur et de la recherche le 18 avril, avant publication. Cette réaction n’a pas fait dégon- fler la polémique, car derrière la sé- lection en master se cache l’enjeu, sensible lui aussi, de la réorganisa- tion du cycle. Face aux demandes des universitaires, la ministre de l’éducation nationale Najat Val- laud-Belkacem et M. Mandon ont annoncé une « concertation » sur l’organisation du master après la publication du décret. Le gouvernement marche sur des œufs. Devant les députés, le 17 février, M me Vallaud-Belkacem a pris soin de déclarer la sélection « rétrograde » et de préciser que la liste des masters sélectifs figurant dans le décret sera « très limita- tive ». « La sélection en master existe, assumons-la ! », a répondu le lendemain la CPU dans un com- muniqué, demandant qu’un pro- cessus de sélection intervienne dès la fin de la licence. Ce qui re- viendrait à poser la question une année plus tôt qu’aujourd’hui… La plupart des procédures de sé- lection – et celles qui ont été atta- quées devant les tribunaux admi- nistratifs – ont lieu entre la pre- mière année du master (M1) et la seconde (M2). Cette division est une subtilité hexagonale. La France adhère depuis 2002 au sys- tème européen harmonisé Licen- ce-Master-Doctorat (LMD, en trois, cinq et huit ans après le bac). Mais le système sélectif qui existait na- guère après la maîtrise (bac + 4, soit l’équivalent du M1) a pu perdurer dans certaines spécialités. De plus, les recrutements des concours d’enseignement ont lieu après le M1. Et l’obtention du master vaut titre d’exercice en psychologie. En ces temps de disette budgé- taire, appliquer la sélection dès l’entrée en master pourrait inciter à restreindre le nombre de places. Alors qu’aujourd’hui, leur total (140 000 en M1 et 130 000 en M2) permet à presque tous les M1 qui le souhaitent de trouver une place en M2. Opposé à la généralisation de la sélection, le syndicat étu- diant UNEF redoute que celle-ci ne se renforce si elle était avancée d’un an. Et la FAGE défend la créa- tion d’un portail d’admission of- frant à chaque étudiant une place pour deux ans dans un master compatible avec sa licence. Rendre la licence plus difficile ? Les universités qui reçoivent le plus de demandes d’inscriptions en M1, et qui pratiquent déjà la sé- lection, s’y opposent. « Nous avons plus d’élèves en M1 qu’en licence car nous avons une véritable attracti- vité en master. Si on ne peut plus sé- lectionner, on va introduire une inégalité en ne prenant plus que nos étudiants », prévient Bruno Sire, président de Toulouse-I Capi- tole. Il est l’un des porte-parole de la coordination des 16 universités dites « intensives en recherche » (Curif) selon lesquelles refuser la sélection à l’entrée en master « aboutirait à augmenter l’échec en licence, considérée comme l’exa- men d’entrée en master ». Une forme de mise en garde au gouver- nement : nous pouvons aussi ren- dre la licence plus difficile… « 22 pays européens ont laissé leurs universités déterminer les conditions d’entrée dans leurs mas- ters », avance Jean Chambaz, prési- dent de l’Université Pierre et Marie Curie (Paris-VI). La sélection post- licence est aussi soutenue par des enseignants-chercheurs, qui ont publié une pétition en ligne : « Pen- dant que les universités devront as- sumer le poids de la non-sélection, nos “grandes écoles” et nos “grands établissements” pourront tranquil- lement attirer les étudiants jugés les plus capables et leur conférer le grade de master », protestent-ils. En annonçant une concertation « dans les prochains mois », les mi- nistres repoussent d’éventuels changements à la rentrée 2017 pour se prémunir d’une crise. Il n’est pas sûr que le débat s’éteigne si facilement. p adrien de tricornot annoté ERIC LEGER

Universités - Master choisi ou subi ?

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0123MARDI 1ER MARS 2016

Le gouvernement tente de déminer le débat sur la sélection en masterUn décret doit être publié en avril pour « sécuriser » les filières sélectives

L a sélection des étudiants enmaster avait jusqu’ici été to-lérée discrètement. Depuis

que le Conseil d’Etat a confirmé, dans un avis du 10 février, qu’elle ne reposait sur aucune base légale,le débat monte. Le secrétaire d’Etatà l’enseignement supérieur, Thierry Mandon, a immédiate-ment annoncé qu’un décret serait pris pour « sécuriser le fonctionne-ment actuel », c’est-à-dire valider les procédures sélectives, dont uneliste doit être rendue au ministère par la Conférence des présidents d’université (CPU) le 14 mars. Ce décret sera soumis pour avis au Conseil national de l’enseigne-ment supérieur et de la recherche le 18 avril, avant publication.

Cette réaction n’a pas fait dégon-fler la polémique, car derrière la sé-lection en master se cache l’enjeu, sensible lui aussi, de la réorganisa-tion du cycle. Face aux demandes des universitaires, la ministre de l’éducation nationale Najat Val-laud-Belkacem et M. Mandon ont annoncé une « concertation » sur l’organisation du master après la publication du décret.

Le gouvernement marche surdes œufs. Devant les députés, le 17 février, Mme Vallaud-Belkacem a pris soin de déclarer la sélection « rétrograde » et de préciser que la liste des masters sélectifs figurant dans le décret sera « très limita-tive ». « La sélection en master existe, assumons-la ! », a répondu lelendemain la CPU dans un com-muniqué, demandant qu’un pro-cessus de sélection intervienne dès la fin de la licence. Ce qui re-viendrait à poser la question une année plus tôt qu’aujourd’hui…

La plupart des procédures de sé-lection – et celles qui ont été atta-quées devant les tribunaux admi-nistratifs – ont lieu entre la pre-mière année du master (M1) et la seconde (M2). Cette division est une subtilité hexagonale. La France adhère depuis 2002 au sys-tème européen harmonisé Licen-ce-Master-Doctorat (LMD, en trois, cinq et huit ans après le bac). Mais le système sélectif qui existait na-guère après la maîtrise (bac + 4, soitl’équivalent du M1) a pu perdurer dans certaines spécialités. De plus, les recrutements des concours d’enseignement ont lieu après le M1. Et l’obtention du master vaut titre d’exercice en psychologie.

En ces temps de disette budgé-taire, appliquer la sélection dès l’entrée en master pourrait inciterà restreindre le nombre de places. Alors qu’aujourd’hui, leur total(140 000 en M1 et 130 000 en M2) permet à presque tous les M1 qui le souhaitent de trouver une placeen M2. Opposé à la généralisation de la sélection, le syndicat étu-diant UNEF redoute que celle-ci ne se renforce si elle était avancée d’un an. Et la FAGE défend la créa-tion d’un portail d’admission of-frant à chaque étudiant une place pour deux ans dans un mastercompatible avec sa licence.

Rendre la licence plus difficile ?

Les universités qui reçoivent le plus de demandes d’inscriptions en M1, et qui pratiquent déjà la sé-lection, s’y opposent. « Nous avonsplus d’élèves en M1 qu’en licence carnous avons une véritable attracti-vité en master. Si on ne peut plus sé-lectionner, on va introduire une inégalité en ne prenant plus que nos étudiants », prévient Bruno Sire, président de Toulouse-I Capi-tole. Il est l’un des porte-parole de la coordination des 16 universités dites « intensives en recherche » (Curif) selon lesquelles refuser la sélection à l’entrée en master « aboutirait à augmenter l’échec enlicence, considérée comme l’exa-men d’entrée en master ». Une forme de mise en garde au gouver-nement : nous pouvons aussi ren-dre la licence plus difficile…

« 22 pays européens ont laisséleurs universités déterminer les conditions d’entrée dans leurs mas-ters », avance Jean Chambaz, prési-dent de l’Université Pierre et MarieCurie (Paris-VI). La sélection post-licence est aussi soutenue par des enseignants-chercheurs, qui ont publié une pétition en ligne : « Pen-dant que les universités devront as-sumer le poids de la non-sélection, nos “grandes écoles” et nos “grandsétablissements” pourront tranquil-lement attirer les étudiants jugés les plus capables et leur conférer le grade de master », protestent-ils.

En annonçant une concertation« dans les prochains mois », les mi-nistres repoussent d’éventuels changements à la rentrée 2017 pour se prémunir d’une crise. Il n’est pas sûr que le débat s’éteignesi facilement. p

adrien de tricornotannoté ERIC LEGER

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