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Diversification des ailes de papillons Morphos

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Page 1: Diversification des ailes de papillons Morphos

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Page 2: Diversification des ailes de papillons Morphos

Diversification des ocelles des papillons Morphos

- Une approche morphométrique et colorimétrique -

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RÉSUMÉ

Les ocelles sont des motifs caractéristiques des ailes de papillons Nymphalidae, faits de cercles decouleur concentriques. Leur rôle écologique reste débattu, mais ils semblent impliqués dans desstratégies anti-prédation (intimidation, déflexion des attaques loin des parties vitales) et dans lasélection sexuelle. Le genre de grands papillons néo-tropicaux Morpho est composé de 30 espècesqui peuvent être réparties en deux principaux micro-habitats (espèces de sous-bois vs espèces decanopée). La face ventrale de leurs ailes présente de nombreux ocelles, dont nous étudions ici lagrande diversité au sein de ces deux milieux, en combinant des approches morphométrique,colorimétrique et phylogénétique. Le nombre et la forme des ocelles présentent un signalphylogénétique fort, suggérant une évolution relativement neutre, mais confirment le rôle joué parceux-ci dans le choix du partenaire (pour la taille de l'ocelle notamment) et la différenciation entreespèces (pour la couleur). Nous mettons également en évidence l'existence d'une covariation entrele positionnement des ocelles et la forme globale de l'aile, suggérant l'existence de mécanismesévolutifs et développementaux communs qu'il reste à déterminer.

SUMMARY

Eyespots are prominent elements of Nymphalid butterfly wing patterns, composed of concentriccolored circles. They seem to be involved in anti-predation strategies (intimidation, attacksdeflection away from vital parts) and sexual selection, but their exact ecological role is still debated.Morphos are neo-tropical butterflies, whose species can be classified as belonging to two mainmicrohabitats (understory species vs canopy species). Here, we studied the diversity of the manyeyespots displayed on the ventral side of their wings, combining morphometric, colorimetric andphylogenetic approaches. Number and shape of eyespots show a strong phylogenetic signal,suggesting a neutral evolution but confirm their importance in mate choice (especially the size ofthe eyespot) and differentiation between species (especially the color). We also highlight theexistence of covariation between eyespots’ locations and shape of the wing, suggesting commonevolutionary and developmental mechanisms remaining to be determined.

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Page 4: Diversification des ailes de papillons Morphos

REMERCIEMENTS

Je remercie chaleureusement Vincent Debat et Violaine Llaurens pour leur implication et leursoutien sur lesquels j'ai pu compter tout au long de mon stage.

Merci à Patrick Blandin d'avoir partagé avec moi nombre de ses observations et connaissances surle genre Morpho.

Merci aussi à Raphaël Cornette pour ses conseils sur l'utilisation des outils morphométriques, etSylvain Gerber pour son aide dans le traitement des données, qui m'ont permis d'avancer durant lesphases les plus délicates de mon travail. Merci à Camille Le Roy pour sa bonne humeurquotidienne. Merci à Gustavo Velasco pour sa relecture attentive.

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Page 5: Diversification des ailes de papillons Morphos

SOMMAIREINTRODUCTION...................................................................................................................... 6MATERIEL ET METHODE.....................................................................................................11RESULTATS............................................................................................................................. 19DISCUSSION........................................................................................................................... 26CONCLUSION.........................................................................................................................30BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................... 31ANNEXE.................................................................................................................................. 33

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Page 6: Diversification des ailes de papillons Morphos

INTRODUCTION

En agissant sur les phénotypes, la sélection naturelle influence les chemins développementaux,

souvent complexes, et faisant parfois interagir de nombreux gènes. La comparaison de ces chemins

entre différentes espèces peut permettre de déterminer l'histoire évolutive d'un caractère au sein d'un

groupe. Comprendre comment apparaissent des phénotypes complexes passe nécessairement par la

compréhension de ces mécanismes inhérents à leur apparition.

Au cours des dernières décennies, la biologie évolutive du développement (ou « évo-dévo ») a

connu des avancées importantes chez certains organismes modèles. Par exemple, les nombreux

gènes et leur régulateurs impliqués dans les différences de pigmentations entre espèces de

drosophiles sont désormais bien connus (Massey et Wittkopp 2016) et permettent une

compréhension globale de ces mécanismes développementaux pouvant être utilisés pour l'étude

d'autres groupes d'organismes. C'est par exemple le cas du gène Distal-less, dont le rôle dans la

mise en place des appendices lors du développement a d'abord été découvert chez Drosophila

melanogaster, avant d'être élargi à la majorité des groupes d'insectes. Parmi les Lépidoptères,

Bicyclus anynana est une espèce de papillon en passe de devenir un organisme modèle du groupe

des Nymphalidés, de nombreux travaux ayant été réalisés récemment, notamment sur la génétique

et le développement de ses ailes (e.g. Monteiro 2014). Cependant, d'autres familles de papillons

sont beaucoup moins étudiés. Malgré des découvertes récentes, les bases développementales de la

formation des ailes, ainsi que les contraintes sur leurs variations de forme et de couleur restent

largement inconnues chez une majorité d'espèces et les mécanismes d'apparition des motifs des ailes

sont mal compris. Les ailes de Lépidoptères sont pourtant un organe intéressant pour étudier

l'apparition des phénotypes, du fait de leur développement relativement simple (structure pouvant

être étudiée en « deux dimensions ») et de leur grande diversification de formes, de tailles ou de

colorations. Pour cette raison, elles émergent actuellement comme un modèle approprié pour l'étude

des relations entre processus génétiques et développementaux, ainsi qu'entre processus écologiques

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Page 7: Diversification des ailes de papillons Morphos

et évolutifs (e. g. Macmillan et al. 2002).

Les ocelles sont des éléments caractéristiques des ailes de la famille des Nymphalidés (5000

espèces environ). Constitués d'anneaux concentriques de couleurs, de formes et de tailles variables,

ils rappellent souvent des yeux (d'où leur nom anglais, eyespot). Une étude récente portant sur les

ocelles a permis de déterminer leur origine unique au sein des Lépidoptères, d'abord sur la face

ventrale il y a environ 90 Ma (Monteiro 2015). Leur nombre, leur position et leur aspect se sont

ensuite largement diversifiés dans les espèces actuelles (voir Figure 1).

Figure 1 : Aperçu de la diversité du nombre, de la taille et de l'emplacement des ocelles au sein d'espèces de

la famille des Nymphalidés (d'après Oliver et al. 2012).

Différents modèles mathématiques existent, permettant d'expliquer et de prédire le développement

des ocelles. Parmi ceux-ci, le modèle de développement par réaction-diffusion est le plus

couramment admis (Saenko et al. 2008, Beldade et Brakefield 2002). Mis au point par Alan Türing

en 1952, ce modèle théorique montre que la diffusion d'un ou plusieurs agents chimiques dans les

tissus organiques peut suffire à expliquer la formation de nombreux motifs observés notamment lors

du développement embryonnaire. En supposant que la concentration et l'abondance relative des

morphogènes induisent différentes réactions dans les cellules concernées, Türing parvient à

modéliser de très nombreux motifs du monde animal : ceux des coquillages, des plumes, de la peau

des poissons ou des ailes de papillon notamment (voir Encadré 1). Ce modèle a été vérifié

empiriquement de nombreuses fois, sur une grande diversité d'organismes, ce qui en fait le modèle

le plus sérieux permettant d'expliquer la formation et l'auto-régulation d'une large variété de motifs

(Kondo et Miura 2010). Cependant, d'autres modèles ont également été proposés, comme le modèle

par induction (Otaki, 2011).

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Page 8: Diversification des ailes de papillons Morphos

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Encadré 1 : Formation des ocelles selon le modèle par réaction-diffusion

Pour expliquer la formation des ocelles, ce modèle

suppose la diffusion d'un médiateur chimique au niveau

d'un point focal, le centre du futur ocelle, autour duquel

se crée un gradient de concentration (représenté sur la

Figure 2). Après diffusion, ce médiateur va réagir et

induire la synthèse d'écailles de couleurs différentes

selon sa concentration. Une grande diversité de

phénotypes peut alors apparaître simplement par

modification de la concentration en médiateur, de la

réactivité de celui-ci avec le tissu cellulaire ou du seuil

de concentration T délimitant la synthèse d'un pigment.

Figure 2 : Représentation schématique de la structuration d'un ocelle par diffusion d'un médiateur chimique

(d'après Beldade et Brakefield 2002). La concentration de ce médiateur (représentée en bas) à partir d'un

point focal, va entraîner la synthèse d'écailles de couleurs différentes en fonction d'un ou plusieurs seuils de

concentration (seuils T).

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Le modèle de Türing suppose l'expression de morphogènes induisant le signal de développement

des ocelles. De Celis (2003) a montré le rôle joué par les nervures dans la circulation d'hormones et

l'expression des gènes lors du développement de l'aile. Le point focal des ocelles, d'où le signal de

développement est induit, ne se situe jamais sur une veine, mais au contraire entre celles-ci.

Considérer le développement des ocelles comme induit par la présence de signaux positionnel

exprimés au niveau des nervures revient aussi à questionner leur indépendance entre eux, et donc

l'intégration de leur régulation. Selon Beldade et al. (2002), les différents motifs des ailes (ocelles

mais aussi chevrons, bandes) seraient d'abord apparus comme des répétitions homologues, avant

d'acquérir une indépendance de développement. Mais Oliver (2014) semble plutôt montrer que les

ocelles se sont déployés et multipliés de façon indépendante à partir d'un unique ocelle ancestral. La

question des mécanismes de cette individualisation et des pressions de sélection sous-jacentes sont

donc toujours d'actualité.

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Page 9: Diversification des ailes de papillons Morphos

Questionner les covariations entre les ailes et les ocelles revient à s'interroger sur les mécanismes,

plus ou moins intégrés, de leur développement. Plus généralement, au-delà de la nervation, c'est

toute la forme et la taille de l'aile qu'il faut prendre en compte pour appréhender le développement

des ocelles. Faut-il s'attendre à ce que la position des ocelles varie avec la forme de l'aile ? Existe-t-

il des effets allométriques (c'est-à-dire des covariations entre la forme et la taille des ocelles) ou

bien celle-ci varie-t-elle proportionnellement à celle de l'aile ?

Répondre à ces questions et comprendre l'apparition et la diversification des ocelles nécessite la

prise en compte aussi bien de ces processus développementaux que de leur impact sur la valeur

sélective des individus qui les portent. Or, ces derniers restent débattus, d'autant que le rôle joué par

les ocelles peut varier selon leur aspect, leur nombre ou leur taille, et a pu varier au cours de

l'évolution. Une hypothèse suggère que leur ressemblance avec des yeux servirait à effrayer et

éloigner les prédateurs. Si cette hypothèse a déjà été vérifiée plusieurs fois (e. g. Steven et al. 2007),

et semble s'appliquer en particulier au gros ocelles centraux, elle a aussi été invalidée par certaines

études, dont notamment celle de Steven et al. (2007). En mesurant les taux d'attaques de faux

papillons aux ocelles en forme de cercles, carrés ou triangles, ils ont montré que ce n'est pas la

ressemblance des ocelles avec des yeux qui éloigne les prédateurs, mais plutôt la stimulation

optique créée par de tels motifs. Cette hypothèse de la stimulation optique pourrait permettre

d'expliquer l'apparition d'autres types de motifs (chevrons et bandes par exemple). Les ocelles situés

près du bord extérieur de l'aile peuvent aussi servir à la déflexion des attaques loin des parties

vitales, comme l'ont montré Olofsson et al. (2010) en observant la partie du corps attaquée par une

mésange en fonction de la position de l'ocelle sur l'aile et sous différents types de lumière (UV ou

visible).

Il semble d'une manière générale que les ocelles soient d'abord apparus comme un mécanisme anti-

prédateur sur la face ventrale, avant de devenir aussi un signal sexuel sur la face dorsale, visible en

vol (Oliver et al. 2009). En effet, le rôle joué par les ocelles dorsaux dans le choix du partenaire a

aussi été démontré. Casper et al. (2002) ont par exemple montré l'importance de la taille des ocelles

dorsaux dans le choix des femelles, en comparant le taux d'appariement d'individus aux phénotypes

extrêmes chez Bicylcus anynana. Chez cette même espèce, Robertson et Monteiro (2005)

montraient que le choix des mâles se faisait notamment en fonction de la taille et de la réflexion

ultraviolette de la partie centrale des ocelles dorsaux. Les résultats sont plus aléatoires pour la face

ventrale et aucun rôle de la sélection sexuelle sur les ocelles ventraux n'a pu être démontré à ce jour.

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Page 10: Diversification des ailes de papillons Morphos

Les avantages sélectifs procurés par la présence d'ocelles sur les ailes semblent multiples et

variables. Cette diversité de fonctions peut en partie expliquer leur diversité phénotypique, mais

rend la compréhension de leur évolution plus complexe, car soumise à différentes forces évolutives.

Cette étude cherchera à décrire l’évolution des ocelles au sein d'un genre de papillons : les

Morphos (Fabricius 1807 ; Nymphalidae). Il s'agit d'un genre monophylétique de grands papillons

néotropicaux (30 espèces), bien connus pour leur couleur dorsale bleue iridescente caractéristique.

Leur face ventrale, plus discrète, généralement brunâtre, présente de nombreux ocelles, dont le

nombre, la taille, la forme et la composition colorée est très diversifiée au sein de ce groupe (Voir

Annexe 1). Les ocelles connaissent une diversification spectaculaire dans ce taxon (Blandin 1993 et

2007), ce qui en fait un groupe idéal pour comprendre les mécanismes impliqués dans l'évolution de

ce trait complexe.

Les Morphos vivent dans les forêts humides d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale, et peuvent

être grossièrement séparés en deux groupes correspondant à deux micro-habitats : les espèces qui

volent haut dans la canopée et adoptent un vol principalement plané (10 espèces) et les espèces

volant principalement en sous-bois et adoptant généralement un vol battu (20 espèces, DeVries et al.

2010). Bien que cette séparation soit discutable (la hauteur de vol des papillons est très variable),

elle semble être validée par l'étude de la phylogénie du groupe : les espèces de canopée et celles de

sous-bois correspondent aux deux principales branches de l'arbre phylogénétique. Une

différenciation de la forme et de la taille de l'aile au sein de ces deux groupes a également été

observée, probablement en réponse aux contraintes exercées par les deux micro-habitats sur le type

de vol (DeVries et al. 2010). Les ailes antérieures des papillons de canopée sont plus longues et

étroites que celle des papillons de sous-bois aux ailes légèrement plus circulaires et courtes. À

l'inverse, les ailes antérieures semblent élargies chez les espèces de sous-bois, mais souvent plus

courtes chez les espèces de canopée (Chazot et al. 2016, voir Annexe 2).

Nous supposons ici que le développement des ocelles est lié à la forme de l'aile et testerons dans

quelle mesure le micro-habitat influence l’évolution des ocelles, et ce en lien avec la forme et la

nervation de l’aile. Étant donné que la phylogénie du genre Morpho recoupe parfaitement la

distinction écologique entre espèces de canopée et espèces de sous-bois, nous veillerons à distinguer

dans nos analyses les différences de formes et de couleurs réellement imputables à une sélection

divergente entre ces deux micro-habitats et celles correspondant simplement à la diversification

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Page 11: Diversification des ailes de papillons Morphos

brownienne d'un caractère neutre le long des branches de la phylogénie.

Ce projet de recherche propose donc d'étudier les influences croisées de différents facteurs sur

l'évolution des ocelles des papillons du genre Morpho. En particulier, nous testerons l'influence de

la forme des ailes et de leur nervation dans le nombre, l'emplacement, la forme et la couleur des

ocelles (ce qui revient à interroger les mécanismes sous-jacents de leur développement et leur lien

supposé avec le développement de l'aile). Nous testerons également l'effet du micro-habitat sur les

ocelles, en supposant que la différenciation des ocelles est le fruit d'une adaptation à ces micro-

habitats : adaptation indirecte via un lien développemental avec la forme de l’aile elle-même

adaptée aux micro-habitats, ou adaptation plus directe des ocelles à des pressions de sélection

différentes sur les ocelles entre ces micro-habitats (luminosité, communauté de prédateurs). Enfin,

le signal phylogénétique associé à ces différents caractères sera estimé, afin de distinguer l'effet de

la phylogénie (diversification brownienne) de celui du micro-habitat (sélection directionnelle

supposée) sur l'évolution des ocelles.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

773 mâles et 298 femelles (1071 individus au total) de la collection du Muséum national d'Histoire

naturelle ont été utilisés, représentant les deux sexes de chacune des 30 espèces de Morpho (sauf M.

niepelti pour lequel aucune femelle n'était disponible – voir Annexe 3). Les photographies (M.

helenor : Zilbermann, 2015, non publié, toutes les autres espèces : Panara, 2015, non publié ; voir

aussi Chazot et al. 2016) ont été prises avec un appareil Nikon D90 muni d'un objectif macro,

associées à une échelle millimétrée. Les ailes ont été placées perpendiculairement à l'objectif, afin

d'éviter toute déformation due à la perspective, et avec une lumière constante.

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Page 12: Diversification des ailes de papillons Morphos

I) Dénombrement des ocelles

Nous avons pu observer 15 emplacements où les ocelles

peuvent se trouver, communs à toutes les espèces de Morphos

et délimités par des nervures (9 sur l'aile postérieure et 6 sur

l'aile antérieure, voir Figure 3). La présence ou l'absence

d'ocelles a été relevée à ces 15 emplacements, pour chaque

individu, selon un principe de comptage présenté en Annexe 4.

Figure 3 : Schéma des 15 zones définies pour le décompte des ocelles

(d'apres Nijhout 1992).

II) Morphométrie appliquée à la position des ocelles

Les méthodes de la morphométrie géométrique permettent de caractériser la forme des organismes

et de quantifier sa variabilité. On entend par forme l'ensemble des composantes géométriques d'un

objet à l'exception de sa taille, son orientation et sa position (définition mathématique du terme par

Klingenberg 2010). Il s'agissait ici d'étudier le positionnement des ocelles en fonction de la forme

de l'aile. Nous avons utilisé une approche courante, consistant à placer des landmarks, ou points-

repères que l'on peut repérer sur tous les spécimens (Bookstein 1991). Ces points homologues ont

été placés manuellement sur toutes les photos et digitalisés grâce au logiciel tpsDig2 (Rohlf et Slice

2010).

Les deux ailes (antérieure et postérieure gauches) ont été étudiées séparément. Des jeux de données

déjà existants, comprenant 44 landmarks antérieurs et 29 postérieurs, disposés sur le contour des

ailes ainsi qu'à l'intersection de certaines nervures ont été utilisés pour quantifier les variations de la

structure des ailes. Ils ont été constitués par Zilbermann et Panara (2015, voir aussi Chazot et al.

2016). Des landmarks correspondants aux centres des différents ocelles (point focal supposé) ont

été ajoutés à ces jeux de données, afin de pouvoir étudier à la fois la position des ocelles et la forme

de l'aile.

Sur les spécimens naturalisés dont nous disposions, les deux ailes se chevauchent légèrement, si

bien que la marge de l'aile postérieure ne peut être complètement visible que sur la face ventrale, et

inversement la marge de l'aile antérieure n'est visible que sur la face dorsale. Les points placés sur

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Page 13: Diversification des ailes de papillons Morphos

l'aile antérieure par Chazot et al. (2016) ont donc été disposés sur les photos en vue dorsale. Les

ocelles n'étant présents que sur la face ventrale, nous avons placé les landmarks au centre des

ocelles sur cette face puis procédé, pour l'aile antérieure, à une inversion et une superposition de ces

landmarks avec ceux de la structure de l'aile (voir Annexe 5).

De plus, ne pouvant comparer que des individus possédant le même nombre de landmarks, nous

n'avons finalement gardé dans notre analyse qu'un jeu de 7 landmarks (3 pour l'aile antérieure et 4

pour l'aile postérieure, voir Figure 2) et avons choisi d'éliminer tous les individus ne possédant pas

ce jeu d'ocelles. Ce nouveau jeu de données comprenait 274 individus de 23 espèces (espèces

manquantes : M. amphitryon, M. portis, M. marcus, M. zephyritis, M. aega, M. polyphemus, et M.

eugenia).

Chaque point a été défini comme landmark ou semi-landmark à l'aide du logiciel tpsUtil, selon qu'il

s'agissait d'un point d'homologie vraie ou non (landmarks aux centres des ocelles, aux intersections

et aux extrémités des veines, semi-landmarks sur les contours).

Une superposition Procrustes (Rohlf et Slice 1990) a ensuite été effectuée sur les configurations de

points, grâce au logiciel TPSrelw (Rohlf 2014). Cette transformation des données permet de

s'affranchir des différences de taille, de positionnement et d'orientation pour que seules les

variations de formes entre individus subsistent et puissent être comparées (voir Annexe 6). Les

nouvelles coordonnées, dites coordonnées Procrustes, constituent les variables utilisées

conjointement dans les analyses statistiques multivariées.

Au cours de la superposition Procrustes, la position des semi-landmarks est artificiellement

modifiée le long de la tangente à la courbe (on les fait glisser, d'où leur nom de « sliding

landmarks ») et l'énergie de déformation (« bending energy ») est minimisée pour calculer une

position stable sur cette tangente. Une fois stabilisés, ils sont traités comme de vrais landmarks, ce

qui permet l'utilisation d'une méthodologie uniforme pour l'analyse des contours et des points de

repère.

Deux superpositions différentes ont été effectuées, correspondant à deux types d'analyses :

l'ensemble des données a d'abord été superposé en une seule fois (voir Figure 4), puis les données

« ocelles » et « structure de l'aile » ont été séparées et deux superpositions distinctes ont été faites.

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Page 14: Diversification des ailes de papillons Morphos

Dans tous les cas, la covariation entre ces deux ensembles de données a été étudiée après

superposition.

Figure 4 : Représentation du jeu de

données qui a été étudié pour l'aile

postérieure, après une superposition

Procrustes commune de tous les

landmarks. Chaque nuage de couleur

correspond à l'emplacement d'un

landmark sur l'ensemble des 274

individus étudiés ici, après

superposition (la surface de chaque

nuage décrit donc la variabilité de

position de chaque landmark). On

distingue les landmarks de structure

de l'aile (déjà placés par Zilbermann

et Panara) des landmarks placés au

centre de 4 ocelles communs aux 274

individus.

La taille a été quantifiée par la taille centroide (racine carrée de la somme des carrés des distances

des landmarks au centre de gravité de la configuration). Il s'agit d'une mesure standard de taille,

utilisée en morphométrie géométrique, qui a été sauvegardée avant superposition et analysée.

III) Morphométrie appliquée à la forme d'un ocelle

La forme du contour d'un seul ocelle de l'aile postérieure a été

étudiée pour la totalité des espèces (il s'agit de l'ocelle indiqué par

une flèche sur la Figure 5, commun à l'ensemble des individus de

l'échantillon). Seuls 15 individus par espèce ont été tirés au hasard

et étudiés (en respectant un sex-ratio équilibré). Pour chaque

individu, à l'aide du logiciel Adobe Photoshop Eléments 8.0,

l'ocelle a été détouré, une barre d'échelle de 3 millimètres à été

ajoutée à chaque photo, pour que l'information de la taille de

l'ocelle ne soit pas perdue.

Figure 5 : Ocelle homologue choisi pour l'étude du contour (indiqué

par une flèche sur un Morpho cisseis).

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Page 15: Diversification des ailes de papillons Morphos

150 landmarks ont été placés selon un emplacement régulier le long du contour de l'ocelle, dans le

sens horaire, grâce à un processus semi-manuel permis par le logiciel tpsDig2 (le contour est défini

à la main, mais les points sont automatiquement placés à espacement régulier), ainsi qu'un

landmark au centre de l'ocelle. 149 des 150 landmarks du contour ont ensuite été convertis en semi-

landmarks et une superposition Procrustes a été réalisée (selon la

méthode indiquée plus haut) et dont le résultat est présenté sur la

Figure 6. Parallèlement, la taille centroide de chaque ocelle a été

calculée.

Figure 6 : Résultat de la superposition Procrustes de 149 semi-landmarks et

2 landmarks du contour et du centre de l'ocelle, pour 15 individus par

espèce.

IV) Colorimétrie

L'étude colorimétrique a porté sur le même ocelle que l'étude morphométrique de la forme d'un

ocelle (ocelle de l'aile postérieure, indiquée par une flèche sur la Figure 3), mais cette fois

l'ensemble des 1071 individus a été étudié.

Les couleurs des photos dont nous disposions étaient enregistrées selon le mode RVB (rouge – vert

– bleu, soit pour chaque pixel un indice allant de 0 à 255 pour chacune de ces trois couleurs).

L'histogramme de couleurs des pixels de l'ocelle a été établi, avec pour chacune d'elles une valeur

d'intensité moyenne (c'est-à-dire une moyenne de l'intensité de la couleur en question sur tous les

pixels de l'ocelle). La combinaison de ces trois couleurs permet de définir une couleur moyenne de

l'ocelle (le rapport relatif de ces trois valeurs définit la colorimétrie de l'ocelle, tandis que les valeurs

absolues informent sur la luminosité de celui-ci : noir = 0, blanc = 255).

V) Signal phylogénétique

Pour l'analyse du signal phylogénétique, l'arbre du genre Morpho utilisé est celui établi par Chazot

et al. (2016) (voir Figure 7).

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Page 16: Diversification des ailes de papillons Morphos

Figure 7 : Arbre phylogénétique du genre Morpho utilisé,

établi par Chazot et al. (2016).

VI) Analyses statistiques

L'analyse statistique a été réalisée grâce au logiciel

R (R Development Core Team, 2013). Les packages

Rmorph (Baylac, communications personnelles) et

Geomorph (Adams et al. 2015) ont été utilisés pour

les analyses morphométriques (étude des

conformations de landmarks). Des analyses de

variance multivariée (ou MANOVA) ont permis de

tester l'existence de différences significatives entre

papillons de canopée et papillons de sous-bois

(hypothèse H0 : pas de différence significative entre

les deux micro-habitats, H1 : il existe une différence

significative entre les deux micro-habitats pour le

caractère étudié).

La mesure quantitative du signal phylogénétique a été faite grâce à l'indice K (Blomberg et al.

2003). Cet indice correspond au rapport de la variance d'un caractère observé entre les différentes

espèces d'un groupe sur la variance attendue par simple diversification brownienne de ce caractère

le long des branches de l'arbre phylogénétique. Il s'agit donc d'un indice compris entre 0 (en

l'absence totale de signal phylogénétique) et 1 (lorsque la variance observée correspond

parfaitement à celle attendue dans le cas où la phylogénie explique toute la variance). Dans certains

cas, l'indice K peut être supérieur à 1 (lorsque la distribution des valeurs entre espèces rapproche

plus les espèces proches entre elles qu'elles ne le sont réellement dans la phylogénie). L'indice Kmult

(Geomorph) correspond à un indice K testé sur un jeu de données multivariées.

Lorsqu'un signal phylogénétique a été détecté, nous avons utilisé des MANOVA phylogénétiques

(Geomorph) pour déterminer dans quelle mesure la variation d'un caractère entre deux groupes (ici

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Page 17: Diversification des ailes de papillons Morphos

les deux micro-habitats) reste significative au-delà de la phylogénie. Ce test permet de déterminer si

l'évolution du caractère étudié est de type brownien (hypothèse H0) ou s'il existe une sélection

directionnelle visible dans les deux groupes (H1). Ce type de MANOVA teste le rapport de la

variance observée sur la variance attendue pour un signal phylogénétique donné.

La régression des moindres carrés (ou régression PLS= « Partial Least Squares regression »,

Rmorph) cherche des composantes permettant de maximiser la corrélation entre les deux variables

utilisées. Il s'agit donc d'une technique de visualisation, permettant de rendre visible un maximum

de covariation entre deux jeux de données multivariées.

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Page 18: Diversification des ailes de papillons Morphos

RÉSULTATS

I) Dénombrement des ocelles

La fréquence d'apparition de chaque ocelle sur les 1071

individus de notre échantillon a été calculée et est présentée

sur la Figure 8. On y observe notamment que seuls deux

ocelles de l'aile postérieure sont communs à l'ensemble de

l'échantillon (et l'un d'entre eux sera justement étudié plus en

détail par la suite). Il est à noter également que les ocelles du

bas des ailes antérieure et postérieure connaissent des

fréquences d'apparition très faibles.

Figure 8 : Schéma de la fréquence d'apparition de chacun des 15

ocelles dans l'échantillon étudié.

Aucune corrélation n'a pu être observée entre les nombres d'ocelles présents sur l'aile antérieure et

postérieure de chaque individu (Test de Spearman, ρ =-0,08 et p=0.013).

Un signal phylogénétique a été détecté (K=0,85 et p=0,001 sur le nombre d'ocelles total moyen par

espèce, K=0,57 pour l'aile antérieure et K=0,96 pour l'aile postérieure), ce qui indique que des

espèces proches phylogénétiquement ont un nombre d'ocelles également plus proche que les

espèces distantes. Les espèces de canopée ont significativement plus d'ocelles que celles de sous-

bois (ANOVA, p<0,001 et F=75.08) et une Analyse en Composantes Principales (ACP) sur le

nombre des ocelles montre que les espèces de sous-bois et de canopée sont assez différentes (voir

Figure 9) et peuvent être convenablement discriminées en fonction de la distribution des ocelles de

leurs ailes. Cependant, lorsque le signal phylogénétique est pris en compte, la différence entre

micro-habitats n'est plus significative (ANOVA phylogénétique, p=0.315 et F=1.09), suggérant que

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Page 19: Diversification des ailes de papillons Morphos

la distribution du nombre d'ocelles n'est pas significativement différente de ce qui est attendu par le

modèle de diversification brownien d'un caractère neutre le long des branches de l'arbre.

Figure 9 : Résultat de l'Analyse en Composantes

Principales (ACP) sur le nombre d'ocelles,

montrant une distinction entre espèces de sous-

bois (en vert) et de canopée (en bleu).

Les femelles possèdent en moyenne 7,66 ocelles sur leurs deux ailes, contre 7,44 pour les mâles, ce

qui correspond à une différence significative (ANOVA, p=0 ,032).

L'étude d'une matrice de corrélation entre les différents

ocelles (présentée en Annexe 7) permet de mettre en

évidence des taux de corrélation entre ocelles généralement

faibles, mais distinctement plus élevé entre certains

couples d'ocelles, représentés schématiquement sur la

Figure 10. Ces corrélations pourraient être le résultat de

mécanismes développementaux communs qui seront

débattus plus loin.

Figure 10 : Représentation schématique des ocelles fortement

corrélés entre eux.

II) Colorimétrie

Une première visualisation des données en trois dimensions permet de constater la très forte

corrélation existant entre les trois couleurs primaires (voir Figure 11). Une matrice de corrélation

indique 97% de corrélation entre le rouge et le vert, 97% entre le vert et le bleu, et 91% entre le

rouge et le bleu. Les valeurs faibles indiquent une coloration claire, les valeurs fortes une coloration

19

Page 20: Diversification des ailes de papillons Morphos

foncée. La couleur moyenne des ocelles s'étale donc du brun clair au brun foncé.

Figure 11 : Représentation en trois dimensions de la composition colorimétrique du même ocelle chez les

1071 individus, montrant la très forte corrélation entre les trois couleurs primaires (chaque point représente

un individu, chaque dimension correspond à une couleur).

La coloration des mâles est significativement plus foncée que celle des femelles (MANOVA,

p<0,001 et F=25,5).

Le signal phylogénétique est fort sur ce jeu de données (Kmult

test - test phylogénétique multivarié - K=0,68 et p=0,003 ;

test univarié Krouge=0,69, Kvert=0,67 et Kbleu=0,67). On note

une différence de couleur significative entre les espèces de

sous-bois et celles de canopée, les papillons de canopée étant

significativement plus sombres que ceux de sous-bois

(MANOVA sur les moyennes par espèce, p<0,001). Cette

différence reste très significative lorsque les couleurs sont

étudiées séparément. La Figure 12 permet de visualiser cette

écart de coloration, également visible sur l'analyse en

composantes principales de la Figure 13.

Figure 12 : Phylogénie des Morphos représentant, pour chaque

espèce, la couleur moyenne de l'ocelle relevé et un exemple

d'ocelle type. La différence de coloration entre les espèces de

canopée et celles de sous-bois est perceptible.

20

Page 21: Diversification des ailes de papillons Morphos

Figure 13 : Analyse en composantes principales

(ACP) en 3D des données de colorimétrie, laissant

apparaître une relative séparation entre les individus

de sous-bois (en vert) et de canopée (en bleu).

Cependant, lorsque le signal phylogénétique est pris en compte, on n'observe plus de différence

significative entre sous-bois et canopée (MANOVA phylogénétique, p=0.3465), ce qui suggère un

effet confondant entre la phylogénie et la structuration par le micro-habitat.

D'après une analyse discriminante

linéaire (LDA= « Linear Discriminant

Analysis »), les données de colorimétrie

montrent un fort signal spécifique : les

espèces peuvent être relativement bien

discriminées grâce à ce simple caractère

de la couleur de l'ocelle (MANOVA,

p<0,001 et F= 57.58). Le résultat de

cette LDA est présenté à la Figure 14.

Figure 14 : LDA sur les 3 couleurs

primaires. Chaque couleur correspond à

une espèce, chaque point à un individu.

Un test de réassignation croisée (« cross validation test ») montre des taux de réassignation très

hétérogènes selon les espèces, allant de 0% dans le cas d'espèces proches à 100% pour les espèces

les plus différenciées. La moyenne de taux de réassignation est de 38% (ce qui signifie que 38% des

individus peuvent être convenablement assignés à leur espèce grâce à leurs valeurs

21

Page 22: Diversification des ailes de papillons Morphos

colorimétriques).

III) Forme du contour de l'ocelle

On observe à nouveau une différence significative entre le sous-bois et la canopée sur ce caractère

multivarié (MANOVA, F=8,8 et p<0,001). L'analyse en composantes principales (ACP) présentée

sur la Figure 15 permet de visualiser cette différence, ainsi que la déformation de l'ocelle

correspondant au premier axe de cette analyse.

Figure 15 : Résultat d'une ACP réalisée sur les

données de contour de l'ocelle de 15 individus par

espèce, permettant de distinguer les ocelles de

sous-bois (en vert) et de canopée (en bleu). Le

premier axe de cette ACP décrit une déformation

oblique de l'ocelle. Les valeurs extrêmes de cet

axe correspondent à deux espèces : Morpho

iphitus et Morpho amathonte.

Le signal phylogénétique a été testé sur ce caractère et s'est avéré fort (K=0,77 et p=0,01). La

différence entre sous-bois et canopée a été testée en prenant en compte ce signal phylogénétique

important et aucune différence entre ces deux micro-habitats n'a été trouvée au-delà de ce que la

phylogénie peut expliquer (MANOVA phylogénétique, F=0,4 et p=0,09).

La réalisation de cette MANOVA phylogénétique passe nécessairement par la construction d'un

consensus moyen par espèce. C'est cette valeur unique par espèce qui a été comparée à la valeur

attendue par simple diversification brownienne le long de la phylogénie, lors de la MANOVA

phylogénétique. Les consensus moyens de forme d'ocelles par espèce sont présentés en Annexe 8.

22

Page 23: Diversification des ailes de papillons Morphos

IV) Taille des ocelles

La taille centroide de l'ocelle est apparue significativement plus grande en canopée qu'en sous-bois

(MANOVA, F=78,2 et p<0,001), pour des valeurs de tailles centroides moyennes de 49,3 en

canopée et 40,2 en sous-bois).

Le signal phylogénétique sur la taille des ocelles est fort

(K=0,94 et p=0,009). Cependant, ce signal phylogénétique

ne suffit pas à expliquer l'ensemble de la différence de

taille entre micro-habitats, puisque cette différence reste

significative lorsque la phylogénie est prise en compte

(MANOVA phylogénétique, F=1,17 et p=0,59). La Figure

16 rend compte de la taille moyenne de l'ocelle pour

chaque espèce.

Figure 16 : Diagramme en barres de la taille centroïde

moyenne de chacune des 30 espèces de Morphos (bleu =

canopée, vert = sous-bois).

L'étude du dimorphisme sexuel ne révèle pas de différence

significative entre canopée et sous-bois et aucun signal

phylogénétique n'a pu être détecté sur ce caractère

(K=0,39 et p=0,19). Il semble donc que le dimorphisme

sexuel soit un caractère très variable, et ne pouvant être

expliqué ni par la phylogénie ni par le micro-habitat. La

Figure 17 permet de visualiser l'irrégularité du

dimorphisme sexuel sur la taille de l'ocelle dans notre

échantillon.

Figure 17 : Diagramme en barres représentant, pour chacune

des 30 espèces de Morphos, la valeur moyenne du dimorphisme

sexuel de la taille de l'ocelle : valeur moyenne des mâles –

valeur moyenne des femelles (bleu = canopée, vert = sous-

bois).

23

Page 24: Diversification des ailes de papillons Morphos

V) Disposition des ocelles

L'étude de la configuration des ocelles, c'est-

à-dire de la position des ocelles entre eux,

révèle une ségrégation très nette en deux

groupes distincts, correspondant aux deux

micro-habitats et visible sur la Figure 18

(MANOVA, p<0,001 et F=4).

Figure 18 : Résultat d'une ACP sur la

configuration des ocelles, révélant une

ségrégation très nette entre espèces de sous-bois

(en vert) et de canopée (en bleu). Deux exemples

de photographies de specimens rendent compte du

sens de la déformation de la configuration des

ocelles entre individus de sous-bois et de canopée.

L'étude du signal phylogénétique sur ce caractère révèle un signal phylogénétique très fort (Kmult

test, K=1,58 et p=0,001). Mais ce signal phylogénétique fort n'explique pas à lui seul toute la

différence de conformation des ocelles, puisque la différence que l'on observe entre papillons de

canopée et papillons de sous-bois reste significative lorsque la phylogénie est prise en compte

(MANOVA phylogénétique, p=0,01 et F=4,13).

VI) Covariation entre disposition des ocelles et structure de l'aile

Nous avons mené l'étude de la covariation entre la disposition des ocelles et la structure de l'aile

postérieure selon deux méthode distinctes :

Dans un premier temps, les données ont été superposées toutes ensemble. Un test de covariation

multivariée sur ces données superposées met en évidence une forte covariation entre les données de

la forme de l'aile et celles de la position des ocelles (Test RV, méthode de Monte-Carlo sur 999

simulations, RV=0,61 et p=0,001). La régression des moindres carrés représentée Figure 19 rend

compte de cette forte covariation.

24

Page 25: Diversification des ailes de papillons Morphos

Figure 19 : Régression des moindres carrés partiels

(PLS) permettant de visualiser la covariation entre la

disposition des ocelles (en abscisses) et la structure

de l'aile (en ordonnées). L'axe des abscisses

représente la partie de la variance de la

configuration des ocelles covariant avec la structure

de l'aile, et inversement l'ordonnée représente la

partie de la variance de structure de l'aile covariant

avec la disposition des ocelles. Chaque couleur

correspond à une espèce, chaque point à un individu.

Dans un second temps, toujours pour étudier la covariation entre la disposition des ocelles et la

forme de l'aile, nous avons séparé le jeu de données « ocelles » du jeu de données « structures de

l'aile » et avons procédé à deux superpositions Procrustes distinctes. Cette nouvelle série de tests

révèle à nouveau une covariation forte entre ces deux jeux de données distincts (Test RV, méthode

de Monte-Carlo sur 999 simulations, RV=0,33 et p=0,001). Cette forte covariation est représentée

par la régression des moindres carrés de la Figure 20.

25

Page 26: Diversification des ailes de papillons Morphos

Figure 20 : Régression des

moindres carrés partiels (PLS)

mettant en évidence la

covariation entre la

configuration de quatre

ocelles et la structure de l'aile

postérieure. En abscisse est

représentée la partie de la

variance des ocelles covariant

avec la structure de l'aile et

inversement sur l'ordonnée.

Les vignettes représentent la

déformation spatiale

correspond à ces deux axes.

Finalement, l'étude de la covariation entre le jeu de données « ocelles » et le jeu de données

« structure de l'aile » en tenant compte de la phylogénie indique que cette covariation ne peut pas

être expliquée uniquement par la phylogénie et reste significative lorsque celle-ci est prise en

compte (r-PLS=0,687 et p=0,03).

26

Page 27: Diversification des ailes de papillons Morphos

DISCUSSION

Les observations faites sur le dénombrement des ocelles ne permettent pas d'avancer de façon

définitive dans la compréhension des mécanismes sous-jacents de leur développement, mais

montrent clairement la complexité des processus développementaux qu'il reste à comprendre. Nous

avons d'abord pu montrer l'existence d'une certaine indépendance des deux ailes dans le

déterminisme du nombre d'ocelles qui s'y développent. Mais à l'inverse, l'existence de corrélations

dans l'apparition de certains ocelles des deux ailes (et notamment les ocelles du bas de l'aile

antérieure et postérieure, aux fréquences d'apparition identiques et corrélés à 54%) démontre

l'existence de mécanismes développementaux communs entre les ocelles des deux ailes. Il serait

intéressant de rechercher l'existence de marqueurs de position des ocelles, permettant à un messager

chimique de n'induire le développement d'un ocelle que dans les deux secteurs corrélés. En

l'absence de tels marqueurs, comment pourrait-on expliquer que seuls ces deux ocelles soient

corrélés entre eux, et pas l'ensemble des deux ailes ? La question de l'indépendance des ocelles entre

eux a été beaucoup débattue et deux hypothèses sont généralement retenues : les ocelles auraient

émergé comme structures développementalement indépendantes (donc capables dés leur apparition

de se développer de façon différente au sein d'un même individu), ou alors cette capacité à se

diversifier au sein d'un même papillon aurait été acquise secondairement et aurait permis une

grande diversification des phénotypes (Oliver et al. 2014). Les données dont nous disposons ne

permettent pas de répondre à cette question mais il est intéressant de constater que les deux ocelles

fortement corrélés entre l'aile antérieure et postérieure ont tous les deux une position similaire entre

des nervures homologues de l'arrière de l'aile. A priori, ce constat indiquerait plutôt que la

corrélation que l'on observe serait un résidu de dépendance des ocelles entre eux, et pourrait donc

plaider en faveur d'un passé des ocelles comme entités dépendantes.

La phylogénie du genre Morpho est problématique en ce sens que la distinction entre les deux

principales branches de l'arbre recoupe parfaitement la distinction écologique entre espèces de

canopée et espèces de sous-bois. Le but de notre étude sur le signal phylogénétique était justement

27

Page 28: Diversification des ailes de papillons Morphos

de déterminer la part de la différenciation entre micro-habitat réellement imputable à une sélection

divergente due aux différences écologiques propres à ces deux milieux, et celle simplement

imputable à une évolution brownienne du caractère le long des branches de l'arbre phylogénétique.

Cependant, l'analyse du signal phylogénétique, si elle permet de faire cette distinction, ne permet en

aucun cas de déterminer ce qui a conduit à la séparation écologique et phylogénétique de ce groupe.

S'agit-il d'une modification de la forme des ailes qui a permis à certains papillons de se spécialiser

dans un environnement de canopée tandis que d'autres préféraient le sous-bois ? Ou bien d'une

innovation dans l'aspect des ocelles ? Il est également possible qu'il s'agisse d'une tout autre

innovation ayant conduit les Morphos à se répartir dans différentes hauteurs d'arbre avant que

l'évolution ne provoque ensuite une évolution brownienne mais divergente des ailes et des ocelles

dans ces deux groupes distincts. Répondre à cette question nécessitera a minima d'étudier

séparément le signal phylogénétique associé aux deux principales branches de l'arbre (associé à la

différence de micro-habitats) et le signal phylogénétique intra-groupe (donc au sein d'un même

micro-habitat). Si, pour un caractère donné, ces deux signaux sont identiques, alors ce caractère a

probablement évolué de façon neutre tout au long de l'histoire évolutive des Morphos. A l'inverse,

une différence significative entre ces deux signaux pour un caractère donné indiquerait

probablement qu'il a été impliqué dans la séparation du groupe des Morphos en deux sous-groupes

écologiquement distincts.

Les observations que nous avons pu faire sur la taille centroide de l'ocelle et le dimorphisme sexuel

de cette taille sont intéressantes en cela qu'elles diffèrent nettement de ce qui a pu être observé sur

les autres caractères étudiés. En effet, le signal phylogénétique, très faible sur ces deux caractères

suggère que la taille des ocelles pourrait être soumise à une sélection sexuelle. Nous faisons

l'hypothèse que ce dimorphisme de taille, variable d'une espèce à l'autre, est le résultat d'une

sélection sexuelle sur la taille centroide de l'ocelle étudié. Au moment de l'accouplement, chaque

sexe de chaque espèce exerce une sélection sur l'autre sexe de la même espèce en fonction de ses

préférences. Si cette sélection s'exerce sur la taille de l'ocelle et que ces préférences sont variables

d'une espèce et d'un sexe à l'autre, on s'attend à observer des variations de tailles entre sexe et entre

espèces qui ne correspondent à ce qui est attendu ni sous diversification brownienne, ni sous

sélection directionnelle. Casper et al. a pu montrer en 2002 que la taille des ocelles dorsaux

influençait fortement de choix des mâles par les femelles chez Bicyclus anynana (en comparant les

taux d'appariement d'individus aux phénotypes extrêmes). Le choix des femelles se portait

majoritairement vers les mâles aux ocelles les plus gros. D'après Robertson et Monteiro (2005), ce

28

Page 29: Diversification des ailes de papillons Morphos

choix porte surtout sur la taille et la réflexion ultraviolette de la partie centrale des ocelles. Mais

aucune étude n'a encore permis de montrer cette importance de la taille des ocelles dans la sélection

sexuelle chez les Morphos (et qui plus est sur la face ventrale des ailes, supposée plus impliquée

dans l'éloignement des prédateurs que la face dorsale). Il serait intéressant de savoir si, comme le

suggère Robertson et Monteiro pour B. anynana, la taille de la tache centrale de l'ocelle est

impliquée dans le choix du partenaire chez les Morphos. Nous avons pu observer dans notre

échantillon que les femelles possèdent significativement plus d'ocelles que les mâles, ce qui

souligne le rôle probablement joué par l'ensemble des ocelles dans le choix du partenaire sexuel.

Plus généralement, les femelles de Morphos sont généralement plus grosses que les mâles dans la

nature (Patrick Blandin - communications personnelles). Chazot et al. (2016) ont trouvé des

résultats très similaires à ceux présentés ici pour la taille de l'ocelle, mais en considérant la taille

centroide de l'aile dans son ensemble (grande variabilité, fort dimorphisme, absence de signal

phylogénétique sur le dimorphisme). Or, pour mieux cerner l'effet global de la sélection sexuelle sur

l'évolution des Morphos, il est à noter que les tailles d'ocelles étudiées ici sont les tailles absolues,

ne tenant pas compte de la taille de l'aile dans laquelle ces ocelles s'insèrent. Etudier les tailles

centroides relatives des ocelles par rapport à celles des ailes permettrait peut-être de nuancer les

résultats obtenus ici.

Nous avons pu constater que les papillons de canopée étaient plus sombres que ceux de sous-bois.

Cette différence n'est pas significativement différente de celle attendue en cas d'évolution

brownienne de la couleur le long de la phylogénie, et n'implique donc pas nécessairement de

pression de sélection exercée par l'habitat sur la couleur de l'ocelle. Cependant, il est intéressant de

noter que la mélanisation est un caractère pouvant être influencé par différents paramètres

écologiques. Chez les papillons, une étude de Roland (2006) sur le Pieridae Colias nastes a permis

de montrer une meilleure adaptation des individus foncés aux températures fraiches, mais aussi un

taux de prédation plus important. Appliqué aux différences de micro-habitats, cet article laisse

supposer que la coloration a pu éventuellement jouer un rôle, même minime, dans l'évolution de la

coloration des ocelles de Morphos. De plus amples recherches sont nécessaires pour déterminer si

l'aspect « clair » ou « foncé » des Morphos a un impact quelconque sur leur survie en canopée et en

sous-bois. Une différence de mélanisation entre les mâles et les femelles a aussi été observée, avec

en général des mâles plus foncés que les femelles chez une majorité d'espèces.

Ces observations rejoignent celles de Patrick Blandin sur l'aile entière, selon qui la couleur de l'aile

29

Page 30: Diversification des ailes de papillons Morphos

dans son ensemble est généralement plus claire chez les mâles que chez les femelles, notamment

chez les espèces de canopée (communications personnelles). La mélanisation des ailes, et la

colorimétrie en générale, semblent donc être un caractère complexe et soumis à de nombreuses

influences bien au-delà des différences écologiques supposées entre sous-bois et canopée. Un signal

phylogénétique fort plaide pour un caractère écologiquement neutre. Pourtant, on a aussi pu

constater que des espèces même phylogénétiquement proches pouvaient être correctement

discriminées sur ce simple caractère de la couleur. L'évolution de la colorimétrie ne semble pas

directionnelle, mais plutôt distinctive : les espèces apparaissent réparties sur le spectre

colorimétrique et semble occuper des « niches » distincte des autres espèces. Cette distinction nette

des phénotypes pourrait être lié au renforcement du signal sexuel entre espèces. Cependant, les

signaux visuels ne sont pas les seuls impliqués dans la reconnaissance des individus d'une même

espèce, et il est notamment important de prendre en compte le rôle des signaux olfactifs afin de ne

pas sur-estimer le rôle éventuellement joué par la couleur des ocelles dans les processus

d'appariement. Si aucune étude sur ce sujet n'a vu le jour chez les Morphos, Costanzo et Monteiro

(2007) ont en revanche pu obtenir des résultats robustes chez Bicyclus anynana, montrant une

importance égale des signaux olfactifs et visuels. Les observations que nous avons faites sur le

dimorphisme sexuel des Morphos ne sont pas incompatibles avec une éventuelle communication

olfactive chez ce groupe. Nous supposons ici qu'une couleur distincte de celle d'une espèce proche

constitue un avantage pour les Morphos en diminuant la probabilité d'un appariement à un individu

d'une autre espèce, ce qui a pu conduire à une sélection diversifiante de la couleur des ocelles dans

ce groupe.

30

Page 31: Diversification des ailes de papillons Morphos

CONCLUSION

Nous avons quantifié ici la diversité des ocelles du genre Morpho et montré que leur diversification

était fortement liée à la phylogénie. Nos résultats suggèrent que la taille des ocelles pourrait être

soumise à une sélection sexuelle. Au contraire, d'autres caractères comme le nombre des ocelles ou

leur forme ne semblent pas impliqués dans cette communication visuelle, aux vues de nos résultats.

Sur le plan développemental, nos résultats indiquent globalement une indépendance entre le

déterminisme de l'apparition des ocelles sur les deux ailes.

La question que l'on peut désormais se poser est de savoir quels sont les acteurs impliqués dans

l'évolution conjointe de la forme de l'aile et de celle des ocelles et quel est le degré d'intégration de

leurs développements respectifs. Nous connaissions déjà le rôle que semble avoir joué le micro-

habitat dans la diversification de la forme de l'aile, plus longue et étroite en canopée qu'en sous-bois

(Chazot et al. 2016). Notre étude a permis de révéler une corrélation entre la forme de l'aile et la

disposition des ocelles sur l'aile. S'agit-il de l'évolution indépendante de deux caractères, ou bien

l'évolution d'un de ces caractères contraint-elle l'évolution de l'autre, par l'intermédiaire de

processus développementaux ? L'étude de De Vries (2010) semble indiquer que le type de vol

adopté par les Morphos pourrait être différent d'un micro-habitat à l'autre (vol plané en canopée vs

vol battu en sous-bois) et il a été suggéré que c'est cette différence de vol qui a pu engendrer la

différenciation de forme des ailes (Chazot et al. 2016). Mais il semble peu probable que la

diversification de la position des ocelles soit le résultat d'une telle adaptation fonctionnelle. Les

variations d'ocelles observées entre micro-habitats suggère que, au delà du type de vol adopté,

d'autres variables écologiques varient entre canopée et sous-bois, qu'il faudra mieux évaluer dans

l'avenir. Les communautés de prédateurs sont-elles différentes de l'un à l'autre ? La température,

l'humidité ou l'ensoleillement, qui varient probablement en fonction de la hauteur, ont-ils une

influence réelle sur ces phénotypes ? En supposant que les ocelles jouent un rôle dans le choix du

partenaire et l'appariement, comme le suggèrent nos données sur la couleur et la taille des ocelles, il

est aussi déterminant de savoir si les paramètres liés à la reproduction (intensité de la compétition,

31

Page 32: Diversification des ailes de papillons Morphos

succès reproducteur, etc.) varient d'un micro-habitat à l'autre. C'est peut-être en entrant dans cette

finesse d'analyse morphologique et écologique que la diversité des phénotypes existants pourra être

comprise.

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ANNEXES

Annexe 1 : Arbre phylogénétique du genre Morpho (Figure d'après Chazot et al. 2016)

34

Page 35: Diversification des ailes de papillons Morphos

Annexe 2 : Représentation de la structure moyenne de l'aile antérieure correspondant aux deux

types de micro-habitats (canopée en gris, sous-bois en noir). Ici la déformation de l'aile a été

amplifiée 1,5 fois (d'après Chazot et al. 2016).

Annexe 3 : Tableau récapitulatif du jeu de photos utilisées, avec pour chaque espèce le nombre de

mâles, de femelles et le nombre total d'individus étudiés.

Espèce Nombre de mâles Nombre de femelles Nombre total

M. hercules 20 8 28

M. telemachus 18 8 26

M. amphitryon 22 1 23

M. theseus 42 8 50

M. hecuba 19 10 29

M. cisseis 35 12 47

35

Page 36: Diversification des ailes de papillons Morphos

M. anaxibia 14 12 26

M. portis 18 6 24

M. marcus 23 4 27

M. sulkowsky 9 4 13

M. lympharis 20 3 23

M. absoloni 6 2 8

M. zephyritis 10 3 13

M. aega 9 8 17

M. aurora 20 5 25

M. cypris 8 4 12

M. menelaus 51 20 71

M. iphitus 19 6 25

M. epistrophus 35 16 51

M. godarti 28 13 41

M. amathonte 13 6 19

M. rhetenor 30 17 47

M. achilles 42 17 59

M. polyphemus 21 10 31

M. deidamia 37 11 48

M. rhodopteron 13 2 15

M. niepelti 5 0 5

M. granadensis 9 2 11

M. eugenia 16 7 23

M. helenor 161 73 234

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Page 37: Diversification des ailes de papillons Morphos

Annexe 4 : Dénombrement des ocelles

Le dénombrement peut parfois relever de l'arbitraire, lorsque des taches plus ou moins circulaires,

parfois imbriquées les unes dans les autres, sont visibles. Ici, c'est le nombre de points focaux qui a

été dénombré. Lorsque deux ocelles étaient partiellement ou entièrement imbriqués l'un dans l'autre,

ils ont été dénombrés comme deux ocelles distincts. De même, les « taches » dépourvues de cercles

concentriques, ont été considérées comme des ocelles à part entière lorsque leurs contours sont nets.

Les taches aux contours diffus, elles, n'ont pas été décomptées comme des ocelles (voir Figure 21)

Figure 21 : exemple d'un Morpho theseus mâle. La tache 1 a été comptabilisée comme un ocelle (sombre et

nette) mais pas la tache 2 (claire et diffuse).

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Page 38: Diversification des ailes de papillons Morphos

Annexe 5 : Retournement des données pour l'aile antérieure

Cette manipulation a consisté à fusionner deux jeux de données : Les landmarks de « structure »

disposés sur la face dorsale de l'aile, et les landmarks « ocelles » disposés sur la face ventrale. 3

landmarks formant un triangle étaient communs aux deux jeux de données. Pour les configurations

« ocelles », un script de retournement a d'abord été utilisé afin d'inverser la configuration (inversion

droite-gauche). Ensuite, une superposition Procrustes a été réalisée afin de superposer les 3 points

communs et ainsi ajuster les landmarks « ocelles » aux landmarks « structure ».

Annexe 6 : Superposition Procrustes (Figure d'après LeRoy 2016)

Cette transformation des données, préalable à leur analyse, se fait en trois étapes distinctes. Dans un

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Page 39: Diversification des ailes de papillons Morphos

premier temps, les différences de position sont d'abord éliminées par translation des centres de

gravité (1). Puis, la mise à l'échelle est obtenue en divisant les coordonnées de chaque configuration

par la taille centroide correspondante (2). Enfin, une rotation des configurations autour des centres

de gravité superposés permet d'optimiser la superposition, en minimisant la distance entre

landmarks (3). La méthode utilisée ici est celle dite de 'Binding Energy' qui minimise l'énergie

nécessaire pour réaliser la superposition.

Annexe 7 : Matrice de corrélation entre les 15 ocelles étudiés, présentant les coefficient de

corrélation dans l'apparition des ocelles entre eux. Pour les ocelles S2 et S6, le coefficient de

corrélation ne peut pas être calculé car la fréquence d'apparition de ces deux ocelles est de 100%.

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Page 40: Diversification des ailes de papillons Morphos

Annexe 8 : Consensus de forme de contour de l'ocelle par espèce, replacés dans la phylogénie des

Morphos. Chaque cercle correspond à la « forme moyenne » de l'ocelle chez l'espèce concernée (en

bleu les espèces de canopée, en vert celles de sous-bois).

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