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1 UNE SACREE MISSION MARIE de MAGDALA, APOTRE DES APOTRES J’ajoute quelques mots d’introduction au plan que vous avez sous les yeux. Sacrés destins que ceux d’Hatchepsout et de Marie Madeleine ! Si on peut parler de la reine d’Egypte Hatchepsout en historien, il est impossible de le faire à propos de Marie M ; nous ne possédons aucune trace, aucun indice, aucun document la concernant, à part les évangiles qui ne sont ni livre d’histoire, ni biographie. Sa destinée, elle l’a reçue de la première Eglise qui lui a donné un rôle dans l’histoire de la foi chrétienne à sa naissance. Ce rôle est étonnant, et il n’a pas pu être inventé. En effet, dans le milieu, la culture de l’époque – fin du premier siècle de notre ère – les femmes ne pouvaient pas être entendues comme témoins. Ce pouvait être une gêne d’avoir à dire qu’une information majeure avait été portée –colportée – par une femme. En raison de l’impossibilité de l’inventer, ce fait peut donc constituer une vérité historique. Je termine avec un petit sourire : on fait souvent remarquer que Jésus de Nazareth n’a choisi que des hommes comme apôtres. Certes, mais le Christ ressuscité, lui, dès lors qu’il est affranchi des limites de temps et d’espace autant que des contingences culturelles, a choisi Marie de Magdala ; et les anges, selon les autres évangiles, les messagers divins, eux aussi, n’envoient que des femmes pour annoncer la Résurrection ! Voilà donc une sacrée mission confiée à Marie de Magdala, je dirais plutôt une mission sacrée qui fait d’elle « l’apôtre des apôtres » selon Hyppolite de Rome (vers 230) 1 . Qui est Marie de Magdala ? Une femme dont le nom est attesté par les 4 évangélistes ! 1 Expression reprise par Augustin : « L’Esprit Saint fit de Marie Madeleine l’apôtre des apôtres » (Sermon 132) et par Bernard de Clairvaux : « envoyées par l’ange, elles réalisent l’œuvre d’un évangéliste. Elles deviennent les apôtres des apôtres lorsqu’elles se hâtent d’annoncer le salut du Seigneur »

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UNE SACREE MISSION

MARIE de MAGDALA, APOTRE DES APOTRES

J’ajoute quelques mots d’introduction au plan que vous avez sous les yeux. Sacrés destins que ceux d’Hatchepsout et de Marie Madeleine !

Si on peut parler de la reine d’Egypte Hatchepsout en historien, il est impossible de le faire à propos de Marie M ; nous ne possédons aucune trace, aucun indice, aucun document la concernant, à part les évangiles qui ne sont ni livre d’histoire, ni biographie. Sa destinée, elle l’a reçue de la première Eglise qui lui a donné un rôle dans l’histoire de la foi chrétienne à sa naissance. Ce rôle est étonnant, et il n’a pas pu être inventé. En effet, dans le milieu, la culture de l’époque – fin du premier siècle de notre ère – les femmes ne pouvaient pas être entendues comme témoins. Ce pouvait être une gêne d’avoir à dire qu’une information majeure avait été portée –colportée – par une femme. En raison de l’impossibilité de l’inventer, ce fait peut donc constituer une vérité historique. Je termine avec un petit sourire : on fait souvent remarquer que Jésus de Nazareth n’a choisi que des hommes comme apôtres. Certes, mais le Christ ressuscité, lui, dès lors qu’il est affranchi des limites de temps et d’espace autant que des contingences culturelles, a choisi Marie de Magdala ; et les anges, selon les autres évangiles, les messagers divins, eux aussi, n’envoient que des femmes pour annoncer la Résurrection ! Voilà donc une sacrée mission confiée à Marie de Magdala, je dirais plutôt une mission sacrée qui fait d’elle « l’apôtre des apôtres » selon Hyppolite de Rome (vers 230)1.

Qui est Marie de Magdala ?

Une femme dont le nom est attesté par les 4 évangélistes !

1 Expression reprise par Augustin : « L’Esprit Saint fit de Marie Madeleine l’apôtre des apôtres » (Sermon 132) et par Bernard de Clairvaux : « envoyées par l’ange, elles réalisent l’œuvre d’un évangéliste. Elles deviennent les apôtres des apôtres lorsqu’e lles se hâtent d’annoncer le salut du Seigneur »

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Une femme de l’entourage de Jésus ; son nom indique qu’elle vient de Magdala, petite ville des bords du lac de Génésareth ; au dire de Luc, elle suit Jésus, après avoir été délivrée de 7 démons – le comble de la possession diabolique ou de la maladie ! Suivre Jésus, c’est dire qu’elle est disciple. On la trouve dans les 4 évangiles : à la mort de Jésus : Au pied de la croix chez Jean A la mise au tombeau chez les synoptiques Et au tombeau, le matin de Pâques. C’est donc une fidèle de Jésus. La piété populaire en a fait une pécheresse, ce que l’Evangile ne dit pas. Pour cela, on a reporté sur Marie de Magdala d’une part l’image de 2 femmes anonymes :

- une femme adultère (Jn 8)

- une pécheresse notoire (Lc 7), celle-ci, venue sans y être conviée, dans la

maison de Simon le Pharisien, couvre les pieds de Jésus de ses larmes et de parfum.

D’autre part, on confond Marie Madeleine avec Marie de Béthanie, (Jn 12), sœur de Marthe et Lazare, qui répand aussi sur les pieds de Jésus un parfum de grand prix. Cette fusion, cette superposition sont évidentes au sanctuaire de la Sainte Baume. En langage pictural, on appelle « Madeleine » la représentation d’une femme vêtue seulement de sa longue chevelure. Les Provençaux ne me pardonneraient pas de passer sous silence le fait que Marie Madeleine est une des Saintes Maries de la Mer, mais là, nous sommes dans la légende et je vous propose de revenir à l’EVANGILE selon St Jean. Marie de Magdala vient au tombeau de Jésus, le premier jour de la semaine, c'est à dire le lendemain du sabbat, ce jour qui est pour nous le dimanche – dies dominicus – le Jour du Seigneur. Regardons ses attitudes, écoutons ses paroles qui nous montrent le cheminement de Marie ; nous la verrons ainsi passer de l’ignorance : on a enlevé le Seigneur et nous ne savons pas où on l’a mis – à la proclamation de sa foi au Christ ressuscité : J’ai vu le Seigneur. Marie est seule à venir au tombeau, ce qui prépare sa rencontre personnelle avec le Ressuscité. Devant le tombeau, elle aperçoit la pierre roulée, elle ne regarde pas plus loin, car un tombeau ouvert ne peut signifier qu’une seule chose : on a enlevé le corps. C’est ce qu’elle vient dire, en courant, aux responsables de la petite communauté, Simon Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait. Le « disciple bien-aimé », cette désignation et cet anonymat sont précieux, celui que Jésus aime c’est chaque disciple, chacun de

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nous ! Elle leur dit : On a enlevé le Seigneur, employant par avance le titre du Ressuscité –titre divin : Le Seigneur. Passons sur la visite des deux disciples au tombeau. Et retrouvons Marie près de ce tombeau, à l’extérieur tout en pleurs. L’évangéliste insiste sur ces pleurs, mentionnés 4 fois2.

Avec les anges

Remplie d’inquiétude et de tristesse, Marie se penche à l’intérieur sans y entrer mais assez pour voir : elle est tout tournée vers la mort, mais elle voit, dans ce tombeau, deux anges vêtus de blanc assis à la place du corps de Jésus, l’un à la tête et l’autre aux pieds . Le blanc est la couleur divine, céleste et les anges sont les messagers de Dieu – le Dieu de la vie ; et s’ils n’annoncent aucune heureuse nouvelle de la part de Dieu, ils sont, en eux-mêmes, un message silencieux de vie, dans ce lieu d’obscurité et de mort. Mais Marie ne le perçoit pas ; elle n’est nullement effrayée de les voir, comme si elle ne les reconnaissait pas, tellement elle est repliée sur son chagrin. Les anges lui posent une question : Pourquoi pleures-tu ? La réponse de Marie ressemble à ce qu’elle a dit aux disciples, à une d ifférence près : On a enlevé mon Seigneur et je ne sais pas où on l’a mis. C’est une déclaration personnelle qu’elle exprime aux anges ; à eux elle peut dire son attachement à Jésus et sa détresse, alors que, parlant aux disciples, elle s’était fondue dans leur groupe et avait dit : le Seigneur et nous. Marie dit le bouleversement qu’elle ressent : à la mort de l’être qu’elle chérit s’ajoute la disparition de son corps. La perte est totale, il ne reste rien qu’elle puisse baigner de ses larmes. Les anges n’ajoutant rien, Marie se détourne du tombeau : c’est un premier mouvement de détachement de ce lieu de mémoire qui n’a pas su garder le mort qui lui était confié.

Avec Jésus Premier éloignement de la mort et premier pas vers le Vivant. De fait, elle voit Jésus qui se tenait là ; mais elle ignore que c’est lui. Le Christ est là, il n’est pas absent quand on le cherche, mais son identité n’est pas évidente. Marie ne reconnaît pas Jésus ; le lecteur, lui, sait dans la foi que si Jésus se tient là c’est qu’il est ressuscité ; il est devenu autre parce qu’il est passé par la mort, et par delà la mort il est entré dans le monde de Dieu. Jésus Ressuscité est à la fois le Même et le Tout Autre

2 Vous allez pleurer et vous lamenter. Vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie (16,20).

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Seul le Christ peut se faire reconnaître, ouvrir les yeux sur le Ressuscité. Jésus pose à Marie la même question que les anges : Femme, pourquoi pleures-tu ? Et il ajoute : Qui cherches-tu ? Dans l’ignorance qui la caractérise depuis le début de la scène, Marie ne reconnaissant pas Jésus, le prend pour le jardinier. L’évangéliste avait précisé plus haut : Il y avait un jardin au lieu où Jésus avait été crucifié et dans ce jardin, un tombeau neuf. Ce jardin évoque le jardin d’Eden où l’homme avait fait entrer la mort. Aujourd'hui la vie y triomphe. Qui cherches-tu ? cet ajout nous rappelle la toute première parole de Jésus dans cet évangile, la question posée aux deux disciples du Baptiste qui avaient suivi Jésus et Jésus voyant qu’ils le suivaient leur dit : Que cherchez vous ? Une même question est posée à tout disciple de Jésus. Et Marie développe sa réponse : Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis et je l’enlèverai. Marie parle de Jésus comme « d’un objet inerte » (X L-D), d’une chose morte, elle emploie 3 fois un pronom que la grammaire dit « personnel », mais qui est dramatiquement impersonnel ici ! Elle ne cherche pas Quelqu’un, elle ne cherche pas un Maître à suivre , comme les disciples du début. Elle cherche un cadavre qu’elle voudrait saisir, prendre avec elle pour l’emporter, voire l’enfermer dans sa détresse et dans son souvenir. Remarquons que l’insistance sur l’incompréhension de Marie souligne l’impréparation totale des disciples à l’événement de la résurrection : ils ne s’y attendaient pas, ils ne l’attendaient pas.

La voix du Bien Aimé

Jésus lui dit : Marie ; elle se retourna et lui dit en hébreu : Rabbouni, ce qui veut dire Maître. Un mot, un nom –son nom propre et non plus le mot « Femme », terme indifférencié -provoque le retournement et la reconnaissance. De nouveau Marie se retourne ; comme elle s’était détournée du tombeau vide, elle se détourne du souvenir du cadavre qu’elle cherchait. Jésus a appelé Marie par son nom ; dire le nom de quelqu’un c’est le rejoindre dans sa singularité, s’adresser à l’intime de son cœur. En entendant son nom, Marie reconnaît son Maître qui est là et qui l’appelle (comme il la appelé Marthe et Marie les sœurs de Lazare). Elle a reconnu la voix de son Maître, la voix du Bien Aimé ; mais attention ce n’est pas le timbre de la voix de Jésus qui a provoqué la reconnaissance ; d’ailleurs, Jésus lui a déjà parlé. Le timbre de voix est un élément matériel qui n’entre pas dans ce cheminement de reconnaissance et de foi ; (on peut dire la même chose des pèlerins d’Emmaüs qui reconnaissent Jésus non pas au geste concret de la fraction du pain mais à la signification du pain rompu). Marie a reconnu la Personne qui la connaît par son nom, comme le bon Pasteur qui connaît ses brebis et les appelle, chacune par son nom pour les inviter à le suivre (Jn

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10,3). Elle a reconnu dans cet appel personnel « celui que son cœur aime », comme l’épouse du Cantique des Cantiques (cf. texte infra). La Tradition la plus ancienne de l’Eglise a fait ce rapprochement. Elle a reconnu et retrouvé son Maître bien aimé et dit : Rabbouni ! Un diminutif plein d’affection : « mon petit Maître ». Cependant, à cet instant, Marie croit renouer avec Jésus les relations passées, celles d’avant hier, d’avant la Passion, comme si Jésus était revenu à la vie de la même manière que Lazare avait repris le cours de sa vie ordinaire : on avait donné un repas en son honneur. Mais Jésus Ressuscité vit d’une vie absolument neuve que Marie va devoir découvrir. Jésus vient restaurer le lien que la mort avait rompu, il va conduire Marie à une nouvelle relation avec lui, lui faire connaître sa présence nouvelle, dans une dernière étape de son chemin de foi : une foi pas à pas. Cesse de me toucher, ne me retiens pas… On a pu recenser 12 traductions différentes de cette phrase. Jean suppose sans doute que Marie a fait le même geste d’adoration et d’affection que les saintes femmes dans l’évangile de Matthieu, qui se prosternent aux pieds du Ressuscité (28, 9). Jésus avait laissé Marie de Béthanie oindre ses pieds de parfum, en un geste d’amour et de ferveur. Jésus s’était livré aux mains des gardes et des bourreaux, à leurs gestes de haine et de violence. Son corps n’est pas devenu intouchable, sacré parce qu’il a passé la mort. Il va présenter ses mains et ses pieds à Thomas : Avance ta main et mets-la dans mon côté. Il s’agit d’autre chose que de toucher ; il s’agit d’un nouveau mode de présence, d’une relation nouvelle : présence et relation transformées qui ne tombent pas sous les sens. Les mains ne peuvent se refermer sur elles et les portes closes ne pourront leur faire obstacle. Le Ressuscité échappe à tout prise. Pour entrer dans cette nouveauté, quelque chose doit cesser et laisser place à une autre réalité. ‘Ne me touche pas’ n’est pas une interdiction ; ‘cesse de’ indique un changement, une modification. Je ne suis pas encore monté vers mon Père On peut parler de « délai pédagogique », comme une étape destinée à nous faire comprendre. Pour Jean, l’élévation ou exaltation – il parle aussi de glorification –

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exprime une double réalité : la mort de Jésus sur la croix et sa résurrection. Jésus est élevé sur la croix en même temps qu’au ciel3. Je ne suis pas monté… mais va : on sent comme une hâte de Jésus. Alors pourquoi cette halte auprès de Marie ? En venant dans le monde, en prenant chair d’humanité, Jésus s’est engagé dans un compagnonnage fraternel, il s’est mis en fratrie avec les hommes, ce qui l’a conduit à la mort, notre lot commun. Ressuscité, Jésus a voulu rejoindre ses disciples, se relier à eux en la personne de Marie ; il ne veut pas monter seul auprès de son Père. C’est ce qu’il fait dire aux disciples. Mais, va vers mes frères et dis-leur « Le refus opposé à Marie ne signifie pas une volonté de séparation » (X L-D) de la part de Jésus. Par rapport à cette présence nouvelle que Jésus reçoit de son Père du ciel, il y a mieux à faire que se replier, se figer sur le passé ; c’est pourquoi, dans un mouvement dynamique, Jésus envoie Marie vers ses disciples qu’il appelle « ses frères ». Marie reçoit ici sa mission d’apôtre des apôtres. Déjà, Jésus ne considérait pas ses disciples comme des serviteurs : Je ne vous appelle pas serviteurs… je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai appris de mon Père je vous l’ai fait connaître (15,15). C’est maintenant que Jésus fait connaître à ses amis, à ses frères , ce qu’il a appris du Père et c’est à travers la mission de Marie qu’il fait cette révélation qui tient dans ces mots : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Tel est le message que Marie de Magdala est chargée de porter aux apôtres. Nous savons qu’une femme n’était pas habilitée à porter témoignage : l’autorité du Ressuscité le permet. Mon Père mon Dieu – votre Père votre Dieu. Vous pouvez voir les citations qui montrent que les mots ‘Dieu’ et ‘Père’ sont souvent employés ensemble ; ces mots semblent complémentaires et pourtant on cherche la formule qui les ajuste. Bien sûr les Juifs considéraient le Dieu d’Israël comme le Père du peuple qu’il s’est choisi : « Notre Père et notre Roi » est une prière juive ancienne, mais c’est la communauté qui s’adresse ainsi à Dieu. Tandis que Jésus appelait Dieu son propre Père, au grand scandale de ses auditeurs. Ici, Jésus fait connaître Dieu qui est Père, son Dieu qui est son Père : Père, je leur ai fait connaître ton nom. Ton Nom de Père, ton cœur de Père, et l’amour qui habite ton cœur.

3 Cf. 3,14 Il faut que soit élevé le Fils de l’Homme ; 8,28 Quand vous aurez élevé le Fils de l’Homme, vous saurez que Je Suis ; 12,32 Et moi, élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi. Il signifiait par là de quelle mort il allait mourir.

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Dieu est le Père de Jésus d’abord mais pas exclusivement ; et c’est cela que Jésus veut révéler aux hommes, parce que ceux-ci méconnaissent le visage de Dieu, depuis que le serpent les a trompés en caricaturant Dieu. Telle est la mission de Jésus : révéler l’amour de Dieu Père ; pour cela il est sorti du Père et il retourne au Père, une fois sa mission accomplie. Les Juifs croient, nous le disions, que Dieu est le Père de leur peuple, mais cet amour ils le revendiquent comme un dû qui leur est réservé, selon une conception restrictive de l’Election. Alors que Jésus révèle que cet amour est un Don fait par le Père à tous les hommes, ses enfants. Un don fait aussi par Jésus qui ne s’approprie pas le titre de Fils Unique, mais qui veut partager cette filiation avec tous ceux qu’il nomme « ses frères ». Cette relation filiale entre Dieu et les hommes, exprimée ici, est en quelque sorte la formule de l’Alliance Nouvelle. La Première Alliance disait : Vous serez mon peuple, je serai votre Dieu. Elle devient, par Jésus, « Vous êtes mes fils, je suis votre Père. Et le nom d’Alliance, le tétragramme imprononçable confié à Moïse, YHWH devient ABBA, ce nom d’indicible douceur qu’emploie Jésus lorsqu’il parle à son Père. On sait que Jean ne transmet pas la prière du Notre Père ; cette phrase en tient lieu, elle joue le même rôle : « Dieu est votre Père parce que je suis devenu votre Frère » dit Jésus, et, de ce fait, ses disciples peuvent ensemble avec Jésus et comme lui, appeler Dieu, « Notre Père ». Telle est la mission confiée à Marie de Magdala : annoncer aux disciples de Jésus qu’ils sont ses frères, fils d’un même Père. Voilà l’excellente nouvelle, l’Evangile que Marie est chargée de proclamer. Ce faisant, Marie désigne Dieu comme Père, elle désigne le Père ; ce qui est une fonction éminemment féminine.

Le parcours de Marie

C’est un parcours de foi : de repliement en retournement, de révélation en découverte, Marie retrouve son Maître, et discerne son Seigneur, Elle revient vers les disciples pour leur annoncer : J’ai vu le Seigneur et il m’a dit cela. Son expérience rejoint celle des deux disciples que nous avons quittés tout à l’heure et son attachement personnel à Jésus trouve sa vraie dimension au sein de la communauté des frères de Jésus. Au dire de la foi chrétienne Jésus monte vers Dieu son Père, il monte au ciel d’où il est venu. Ce qui advient à Jésus nous est promis et nous attend. Père – a dit Jésus – ceux que tu m’as donnés –donnés comme frères – je veux que là où je suis, ils soient aussi avec moi (17,24). La volonté de Jésus,

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explicite, ne diffère en rien de la volonté de son Père, elle en est même l’expression : donc Jésus veut que nous vivions avec lui auprès du Père qui nous aime du même amour. Il veut nous conduire jusqu’à Notre Père. Cette Vie dans laquelle Jésus est entré – et c’est la sienne – il veut que nous y entrions aussi. Notre Résurrection, notre vie en Dieu, fait donc partie intégrante de cette Bonne Nouvelle que Marie est envoyée annoncer. Frères de Jésus et fils de Dieu : cette affirmation implique, et entraine le fait que nous sommes frères les uns des autres. Voilà, pour les chrétiens, l’origine de la fraternité, dont Christian disait, ce matin, qu’elle est « une valeur d’inspiration chrétienne ». Un jeu de relations nouvelles est ouvert, dans lesquelles hommes et femmes peuvent se donner la main comme des frères et sœurs.

Evangile selon St Jean (20, 1 – 18)

1. Le premier jour de la semaine, Marie de Magdala vient de bonne heure au tombeau, comme il faisait encore sombre, et elle aperçoit la pierre enlevée du tombeau.

2. Elle court alors et vient trouver Simon-Pierre, ainsi que l'autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur et nous ne savons pas où on l'a mis. »

11. Marie se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Or, tout en pleurant, elle se pencha vers l'intérieur du tombeau 12. et elle voit deux anges, assis là où avait reposé le corps de Jésus, l'un à la tête et l'autre aux pieds. 13. Ceux-ci lui disent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur dit : « Parce qu'on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l'a mis. » 14. Ayant dit cela, elle se retourna, et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c'était Jésus. 15. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu? » Le prenant pour le jardinier, elle lui dit : « Seigneur, si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis et je l'enlèverai. » 16. Jésus lui dit : « Marie! » Se retournant, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni! » ce qui veut dire « Maître ». 17. Jésus lui dit : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » 18. Marie de Magdala vient annoncer aux disciples qu'elle a vu le Seigneur et qu'il lui a dit cela.

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Qui est Marie de Magdala,? Avec les anges Avec Jésus La voix du Bien Aimé : Cesse de me toucher Mais va vers mes frères Je monte vers mon Père Le parcours de Marie de Magdala

Du Cantique des Cantiques (3, 1 – 4) 1. Sur ma couche, la nuit, j'ai cherché celui que mon cœur aime. Je l'ai cherché, mais ne

l'ai point trouvé. 2. Je me lèverai donc, et parcourrai la ville. Dans les rues et sur les places, je chercherai

celui que mon cœur aime. Je l'ai cherché, mais ne l'ai point trouvé. 3. Les gardes m'ont rencontrée, ceux qui font la ronde dans la ville : « Avez-vous vu

celui que cœur aime ? » 4. A peine les avais-je dépassés, j'ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l'ai saisi et ne le

lâcherai point que je ne l'ai fait entrer dans la maison de ma mère...

Jn 5, 18 Il appelait Dieu son propre Père

8, 41 Nous n'avons qu'un seul Père : Dieu 8, 42 Si Dieu était votre Père, vous m'aimeriez, car lui m'a envoyé 8, 54 Mon Père, lui dont vous dites « Il est notre Dieu » 6, 46 Celui qui vient de Dieu, celui-là a vu le Père 13, 3 Il était venu de Dieu, il s'en allait vers Dieu 17, 11 Je viens vers Toi, Père 20, 17 Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu