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20 ans pour restaurer le climat Anne Gouyon et Maximilien Rouer, mars 2007 [email protected] Le livre blanc de l’économie positive

Livre Blanc Economie Positive

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Livre blanc de la société Be Citizen sur les l'économie positive et les solutions aux enjeux environnementaux

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20 ans pour restaurer le climat

Anne Gouyon et Maximilien Rouer, mars 2007 [email protected]

Le livre blanc de l’économie positive

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Le livre blanc de l’Economie Positive v 1.0 1

Les auteurs

Ingénieur agronome et Docteur en Sciences Economiques et Sociales, Anne Gouyon a démarré sa carrière en Asie et Afrique comme chercheuse en agro-foresterie au CIRAD, organisme français de coopération scientifique. Elle

est ensuite devenue consultante pour des entreprises du secteur agricole et environnemental, et pour des organismes internationaux. Expert auprès de la Banque Mondiale, puis du côté des ONGs (WWF, Rainforest Alliance), elle a créé la Fondation Bumi Kita (« Notre Terre à Tous »), spécialisée en développement rural et en écotourisme. Elle est co-fondatrice et associée de BeCitizen depuis 2000.

Biologiste cellulaire et ingénieur agronome, Maximilien Rouer est Président et co-fondateur de BeCitizen depuis 2000. En tant que conférencier ou au cours de missions de conseil, il s’est adressé à des centaines de décideurs locaux et de chefs

d’entreprise, de la PME aux multinationales, pour les aider à faire évoluer leur activité vers la restauration de l’environnement. Infatigable avocat de l’Economie Positive, il est aussi membre du Conseil National du Développement Durable, enseignant à HEC, et chroniqueur au quotidien La Tribune. À la TV, sur FR2, il a été à l’origine du Climaction et a réalisé les commentaires d’Objectif Terre pour Yann Arthus-Bertrand.

BeCitizen est un acteur de référence en matière de conseil stratégique auprès des entreprises et des collectivités sur les enjeux clés de l’avenir : changement climatique, renchérissement de l’énergie et des matières premières, gestion des déchets, santé et toxicité, préservation des ressources en eau et du vivant, accès à l’emploi et revitalisation des territoires. BeCitizen propose des solutions innovantes, fondées sur le concept d’Economie PositiveTM, intégrant les technologies environnementales les plus performantes et des solutions de financement adaptées. Créateur du concept d’Economie Positive, BeCitizen souhaite en assurer la plus grande diffusion dans le respect de son sens original.

Ont contribué à ce document :

Philippe Freund, Ingénieur agronome, associé cofondateur de BeCitizen, Directeur scientifique et Directeur offre finance carbone. Walid Malouf, Master en Sciences Economiques et Politiques, Univ. de Berkeley et MBA HEC, associé de BeCitizen, Directeur général et Directeur offre Cleantech. Flora Bernard, MSc. London School of Economics, Directeur offre ressources, déchets et revalorisation des sols. Capucine Laurent, Ingénieur agronome, Directeur offre biomasse / agro-ressources, expert carbone. Léna Spinazzé, École supérieure de commerce de Lyon, Directeur offre nouveaux marchés.

Rodolphe Deborre, Ingénieur agronome, Directeur offre construction positive, expert carbone. Vincent Bovet, Ingénieur des Mines, spécialiste nouveaux matériaux et construction positive Marion Huet, École supérieure de commerce de Paris, spécialiste de l’éco-conception. Marion Bonnet, Ingénieur agronome, spécialiste risques toxicités. Jean-Baptiste Brochier, Ingénieur UTC Compiègne et Univ. de Saragosse. Merci à Sarah Kefi pour son appui administratif.

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Préambule Les conditions de vie de la société, des territoires et de l’entreprise changent sous l’action conjointe de défis sans précédents. Des défis qui s’apparentent à une déclaration de guerre : la guerre pour la survie de notre civilisation, dans un climat qui se réchauffe. Le climat régit les conditions de la vie. À la déstabilisation du climat, s’ajoutent l’insécurité énergétique, la raréfaction des ressources, la destruction des sols, des réserves d’eau et de la biodiversité… tout cela dans un monde qui s’apprête à intégrer 3 milliards de nouveaux consommateurs, engagés dans une course effrénée pour accéder aux mêmes ressources limitées. Face à ces défis, certains parlent de décroissance, ou d’ajustement de la consommation. Est-il acceptable de parler de décroissance quand 4 milliards d’humains n’ont pas accès à une alimentation, une santé, une sécurité, une éducation de qualité ? Quand les habitants du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine sont déjà engagés dans une croissance à 7% par an ? Est-il suffisant de penser que des réductions marginales des consommations permettront de retrouver un climat stable, des sols fertiles, des stocks de ressources et d’eau propre ? C’est dans ce contexte que BeCitizen a choisi de s’engager pour une autre croissance. Nous accompagnons les entreprises, les territoires, vers une nouvelle révolution économique. Nous les aidons à identifier les technologies, les business models, les financements qui leur permettent de créer plus de valeur en stockant du carbone, en produisant des énergies et des ressources renouvelables et non toxiques, en reconstituant des sols fertiles, en dépolluant les nappes phréatiques. Cette nouvelle économie, nous lui avons donné un nom : l’économie positive, une économie qui crée plus de ressources qu’elle n’en détruit. Une économie qui stocke du carbone grâce à la production massive de biomasse, au service de la croissance. Une économie où la croissance est tirée par les chantiers de la restauration du climat, de l’environnement, du capital écologique de l’humanité. Depuis la création de BeCitizen il y a 7 ans, j’ai senti monter le besoin d’un espoir, loin du catastrophisme. C’est de ce besoin qu’est née l’économie positive. Depuis plus de 2 ans, je débats de ses principes et de sa faisabilité avec des chefs d’entreprise, des politiques, des dirigeants d’ONGs et des scientifiques, afin que BeCitizen puisse concevoir avec ses clients des solutions innovantes à la hauteur des nouveaux défis. Ce livre blanc est le fruit de ces échanges. Il clarifie les enjeux, propose des principes d’action concrets, dessine les contours d’un monde positif. Il s’inspire des innovations et du succès de centaines de pionniers. Certains ont été sélectionnés lors de la préparation des Trophées de l’économie positive, d’autres proviennent de nos rencontres, de nos expériences de terrain. Ils sont les gagnants de la nouvelle économie, les gagnants de l’économie positive. Rendez-vous dans quelques mois pour une version 2 de ce livre blanc, que nous vous invitons à enrichir de vos critiques, de vos suggestions, et de vos expériences, en déposant vos commentaires sur [email protected]. Nous ne sommes qu’au début de l’économie positive. Retenez le cadre de lecture proposé, observez le monde en marche avec cette nouvelle vision, participez avec nous au changement : pour restaurer le climat, le temps nous est compté.

Maximilien Rouer, Président de BeCitizen

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Crédits photographiques et illustrations Couverture (d’en haut à gauche à en bas à droite) : Sécheresse au Brésil, Bernard Osès @ IRD. Palmeraie en Egypte, Yann Arthus-Bertrand. Destruction d’HLM à Mantes, Paris-Skycrapers. Bâtiment positif à Bedzed, Bill Dunster. Introduction Rendu artistique de l’éco-ville de Dongtan,© Arup Zoom n°1, rizières à Bali, Ulung Wicaksono Zoom n°2, Pervenche de Madagascar, Claudine Campa © IRD Idée reçue n°1, graphique d’après Redefining Progress Idée reçue n°2, Savane à Imperata, Ken Langeland, Institute of Food and Agricultural Sciences, University of Florida. Première partie : Sécheresse au Brésil , Bernard Osès @ IRD. Palmeraie en Egypte, Yann Arthus-Bertrand, Plate forme pétrolière, Shell Éoliennes au Danemark, Yann Arthus-Bertrand Évolution du climat, Pierre Thomas Zoom n°5, Nodules photosynthétiques, Université de Koblenz Seconde partie Décharge publique en Indonésie, Anne Gouyon Compostage et taillis de bois-énergie : Ademe. Solution n°26, graine de jatropha, Daimler Chrysler Zoom n°9, Culture de Lactobacillus sakei, A. Marceau @ INRA 20 ans pour restaurer le climat, le livre blanc de l’économie positive, par Anne Gouyon et Maximilien Rouer © BeCitizen Editions. Version 1.0, mise en ligne sur www.becitizen.com le 22 mars 2007. Directeur de la publication : Anne Gouyon, Contacts et commentaires : [email protected] ISBN en cours

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Table des matières

Introduction : une révolution positive

Réinventer la croissance

Les origines Du développement durable à l’économie positive

Echapper à l’entropie Vers une éco-intelligence

Première partie : 3 objectifs

Restaurer le climat

La crise climatique Eviter l’emballement Arrêter la fuite en avant

Des scénarios pour 20 ans

Renouveler les ressources

Sécuriser les énergies Renouveler les matériaux

Restaurer l’eau et les sols

Recréer de la diversité L'érosion de la diversité La valeur de la diversité Revitaliser les territoires Intégrer 6,5 milliards de personnes

Deuxième partie : 6 principes

Plus avec moins

Finalité Circularité Complémentarité

Plus avec la biosphère

Substitution Valorisation Diversité

Conclusion : un monde positif

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Introduction : une révolution positive

Réinventer la croissance !!!!!!!!!!!!!!!!

Depuis le début de l’ère industrielle, la popu-lation mondiale et la production individuelle1 ont cru d’un facteur 8. En 250 ans, l’espérance de vie a doublé dans les pays pauvres, et quadruplé dans les pays riches. Un ouvrier français payé au SMIC jouit d’un niveau de confort, de sécurité, d’accès à l’information et de possibilités de déplacements qui feraient rêver un aristocrate de la Renaissance. Cette croissance est menacée par la raréfaction des ressources naturelles (pétrole, minerais, eau, sols, biodiversité) et leur corollaire, la hausse du prix de l’énergie et des matières premières. Le réchauffement du climat bouleverse déjà la production agricole et les modèles de prévision du risque. D’ici 20 ans, en cas d’accélération du changement climatique, ce sont les conditions mêmes de la vie sur terre qui pourraient être remises en cause – ou, tout au moins, la survie de notre civilisation. Alors, faut-il stopper la croissance ? Impensable, alors que 4 milliards d’êtres humains vivent avec moins de 1,5 ! par jour2. Impossible, lorsque le Brésil, la Russie, l’Inde, et la Chine représentent 3 milliards de personnes et 7% de croissance économique annuelle. Inaccep-table, alors que même dans les pays riches, l’anxiété croît face à l’érosion des revenus des classes moyennes, à la montée du chômage et de la précarité3. Dans ce contexte, la globalisation des échanges, qui est pourtant l’un des moteurs de l’économie, devient une source de menaces : compétition entre les individus au niveau mondial4, flux migratoires, terrorisme, etc. Plus que jamais, la croissance est donc néces-saire. Une croissance qui, au lieu de puiser dans l’environnement, devra aussi en restaurer la capacité à remplir les besoins de l’humanité. Impossible ? Et pourquoi ? L’histoire de l’humanité est ponctuée de crises, surmontées par des innovations qui ont abouti à des changements systémiques. Il y a 10 000 ans, des chasseurs-cueilleurs affamés ont semé des céréales sauvages. En devenant agriculteurs, ils se sont sédentarisés, ont pu créer un surplus, puis développer l’artisanat et le commerce. Il y a 400 ans, c’est grâce à la crise du bois en Angleterre que des compagnies minières se sont lancées dans l’extraction du charbon, qui a mis en mouvement la première Révolution industrielle.

Aujourd’hui, l’humanité dispose du plus puissant réseau d’innovation et d’échanges qui ait jamais existé : 3 millions de chercheurs5, plusieurs dizaines de millions d’entreprises, et 1 milliard d’individus connectés par le biais d’Internet. Il reste à chacun de décider dans quel sens utiliser cette capacité créative. Déjà, des pionniers ont fait le choix. Ils mettent en place une nouvelle économie, qui produit de l’énergie et des matériaux renouvelables, qui stocke du carbone, qui restitue des sols fertiles et des stocks d’eau propre : une économie positive, qui crée de la croissance pour tous, en restaurant le capital écologique de l’humanité. Une économie fondée sur l’éco-intelligence, qui se nourrit de diversité, et inclut 6,5 milliards d’humains pour créer plus de prospérité de manière pérenne. Ce livre blanc vous invite sur les traces de ces pionniers, qui sont les gagnants du monde de demain. Il définit les nouveaux enjeux économiques : restaurer le climat et renouveler les ressources, en recréant de la diversité. À travers 27 exemples, il révèle les principes d’action des pionniers de l’économie positive : fonctionnalité, circularité, complémentarité, sub-stitution, valorisation, diversité. Il dessine les contours d’un monde positif. Il nous reste 20 ans pour construire l’économie positive, 20 ans pour restaurer le climat et l’environnement. Vingt ans pour décider du sort de l’humanité. Le défi est immense, les opportunités sont là. Le chantier est passionnant.

Dongtan, Chine : une éco-ville pour 500 000 personnes

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Les origines !!!!!!!!!!!!!!!!

Toutes les sociétés ont exploité, à des degrés divers, les ressources de leur environnement. Les premiers chasseurs-cueilleurs exploitaient les ressources naturelles de manière marginale, globalement compatibles avec leur renouvel-lement. Cette période de l’humanité cor-respond à une vision animiste de la Nature, perçue comme toute-puissante et infinie. L’idée d’un impact de l’Homme sur la Nature, dont il fait partie, n’est même pas concevable6. Avec l’agriculture, l’Homme transforme son environnement : il crée de nouvelles variétés de céréales, domestique des animaux, défriche des forêts. Il est désormais capable d’augmenter son capital écologique, c’est-à-dire la capacité de son environnement à fournir les biens et les services dont il a besoin (zooms n°1 et 2).

Zoom n°1 L’île-jardin

Comment les habitants de Bali – et d’autres régions rizicoles d’Indonésie, de Chine, ou du Viêt-Nam7 – arrivent-ils à nourrir plus de 500 habitants/km2, soit 5 fois plus qu’en France, avec peu de dépenses en énergie ? Grâce au capital écologique accumulé sur leur territoire. Ce capital est en partie naturel : les rizières se nourrissent des cendres des volcans et d’une forte pluviométrie. Il a été enrichi par des générations de cultivateurs qui ont construit des terrasses et des canaux d’irrigation, sélectionné des variétés de riz adaptées aux conditions locales, et mis en place des associations entre élevage, pêche et cultures, complétées par des jardins agro-forestiers qui abritent des dizaines d’espèces utiles.

Cette richesse est le fruit d’une interaction positive entre le travail et l’intelligence collectifs d’une société, et son écosystème. Grâce à ce capital, l’économie locale dégage un surplus de ressources et de main d’œuvre, qui ont permis une abondante production artistique, inspirée par la beauté des paysages. À son tour, cette culture devient un capital, exploité par un tourisme qui attire 1 million de visiteurs par an sur une superficie égale à 1% de celle de la France.

Les sociétés qui ont connu une croissance soutenue sur une longue période sont celles qui ont su nourrir ce capital écologique. C’est le cas de l’Europe depuis le Moyen-Âge, ou des grandes civilisations rizicoles d’Asie.

Sols fertilisés par la fumure, oasis, rizières irriguées : autant d’écosystèmes artificialisés qui peuvent nourrir de 50 à 500 habitants par km2, contre à peine 5 pour la forêt naturelle. Le surplus dégagé et la main d’œuvre libérée alimentent le commerce et l’industrie. Toutes les sociétés n’ont pas su entretenir leur capital écologique. Les habitants de l’île de Pâques ont abattu tous les arbres de leur territoire pour transporter les célèbres statues8. On sait moins que la chute de Rome est liée à la surexploitation de son environnement. Au début de l’histoire romaine, l’Italie était riche en forêts. Pour financer les dépenses croissantes de l’Empire, il fallut déboiser, puis réduire les jachères, jusqu’à appauvrir les sols et les transformer en désert9. Les premières sociétés agricoles restent incons-cientes de leur impact sur l’environnement. Les changements s’étalent sur des périodes trop longues pour leurs moyens d’observation. Par ailleurs, en l’absence de pensée systémique, comment faire le lien entre l’épuisement des sols de Rome, et sa décadence économique et politique ? Ainsi, l’Homme croit encore la Nature toute-puissante. Il est vrai que l’effondrement des sociétés agricoles reste de portée limitée : aucune civilisation n’a encore les moyens d’avoir un impact global sur l’environnement. La révolution industrielle induit un changement d’échelle. En exploitant les énergies fossiles, l’Homme se dote d’une puissance sans précédent : la consommation d’énergie d’un Européen d’aujourd’hui correspond au labeur de 100 esclaves, 8 heures par jour

10. Désormais,

l’économie exploite le capital écologique global à des taux supérieurs à son renouvellement. Dans le même temps, le rapport à la nature change. Les grands monothéismes, suivis par Descartes et Bacon, puis Marx, placent l’Homme au-dessus d’une nature instru-mentalisée11 – dont il ne perçoit toujours pas les limites. C’est l’ère de la toute-puissance. Le réveil sera brutal. Dans les années 1970, après une nouvelle accélération de la croissance, les premières conséquences globales se font sentir : mort des océans, pluies acides, chocs pétroliers. Ainsi émerge la notion d’un écosystème planétaire à préserver. En 1972, le rapport Meadows12, commandé par le Club de Rome, s’interroge sur les limites de la croissance. La même année, les Nations Unies s’emparent du sujet avec la conférence de Stockholm, suivie en 1992 du Sommet de la Terre de Rio. Deux courants commencent à s’opposer : le courant radical et le courant néoclassique. Le premier considère que le capitalisme est incompatible avec la préservation de l’environ-nement. Mêlant politique, économie et philo-sophie, il prône un changement de société13, sur fond de sacralisation de la Nature.

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Du développement durable à l’économie positive

!!!!!!!!!!!!!!!!

Le second courant, dans lequel s’inscrit ce livre blanc, cherche à résoudre les défis environ-nementaux dans le cadre de l’économie de marché, sans exclure bien sûr l’intervention de l’Etat. La discipline qui en découle, l’économie de l’environnement ou économie des ressources, est très présente aux Etats-Unis, avec notamment Pearce, Freeman, Oates, Markandya ou Stiglitz. Elle repose sur la prise en compte du capital naturel, formé par les ressources naturelles et les services environ-nementaux (zoom n°2). Préserver ce capital suppose d’ « internaliser les externalités », c’est-à-dire faire en sorte que chacun prenne en charge les coûts de ses atteintes à l’environnement – jusque-là supportés par la société, en hypothéquant le futur. En 1972, dans cette lignée, l’OCDE introduit le principe « pollueur payeur » dans ses principes directeurs en matière d’économie. Les Etats commencent à légiférer dans ce sens. L’environnement perd son statut de ressource infinie et gratuite, et devient un facteur de coût. Ainsi, dans les années 1970, les entreprises commencent à mettre en place des mesures de protection de l’environnement, qui cor-respondent en général à ce que Hart appelle les mesures « end of pipe » (« au bout du tuyau »)14. Il ne s’agit pas de remettre en cause les procédés de production, mais de « faire moins mal », par exemple en plaçant des filtres au bout des cheminées d’usine. En 1987, le rapport Bruntdland introduit la notion de développement durable, qui doit « répondre aux besoins de tous, en préservant la capacité des générations futures à remplir leurs besoins ». Dans la décennie suivante, ce concept débouche sur la notion de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et sur l’idée de « triple bottom-line » : les entreprises doivent prendre en compte les intérêts de leurs parties prenantes à travers un triple bilan économique, social et environnemental15. Sous la pression de la société civile et des gouvernements, un nombre croissant de sociétés mettent en place des programmes de RSE et publient des rapports de développement durable16. Vingt ans après le rapport Bruntdland, force est de constater que le développement durable semble dans l’impasse. Si certaines entreprises jouent le jeu et tentent de redéfinir leur stratégie dans le sens de la « durabilité », d’autres se contentent de créer des postes de RSE sans réel pouvoir, et mettent en place des mesures sans impact réel. Et tandis que s’empilent les rapports de développement durable, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter et les déserts d’avancer.

Le mouvement de la RSE trouve ses limites pour avoir tenté de faire oublier la réalité du marché. Les entreprises n’ont bien qu’une seule bottom-line, celle qui détermine leur croissance et leur survie : leur profit. Or le concept de « responsabilité », avec sa connotation de charge, entretient l’idée que le développement durable est un coût pour l’entreprise. Un coût qu’il faut donc limiter au maximum, en appliquant des mesures marginales. Ainsi, la RSE ne permet pas de proposer des stratégies motivantes pour l’entreprise, à la hauteur des nouveaux enjeux. Pourtant, dès les années 1990, certaines entreprises commencent à percevoir les opportunités liées aux mesures sociales et environnementales : réduction de coûts, anticipation des risques, création de nouveaux business models, confiance accrue des marchés financiers. Ainsi, entre 1990 et 2005, le leader mondial de la chimie, DuPont, a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 70% – plus que son objectif de 65% fixé pour 201017 ! Il a ainsi baissé sa consommation d’énergie de 9%, et économisé plus de 2 milliards de dollars. DuPont a aussi développé de nouveaux matériaux pour panneaux solaires. L’idée émerge d’une convergence possible entre les intérêts de l’entreprise et l’environnement, qui devient ainsi un levier de rentabilité.

DuPont Photovoltaic Solutions : l’environnement

comme facteur de gains

Une nouvelle génération d’économistes propose alors de réconcilier économie et environnement. Aux Etats-Unis, Hawken et Lovins18 ont développé la notion de capitalisme naturel, fondée sur 4 principes : maximiser la productivité des ressources, s’inspirer des écosystèmes, vendre des services plutôt que des biens, et investir dans le capital naturel et humain. Ce courant débouche sur des concepts opérationnels inspirés du fonctionnement des écosystèmes: écoconception19, biomimétisme20, écologie industrielle21 (développée sous le nom d’économie circulaire en Allemagne, puis au Japon et en Chine22). Le terme de capital « naturel », cependant,

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donne à penser qu’il existe d’un côté l’économie, et de l’autre des écosystèmes naturels dans lequel l’Homme puise, et qu’il peut, au mieux, protéger de son influence. Pourtant, l’Humanité aurait-elle inventé l’agriculture, puis construit des cathédrales en se contentant de « protéger la planète »? Depuis plus de 10 000 ans, l’Homme n’a eu de cesse que d’améliorer un environnement qui n’est plus « naturel ». Dans ce livre blanc, la notion de capital naturel

est donc remplacée par celle de capital écologique, qui comprend l’ensemble des ressources et des services fournis par les écosystèmes, que ceux-ci soient naturels ou artificiels (zoom n°2). Toute entreprise, tout système économique croît en développant son capital. Le projet de l’économie positive est de restaurer, puis développer ce capital écologique, comme moteur de la croissance.

L’économie actuelle fonctionne de manière linéaire, selon le modèle « extraire, transformer, jeter ». Elle puise dans les ressources des écosystèmes, et diminue leur capacité à fournir plus de ressources et de services : elle épuise son capital écologique – un peu comme une entreprise qui aurait hérité d’un stock, et se contenterait de le vendre sans le renouveler. De fait, et malgré une hausse du PIB mondial de près de 5% en 2006, l’économie est probablement en décroissance, si l’on comptabilise la valeur du capital écologique détruit et non remplacé (idée reçue n°1).

Les conséquences se font sentir pour les entreprises, pour les territoires, qui voient augmenter à la fois de prix de l’énergie, des matières premières, de l’eau, de la gestion des déchets, des émissions de CO2. Et qui, dans le même temps, font face à des risques nouveaux : catastrophes naturelles, crises sanitaires, interdiction d’utilisation de molécules jusqu’alors courantes, et identifiées comme toxiques.

Zoom n°2 Qu’est-ce que le capital écologique?

L’écosystème planétaire correspond à l’ensemble des êtres vivants, y compris l’Homme, et de leur milieu physique. Il est caractérisé par les relations entre ses composantes : compétitions pour l’énergie, la matière et l’espace, mais aussi complémentarités, voire symbioses. Les organismes les plus évolués, les plus complexes, les plus autonomes par rapport à leur environnement – comme l’Homme – sont aussi, paradoxalement, ceux qui ont tissé le plus grand réseau d’interdépendance avec d’autres d’espèces23.

L’économie tire de multiples ressources matérielles de l’écosystème :

! des matériaux issus de processus physiques (métaux, roches), ou de processus biologiques. Ces processus biologiques peuvent être anciens (roches calcaires provenant de la sédimentation du squelette d’organismes marins), ou contemporains (biomatériaux : bois, latex, coton...)

! des carburants fossiles, issus de processus biologiques anciens (charbon, pétrole, gaz)

! des biocarburants, issus de processus biologiques contemporains (bois, biogaz, biodiesel, bioéthanol…)

! des flux d’énergie sous forme de rayonnement calorifique et lumineux (géothermie, énergie solaire). Ces flux créent des différentiels de température qui à leur tour créent de l’énergie sous forme de fluides en mouvement (énergie hydraulique, éolienne, houlomotrice…).

! des sols fertiles, issus de la dégradation de roches et de matières organiques par les éléments et les organismes vivants, et ainsi rendus aptes à l‘agriculture et la foresterie

! des eaux terrestres ou marines aptes à la pêche et à la pisciculture, et de l’eau douce (0,3% du total) apte à la consommation humaine ou aux besoins de l’industrie.

L’écosystème fournit aussi des services :

! régulation du climat au niveau global (stockage du carbone dans l’océan, l’atmosphère, les sols, et les végétaux) et local (les arbres dissipent les vents, et augmentent la pluviométrie et l’humidité).

! régulation des flux hydriques dans les sols par le couvert végétal : à l’inverse, la déforestation et le bétonnage de larges surfaces augmentent l’incidence des sécheresses et des inondations.

! information issue de la diversité du vivant, utilisée pour la création de nouveaux produits et procédés industriels : création de nouveaux médicaments à partir de molécules issues de plantes sauvages, amélioration des variétés de blé cultivées à partir des variétés sauvages ou traditionnelles.

! valeur récréative, esthétique et spirituelle des formes du vivant, valorisées par le tourisme et par la création artistique et culturelle : que serait le Club Med sans la beauté des plages tropicales, que serait Disney sans l’émotion suscitée par les animaux de la jungle ?

Ainsi, le capital écologique représente la capacité des écosystèmes à fournir à l’économie les biens et services dont elle a besoin.

La pervenche de Madagascar, exploitée pour ses alcaloïdes anti-leucémiques

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Idée reçue n°1 L’économie mondiale a crû de 5% en 2006

Les calculs de croissance des pays se basent sur le PIB, un indicateur qui ne prend en compte que la production de biens et services. Le PIB ne dit rien de l’état des stocks de ressources du pays : un peu comme une entreprise qui présenterait un compte de résultats sans bilan. La vente de bois de forêts centenaires est comptabilisée comme une « production ». La Banque Mondiale estime ainsi que 2/3 de la croissance chinoise récente ont été réalisés sur un « découvert écologique » : une destruction de capital non compensée24.

Par ailleurs, le PIB ne prend en compte que les flux monétaires, en l’absence de toute réflexion sur la fonctionnalité de l’économie. Ainsi, les biens et services non marchands ne sont pas comptabilisés, mais les accidents de la route contribuent à la croissance du PIB.

Un Institut californien, Redefining Progress, a défini l’IPV, ou Indice de Progrès Véritable, qui prend en compte la valeur des ressources naturelles, ainsi que la valeur des services non marchands et des coûts sociaux de la croissance. L’IPV de nombreux pays est en fait négatif ou nul. De même, bien des entreprises seraient déficitaires si elles devaient payer à leur valeur réelle, c’est-à-dire à leur valeur de remplacement, les éléments du capital écologique qu’elles utilisent.

Face à cette dégradation, une simple réduction des dégâts, selon le modèle de la « décroissance », ne suffirait pas à restaurer la stabilité du climat et le capital écologique de l’humanité – en tout cas, pas à notre échelle de temps. Et ce, en raison des effets d’inertie et d’irréversibilité à l’œuvre dans les écosystèmes (idée reçue n°2). Une intervention humaine adaptée est au contraire nécessaire pour recréer, au sein des écosystèmes, une dynamique favorable à l’Homme. Il s’agit bien d’une logique de croissance, puisque ces interventions nécessiteront des investissements en énergie, en travail et en savoir.

Les acteurs économiques – entreprises, collectivités territoriales – qui contribuent à cette nouvelle croissance rentrent dans une stratégie doublement gagnante. D’une part, ils réduisent les coûts et les risques liés à la dépendance à des ressources en voie de raréfaction. D’autre part, ils créent de nouvelles opportunités : nouveaux services, nouveaux produits, dont la valeur est appelée à augmenter sur le marché au fur et à mesure que les ressources qu’elles remplacent se raréfient.

Idée reçue n°2 Il suffirait d’arrêter la croissance pour restaurer l’environnement

Il ne suffirait pas de ralentir notre économie pour restaurer un climat stable, des eaux propres, des territoires riches en biodiversité. Et ce, en raison des phénomènes d’inertie et d’irréversibilité.

L’effet d’inertie est à l’œuvre dans le changement climatique. Dans les conditions actuelles de végétation, le gaz carbonique reste plus de 100 ans dans l’atmosphère, avant d’être capturé par un puits naturel : forêt, océan…. Même si nous arrêtions nos émissions, sa présence suffirait à maintenir l’effet de serre à un niveau tel, que l’océan et l’atmosphère continueraient de se réchauffer. Il est donc indispensable d’investir pour augmenter le stockage de carbone dans la biosphère, et réduire le CO2 atmosphérique.

D’autres changements sont irréversibles, à notre échelle, par les seuls mécanismes naturels. En Asie, 350 000 km2 de terres déforestées sont envahies par l’Imperata, une herbe riche en silice, incomestible pour les vaches et propice aux incendies. Cette végétation est un climax, une forme écologique stable. La forêt ne peut pas la recoloniser naturellement à notre échelle de temps. En revanche, il est possible de reboiser ces zones, en investissant de l’énergie pour retourner les sols, et du travail intelligent pour choisir des variétés d’arbres adaptées25.

Fig 1. PIB et IPV aux USA, 1950-2000

Savane à Imperata

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Échapper à l’entropie !!!!!!!!!!!!!!!!

Comment restaurer le capital écologique ? En agissant différemment sur les deux types de ressources fournies par les écosystèmes : les ressources d’origine ancienne, et les ressources renouvelables.

Tout d’abord, les ressources d’origine ancienne : c’est le cas des minerais métallifères, des carburants fossiles, de la biodiversité des forêts primaires, etc. Il est impossible de les reconstituer à notre échelle de temps. En revanche, il est possible de prolonger leur usage en améliorant la productivité de ces ressources, et en les utilisant de manière circulaire.

C’est la première partie des principes de l’économie positive : faire plus avec moins.

Cette seule stratégie, à terme, se heurte toutefois aux principes de la thermodynamique. Le premier principe postule que l’énergie d’un système fermé reste constante : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Le second correspond à la notion d’entropie croissante : dans un système fermé, l’entropie augmente à chaque transformation. Or, plus il y a d’entropie dans un système, moins il y a d’ordre, de structure, et moins les ressources sont utilisables par l’économie (zoom n° 3). Une économie ou un écosystème qui fonctionnerait de manière fermée, sans apport d’énergie extérieur, serait condamné à voir baisser la qualité des ressources à sa disposition. C’est ce qui se passe aujourd’hui, par exemple dans le domaine des métaux ou des carburants fossiles : les meilleurs gisements, les plus faciles à utiliser sont en voie d’épuisement. Il reste des ressources moins concentrées, plus difficiles à exploiter.

Zoom n°3 Condamnés par l’entropie ?

La circulation de la chaleur entre deux bacs d’eau illustre le problème de l’entropie croissante.

Au départ, un système composé de deux bacs d’eau de 1 litre chacun, dont l’un à 0°C et l’autre à 60°C. Laissé à lui-même, il va évoluer vers plus d’entropie : les deux bacs échangent de la chaleur et au bout de quelques jours, ils sont tous les deux à 30°C. La quantité de chaleur totale est la même. mais elle est moins utile. Ainsi, une pompe à chaleur permet d’exploiter la différence de température entre deux bacs d’eau pour produire de l’énergie. C’est impossible si toute l’eau est à la même température.

Ainsi, certains économistes26 ont théorisé que la décroissance économique est inéluctable : tôt ou tard, l’économie se heurte à la hausse de l’entropie et son corollaire, la dégradation de l’ « utilisabilité » des ressources. Par exemple, à chaque cycle de recyclage d’un métal, il y a nécessairement des pertes. Au bout d’un grand nombre de cycles, tout le métal sera transformé en poussière répartie sur tout le globe, et très difficile à utiliser.

Ce raisonnement ignore pourtant un fait essentiel : la Terre n’est pas un système clos. La vie sur Terre a toujours fonctionné en entropie décroissante, grâce à l’énergie apportée par le soleil. Ainsi, elle produit de l’ordre, de la structure : de la néguentropie.

Heureusement, la loi de l’entropie croissante ne s’applique qu’aux systèmes clos, qui ne reçoivent pas d’énergie. Or, l’écosystème est alimenté en permanence par deux sources d’énergie : le soleil (rayonnement calorifique et lumineux) et la terre (géothermie). Exploiter ces deux sources d’énergie permet de fonctionner en néguentropie, c’est-à-dire en entropie décroissante.

Tous les écosystèmes naturels, et tous les écosystèmes artificialisés durables, fonctionnent en néguentropie. À la base, des végétaux et des bactéries exploitent l’énergie du soleil, et la transforment en matière structurée – donc, créent de l’ordre. Au « sommet », des animaux exploitent cette énergie stockée dans les plantes pour produire encore plus de matière structurée. Et partout, des champignons et des micro-organismes transforment les restes d’organismes vivants en ressources prêtes à être réutilisées dans un autre cycle.

L’économie positive fonctionne en néguentropie. Elle utilise la biosphère – l’énergie du soleil et les mécanismes du vivant – pour renouveler les ressources dont elle a besoin. Ainsi, progressivement, elle remplace des ressources d’origine ancienne par des ressources fournies en temps réel par la biosphère. Elle crée de nouveaux écosystèmes, qui fournissent des énergies renouvelables, des biomatériaux, qui stockent du carbone, qui dépolluent les eaux, qui recréent des sols fertiles et de la biodiversité.

C’est la deuxième partie des principes de l’économie positive : faire plus avec la biosphère.

Vers une éco-intelligence

!!!!!!!!!!!!!!!!

Ces principes – faire plus avec moins, faire plus avec la biosphère – ne sont rien d’autre que les principes de base des économies agricoles d’autrefois. Alors, quoi de nouveau dans l’économie positive ?

La nouveauté, c’est la connaissance acquise par l’humanité, principalement au cours des 50 dernières années, sur le fonctionnement des organismes vivants et des écosystèmes. Ce sont les progrès réalisés en matières d’utilisation des flux d’énergie renouvelables. Pendant des millénaires, la connaissance du vivant s’est limitée à l’échelle de la vie quotidienne : les organismes vivants visibles à l’œil nu, le champ cultivé. Les progrès systémiques des sciences de la vie ont commencé lorsqu’elle a abordé l’échelle microscopique (biologie cellulaire et moléculaire) et l’échelle macroscopique (écologie scientifique). Ces développements datent de moins de 50 ans.

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Le livre blanc de l’Economie Positive 11

Ainsi, la génétique moderne est née avec la découverte de l’ADN en 1953, et s’est ensuite développée avec les travaux de Jacob, Monod et Lwoff sur la biologie moléculaire. La science des écosystèmes, née au XIXè siècle, ne s’est réellement développée qu’à partir des années 1960. L’analyse chimique de la photosynthèse, source de toute l’énergie utile de la biosphère, date de 1950. Ces progrès scientifiques ont été possibles grâce à de nouveaux outils : pour l’échelle micro, des microscopes électroniques de plus en plus puissants, pour l’échelle macro, des ordinateurs permettant des modélisations de plus en plus complexes.

De même, les premières cellules photovoltaïques ne datent que des années 1950. Leur développement a suivi les progrès des connaissances sur les semi-conducteurs, et celui des satellites, premiers utilisateurs de cette technologie.

L’économie positive exploite l’éco-intelligence issue des progrès scientifiques et techniques des 50 dernières années :

- compréhension accrue des mécanismes de la biosphère au niveau de l’infiniment petit ;

- intelligence systémique, c’est-à-dire compréhension accrue du fonctionnement des systèmes au niveau global, macroscopique.

Cette éco-intelligence équivaut à une meilleure compréhension des mécanismes à l’œuvre dans la biosphère, qui permet d’en exploiter les ressources sans les détruire et, au contraire, en les restaurant et en les enrichissant.

Grâce à l’éco-intelligence, l’économie positive s’inspire du modèle de l’arbre : sa croissance est continue, mais, loin d’affaiblir son environnement, il le nourrit en allant chercher l’énergie de la lumière et en puisant dans la Terre les minéraux et l’eau dont il a besoin. Ce faisant, il fournit à des milliers d’autres êtres vivants un substrat de croissance, un abri, des aliments, un microclimat favorable. Ainsi se dessinent les contours d’un monde positif, où la restauration du capital écologique alimente la croissance économique.

Dans ce monde positif, la réussite économique ne reposera plus principalement sur la mobilisation de capital financier27. La réussite ne dépendra pas de la capacité à accéder à des ressources rares, mais de la capacité à les valoriser au mieux, et à en produire de nouvelles, de manière renouvelable. La réussite reposera, de plus en plus, sur la capacité des acteurs – Nations, territoires, entreprises – à mobiliser les savoirs nécessaires pour développer leur capital écologique. Les gagnants du monde de demain sont ceux qui investissent dans l’éco-intelligence : en développant des programmes de recherche-développement, de formation de spécialistes opérationnels (ingénieurs, agents de maîtrise) et en favorisant l’emploi de personnels qualifiés par les entreprises et les collectivités. L’économie positive crée les emplois de demain.

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Première partie

3 objectifs

Restaurer le climat

Renouveler les ressources

Recréer de la diversité

Sécheresse au Brésil Oasis en Egypte

Eoliennes au Danemark Plate-forme pétrolière après Katrina

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Restaurer le climat

La crise climatique !!!!!!!!!!!!!!!!

Le climat régit les conditions de la vie. Il ne servira à rien de vouloir restaurer les eaux, la forêt ou la croissance économique si le changement climatique assèche les cours d’eau et remet en cause les conditions de survie de milliers d’espèces vivantes. Le premier chantier de l’économie positive, qui conditionne tous les autres, est donc bien la restauration de la stabilité du climat. Le climat globalement tempéré et stable que nous connaissons aujourd’hui est dû à un équilibre fragile entre des stocks de carbone naturels. Ces réservoirs – l’océan, l’atmosphère, la végétation, les sols, les roches calcaires, les carburants fossiles – échangent en permanence du carbone, sous forme de gaz carbonique (CO2) et du méthane (CH4). Ces deux gaz sont les principaux responsables de l’effet de serre d’origine anthropique (tableau n°1). Ils piègent les rayons de chaleur émis par la terre sous l’effet du rayonnement solaire, et renforcent l’effet de serre naturel. Leur concentration dans l’atmosphère est un des déterminants de la température terrestre. Tab n°1 Les gaz à effet de serre (GES)28

%* Prg** Durée** Sources

Gaz carbonique (CO2)

68 1 > 100 ans

Énergies fossiles, cimenteries, déforestation.

Méthane (CH4)

18 23 > 10 ans

Agriculture, déchets, exploitation pétrolière

Gaz fluorés (CFC, HFCs, PFCs, SF6 )

9 140 à 11700

Jusqu’à 50000 ans

Réfrigérants, aérosols, industrie électronique

Protoxyde d’azote (N2O)

5 300 120 ans Engrais azotés, chimie.

* Pourcentage de contribution à l’effet de serre

** Pouvoir de réchauffement global, par rapport au

gaz carbonique. *** Durée de séjour dans l’atmosphère. Pour le gaz

carbonique, sa durée de séjour dépend du niveau de

l’activité photosynthétique des plantes : plus il y a de

plantes en croissance, plus elles absorbent du

carbone, moins celui-ci reste longtemps dans

l’atmosphère.

Depuis que la Terre existe, la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère a globalement diminué, grâce à la photosynthèse (fig n°2, en bas). Cette réaction chimique, qui est à la base de la vie, permet aux végétaux et à certaines bactéries d’absorber du carbone, de le transformer en sucres (glucose, amidon, cellulose…) et de le stocker dans leurs tissus (zoom n°5, p.19). Ce carbone s’est ensuite accumulé dans les roches calcaires, formées à partir de squelettes sédimentés d’organismes marins, et, depuis 500 millions d’années, dans le charbon, le pétrole et le gaz, issus de la décomposition d’êtres vivants.

Fig. n°2 Variations historiques des taux de

gaz carbonique dans l’atmosphère29. Le trait rouge correspond à la concentration

mesurée en juin 2005, soit 380 ppm (parties pour millions).

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En absorbant du carbone pendant des milliards d’années, la vie a permis à la température terrestre de descendre à des niveaux compatibles avec l’existence de l’Homme. Ainsi, depuis plus de 400 000 ans et semble-t-il, sur le dernier million d’années, la concentration de gaz carbonique est restée comprise entre 190 et 300 ppm (fig n°2, milieu) – avec des variations liées à la position du soleil par rapport à la Terre. La révolution industrielle est venue bouleverser cet équilibre : en brûlant des carburants fossiles, l’activité économique a commencé à rejeter dans l’atmosphère le carbone stocké par les végétaux de la préhistoire. Ainsi, en 250 ans, la concentration de CO2 dans l’atmosphère est passée de 280 ppm à 380 ppm. Ce niveau est 35% supérieur à son niveau le plus élevé depuis plus de 400 000 ans (fig. n°2, en haut). Le CO2 rejeté par les carburants fossiles et les cimenteries n’est pas le seul produit de la révolution industrielle à causer problème. Il s’y ajoute celui issu de la calcination du calcaire dans les cimenteries (5% des émissions), et surtout celui de la déforestation et de l’appauvrissement des sols. Par ailleurs, l’agriculture et l’industrie chimique rejettent d’autres gaz à effet de serre (GES), qui contribuent à plus de 30% de l’effet de serre anthropique (tableau n°1), voire 40% si l’on y ajoute l’ozone. L’accumulation de ces gaz déstabilise le système climatique. En effet, le climat est un système complexe, instable, régi par des équations non linéaires de la théorie du chaos. Ces systèmes montrent une forte dépendance aux conditions initiales : un changement très faible peut suffire à les faire basculer brutalement d’un état à l’autre. Depuis le début de la révolution industrielle, la température terrestre moyenne s’est réchauffée de 1°C en moyenne. L’océan, lui ne s’est réchauffé que d’à peine 0,5°C en surface. Ces différences encore faibles sont inégalement réparties, et, suffisent déjà à provoquer des perturbations importantes. Ainsi, aux pôles, la hausse atteint 6°C, assez pour provoquer le dégel des glaces polaires et la montée des eaux. La hausse de température de 0,5°C de l’océan a suffi pour augmenter l’intensité des ouragans en Floride, et doubler la fréquence des plus violents d’entre eux sur les 30 dernières années30. On assiste ainsi à une augmentation des événements extrêmes, souvent catastrophiques : canicules, sécheresses, inondations, cyclones. Onze des années les plus chaudes depuis 1880 se situent dans les douze dernières années, et la fréquence des ouragans a doublé en 30 ans. Ces perturbations détruisent des milliers de vies humaines : 35 000 morts en Europe pour la canicule de 2005.

Les perturbations climatiques coûtent chaque année des centaines de milliards d’euros, tant pour les territoires que pour les entreprises gérant des infrastructures lourdes. L’agriculture commence à souffrir : par manque d’eau, le sud-ouest de la France pourrait être amené à renoncer à la culture du maïs, base de son économie agricole. Les modèles de prédiction du risque des assurances sont remis en cause (zoom n°4). Zoom n°4 Un monde sans assurances ?

En Floride, l’ensemble des cyclones de 2004 et 2005, les 2 années les plus touchées de mémoire d’homme, ont coûté 345 milliards de dollars, dont 135 pour Katrina. Les climatologues du GIEC, parmi les plus prudents, estiment probable31 que de tels évènements vont continuer d’augmenter en fréquence, mais sans pouvoir quantifier ce changement. Ces évolutions remettent en cause le modèle économique des compagnies d’assurance, qui ont besoin d’asseoir leurs calculs de primes sur des probabilités de risques connues.

Les compagnies d’assurance pourraient se révéler incapables de prendre en charge des événements échappant aux prévisions, ou augmenter tellement les primes que de plus en plus d’individus et d’entreprises, renonceront à s’assurer32. C’est déjà le cas aux Etats-Unis, où l’Etat a dû se substituer aux compagnies d’assurance pour indemniser les victimes d’ouragans.

Vallée de la Somme, 2001

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Eviter l’emballement !!!!!!!!!!!!!!!!

Alors, que se passera-t-il si les températures continuent d’augmenter ? Le risque d’une déstabilisation complète du climat, in-compatible avec le maintien de notre économie et de notre civilisation, est proche. C’est ce que rappelle par exemple Hansen, un climatologue de la NASA : « En poursuivant la tendance

actuelle, on arrive à une augmentation de la

température de 2 ou 3°C. On verrait alors des

changements qui feraient de la Terre une tout autre planète que celle que l’on connaît aujourd’hui. La dernière fois dans l’Histoire que la

Terre a été aussi chaude, c’était il y a environ 3

millions d’années – et le niveau des mers était 25

m plus élevé qu’aujourd’hui.33 » Le dernier rapport du GIEC (février 2007) envisage des hausses de 1,1 à 6,4°C pour le prochain siècle. Ces prévisions sont modérées : le GIEC est un groupe intergouvernemental, dont les conclusions résultent de compromis entre des positions très diverses. Or, un nombre croissant d’experts refusent de cautionner cette fourchette : au-delà d’une hausse de 2°C, la modélisation devient impossible34. En effet, à partir de certains seuils, la hausse de la température est un phénomène auto-renforcé : les réservoirs de carbone naturels que sont les sols, les permafrosts, la végétation et les océans se mettent à vider leurs stocks. Un emballement du réchauffement climatique, aux effets par nature imprévisibles, est alors probable (Idée reçue n°3). Sur les 30 dernières années, le taux de CO2 dans l’atmosphère s’est accru en moyenne de 1,5 ppm par an, soit un flux net de 3 GtC/an (3 milliards de tonnes d’équivalent carbone). Mais les émissions ont augmenté, et la capacité de stockage des puits naturels diminue. Ainsi, entre 1995 et 2005, l’accroissement moyen a été de 1,9 ppm/an35 - et 2,5 pendant les années les plus chaudes, du fait du ralentissement de la croissance des végétaux pendant les canicules. Par ailleurs, il faut tenir compte de l’accroissement des émissions des pays émergents. Ainsi, en l’absence de mesures correctrices, la concentration de CO2 dépassera 450 ppm dans environ 20 ans, ce qui correspond à une hausse de température de 2°C, rapprochant sérieusement le risque d’un emballement (cf. tab n°2, scénario 1). Bonne nouvelle : cela signifie qu’il nous reste 20 ans pour mettre en place une économie positive, qui stocke du carbone et restaure la stabilité du climat. Vingt ans, C’est suffisant pour transformer les bases de l’économie, à condition de démarrer vite. Vingt ans ont suffi pour reconstruire les économies d’Europe après la seconde guerre mondiale, et transformer un champ de ruines (1945) en une économie en plein boom (1965).

Vingt ans ont suffi pour moderniser l’agriculture française et passer du cheval (1950) au tracteur (1970). Vingt ans ont suffi pour sortir l’Asie de la famine (1955) et la mettre sur la voie de la croissance (1975). Certains assimilent cette volonté à celle du plan Marshall , par lequel les Américains ont fourni à l’Europe les moyens de se reconstruire après 1945. Les enjeux du climat appellent un plan Marshall planétaire.

Idée reçue n°3 Les coûts du changement climatique peuvent être chiffrés

Le rapport Stern36 chiffre le coût global sur les 10 ans à venir du changement climatique : 5.500 milliards d’euros, soit 15% du PIB mondial annuel ou 18 fois le budget de l’Etat français. De tels calculs entretiennent l’illusion qu’il est possible de modéliser les conséquences du changement climatique sur l’économie. Ils reposent sur une vision obsolète de la physique et de l’économie, qui obéiraient à des lois linéaires, comme la physique de Newton. En réalité, l’atmosphère et le climat, tout comme les marchés financiers, sont régis par la théorie du chaos. Ils peuvent changer brutalement d’état suite à une faible perturbation. C’est ainsi que sur une place boursière, le retrait d’un seul agent financier peut entraîner tous les autres à sa suite et provoquer un krach.

Le climat est proche du krach. La hausse des températures est telle, que le comportement des océans, des sols et de la végétation menace de s’inverser. Au lieu d’absorber du carbone, ils commencent à en rejeter. Ainsi, pendant les canicules, les végétaux freinent leur croissance pour éviter les pertes en eau : ils émettent alors du carbone au lieu d’en stocker. Dans le Grand Nord, le dégel des permafrosts a commencé. Ces sols gelés représentent 20% des terres émergées, et atteignent jusqu’à 440 m d’épaisseur... Ils contiennent des milliards de tonnes de carbone, piégés sous formes d’hydrates de méthane, que la fonte transforme en CO2 et en CH4. Selon l’expression d’Hubert Reeves, l’Homme s’apprête ainsi à « libérer les dragons » .

Plus inquiétant encore est le rôle des océans. Le carbone qu’ils ont absorbé depuis 250 ans provoque une acidification des eaux, qui limite la capacité du plancton à fixer du carbone. En cas de réchauffement continu, les océans pourraient même libérer les hydrates de méthane stockés en profondeur. En raison de leur inertie thermique, les océans se sont encore peu réchauffés : ils représentent une véritable bombe à retardement.

Aucun modèle physique ne permet de prédire les effets d’un emballement du réchauffement climatique. Une chose est sûre : les conséquences économiques – catastrophes naturelles, famines, épidémies, déplacements de population – dépasseront elles aussi toute capacité de calcul.

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Arrêter la fuite en avant

!!!!!!!!!!!!!!!!

D’ores et déjà, un nombre croissant de consommateurs, d’entreprises et de territoires ont pris acte du réchauffement et mettent en place des solutions visant à s’adapter à ce qui paraît inéluctable. Les stratégies d’adaptation au changement climatique relèvent le plus souvent de la fuite en avant : en s’adaptant, les acteurs économiques renforcent le problème. C’est le cas par exemple de la climatisation des automobiles et des bâtiments, lorsqu’elle est alimentée par des énergies fossiles, ce qui est majoritairement le cas à l’échelle planétaire (Idée reçue n°4). De la même manière, les réponses à la hausse des prix de l’énergie relèvent de la fuite en avant. Pour remplacer le pétrole, la tentation est grande d’utiliser le charbon, moins cher mais plus fortement émetteur de carbone, ou de faire appel aux gisements de sables bitumineux, dont l’exploitation est fortement consommatrice d’énergie. Il est ainsi illusoire d’espérer que l’épuisement des réserves de pétrole sauvera l’économie de l’emballement climatique. Comment se fait-il qu’autant de « réponses » aux nouveaux enjeux de l’économie aggravent le problème ? Parce que les acteurs économiques qui les mettent en œuvre sont prisonniers d’un modèle linéaire, dépendant des énergies fossiles, qui ne sait intervenir sur un problème qu’en dépensant plus d’énergie, et en rejetant plus de carbone. Les entreprises et les territoires qui s’adaptent de cette manière s’enferment dans un modèle qui, demain, deviendra impossible à maintenir en raison du coût croissant de l’énergie et de la tonne de carbone émise. C’est à la racine du problème qu’il faut agir : en mettant en place des stratégies de croissance qui réduisent les émissions et absorbent du carbone.

Idée reçue n°4 Le changement climatique ? Il faut s’adapter !

Une stratégie classique, face au réchauffement climatique, consiste à investir dans la climatisation : un bel exemple de renforcement du changement climatique dû à l’Homme. Les climatisations automobiles, par exemple, engendrent une surconsommation de 15%, soit autant de rejets de CO2. Quant aux entreprises qui investissent dans la vente de climatiseurs en croyant y déceler le marché de demain, elles risquent des déceptions lorsque le prix du carburant et des quotas de carbone rendra leur utilisation prohibitive… à moins d’investir dans des climatisations solaires.

Comment relancer l’économie de la Mongolie ou du Maroc, pays frappés par des sécheresses sans précédent, dues au changement climatique ? Dans ces deux pays, la même solution est avancée : le développement du tourisme, et de préférence en provenance des pays riches, donc reposant sur l’avion... le mode de transport qui contribue le plus au réchauffement climatique, par kilomètre-passager. Et en effet, les compagnies aériennes « low-cost » se multiplient, baissant leur niveau de service pour conserver des clients malgré la hausse du prix du pétrole. Jusqu’à quand ce modèle d’investissement sera-t-il rentable ?

Oasis, première compagnie low-cost longue distance : adaptation ou fuite en avant ?

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Des scénarios pour 20 ans !!!!!!!!!!!!!!!!

Les solutions avancées pour le changement climatique visent à limiter l’augmentation de carbone dans l’atmosphère, et à stabiliser sa concentration en dessous de 450 à 550 ppm d’ici à 2050. Cela correspond à une division par 2 des émissions globales, soit une division par 4 dans les pays industrialisés, en considérant que les pays pauvres et émergents ne seront pas en mesure de réduire leurs émissions. Cet objectif correspond au « facteur 4 » de réduction défini pour la première fois dans un rapport au Club de Rom en 199737, et repris dans la plupart des politiques de lutte contre le changement climatique, notamment en France38. Cet objectif est-il suffisant ? Sans doute pas : compte tenu de l’inertie des océans, même en cas de stabilisation de la concentration de CO2 à des valeurs égales ou supérieures aux valeurs actuelles, la température continuerait d’augmenter, jusqu’à l’emballement. La seule solution permettant de stabiliser le climat de manière durable est de revenir aux niveaux de concentrations de gaz carbonique antérieurs à la révolution industrielles, et qui ont permis à l’humanité de jouir un climat relativement stable sur les 10 000 dernières années39.

L’objectif à atteindre est donc bien la restauration du climat. Cela suppose de travailler sur le « scénario manquant » qui suppose de ramener le taux de CO2 atmosphérique au niveau antérieur à l’ère industrielle : 280 ppm. Pour cela, il faut mettre en place une économie qui stocke plus de carbone qu’elle n’en émet.

Il s’agit bien d’un « scénario manquant », absent de tous les scénarios officiels. Pourquoi cette absence ? Pour réduire la quantité de CO2

atmosphérique, il faudra réduire les émissions, mais aussi utiliser les sols et la végétation pour capter et stocker durablement du carbone. Or les connaissances dans ce domaine sont encore balbutiantes, et les spécialistes qui rédigent les scénarios officiels sont rarement formés à la gestion des sols et de la forêt. Une lacune qu’il est temps de combler. Explications. Pour ramener le taux de carbone atmosphérique à ses concentrations pré-industrielles, il faut agir sur les différents flux de carbone :

! 8 à 9 GtC rejetés par l’économie, dont 7 par les carburants fossiles et la combustion de calcaire, et 1 à 2 par la déforestation et les changements d’utilisation des sols. La première étape est de réduire ces émissions.

! 3 GtC absorbés par les puits de carbone, dont 2 par les océans et 1 par les sols et la végétation. Cette capacité d’absorption diminue avec la température. Il est donc urgent de restaurer, puis d’augmenter le stockage de carbone dans la biosphère.

Fig n°3 Stocks et flux de carbone en Gt40 Emissions en rouge, absorptions en vert. Les chiffres

dans chaque case représentent les stocks. Pour chaque flux, l’incertitude est de +/- 1 Gt. Rappelons que 1 t de CO2 contient 0,27 t de carbone, donc 1

GTC correspond à 3,27 t de CO2.

Réduire les émissions fossiles Les émissions proviennent essentiellement de la combustion des carburants fossiles, et, pour 5%, à la calcination du calcaire pour les cimenteries. En effet, l’économie actuelle repose à 77% sur les énergies fossiles : pétrole (32%), charbon (26%), gaz (19%). Mais compte-tenu de sa teneur en carbone, c’est le charbon qui contribue le plus aux rejets de CO2 (42%), suivi du pétrole (40%) et du gaz (18%). Tab n°2 Emissions de carbone dues à la combustion des carburants fossiles (kg/tep)

Kg éq. C/tep Index Gaz naturel 650 1

GPL 730 1,12 (+12%) Essence 830 1,28 (+28%) Kérosène 850 1,31 (+31%) Diesel, fioul 860 1,32 (+32%) Charbon 1120 1,72 (+72%) Sources : ADEME et EDF41. 1 tep = 12MWh = 43 GJ.

Chaque année, l’économie mondiale consomme 10 milliards de tep (tonnes équivalent pétrole) d’énergie, qui rejettent ainsi 7 Gt d’équivalent carbone42. Pour réduire ces émissions, il est possible d’ agir sur deux facteurs : l’intensité énergétique de la croissance (quantité d’énergie par Euro produit), et l’intensité carbone (quantité de carbone par unité d’énergie, ou par Euro produit). Ainsi, entre 1970 et 1985, les mesures d’efficience énergétiques et le développement d’énergies alternatives au pétrole ont permis une baisse de 2 à 3% par an de l’intensité carbone de l’économie aux Etats-Unis et en Europe43. En Europe, ces mesures ont été maintenues dans les années 1990, grâce aux politiques de taxation de l’énergie fossile. Aux Etats-Unis, par contre, la baisse du pétrole, pendant la même période, a été répercutée aux entreprises et aux particuliers, qui ont alors réduit leurs efforts.

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L’industrie dispose aujourd’hui d’une panoplie de techniques beaucoup plus large que dans les années 1970, en particulier dans le domaine de l’efficience énergétique. Dès aujourd’hui, les technologies permettant de diviser par 5 la consommation d’énergie d’un bâtiment, et de diviser par 4 celle des véhicules, sont disponibles. Il ne manque que la volonté de les appliquer de manière générale. Une baisse de 5% par an, sur les vingt ans à venir, de l’intensité énergétique de l’économie, serait suffisante pour compenser la hausse du PIB mondial et stabiliser les émissions de CO2

mondiales à leur niveau actuel. Cela correspond au scénario 3 du tableau ci-dessous. C’est une première étape, indispensable mais insuffisante. Elle doit absolument mobiliser les pays émergents, sans quoi la hausse de leurs émissions suffira à provoquer un emballement du climat (scénario 1 et 2). Cela signifie qu’il est nécessaire d’investir pour améliorer l’efficience énergétique, non seulement dans les pays industrialisés, mais dans les pays émergents. L’économie dispose aussi d’une panoplie plus large de technologies de production d’énergie. En substituant chaque année 5% des carburants fossiles par des énergies non émettrices de carbone – énergies renouvelables et nucléaires – il est possible de stabiliser à 415 ppm la concentration de carbone dans l’atmosphère à l’horizon de vingt ans, et ce même avec une croissance de 5% par an du PIB mondial – mais à condition d’avoir réalisé la première étape

d’efficience énergétique (scénario 4). Il est aussi possible d’imaginer un scénario dans lequel l’effort de réduction des émissions est plus fort dans les pays industrialisés, qui ont le plus de moyens d’investissements. Le résultat est une parité des niveaux d’émissions en 2025, qui permet elle aussi de stabiliser les émissions en-dessous de 415 ppm (scénario 5). Ces réductions d’émissions peuvent aussi être obtenues par le stockage géologique du carbone. Ce procédé consiste à capter du CO2 et à l’injecter dans des mines de sels ou des gisements de pétrole désaffectés. La limite principale de cette technique est qu’elle ne permet pas de repomper le carbone émis dans l’atmosphère depuis la révolution industrielle. Elle présente cependant un potentiel de réduction des rejets de CO2 sur des sites à émissions concentrées, comme les centrales thermiques ou les sites industriels, soit environ 25% des émissions mondiales annuelles (usines principalement). Il est donc possible de se donner pour objectif, en 20 ans, de réduire les émissions de carbone à un niveau permettant une stabilisation des concentrations de CO2. Cela suppose toutefois un engagement, dès maintenant, de tous les acteurs économiques pour modifier radicalement la base de l’économie – le pétrole et les énergies fossiles – et passer à une économie efficace en énergie et reposant sur des énergies n’émettant pas de carbone : nucléaire et énergies renouvelables.

Tab 3. Quelques scénarios d’évolution des émissions de carbone par les carburants fossiles

Scénario 1 Scénario 2 Scénario 3 Scénario 4 Scénario 5 Pays riches (OCDE, 1,25 milliards d’habitants) Evolution des émissions par habitant, 2007-2027 (%/par an)

0% (stables) -7% 0% -5% -9%

Emissions par habitant, 2027 (t)

2,8 0,66 (4 fois moins qu’en 2007)

2,8 1 0,33 (8 fois moins qu’en 2007)

Emissions totales 2027 (Gt)

3,5 0,82 3,5 1,25 0,43

Pays pauvres (hors OCDE, 5,25 milliards d’habitants) Evolution des émissions par habitant, 2007-2027 (%/par an)

+5% +5% 0% -5% -3,5%

Emissions par habitant, 2027 (t)

1,77 1,77 0,67 0,24 0,33 (2 fois moins qu’en 2007)

Emissions totales 2027 (Gt)

11,11 11,11 4,38 1,5 2,05

CO2 atmosphérique, 2027, ppm

465 450 455 412 408

Idem, 2050 (793)* (740)* (523)* 415 412 * Les chiffres entre parenthèses correspondent à des concentrations de carbone au-delà lesquels les

risques d’emballement sont tels que les prévisions deviennent impossibles.

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Inverser la pompe à carbone : les sols et les végétaux En réduisant de manière significative les émissions de carbone fossile, il est possible de stabiliser la concentration de carbone autour de 415 ppm. Cet effort n’est pas suffisant, à lui seul, pour stabiliser le climat, en raison de l’inertie du réchauffement. Il est donc nécessaire de faire redescendre le taux de carbone dans l’atmosphère, ce qui suppose des méthodes de captage et stockage durable du carbone. Or, le seul moyen disponible aujourd’hui pour capter du carbone diffus dans l’atmosphère et le stocker de manière durable réside dans la biosphère : stockage dans les sols, dans la végétation en croissance, dans les biomatériaux. La restauration du climat passe donc par une combinaison de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de stockage de carbone dans la biosphère.

Zoom n°5 La pompe à carbone

Les végétaux et les bactéries sont le plus ancien moyen d’absorber du carbone. En présence de chlorophylle, la photosynthèse permet aux végétaux de capter l’énergie lumineuse pour agréger des atomes de carbone et d’hydrogène, prélevés dans l’atmosphère et dans le sol, selon la réaction : 6 x (CO2 + H2O) " C6H12O6+ 6 O2

Les chaînes hydrocarbonées ainsi constituées sont la base des sucres : glucose, amidon, cellulose, etc. (CnH2n), réserves d’énergie de la plante. En présence de chaleur et d’oxygène, les chaînes hydrocarbonées se cassent : c’est la combustion, qui restitue l’énergie… et le carbone stocké (tab n°1). Le pétrole est lui-même une longue chaîne hydrocarbonée issue de la transformation, sous pression, de déchets animaux et végétaux au cours de la préhistoire. Le charbon a une origine semblable, avec une durée et une pression telles que la plupart de l’hydrogène a été expulsé. Le calcaire (CaCO3), quant à lui, est constitué des restes de coquilles et squelettes de milliards d’organismes marins.

Aujourd’hui, la végétation et les sols en place rejettent environ 60 Gt de carbone par an (fig n°3) : ces rejets sont dûs à l’activité normale des plantes et des micro-organismes du sol, qui consomment des réserves de sucre. Dans le même temps, pendant les périodes où la photosynthèse est active (la journée, en dehors des périodes de canicule), les végétaux et les bactéries absorbent du carbone. On estime à environ 61 Gt cette absorption annuelle. Ainsi, la pompe à carbone des végétaux (zoom n°5) absorbe en net 1 Gt de carbone par an. Mais par ailleurs, la déforestation et l’appauvrissement des sols agricoles aboutissent à rejeter chaque année environ 1,6 Gt de carbone dans l’atmosphère. Ainsi, l’ensemble « sols-végétaux » rejette plus de CO2 qu’il n’en absorbe. Cette situation est l’inverse de ce qu’a connu la Terre dans le passé. Pendant toute la préhistoire, au contraire ; les sols et les végétaux ont permis d’absorber du carbone (cf. ci-dessus). Il est temps de relancer la pompe à carbone constituée par les sols et la végétation. La première stratégie, la plus urgente, consiste à stopper la destruction des forêts dans le monde entier, et de remplacer l’abattage des forêts par l’exploitation de ressources en bois renouvelables, par exemples issues de plantations ou de forêts gérées de façon durable, selon les normes définies par le Forest Stewardship Council (FSC). La deuxième stratégie consiste à inverser la dégradation des sols agricoles. L’agriculture motorisée et chimisée, à base de labours profonds et d’engrais chimiques, a abouti à une baisse des taux de matière organique, et donc de carbone, dans les sols. Cette baisse peut atteindre 70% par endroits. Il est possible d’augmenter le stockage de carbone dans les sols en mettant en place des techniques agricoles qui améliorent les taux de matière organique des sols – avec pour corollaire une meilleure fertilité, et moins de besoins en irrigation. Plusieurs techniques ont été mises au point pour parvenir à ces objectifs, comme par exemple les pratiques de zero tillage ou conservation tillage (suppression du labour, ou labours peu profonds). Toutes les techniques qui reposent sur des engrais organiques et non chimiques permettent aussi de restaurer le taux de carbone dans les sols. Il faut citer également l’utilisation du bois raméal fragmenté (BRF) une technique issue du Canada, qui permet d’accélérer le stockage de carbone dans les sols en épandant du bois de jeunes branches finement broyées. Elle permet de reconstituer des sols fertiles, riches en carbone, sur des régions désertifiées, et d’enrichir les sols appauvris en matière organique par l’utilisation des engrais chimiques.

Chlorophylle dans les cellules végétales : la plus efficace des pompes à carbone

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Le problème de la reforestation est la durée du stockage du carbone dans les arbres : c’est pourquoi cette solution est peu prise en compte aujourd’hui. En effet, il faut pouvoir vérifier chaque année que le carbone stocké dans une forêt ou un sol y reste. Pour pallier cette difficulté, il est possible d’envisager une troisième stratégie : le stockage de carbone dans les biomatériaux, comme le bois (environ 10 GtC au niveau mondial aujourd’hui). Chaque construction en bois devient ainsi une opportunité de stockage de carbone pendant toute sa durée de vie – le matériau pouvant ensuite être réutilisé, ou brûlé en substitution de carburants fossiles.

Zoom n°6 Les stocks de carbone

Toutes les surfaces végétales ne pompent pas du carbone : une forêt « mature » en équilibre rejette autant de carbone qu’elle en prélève. En revanche, une forêt en croissance absorbe du carbone (le bois en contient environ 50%). Dans les régions tropicales, le carbone est surtout stocké dans les arbres. Ainsi, la déforestation est une cause importante d’émissions de carbone, compte tenu du fait que plus de la moitié du bois abattu est brûlé ou décomposé.

Dans les régions plus froides, la matière végétale se décompose plus lentement dans les sols, qui contiennent ainsi plus de carbone. Mais les sols agricoles de ces régions subissent un appauvrissement, du fait de l’utilisation d’engrais chimiques – dont l’urée, issue de la pétrochimie, qui remplace l’azote organique fourni autrefois par les engrais animaux. Ces sols contiennent moins de matière vivante, et donc moins de carbone que les sols de culture à base d’engrais organiques.

Tab3. Stockage de carbone dans les sols et la végétation (t/ha)

En tonnes / hectare

Végé-tation

Sol Tot Sol/tot

Terres cultivées 2 80 82 98% Forêts tropicales 120 123 243 51% Forêts tempérées 57 96 153 63% Forêts nordiques 64 344 408 84% Savanes 29 117 146 80% Prairies tempérées

7 236 243 97%

Toundra 6 128 134 95% Zones désertiques 2 42 44 96% Zones humides 43 643 686 84%

Sources : GIEC, rapport 2001

Aujourd’hui, les sols et la végétation contiennent environ 2200 Gt de carbone (600 dans la végétation, 1600 dans les sols)44. Il faut y inclure le carbone stocké dans les biomatériaux comme le bois, que l’on peut estimer à 10 Gt45. En pratique, il y a encore peu de données scientifiques permettant de quantifier précisément la quantité de carbone stocké par différents types de sols et de végétation. Les chiffres du tableau 3 ne représentent que des moyennes susceptibles de fortes variations. Ainsi, les résultats d’expérience disponibles fournissent des données très variables selon les sites, les techniques et les espèces employées, etc. Il est urgent de travailler sur cette thématique, compte-tenu de son potentiel pour contribuer à la restauration du climat. Il est possible néanmoins de fournir une évaluation du « scénario manquant » : restaurer el climat en ramenant le taux de CO2 dans l’atmosphère à son taux pré-industriel de 280 ppm. Pour atteindre ce résultat, il faut combiner trois types de mesures :

! les réductions d’émissions envisagées dans le tableau 2

! ralentir la déforestation et la dégradation des sols

! stocker du carbone par la reforestation et la restauration des sols.

Ainsi par exemple, il est possible d’atteindre 280 ppm dans 40 ans – et revenir à 340 ppm d’ici 20 ans – en combinant les mesures suivantes :

! réduction de 5% par an des émissions de carburants fossiles

! diminution de 50% par an du taux de déforestation et de dégradation des sols

! augmentation de 0,1% par an de la quantité de carbone stocké dans les sols et la végétation mondiale. Cela correspond à une absorption de 2,2 Gt de carbone par an, ou encore une augmentation de 10% par an sur 1% des surfaces.

Tous les moyens nécessaires sont déjà disponibles pour freiner le réchauffement climatique et restaurer le climat. Il reste 20 ans pour agir : dans 20 ans, les seuils d’emballement seront peut-être atteints dans le cadre de l’économie actuelle. En construisant une économie positive, il est encore possible de choisir un autre destin.

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Renouveler les ressources Sécuriser les énergies

!!!!!!!!!!!!!!! Après le changement climatique, la seconde menace qui pèse à court terme sur l’économie industrielle est la hausse du prix des énergies fossiles. Les réserves de pétrole sont en effet proche de leur pic, c’est-à-dire du moment où la production ne pourra plus suivre la hausse de la consommation, ce qui entraînera une hausse drastique des prix, compte tenu de la demande des pays émergents. Rappelons en effet que si le pétrole ne représente « que » 32% de la consommation énergétique mondiale, il représente 95% de celle des transports. Cette situation de déplétion fait entrer l’économie et la société mondiale dans une ère de turbulences. La première de ces turbulences est d’ordre géo-politique. Les sources de pétrole sont très inégalement réparties sur la planète, ce qui est une source de conflit. Les trente dernières années ont vu se multiplier et s’intensifier les guerres liées à la volonté des Etats de sécuriser leurs approvisionnements en pétrole. Ces conflits contribuent au développement du terrorisme, qui rajoute un facteur d’instabilité au système économique mondial. La menace de conflits s’intensifie avec la hausse de la demande des pays émergents, et surtout celle de la Chine, dont les exportations de biens manufacturés servent déjà à financer ses importations d’énergie. Les Etats-Unis et la Chine sont ainsi en rivalité politique pour le contrôle des réserves d’Asie Centrale, du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Amérique Latine. La demande d’énergie devrait augmenter de 57% dans les années à venir, essentiellement en Chine et dans les autres économies émergentes. Le volume des investissements dans le secteur énergétique est amené à tripler sur la même période, en particulier en Asie et en Amérique Latine46. La seconde de ces turbulences, c’est la bulle financière liée aux pétro-dollars. La déplétion se traduit déjà par un renchérissement des carburants. Le prix du baril a quadruplé (+300%) entre 2002 et 2006. La plupart des modèles économiques à 10 ans tablent sur un baril à 100$. Certains projettent un baril à 150, voire 380 $ dans 10 ans en tenant compte de la demande croissante de la Chine47. Le département du Trésor américain, quant à lui, base ses prévisions sur un prix du baril entre 150 et 200$ sur les 5 prochaines années48.

Un certain nombre d’entreprises, de secteurs économiques et de territoires sont déjà affectés par cette hausse. C’est le cas de tous ceux qui dépendent fortement du pétrole, et qui n’ont pas pu mettre en place de stratégies de substitution : le secteur de l’aviation, par exemple, a dû mettre en place des restructurations et des politiques de réductions de coûts et de marges pour répercuter le moins possible la hausse du prix du pétrole sur les consommateurs. Au niveau global, pourtant, la croissance de l’économie ne semble pas affectée par des cours du pétrole qui dépassent les niveaux atteints lors de la crise iranienne de 1980. Comment est-ce possible ? D’une part, l’économie globale est moins dépendante du pétrole, grâce aux politiques d’efficience énergétique et de substitution (cf. ci-dessus). D’autre part, il faut compter avec un « effet retard » : du fait de la présence de stocks d’une durée de vie moyenne de 6 mois, l’industrie répercute avec retard les hausses des prix des matières premières. Mais surtout, l’économie est artificiellement protégée de la récession par la globalisation des marchés des capitaux. Les « pétrodollars » reçus par les compagnies des pays producteurs ont largement été réinvestis dans les économies occidentales, et en particulier dans des actifs financiers et immobiliers, dont ils font grimper les prix. Ils alimentent ainsi une bulle financière49. Pour compenser cette hausse, les banques ont ouvert les vannes du crédit, dont les volumes ont augmenté de 15% par an. Les ménages comme les entreprises sont plus endettés qu’il y a 10 ans. Cette hausse n’est pas durable. En cas de relèvement des taux d’intérêts des banques centrales, la bulle pourrait exploser. Le risque est alors de voir simultanément une correction brutale de la valeur des actifs, et une baisse de la disponibilité en crédit : la recette d’une récession globale.

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La troisième turbulence liée à la déplétion du pétrole est la tentation de la fuite en avant dans les énergies fossiles « sales ». L’exploitation de réserves de pétrole de plus en plus difficiles d’accès – par exemple les puits off-shore à 2000 m, puis 3000 m de profondeur – entraînent des consommations d’énergie croissantes. Par ailleurs, l’humanité dispose en effet de réserves de charbon et de bitumes largement suffisantes, une fois mises en exploitation, pour continuer d’alimenter sa croissance. La Chine, par exemple, construit une centrale thermique au charbon toutes les semaines en moyenne. L’exploitation de ces ressources menace de relancer les rejets de CO2. Il sera peut-être possible de capter à la source les émissions de CO2 de centrales à charbon, mais pas celles liées aux sources diffuses, comme celles des véhicules. L’économie positive, au contraire, met à la disposition de l’humanité une quantité d’énergie croissante, sans rejets de carbone, en utilisant des sources renouvelables et réparties sur toute la planète. Pour y parvenir, elle commence par utiliser le premier gisement d’énergie non employé de l’économie : celui de l’efficience énergétique (cf. ci-dessus). Puis, elle valorise le réservoir d’énergie des deux centrales nucléaires que sont la terre et le soleil, exploitables sous des formes multiples. Ensemble, et sans même tenir compte des innovations à venir, ces énergies représentent déjà, avec les technologies existantes, 6 fois la consommation actuelle de l’humanité50. Leur potentiel représente un actif sous-valorisé : chaque surface qui reçoit du soleil, du vent, de la houle, chaque chute d’eau, est une source d’énergie. Les entreprises gagnantes sont, et seront de plus en plus, celles qui valorisent ces actifs. La capacité de l’économie à valoriser ces sources d’énergie est encore limitée. D’une part, le caractère diffus de leur présence, souvent loin des zones d’utilisation, qui entraîne des difficultés de captage et d’acheminement de l’énergie. D’autre part, elles sont souvent disponibles de façon intermittente (en particulier pour le solaire et l’éolien) ce qui pose des problèmes de stockage. La biomasse, en revanche, est intéressante justement par sa capacité à fournir de l’énergie en continu, donc sur des besoins de base des réseaux. Ces facteurs limitants expliquent le décalage entre la quantité d’énergie reçue et celle exploitable (tab n°4).

Il est toutefois possible de lever ces facteurs limitants par l’innovation stratégique et technologique, qui permet de déceler et d’exploiter de nouveaux gisements, de créer des flux d’approvisionnements décentralisés, et de générer de nouvelles méthodes de stockage (cf. deuxième partie).

Idée reçue n°5 Les énergies renouvelables ne suffiront pas à nos besoins

La Terre reçoit du soleil 1000 kWh d’énergie par m2/an en moyenne. Cette énergie représente près de 3000 fois les besoins de l’économie mondiale actuelle. Elle peut être captée par les moyens suivants : - en direct : captation du rayonnement thermique et lumineux (solaire thermique et photovoltaïque) - de manière indirecte : captation de l’énergie du vent, de la houle, de l’écoulement de l’eau (hydro-électricité), de la biomasse. Il s’y ajoute le potentiel de la géo-thermie, c’est-à-dire la chaleur issue du magma terrestre. Tab. 4. Potentiel des énergies renouvelables par rapport aux besoins actuels de l’humanité51

Potentiel Exploitable

aujourd’hui Exploité

Solaire 2850 3,8 <0,001 Géothermie 5 1 <0,001 Eolien 200 0,5 <0,001 Biomasse 20 0,4 0,1 Hydraulique 1 0,15 0,6 Océans 2 0,05 <0,001

En multiple de la consommation actuelle d’énergie, soit 10 Gtep. Le tableau ci-dessus montre que même en se limitant aux technologies disponibles actuellement, les énergies renouvelables suffiraient à couvrir les besoins énergétiques de l’humanité. Il faut par ailleurs compter avec la redéfinition de ces besoins dans le cadre de la mise en œuvre de l’efficience énergétique. Mais le principal facteur limitant, qui explique le décalage entre le potentiel exploitable et le potentiel exploité aujourd’hui, est bien sûr le coût et la rentabilité de ces technologies. Au cours du XXè siècle, en dehors de l’épisode du choc pétrolier, le prix du pétrole très bas a découragé les efforts d’investissements dans les énergies renouvelables. L’énergie solaire photovoltaïque, en particulier, reste très onéreuse : entre 250 et 400 !/MWh, contre 30 à 120 !/MWh pour les centrales à énergie fossile ou le nucléaire52. Pourtant, des investissements ont été réalisés à l’initiative d’entreprises pionnières, et grâce au soutien de politiques publiques. Ces investissements commencent à porter leurs fruits, et les énergies reposant sur la biomasse, l’éolien, la géothermie ou la mini-hydraulique deviennent compétitives, surtout dans le nouveau contexte de prix du pétrole.

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Fig 4. Compétitivité de plusieurs énergies renouvelables par rapport aux prix de l’électricité

Ainsi, les facteurs de prix et de coûts évoluent en faveur des énergies renouvelables :

! hausse du prix du pétrole

! création de quotas sur les émissions de carbone

! taxation des carburants fossiles, et incentives sur les énergies renouvelables (par le biais des prix de rachat)

! progrès dans le rendement des énergies renouvelables par le biais des économies d’échelles et de l’innovation.

Sachant que les investissements énergétiques sont de longue durée (supérieure à 10 ans), les entreprises gagnantes sont celles qui intègrent les nouveaux facteurs de coûts de l’énergie. A court terme, l’économie peut aussi compter avec la disponibilité du nucléaire, qui remplit 6% des besoins actuels de l’humanité, avec très peu de rejets de carbone. Il s’agit cependant là encore d’une fuite en avant, compte-tenu des risques liés au stockage et au transport des déchets. L’utilisation des centrales existantes représente cependant un apport indispensable lors d’une phase de transition vers les énergies renouvelables.

Renouveler les matériaux !!!!!!!!!!!!!!!

Le constat d’épuisement des réserves de pétrole est valable pour la plupart des matières premières, vis-à-vis desquelles l’économie actuelle se comporte de façon minière, c’est-à-dire qu’elle en exploite les stocks au-delà de leur taux de renouvellement. Ce constat est bien sûr valable pour les minerais, dont le cycle de renouvellement par le manteau terrestre – plusieurs centaines de millions d’années – dépasse largement l’échelle de temps de l’économie humaine. Par suite d'une demande croissante en métaux et autres ressources minérales, les minerais sont exploités à des teneurs de plus en plus faibles, et donc à des

coûts croissants. Les perspectives mondiales indiquent que pour de nombreux éléments (tels que l'argent, le fluor, l'étain, le zinc, le nickel, le plomb) les réserves actuelles ne permettront que de couvrir 2 à 3 décennies d'exploitation dans les conditions actuelles de consommation. Dans un contexte de demande croissante des pays émergents, les prix se sont envolés, avec des croissances annuelles de 30 à 150% par an sur les trois dernières années pour des métaux comme le zinc, le cuivre, le plomb ou le nickel.

Les 3R : Réduire, réutiliser, recycler Les solutions de l’économie positive visent à accroître la disponibilité de ces ressources pour l’économie. La première étape consiste à augmenter leur productivité, c’est-à-dire diminuer la quantité de chaque ressource nécessaire pour obtenir un bien ou un service donné. La seconde étape consiste à utiliser les ressources de manière circulaire, en les réutilisant et en les recyclant, tout en conservant leur valeur ajoutée (cf. deuxième partie). Les marges de progrès sont considérables : à peine 7% de la matière utilisée se retrouve dans les produits53 – donc 93% sont perdus dans les différents process de transformation. Par ailleurs, 80% des produits ne donnent lieu qu’à un seul usage, et 99% des matières contenues dans les biens vendus sont devenues des déchets après 6 semaines54. A peine un tiers des métaux est recyclé.

La bioextraction L’amélioration de la capacité de l’économie à utiliser les stockes de métaux existants suppose d’être capable d’extraire des sources peu concentrées. Ces sources peu concentrées se trouvent dans les gisements naturels qui restent à exploiter, mais aussi dans le plus important des gisements de métaux précieux : les déchets. La récupération de telles sources peu concentrées par des moyens conventionnels nécessite le recours à des procédés utilisant des produits chimiques toxiques, ou de fortes quantités d’énergie. Le recours à des bactéries, par contre, permet de récupérer des métaux dans des minerais peu concentrés, ou dans des déchets, en améliorant le taux de récupération, et avec des coûts énergétiques très faibles. Ces techniques se développent sous le nom de bioprospection, bioextraction ou biomining. Ces techniques font en fait appel à la capacité des organismes vivants de fonctionner en néguentropie, c’est-à-dire de transformer des ressources diffuses (forte entropie, faible structure) en ressources concentrées (faible entropie, forte structure), plus facilement utilisables.

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La substitution

Renouveler les matériaux, c’est aussi remplacer des matériaux issus de ressources minières, hautement consommatrices d’énergie pour leur production, par des matériaux comme le bois, le bambou, le miscanthus ou le coton, ou issus de la chimie verte et des biotechnologies. Cela suppose une politique de renouvellement systématique de la production de matière vivante. Une grande partie du bois exploité dans le monde provient encore de ressources utilisées sur un mode minier, c’est–à-dire des forêts naturelles coupées à blanc, ou exploitées au-delà de leur taux de renouvellement. L’économie positive utilise des bioressources produites de façon renouvelable :

! issues de forêts naturelles gérées de façon durable, selon les standards internationaux du Forest Stewardship Council (FSC)

! ou issues de plantations créées sur des sols re-forestés (et non pas sur des défriches de forêts primaires à haute valeur de conservation de la biodiversité), et gérées selon les principes de l’agriculture positive, c’est-à-dire en minimisant les apports d’énergie et d’engrais chimiques, et en valorisant les processus naturels.

Restaurer l’eau et les sols !!!!!!!!!!!!!!!

La raréfaction de l’eau

Le constat d’épuisement des ressources s’applique aussi à l’eau. La part des stocks d’eau qui constitue une ressource valorisable par l’activité humaine représente seulement 0,3% des stocks d’eau planétaires. Il s’agit des stocks d’eau douce propres à l’utilisation humaine, que ce soit pour l’irrigation (75% des besoins actuels), l’industrie, ou la consommation domestique. Son utilisation dépasse la capacité de l’environnement à en restaurer les stocks : chaque année, l’économie « négative » transforme de l’eau douce, localisée dans des réservoirs accessibles, en eau polluée, diffuse dans l’atmosphère, les sols, les aquifères ou dans la mer. Comme pour le pétrole, l’économie actuelle exploite l’eau de façon linéaire, minière. Ainsi, l’agriculture exploite de plus en plus des réserves d’eau fossile, accumulées il y a des dizaines de milliers d’années, et qui ne sont pas renouvelables à notre échelle de temps. Face à la destruction des stocks d’eau douce, la fuite en avant est souvent la seule solution utilisée, à travers le recours à des aquifères de plus en plus profonds : dans les grandes zones urbaines, par exemple en Chine, il faut pomper de l’eau à plusieurs centaines de mètres de profondeur. La consommation d’énergie pour les extraire augmente en proportion.

Les nouvelles toxicités

L’industrie chimique produit annuellement 400 millions de tonnes de molécules de synthèse, contre 1 million en 1945. Une partie de ces molécules sont toxiques pour l’environnement comme pour l’homme. Les plus dangereuses sont les composés CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques), qui peuvent créer des cancers et des malformations quand ils sont ingérés ou respirés à dose infinitésimale. Certaines de ces molécules, étrangères à la biosphère ne sont pas traitées par les organismes vivants : elles sont persistantes et bioaccumulables. Cela signifie qu’elles s’accumulent dans les tissus des organismes vivants, avec une concentration croissante dans la chaîne alimentaire. Une molécule toxique rejetée dans la mer peut ainsi se retrouver à des concentrations 5000 fois supérieures dans la chair de poissons carnivores consommées par l’Homme. Ce phénomène de persistance et d’accumulation explique que des prélèvements effectués sur le sang de députés européens, mais aussi de nouveaux-nés, aient permis d’y retrouver dans dizaines de composés toxiques différents55. Ces composés contribuent à la progression des maladies chroniques et dégénerescentes (allergies, cancers, etc.), et menacent la longévité de tous les êtres vivants, y compris celle de l’Homme. Pour les entreprises, ces molécules toxiques représentent autant de crises sanitaires possibles, donc de risques. Elles deviennent des invendables, au fur et à mesure de la prise de conscience de leur toxicité, suivie de leur interdiction. Dans le monde entier, se développe l’attitude « Nimby » : Not In My Backyard, c’est-à-dire « Pas derrière chez moi ». Les individus, les collectivités refusent la présence de déchets. Les entreprises qui gèrent des déchets doivent payer toujours plus cher pour disposer d’espaces de décharges moins nombreux et plus lointains. Le coût encore relativement faible des transports, la faible conscience environnementale ou le manque de démocratie des pays pauvres permet de leur transférer certains déchets (zoom n°7). Il s’agit encore d’une adaptation de type « fuite en avant » qui déplace et aggrave le problème en rajoutant de la consommation d’énergie. La hausse du prix de l’énergie renchérit cette « solution ». Par ailleurs, les pays pauvres refusent de plus en plus ces déchets, et les ONGs en surveillent de plus en plus la circulation. C’est ainsi que l’Inde a refusé de prendre en charge le désamiantage du Clemenceau et que l’intoxication de centaines de personnes à Abidjan par des déchets de raffinerie pétrolière a causé un scandale en 2006.

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Zoom n°7 Les décharges du bout du monde

Depuis 1995, Guiyu, une ville d’environ 100 000 habitants de la province de Guangdong, une des provinces les plus développées de Chine, traite chaque année plus de 1,55 million de tonnes de déchets électroniques provenant des États-Unis, du Japon et de la Corée du Sud, dont 750 000 tonnes de déchets électroménagers, 600 000 tonnes de plastiques et 200 000 tonnes de câbles et fils électriques. La moitié des habitants de la ville y travaille. Les pièces traitées sont vendues avec des bénéfices importants sur les marchés spontanés de Guangdong et des autres provinces. Les 600 millions de yuans (75 millions de dollars US) tirés de cette activité représentent 90 % de la production industrielle de la ville. Les moyens de traitement sont simples : brûler, réduire en menues pièces, extraire les métaux nobles par l’acide sulfurique concentré et évacuer les effluents liquides sans aucun traitement. L’eau potable est polluée, les pneumonies se propagent dans la région et le cancer menace de plus en plus d’habitants. Pour le moment, cette activité se développe, y compris dans les villes voisines. Mais ce mode de traitement des déchets est amené à évoluer en Chine, pays qui a adopté l’économie circulaire dans ses politiques nationales.

La dégradation des sols

La dégradation des réserves d’eau est liée à celle des sols. Pour l’économie, ce qui définit la valeur d’un sol en tant que ressource, ce sont ses aptitudes : sols fertiles aptes à l’exploitation agricole et forestière ; et sols propres, exempts de toxicité, aptes à l’occupation humaine. L’agriculture traditionnelle avait permis d’enrichir le capital écologique de l’humanité, en augmentant la fertilité des sols. L’agriculture et la foresterie modernes, issues de la seconde révolution agricole, à base de motorisation et de chimie, sont des activités minières. Elles aboutissent à une surexploitation des sols agricoles, dont la profondeur a été divisée par trois dans certains régions céréalières. Ces sols chimisés perdent leurs organismes vivants, ce qui diminue leur capacité de stockage de l’eau et du carbone et leur fertilité : en France la teneur en matière organique des sols a diminué de 4% à 1,4% en 50 ans56. Plus de la moitié des sols de France sont touchés par l‘érosion, perdant en moyenne, chaque année, 40 tonnes de terre à l’hectare57. Ils nécessitent alors plus d’irrigation et plus d’engrais chimiques, donc plus d’énergie, dans un cercle vicieux négatif. Ainsi, au niveau mondial, près d’un tiers des terres cultivables ont disparu au cours des 40 dernières années, et près de 100 000 km2 de terres cultivables disparaissent chaque année dans le monde - une surface équivalente à un cinquième de la France58.

Au niveau industriel, ce sont les rejets de déchets toxiques qui produisent des sols impropres à toute utilisation économique. Dans certaines régions au passé industriel, comme la Belgique, ces sols « bruns » « gris » ou « noirs », selon leur degré de pollution, représentent 15% de la surface des zones urbaines. Pour les entreprises et les territoires qui les détiennent, ils représentent un passif. Ainsi, un nouveau gisement d’activité émerge : les entreprises qui sont en mesure de dépolluer ces sols et de restaurer des sols utiles bénéficient d’un marché en croissance rapide.

Restaurer grâce à la biosphère L’économie positive propose des solutions pour restaurer l’eau et les sols. Dans un premier temps, comme pour toutes les ressources, il s’agit de les utiliser de manière efficiente. En ce qui concerne l’eau, cela signifie réduire la consommation d’eau propre et réduire les pollutions. En ce qui concerne les sols, cela signifie appliquer des mesures de conservation : labours moins profonds, réduction des engrais chimiques, mise au « repos » des sols fragilisés. Mais surtout, il faut utiliser les capacités de l’écosystème à réguler (sur le plan quantitatif) et traiter (qualitatif) les réserves d’eau et à traiter l’eau. Un couvert végétal dense et varié, un sol de culture riche en matière vivante, fonctionnent comme une éponge : ils stockent l’eau des pluies – évitant ainsi les inondations - et la restituent par la suite, soit dans l’atmosphère, soit en aval dans les cours d’eau – évitant ainsi les sécheresses. Les plantes, les bactéries du sol sont par ailleurs de véritables stations d’épurations, fonctionnant sans autre apport d’énergie que le soleil. Elles décomposent les matières organiques, et assurent la lixiviation des composés toxiques comme les métaux lourds, qui peuvent ensuite être isolés et récupérés pour une utilisation industrielle. Or aujourd’hui, la capacité de l’écosystème à réguler et nettoyer les eaux est sévèrement entamée par la dégradation des couverts végétaux, le changement climatique et l’érosion des sols. L’économie positive propose de restaurer l’eau et les sols. Cela suppose de mettre en place une agriculture vivante, inspirée en partie des principes de l’agriculture biologique, qui nourrit les sols au lieu de les épuiser. Cela signifie remplacer des procédés chimiques par des procédés vivants, qui ne rejettent pas de composés toxiques persistants. Il est possible d’aller plus loin en restaurant le couvert végétal de zones déforestées, et en mettant en place de nouveaux sols fertiles dans des zones désertiques par la technique du bois raméal fragmenté. En ce qui concerne le traitement de l’eau, les techniques de phyto-restauration permettent de créer des stations d’épuration vivantes, esthétiques, qui fonctionnent sans autre apport d’énergie que celle du soleil, et sur la base d’un travail hautement qualifié de création et d’entretien.

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Recréer la diversité La mise en œuvre des stratégies de l’économie positive suppose la mobilisation d’une grande diversité de connaissances et d’une intelligence des écosystèmes. Elle suppose donc de renouer avec deux valeurs immatérielles détruites par la société industrielle : la diversité et le sens. La diversité, c’est la richesse des informations et des solutions qui permettent à l’économie de choisir, pour chaque besoin, le chemin le plus positif. Le sens, c’est la capacité à mettre en relation des éléments séparés – relier des informations différentes, mais aussi relier les Hommes entre eux, et relier les Hommes avec leur environnement – d’une manière qui génère une information émergente, supérieure à celle des parties. Le sens, c’est aussi la capacité de chacun, sur la base de ses liens, de trouver sa place dans l’écosystème et dans l’économie, et d’y contribuer de manière positive.

L’érosion de la diversité !!!!!!!!!!!!!!

Contrairement aux ressources précédentes, la biodiversité n’est pas une ressource matérielle finie : elle relève de l’immatériel, du domaine de l’information. Un gène peut être assimilable à un code informatique. La biodiversité, au sens large, est la plus élusive des ressources économiques : tous les acteurs économiques en dépendent, pourtant rares sont ceux qui pourraient la définir, la quantifier, en expliquer les fonctions ou lui donner un prix. La biodiversité représente la diversité de toutes les formes du vivant, y compris celles de l’humanité. Elle inclut ainsi les espèces, les phénotypes (diversité des formes au sein d’une même espèce, en fonction des conditions du milieu), et les formes complexes que sont les écosystèmes. Il faut y inclure la diversité des formes issues de l’activité de l’Homme, en tant qu’être vivant : variétés végétales et animales domestiques, paysages anthropiques, cultures, langues, codes, valeurs, technologies. La Révolution Industrielle et la colonisation progressive de la biosphère par des activités humaines standardisées ont abouti à une érosion sans précédent de la biodiversité.

En l’absence de mesures correctrices, l'UICN et le WWF prévoient d'ici à 2050 la disparition de 25% des végétaux supérieurs et l'extinction de 600 000 à 1 000 000 d'espèces par rupture des chaînes alimentaires et disparition des habitats (25 % des mammifères et des amphibiens, 20% des reptiles, 11% des oiseaux). Au sein des paysages, des habitats diversifiés disparaissent : 80 % des haies et 50 % des prairies qui restaient en France en 1970 ont disparu depuis. La plupart des industries ont cherché à mettre en place des solutions standardisées, permettant de générer des économies d’échelle et de créer un marché planétaire pour leurs produits. Ce mouvement a d’abord touché le monde industriel. Il a été facilité par l’utilisation du pétrole : dépendant d’une source d’énergie fossile, découplée du vivant, l’économie industrielle a ignoré la biodiversité. Les choses se sont aggravées lorsque la standardisation s’est attaquée à des domaines comme l’agriculture : ainsi, la seconde révolution agricole propose les mêmes tracteurs, les mêmes engrais, les mêmes pesticides dans le monde entier. Pourtant, l’agriculture est par définition une activité ancrée dans son terroir, qui ne peut fonctionner qu’en entretenant des relations d’interactions positives avec son milieu. La standardisation de l’agriculture a ainsi détruit la biodiversité. Là où les agriculteurs savaient valoriser la coccinelle pour se débarrasser des pucerons, l’agriculture chimique éradique le tout avec des pesticides, que l’on retrouve ensuite dans les aliments. Mais les parasites des cultures mutent et finissent par devenir résistants aux pesticides. Ces super-parasites se développent alors de manière exponentielle dans un milieu débarrassé de leurs ennemis naturels. Il ne reste plus alors que la fuite en avant vers plus de pesticides, donc plus de dépenses d’énergie et de toxicité. Au contraire, l’agriculture positive recrée des liens avec son territoire, et valorise la diversité par la lutte biologique. La standardisation a aussi été à l’œuvre dans le bâtiment. Elle produit des bâtiments vides de sens car uniformisés, sans place pour l’identité personnelle et sans lien avec les cultures locales. Ces bâtiments sont de grands consommateurs d’énergie, car ils incapables de valoriser les flux de lumière et de températures propres à chaque lieu (zoom n°8). Elle s’adapte à une construction de masse, pré-fabriquée, qui nécessite peu de main d’oeuvre qualifiée.

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Au contraire, le bâtiment positif cherche à intégrer la construction à son environnement en valorisant les flux de lumière et d’énergie naturels (chauffage et climatisation passifs). Pour cela, il s’inspire des techniques locales de construction, en général adaptées à leur environnement, et les remet au goût du jour par une meilleure connaissance technique. Il met en œuvre des techniques et des conceptions différentes pour chaque site : c’est ainsi un moyen de créer des emplois qualifiés, ancrés dans leur territoire et donc non délocalisables. Déjà, avec ces techniques, il est possible de créer des maisons dont la consommation d’énergie est divisée par 10 par rapport à une maison classique, et dont les besoins en énergie peuvent être entièrement auto-produits par exemple par des toits et vitrages solaires. Ces bâtiments peuvent ainsi produire plus d’énergie qu’ils n’en consomment, tout en stockant des gaz à effet de serre dans leurs matériaux.

Zoom n°8 Le style international Dans les années 1920, un groupe d’architectes regroupés dans l’école allemande du Bauhaus – en particulier Walter Gropius et Mies Van der Rohe – inventent une nouvelle théorie de l’architecture. L’objectif est de répondre aux besoins de logement social pour l’Europe dévastée après la première guerre mondiale. L’idée est de concevoir un style fonctionnel, uniforme et universel – d’où son appellation ultérieure de « style international » –, dépouillé de tout élément décoratif. Cette standardisation permet d’industrialiser la construction, en utilisant des éléments préfabriqués en masse à partir d’acier, de béton et de verre59.

En Europe, le style international connaîtra un regain après la seconde guerre mondiale. Il permet de construire rapidement des logements pour des millions de réfugiés, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Ainsi en 1964, sur le site de Beaulieu III, la Mairie de Saint-Etienne construit le plus grand immeuble d’habitation d’Europe : 19 étages, 450 logements, 270 m de long sur 48 m de haut60. La population du quartier l’accueille avec enthousiasme : il remplit un besoin de logement salubre, et matérialise l’espoir d’un avenir meilleur. Mais au fil des années, les populations aisées désertent ces bâtiments uniformisés, qui acquièrent une mauvaise réputation. Surnommé la Muraille de Chine par les Stéphanois, l’immeuble de Beaulieu III devient le symbole des excès de l’urbanisme moderne. En 2000, il disparaît dans le plus grand chantier de démolition d’HLM d’Europe.

Au-delà des préoccupations esthétiques, le style international tourne le dos à son environnement. Ainsi, il construit des bâtiments au toit plat dans des pays enneigés, ce qui réduit la durée de vie des étanchéités, et sans gouttières, ce qui dégrade les façades dans les régions pluvieuses. Les façades de verre, de béton et d’acier laissent passer le froid en hiver et accumulent la chaleur en été. Le style international est adapté à une économie pauvre en main d’œuvre qualifiée, et riche en énergie. Il n’est pas adaptée à l’économie d’aujourd’hui, dans laquelle l’éco-intelligence devra remplacer l’énergie fossile.

Enfin, rappelons que la standardisation se retrouve aussi dans les domaines culturels : tourisme de masse qui envahit les paysages de constructions semblables sur toute la planète, développement des fast-foods qui proposent le même hamburger dans tous les pays, production de block-busters mondiaux par l’industrie cinématographique, selon des schémas de scénarios standardisés.

La valeur de la diversité !!!!!!!!!!!!!!

Mais à quoi sert cette diversité en voie de disparition ? La biodiversité fournit des ressources informationnelles directement exploitables : ressources pharmaceutiques, nouveaux gènes pour l’amélioration des espèces cultivées, valeur esthétique des paysages exploitée par le tourisme (zoom n°2). Mais surtout, la diversité fournit aux systèmes une capacité de résilience en cas de crise. C’est vrai dans la nature : une forêt diversifiée résiste mieux à une sécheresse ou à une tempête. Une partie des espèces qu’elle contient y sera sensible, l’autre y résistera. La forêt ne disparaîtra pas : si le changement n’est pas trop brutal, la composition de ses espèces changera progressivement pour s’adapter aux nouvelles conditions. Par contre, une forêt composée d’une seule espèce meurt si les conditions ne sont plus propices à cette espèce. De même, une économie, une entreprise qui dépendent d’une seule source d’énergie, d’une seule technologie ou d’un seul marché peuvent être ponctuellement plus performantes, mais au prix d’une vulnérabilité en cas de changement de contexte économique. Pour les entreprises, la diversité est la clé d’une adaptation positive à un monde en mutation, dans laquelle le contexte économique est incertain. La période de crise que traverse l’économie ne peut donc être traversée avec succès qu’en restaurant et en exploitant la diversité des formes du vivant et des formes de l’activité humaine. Par ailleurs, l’économie positive, dépendante de ressources issues du milieu naturel et reposant sur l’exploitation du vivant, est nécessairement diverse dans ses formes. Il s’agit d’être capable de retrouver la biodiversité (réimplantation d’espèces, redécouverte de technologies ancestrales) et lui donner une nouvelle dimension, en l’enrichissant par la connaissance analytique et systémique issue de la recherche scientifique. L’économie positive se donne pour objectif de restaurer, exploiter et enrichir la diversité des formes du vivant, y compris celles de la culture et de la technologie.

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Revitaliser les territoires !!!!!!!!!!!!!!

La standardisation des formes industrielles, agricoles et culturelles a abouti à appauvrir les relations sociales et économiques au sein des territoires. L’économie et l’ensemble de l’activité humaine dépendent ainsi de relations avec des fournisseurs d’information et de matière dispersés sur toute la planète61. En revanche, les relations entre les hommes, entre les entreprises, entre l’Homme et son environnement, s’affaiblissent au sein des territoires. La valeur du travail diminue au fur et à mesure des délocalisations. Cet affaiblissement des relations territoriales aboutit ainsi à une crise sociale. Il en résulte aussi une crise énergétique. L’uniformisation des procédés de production, leur déconnexion des territoires, le coût faible des transports aboutit à un gaspillage énergétique. Les lieux de production et de consommation, de travail et de résidence s’éloignent. Ce phénomène se retrouve dans les pays émergents : les villes satellites de Shanghaï se sont spécialisées chacune dans un type d’industrie, entraînant des besoins en transport qui deviennent ingérables. L’enjeu de l’économie positive est de reconstruire des interactions positives entre les acteurs économiques au niveau d’un territoire. Il s’agit d’appliquer les principes de circularité et complémentarité (cf. deuxième partie) pour identifier les flux de matière et d’énergie qui peuvent être valorisés localement. Dans le domaine de l’énergie, ce principe s’applique à la co-génération : les flux de chaleur produits par une centrale électrique ou une usine peuvent être valorisés par un autre acteur. Dans le domaine des ressources, il s’applique à la valorisation des déchets : alors qu’il peut être impossible à un acteur seul de « boucler la boucle » et de valoriser tous ses co-produits, la synergie avec d’autres entreprises sur un même territoire peut permettre de transformer les déchets de l’un en ressources de l’autre. Cette économie de la diversité, donc de l’information, est aussi nécessairement une économie de services à haute valeur ajoutée, dans laquelle l’activité humaine productive, au sens le plus noble du terme, retrouve toute sa place. L’économie positive a besoin de cerveaux capables d’inventer de nouvelles solutions à de nouvelles conditions. Elle remplace l’industrialisation des solutions, qui aboutit à des pertes d’emplois, par la création de nouveaux emplois qualifiés et créatifs. Ces emplois de service nécessitent une intelligence des écosystèmes locaux, et sont donc faiblement délocalisables : pour concevoir un bâtiment adapté aux conditions climatiques d’un site, ou pour tester des variétés de plantes pour la filière bois-énergie, adaptées aux conditions d’une région, il faut être sur place.

Intégrer 6,5 milliards de personnes

!!!!!!!!!!!!!!

La diversité des solutions suppose aussi d’élargir la sphère d’intervention de l’économie positive. L’économie industrielle a encore un taux de pénétration très faible : plus de 4 milliards de consommateurs potentiels sont en dehors de sa sphère. Ainsi, les ressources physiques et immatérielles, notamment humaines, des pays pauvres sont encore sous-valorisées, dans le cadre d’économies linéaires et minières, à très faible valeur ajoutée. Pourtant, les ressources des pays émergents, bien valorisées, sont indispensables à la mise en œuvre d’une économie positive globale. Les pays pauvres, non contraints par la présence d’infrastructures « négatives », et bénéficiant souvent d’un fort taux d’ensoleillement et de main d’œuvre encore bon marché, permettent la mise en place de projets de production d’énergies et matériaux renouvelables, et de réductions d’émissions, voire de stockage de carbone. Le chemin de la croissance passe par la valorisation de ces ressources, de manière collaborative. L’économie positive a donc pour objectif de valoriser les ressources des pays émergents de manière renouvelable et avec une valeur ajoutée croissante. En créant des emplois à plus forte valeur ajoutée dans ces pays, elle crée ainsi autant de nouveaux consommateurs, qu’elle intègre dans un cercle de croissance vertueux. La Chine, déjà, prépare sa mutation : engagée, sur le modèle occidental, sur une croissance très consommatrice en énergie et émettrice de carbone, elle est en train de muter vers une économie circulaire, et vise à mettre en place une autonomie énergétique. Cette mutation représente autant d’opportunités pour les entreprises de l’économie positive, qui peuvent y trouver des solutions, ou proposer les leurs. L’économie positive remplace la compétition globale entre individus par une coopération globale, indispensable pour mobiliser les ressources et le réservoir d’innovations d’une humanité diverse et en croissance.

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Deuxième partie

6 principes

Faire plus avec moins : Finalité Circularité Complémentarité

Faire plus avec la biosphère : Substitution Valorisation Diversité

Plate-forme de compostage de l’ADEME

Taillis à très courte rotation) pour la filière bois-énergie Centrale thermique au charbon en Russie

Décharge publique en Indonésie

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L’économie positive s’inspire des principes de fonctionnement des écosystèmes naturels. Au sein des écosystèmes, les organismes vivants ont mis en place des mécanismes destinés à assurer leur survie, dans un contexte de ressources limitées. Ils ont dû apprendre à faire plus avec moins, c’est-à-dire à maximiser la productivité des ressources matières et énergie à leur disposition (cf. ci-dessous). Ils ont aussi appris à faire plus avec les ressources de la biosphère, c’est-à-dire maximiser la valorisation des seules ressources qui soient renouvelables : l’énergie du soleil et de la terre, valorisés par les mécanismes du vivant (cf. plus avec la biosphère).

Plus avec moins Finalité

!!!!!!!!!!!!!!!!

De la propriété à l’usage

En 1986, deux économistes, Walter Stahel et Orio Giarini, ont défini une nouvelle stratégie d’entreprise : l’économie de services, diffusée en France par Dominique Bourg sous le nom d’économie de la fonctionnalité. Il s’agit initialement de vendre des services aux clients, plutôt que des biens matériels. Dans ce nouveau type de business model, l’entreprise reste propriétaire des biens qu’elle met à la disposition de ses clients, et son chiffre d’affaires est lié à l’usage que les clients en font62. Au départ, ce choix n’est pas nécessairement lié à des préoccupations d’ordre environnemental. Il offre une meilleure façon de répondre aux besoins du client, en particulier si celui-ci est une entreprise. Le remplacement de la propriété par l’usage est en général apprécié par le client. Un exemple connu est celui des photocopieurs, qui sont de plus en plus souvent mis à la disposition des entreprises qui en payent l’usage à l’unité. Ce système présente trois avantages immédiats :

! continuité de service

! maîtrise des coûts : le client connaît à l’avance le coût unitaire de ses consommations

! avantage financier : le leasing évite des immobilisations dans du matériel.

Même si ce n’est pas l’objectif initial, ce type de business model permet une convergence entre l’intérêt à court terme de l’entreprise – satisfaire les besoins de ses clients à moindre coût – et l’intérêt général – améliorer l’impact environnemental. En effet, l’entreprise qui fournit l’usage d’un équipement en reste propriétaire, donc

responsable tout au long de son cycle de vie. Elle a intérêt à promouvoir sa durabilité, le recyclage de ses composantes, et à éviter d’y incorporer des matériaux toxiques au coût de fin de vie élevé. C’est ainsi que Michelin a révolutionné le marché des pneumatiques pour camions. Au lieu de vendre des pneus, Michelin gère le parc de pneumatiques de ses clients, dans le cadre d’un contrat qui comprend la fourniture des produits et les services associés. Ce changement de business model permet de mieux entretenir les pneumatiques et de réduire les consommations de carburant (solution n°1).

Solution n°1 Vendre des kilomètres à la place des pneumatiques

Comment augmenter son chiffre d’affaires sans nécessairement vendre plus de pneus, quand on s’appelle Michelin ? En remplaçant la vente de pneus par un service de gestion des parcs de pneumatiques des entreprises, facturé sur la base du nombre de kilomètres parcourus. Premier à avoir proposé cette offre (créée en 2001 sous le nom de Fleet Solutions), Michelin est aujourd’hui le leader de l’externalisation de la gestion de pneumatiques. 50% des grandes flottes européennes de poids lourds ont souscrit à cette offre, qui commence à pénétrer les Etats-Unis63. Pour le client, ce service permet de réduire les immobilisations de véhicules, et de maîtriser le prix de revient au kilomètre. Mais l’environnement y gagne aussi. La gestion externalisée des pneumatiques permet d’assurer une maintenance et un gonflage optimal des pneus, ce qui améliore leur longévité et réduit les consommations de carburant. Elle permet aussi le retrait des pneus au moment optimal pour les opérations de recreusage et de rechapage, qui multiplient par 2,5 la durée de vie des pneus. Et pour aller plus loin dans la baisse du coût de revient des kilomètres parcourus, Michelin développe des pneumatiques qui permettent de réduire de 5 à 6% la consommation de carburant (gamme Energy et X-one), et propose même des cours de conduite économe pour les chauffeurs de poids lourds64.

Les solutions de fonctionnalité doivent cor-respondre à un gain significatif pour le client. En dehors de telles situations de convergence, elles peinent à s’imposer. Ainsi, le fabricant de moquettes Interface a développé des solutions de location de carrés de moquette, en apparence très avantageuses pour l’utilisateur : elles offrent la garantie de disposer de moquettes propres, nettoyées et remplacées, sur une durée de 20 ans. Pourtant, cette offre ne rencontre pas le succès escompté. D’une part, l’entretien des moquettes est un poste secondaire pour les entreprises. Et surtout, comme elles sont souvent locataires de leurs bureaux, elles n’ont aucun intérêt à se préoccuper de cette question65.

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Le remplacement de la propriété par l’usage peut se heurter à des obstacles psychologiques, surtout chez les particuliers, pour qui la propriété est encore synonyme de prestige et de sécurité. Louer une voiture, un ordinateur, un téléphone portable, n’offre pas la même satisfaction que le fait de l’acheter. Néanmoins, les marchés évoluent, avec le remplacement progressif de la logique de l’accès sur celle de la propriété. Aux Etats-Unis, un tiers des véhicules en circulation sont en location, et ce pourcentage augmente dans les banlieues huppées, où 60% des automobiles sont louées. La logique de l’accès se répand par les catégories sociales aisées, habituées à ce raisonnement dans leur vie professionnelle66. Les nouvelles technologies de communication favorisent les services d’accès flexible. Ainsi, l’auto-partage se développe grâce à Internet, et grâce à un système de badges électroniques permettant aux usagers de récupérer rapidement leur véhicule, 24 h/24. Le GPS permet le suivi des véhicules (solution n°2).

Solution n°2 L’auto partagée

Est-il vraiment intéressant de posséder sa voiture ? Pas si on habite une grande ville, où le coût d’une petite voiture est de 400 ! par mois67. Une voiture équivalente se loue à partir de 25 !/jour. Si l’on utilise sa voiture moins de 150 j/an en moyenne, il est donc plus économique de la louer. Mais la location de voiture se heurte au problème de la disponibilité : comment être sûr de disposer d’un véhicule rapidement, à coût fixe, à tout moment ? Un problème résolu par Flexcar, une start-up créée en 2000 à Seattle. Les abonnés de Flexcar (20!/an) peuvent réserver par Internet un véhicule immédiatement disponible, sur des espaces de parking réservés à cet usage et proches de chez eux. Le service reste cher : 5 à 7!/heure, mais économique pour des usages ponctuels, qui correspondent aux besoins des urbains. Flexcar est ainsi présent dans 12 villes sur la côte Ouest des USA, avec 350 véhicules, dont 50% d’hybrides, à la disposition de 20 000 abonnés. 40% du chiffre d’affaires est réalisé auprès d’entreprises, comme Starbucks, qui apprécient cette alternative peu onéreuse au taxi. Forte de son succès, Flexcar a levé 4 millions de $ auprès d’entreprises du secteur des transports, comme Honda68. Cette innovation est inspirée de systèmes similaires existants en Europe, comme Mobility (Suisse) ou CityCarClub (Angleterre). En France, la société Caisse Commune, par exemple, propose 50 véhicules répartis sur 8 parkings dans Paris, que se partagent 1500 abonnés. Mais le développement de ce système se heurte à un problème institutionnel : la difficulté de disposer de places de parking réservées sur la voie publique. Il reste donc à convaincre les Mairies qu’il est dans leur intérêt de favoriser ainsi la réduction du nombre d’automobiles : 60% des utilisateurs de Flexcar déclarent avoir vendu leur véhicule ou renoncé à en acheter un, ce qui fait 12 000 t d’acier en moins sur les routes.

Rechercher les finalités

Le simple passage de la propriété à l’usage n’est pas toujours suffisant. Il s’agit en effet toujours de fournir le même produit (un photocopieur, un pneumatique, une voiture…), seul son statut change. Or les impasses de l’économie négative sont souvent liées à des raisonnements en terme de produits : l’entreprise fournit un produit, auquel elle finit par s’identifier, et qui prend le pas sur son utilité finale. Une entreprise, un organisme qui choisit de raisonner « en mode produit » peut parfaitement fonctionner pendant des années, jusqu’à ce qu’un changement de contexte remette en cause son business model. C’est ce qui arrive au système de santé français : la fourniture de soins (consultations, interventions, médicaments) a pris le pas sur l’utilité finale : la santé des utilisateurs. Le système a fonctionné ainsi pendant de nombreuses années, jusqu’à ce que le vieillissement de la population provoque une inflation de la demande de soins, qui débouche sur la faillite des caisses d’assurance-maladie. Une seule solution : revenir à la finalité du système, la santé, et mettre l’action sur la prévention, à l’image de la CPAM de la Sarthe (solution n°3).

Solution n°3 La santé avant les soins

Le système de santé français fonctionne-t-il « en mode service » ou « en mode produits » ? Si l’on interroge les acteurs du système – médecins, laboratoires pharmaceutiques, mutuelles – sur leur finalité, ils répondront : la santé. Mais en pratique, ils fournissent des soins : consultations, interventions chirurgicales et médicaments, qui sont autant de biens et services payants. Les acteurs du système finissent par s’identifier à ces produits, qui deviennent leur raison d’être économique, puis sociale. Dès lors, l’objectif n’est pas de maintenir la population en bonne santé, mais de soigner, donc de vendre des consultations et des médicaments " ce qui suppose qu’il y ait des malades. L’échec régulier des efforts de prévention est ainsi plus facile à comprendre. Les Caisses d’assurance-maladie et les mutuelles ont cependant tout intérêt à ce que leurs clients restent en bonne santé. En effet, elles ne vendent pas des soins : elles perçoivent des cotisations, et en échange fournissent l’accès au soin, qui pour elles est un coût. Pour réduire ces coûts, la Caisse primaire d’assurance-maladie de la Sarthe a lancé en 2001 le concept « Santé active ». L’accent est mis sur la prévention avec un magazine trimestriel, des conseils gratuits de praticiens (hot line et espace dédié en centre-ville), et, pour la première fois, un colloque explicitant clairement les liens entre santé et environnement, l’accent étant mis sur les solutions pour ne pas tomber malade69.

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La rupture innovante suppose de réfléchir aux besoins sous-jacents du client, et de lui proposer de nouvelles solutions pour y répondre. Cette approche permet d’ouvrir le champ des possibles : pour chaque besoin identifié, elle permet de chercher les différentes alternatives permettant de remplir ce besoin au meilleur coût, et en faisant appel à des flux de matière et d’énergie plus faibles. Cette recherche de finalité peut procéder par itérations. Prenons le cas d’un installateur de chaudières au fuel. Il définira son métier, en terme de produits, comme « vendre des chaudières au fuel » – un métier en perte de vitesse, dans un contexte de hausse du prix du pétrole. Une première recherche de fonction-nalité permettra de redéfinir son métier comme « vendre des appareils de chauffage », ce qui permet une première ouverture : l’entreprise peut désormais proposer des chaudières au gaz, au bois, des installations solaires thermiques, etc. Au-delà, il est possible de réfléchir que le besoin ultime du client n’est pas le chauffage, mais une température confortable tout au long de l’année. En redéfinissant son métier comme « fournisseur de confort thermique », l’entreprise s’ouvre la possibilité de vendre des diagnostics thermiques, des solutions d’isolation, ou encore des solutions de climatisation passive telles que les vérandas et les puits canadiens, reposant sur des échanges thermiques naturels. Elle possède ainsi une plus large gamme de réponses aux besoins de ses clients, et se protège contre les fluctuations du prix de l’énergie. La recherche de finalité s’adapte aussi bien aux services aux consommateurs qu’aux services aux entreprises. Elyo a ainsi redéfini son offre de fourniture d’énergie (chaleur, froid, vapeur) pour les entreprises et les collectivités, en une offre de services d’optimisation énergétique (solution n° 4). Ainsi, plutôt que de penser en termes de « produit fourni », la stratégie de gestion de l’entreprise ou des territoires se redéfinit en termes de « service rendu ». Cette recherche de finalité permet la diversité des solutions, indispensable pour s’adapter à un monde en mutation et pour répondre aux nouveaux enjeux nés de la crise du climat et de l’environnement. La solution unique a vécu : il peut y avoir plusieurs chemins pour remplir le même besoin.

Solution n°4 Vendre de l’optimisation énergétique

Elyo, filiale du groupe Suez, fournit de l’énergie « utile » " chaleur, vapeur, froid " pour les entreprises et l’habitat collectif. Jusqu’à la fin des années 1980, son activité reposait principalement sur l’exploitation de chaudières au fuel. Ses clients bénéficiaient d’une solution simple, unique, au prix relativement maîtrisé. Depuis 2003, Elyo fait face à une nouvelle demande de ses clients, qui n’arrivent plus à maîtriser leurs coûts énergétiques face à plusieurs évolutions :

! multiplication des sources d’énergie (et des technologies) : gaz, électricité et, plus récemment, le bois, le solaire thermique et photovoltaïque

! déréglementation et instabilité des marchés, hausse tendancielle des prix de l’énergie

! Incertitudes sur le prix des émissions de carbone (suite à la mise en place du marché européen des quotas de CO2).

Les clients d’Elyo doivent gérer les conséquences d’un marché de l’énergie en voie de complexification : un métier en soi ! Ce qu’Elyo a intégré en proposant de gérer, pour le compte de ses clients, l’optimisation de leur mix énergétique, du rendement de leurs installations, de la qualité et du prix des énergies fournies. Elyo se positionne ainsi comme un fournisseur de services en optimisation d’énergie. Il permet à ses clients de bénéficier de flux de chaleur, de froid, de vapeur, ou de confort thermique, dans des conditions de volume et de température garantis. Pour fidéliser ses clients, Elyo a intérêt à leur trouver des solutions permettant de réduire leurs coûts énergétiques. Il leur propose ainsi de bénéficier de l’achat d’énergie en volume, à des prix mutualisés. Il les aide aussi à réduire la consommation énergétique de leurs installations par le choix des technologies optimales, et par une gestion adaptée. Par ailleurs, en proposant des contrats de longue durée, Elyo peut prendre en charge des investissements d’efficience énergétique dont le coût n’est amorti que sur le long terme. Le client y gagne " et l’environnement aussi.

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Circularité !!!!!!!!!!!!!!!!

Une fois redéfinie l’offre de produits et services en fonction des finalités, il devient possible d’améliorer la productivité des flux d’énergie et de matière en appliquant les principes de l’écologie industrielle ou économie circulaire. Ces principes connus comme les 3 R : Réduire, Réutiliser, Recycler, ont été formulés pour la première fois au Japon. D’autres principes, similaires, peuvent s’y rajouter : Récupérer, Réparer, Reconditionner, Réemployer… L’objectif est de sortir du fonctionnement linéaire de l’économie négative : extraire, transformer, jeter. Dans cette économie, les cycles de vie des produits sont linéaires : ils se définissent « du berceau à la tombe » (cradle-to-grave)70. Le fabricant d’un produit n’est pas responsable de sa fin de vie. Celle-ci incombe à l’utilisateur, qui lui-même se décharge du problème (au sens propre du terme !) sur la collectivité. Cette approche a vécu. Les ressources en voie de raréfaction, comme certains métaux, atteignent des prix prohibitifs. Les collectivités refusent d’assumer le coût du ramassage, du stockage en décharge et éventuellement du traitement de déchets toujours plus nombreux et plus toxiques. Les nouvelles réglementations européennes rendent les fabricants d’équipements responsables de la fin de vie de leurs produits. C’est le cas de la récente DEEE (Directive sur les équipements électriques et électroniques). Dans le même temps, le phénomène Nimby (Not In My Backyard) et le refus croissant de la toxicité de la part du public amènent un coût croissant de mise en décharge. Les « vides de fouille » – c’est-à-dire la capacité d’accueil des centres d’enfouissement technique des déchets – deviennent plus rares et plus chers.

Les 5 bilans : carbone, énergie, matière, toxicité, diversité L’approche « extraire, transformer, jeter » n’est plus viable. Il faut extraire moins, et jeter moins, voire, si possible, pas du tout. Les entreprises de l’économie positive raisonnent en terme de cycle de vie « bouclé », du berceau au berceau (cradle-to-cradle)71. Cette approche fait appel aux techniques de l’éco-conception, qui vise :

! à réduire les consommations et les impacts négatifs liés à la fabrication du produit

! à réduire les consommations et les impacts négatifs liés à l’utilisation du produit

! à réduire les impacts négatifs liés à la fin de vie du produit, et à favoriser la réutilisation et le recyclage de ses composants.

L’éco-conception s’accompagne d’une Analyse en Cycle de Vie (ACV). Cette analyse permet de dégager le bilan du produit et de chacune de ces composantes, à toutes les étapes du cycle fabrication / utilisation / fin de vie / recyclage. Seule cette analyse permet de faire des choix éclairés, et de trancher des questions parfois complexes, comme celles qui concernent les choix de durée de vie des produits (idée reçue n°6). L’ACV doit permettre de déboucher sur les 5 bilans de l’économie positive (tableau n° 4, page suivante) :

! le bilan climat : émission ou séquestration de gaz à effet de serre.

! le bilan énergie : bilan net de la consommation et de la production d’énergie

! le bilan matière : consommation et production de ressources finies (matières premières, eau, sols…)

! le bilan toxicité (consommation, rejet ou au contraire neutralisation de molécules toxiques)

! le bilan diversité (destruction ou au contraire protection et recréation de diversité).

Ces bilans n’ont pas nécessairement le même poids, il est possible de leur affecter des poids différents dans une analyse en fonction des enjeux locaux, notamment. Compte tenu de l’importance de l’enjeu climatique, qui détermine la survie de l’ensemble de l’écosystème, il est également possible, de manière globale, d’affecter un poids supérieur au bilan climat.

La question du périmètre est essentielle lors d’une ACV. Pour le même produit, le bilan sera positif ou négatif selon le périmètre choisi. Les biocarburants en sont un exemple. Pour certains biocarburants issus des parties « nobles » des plantes, riches en sucres et en graisses (bioéthanol issu de mais, par exemple), le bilan énergétique est différent selon que l’on prenne en compte ou pas l’énergie nécessaire à la fabrication et au transport des engrais. Ainsi, une étude de l’Université de Cornell72 (Pimentel et Patzek) indique que les coûts énergétiques liés à l’utilisation d’engrais azotés représente 30% des coûts énergétiques de la production de maïs aux Etats-Unis, et que le bilan énergétique total, dans certaines conditions, peut être négatif. De même, le bilan climat de la production de biocarburant à partir d’huile de palme est négatif si les palmiers sont implantés sur défriche de forêt, comme c’est encore souvent le cas en Indonésie.

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Tableau n° 5 Les cinq bilans d’une analyse économie positive

Bilan Négatif : input > output Neutre : input = output Positif : input < output Climat rejets nets de gaz

carbonique ou d’autres GES

ex : le transport routier, les centrales thermiques, etc.

rejets compensés

ex : transports avec compensation de CO2

stockage de carbone supérieur aux rejets

ex : régénération d’un sol fertile à l’aide d’engrais organiques riches en carbone. Production de bois pour la construction.

Energie énergie consommée > énergie produite

ex : la plupart des industries, dont la production d’électricité (rendement de 30%)

énergie consommée = énergie produite

énergie produite > énergie consommée

ex : centrale solaire photovoltaïque, certains biocarburants.

Matières (matières premières, eau…)

matière consommée > matière produite

ex : la plupart des industries de transformation.

matière consommée = matière produite

matière produite > matière consommée

ex : la production de biomatériaux

Toxicité production de composés toxiques bioaccumulables

ex : les retardateurs de flammes bromés

matériaux avec composants non toxiques

ex : les cosmétiques biologiques

catabolisme ou lixiviation des composés toxiques

ex : la phyto-restauration (utilisation de plantes pour traiter les eaux usées et dépolluer le sols).

Diversité destruction de biodiversité

ex : remplacement de forêts primaires par des plantations d’une seule espèce (huile de palme, acacia…).

conservation sans création de biodiversité

ex : gestion d’une forêt selon les normes du Forest Stewardship Council, avec la mise en place d’espaces de conservation.

Augmentation de la biodiversité

ex : remplacement d’insecticides par la lutte biologique (utilisation de prédateurs naturels pour éliminer les insectes).

Attention : seuls les produits au bilan réellement positif peuvent recevoir cet adjectif. Pour les autres, il est plus exact de parler de bilan « moins négatif ». Le train, par exemple, n’est pas un système de transport positif. En revanche, il est clairement moins négatif (au moins sur le plan carbone, énergie, matière et toxicité) que le transport routier.

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Idée reçue n°6 Il faut augmenter la durée de vie des produits

L’adjectif « jetable » date des années 1950. Il s’applique alors à une nouvelle catégorie d’objets pratiques, à cycle de vie court. L’adjectif jetable a alors bonne presse : Marcel Bich, créateur des rasoirs et stylos bic ® est surnommé “l’empereur du jetable” dans un souffle d’admiration73. Le produit jetable est alors synonyme de progrès et de liberté.

Un peu plus tard, dans les années 1970, est apparu le concept d’obsolescence programmée : obsolescence technique (pièces à faible durée de vie), obsolescence indirecte (les produits consommables associés ne sont plus disponibles), ou obsolescence subjective (changement de modes).

Aujourd’hui, dans un contexte de prise de conscience environnementale, le jetable a mauvaise connotation. Et l’obsolescence programmée, qui vise à raccourcir la durée d’usage d’un produit, est devenue choquante.

Pourtant, augmenter la durée de vie des produits permet-il toujours de réduire leur impact environnemental ? Pas sûr. Une analyse en cycle de vie va permettre de différencier deux types de produits :

! ceux dont l’impact principal se situe début de vie (fabrication) et en fin de vie (traitement des déchets)

! ceux dont l’impact est lié à l’usage, notamment en termes d’utilisation d’énergie. C’est le cas des automobiles et des bâtiments (plus de 90% des émissions de GES sont liées à leur usage, et moins de 10% à leur fabrication).

Dans le second cas, s’il existe des marges de progrès technologiques permettant d’améliorer l’efficience énergétique de l’usage du produit, il peut être préférable de réduire sa durée de vie. En d’autres termes, il vaut peut-être mieux remplacer une voiture au bout de 5 ans – éventuellement en réutilisant les pièces détachées " si cela permet de diviser par 2 la consommation du moteur.

Par ailleurs, le fait de prolonger la durée de vie d’un produit peut aussi augmenter l’impact de sa fabrication. Un produit jetable ultra-léger peut avoir une meilleure ACV qu’un produit plus durable, nécessitant plus de matière. Ainsi, les nouveaux rasoirs BIC à trois lames ont une durée de vie de 42% supérieure aux rasoirs jetables une lame, mais nécessitent 2 fois plus d’énergie pour la fabrication de leurs matières premières74.

Face à cette situation complexe, seul un bilan complet, basé sur une analyse de tout le cycle de vie, peut permettre d’optimiser la durée de vie d’un produit, en tenant compte de la capacité des produits à devenir plus efficients à chaque étape.

Avant toute chose : réduire

Malgré la complexité des ACV, il est possible de dégager quelques stratégies gagnantes pour améliorer la productivité des ressources, et donc leurs bilans. La première étape, indispensable avant toute autre solution, est la réduction des flux entrants, ou inputs. Il sera toujours moins coûteux de recycler une petite quantité de matière qu’une grande quantité. De même, mettre en place des solutions de substitution (énergie solaire à la place de pétrole, par exemple) est absurde si l’on maintient des structures inefficientes en énergie : un peu comme augmenter le chauffage sans fermer les fenêtres. En permettant de réduire les coûts, les solutions de réduction de flux de matières et d’énergie offrent une convergence immédiate entre l’intérêt économique à court terme de l’entreprise, et l’intérêt environnemental. La méthode consiste à identifier tous les flux entrants dans le cycle de vie, et à chercher systématiquement comment les réduire en rendant le même service, sur la base d’une analyse de finalité (cf. principe n° 1). Plusieurs stratégies peuvent alors être mises en œuvre. Le downsizing consiste à réduire le poids et l’encombrement des produits et de leur emballage (solution n°5). A noter qu’encombrement n’est pas synonyme de volume : ainsi, sur sa gamme de produits verts, Monoprix propose des emballages de section carrée, qui sont moins encombrants pour le même volume, et permettent une économie d’énergie et de coûts au stockage et au transport. Le transport des meubles en kit, popularisé par Ikéa, permet également de réduire leur encombrement. Une autre solution efficace consiste à s’inspirer des principes de l’analyse de la valeur c’est-à-dire l’analyse du rapport fonctions / coûts des produits. Cette méthode, créée aux Etats à la fin de la seconde guerre mondiale, répond aux besoins d’une économie de guerre, qui se doit d’être ultra-efficiente – tout comme l’économie positive, en guerre contre la déstabilisation du climat. Un des principes dérivés de l’analyse de la valeur est celui de la performance « juste nécessaire » (solution n° 6). Définir ce niveau de performance suppose d’avoir réalisé une recherche de finalité du produit. Les solutions « juste nécessaires » répondent exactement aux besoins de l’utilisateur, sans surcoût inutile75. Ainsi le co-fondateur de la société de design Faltazi, a créé une bouilloire électrique réglable qui permet de chauffer l’eau à 70°, ce qui est la température optimale pour le café – une économie d’énergie d’au moins 30% par rapport à la bouilloire classique à ébullition.

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Solution n°5 Un coupé sport ultra-léger

Est-il possible de réaliser une voiture ultra-économe tout en séduisant les amateurs de voitures de sports ? C’est le pari des concepteurs de la Loremo (pour : Low Resistance Mobility), une voiture présentée en prototype au Salon de Genève en 2006. La production en série est attendue pour 2009 – à un prix annoncé de11 000 à 15000 !. Une voiture ultra-performante, qui émettra entre 35 et 62 g de CO2 par km, soit 1,5 à 3 fois moins que les véhicules les plus efficaces d’aujourd’hui.

L’idée de base est de réduire le poids des matériaux, ce qui permet de réaliser des économies tant sur la consommation du véhicule que sur son coût de fabrication. Ainsi, le châssis en plastique thermomoulé et acier ne pèse que 95 kg, contre 300 pour un châssis conventionnel. Il est stabilisé par deux barres d’acier, qui lui confèrent une bonne résistance à la déformation. L’aérodynamisme améliore aussi les performances.

Pour arriver au poids plume final de 450 kg, il a fallu repenser le design : les portes de la voiture sont situées à l’avant et a l’arrière. Ainsi, l’habitacle peut être renforcé par des matériaux protecteurs pour les passagers, et le reste est réalisé en matériaux plus légers. Dans une voiture classique, les portes latérales doivent être renforcées, ce qui en augmente le poids.

Ce genre de solutions de downsizing permet des effets d’entraînement positif : réduire le poids des véhicules permet de réduire la puissance du moteur, donc son poids et celui des transmissions. Les performances finales sont sans appel, si on les compare avec des coupés sport 2+2 places :

Loremo

LS GT Mazda RX 8

Hyundai Coupé

Puissance (ch)

20 49 192 143

Vitesse max, km/h

160 220 223 208

0-100 km/h, en secondes

20 9 7.2 9.1

Poids (kg) 450 470 1394 1342

Consom"

mation (l/100 km)

1,5 2,7 10,8 8

Prix (!) 11 000 15 000 30 700 23 750

Solution n°6 Le juste nécessaire

« Il faut quitter cette idée de performance à tout prix, retourner au bon sens et dire : je cherche un produit vaisselle, je ne veux pas un mètre de mousse »76.

C’est ainsi que Peter Malaise, directeur conceptuel d’Ecover, résume la politique de cette société leader des lessives et détergents respectueux de l’environnement. Il s’agit de concevoir des lessives et détergents dont les performances se limitent au nécessaire et non au possible. Les performances d’enlèvement des taches sont similaires à celles d’une lessive classique (différences de 2 à 5%, non visible à l’œil nu par le consommateur). Sur ce principe, Ecover propose des lessives douces et efficaces, et a éliminé les phosphates de ses produits bien avant que la législation ne les interdise, se donnant ainsi une longueur d’avance sur ses concurrents.

Société internationale fondée en Belgique en 1980, Ecover possède des filiales aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Suisse, et vend ses produits dans plus de 50 pays. Les Japonais, de plus en plus conscients de l’environnement, sont séduits : Ecover compte Mitsubishi dans ses clients. L’usine Ecover est gérée de manière éco-efficiente de A jusqu’à Z, avec des efforts systématiques pour réduire les consommations d’eau et d’énergie. Elle compte même une toiture engazonnée de 6000 m2, qui climatise le bâtiment.

Réutiliser et recycler la matière La réutilisation consiste à récupérer un produit en fin de vie, et l’utiliser pour le même usage ou un usage différent sans transformation majeure. C’est le cas des bouteilles consignées, qui ont disparu dans la plupart des pays riches. La réutilisation peut supposer une réparation ou un reconditionnement du produit. C’est le cas du rechapage des pneus, ou du recondition-nement des cartouches d’imprimante. L’avantage de la réutilisation sur le recyclage est qu’elle conserve mieux les propriétés et la valeur de chaque composante. Ainsi, une bouteille réutilisée conserve sa forme et sa couleur, ce qui n’est pas le cas lors du recyclage du verre. La réutilisation nécessite aussi moins d’énergie que le recyclage : une bouteille consignée est réutilisable telle quelle, sans avoir à la refondre. Le recyclage consiste à récupérer les composantes d’un produit en fin de vie pour s'en servir comme matières premières pour de nouveaux produits " dans le même cycle de production, ou dans un cycle différent. Ainsi, les bouteilles et flacons en polyéthylène peuvent être recyclées par l’industrie textile, les canettes en aluminium peuvent être transformées en vélos, etc. Le recyclage suppose une consommation d’énergie (pour le transport et le process) et le plus souvent, il dégrade les propriétés des matériaux. Il devrait donc logiquement venir en dernier dans la stratégie des 3 R, après les étapes réduire et réutiliser.

La Loremo au Salon de Genève

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Dans une économie linéaire (extraire, transformer, jeter), les flux de matière et d’énergie ne sont utilisés qu’une seule fois, pour un seul usage. Leur fin de vie représente un coût pour la collectivité et, de plus en plus, pour l’entreprise. La réutilisation et le recyclage représentent des solutions de conver-gence d’intérêts. Ils permettent à la fois d’améliorer la productivité des ressources, et de réduire les coûts de fin de vie des produits. A la limite, en permettant de fermer totalement les boucles d’utilisation des produits, ils suppriment la notion de fin de vie. Le recyclage des déchets de chantier répond bien à cette double problématique. D’un côté, les déchets du bâtiment représentent 31 millions de tonnes par an en France (20% de plus que les ordures ménagères), et ceux des travaux publics, 280 Mt. De l’autre côté, la France consomme plus de 400 Mt de granulats par an, utilisés surtout pour les travaux routiers ou les bétons hydrauliques. D'une valeur moyenne de 7 !/t (prix qui double au-delà d'un trajet de 3o km), ces matériaux pondéreux voyagent à 90% par camion. Certaines régions dépendent d'approvisionnements parfois éloignés. Ainsi, l'lle-de-France affiche un déficit : les carrières franciliennes satisfont à peine 60% des besoins de la région. L'épuisement des gisements naturels de granulats et les difficultés pour ouvrir de nouvelles carrières imposent de chercher de nouvelles sources : le recyclage vient à point nommé. Un constat fait par Ramery, une PME du bâtiment (solution n° 7).

Solution n°7 Recycler les décombres des bâtiments

Comment survivre quand on est une PME, dans un secteur dominé par des géants ? En se réinventant de manière permanente, et en apportant de nouvelles réponses aux nouveaux enjeux.

Créée il y a environ 40 ans par son président actuel, Ramery est une des plus grandes PME indépendantes du bâtiment en France – c’est-à-dire un acteur modeste de quelques centaines de millions d’euros de CA, parmi des géants à plusieurs milliards comme Spie, Icade, Vinci, Eiffage ou Bouygues. Son premier métier fut les travaux publics, puis vint le bâtiment. Depuis 3 ans, Ramery s’est positionnée sur les métiers de l’environnement, sans abandonner ses métiers historiques. A la base, une idée toute simple : transformer une nouvelle contrainte en opportunité. Ainsi, une nouvelle circulaire sur la gestion des débris de chantier devient un moyen de générer de nouveaux revenus pour l’entreprise : le recyclage des résidus de déconstruction.

La destruction d’un immeuble entraîne une noria de camions sur les routes, vers un centre d’enfouissement technique (terme politiquement correct pour une décharge). Une partie de ces matières peuvent être broyées et requalifiées en granulats pour les terrassements ou le béton, alimentant ainsi la deuxième activité de Ramery, le

bâtiment. Le reste est recyclé pour réaliser les soubassements des routes, alimentant l’activité historique du groupe, les travaux publics. La production de matériaux à partir de gravats recyclés est ainsi devenu un métier à part entière pour le groupe, augmentant sa profitabilité et réduisant d’autant les consommations d’énergie et de matière que ces matériaux remplacent.

Prévoir la fin de vie La réutilisation, comme le recyclage, ne sont possibles de manière optimales que dans une démarche de conception qui prévoit la fin de vie des produits. Cette démarche doit permettre de maximiser la conservation de la valeur ajoutée des matériaux et des pièces au cours de leur cycle de vie. Une des premières stratégies est la simplification : il est plus facile de réutiliser ou recycler un petit nombre de composants semblables, présents chacun en grandes quantités, qu’une grande variété de composants différents. C’est ainsi que la diversification des modèles de bouteilles en verre, pour des logiques de marketing, a tué la consigne : il est trop coûteux de gérer la récupération de dizaines de bouteilles à des formats différents. Inversement, des constructeurs rentrent dans une démarche de simplification, qui vise à réduire le nombre de matériaux utilisés dans un produit, pour faciliter le recyclage (solution n°8). Une autre stratégie essentielle est de conserver les propriétés des matériaux, notamment en évitant les mélanges qui les dégradent. Un exemple est l’impression : le dépôt d’encres contenant des métaux lourds dégrade la qualité du papier, et transforme le papier (déchet organique compostable) en déchet toxique. Pour répondre à cette problématique, les auteurs du best-seller de l’éco-design, « cradle-

to-cradle », ont fait imprimer leur livre sur un « papier » fait de résines plastique, qui peut être recyclé indéfiniment avec son encre77. Au-delà des matériaux, une stratégie gagnante consiste à conserver la valeur ajoutée des pièces détachées : stratégie mise en place par PSA Peugeot Citroën(solution n° 8), mais aussi par Dell (solution n°9).

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Solution n°8 Prévoir le recyclage

Les nouvelles directives sur les véhicules hors d’usage (VHU) imposent à chaque constructeur les mesures suivantes :

- compenser, pour les véhicules de sa marque, le coût que peut entraîner pour un broyeur agréé la reprise gratuite des VHU ;

- ou reprendre lui-même ses véhicules, selon les modalités qu’il jugera appropriées.

- et enfin, construire les véhicules de façon à faciliter leur démontage ainsi que le réemploi ou la valorisation, en particulier par le recyclage, de leurs composants et matériaux.

Suite à ces nouvelles réglementations, le groupe PSA Peugeot Citroën a créé un poste de responsable de la recyclabilité des pièces. La méthode standard de recyclage consiste à démonter le véhicule et recycler les matières. L’enjeu est de maintenir la valeur ajoutée en étant capable de recycler les matériaux séparément. Cela suppose que les différents matériaux puissent être facilement séparés lors du désassemblage, et qu’il y ait un nombre réduit de matériaux.

PSA Peugeot Citroën est allé un cran plus loin en essayant de conserver la valeur ajoutée non pas seulement des matériaux, mais des pièces détachées. Toutes les pièces qui ne sont pas des pièces d’usure doivent pouvoir être réutilisées : commandes de clignotants (comodos), poignée de frein à main, poignées intérieures, etc.

Solution n°9 Réutiliser ses pièces détachées

Dell a mis en place un système de réutilisation de ses pièces détachées. Le 30 juin 2006, Dell a annoncé la récupération gratuite de tout produit de sa marque, dans le monde entier. Dell applique ainsi au niveau mondial la Directive européenne sur les déchets électriques et électroniques (DEEE). Cette stratégie permet à l’entreprise de réduire ses coûts, en récupérant un maximum de composants de qualité Dell, réutilisable pour la fabrication de ses produits. En 2005, Dell a ainsi pu revaloriser plus de 11 000 tonnes de produits issus de ses consommateurs. Les composants recyclés sont autant de composants qu’il n’a pas fallu produire, et donc autant de matières premières, d’énergie, de gaz à effet de serre et de coûts évités.

Parallèlement au recyclage, Dell a lancé un chantier d’efficience énergétique lui permettant de réduire ses consommations d’énergie et ses émissions de gaz à effet de serre (objectif : 10 millions de tonnes de réduction de CO2 en 2008), et des projets d’éco-design. L’entreprise peut ainsi réduire l’utilisation de composés toxiques comme certains métaux lourds : 52 000 t de plomb et 33 000 t de retardateurs de flamme bromés seront ainsi évités en pour 2008. Elle réduira aussi ses poids d’emballage de 43 000 t en 2008.

Réutiliser et recycler l’eau

La réutilisation et le recyclage peuvent aussi s’appliquer à l’eau. Sur les 369 milliards de m3 d’eaux usées collectés dans le monde chaque année, seulement 2% sont réutilisés. En général, l’eau est prélevée dans un aquifère (superficiel comme une rivière, ou souterrain), prétraitée si besoin pour la rendre potable, utilisée, puis traitée en station d’épuration afin de limiter son caractère polluant, et libérée dans l’environnement. D’ici 2015, le volume d’eau réutilisée devrait connaître une croissance de 200%, c’est-à-dire passer à 6%78. Ce volume reste encore faible par rapport au potentiel et aux besoins. Le business du retraitement des eaux usées a de beaux jours devant lui, en particulier dans les régions où l’eau potable est rare, comme le Moyen-Orient, l’Afrique ou la Chine. Pour des raisons purement psychologiques, la réutilisation de l’eau reste encore difficile pour l’eau potable. Les choses pourraient changer avec la raréfaction de l’eau liée au réchauffement climatique. En revanche, les utilisations pour l’arrosage ou l’industrie sont nombreuses. Une opportunité qui n’a pas échappé à des groupes comme Véolia ou Suez (solution n°10).

Solution n°10 Réutiliser les eaux usées

L’Australie est un des pays les plus touchés par le changement climatique. Naturellement aride, ce pays connaît une sécheresse qualifiée comme étant la pire depuis un millier d’années. Le bassin de la Murray-Darling, qui fournit 75% de l’eau utilisée nationalement, a reçu 5% de son flux moyen annuel. Le gouvernement a dû débloquer des aides au secteur agricole, qui connaît son taux record de suicides de fermiers désespérés.

Dans ces conditions, la moindre goutte d’eau devient précieuse. Suez a ainsi mis en place un système de réutilisation des eaux en sortie de stations d’épuration, ce qui évite de pomper dans les aquifères. La réutilisation se limite pour l’instant à l’irrigation des cultures, à l’arrosage des espaces verts et des terrains de golf ou au recyclage des eaux de process dans certaines usines. La ville de Toowoomba (Australie, 90 000 habitants) a refusé l’utilisation d’eaux retraitées pour l’eau potable, lors d’un référendum au mois de juillet 2006, en raison des freins psychologiques. La sécheresse actuelle pourrait changer la donne.

L’un des avantages de la réutilisation, selon le directeur général de Veolia eau, Antoine Frérot, est que « la ressource augmente en même temps que la population ». De plus, ce système est moins coûteux que le dessalement, l’eau importée, ou l’eau puisée à plus de 800 mètres de profondeur. Mais tout dépend de la qualité finale souhaitée et donc des étapes de traitement à ajouter à la sortie des stations d’épuration. Ainsi, le prix du m3 d’eau recyclée peut aller de 10 à 50 centimes d’euros.

Des solutions similaires sont mises en place dans d’autres pays arides, mais aussi en France, par exemple par Véolia à Sainte-Maxime.

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Réutiliser l’énergie

La récupération suivie de réutilisation peut aussi s’appliquer aux flux d’énergie. L’industrie abonde d’exemples de flux d’énergie non valorisés. Typiquement, en raison de la loi de l’entropie, toute production ou transformation d’énergie produit de la chaleur : c’est l’effet Joule. Jusqu’ici, ces flux étaient encore largement perdus. De nouvelles techniques se développement pour les valoriser. Ainsi la co-génération permet, à partir d'une source d'énergie, de produire en même temps et dans la même installation de l'énergie thermique (chaleur) et de l'énergie mécanique, transformée en énergie électrique. Elle permet aux producteurs d’énergie ou aux industriels de récupérer des flux de chaleurs perdus. Dans l’habitat, le même principe est utilisé à travers la ventilation mécanique contrôlée à double flux, avec échangeur et récupérateur de chaleur (solution n°11). Dans le transport, ce sont les véhicules à moteur hybride qui réutilisent l’énergie issue du freinage du véhicule.

Solution n°11 Récupérer les flux de chaleur

Une maison bien isolée ne renouvelle plus son air en quantité suffisante. La ventilation mécanique s’impose donc : on la retrouve dans la plupart des bâtiments construits depuis les années 1970. Mais elle cause alors à nouveau des pertes de chaleur par l’air évacué, remplacé par de l’air froid en hiver. Les pertes thermiques annuelles, pour une maison de 120 m2, peuvent atteindre 4500 kWh/an (source : Ademe). Diverses solutions existent pour limiter ces pertes. La plus efficace est la VMC (ventilation mécanique contrôlée) à double flux, proposée par exemple en France par le groupe Aldès, leader du secteur. L’air expulsé traverse un échangeur de chaleur, avant d’être rejeté vers l’extérieur. L’air froid venant de l’extérieur traverse cet échangeur et récupère environ 60 à 90% de la chaleur de l’air expulsé, avant d’être redistribué dans les pièces de vie. Les pertes thermiques sont réduites à 1350 hWh/an en moyenne (Ademe). Toutefois, ce système présente un temps de retour sur investissement assez long : de 4 à 8 ans, pour une installation qui dure environ 10 ans. Il faut en effet tenir compte du coût du système (jusqu’à 2000 !, contre 400 ! pour une VMC simple flux), de son installation qui nécessite une isolation des gaines et une évacuation des condensats, et de son entretien. La VMC à double flux a donc longtemps eu du mal à s’imposer. La RT (Régulation thermique) 2005 impose une amélioration des performances énergétiques des bâtiments, avec une obligation de résultats : consommation maximale de 85 kWh/m2, contre environ 210 pour la moyenne actuelle. Elle impose donc au maître d’ouvrage de chercher les meilleurs moyens d’économie d’énergie. La RT 2005 est ainsi en train de redynamiser le marché de la VMC à double flux.

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Complémentarité !!!!!!!!!!!!!!!!

Les ressources qui ne peuvent pas être valorisées en interne par l’entreprise peuvent être valorisées en externe. C’est le principe de l’éco-système : les déchets de l’un deviennent des ressources pour l’autre. Ainsi, la notion de co-produits remplace celle de déchets. Diverses entreprises donnent des exemples de complémentarité réussie, et montrent qu’elles ont tout à y gagner. La démarche la plus évidente est celle de l’entreprise qui cherche une solution, et donc un partenaire, pour valoriser ses co-produits (solution n°12). Mais la démarche inverse existe aussi : repérer un déchet non valorisé par une industrie, et proposer une démarche de valorisation (solution n°13).

Solution n°12 Trouver un partenaire pour valoriser du biogaz

Le groupe Séché exploite le Parc d'activités déchets de Changé en Mayenne (4000 m3 de déchets/jour). Grâce à une anticipation des évolutions réglementaires, le site a été développé en harmonie avec le milieu naturel, selon les principes de l’éco-conception : réduction des impacts olfactifs, auditifs, visuels, entretien de la biodiversité par la replantation d’espèces locales. Il a d'ailleurs été le premier au monde, dans son domaine d'activité, à recevoir la certification ISO 14001 dès 1996.

Séché Environnement déclare « se poser résolument en architecte territorial dans un esprit d'écologie industrielle ». Cela passe par la valorisation de tous les déchets, ou co-produits. La décharge de Changé, comme toute décharge contenant des déchets organiques, génère du méthane. Problème : comment valoriser ce CH4 alors qu’une décharge consomme très peu d’énergie ? C’est un partenariat avec une coopérative locale qui a permis de boucler la boucle.

En effet, depuis 1998, une coopérative de la Mayenne, la CODEMA utilise le biogaz issu de la fermentation d'ordures ménagères à Changé pour alimenter une unité de déshydratation de luzerne, un aliment du bétail. Les agriculteurs de la CODEMA ont cédé une partie de leurs terres pour l'implantation de Séché. En contrepartie, ils rachètent le biogaz moins cher que les énergies classiques, et alimentent ainsi le brûleur de leur usine de déshydratation. En 2005, l'usine a produit 17 000 t de luzerne déshydratée pour 500 agriculteurs, en utilisant 17 millions de m3 de biogaz. Grâce aux économies réalisées sur l'achat de l'énergie, le retour sur investissement de la construction de l’usine est prévu dès 200879.

Solution n°13 Des isolants à base de plumes

La région vendéenne est une région avicole, avec une quantité d’élevages de canards et poules très supérieure à la moyenne nationale. De ces millions d’oiseaux destinés à l’alimentation, il reste une fois abattus et préparés un certain nombre de déchets, dont les plumes. Ces plumes seraient brûlées en incinérateur, si sur 12 000 tonnes de plumes produites en France, 7 000 t n’étaient aujourd’hui collectées par Batiplum.

Constatant l’extraordinaire pouvoir isolant de ces plumes, qui permettent aux oiseaux de supporter des températures négatives, le créateur de Batiplum a décidé de développer un produit d’isolation pour le bâtiment. Après quelques années de mise au point, un accord a été passé avec des éleveurs de canards, afin d’obtenir la matière première. Celle-ci est incorporée dans des fibres polyester thermo-fusibles pour en faire des rouleaux ou des panneaux d’isolation, que ce soit pour les murs, les sols ou les toits ; mais aussi la confection et l’automobile. Les éleveurs trouvent un débouché pour leurs déchets, et Batiplum obtient une matière première de qualité.

Cet isolant à base de fibres animales est le premier de sa catégorie à avoir reçu un avis technique favorable du CSTB, étape indispensable à sa commercialisation à grande échelle. Il a aussi pour avantage de venir en substitut de matériaux énergétivores, comme la laine de verre, produite à partir de la fusion de silice entre 1800 et 2100°C, ce qui consomme 95kWh, ou 20 litres d’équivalent pétrole pour 1 kg de laine de verre. La quantité d’énergie grise (embodied energy) des isolants Batiplum, c’est-à-dire l’énergie nécessaire à leur fabrication, est ainsi environ 20 fois inférieure à celle de la laine de verre ou de roche.

Une autre stratégie peut consister à diversifier l’activité de l’entreprise, de façon à créer autant d’opportunités de valorisation de déchets, qui deviennent des co-produits pour des activités complémentaires : c’est le cas célèbre de la raffinerie sucrière de Guitang en Chine, qui est devenue un véritable éco-parc (solution n° 14).

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Solution n°14 Diversifier ses activités pour valoriser des co-produits

Au départ, la raffinerie de sucres de Guitang, la plus grosse de Chine (CA 1 milliard de $ en 2004) ne produisait que du sucre à partir de la canne. Pour développer un avantage compétitif, le groupe s’est tourné vers un principe novateur : bâtir un ensemble d’industries complémentaires, de telle sorte que les flux entrants et sortants de chaque unité présente puissent être utilisés par une autre unité (raffinerie, distillerie, cimenterie, papier, fertilisants). Cette méthode a permis de minimiser les quantités de matières premières en provenance de l’extérieur, tout en minimisant les déchets.

Initialement, la raffinerie produisait des déchets : eau chaude chargée de résidus de distillerie, molasses (sucres de faible qualité), et bagasses (fibres). L’eau chaude allait initialement dans la rivière, la molasse était donnée aux agriculteurs locaux, et la bagasse était incinérée.

La première idée est de valoriser les molasses pour alimenter une distillerie qui fabrique de l’alcool, et dont les résidus vont alimenter une usine d’engrais. La circularité est atteinte lorsque les engrais retournent à la plantation de canne à sucre. La bagasse, quant à elle, est valorisée dans une usine de pâte à papier. La circularité provient de la récupération de l’eau issue de l’usine (forte consommation d’eau) pour irriguer la plantation. L’ammoniaque en sortie est récupéré et valorisé dans une usine de ciment et réutilisé dans l’usine de pâte à papier.

Le groupe Guitang a ainsi obtenu 35% de bénéfices supplémentaires par la valorisation de ces déchets, traités comme des co-produits.

La mise en œuvre de la complémentarité rencontre encore un certain nombre de d’obstacles, notamment les problèmes de distance. Elle se heurte aussi à des barrières de comportement. Elle suppose en effet une logique de coopération, en opposition avec la compétition, le secret et l’isolement qui règnent souvent dans le monde de l’entreprise. Ainsi, le célèbre exemple de « symbiose industrielle » de Kalundborg au Danemark, repose sur 19 flux d’échanges entre des industries aussi diverses que le raffinage de pétrole, l’aquaculture, la plâtrerie ou les bio-technologies. Ces échanges ont permis de réduire de 20 000 t par an la consommation de pétrole, de 200 000 t celle du gypse et de 2,9 millions de m 3 celle de l’eau. La mise en place de ces échanges a nécessité des investissements estimés à 84 millions !. Les revenus annuels dégagés par les économies de ressources, les économies sur le traitement des déchets et la vente de ceux-ci sont évalués à 17 millions ! : un retour sur investissement de 5 ans. Mais le succès de Kalundborg repose beaucoup sur le fait qu’il s’agit d’une petite ville dans un pays du Nord de l’Europe, où les traditions communautaires sont fortes et les occasions d’échanges informels nombreuses80.

Lorsque les complémentarités sont plus lentes à émerger, les collectivités territoriales peuvent aussi intervenir pour planifier la construction d’éco-parcs ou d’éco-villes. Ainsi, dès la planification du site, il est possible de prévoir l’installation d’industries complémentaires et la construction d’infrastructures d’échanges (réseaux de chaleur, par exemple). La collectivité peut aussi faciliter les échanges entre les parties. Ainsi au Canada, 3 organismes publics ont monté un partenariat avec le secteur privé : le réseau Enviroclub, qui regroupe de nombreuses entreprises, notamment des PME. Enviroclub assure la mise en oeuvre d’un système de gestion environnementale pour un parc agro-industriel de la ville de Saint-Félicien. A la base, la ville a accueilli sur son territoire une unité de cogénération de 25 MW, alimentée par les déchets forestiers. Le parc industriel est équipé d’un réseau de distribution d’eau chaude, amenant l’eau issue de l’unité de cogénération aux entreprises. Les partenaires industriels ont accès à des « bornes thermiques » où elles peuvent s’alimenter pour chauffer leurs installations ou sécher leurs produits. L’eau qu’elles refroidissent ainsi retourne ensuite à l’unité de cogénération. Ce système de complémentarité et circularité a permis de générer des économies de 60 à 80% de frais de chauffage, et de rentabiliser les investissements en moins de 36 mois. Les émissions de GES ont été réduites de 80% En Chine, l’éco-ville de Dongtan sera construite sur l’île de Chongming, à proximité de Shangaï, avec l’appui du groupe Arup pour la conception. Elle prévoit d’accueillir 500 000 personnes à horizon 2030, tout en ayant un impact sur l’environnement très réduit et en assurant son autonomie énergétique. Ce projet à vocation à servir de modèle non seulement aux 400 nouvelles villes que le gouvernement chinois prévoit de construire, mais aussi au niveau mondial.

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Plus avec la biosphère Du neuf avec de l’ancien

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Réduire les consommations d’énergie et de matière, augmenter leur productivité en les réutilisant et en les recyclant : cette première étape est indispensable pour créer une économie globalement positive. Il s’agit de « faire moins mal », d’être dans une économie « moins négative ». Ou encore, concevoir une économie qui, pour chaque Euro produit, consomme moins d’énergie et de matières, rejette moins de carbone et de molécules toxiques, détruise moins de biodiversité. Primum non nocere (d’abord, ne pas nuire) : c’est la première ligne du serment d’Hippocrate, celui qui lie les médecins. Mais peut-on imaginer un médecin, appelé au chevet de l’économie mondiale, et qui se conterait de « ne pas nuire » à son malade ? Impensable. Après avoir réduit les impacts négatifs de la croissance économique sur le capital écologique, il est temps de soigner, de restaurer. La stratégie de réduction des impacts négatifs n’est pas compatible, à elle seule, avec la poursuite de la croissance économique globale. Même en ayant divisé par 2 l’impact négatif de chaque unité de richesse produite, il suffit de multiplier par 2 la population, ou la production de richesse par habitant, pour se retrouver à la case départ. Ce phénomène est observé en particulier depuis les années 1970, et est connu sous le nom d’effet rebond : les mesures d’efficience énergétique sont plus que compensées par la hausse des consommations. Ainsi, l’efficience des moteurs a progressé, mais la plus petite des Citroën d’aujourd’hui, la C1, déploie une puissance 4 fois supérieure à celle des 2CV d’autrefois : elle rejette donc autant de CO2 (109 g/km) que la 2CV. Par ailleurs, le nombre de kilomètres parcourus par les véhicules a doublé sur la même période. De même, entre 1975 et 2000, la consommation d’énergie des bâtiments a été divisée par 2, mais la surface totale des logements a presque doublé81. Sortir de cette impasse, c’est inventer une économie positive, dans laquelle chaque unité de valeur produite a un impact positif sur le capital écologique " et non plus simplement un impact « moins négatif ».

Tous les secteurs économiques ne pourront pas nécessairement devenir positifs. En revanche, il est possible de mettre en place des secteurs entiers de l’économie au bilan positif. Et ce, sur une échelle suffisante pour que le bilan global de l’économie mondiale soit positif. Comment y arriver ? En remettant au service de l’humanité les ressources qui ont été à la base de sa croissance pendant plusieurs millions d’années : les ressources de la biosphère, c’est-à-dire l’énergie du soleil et de la terre, et les mécanismes du vivant. Ces ressources permettent à l’écosystème mondial de sortir du piège de l’entropie croissante (cf. première partie). Elles peuvent être exploitées de manière plus efficace que pendant les premières phases de l’histoire de l’humanité, grâce à la somme de connaissances systémiques et techniques accumulées depuis 50 ans en matière de sciences de la vie. L’humanité peut maintenant remplacer son approche empirique du vivant par une approche systémique, permettant de maîtriser les process à l’échelle microscopique (biologie cellulaire et moléculaire) et macro-scopique (science des écosystèmes). Ainsi, là où il fallait plusieurs générations pour sélectionner une variété de blé résistante à un parasite donné, les techniques modernes de sélection génétique – et ce, même sans le recours aux OGM – permettent d’arriver au même résultat en quelques années, voire en quelques mois. Ainsi, de nouvelles start-ups mettent en place des procédés de sélection de micro-organismes qui permettent de les utiliser pour produire du gazole, des plastiques, voire extraire des minerais. Déjà, les pionniers de l’économie positive se servent de la biosphère pour produire de l’énergie, des matériaux, stocker du carbone, dépolluer l’eau et les sols, recréer de la diversité. Parfois sans le savoir, ils appliquent 3 principes d’action :

! substitution de ressources fossiles et toxiques par des ressources renouvelables, non-toxiques,

! valorisation systématique des surfaces recevant l’énergie du soleil – les actifs de la nouvelle économie

! diversité des ressources et des solutions.

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Substitution !!!!!!!!!!!!!!!!

Un nouveau contexte Comment réconcilier Greenpeace et Total ? En parlant d’énergies renouvelables. Ces deux antagonistes sont d’accord sur un point : le potentiel des énergies dérivées du soleil est très supérieur à nos besoins, et largement sous-exploité. Toutes les énergies renouvelables, à l’exception de la géothermie et de celle des marées, sont dérivées de l’énergie reçue du soleil, qui représente plus de 3000 fois la consommation d’énergie mondiale actuelle. Les technologies disponibles aujourd’hui, à elles seules, permettraient de fournir plus de 5 fois les besoins actuels en énergie – et donc plus de 10 fois les besoins d’une économie qui aurait commencé par diviser par 2 son intensité énergétique de sa production. Pourtant, en 2004, les énergies renouvelables (ENR) ne représentaient que 13 % de la consommation mondiale d’énergie, essentiel-lement via l’énergie hydraulique (2 %), et, dans les pays en développement, via la biomasse traditionnelle (10 %). Les autres formes d’énergies renouvelables : rayonnement solaire, énergie éolienne, énergie de la houle et de la marée, contribuaient à peine hauteur de 1 % à la production énergétique mondiale82. Jusqu’à la fin des années 1970, l’économie ne disposait que de moyens limités pour exploiter ces énergies. Les ENR sont longtemps restées cantonnées à 4 filières : la biomasse traditionnelle (filière bois-énergie), le grand hydraulique (barrages), le solaire thermique et le solaire photovoltaïque au silicium. Tout d’abord, rappelons-le, la biomasse est exploitée principalement dans les pays en développement. Cette énergie n’est cependant pas renouvelée : la consommation de bois de feu a dépassé la production sur les dernières décennies, provoquant déforestation et désertification. Dans les pays riches, l’utilisation de bois-énergie et de biocarburants est restée marginale jusqu’à ces dernières années. Pourtant, les technologies utilisées actuellement existent le début du XXè siècle : la production de carburants liquides et gazeux à partir de bois et de charbon (procédé Fischer-Tropp) a été utilisée en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. Henry Ford avait envisagé de produire de l’éthanol à partir de céréales pour alimenter son modèle T. Et dans les années 1900, dans un contexte de prix du pétrole élevé, Rudolf Diesel, inventeur du célèbre moteur, le faisait fonctionner à l’huile d’arachide.

Comme d’autres énergies renouvelables, les techniques de valorisation de la biomasse ont connu un engouement pendant les crises pétrolières, pour être abandonnées ensuite. Elles n’ont donc jamais eu le temps de progresser. La situation est aujourd’hui différente : le monde n’est pas en train de vivre une nouvelle crise pétrolière passagère, mais bien la fin d’un modèle reposant sur le pétrole. Les énergies renouvelables sont là pour rester. Après la biomasse, le grand hydraulique. Il s’agit de grands barrages, à partir de 0,01 GW et jusqu’à 15 GW, qui alimentent des centrales hydroélectriques. Cette énergie a connu son pic de développement au milieu du XXè siècle. Dans les pays développés, le potentiel est saturé : la plupart des sites ont été exploités. Dans le reste du monde, le développement des grands barrages est de moins en moins considéré comme une solution acceptable, en raison de leur coût social et environnemental : villages et forêts noyés, perturbation des micro-climats, effondrement de la fertilité des terrains agricoles et des pêcheries en aval des barrages, frein pour la migration des poissons. Le solaire thermique est connu depuis longtemps : il utilise l’effet de serre pour chauffer un fluide caloriporteur. Aux Etats-Unis, M. Kemp un industriel de Maryland propose à la vente un collecteur solaire à eau dès 1892 : il est destiné au chauffage de l’eau chaude sanitaire domestique. Le solaire photovoltaïaue (PV), né dans les années 1950, est longtemps resté marginal : alimentation de sites isolés ou de satellites. Les coûts des premières cellules étaient prohibitifs (15 $/Wc en 1978, contre 3$ Wc aujourd’hui), leur durée de vie ne dépassait pas 5 ans, contre 25 ans aujourd’hui83. Les rendements, inférieurs à 10% au départ, atteignent maintenant 15%. Ces progrès ont été obtenus en améliorant la technologie de départ, les cellules au silicium, qui représentent encore 90% du marché. La crise pétrolière des années 1970 a généré un intérêt pour le solaire et la mise en œuvre de quelques grands projets, abandonnés avec la baisse des cours. Ce n’est que dans les 10 dernières années que sont apparues une multitude de nouvelles options technologiques (concentration de l’énergie solaire, cellules en fine couche avec ou sans silicium…) qui permettent de nouvelles augmentations de rendement (jusqu’à 40%) ou des réductions de coûts (division par 10 des quantités de silicium par kW84).

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L’éolien, comme le solaire, a longtemps été confiné à l’alimentation de sites isolés. Il s’est développé dans les années 90, grâce à la construction d’aérogénérateurs dépassant 1 MW (jusqu’à 6 MW aujourd’hui). Avec 72 GW de capacité mondiale installée (dont 48 en UE), c’est la plus mature des technologies renouvelables hors grand hydraulique. Ainsi, les coûts ont chuté de 80% en 20 ans. Les gisements terrestres (20 000 MW en France) rencontrent une opposition de plus en plus importante en raison des nuisances sonores et visuelles et du phénomène Nimby. Grâce à l’éolien off-shore et à la conquête de nouveaux marchés (USA, Canada, Chine) l’éolien croît cependant de 23% chaque année. La géothermie exploite la chaleur de la Terre de deux manières :

! Premièrement, pour alimenter en chaleur des serres, des installations balnéaires ou piscicoles, ou des logements, en direct ou par l’intermédiaire de pompes à chaleur. Compte-tenu des prix actuels de l’énergie fossile, ces pompes à chaleur sont encore lentes à rentabiliser (10 à 15 ans), mais elles représentent un potentiel important, à terme, pour le chauffage de l’habitat.

! Deuxièmement, pour la production d’électricité, lorsqu’il est possible d’accéder à des températures supérieures à 100°C-150°C. Les coûts de production peuvent alors être comparables aux énergies fossiles (30-55!/MWh), et ce sans intermittence. Cette technologie est ancienne : ainsi à Landarello en Italie, se trouve une centrale de 500MW en fonctionnement depuis 1904. La reprise de la prospection en géothermie, motivée par la hausse du prix du pétrole, devrait permettre d’identifier de nouveaux sites.

C’est bien le bas prix du pétrole, allié à sa facilité de transport, de stockage et d’usage, qui a longtemps maintenu les ENR dans une niche. Le contexte a radicalement changé en faveur des énergies renouvelables au cours des 5 dernières années, avec les tensions sur les approvisionnements en pétrole et les premières conséquences du changement climatique. Les entreprises multiplient ainsi leurs investissements dans ce domaine, et les gouvernements mettent en place des programmes de long terme de soutien des ENR. L’Europe et plusieurs régions des USA (et une en Australie) ont ainsi mis en place des marchés de quotas d’émissions de CO2, et des incitations financières croissantes pour les énergies vertes (rachat à un prix de 30 à 55 c de l’électricité solaire en France et dans plusieurs pays d’Europe, garanti sur 20 à 30 ans). Dans ce nouveau contexte, des technologies qui jusque-là étaient restées dans les cartons trouvent une occasion de développement (fig 4). De manière symbolique, des projets datant

des années 1970 et 80, comme la centrale solaire Thémis en France, qui avait été abandonnée en 1986, sont remis en activité. Aux USA, et dans une moindre mesure en Europe, mais aussi et de plus en plus en Chine ou en Inde, les investisseurs se précipitent sur les énergies vertes et autres technologies « propres » (clean tech) ou « vertes » (green tech). L’offre de technologies explose. Petit tour d’horizon – non exhaustif – de quelques secteurs émergents.

Plus d’énergie avec le solaire Le solaire regroupe aujourd’hui 3 principaux groupes de technologies : thermique, thermodynamique à concentration, et photovoltaïque. Le solaire thermique à usage domestique est la technologie la plus développée aujourd’hui, en particulier pour le chauffage de l’eau sanitaire " individuelle ou collective, sur laquelle on peut obtenir, en France, des taux de couverture des besoins en eau chaude de 40 à 60%. Les retours sur investissements sont encore longs (plus de 17 ans), et c’est donc essentiellement la réglementation (RT 2005) et les incitations fiscales et subventions qui poussent ce marché. Il faut cependant s’attendre à une baisse massive des coûts avec le développement du marché tiré par ces dispositifs, et le développement de la production, à 65% issue de Chine. De nouvelles technologies arrivent sur le marché, avec des rendements supérieurs (tubes) et des possibilités de déploiement nouvelles (vitre solaire, solution n°23). Le chauffage solaire peine un peu plus à se développer car l’offre disponible ne permet en général que de chauffer l’eau à moyenne température, incompatible avec des radiateurs conventionnels. Il faut donc envisager la mise en place de radiateurs à gros volumes ou de planchers chauffants, ce qui ne peut se faire qu’à la construction ou à la rénovation. L’arrivée sur le marché de capteurs sous vide permettant de porter l’eau à plus haute température devrait changer la donne. Enfin, il ne faut pas oublier les possibilités ouvertes par la climatisation solaire et la réfrigération solaire (solution n°15)

Fig 4. La reprise du marché du solaire thermique en France

(à gauche, puissance installée/an, à droite, surface installée)

Source : ESTIF 2005

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Solution n°15 Plus de froid avec le soleil

Un des freins au déploiement de l’énergie solaire dans les pays tempérés est que le pic des besoins, l’hiver, correspond au creux de rayonnement. D’où l’intérêt d’une solution paradoxale : utiliser le soleil pour produire du froid. Les besoins de climatisation, en effet, sont la plupart du temps en phase avec la ressource solaire.

Actuellement, 67 installations fonctionnent en Europe ; leur capacité de production de froid de 6 000 KW pour une surface de capteurs solaires de 16 000 m2. Pour l’heure, seules quatre machines sont installées en France : dans la cave viticole de Banyuls (capacité de production de froid de 52 KW, 215 m2 de capteurs solaires sous vide installés), dans les bureaux de la Diren en Guadeloupe (capacité de 35 KW, 100 m2 de capteurs sous vide installés), à Chambéry pour une salle de conférences de l’Asder (puissance installée de 7 KW, 16 m2 de capteurs plan installés), et dans les locaux du pôle "Énergies Renouvelables" du CSTB à Sophia-Antipolis : capacité de production de 35 KW, 60 m2 de capteurs sous vide installés (source CSTB).

Ce marché est amené à se développer rapidement avec le réchauffement du climat : c’est un exemple d’adaptation au réchauffement climatique qui n’entraîne pas une fuite en avant. La société suédoise Climatewell, qui propose une technologie de climatisation solaire avec stockage du froid, vient d’ailleurs de recevoir un Prix du Forum Economique Mondial de Davos en 2007.

Le solaire thermodynamique, ou solaire à concentration, permet d’alimenter des centrales héliothermiques de 10MW à 500 MW. Il existe trois techniques en présence. Tout d’abord, la concentration des rayons solaires sur une chaudière située au sommet d’une tour par des champs d’héliostats (miroirs capables de s’orienter sur deux axes en fonction du soleil). Ensuite, la concentration des rayons suivant une ligne grâce à des miroirs cylindro- paraboliques ; et enfin la concentration « ponctuelle » permettant de chauffer un moteur Stirling grâce à un miroir parabolique (cf. solution n° 15). Les plus gros projets existants ou en cours de développement se trouvent dans des zones à fort ensoleillement : en Espagne et aux Etats-Unis, ou dans le Sud de la France. Des projets de centrales de type tour solaire sont aussi en cours

de développement en Australie (projet « Mildura » de 200MW) et en Espagne, où les premiers essais datent des années 1980. Ces technologies représentent un potentiel considérable pour les pays en développement des zones arides. Le déploiement de ces centrales de relativement grande puissance se heurte toutefois à deux contraintes. La première est le transport de l’énergie : ces centrales sont souvent déployées dans des zones désertiques loin des centres d’utilisation. La seconde est le stockage, sur lequel beaucoup d’investissements sont réalisés actuellement. L’énergie solaire est en effet disponible de manière intermittente, et souvent de manière décalée par rapport aux besoins (sauf dans le cas de la climatisation). Il est donc nécessaire de la stocker. Plusieurs méthodes de stockage de l’énergie sont en cours de développement : remontée d’eau dans des barrages (énergie potentielle), mise en mouvement d’une roue inertielle qui tourne dans le vide (énergie cinétique), mise sous pression d’un fluide, chauffage d’un fluide, ou production et stockage d’hydrogène dans des nanostructures. Ainsi, la centrale Solar 3 d’Almeria pourra fonctionner nuit et jour grâce à une autonomie de 16 heures, en stockant l’énergie dans de la saumure portée à près de 500°C.

Solution n°16 Les méga-centrales solaires

Le moteur Stirling, qui fonctionne sur la base d’un différentiel de température, dispose d’un très bon rendement (jusqu’à 40% contre 35% pour les meilleurs moteurs à explosion). Cette technologie permet d’utiliser de la chaleur solaire concentrée pour produire de l’électricité.

Aux USA la société SES – Stirling Energy Systems – a signé un contrat avec Edison pour la construction d’une centrale de 500MW, extensible à 850M. Sa construction devrait démarrer en 2009 pour se finir en 2012. Le TWh produit sera basés sur 20 000 Paraboles Stirling de 25kW chacune. En Europe, la société Schlaich, Bergermann und Partner propose de tels dispositifs de 10kW à des coûts compétitifs : 40 000! pièce dans le cadre de séries de plus de 130 unités. La recherche devrait permettre d’améliorer la rentabilité des moteurs.

Climatisation solaire d’une unité de vinification à Banyuls

Parabole stirling de SES

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Le solaire photovoltaïque reste encore aujourd’hui la technologie la plus chère, mais qui offre le plus de potentiel. Les années qui viennent devraient voir une explosion du marché, avec la multiplication de nouvelles technologies, la baisse des coûts de production et le soutien continu des pouvoirs publics. Pendant longtemps, le solaire PV a été tiré par la production et la demande japonaises et allemandes, les deux leaders mondiaux (70% de la capacité installée). D’autres marchés émergent : USA, Espagne, Chine, grâce au soutien des politiques nationales ou locales. La demande de PV en Chine devrait atteindre 4 fois le volume actuel de production en 2010 : on peut donc s’attendre à un changement d’échelle du marché, et donc à une baisse des coûts de production sur la prochaine décennie. Côté offre, le PV est en passe de connaître une révolution. La technologie actuelle se heurte à la hausse des prix du silicium, qui engendre un goulet d’étranglement, face à une hausse de 30 à 50% par an de la demande selon les pays. De nouvelles offres sont en cours de développement, et devraient approvisionner le marché dès 2008, basés sur des films à couches minces avec ou sans silicium (CIS / CIGS). La fabrication d’usines de silicium devrait aussi améliorer la situation.

Solution n°17 Le panneau solaire imprimable

L’aventure de Nanosolar illustre la 3ème révolution qui se met en place dans la Silicon valley : celle des technologies vertes. Il y a 8 ans, la Silicon Valley passait des micro-conducteurs à Internet. Aujourd’hui, les milliardaires d’Internet investissent dans les panneaux solaires. Serait-ce la revanche du silicium ? Pas sûr. Les fondateurs de Google viennent en effet d’investir dans Nanosolar, start up fondée en 2001, et qui utilise une technologie sans silicium, le CIS : cuivre-indium-selenium. Une couche active fine suffit pour fabriquer ces cellules solaires, qui peuvent ainsi être imprimées par des rotatives sur des films ultraminces. Une technologie doublement avantageuse : elle permet de s’affranchir du silicium, matière première actuellement coûteuse, et son support est flexible, permettant de fabriquer les panneaux sous des formes adaptées à différents supports.

Grâce aux 75 M$ qu’elle vient de lever sur le marché des Cleantech Investments, Nanosolar s’apprête à construire cette année la plus grande usine de fabrication de cellules photovoltaïques au monde. Sa capacité de production sera de 450MW, ou suffisamment d’électricité pour alimenter plus de 300 000 foyers dans les conditions de consommation actuelle. Cette capacité représente à elle seule 26% de la capacité existante de production des différents types de panneaux solaires PV ! La technologie GIS promet de diviser par 10 le coût de production des cellules – avec un rendement de 11%, proche de celui du solaire polycristallin « classique ».

Plus d’énergie avec la biomasse

Les biocarburants font couler beaucoup d’encre. Ils sont souvent présentés comme une solution miracle à la fin du pétrole et du changement climatique. Ils représentent un espoir pour des secteurs en difficultés : pour l’agriculture, qui y voit de nouveaux débouchés, pour les constructeurs automobiles, qui espèrent continuer à vendre des voitures sans devoir modifier radicalement la technologie des moteurs, en substituant de l’essence par du bioéthanol, ou du gazole par du biodiesel. Le préfixe bio indique que les biocarburants sont issus de processus vivants contemporains : agriculture, culture d’algues… Leur impact environnemental dépend donc étroitement de leurs conditions de culture, et une analyse de leur cycle de vie du « champ au champ » est nécessaire afin de mesurer leur apport réel en terme environnemental, qui varie beaucoup d’un endroit à l’autre. L’intérêt affiché pour les biocarburants tient au fait qu’ils présentent un potentiel de réduction des consommations de carburants traditionnels fossiles (essence, gazole) et des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur des transports, qui représente aujourd’hui 14 % des émissions de gaz à effet de serre, en hausse moyenne de 2% par an. Les biocarburants n’en sont pourtant qu’à leur balbutiement, puisqu’ils ne représentent qu’environ 2% des consommations mondiales de carburants routiers. Ils sont toujours utilisés en mélange essence + éthanol ou biodiesel + gazole (5 à 10% en moyenne, avec un maximum de 20 à 25% au Brésil). Les véhicules flex-fuel pouvant fonctionner avec jusqu’à 85% d’éthanol sont encore minoritaires dans la flotte mondiale. Les modèles les plus simples de tracteurs agricoles, toutefois, utilisent de l’huile végétale pure. On distingue aujourd’hui deux filières de biocarburants dits de 1ère génération, mis sur le marché : - Le bioéthanol, produit à partir de la fermentation des parties nobles (grains principalement) de plantes à sucre (canne à sucre, betterave) ou à amidon (blé, maïs, orge) - Le biodiesel, issu de l’estérification d’huiles végétales produites à partir des graines de plantes oléagineuses (colza, soja, palmiers à huile, tournesol). Ces filières ont été développées pour des raisons en partie politiques : elles permettent de trouver des débouchés à des filières agricoles en difficulté. Elles présentent deux inconvénients majeurs. D’une part, elles ne valorisent qu’une faible partie de la biomasse issue de la photosynthèse. Et d’autre part, elles utilisent des parties alimentaires de la plante, mettant en concurrence l’usage pour l’alimentation, et l’usage à titre de carburant. Il est difficile

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d’imaginer comment elles pourraient remplacer de manière significative les carburants fossiles, à moins de remplacer toutes les surfaces en culture alimentaire. Dans certains pays en développement comme le Mexique ou l’Indonésie, l’utilisation de surfaces agricoles pour la culture de biocarburants commence à concurrencer la production agricole, et tire le prix des denrées alimentaires de base (huile de palme, maïs) vers le haut. L’avenir des biocarburants repose donc sur les filières de seconde génération valorisant les parties non alimentaires de la plante, ou des cultures nouvelles, qui permettent de produire de l’énergie sans rentrer en compétition avec la production alimentaire. Certaines utilisent les process des filières actuelles mais en utilisant de nouvelles sources de biomasse. C’est le cas de la production de biodiesel à partir d’huiles usagées ou d’huiles animales ; ou à partir de graines du Jatropha, un arbuste poussant sur des sols désertiques ; ou à partir de lipides produites par des micro-algues cultivées en bassin. Cette dernière filière est en cours de recherche-développement dans de nombreux pays (France, Espagne, Etats-Unis, Australie…). Les algues représentent un potentiel important, en raison de leur efficacité de transformation énergétique, et de la facilité à les déployer en bassins sur de nombreux sites. En particulier, les algues peuvent permettre de stocker, et de valoriser, le carbone issu de cheminées d’usines : c’est la solution proposée par Greenfuel, qui déploie des bassins d’algues alimentés en CO2 (et en NOx) par des cheminées d’usine. Les algues peuvent ensuite être utilisées pour la production de biomasse. D’autres filières dites ligno-cellulosiques, utilisent d’autres process industriels, à base de chaleur ou de réactions enzymatiques, qui permettent d’utiliser l’intégralité d’une très grande diversité de plantes et même d’arbres. Ces filières sont en cours de recherche et développement. Certains acteurs, en particulier aux Etats-Unis ou en Espagne, annoncent la construction d’usines et la mise sur le marché de ces biocarburants dits de 2ème génération dès 2009. La valorisation de la cellulose ouvre la voie à de nouvelles cultures de biomasse, orientée vers l’énergie, pouvant être développées sur des sols marginaux (pentes, landes, jachères), où elles ne rentreront pas en compétition avec des cultures vivrières. Des essais sont menés avec des cultures arborées (saules, peupliers) conduites en taillis dense à très courte rotation, ou avec des cultures spécifiques comme le miscanthus.

Solution n°18 De l’acier neutre en carbone

Vallourec est le leader mondial de la production de tubes sans soudure en acier. Une des filiales du groupe, au Brésil, a réussi à transformer le bilan climat pourtant très négatif de cette industrie. Produire 1 t d’acier libère classiquement entre 1 et 3 t de CO2, du fait de l’utilisation d’énergies fossiles pour obtenir la fusion de l’acier à environ 1500°C.

L’usine brésilienne de Vallourec produit 500 000 t d’aciers sans émettre de carbone. Comment est-ce possible ? L’entreprise exploite 140 000 ha de plantations d’eucalyptus, sélectionnés pour leur productivité en lignine et leur résistance à la sécheresse, et implantés sur des sols pauvres, semi arides. Les arbres sont coupés tous les 7 ans, et transformés en charbon de bois, en substitution du coke de houille fossile, importé à coût élevé (le Brésil ne produit pas de charbon). Les 8 000 ha récoltés par an représentent 10 millions d’arbres, transformés en 2,4 millions de m3 de bois, puis en 300 000 t de charbon de bois. Le laitier " résidu de la combustion dans les hauts fourneaux " retourne aux plantations sous forme d’engrais. Les émissions de CO2 issues de la combustion du charbon de bois sont compensées par le CO2 capté par les arbres en croissance.

Réparties sur plus de 235 000 ha de terrain couverts à 40% de végétation naturelle, les plantations sont gérées de manière durable, en préservant les ressources en eau et la biodiversité. L’exploitation détient ainsi une double certification ISO 14001 et FSC (Forest Stewardship Council).

Stocker du carbone dans les biomatériaux Le principe de substitution s’applique aussi aux matériaux. L’objectif est de faire un bilan énergie et carbone de toutes les matières premières employées dans un process de production, et de chercher des alternatives qui : (1) contiennent moins d’ énergie grise (embodied energy) – définie comme l’énergie nécessaire à leur fabrication, leur production, leur transformation et leur acheminement ; (2) permettent des économies d’énergie au cours de leur utilisation (par exemple, des matériaux à meilleur pouvoir isolant); (3) permettent de stocker du carbone : c’est le cas de tous les matériaux d’origine végétale, qui contiennent du carbone prélevé dans l’atmosphère par la photosynthèse. Comme les biocarburants, les biomatériaux ne sont pas nécessairement issus d’agriculture biologique : mais ils sont issus de matière d’origine vivante, le plus souvent végétale. Le bois est le plus ancien et le plus moderne des biomatériaux. Utilisé en construction depuis toujours, et encore aujourd’hui à grande échelle dans des pays comme les Etats-Unis, l’Australie, le Canada, les pays Scandinaves ou la Suisse, il permet de réduire les quantités d’énergie grise,

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(embodied energy) tout en stockant du carbone. Le bois apporte de multiples avantages à l’utilisateur : il est considéré comme un matériau esthétique, convivial, chaleureux. Mais le bois d’aujourd’hui n’est pas le bois d’hier : l’évolution technologique de ce matériau lui apporte des qualités de résistance et de longévité accrue. Par ailleurs, de nouvelles techniques de traitement (oléobois, bois rétifié) permettent d’utiliser une grande gamme d’essences en extérieur, sans produits chimiques toxiques. Tab n°5 Emissions de carbone pour la fabrication de matériaux

Kg éq C/t Aluminium* 600-3000 Acier* 300-850

Verre 414

Brique 250

Ciment 235

Béton 150

Plâtre 43

Bois -500 (stockeur net de carbone)

*selon origine énergie Par ailleurs, le bois est un excellent matériau isolant thermique (12 fois plus que le béton), qui permet des économies d'énergie de 20 à 30% pour le chauffage par rapport à une construction en béton. Il représente ainsi un moyen efficace d’atteindre les objectifs de la Régulation thermique (RT) française 2005, d’où son intérêt pour les maîtres d’ouvrages. Le constructeur y gagne aussi puisque les chantiers durent en général deux fois moins longtemps que ceux de la construction conventionnelle85. Le marché de la construction en bois connaît un fort développement en France, tant du côté des particuliers que des collectivités : + 46% en 5 ans86. Longtemps marginalisée par les géants du béton, elle trouve une clientèle élargie. La faiblesse de l’offre française, très atomisée, amène l’implantation de fournisseurs étrangers comme l’Allemand Merk Holzbau ou le Canadien Modulex. Comme souvent lorsqu’il s’agit de changer de technologies, les freins à l’utilisation du bois dans les bâtiments résident dans un problème de culture et de formation des utilisateurs, comme l’explique Philippe Breitner, Directeur Technique de Bois-Réal, nouvelle filiale du groupe de construction Rabot-Dutilleul : « On est dans une

phase de transition, où on essaye de "plaquer"

du bois sur des conceptions béton, ce qui n'a

aucun sens. Pour arriver à des réalisations

performantes, il faut penser bois beaucoup plus

en amont, dès la phase de conception. »

Les bioisolants connaissent une progression rapide grâce à leurs excellentes propriétés, qu’ils soient d’origine végétale (laine de bois, ouate de cellulose, liège expansé, laine de chanvre, de lin, de coco) ou animale (laine de mouton, plume). La laine de chanvre, par exemple progresse de plus de 20% par an (à partir d’un niveau cependant très bas). Certains sont issus de matériaux récupérés, comme la plume ou la ouate de cellulose fait à partir de journaux recyclés et chutes de papeteries. La différence entre un matériau naturel et non naturel est que les premiers laissent passer l’eau, et non les seconds. Ainsi un mur fait de matériaux non naturels ne va pas « respirer ». L'eau se condense dans le mur et dégrade l’isolant, dont les performances peuvent être divisées par 2 en moins de 10 ans. Les bioisolants ont donc une plus grande durabilité. Par ailleurs, ils ne dégagent pas de fumée toxique en cas d’incendie (1 mort sur 2 par incendie est due à l’asphyxie). Ils contiennent moins d’énergie grise (embodied energy) que les matériaux industriels (tab n°6). Tab n°6 Performances des isolants

Coefficient de transmission thermique, W / (m2K)

Indice d’inertie

Energie grise ou embodied energy kWh / m3

Prix, ! / (cm x m")

Laine de verre ou de roche

0.04

63 (--)

200 1

Ouate de cellulose

0.04

14 (+)

6 1,2

Fibres de bois

0.04

5 (++)

12 1,3

Les acteurs du bâtiment se positionnent sur le marché, tant en ce qui concerne des start-ups, comme Easy-Chanvre (parpaings de chanvre) que des acteurs bien établis comme Balthazar et Cotte, filiale du leader européen de la chaux Lhoist, qui développe du béton à base de chanvre.

Adieu à la toxicité Le principe de substitution s’applique aussi à la réduction de la toxicité. L’utilisation de matériaux toxiques par l’entreprise représente un facteur de risque économique permanent. L’entreprise qui utilise des molécules toxiques doit remettre en cause ses procédés au fur et à mesure que l’information sur la toxicité progresse, que l’acceptation du risque sanitaire par les consommateurs diminue, et que la législation se durcit.

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Chaque jour, des produits basculent ainsi dans la catégorie des invendables. Citons ainsi l’amiante, les esthers de glycol, le Vioxx, les lessives à base de phosphates et, demain, le tabac, les produits phytosanitaires à base de biocides (insecticides, raticides, fongicides…), le parabens… Ces produits consommés couramment hier sont aujourd’hui rejetés en raison de leur toxicité potentielle : le changement de perception envers ces produits menace les ventes87. L’entreprise qui continue, sciemment ou non, à dépendre de molécules toxiques, se met ainsi à la merci de crises sanitaires, qui peuvent se traduire en pénalités (amendes, dommages et intérêts), en dégradation de son image, en pertes de ventes et en baisse de sa valeur financière. Le risque est d’autant plus important que l’entreprise ignore souvent la composition de ce qu’elle achète chez ses fournisseurs. Ainsi en 2006, Pepsi-Cola a dû retirer de ses circuits de fabrication des bouteilles de soda importés du Mexique, dont les étiquettes contenaient du plomb – qui peut être ingéré par le consommateur s’il porte la main à la bouche après avoir touché la bouteille. Pepsi a dû payer une amende de 1 million de $ à l’Etat de Californie, et a souffert d’une dégradation de son image. La même année, Reebok a dû retirer de la circulation 300 000 bracelets cadeaux fabriqués en Chine, qui contenaient 99% de plomb (la limite réglementaire étant de 0,06%), après que l’un d’eux ait été soupçonné d’avoir causé la mort d’un enfant de quatre ans88. Dans ces deux cas, les sociétés ont mis en péril la valeur de leur principal actif – leur marque – par manque d’anticipation des risques liés à la toxicité de leurs produits. Au contraire, les entreprises de l’économie positive prennent de l’avance sur l’évolution des marchés et des réglementations, et créent de la valeur en substituant des matériaux toxiques par des matériaux sains. Il s’agit en fait d’écouter les « signaux faibles » : prêter attention aux alertes émises par les associations ou les pouvoirs publics, avant qu’elles ne se transforment en campagnes de boycott ou en interdictions. Elles rentrent dans un cercle vertueux où les relations avec les pouvoirs publics, les associations de défense des consommateurs et les lobbys écologistes deviennent positives. Ainsi, une entreprise qui a investi dans la mise au point de produits sains a intérêt à soutenir la mise en place de réglementations anti-toxicité, qui vont lui donner un avantage sur ses concurrents. C’est le cas par exemple de Marks & Spencer, qui a décidé de supprimer l’utilisation de 56 substances chimiques potentiellement dangereuses dans la production de ses vêtements, comme les alkylphénoléthoxylates (APEO) et les phtalates, et ce en allant au-delà des législations actuelles. Pour maintenir la confiance des consommateurs dans les substances chimiques, M&S a milité en faveur de

REACH, la directive européenne sur la réglementation des substances chimiques89. Aux Etats-Unis, SC Johnson a noué un partenariat volontaire avec l’agence de protection de l’environnement, au sein de l’agence « Design

for the Environment » depuis 2005. L’objectif est de substituer progressivement des matériaux dangereux par des matériaux « eco-friendly ». Ainsi pour SC Johnson, l’EPA devient un partenaire, et non plus un ennemi. Dans le cadre de l’économie positive, plusieurs approches de substitution peuvent être envisagées, comme dans l’exemple ci-dessous, qui consiste à chercher à éliminer l’utilisation des phtalates comme plastifiants dans les moquettes90 : • La substitution chimique : remplacer un type de molécule par une autre, par exemple, les phtalates par des plastifiants alternatifs. Ce type de choix n’a en général que peu d’impact sur les techniques de production et représente souvent l’option la plus économique à court terme. • La substitution matérielle : il s’agit de remplacer un matériau par un autre, par exemple, remplacer un polymère de moquette par un plastique différent qui ne nécessite pas de plastifiants. • La substitution fonctionnelle : la moquette estapporter une isolation thermique et phonique. D’autres types de revêtements peuvent remplir cette fonction, par exemple des revêtements en sisal ou en joncs de mer. La recherche systématique de substitutions est un élément majeur dans la politique de prévention des risques sanitaires pour les entreprises. Malheureusement, trop souvent, c’est encore une simple politique de « maîtrise des risques » qui lui est préférée. Cette politique peut s’apparenter à une démarche de « faire moins mal », mais elle est encore loin de l’économie positive. En matière de composants toxiques, ces approches vont viser à en limiter les quantités utilisées, à contrôler les rejets dans l’environnement, ou à réduire l’exposition de certaines populations particulièrement fragiles comme les enfants ou les femmes enceintes. Cette approche « faire moins mal » n’apporte aucune réponse en matière de santé publique : elle permet aux molécules toxiques de continuer à s’accumuler dans les eaux, les sols, les produits agricoles, puis dans l’organisme humain, jusqu’au moment où elles atteignent des seuils repro-perturbateurs et carcinogéniques. Elle n’apporte aussi aucune solution pour l’entreprise, qui continue à conserver ces molécules toxiques dans ses process, où ils représentent autant de bombes à retardement et de risques potentiels. La seule approche qui permette à l’entreprise d’écarter définitivement le facteur de risque sanitaire est l’approche de substitution systématique, complétée par la recherche-développement lorsque les solutions de substitutions n’existent pas encore.

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De même, les réglementations efficaces, en matière de prévention des risques de toxicité, sont celles qui intègrent systématiquement le principe de substitution. Au lieu de chercher à contrôler l’impact des produits toxiques, ce qui est toujours illusoire sur le long terme, il s’agit d’interdire tout produit dangereux pour lequel il existe une alternative moins dangereuse. Une politique déjà mise en place par des pays comme la Suède, et qui a l‘avantage de favoriser la recherche-développement dans l’industrie. Solution n°19 Des pressings qui sentent bon ?

La majorité des pressings dans le monde, et en particulier en UE (90%) utilisent le nettoyage à sec à base de PERC (perchloréthylène). Ce solvant toxique pour le foie et le système nerveux, cancérigène, persiste dans les nappes phréatiques et s’accumule dans l’organisme.

Pourtant, il existe aujourd’hui des alternatives au PERC, qui consistent tout simplement… à revenir au bon vieux nettoyage à l’eau, amélioré grâce à de meilleures technologies machine (contrôle accru des process de lavage) et des détergent plus performants et moins agressifs. Ainsi, au début des années 90, Electrolux a développé les procédés Aquaclean® et Lagoon®, qui fonctionnent à base d’eau et de détergents biodégradables. Le coût d’investissement est inférieur à celui des pressings à sec, la qualité de lavage est dans l’ensemble meilleure, et le linge a une meilleure odeur, facteur important de satisfaction du client.

Alors, quels sont les freins à la pénétration des « pressings écologiques » ? Le premier est d’ordre humain. Passer du nettoyage à sec au nettoyage à l’eau suppose d’acquérir de nouvelles compétences pour choisir les cycles de lavage-essorage-séchage adaptés à chaque textile. Il y a aussi un risque vis-à-vis de la clientèle, qui ne connaît pas ce procédé et peut le considérer comme risqué pour son linge. La gestion du lavage à l’eau demande plus d’intervention humaine, ce qui est bénéfique pour l’emploi – mais pénalisant pour l’entreprise, dans une économie où le travail est plus lourdement taxé que la consommation d’énergie ou le rejet de polluants.

Par ailleurs, la réglementation s’est longtemps concentrée sur l’idée de « faire moins mal », en imposant des limites aux rejets de PERC dans l’environnement. Les gérants de pressing ont ainsi investi dans des machines réduisant de 50%, voire parfois de 90% les rejets de PERC. Des efforts considérables, qui auraient été mieux investis dans le remplacement du nettoyage à sec par des solutions non toxiques, comme le nettoyage à l’eau ou le nettoyage au CO2, une technologie plus récente.

Le fait que la réglementation ait exigé des utilisateurs de PERC qu’ils respectent des limites d’émission, plutôt que de procéder à sa substitution en investissant dans des technologies alternatives, signifie que peu de pressings se sont convertis aux nouvelles méthodes de nettoyage à l’eau91.

Bioprocédés : mettre le vivant au travail Les bioprocédés – procédés basés sur le vivant – sont une partie en plein de développement de la chimie verte. Ils offrent des solutions de remplacement à de nombreux procédés physico-chimiques consommateurs d’énergie. Ces procédés utilisent souvent des micro-organismes, particulièrement efficaces en raison de leur petite taille et de leur grand rendement énergétique (zoom n°9). A quoi peuvent servir ces micro-ouvriers disponibles 24 h/ 24 ? Par exemple, à extraire des minéraux de manière plus efficace que tous procédés mécaniques ou chimiques (cf. solution n°20). Ou encore, à traiter des déchets et à en extraire de l’énergie (cf. solution n°21). Les micro-organismes peuvent aussi être associés aux plantes comme dans la phyto-restauration, qui permet de dépolluer des eaux, des fumées et des sols sans consommation d’énergie, contrairement aux stations d’épuration classiques (cf. solution n°22). Zoom n°9 Les free-lance de la biosphère

Que fait une entreprise qui a besoin de faire réaliser une tâche rapidement, efficacement et à coût maîtrisé ? Elle fait appel à un free-lance. Les micro-organismes sont un peu les free-lance de la biosphère. Qu’ils s’agissent de végétaux, de champignons ou de bactéries, ces êtres invisibles à l’œil nu doivent leur redoutable efficacité à leur taille microscopique et leur caractère le plus souvent uni-cellulaire. Elles ne doivent pas alimenter un vaste organisme fait d’organes spécialisés (cerveau, foie…) et consommateurs d’énergie. Comme un free-lance, elles n’ont pas de « frais de structures » à supporter.

Les bactéries sont déjà largement utilisées par l’industrie agro-alimentaire et, de plus en plus, pour la réalisation de biocarburants et biomatériaux. Les lactobacilles, en particulier, servent à la production de l’alcool et donc du bioéthanol, des produits laitiers, à la préservation des viandes et à la production de bioplastiques à partir d’acide polylactique (PLA). Les algues microscopiques sont les plus efficaces des capteurs de carbone. Les champignons, quant à eux, ont mis en place de multiples mécanismes qui leur permettent de se nourrir de toutes sortes de déchets : ils sont notamment les seuls à digérer la lignine du bois. Les biotechnologies mettent les micro-organismes au travail ou en extraient des principes actifs (enzymes).

Culture d’une souche de Lactobacillus sakei utilisée comme agent biopréservant des viandes

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Solution n°20 Les micro-pelleteuses de la bioprospection

La société BioSigma a annoncé en octobre 2006 avoir isolé deux bactéries intéressantes pour l'extraction de cuivre à partir de minerai brut, ce qui pourrait permettre d'exploiter de nouveaux gisements au Chili. La "joint-venture" BioSigma a été créée en 2002, grâce aux capitaux de la société Nippon Minings & Metals et de la compagnie minière nationale chilienne CODELCO, afin de mettre en oeuvre des procédés biotechnologiques appliqués à l'industrie minière. L'un de ces procédés est la bioextraction, ou "bioleaching ». Il consiste à tirer parti des capacités naturelles de certaines bactéries qui peuvent briser les liaisons des molécules telles que la chalcopyrite, qui contient du cuivre, relâchant alors des ions cuivre en solution. D'autres techniques faisant appel à des champignons sont actuellement à l'étude.

Cette méthode bactérienne génère moins de dépenses énergétiques et moins de polluants qe les méthodes classiques. De plus, elle permet d'exploiter des gisements à faible concentration en métal ou des mines en fin de vie. La réaction de bioextraction peut cependant prendre de temps et peut quand même parfois dégager des résidus toxiques (acide sulfurique...).

Nippon Mining Holdings, la maison mère de Nippon Minings & Metals, a annoncé la construction d'une usine d'extraction au Chili en 2007, avec un objectif de rentabilité à l'horizon 2009-2010, de manière à pouvoir satisfaire la demande croissante des économies indienne et chinoise92.

Solution n°21 Du gaz avec les déchets

Grâce à une armée de bactéries, Paul Lhotellier a fait de Ikos Environnement une des PME les plus en vue de Haute Normandie, classée trois années consécutives dans le peloton de tête du classement du Figaro Entreprises. Cette réussite s’explique par la ténacité d’un entrepreneur qui n’a pas eu peur d’arriver sur un marché dominé par des géants comme Véolia ou Suez, mais aussi par une approche à contre courant du traitement classique des déchets avec des techniques basées sur le vivant.

Toute décharge produit du méthane, issue de la fermentation naturelle des déchets d’origine organique. Moins de 1% de ce biogaz est valorisé : il s’évapore dans l’atmosphère, contribuant à l’effet de serre, où est brûlé dans des torchères, sans récupération de l’énergie.

Ikos a breveté un procédé de biométhanisation, qui permet d’accélérer la dégradation des déchets organiques et de les transformer en gaz naturel, qui peut être ensuite capté et valorisé comme source d’énergie.

Les déchets sont placés dans des cellules de méthanisation, qui reproduisent le fonctionnement d’un marais, mais dans des conditions hautement contrôlées. Les cellules sont ensemencées à l’aide de bactéries, qui permettent d’accélérer le processus, et de traiter les déchets 6 à 7 fois plus vite qu’avec une méthanisation non aidée. Une accélération précieuse, sachant que le « vide de

fouille » (la capacité des centres d’enfouissement technique des déchets) est un actif de plus en plus cher. La valorisation du biogaz par cogénération permet de produire de l’électricité et de la chaleur. En fin de méthanisation, les cellules sont ouvertes afin de trier métaux ferreux ou non ferreux, plastiques, etc. Jusqu’à 80% du volume de la cellule est ainsi valorisé ou recyclé. Solution n°22 Des stations d’épuration paysagères

Comment est-il possible de boire l’eau d’une rivière, comme l’ont fait toutes les générations qui nous ont précédées, alors que cette eau provient de forêts et de montagnes dans lesquelles des animaux vivent, c’est-à-dire urinent, défèquent et se décomposent ?

C’est à partir de cette question que Thierry Jacquet invente le monde tel qu’il devrait être. Président fondateur de Phytorestore, il utilise le fait que les plantes ont « externalisé » leur tube digestif dans le sol, et qu’il serait dommage de ne pas l’utiliser pour traiter nos polluants. Comment une plante digère-t-elle ? Ses racines secrètent des enzymes dans le sol, ce qui accélère la dégradation de la matière organique opérée par les bactéries et les champignons.

Thierry Jacquet a ainsi expérimenté pendant plus de 15 ans des associations de milliers de plantes pour traiter les eaux usées de ses clients, sans les nuisances et les coûts des stations industrielles. Cette compétence repose sur l’observation des fonctionnements de la nature. Ainsi, sur la base de procédés naturels, les jardins filtrants® de Phytorestore permettent de traiter quasiment toute matière organique ou hydrocarbure, qui sont autant de nourriture pour la rhizosphère (racines, bactéries, champignons). Le coût est compétitif par apport aux stations d’épuration classique, tant en investissement qu’en fonctionnement.

Le client bénéficie aussi de l’avantage d’avoir une surface valorisée et exploitable à des fins paysagères (les jardins sont esthétiques et inodores), et potentiellement de la matière organique à valoriser : les plantes produisent de la biomasse.

Après des années d’expérimentation, le produit est mature depuis 2004, et a été commercialisé auprès de tous les grands noms industriels. Phytorestore peut même traiter des déchets difficiles, comme ceux de la sidérurgie : poussières de métaux mélangées avec de la graisse. Les jardins filtrants® se nourrissent des graisses, et lixivient les métaux, les concentrent et permettent ainsi leur recyclage.

Jardins filtrants® à Honfleur

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Valorisation !!!!!!!!!!!!!!!!

Comment assurer une croissance économique continue pour 6,5 milliards de personnes ? Difficile d’imaginer que ce soit possible dans le cadre étroit de l’économie d’aujourd’hui. Pour assurer la croissance de l’économie positive, il est nécessaire de rentrer dans la mentalité des chercheurs d’or. L’or, aujourd’hui, ne se trouve pas dans des mines perdues au bout du monde, qu’il faut exploiter à grands coups de mercure. L’or est tout autour de nous, dans des ressources non employées, dans des actifs non valorisés. Les entreprises, les territoires qui valorisent ces ressources et ces actifs créent autant de modèles gagnants. Illustration. Si l’on vous offrait 110 000 litres de pétrole, qu’en feriez-vous ? Parions que vous ne les rendriez pas à celui qui vous les donne. C’est pourtant ce que fait chaque entreprise, chaque collectivité qui dispose de 10 000 m2 de toits non valorisés. 10 000 m2 de toits couverts de panneaux photovoltaïques, c’est 1 GWh/an, soit l’énergie contenue dans 110 000 litres d’or noir. Chaque surface qui reçoit des rayons du soleil sans les utiliser ou les transformer en énergie est un actif non valorisé. Déjà, des entreprises innovantes, comme Voltwerk ou E-concern en Allemagne, louent des toits d’entreprises pour y installer des panneaux photovoltaïques et les exploiter, en bénéficiant des réglementations sur le rachat d’énergie renouvelable. De la même manière, le vitrage solaire, développé par la société Robin Sun, permet de valoriser les murs des bâtiments pour capter de l’énergie. Et sur les bâtiments élevés, il reste la possibilité de placer des éoliennes au sommet, comme dans le futur gratte-ciel vert de la Défense. Règle d’or de l’économie positive : chaque surface qui reçoit du soleil ou du vent est un actif à valoriser. C’est une bonne nouvelle pour les pays pauvres : ils possèdent précisément des millions d’hectares non valorisés et répondant à ces caractéristiques. Un constat qui n’a pas échappé à D1 Oil, un nouvel acteur de la filière biocarburants (cf Solution n°24).

Solution n°23 : Le vitrage solaire

Les toits représentent des actifs à valoriser par le solaire photovoltaïque. L’entreprise strasbourgeoise Robin Sun propose quant à elle de valoriser les murs par le solaire thermique. Son vitrage solaire, qui peut remplacer tout ou partie d’un mur non porteur, est en fait une solution 3 en 1 : non content d’isoler comme un triple vitrage (coefficient thermique : 0,8 W/m2K), il produit de l’eau chaude grâce à des capteur solaires thermiques intégrés en lamelles, et offre 40% de transparence pour laisser entrer la lumière naturelle et baisser d’autant les besoins en éclairage de jour. Ainsi, en bilan global, l’énergie utilisée pour fabriquer le vitrage est récupérée en 16 mois. Il suffit ainsi de 5 à 7 m2 pour couvrir la consommation d’eau chaude d’une famille de 4 personnes, avec un temps de retour sur investissement d’environ 3 ans. Après 3 ans de R&D, la commercialisation du vitrage solaire de Robin Sun a démarré en 2006, avec pour partenaire industriel Glaverbel, numéro un mondial de la fabrication de verre plat.

Vitrage solaire

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Solution n°24 Des biocarburants dans le désert

Pourquoi faudrait-il détruire des forêts tropicales, comme en Indonésie, pour produire des biocarburants ? Pourquoi faudrait-il remplacer des surfaces de cultures alimentaires, comme le maïs, pour remplir des réservoirs d’essence ?

Le meilleur biocarburant du point de vue environnemental est celui qui pousse dans les déserts et sols pauvres, tels le jatropha, une plante oléagineuse issue d’Afrique du Sud, dont les graines étaient traditionnellement utilisées pour produire de l’huile de lampes. La société anglaise D1 Oils investit ce secteur. 110 000 ha de droits sont déjà obtenus en Inde, en Asie du Sud-Est et en Afrique du sud, valorisant des territoires considérés hier comme improductifs.

D1 oil a commencé son histoire avec de l’huile de colza, trop onéreuse. Très vite il fallut chercher des alternatives. Le Jatropha curcas fut choisi pour sa haute teneur en huile, sa rusticité, sa résistance à la sécheresse et sa longévité de 30 ans. Cette nouvelle filière a permis à D1 Oil de lever 37,5 millions de livres sterling sur les marchés financiers (Alternative Investment Market de Londres).

Les graines sont écrasées pour la production de biodiesel. Les tourteaux résiduels peuvent servir d’engrais, d’aliment pour le bétail, ou de combustible. Le glycerol, co-produit du raffinage, peut aussi servir de carburant. Le biodiesel ainsi produit est moins toxique que le diesel traditionnel : moins de composés sulphuriques, aromatiques et volatiles. Il peut être utilisé avec très peu de modifications dans les véhicules. En Inde, Daimler Chrysler a testé avec succès l’utilisation d’huile de jatropha dans les moteurs de ses Mercedes.

Pour les territoires et les entreprises en panne d’énergie, il existe aussi une panoplie de nouvelles technologies permettant de valoriser des gisements sous-exploités qui sont autant d’actifs dormants. La mini-hydraulique permet de valoriser un grand nombre de sites, y compris des sites qui ont été en exploitation dans le passé (moulins, etc.) et sur lesquels il existe des autorisations d’exploiter l’énergie hydraulique. Comme d’autres solutions de l’économie positive, celle-ci permet de valoriser une technologie ancienne, remise au goût du jour et potentialisée par le

progrès technique : du neuf avec de l’ancien (solution n° 25). Dans les pays en développement, elle peut représenter une solution viable à condition de valoriser des travaux de génie civils réalisés pour l’irrigation.

Solution n°25 La micro-turbine passe-partout

La société H3E-Industries développe et fabrique un nouveau procédé breveté de microturbines hydrauliques de basses chutes pour la production d'électricité. Il s’agit d’une modernisation de la roue à aubes : une roue hydraulique étanche à axe horizontal avec barrage intérieur intégré. L’avantage de cette turbine est qu’elle tourne à faible vitesse, et permet le passage des poissons sans mortalité. Elle peut être installée sans autorisation préalable sur les sites fondés en titre : ces sites ont fait l’objet d’une exploitation hydrauliaue dans le passé : moulins à grains, scieries, forges… Ils présentent l’avantage de posséder encore des canaux de dérivation ou biefs qui facilitent l’implantation de micro-centrales hydrauliques.

Ainsi, sur 100 000 sites anciens recensés en France à la fin du XIXè siècle, 10 000 peuvent être équipés en micro-turbines H3E, représentants 2 MW (200 kW par site), soit 12 milliards de KWh (6 000 h d’exploitation par an), équivalent à l'alimentation en électricité de 3,5 millions de foyers hors chauffage – et bien plus pour des foyers ayant réduit leur consommation d’énergie. Elle exploite le potentiel de basses chutes (de 1 à 3 m, jusqu’à 5 m). Compte-tenu de son faible coût d’investissement (pas de bâtiments, très peu de génie civil) et son retour sur investissement relativement rapide (entre 6 et 10 ans), c’est une technologie utile pour les pays émergents, surtout si elle valorise des barrages utilisés pour l’irrigation. Deux sites pilotes de 50 et 150 kW sont prévus pour la production d’électricité revendue à EDF.

Graine de jatropha

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L’énergie houlomotrice est un autre exemple d’énergie renouvelable, dérivée indirectement de l’énergie solaire, et encore pratiquement inexploitée (solution n°26). L’énergie marémotrice, quant à elle, est issue du mouvement de l’eau des marées créée par les forces gravitationnelles du soleil et de la lune,et l’énergie cinétique de rotation de la terre. Elle est connue depuis longtemps, puisque les premiers moulins à marée datent de 1120. Elle peut être exploitée en énergie potentielle (l’élevation du niveau de la mer, comme dans l’usine de la Rance) ou cinétique (les courants liés à la marée, qui peuvent être captés par un nouveau type de turbines : les hydroliennes). L’ordre de grandeur de l’énergie naturellement dissipée annuellement par les marées est évalué à 22 000 TWh soit l’équivalent de 2 Gtep : 20% des besoins de l’humanité actuels. L’avantage de cette énergie, par rapport à l’énergie solaire et éolienne, est son caractère constant et régulier : elle peut donc servir à alimenter les besoins de base d’un réseau. En pratique, peu de sites sont exploitables en particulier avec les technologies de premières générations, comme l’usine de la Rance, qui nécessitent des marées de forte amplitude et des aménagements coûteux, qui peuvent dégrader des sites par ailleurs touristiques. Comme dans le cas de l’hydraulique, on voit se multiplier des technologies diverses, qui permettent d’exploiter une plus grande variété de sites décentralisés. C’est en particulier le cas des hydroliennes. Ainsi au Royaume-Uni, pays leader de cette technologie, on estime que les sites exploitables en marémotricité pourraient générer plus de 25% des besoins en électricité du pays. En France, selon EDF, le potentiel des hydroliennes serait de 3 000 MW, l’équivalent de deux tranches de centrales nucléaires. Et surtout, la technologie est compétitive, avec un coût d'installation de 1500!/kW (inférieur à celui du solaire photovoltaïque) et un coût de production entre 30 et 60 !/MWh, proche des coûts de l’éolien. Adopter la mentalité du chercheur d’or, c’est aussi aller fouiller les poubelles pour y trouver des déchets qui sont autant de matières premières non valorisées, ou tout au moins de sources d’énergie (cf. principes de circularité et complémentarité).

Solution n°26 De l’énergie avec des vagues

Récupérer l’énergie des vagues : comment ne pas y avoir pensé plus tôt ? Et pourtant, Ocean Power Delivery est la première société à proposer une technologie permettant l’exploitation commerciale de l’énergie houlomotrice : le Pelamis. Mais qu’est-ce qu’un Pelamis ? Un convertisseur d’énergie marine en électricité. Ou encore, plus concrètement, une sorte de boudin de 120 m de long, composé de 4 cylindres articulés de 3,5 m de diamètre, équipé de vérins et générateurs électro-hydrauliques à chaque articulation. Puissance nominale : 750kW par Pelamis.

Le Pelamis est installé en général à 5-10 km des côtes – donc sans nuisance pour le littoral " sous forme de « fermes houlomotrices», desquelles partent un seul câble électrique. Une ferme de 30 MW couvrant 1 km2 suffirait à alimenter en énergie 20 000 foyers, dans les conditions actuelles de consommation " donc 100 000 foyers qui auraient divisé par 5 leur intensité énergétique. Ayant réuni plus de 20 milliards de £ d’investissements, Ocean Power Delivery a réalisé la première ferme houlomotrice commerciale au large des côtes portugaises, d’une capacité de 2,25 MW. Elle a aussi 8 MW de commandes fermes au Royaume-Uni, notamment par E.ON UK.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, les gisements potentiels représentent de 10 à 50% de la consommation électrique mondiale actuelle. Les variations journalières sont faibles, et les variations saisonnières suivent les besoins en électricité, en tout cas dans les pays tempérés où il y a plus de vagues en hiver. Ils valorisent des surfaces maritimes assez éloignées des côtes, peu utilisées, sans entrer en compétition avec d’autres usages comme c’est le cas des centrales solaires, éoliennes ou marémotrices. Il reste nécessaire de prévoir des plans d’installation permettant la circulation des bateaux, et de maîtriser l’impact sur la vie marine. Sur le potentiel total, seule une partie sera réellement utilisable.

Cette jeune technologie présente des coûts similaires à ceux de l’éolien lors de sa phase de démarrage il y a 20 ans : 3500 !/kW installé, 180 à 240 !/MWh produit. De même que le coût de l’éolien a chuté grâce aux économies d’échelle et aux progrès techniques, il est raisonnable d’envisager une baisse des coûts de l’héliomotricité, qui pourrait descendre aux alentours de 50 à 70 !/MWh en 2015.

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Solution n°27 Brûler ses propres déchets

SETB, Société Européenne de Transformation du Bois, est une entreprise charentaise qui produit du contre plaqué. Le process de fabrication de contre plaqué commence par un passage des grumes dans des étuves pendant plusieurs jours, afin d’amollir les fibres du bois, ce qui permet ensuite de dérouler les troncs en feuilles de quelques microns d’épaisseur. La qualité d’un contre plaqué dépendant notamment de la qualité et du nombre de feuilles en place, l’étuvage est donc indispensable afin de permettre de dérouler la grume avec la meilleure productivité matière. Mais cette étape coûte cher en énergie… Les étuves de la SETB, hier simples cuves en béton chauffées au fuel, sont depuis 2006 construites avec des murs de 30 cm et des portes superisolantes. Les pertes thermiques sont ainsi réduites de 90%. L’énergie restante nécessaire provient de la combustion des restes des grumes transformées : les poussières de sciures, les sciures et les écorces. L’entreprise est depuis devenue autonome en énergie de chauffe.

Diversité

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Les 5 premiers principes de l’économie positive : fonctionnalité, circularité, complémentarité, substitution, valorisation, permettent d’identifier une panoplie de solutions dont les exemples ci-dessus ne donnent qu’un aperçu. Sur chaque thématique, sur chaque type de technologies, ce sont dix entreprises, dix business models, dix solutions qui auraient pu être proposées. Dans ce foisonnement, il est tentant de chercher la solution miracle. Et on nous la promet sans cesse (exemples). L’humanité aurait dû être « sauvée » tour à tour par l’énergie solaire, par les biocarburants, par l’éolien, et, bien sûr, par le nucléaire. Aucun n’a tenu ses promesses d’un avenir énergétique sans failles. Il est tentant d’en déduire qu’aucune solution n’est valide. Et en effet, il est facile de pointer les limites de chaque technologie et leur développement encore faible. Il est facile de rappeler qu’aucune des technologies renouvelables disponibles ne permettrait, à elle seule, de remplacer en moins de 20 ans la totalité de la consommation mondiale de pétrole, de charbon et de gaz. La solution repose donc dans la diversité. Aucune des solutions énoncées ci-dessus ne restaurera à elle seule le climat, les ressources, le capital écologique de l’économie. L’économie positive repose nécessairement sur un mix de solutions. Ainsi, les fournisseurs de solutions pour le chauffage, comme Elyo ou De Dietrich Thermique, se dirigent vers des offres mixtes, combinant énergies solaires, fossiles, etc.

Rappelons d’abord qu’en appliquant les solutions « plus avec moins », on peut réduire d’un facteur 2 à 10, voire 20 selon les secteurs, la consommation d’énergie et de ressources. Les besoins énergétiques étant ainsi réduits, il est alors possible de les combler par une combinaison d’énergies – fossiles, nucléaire, éolien, solaire, houlomotricité, géothermie - où chaque source fournira entre 10 et 30% des besoins selon les régions. Cette diversité est aussi la meilleure des assurance-risques. Les problèmes d’aujourd’hui sont souvent issus des solutions d’hier. En voulant sortir de sa dépendance au bois, l’humanité s’est précipitée dans la crise du climat. En voulant restaurer le climat à coups de mono-solutions miracles, nous prendrions le risque de créer d’autres déséquilibres dans la biosphère, ce château de cartes délicat. Il n’est pas possible d’envisager de convertir de larges surfaces de prairies en forêts, par exemple, sans provoquer des modifications écologiques aux conséquences encore inconnues. « Un petit peu de tout, de tout un petit peu » : cette sagesse ancienne est nécessaire pour restaurer le capital écologique mondial sans créer de nouveaux déséquilibres. La diversité sera une arme clé des entreprises de l’économie positive, qui vont devoir s’adapter à un monde en mutation, plus incertain. Comment dépendre d’une seule source d’énergie quand les solutions foisonnent et le prix des ressources change sans arrêt ? La clé de survie dans les économies à risques à toujours été la diversification. La diversité des solutions est aussi la clé d’un monde équilibré, pacifié, équitable, d’une économie à laquelle toutes les composantes de l’humanité, et pas seulement 1 milliard de privilégiés, puissent contribuer. Accepter des mono-modèles, comme hier le pétrole, c’est reprendre le risque de déséquilibres, de conflits géopolitiques. C’est prendre le risque de confier les clés de l’avenir à des pays qui demain seront peut-être nos ennemis. C’est condamner d’autres pays à la marginalisation. Le XXIè siècle sera divers ou ne sera pas.

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Conclusion : un monde positif L’économie positive est plus qu’un projet : elle est déjà en marche, à travers les initiatives de milliers de dirigeants entreprises et de collectivités territoriales, dont ce livre blanc n’a pu donner que quelques exemples. Ceux qui y contribuent en sont aussi les gagnants : ils se protègent des nouveaux risques créés par le changement climatique et l’épuisement des ressources naturelles. Ce faisant, ils créent de nouveaux business models, basés sur les ressources de la biosphère, et de nouveaux marchés pour de nouveaux services, axés sur la restauration de l’environnement. Petit rappel de ces leçons de survie.

Un nouveau cadre pour l’entreprise

!!!!!!!!!!!!!!!!

Les objectifs de l’économie positive sont clairs : restaurer le climat, sécuriser les énergies, renouveler les ressources – matériaux, eau et sols – en recréant de la diversité. Et au-delà, mettre en place une croissance économique partagée par 6,5 milliards d’humains, tirée par la restauration du capital écologique mondial. Pour l’entreprise, il s’agit de faire face aux nouveaux enjeux de l’économie, à savoir les risques et opportunités liés :

! au changement climatique (réglementation, exposition physique, réputation…)

! à l’épuisement des ressources clés de la biosphère (sols, eau, biodiversité)

! à la hausse et l’instabilité du prix de l’énergie, des ressources, des émissions de CO2

! à l’apparition de nouvelles toxicités (chroniques),

! à l’émergence d’économies géantes regroupant 3 milliards de nouveaux consommateurs, qui sont aussi des concurrents potentiels pour l’accès aux ressources et aux marchés.

L’économie positive permet d’intégrer ce nouveau cadre de référence dans la stratégie de l’entreprise comme autant d’opportunités de développement.

Agir vite, dans l’intérêt de tous

!!!!!!!!!!!!!!!!

Ce livre blanc propose un cadre de vingt ans pour lancer le chantier de la restauration du climat et de l’ensemble du capital écologique de l’humanité. Vingt ans, cela peut paraître beaucoup, mais c’est peu. Chaque année qui passe rapproche l’humanité de la possibilité d’un emballement du réchauffement climatique, aux conséquences impossibles à imaginer. Tout cela est déjà plus ou moins connu. Mais les solutions ont toujours été proposées sous la forme de pilules amères à avaler : réduire la consommation, organiser une décroissance de l’économie… Ces « solutions » sont en réalité inacceptables pour la majorité des individus, pour les entreprises, et pour les décideurs politiques qui travaillent pour ces deux « clientèles ». Au mieux, elles sont appliquées de manière marginale, dans un but de réassurance. Ainsi, au niveau individuel, il s’agira de couper l’eau en se lavant les dents, d’acheter des ampoules basse consommation… peut-être nécessaire, mais très insuffisant. Au niveau des entreprises, il s’agira de mettre en place des mesures de RSE très loin des enjeux stratégiques clés de l’entreprise. Utile, mais très insuffisant. Au niveau des territoires, il s’agira d’afficher des objectifs consensuels par exemple l’ incorporation de 5,75% de biocarburants… intéressant, mais très insuffisant. Et pendant que chacun fuit devant les mutations nécessaires, la bombe du climat continue sa marche vers le compte à rebours final. Il est donc essentiel de proposer un nouveau projet permettant de valoriser les démarches positives pour le capital écologique. Cette économie représente autant d’opportunités de croissance pour les entreprises et les territoires, qui ont donc intérêt à sa mise en œuvre la plus rapide possible.

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Des outils pour agir !!!!!!!!!!!!!!!!

Les principes d’action se déclinent en une palette d’outils. Tout d’abord, faire plus avec moins : mettre en premier la finalité des services, organiser la circularité de l’économie (réduire, réutiliser, recycler), développer les complémentarités entre acteurs économiques au sein d’un territoire. Cette première étape permet d’améliorer la productivité des ressources, de réduire les émissions de carbone et de prolonger la durée des stocks de matières non renouvelables à l’échelle de temps humain, comme les métaux. Indispensable, cette première étape permet de redimensionner les besoins énergétiques de l’économie. Il peut paraître difficile d’assurer rapidement de manière renouvelable les besoins énergétiques de l’humanité sur la base d’une consommation moyenne d’1,5 tep par habitant – et encore moins sur la base des 3,6 tep/habitant de l’UE25 ou des 7,8 tep/habitant des Etats-Unis. Pourtant, en mettant en place une économie de finalité, il est possible de répondre aux mêmes besoins de base – se nourrir, se loger, se chauffer, s’éclairer, se vêtir, se distraire, s’instruire, échanger – avec 2, 4, voire 10 fois moins d’énergie par personne. Et ce, en augmentant la qualité de vie de tous. A elle seule, cette première étape est insuffisante car elle se heurte à la loi de l’entropie croissante, qui postule que dans un système fermé, l’énergie et la matière évoluent vers des formes de moins en moins utiles. Pour y échapper, l’économie positive fait appel à l’énergie du soleil et de la terre, et aux mécanismes du vivants, qui permettent aux écosystèmes de fonctionner en néguentropie. Elle permet de faire plus avec la biosphère : assurer la substitution des ressources renouvelables et non-toxiques aux ressources fossiles ou invendables, permettre la valorisation des actifs et des ressources non valorisés par l’économie actuelle, en s’appuyant sur la diversité des solutions techniques et économiques adaptées aux contextes locaux. Le mot-clé de l’économie positive est la diversité, qui est un objectif, mais aussi et surtout un moyen de restaurer la résistance et la résilience de l’économie, des territoires, des entreprises et de l’ensemble de l’écosystème mondial face aux nouveaux défis. Ainsi, l’économie positive met en place des secteurs dont le bilan est positif sur 5 aspects : bilan climat, bilan énergie, bilan ressources, bilan toxicité, bilan diversité. Tous les secteurs ne peuvent pas être positifs dans tous les domaines. Il est cependant possible de dessiner les contours d’une agriculture positive, de bâtiments positifs, de territoires positifs.

Une régulation positive !!!!!!!!!!!!!!!

Le principal moteur de l’économie positive sera les entreprises. Mais elles ne peuvent mettre en place des solutions positives pour le capital écologique que si elles se trouvent dans une situation de convergence entre leurs intérêts économiques à court terme, et ceux de la restauration de l’environnement.

Le rôle de l’Etat est essentiel pour élargir ces situations de convergence. L’Etat peut proposer des incitations positives sous la forme de subventions ou de prix soutenus (par exemple, le soutien aux prix de rachat de l’électricité photovoltaïque). L’Etat peut aussi réglementer, et créer des incitations négatives (pénalités, taxes) en défaveur de certaines activités. Enfin, l’Etat peut créer de nouveaux marchés, comme par exemple la création de permis d’émission de CO2 échangeables, qui revient à créer une nouvelle forme de rareté (le droit d’émettre du carbone), et donc une nouvelle forme de valeur. Le rôle de l’Etat, c’est de créer les conditions macro-économiques qui permettront de réconcilier les intérêts des entreprises et de la collectivité : une régulation positive. Il est essentiel que les entreprises gagnent plus d’argent lorsque leur contribution au capital écologique est positif. Il est essentiel que les entreprises puissent gagner de l’argent en restaurant le climat, en valorisant au mieux les ressources rares, en produisant de nouvelles ressources renouvelables, en dépolluant, en créant de la diversité. Dès lors, plus de croissance signifie plus de bien-être, pour tous, à court terme et à long terme.

Les emplois de demain !!!!!!!!!!!!!!!

L’économie positive propose de réduire l’utilisation d’énergie, et en particulier d’énergie émettrice de carbone, pour produire de la valeur. Elle propose de faire appel à du travail qualifié, basé sur l’éco-intelligence, pour mettre en place les nouvelles solutions. L’économie positive crée les emplois de demain : elle a besoin d’installateurs de panneaux solaires, de concepteurs de maisons positives qui valorisent les flux énergétiques de leur environnement, d’agriculteurs capables de produire de l’alimentation mais aussi des carburants et des matériaux, tout en restaurant les sols. La création de ces emplois est dans l’intérêt de tous. Ces emplois sont qualifiés, ils recréent du sens en proposant à chacun de participer à la construction d’un monde meilleur. Ils permettent de réconcilier les individus avec le monde du travail. Ils ne sont pas délocalisables, parce qu’ils reposent sur la valorisation des ressources de la biosphère, localement.

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Aujourd’hui, la fiscalité des pays européens pénalise le travail, à travers l’impôt et les charges sociales, ce qui ralentit la création d’emplois et la mise en œuvre de solutions techniques nécessitant plus de main d’œuvre, et en particulier plus de main d’oeuvre qualifiée, donc coûteuse. Les mesures d’aide à l’emploi favorisent les bas salaires – une mesure vouée à l’échec, alors que les salariés non qualifiés se retrouvent en compétition avec les salariés des pays émergents, toujours moins chers. Il est au contraire urgent de développer la formation aux nouveaux emplois de demain, et de favoriser l’emploi de cette main d’oeuvre qualifié. Pour mettre en place l’économie positive, il est urgent de remplacer une fiscalité qui pénalise le travail par un fiscalité qui donne un coût aux émissions de CO2, et donc une valeur aux réductions d’émissions. Ainsi, les entreprises auront intérêt à réduire leurs émissions, et pourront embaucher la main d’œuvre nécessaire. Ainsi, l’économie positive propose un nouveau contrat social, dans lequel tous les acteurs économiques – entreprises, territoires, citoyens " ont quelque chose à gagner. Et ce, y compris dans les pays émergents, qui pour certains d’entre eux, comme l’Inde ou la Chine, sont déjà en train de mettre en place des solutions de l’économie positive : économie circulaire, énergie solaire, biomasse. Les Etats-Unis en ont compris l’intérêt, et multiplient les initiatives locales ou privées en faveur des solutions de l’économie positive. L’Europe, qui a longtemps montré la voie en matière de prise en compte des enjeux environnementaux, se laissera-t-elle distancier par ces outsiders ? Des choix qui seront faits dans les mois qui viennent par les entreprises, par les collectivités, par les citoyens, dépendra l’avenir de l’humanité. Quelle période de l’Histoire n’a jamais été aussi intéressante, aussi riche et n’a jamais suscité autant d’espoirs ? Bienvenue dans les « 20 ans pour une économie positive» !

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1 A. Maddison, The World Economy, Historical Statistics, OECD, 2001. 2 C.K. Prahalad, The Fortune at the Bottom of the

Pyramid : Eradicating Poverty through Profits, Wharton School Publishing, 2004. 3 L. Chauvel, Les classes moyennes à la dérive, Paris, Seuil, 2006. Sur montée de la précarité aux Etats-Unis, cf. les deux enquêtes de Barbara Ehrenreich, Nickel

and Dimed (2001) et Bait and Switch (2006), New York, Metropolitan Books. 4 T. Friedman, La terre est plate : une brève histoire du XXIè siècle. Paris, Saint-Simon, 2006. 5 En 2002, il y avait 2,2 millions de chercheurs dans les pays de l’OCDE et près de 500 000 en Chine (source : US National Science Board). Le total mondial, en comptant des pays comme l’Inde et le Brésil, peut donc être évalué à plus de 3 millions. 6 Pourtant, on note déjà des impacts de l’Homme sur l’environnement. Ainsi, la colonisation de l’Amérique par ses tous premiers habitants, venus à pied par le détroit de Bering, s’est accompagnée d’extinctions massives d’espèces au fur et à mesure que ceux-ci exterminaient, par la chasse, des populations animales non préparées à la présence de l’Homme (J. Diamond, Guns, Germs and Steel, a short history of

everybody for the last 13,000 years. London, Vintage, 1998. 7 G. Trébuil, Rizicultures asiatiques, enjeux écologiques et économiques à l'aube du XXIe siècle. Conférence donnée à Agropolis Museum 29 / 09/ 2004. 8 J. Diamond, Collapse, How Societies Choose to Fail or

Succeed, New York, Viking, 2005. 9 J. Tainter, The collapse of complex societies, Cambridge University Press, 1998, cité par J. Rifkin in L’économie hydrogène, Paris, La Découverte, 2002. 10 Sur la base de 186 watts par heure de travail humain. Cf. Rifkin, op.cit. 11 Edgar Morin, L’an I de l’ère écologique, Paris, 2007, Tallandier et D. Bourg, « Les deux utopies techniques », Le Portique, n° 5 - 2000 - Passages du siècle. 12 D.H. Meadows et al., The Limits to Growth, New-York, Universe Books, 1972. 13 Cf. par exemple S. Latouche, Justice sans limites, le

défi de l’éthique dans une économie mondialisée. Paris, Fayard, 2003. 14 S. L. Hart, Capitalism at the crossroads, Wharton School Publishing, 2005. 15 J. Elkington, Cannibals with Forks : The Triple Bottom

Line of 21st Century Business. New Society Publishers, 1998. 16 En France la publication de rapports développement durable est obligatoire depuis 2002 pour les entreprises cotées. 17 W.F. Bailey, Sustainable Growth and Energy

Efficiency in DuPont. Southeast Energy Efficiency Alliance Outreach Tour, Raleigh, NC, 29/11/05. 18 P. Hawken, A. Lovins et L. Hunter Lovins. Natural

Capitalism : Creating the Next Industrial Revolution.

Back Bay Books, 2000. 19 W. McDonough et M. Braungart, Cradle-to-Cradle,

Remaking the Way We Make Things, New York, North Point Stress, 2002. Cf. aussi C. Fussler et P. James, Driving

eco-innocation, A breakthrough discipline for

innocation and susainability. London, Pitman Publishing, 1996. 20 J. Benyus, biomimicry, Innovation inspired by Nature. Harper Perennial, 2002. 21 D. Bourg et S. Erkman. Perspectives on industrial

ecology. Sheffield, Greenleaf publishing, 2003. 22 X. Fan, D. Bourg et S. Erkman « L’économie circulaire en Chine, vers une prise en compte de l’environnement dans le système économique chinois ? ». Futuribles n°324, nov. 2006, pp. 21-41.

23 E. Morin, op.cit. 24 Z. Xie, « La conception du développement scientifique et l’économie circulaire ». Journal de la lumière, 23 juin 2004, Pékin, cité par Fan et al., op.cit. 25 J. Kuusipalo et al., « Restoration of Natural Vegetation in Degraded Imperata cylindrica Grassland : Understorey Development in Forest Plantations » Journal of Vegetation Science, Vol. 6, No. 2 (Apr., 1995), pp. 205-210. 26 Cf. en particulier N. Georgescu-Roegen, Demain la

décroissance. Entropie, écologie, économie. Traduction, présentation et annotation Jacques Grinevald et Ivo Rens. Lausanne, Pierre-Marcel Favre, 1979. 27 E. Orsenna et Le Cercle des Economistes, Un

monde de ressources rares, Paris, Perrin, 2007. 28 Source des données ; Jancovici, www.manicore.com. 29 Pierre Thomas, « CO2 atmosphérique et temperatures : est-on dans une période de hausse ou de baisse ? » Laboratoire des Sciences de la Terre, ENS Lyon, www.ens-lyon.fr, 08 janvier 2004. 30 « A survey of climate change : Reaping the whirlwind », The Economist, 380/8494 : pp.11-13, 9/9/2006. 31 Rapport du GIEC, Groupement Intergouvernemental d’Etude du Changement Climatique, Février 2007. 32 J. Llewelly, The Business of Climate Change,

Challenges and Opportunites. Lehman Brothers, Février 2007. 33 James E. Hansen, Dangerous anthropogenic

interference, a discussion of Humanity’s Faustian

Climate Bargain and the Payments coming Due. Lecture, University of Iowa, Oct 26, 2004. 34 M. Rouer, « Climat : travaillons plutôt sur le scénario manquant. ». La Tribune, 12/02/07. Cf. aussi JM Jancovici, www.manicore.com. 35 Quatrième rapport d’évaluation du GIEC, février 2007. 36 Stern Review, The Economics of Climate Change. HM Treasury, London, 2006. 37E. U. von Weizsäcker, A.B Lovins, L. H. Lovins. Facteur

4: deux fois plus de bien-être en consommant deux

fois moins de ressources: Rapport au Club de Rome. Terre Vivante, 1997. 38 P. Raddane, La division par 4 des émissions de gaz

carbonique en France. Réseau Action Climat, 19/07/04. 39 « The heat is on », The Economist, 9/9/2006. Cf. aussi : R.B. Alley et. al., Proc. Nat. Acad. Sci. 1999 96:9987, et Jonathan Adams, Mark Maslin et Ellen Thomas, « Sudden climate transitions during the Quaternary », Progress in Physical geography. 40 D’après Woods Hole Research Center et GIEC. 41 Citées par Jancovici, www.manicore.com 42 Rappel : 1 kg de CO2 contient 0,27 kg de carbone. 43 A. Delbosc, J.H. Keppler et A. Leseur, Croître sans réchauffer ? L’intensité carbone des économies développées. Note d’étude de la Mission Climat de la Caisse des Dépôts, n°10, janvier 2007. 44 Source : GIEC. 45 En supposant que 10% de la population mondiale vit dans des maisons en bois, et qu’une maison abritant 3 personnes pèse 10 tonnes de bois. 46 International Energy Agency, 2002. Towards

Solutions: Sustainable Development in the

Energy Sector. Paris: Organization for Economic Cooperation and Development. 47 Patrick Artus, étude pour la Caisse des Dépôts et Consignation. 48 Cleantech Venture Forum, San Francisco, février 2007. 49 Patrick Artus, entretien pour Libération, 15 /11/06

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50 Energy Revolution, a Sustainable World Energy

Outlook. Report for the German Aerospatial Agency, Institute of Technical Thermodynamics, Stuttgart, Germany. Greenpeace International and European Renewable Energy Council, 2007. 51 German Advisory Council on Global Change, in Energy Revolution, op.cit. 52 L.I. Diez, Tecnologia Energetica, Centre Polytechnique Supérieur de Saragosse, 2006. 53 B.R. Allenby et al., Greening the Industrial

Ecosystem,Washington, D.C., National Academy of Engineering, 1994. Cité par D. Bourg et N. Buclet, in « L’économie de fonctionnalité, changer la consommation dans le sens du développement durable, Futuribles n°313, novembre 2005, pp. 27-37. 54 Ibid. 55 Source : tests effectués dans le cadre de la campagne DeTox du WWF. 56 Claude Bourguignon, interview pour le manuel CQFD, 15 février 2006. 57 Ibid. 58 Pimentel, D., 2006, « Soil Erosion : A Food and Environmental Threat », Environment, Development

and Sustainability, Vol 8, Nr 1, Feb 2006, pp. 119-137. 59 T. Wolfe, Il court, il court, le Bauhaus, Paris, Mazarine, 1982. 60 Immeuble conçu par les architectes Gouyon et Clément pour la Mairie de Saint-Etienne. Site Internet du Collège Jean Dasté, Académie de Lyon, www2.ac-lyon.fr 61 T. Friedmann, la Terre est Plate, op.cit. 62 D. Bourg et N. Buclet, L’économie de la fonctionnalité, op.cit. 63 Ibid. 64 D. Bourg, « Economie de fonctionnalité, collectivités territoriales et développement durable », in « Le

développement durable à l’usage des collectivités locales », 2006, Dexia et Victoire. 65 D. Bourg et N. Buclet, op.cit. 66 J. Rifkin, L’âge de l’accès, la vérité sur la nouvelle

économie. Paris, La Découverte, Pocket, 2000. 67 Coût annuel d’un véhicule : cf. www.ademe.fr. Dans les grandes villes, il faut y ajouer le surcoût des parkings, soit environ 2000 ! par an.. 68 M. Leroux et Sylvain Darnil, 80 hommes, ref TK. 69 M. Rouer, La Tribune, 27/03/2006, op.cit. 70 W. McDonough et M. Braungart, Cradle-to-Cradle,

op.cit. 71 Ibid. 72 D. Pimentel et T. Patzel, "Ethanol Production Using Corn, Switchgrass and Wood; Biodiesel Production Using Soybean and Sunflower," Natural Resources

Research, March 2005. 73 Bic, rapport développement durable 2005. 74 Ibid. 75 Nicolas Salzmann, UTC Compiègne, 2006. 76 Interview au Nouveau Consommateur, mai-juin 2006. 77 W. McDonough et M. Braungart, op.cit. 78 Global water intelligence, Water reuse markets 2005-

2015 : A global assessment and forecast. 79 Actu-environnement.com, 16/6/2006. 80 N. Nahapétian www.alternatives-economiques.fr/site/nouvelles_pages/206_005.html 81 J.M. Jancovici et A. Grandjean, Le Plein s’il vous plaît,

la solution au problème de l’énergie. Paris, Seuil, 2006. 82 Total, op.cit. 83 Source : Cythélia. 84 L’énergie solaire, maîtrise et performance photovoltaïques. Total, 2006. 85 M. Deye, « Quand la maison passe au tout-végétal », L’Usine Nouvelle, N° 3041, 1/02/07, pp. 100-102. 86 L’Usine Nouvelle, 1/2/07, p. 100. 87 M. Rouer, « A nouvelles toxicités, nouvelle sécurité sociale », La Tribune, 27/3/2006.

88 T. Greiner, M. Rossi, B. Thorpe et B. Kerr, Healthy

Business Strategies for Transforming the Toxic Chemical

Economy. Clean Production Action, 2006. 89 « Etude comparative des opérations exemplaires menées dans la grandedistribution en matière d’offres d’écoproduits à l’international (hors France) ». ADEME et Biointelligence Services, 30 juin 2006 90 Clean Production Action, Des substances chimiques

plus sûres avec Reach. Rapport préparé pour Greenpeace Environmental Trust, Février 2005. 91 Clean Production Action, op.cit. 92 Source : Bulletin de l’ADIT.