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Copyright©2016byErinWattCelivreestunefiction.Touteréférenceàdesévènementshistoriques,despersonnagesoudes
lieuxréelsseraitutiliséedefaçonfictive.Lesautresnoms,personnages,lieuxetévènementssontissusdel’imaginationdel’auteur,ettouteressemblanceavecdespersonnagesvivantsouayant
existéseraittotalementfortuite.
Tous droits réservés, y compris le droit de reproduction de ce livre ou dequelquecitationquecesoit,sousn’importequelleforme.
©2018,HugoPublishing34-36,rueLaPérouse
75116-Pariswww.hugoetcie.fr
Collection«NewRomance®»
dirigéeparHuguesdeSaintVincentOuvragedirigéparBénitaRolland
TraduitparCarolinedeHugo
ISBN:9782755631548
CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.
PourMargo,sonenthousiasmepourceprojet
n’aeud’égalquelenôtre.
SOMMAIRE
Titre
Copyright
Dédicace
Chapitre1
Chapitre2
Chapitre3
Chapitre4
Chapitre5
Chapitre6
Chapitre7
Chapitre8
Chapitre9
Chapitre10
Chapitre11
Chapitre12
Chapitre13
Chapitre14
Chapitre15
Chapitre16
Chapitre17
Chapitre18
Chapitre19
Chapitre20
Chapitre21
Chapitre22
Chapitre23
Chapitre24
Chapitre25
Chapitre26
Chapitre27
Chapitre28
Chapitre29
Chapitre30
Chapitre31
Chapitre32
Chapitre33
Chapitre34
Chapitre35
Remerciements
Restezconnectées
Àproposdel’auteur
CHAPITRE1
–Ella,vousêtesattendueaubureauduprincipal,melancemadameWeir, avant même que je sois entrée dans sa classe d’introduction aucalculintégral.
Jevérifiel’heure.–Maisjenesuismêmepasenretard!Ilestneufheuresmoinsune,etcettemontreesttoujoursparfaitement
exacte.C’estprobablementmonbien leplusprécieux.Mamèreprétendqu’elleappartenaitàmonpère.Avecsonsperme,c’estleseultrucqu’ilaitlaisséderrièrelui.
–Non,ilnes’agitpasd’unretard…pascettefois-ci.Sonregard,habituellement sévère,estpresquedoux.Mesboyauxse
tordent en déclenchant un signal d’alerte vers mon cerveau embrumé.MadameWeirestunepeaudevache,c’estpourçaquejel’aimebien.Elletraite ses élèves comme si nous étions ici pour vraiment apprendre lesmaths, pas pour ingurgiter une espèce de leçon de vie sur l’amour denotre prochain ou ce genre de conneries. Alors, si elle me lance desregards de sympathie, cela signifie sûrement que quelque chose de trèsmauvaissemijotedanslebureauduprincipal.
–Trèsbien.Jenevoispascequejepourraisrépondred’autre.Jeluifaislagrâce
d’un hochement de tête et je pars en direction des bureaux del’administration.
–Jet’enverrailecoursparmail,melancemadameWeir.Je suppose qu’elle pense que je ne vais pas revenir. Cela dit, le
principalThomsonnepeutrienmebalancerdepireàlafigurequeceàquoij’aiétéconfrontéedepuislongtemps.
Avantd’entrerau lycéeGeorgeWashingtonenpremière, j’avaisdéjàtoutperdu.
MêmesimonsieurThompsons’est renducompteque jen’habitepasdans le secteurdu lycéeGW, je peux toujours raconterunbobardpourgagnerdutemps.Etsijedoischangerd’établissement,cequiseraitlepiredecequipourraitm’arriver,jem’enfiche.Jeleferai.
–Commentçava,Darlene?LasecrétairelèveàpeinelesyeuxdesonmagazinePeople.–Assieds-toi,Ella.MonsieurThompsonvaterecevoirtoutdesuite.Ouaip, on s’appelle par nos prénoms, Darlene et moi. Depuis mon
arrivéeaulycéeGW,ilyaunmois,j’aidéjàpasséuntempsfoudanscebureauàcausedemes innombrablespannesde réveil.Maisc’est cequiarrivequandvousbossezdenuitetquevousnevousglissezpasdansvosdrapsavanttroisheuresdumatin.
Jemetordslecoupourjeterunœilàtraverslaporteentrouvertedubureau de monsieur Thompson. Quelqu’un est assis sur le siège desvisiteurs,mais laseulechosequej’aperçois,c’estunemâchoirecarréeetdescheveuxbrunfoncé.Toutlecontrairedemoi.Jesuisonnepeutplusblonde,lesyeuxbleus.Uncadeaudemongéniteur,d’aprèsmamère.Levisiteurme rappelle les hommes d’affaires qui offraient des paquets dedollarsàmamanpourqu’elleprétendequ’elleétaitleurpetitecopined’unsoir. Certains types préfèrent même ça à la baise, toujours d’après mamère, bien sûr. Je ne suis pas allée jusque-là… pas encore. Et j’espèren’avoirjamaisàlefaire.C’estlaraisonpourlaquellej’aibesoindepassermonbac,pourensuitepouvoiraller en fac,obtenirundiplômeetavoirenfinunevienormale.
Certainsmômesrêventdevoyageràtraverslemonde,deposséderdesgrossesvoitures,debellesmaisons.Moi?Jeveuxavoirunappartementà
moi,unfrigobienremplietunboulotquipayecorrectementetquisoitdepréférencetotalementinintéressant.
Lesdeuxhommesparlent,etparlent,etparlent.– Hé,Darlene ? Je suis en trainde rater le coursd’introductionau
calcul intégral, là. Je peux repasser quand monsieur Thompson seradispo?
J’essaiededireça lepluspolimentpossible,mais lesannéesque j’aipassées sans vraie présence adulte – mon absente et ravissante mèrecomptepourdubeurre–fontque j’aidumalàmontrer leminimumdedéférencequ’attendentlesadultesdequelqu’unquin’apasl’âgelégaldeboiredel’alcool.
–Non,Ella.MonsieurThompsonvabientôtavoirfini.Cettefois,ellearaison,parcequelaportes’ouvreetqueleprincipal
sort.Monsieur Thompson a dans les cinquante ans,mais on dirait qu’ilvient tout juste de terminer la fac. Il réussit quand même à avoir unsemblantd’autorité.
Ilmefaitsigne.–MademoiselleHarper,entrez,jevousprie.Entrer?EnprésencedeDonJuan?– Vous avez déjà quelqu’un dans votre bureau, je lui réponds en
soulignantl’évidence.Tout ça est sacrément suspect. Mes tripes me disent de décamper.
Mais si je m’enfuis, je laisse tomber la petite vie tranquille que j’aiplanifiéedepuisdesmois.
ThompsonseretourneetregardeDonJuan,quiselèvedesachaiseetmetendunemainlarge,
–Oui,c’estluilaraisondevotreprésence.Entrez,jevousenprie.Malgrémonintentionpremière, jepassedevantmonsieurThompson
etjeresteplantéelà,àl’entrée.Thompsonrefermelaporteetbaisselesstores.Cettefois,jesuisvraimentinquiète.
–MademoiselleHarper,sivousvoulezbienvousasseoir.
Thompson me désigne la chaise que Don Juan vient de quitter. Jecroiselesbrasetjelesobservel’unetl’autred’unairbuté.Ilpeuttoujoursattendrepourquejem’asseye.
Thompsonsoupireetserassied.Ilsaitreconnaîtrelescasdésespérésquandiltombedessus.Çamemetencoreplusmalàl’aiseparceque,s’ilabandonne le combat, c’est qu’il y en a un autre, plus important, quis’annonce.
Ilramasseunepiledepapierssursonbureau.–EllaHarper,voiciCallumRoyal.Il faitunepause, commesi celamedisaitquelquechose.Royal, lui,
medévisagecommes’iln’avaitjamaisvuunefilledesavie.Jecomprendsque mes bras croisés font pointer mes seins en avant, alors je laissemaladroitementtombermesmainslelongdemoncorps.
–Raviedevousrencontrer,MonsieurRoyal.Il paraît évident pour tout le monde que je pense exactement le
contraire.Lesondemavoixletiredesasidération.Ilplongeenavantetavantmêmequej’aieeuletempsderéagir,mamaindroiteestpriseenétauentrelessiennes.
–MonDieu,commevousluiressemblez.Cesmotssontmurmuréstellementbasquenoussommeslesseuls,lui
etmoi,àlesentendre.Etcommes’ilsesouvenaitenfindelàoùilétait,ilmeserrelamain.
–Jevousenprie,appelez-moiCallum.Ilditçasuruntonétrange.Commes’ilavaitdumalàprononcerces
mots.J’ôtemamaindelasienne,cequimedemandeunpetiteffortparcequecesaletypeneveutpasmelâcher.IlfautquemonsieurThompsonseraclelagorgepourquecemonsieurRoyalmelaisseenfintranquille.
–C’estquoicebordel?Jesuisunemômededix-septansdansunepièceremplied’adultes,et
montonestdéplacé.Pourtantpersonneneréagit.MonsieurThompsonsepasseunemainnerveusedanslescheveux.
–Jenesaispascommentdirecela,alorsj’iraidroitaubut.MonsieurRoyal,iciprésent,vientdem’annoncerquevosparentssonttouslesdeuxdécédésetqu’ilestvotretuteurlégal.
J’aiun instantd’hésitation. Justeun instant. Justeassezpourque lechocsetransformeenindignation.
–C’estdesconneries!Lejuronestsortidemaboucheavantquej’aiepuleretenir.– Ma mère m’a inscrite en classe. Vous avez sa signature sur les
formulairesd’inscription.Mon cœur bat àmille à l’heure, parce qu’en réalité, cette signature,
c’estlamienne.Jel’aicontrefaitepourgarderlecontrôledemavie.Bienque je sois mineure, c’était moi l’adulte de la famille depuis l’âge dequinzeans.
Je dois reconnaître quemonsieur Thompson neme réprimande paspouravoirjuré.
–Lespapiersquej’aisouslesyeuxindiquentpourtantquelarequêtedemonsieurRoyalestlégitime.
Etilagitebruyammentcespapiers.–Ouais?Ehbien,ilment.Jen’aijamaisvucetypedemavie,etsi
vousmelaissezpartiraveclui,leprochainpapierquevousaurezenmainvousannonceraqu’uneélèvedeGWadisparudansuntraficdetraitedesBlanches.
–Vousavezraison,nousnenoussommesjamaisrencontrés,répliqueRoyal,maisçanechangerienauxfaitsindiqués.
–Laissez-moiregarder.J’arrache les papiers desmains demonsieur Thompson. Je parcours
les pages sans vraiment lire ce qu’elles contiennent. Certains mots mesautentauxyeux,tuteur,décèsetlegs,maisilsnesignifientrienpourmoi.CallumRoyalesttoujoursunétranger.Pointfinal.
– Peut-être que votre mère pourrait venir et éclaircir la situation,suggèremonsieurThompson.
–Oui,Ella,amenezvotremèreetjeretireraimademande,ditRoyalsuruntondoucereuxdontjeperçoistrèsbienladureté.
Ilestaucourantdequelquechose.Jemetourneversleprincipal.C’estluilemaillonfaible.–Jepourraisparfaitementfabriquertoutçasurl’ordinateurdulycée.
Jen’auraismêmepasbesoindePhotoshop.Etjeluijettelaliassedepapiers.Jelisledoutedanssesyeux,alorsje
décidedefairejouermonavantage.–Ilfautquejeretourneencours.Lesemestrecommenceàpeine,et
jen’aipasenviedeprendreduretard.Il se lèche les lèvres d’un air incertain, et je le fixe avec toute la
convictiondont jesuiscapable.Jen’aipasdepère.Jen’aicertainementpasdetuteur.Sij’enavaiseuun,oùétaitceconnardquandmamèresecassaitleculpourjoindrelesdeuxbouts,quandellesouffraitlemartyreavec son cancer, quand elle pleurait dans son lit d’hôpital parce qu’elleallaitm’abandonner?Ilétaitoù?
Thompsonpousseunsoupir.–Trèsbien,Ella,pourquoineretournes-tupasenclasse?Ilestclair
quemonsieurRoyaletmoidevonsencorediscuter.Royalobjecte.–Vousmeconnaissezetvousconnaissezmafamille.Cespapierssont
enrègle.Jeneseraispasvenuvouslesmontrersicen’étaitpaslavérité.Quelleenseraitlaraison?
–Ilyabeaucoupdeperversdanslemonde,jedisd’unairnarquois.Ilsontbiendesraisonsderaconterdesbobards.
Thompsonlèvelamain.–Ella,çasuffit.MonsieurRoyal,ceciestunesurprisepournoustous.
Lorsquenousauronscontactélamèred’Ella,nouspourronstirertoutcelaauclair.
Royal n’apprécie pas le contretemps et insiste sur le fait qu’il estquelqu’undetrèsimportantetqu’unmembredelafamilleRoyalnepeut
pas mentir. Un peu plus, et il va invoquer George Washington et lecerisier 1.
Pendantquecesdeux-làsedisputent,jem’éclipse.–Jevaisauxtoilettes,Darlene.Etensuite,jevaisdirectencours.Ellegobemonbobardsansproblème.–Prendstontemps.Jeprévienstonprofesseur.Jenevaispasauxtoilettes.Jeneretournepasenclasse.Àlaplace,je
cours jusqu’àl’arrêtdebuset jeprendsla ligneGjusqu’auterminus.Delà,j’aitrenteminutesdemarchepourarriveràl’appartementquejelouepourenvironcinqcentsdollarsparmois. Ilyaunechambreàcoucher,une salledebainsmiteuse etun coin cuisinequi sent lemoisi.Mais çan’est pas cher et la propriétaire accepte le cash sans vérifier vosantécédents. Je ne sais pas qui est Callum Royal, mais je sais que saprésenceàKirkwoodestunemauvaise,une trèsmauvaisenouvelle.Cespapierslégauxn’ontpasétéphotoshopés.Ilssontenrègle.Maisilesthorsdequestionquejeremettemavieentrelesmainsd’unétrangervenudenullepart.
Maviem’appartient.C’estmoiquilavis.C’estmoiquilacontrôle.Je sorsmes livresde classe à centdollarsdemon sacàdos et je le
remplisdevêtements,d’articlesdetoiletteetdemesdernièreséconomies,milledollars.Merde.J’aibesoind’argentrapidementpourpouvoirquitterla ville. Je suis sacrément à sec. Ça m’a coûté deux mille balles dem’installer ici, en comptant les tickets de transport et les deuxmois deloyer, plus la caution. Çame fout les boules de devoir taper dansmesréserves,maisilestclairquejedoisfilerd’ici.
Encoreunefois,jem’enfuis.Voilàl’histoiredemavie.Mamanetmoi,onapassénotretempsàfuir.Fuirsespetitscopains,sespatronspervers,les services sociaux, la pauvreté. L’hospice est le seul endroit où noussommesrestéesuncertaintemps,etc’étaitparcequ’elleétaitentraindemourir.
Parfois, jemedis que la terre entière a décidé que je n’avais pas ledroitd’êtreheureuse.
Jem’assiedssurleborddulitetjemeretiensdehurlermafrustrationet ma colère, et ok, ma peur aussi. Je m’autorise cinq minutesd’apitoiement surmon sort et ensuite, hop, je téléphone. J’emmerde laterreentière.
– Hé,George, j’ai réfléchià tapropositiondebosserauDaddyG, jedébitequandunevoixmasculinerépondauboutdufil,jesuispartante.
J’aifaitdustrip-teaseàlabarrechezMissCandy,unpetitcluboùjemedésapeennegardantqu’uncache-sexeetdescache-tétons.Jegagnepas mal, mais pas suffisamment. Il y a quelques semaines, George m’aproposé de passer aux choses sérieuses chezDaddyG, une boîte de nuintégral.J’airésistéparcequejen’envoyaispasl’utilité.Maintenantjelavois. J’ai la chance d’avoir hérité du corps de ma mère. De longuesjambes.Unetailledeguêpe.Messeinsnesontpasénormes,pasdugenre100D,maisGeorgeditqu’ilaimebienmon85Cquimedonnel’aird’uneado.Cen’estpasfaux,carmacarted’identitéditquej’aitrente-quatreansetquejem’appelleMargaretHarperetpasEllaHarper.Mamèremorte.C’est super-glauque quand on y pense, mais je m’efforce de ne pas ypenser.
Il n’y a pas desmasses de boulots qu’une fille de dix-sept ans peutfaireàmi-temps,quiluipermettentdepayersesfactures.Etaucunn’estlégal.Dealer.Monterdescasses.Fairedustrip-tease.J’aichoisiledernier.
–Putain,mapoulette,c’estunesacrémentbonnenouvelle,s’étrangleGeorge. J’ai une place ce soir. Tu seras la troisième.Mets un uniformed’écolièrecatholique.Lesmecsvontadorer.
–Combienpourcesoir?–Combiendequoi?–Decash,George.Combiendeliquide?–Cinqcentsdollarsettouslespourboiresquetupeuxrécolter.Situ
veux fairequelques strip-teasesenprivé, je te refilerai centdollarspourchaque.
Merde.Cesoir,jepourraisgagnermilledollarsfacilement.Jerefoulemonangoisseetmagêne.Cen’estpaslemomentd’avoirundébatmoral.
J’aibesoindefric,etlestrip-teaseestpourmoilemoyenleplussûrd’engagner.
–Jeserailà.Réserve-m’enautantquetupeux.
1.LalégenderacontequeGeorgeWashington,enfant,auraitabattuuncerisierquesonpèreaimaitbeaucoup.Quandcedernierluidemandaquiavaitfaitça,Georgeluirépondit:«Père,jenepeuxvousmentir,c’estmoi.»GeorgeWashingtonfutdoncsurnommé«l’hommequinepouvaitmentir».(NdT,ainsiquepourlesnotessuivantes)
CHAPITRE2
LeDaddyG est un endroit de merde. Mais c’est quand même bienmieuxquelesautresclubsenville.Etpuis,l’argent,c’estl’argent.
L’apparitiondeCallumRoyalaulycéem’aprislatêtetoutelajournée.Si j’avais un ordinateur portable et une connexion Internet, j’auraisgooglisécetype,maismonvieilordiestpétéetjen’aipasassezd’argentpourleremplacer.Jen’aipasvoulualleràlabibliothèquepourutiliserlesleurs.C’eststupide,maisj’avaispeurqueRoyalmetendeuneembuscadedanslaruesijequittaismonappartement.
Quiest-ce?Etpourquoipense-t-il qu’il estmon tuteur?Mamannem’ajamaisparlédelui.Jemedemandesiçapourraitêtremonpère,maiscespapiersdisaientqu’ilétaitmort,luiaussi.Etàmoinsquemamanm’aitmenti,jesaisquenompèrenes’appelaitpasCallum,maisSteve.
Steve. Ça m’a toujours paru bidon. Un peu comme si, quand votremômevousdemande«maman,parle-moidemonpère»etquevousnesavezpasquoirépondre,voussortiezlepremierprénomquivousvientàl’esprit:«Euh…ils’appelait…euh…Steve,mapuce.»
Mais je n’arrive pas à croire que maman m’ait menti. Nous avonstoujoursétéhonnêtesl’uneenversl’autre.
Jeme sors CallumRoyal de la tête, parce que ce soir je débute auDaddyG,et jenepeuxpasmepermettred’êtredistraiteparuninconnuentre deux âges qui porte un costard à mille dollars. Il y a déjà assezd’hommesmûrsdansceradepourm’occuperl’esprit.
Leclubestblindé.Jesupposequelasoirée«écolièrecatholique»estunmustauDaddyG.Lestablesetlesalcôvesdelascèneprincipalesonttoutesprises,mais l’étagesupérieurquiabrite la logeVIPestdésert.Çan’ariend’étonnant.Iln’yapasbeaucoupdeVIPàKirkwood,cettepetiteville de la banlieue de Knoxville, dans le Tennessee. C’est une villeouvrière,avecprincipalementdesgenspauvres.Sivousgagnezplusde40KRparan,vousêtesconsidérécommepleinauxas.C’est laraisonpourlaquellejel’aichoisie.Lesloyerssontbas,etlesystèmescolairepublicestcorrect.
La loge est à l’arrière et elle est pleine de vie lorsque j’y entre.Desfemmesàmoitiénuesmedévisagent.Certainesmefontunsignedetête,uneoudeuxsourient,avantdeseremettreàréglerleursporte-jarretellesouàpeaufinerleurmaquillagedevantleurcoiffeuse.
Une,pourtant,seruesurmoi.–Cendrillon?J’acquiesce.C’étaitmonnomdescènechezMissCandy.Çasemblebiencorrespondreaumomentprésent.–Jem’appelleRose.Georgem’ademandédetemettreauparfumce
soir.Ilyatoujoursunemamanpouledanschaqueclub.Unefemmeplus
âgéequiserendcomptequ’elleestentraindeperdrelapartiecontrelagravité et décide de se rendre utile autrement. ChezMiss Candy, c’étaitTina,uneblondedécoloréevieillissantequim’avaitprisesoussonailedèsledébut.Ici,c’estRosalaroussevieillissantequiglousseenm’entraînantvers un portant rempli de costumes de scène. Je suis sur le pointd’attraperlecostumed’écolière,maisellem’arrête.
–Non,ça,c’estpourplustard.Metscelui-ci.Le truc suivantdont jemesouviens, c’estqu’ellem’aideàenfilerun
corset noir avecdes parements endentelle noire et un string assorti endentellenoire.
–Jevaisdanserlà-dedans?
Je peux à peine respirer dans ce corset et j’ai besoin de l’aide dequelqu’unpourmeledélacer.
–Oubliecequisepasselà-haut.(Ellesemarrequandelleentendmarespirationhaletante.)Contente-toi de remuer ton cul, accroche-toi à labarredecerichardetçaseraparfait.
Jeluilanceunregardsurpris.–Jecroyaisquej’allaissurscène?–Georgenet’apasdit?Tufaisd’abordunnuméroenprivédansla
logeVIP.Quoi?Maisjeviensàpeined’arriver.D’aprèsmonexpérienceauMiss
Candy,ondansed’abordàplusieursreprisessurscèneavantqu’unclientdemandeunedanseenprivé.
– Çadoit êtreunde teshabituésde tonancienclub, supposeRoselorsqu’elle se rendcomptedemaconfusion.Crésusvientde se ramenercommesileslieuxluiappartenaient,ils’estcontentédefilerunbiftondecinqcentsàGeorgeet luiadit« tumel’envoies».(Ellemefaitunclind’œil.)Joue-lafineettuvasluisoutirerencorequelquesbilletsdecent.
Puiselleparts’occuperd’uneautredanseuseetmoi,jerestelà,àmedemandersijenesuispasentraindecommettreuneerreur.
J’aimebien jouer lesduresà cuireet,ouais, j’en suisune,dansunecertainemesure.J’aiconnulapauvretéetlafaim.J’aiétéélevéeparunestrip-teaseuse.
Jesaisbalanceruncoupdepoingquandc’estnécessaire.Maisjen’aiquedix-septans.Parfois,j’ail’impressionquejesuistropjeunepouravoirvéculaviequej’aivécue.Parfois,jeregardeautourdemoietjemedis,jenesuispasàmaplace.
Mais j’y suis. Je suis ici et je suis fauchée, et je veux être cette fillenormale que jeme donne unmal de chien à devenir, et il faut que jequittecette logeetque j’enfourchemabarreVIP,commeRoseme l’a siélégammentexpliqué.
George apparaît au moment où je sors dans le couloir. C’est uncostaud,avecunebarbefournieetungentilregard.
–Est-cequeRoset’aparléduclient?Ilt’attend.Jedéglutisdifficilementenhochantlatête.– Je ne dois rien faire de particulier, n’est-ce pas ? Juste une lap
dancenormale?Ilglousse.– Sois aussi particulière que tu veux, mais si jamais il te touche,
Brunovalevideràcoupsdepiedaucul.Jesuissoulagéed’apprendrequechezDaddyG, la sacro-sainte règle
du « pas touche à la marchandise » est respectée. C’est beaucoup plusfacilededanserpourdestypeslibidineuxquandleursmainspoisseusesnevouscollentpasdetropprès.
–Tuvastrèsbient’ensortir,mapoulette.Ilmetapotelebras.–Ets’ilteposelaquestion,tuasvingt-quatreans,ok.Personne,passé
trenteans,nebosseici,tutesouviens?Jemanqueluidemander:«Etquelqu’unquiamoinsdevingtans?»
Mais jeserre les lèvres. Ildoitsavoirque jemensàproposdemonâge.Commelamoitiédesfillesici.Etj’aibeauavoireuuneviedifficile,jenefaiscarrémentpasmesputainsdetrente-quatreans.Aveclemaquillage,jepeuxpasserpourunefilledevingtetunans,maximum.
George disparaît dans la loge et je respire un grand coup avant dem’engager dans le couloir. C’est la ligne de basse bien épaisse quim’accueilledanslasalleprincipale.Surscène,ladanseusevientjustededéboutonnerlechemisierdesonuniformeetlestypessedéchaînentàlavue de son soutien-gorge transparent. Les billets pleuvent sur scène. Jen’aid’yeuxquepourça.Lefric.
J’emmerdetoutlereste.Pourtant, jemesensvraimentmalà l’idéededevoirquitter le lycée
GWettouscesprofsquiavaientl’airdesesentirconcernésparcequ’ilsenseignaient.Jetrouveraiunautrebahut,dansuneautreville.
Une ville que Callum Royal ne sera pas capable de découvrir. Jem’arrête soudain.Et je faisdemi-tourdans lapanique totale.Trop tard.
Callum Royal a déjà traversé le salon d’accueil pour VIP à la lumièretamiséeetm’attrapefermementparlebras.
–Ella,dit-ilàvoixbasse.–Laissez-moitranquille.J’essaie d’avoir le ton le plus indifférent possible, mais ma main
tremblelorsquej’essaiedeluifairelâcherprise.Ilnelâchepas,pasavantqu’unautrepersonnagecharpenténesorte
del’ombre.–Aucuncontactphysique,prévientlevideurd’unairsinistre.Royallâchemonbrascommes’ilétaitbrûlant.Iljetteunregardsévère
àBruno, levideur,avantde revenir surmoi. Ilmedévisage,commes’ilfaisaituneffortsurhumainpournepasmatermonsemblantdecostume.
–Ilfautqu’onparle.Son haleine pue le whisky au point de me faire presque vomir. Je
répondsfroidement:–Jen’airienàvousdire,jenevousconnaispas.–Jesuistontuteur.–Vousêtesuninconnu.Àprésent,jeleprendsdehaut.–Etvousm’empêchezdetravailler!Ilouvrelabouche.Lareferme.Puisillance:–D’accord.Alors,vas-y,auboulot.Ilaunelueurmoqueusedanslesyeuxlorsqu’ilreculeendirectiondes
canapésenvelours.Ils’assiedenétendantlégèrementsesjambes.–Donne-m’enpourmonargent.Moncœursemetàbattreàcentàl’heure.C’esthorsdequestion.Je
nedanseraipaspourcethomme.Du coin de l’œil, je repère George qui monte les marches. Mon
nouveaupatronmeregardeavecimpatience.Gulp. J’ai envie de pleurer, mais je résiste. Au lieu de ça, je me
retourneversRoyal,l’airsûrdemoi.
–Trèsbien.Tuveuxquejedansepourtoi,papa?Jevaisdanserpourtoi.
Sousmes faux cils,mes yeux se remplissent de larmes,mais je saisqu’elles ne couleront pas. Je me suis entraînée à ne jamais pleurer enpublic.Ladernièrefois,c’étaitsurlelitdemortdemamère,etaprèsledépartdesmédecinsetdesinfirmières.
CallumRoyal a un air chagrin pendant que je bouge devant lui. Jerouledeshanchessurletempodelamusique,commesic’étaitinstinctifchezmoi.Defait,çal’est.J’ailadansedanslesang.Çafaitpartiedemoi.Quandj’étaismôme,mamanavaitréussiàmettreassezd’argentdecôtépourme payer des leçons de danse classique et de danse jazz pendanttrois ans. Ensuite, l’argent a manqué et elle m’a donné des cours elle-même. Elle regardait des vidéos ou squattait des cours à la maison dequartierjusqu’àcequ’ilslavirent,puisrentraitàlamaisonetm’enseignaitcequ’elleavaitvu.
J’adore danser et je suis assez douée, mais pas assez stupide pourcroire que je vais faire carrière à moins de choisir le métier de strip-teaseuse.Non,macarrièreserapluspragmatique.Danslesaffairesouledroit,quelquechosequimepermettradevivredans l’aisance.Ladanse,c’estunrêvefoudepetitefille.
Je glisse mes mains langoureusement le long de mon corset. Royalpousseungrognement.Cependant,cen’estpas legenredegrognementquej’ail’habituded’entendre.Iln’apasl’airexcité.Ilal’air…triste.
–Ildoitêtreentraindeseretournerdanssatombe,dit-ild’unevoixrauque.
Jel’ignore.Pourmoi,iln’existepas.–Cen’estpasjuste.Ondiraitqu’ilvas’étrangler.Je rejettemes cheveux en arrière et je bombe le torse. Je sens que
Brunomesurveilledansl’ombre.Centdollarspourdixminutesdedanseetj’aidéjàtournoyédepuisau
moinsdeuxminutes.Jepeuxyarriver.Mais,detouteévidence,Royal,lui,
nepeutpas.Encoreun tour, sesdeuxmainsm’agrippent fermement leshanches.
–Non,gronde-t-il,Steven’auraitpasvouludeçapourtoi.Avantquej’aieeuletempsdedireouf,jevoledanslesairsetjeme
retrouvesursonépaule.Jehurle:–Lâchez-moi!Il ne m’écoute pas, il m’emporte comme une vulgaire poupée de
chiffon.Mêmel’apparitionsoudainedeBrunoneparvientpasàl’arrêter.–Dégagedemonchemin!Brunofaitunpasenavant,illuirentrededans.– Cette fille adix-sept ans ! Elle estmineure, je suis son tuteur et,
Dieum’esttémoin,situfaisencoreunpas,touslesflicsdeKirkwoodvontdéboulerici,ettoiettouslesautresperversdecetteboîteirontentaulepourdétournementdemineure.
Brunoabeauavoirl’aird’unebrute,iln’estpasdébile.Ilrecule,l’airpaniqué.
Moi,jesuismoinscoopérative.MespoingsmartèlentledosdeRoyal,mesongleslacèrentsavestedeluxe.Jehurle:«Lâchez-moi!»
Iln’en fait rien,etpersonnene s’interposequand il sedirigevers lasortie.Lesclientssontbientropoccupésàmateretàhurlerenregardantla scène. Dans un flash, j’aperçois George s’approcher de Bruno qui luimurmurefurieusementquelquechoseàl’oreille,puisilsdisparaissentetjesuisfrappéeparuncourantd’airfrais.
Nous sommes dehors, mais Callum Royal ne me lâche pas pourautant.Jevoissesbelleschaussuresclaquersurlerevêtementfissuréduparking. J’entends un cliquetis de clés, un bip sonore, et me voilà ànouveauprojetéedanslesairspouratterrirenfinsurunsiègeencuir.Jesuisàl’arrièred’unevoiture.Laportièreclaque.Lemoteurgronde.
OhmonDieu!Cetypeestentraindemekidnapper.
CHAPITRE3
MONSACÀDOS!Ilyatoutmonargentetmamontreàl’intérieur!Labanquettearrière
delavoituredecemonstredeCallumRoyalestletrucleplusluxueuxoùmesfessessesont jamaisposées.Dommagequejen’aiepasletempsdel’apprécier.Jemerueverslapoignéeetjel’actionne,maiscettemauditeportièrenes’ouvrepas.
Jemetourneversleconducteur.C’estcomplètementstupide,maisjen’aipas lechoix.Jeplongeenavantet j’attrape l’épauleduconducteur,dontlecouestaussigrosquemacuisse.
–Faitesdemi-tour,ilfautquej’yretourne!Ilrestedemarbre.Ondiraitunmurdebrique.Jelesecoueencoreun
peu,maisjesuissûrequemêmesijelepoignardaisdanslecou,cetypenebougeraitpasd’unpouce,àmoinsqueRoyalneluidisedelefaire.
Callumn’apasbougénonplusdesonsiègepassager.Jefinisparmerésigner à rester prisonnière de la voiture. Je teste la vitre, juste pourvérifier.Elleresteobstinémentfermée.
–Lasécuritéenfant?jemurmure,certainedelaréponse.Ilhochelégèrementlatête.–Entreautreschoses.Est-cequec’estçaquetucherches?Monsacàdosatterritsurmesgenoux.Jerésisteàl’enviedel’ouvrir
pourvérifierquemonargentetmespapierss’ytrouventencore.Sanseux,
jesuiscomplètementàsamerci,maisjeneveuxrienluirévéleravantdecomprendrecequ’ilmeveut.
– Écoutez,Monsieur, je ne sais pas ce que vous voulez,mais il estévidentquevousavezde l’argent. Il y apleindeputespar ici qui vousferont tout ce que vous voulez sans vous attirer d’ennuis avec la loicommemoi.Déposez-moiauprochaincarrefour,et jevousprometsquevousn’entendrezplusjamaisparlerdemoi.Jen’iraipasvoirlesflics.JediraiàGeorgequevousêtesunancienclient,maisquenousavionsdesproblèmesàréglerentrenous.
–Jenecherchepasdepute.Jesuisicipourtoi.Après cette déclaration inquiétante, Royal enlève sa veste et me la
tend.Je voudrais bien être un peu plus entreprenante,mais c’est un peu
bizarre,çamemetmalàl’aised’êtreassisedanscettevoituredeluxeavecun typepour qui je viens justed’exécuterunepoledance. Jedonneraisn’importe quoi pour avoir une culotte de grand-mère. À contrecœur,j’enfilesavesteenignorantlagênedouloureusequemeprocurelecorsetetjeserrelespanscontremapoitrine.
–Jen’airienàvousoffrir.Lepeud’argentquej’aicachéaufonddemonsac,c’estsûrementdela
gnognottepourcetype.RienquecettevoituresuffiraitàacheterleDaddyGenentier.
Royalhausseunsourcilensignededénégation.Maintenantqu’ilesten bras de chemise, je peux voir samontre. C’est exactement lamêmeque…lamienne.Sesyeuxsuiventmonregard.
–Tul’asdéjàvue.Ce n’est pas une question, mais une affirmation. Il me tend son
poignet.Lamontreaunbraceletencuirnoir,desboutonsenargent,etungoussetenor18caratsencerclesoncadranbombé.Leschiffresetlesaiguillesbrillentdanslenoir.
Labouchesèche,jemens.–Jen’aijamaisvucetrucdemavie.
–Vraiment?C’estunemontreOris.Suisse,faitemain.Jel’aireçueencadeau quand j’ai été diplômé de l’IUN 1. Mon meilleur ami, SteveO’Halloran, a reçu exactement la même quand lui aussi a obtenu sondiplômedel’IUN.Surledos,ilestgravé…
Nonsibisedpatriae.J’aicherchécequecelavoulaitdirequandj’avaisneufans,aprèsque
mamèrem’avaitracontél’histoiredemanaissance.Désolée,mapuce,maisj’aicouchéavecunmarin.Lesseuleschosesqu’il
m’alaissées,c’estsonprénometsamontre.Etmoi,jeleluirappelais.Ellem’avaitébouriffé lescheveuxetm’avaitditquej’étais lameilleurechosequiluisoitarrivée.Sonabsencemefaitmal,ànouveau.
–…Celasignifie:«Paspoursoi,maispourlapatrie».Ilyadix-huitans,lamontredeSteveadisparu.Ildisaitqu’ill’avaitperdue,maisilnel’ajamaisremplacée.Iln’enajamaisportéd’autre.
Royalrenifletristement.–Ils’enservaitcommeprétextepourêtretoutletempsenretard.Jemesurprendsàmepencherenavant,j’aienvied’ensavoirplussur
Steve O’Halloran, à quoi ressemblait ce donneur de spermatozoïdes, etcommentcesdeuxhommesseconnaissaient.Puisjereprendsledessus,jenevaisquandmêmepasmelaisseralleràdusentimentalisme.
– Sympatonhistoire,monpote,maisqu’est-cequeçaaàvoiravecmoi?
Je jette un coup d’œil à Goliath, sur le siège avant, et je hausse lavoix:
–Parceque,touslesdeux,vousvenezdekidnapperunemineure,etje suis quasi certaine que c’est considéré comme un crime dans lescinquanteÉtats.
SeulRoyalmerépond:–Lekidnappingestuncrime,quelquesoitl’âgedelapersonne,mais
comme je suis ton tuteur et que tu commettais des actes illégaux, c’estmondroitdet’empêcherd’allerplusloin.
Jemeforceàluirépondreparunriremoqueur.
– Jene saispasqui vouspensezque je suis,mais j’ai trente-quatreans.
Jesaisismonsacàdosetj’ensorsmacarted’identitéenrepoussantàl’intérieurl’exactecopiedelamontrequeRoyalporteaupoignetgauche.
–Vousvoyez?MargaretHarper,trente-quatreans.Ilm’arrachelacarted’identitédesmains.–Unmètresoixante-dix.Cinquante-neufkilos.Ilmebalaieduregard.– Ondiraitplutôt45kilos,mais jesupposequetuasmaigridepuis
quetuesenfuite.Enfuite?Commentest-ilaucourant?Commes’illisaitdansmespensées,ilrenifleetajoute:–J’aicinqfils.Ilsm’ontfaittoutcequiétaithumainementpossible,et
je sais reconnaître une ado quand j’en vois une, même couverte demaquillage.
Jeregardefixementdevantmoi.Cethomme,quiqu’ilsoit,n’obtiendrariendemoi.
–SteveO’Halloranesttonpère.Ilsereprend.–Étaittonpère.Tonpères’appelaitSteveO’Halloran.Je tourne la tête vers la vitre pour que cet étranger ne voie pas la
douleurquejeressens.Bienentendu,monpèreetmort.Bienentendu.Magorge se serre, et j’ai cette sensationhorribledes larmesquime
piquent les yeux.Ce sont les bébés qui pleurent.Ce sont les faibles quipleurent.
Pleurerunpèrequejen’aipasconnu,c’estcomplè-tementnaze.En plus du ronronnement du moteur, je perçois le tintement d’un
verre et ensuite le bruit familier de l’alcool qui coule dans un verre àwhisky.Royalseremetàparler.
– Tonpèreetmoiétions lesmeilleursamisdumonde.Nousavonsgrandiensemble.Noussommesallésàl’universitéensemble.Nousavons
décidédenousenrôlerdans lamarine suruncoupde tête.Nousavonsfinalement intégré lecorpsdesSeals 2,maisnospèresvoulaientprendreleur retraite, alors au lieu de rempiler, nous sommes rentrés chez nouspour reprendre les rênesde l’entreprise familiale.Nousconstruisonsdesavions,siçat’intéressedelesavoir.
Causetoujours,jepenseamèrement.Ilignoremonsilence,ouleprendcommeuneinvitationàpoursuivre.– Il y a cinqmois, Steve estmort dans un accident de deltaplane.
Mais avant qu’il meure, c’est dingue, c’est comme s’il avait eu uneprémonition(Royalsecouelatête),ilm’adonnéunelettreenmedisantquec’étaitsansdoutelecourrierleplusimportantqu’ilaitjamaisreçu.Ilm’aditquenouslelirionsensembleàsonretour,maisunesemaineplustard,safemmeestrentréedevoyageetm’aannoncéqueSteveétaitmort.J’aimis la lettredecôtépour…m’occuperdesproblèmesquesondécèsoccasionnait,avecsaveuve.
Des problèmes ?Qu’est-ce que ça voulait dire ?Onmeurt, et voilà,c’est tout, non ? En plus, je me demande pourquoi il prononce le mot«veuve»,commesic’étaitungrosmot.
– Deuxou troismoisplus tard, jeme suis souvenude la lettre.Tuveuxsavoircequ’ellecontenait?
Quel sale tentateur ! Bien sûr que je veux savoir ce quedisait cettelettre,mais jenevaispas lui faire leplaisirdeluirépondre.Jecollemajoueàlafenêtre.
Nous avons passé plusieurs pâtés de maisons avant que Royalcontinue.
–Lalettrevenaitdetamère.–Quoi?Souslechoc,jetournelatête.Le fait d’avoir réussi à attirer mon attention ne semble pas le faire
sauterdejoiepourautant,ilajustel’airlas.Lapertedesonami,demonpère,estgravéesursonvisage,etpourla
premièrefois,jevoisCallumRoyalpourcequ’ilprétendêtre,unhomme
quiaperdusonmeilleuramietquiaeulasurprisedesavie.Pourtant, avant que j’aie eu le tempsdedire autre chose, la voiture
s’arrête.Àtraverslavitre,jevoisquenoussommesenrasecampagne.Ilyaunelonguebandedeterreplane,ungrandbâtimentmétalliqueetunetour.Àcôtédubâtiment,ungrosavionblancavecl’inscription«AtlanticAviation»peintedessus.Royalm’aditqu’ilconstruisaitdesavions,maisjenem’attendaispasàça.Jenesaispasàquoijem’attendais,maispasàun putain d’énorme avion capable de transporter des centaines depassagersàl’autreboutdumonde.
–Ilestàvous?J’aidumalànepashausserleton.–Oui,maisnousnenousarrêtonspas.Jeretirelamaindelagrossepoignéeargentéedelavoiture.–Quevoulez-vousdire?Pourl’instant,j’oublielechocdel’enlèvement,celuidel’existence,et
delamort,dudonneurdespermequiacontribuéàm’enfanter,celuidecette mystérieuse lettre, pour constater, bouche bée, que nousfranchissonslesportes,devantlebâtiment,etquenousroulonssurcequejepenseêtreunterraind’aviation.
Àl’arrièredel’avion,uneportes’ouvreet,lorsquelarampeatteintlesol,Goliathmontesurlepaninclinéetrouledirectementdanslasoutedel’avion.Jemeretournepourapercevoir,àtraverslepare-brisearrière,laporteserefermerlourdementsurnous.Puislesserruresdelavoiturefontunpetitclic,etjesuislibre.Enfinplusoumoins.
–Aprèstoi.CallumdésignelaportièrequeGoliathtientouvertepourmoi.Jesorsenessayantdemedonnerunecontenance.Même l’avionest
enmeilleurétatquemoiavecmoncorsetdestrip-teaseuseetmestalonshautsinconfortables.
–Ilfautquejemechange.Jesuiscontented’avoirréussiàparlersuruntonàpeuprèsnaturel.
Au fil des ans, j’ai pris l’habitude d’être humiliée et j’ai appris que la
meilleuredesdéfenses,c’estl’attaque.Maislà,jesuisentrèsmauvaiseposture.JeneveuxpasqueGoliath,
ou quiconque parmi le personnel navigant, me voie dans cetaccoutrement.
C’est la première fois que je prends l’avion. Jusqu’à présent, ça atoujoursétélebus,aupire,desviréesenauto-stopavecdescamionneurs.Mais ce truc-là est géant, assez grand pour y loger une voiture. Il y asûrementuncoinquelquepartoùjepourraimechanger.
LeregarddeCallums’adoucit,ilfaitunsignedetêterapideàGoliath.–Noust’attendronsenhaut.Ilindiquel’extrémitédelapiècequiressembleungarage.–Derrièrecetteporte,ilyaunescalier.Montequandtuserasprête.Une fois seule, j’échange mon costume de strip-teaseuse pour des
dessousplus confortables, unepairede jeans large, undébardeur et unpull en flanelle boutonné que je porte habituellement ouvert, maisqu’aujourd’hui je boutonne jusqu’en haut en ne laissant que le dernierboutonouvert.JeressembleàunSDF,maisaumoinsjesuiscouverte.
Je fourre les trucsde strip-teasedansmonsacet jevérifiequemonargentesttoujourslà.Ill’est,ouf!EtlamontredeSteveaussi.Sanselle,jemesenstoutenueetpuisqueCallumestaucourant,autantlamettre.Dès l’instant où le bracelet est à mon poignet, je me sens mieux, plusforte.Jesuiscapabled’affrontertoutcequeCallumRoyalaàmedire.Jejettemonsacàdossurmonépauleet,toutenmedirigeantverslaporte,je me mets à gamberger. J’ai besoin d’argent. Callum Royal en a. J’aibesoind’unnouvel endroitpourvivre, et vite.Si j’arriveà lui extorquerassez d’argent, je m’envolerai vers ma destination suivante et jerecommenceraitoutdepuisledébut.Jesaislefaire.Çavaaller.
Toutvabiensepasser.Sijemeracontecebobardassezlongtemps,jevaisfinirparycroire…mêmesicen’estpasvrai.
Callumm’attendenhautdel’escalier.Ilmeprésenteaupilote.– EllaHarper, voici Durand Sahadi. Durand, c’est la fille de Steve,
Ella.
–Ravidevousrencontrer,ditDurandd’unevoixétonnammentgrave.Toutesmescondoléances.
Ilhochelégèrementlatête.Ilesttellementchouettequejeseraisbienconnedel’ignorer.Jeserrelamainqu’ilmetend.
–Merci.–Mercibien,Durand.Callumrenvoiesonpiloteetsetourneversmoi.–Asseyons-nous.Jeveuxrentreràlamaison.Ilyauneheuredevol
pourBayview.–Uneheure?Vousavezprisl’avionjustepouruneheure?–Çam’auraitprissixheuresparlaroute,c’étaitbeaucouptroplong.
Çam’adéjàdemandéneufsemainesetunearméededétectivespourteretrouver.
Commejen’aipaslechoix,jesuisCallumversunensembledesiègesencuircrèmequientourentuneétonnantetableenboissombreincrustéed’argent.Ils’installedansl’und’entreeuxetmefaitsignedem’asseoirenfacedelui.Quelqu’unadéjàapportéunverreetunebouteille,commesisonéquipesavaitqu’ilnepeutpascarburersansalcool.
DerrièreCallum, ilyaunautreensemblede fauteuilsetunsofa.Jemedemandesi jepourraismedégoterunjobd’hôtessedel’airpourlui.Cetendroitestencoreplusconfortablequesavoiture.Jepourraishabiterici,sansproblème.
Jem’assiedsetjeposemonsacàdosentremesjambes.–Bellemontre,remarque-t-ilfroidement.–Merci.C’estmamèrequimel’adonnée.Ellem’aditquec’étaitla
seulechosequemonpère luiavait laissée,enplusdesonprénometdemoi.
Çanesertplusàriendementir.Sisonarméededétectivesprivésl’amenéjusqu’àmoiàKirkwood,ilenconnaîtprobablementplusquemoiàproposdemamèreetmoi.Etilsembleenconnaîtreencoreplussurmonpère,cequejemeursd’enviededécouvrir.
–Oùestlalettre?
–Àlamaison.Jeteladonneraiquandnousseronsarrivés.Ilattrapeunportfolioencuiretensortunpaquetdebillets,legenre
deliassequ’onvoitaucinoche,avecunebandeblancheautour.–Jeveuxpasserunmarchéavectoi,Ella.Je sais quemes yeux sont ronds comme des soucoupes,mais je n’y
peuxrien.Jen’aijamaisvuautantdebilletsdecentdollarsdemavie.Ilpousselapilesurlasurfacesombrejusqu’àmoi.Peut-êtrequec’est
unjeutéléviséouungenredeconcoursdetéléréalité?Jeserreleslèvresetjemeraidis.Jenelaisseraipersonnemeprendrepouruneimbécile.
–Allez-y,dis-jeencroisantlesbrasetenfixantCallum,lesyeuxmi-clos.
–D’aprèscequej’aicompris,tufaisdustrip-teasepoursubveniràtesbesoins et pour pouvoir passer ton bac. Ensuite, je suppose que tuvoudraisaller à l’université et renoncerà tedéshabillerpour faireautrechose. Peut-être voudrais-tu devenir comptable, oumédecin, ou avocat.Cetargentestungesteensignedemabonnefoi.(Iltapedelamainsurlesbillets.)Ilyadixmilledollars.Chaquemoisquetupasserasavecmoi,tuaurasunenouvellepile,dumêmemontant.Siturestesjusqu’àlafindetesétudes secondaires, tu recevrasunbonusdedeuxcentmilledollars.Celapaieratonécole,tonlogement,tesvêtementsettanourriture.Situobtiensundiplôme,tuaurasunautrebonustoutaussisubstantiel.
–C’estquoil’arnaque?Ça me démange de prendre le fric, de dégotter un parachute et
d’échapper aux griffes deCallumRoyal. Au lieu de ça, je reste assise àattendredevoircequejevaisdevoirfairepourobtenirtoutcefric,toutenmedemandantintérieurementoùjeposeleslimites.
– Tuarrêtesde lutter.Tun’essaiesplusde t’enfuir.Tuacceptesmatutelle.Tuvisdansmamaison.Tuconsidèresmesfilscommetesfrères.Situfaisça,tupourrasvivrelaviedonttuasrêvé.(Ilfaitunepause.)LaviequeSteveauraitvouluquetuaies.
–Etqu’est-cequejedoisfairepourvous?
J’ai besoin qu’il me dise les choses clairement. Les yeux de Callums’élargissent,etsonteintvireauvert.
–Rienpourmoi.Tuesunetrèsjoliefille,Ella,maistuesunejeunefille,etmoijesuisunhommedequarante-deuxansquiacinqfils.Maisrassure-toi, j’ai une petite amie très séduisante qui comble tous mesbesoins.
–Euhhh.(Jelèveunemain.)Trèsbien,jeneveuxpasensavoirplus.Callumritdeboncœuravantderedevenirsérieux.– Je saisque jenepeuxpas remplacer tesparents,mais je serai là
pourtoi,commeeux l’auraientété.Tuasperduta famille,Ella,mais tun’esplusseule.TuesuneRoyalàprésent.
1.L’IndianaUniversityNorthwest,unedesuniversitésdel’Étatd’Indiana.
2.LesSealssontlaprincipaleforcespécialedelamarinedeguerredesÉtats-Unis,l’USNavy.
CHAPITRE4
Nous sommes en train d’atterrir, mais même en pressant mon nezcontrelehublot,jenevoisrien,ilfaittropsombre.Laseulechosequejedistingue,cesontlesfeuxclignotantssurlapisteendessous.Unefoisquenousnoussommesposés,Callumnemelaissepasletempsd’examinerlesalentours.
Nousneprenonspaslavoiturequiesttoujoursdanslasoute,elledoitêtreréservéeauxvoyages.Durandnousconduitàuneautreberlinenoire.Les vitres teintées sont si foncées que je n’ai pas la moindre idée despaysagesquenoustraversons,maisquandCallumentrouvrelavitre,jelesens.Lesel.L’océan.
Onestdoncauborddelamer.EnCarolineduNordouduSud?Àsixheures de Kirkwood, on doit être quelque part le long de la côteAtlantique,cequineseraitpasétonnant,vulenomdelaboîtedeCallum.Celadit,çan’aaucuneimportance.Laseulechosequicompte,c’estletasdebillets toutneufsdansmon sacàdos.Dixmille. Jen’arrive toujourspasàréaliser.Dixmilleparmois.Etunsacrépaquetenplusquandj’auraipassémonbac.
Ilyaforcémentunearnaque.Callumaeubeaum’assurerqu’ilneveutpasde…faveursspécialesenéchange, jenesuispasnéede ladernièrepluie. Il y a toujours un piège, qui va finir par apparaître. Mais, à cemoment-là,j’auraidixmilleballesenpochesijedoisfuirdenouveau.
Jusque-là,jejouelejeu.JesuissympaavecCallum.Etsesfils…
Merde,jelesavaisoubliés,ceux-là.Ilaparlédecinq,non?Quel problème peuvent-ils représenter ? Cinq fils à papa pourris
gâtés?Ah.J’aieuaffaireàbienpire.Commelepetitcopaingangsterdemamère,Léo,quiaessayédemesauterquandj’avaisdouzeans,puism’aapprislabonnefaçondeserrerlepoingaprèsquejeluiavaisbalancéuncoupdanslebideetquej’avaismanquémecasserlamain.Çal’avaitfaitmarreret,ensuite,nousétionsdevenuslesmeilleursamisdumonde.Cestrucs d’autodéfense m’ont bien aidée avec le petit copain suivant demaman,quiavaitluiaussilamainbaladeuse.
Mamanavaitvraimentlechicpourchoisirlesmeilleurs.Mais je ne veux pas la juger. Elle a fait ce qu’elle devait faire pour
survivre,etpasuneseconde,jen’aidoutédesonamourpourmoi.Au bout d’une demi-heure,Durand ralentit devant un portail. Il y a
une séparation entre nous et le conducteur,mais j’entends le bip d’unetélécommande, puis un bruit mécanique, et nous redémarrons. Nousroulonspluslentementcettefois,jusqu’àcequelavoitures’arrêteetquelesportièressedéverrouillentd’unclic.
–Noussommesarrivésàlamaison,dittranquillementCallum.– J’ai envie de le reprendre, « ce truc-là n’existe pas »,mais jeme
retiens.Durandouvremaporteetmetendlamain.Mesgenouxtremblentun
peu.Troisautresvéhiculessontparquésdansungrandgarage,deuxSUV 1
noirsetunpick-up 2rougecerisequinesemblepasêtreàsaplace.Callumsurprendmonregardetsouritd’unairpiteux.–OnavaittroisRangeRover,maisEastonaéchangélesiencontrece
pick-up.Jelesoupçonnedevouloirplusdeplacepourallerbaiseràdroiteàgaucheavecsespetitescopines.
Il ne dit pas ça comme un reproche, mais plutôt d’un air résigné.J’imagine que Easton est l’un de ses fils. Je sens également un sous-entendu de… je ne sais pas trop quoi dans le ton de Callum. Del’impuissance, peut-être ? Je ne le connais que depuis quelques heures,
maisjen’arrivepasàimaginerquecethommepuisseêtreimpuissant,etjeremontelagardeàvitessegrandV.
– Il faudraque lesgarçons t’emmènentencours lespremiers jours,ajoute-t-il, jusqu’à ce que je t’achète une voiture. (Il plisse un peu lesyeux.)Enfin,situasunpermisdeconduireàtonnom,surlequeltun’aspastrente-quatreans.
Jehochelatêteàcontrecœur.–Trèsbien.Et,soudain,jeréalisecequ’ilvientdemedire.–Vousallezm’offrirunevoiture?– Ce sera plus simple comme ça. Mes fils… (il semble chercher
soigneusement ses mots) ne se lient pas facilement avec les étrangers.Maistudoisalleràl’école,donc…Ilhausselesépaulesetserépète:
–Çaseraplussimple.Jenepeuxm’empêcherd’avoirdes soupçons. Il sepasseun truc ici.
Aveccethomme.Avecsesmômes.Peut-êtrequej’auraisdûplusmebattrepoursortirdesavoitureàKirkwood.Peut-êtrequeje…
Mespensées s’évanouissentdès l’instantoù je jetteunpremier coupd’œilsurlemanoir.
Non,lepalais.LepalaisRoyal.Littéralement.Cen’estpaspossible.Lamaisonn’aquedeuxétages,maiselles’étend
tellement que je n’arrive pas à en voir le bout. Et il y a des fenêtrespartout.Peut-êtrequel’architectequiaconçucebâtimentétaitallergiqueauxmurs,ouavaitvraimentlatrouilledesvampires.
–Vous…(mavoixsebrise)vousvivezici?–Nousvivonsici,corrige-t-il.C’estaussitamaisonàprésent,Ella.Ce ne sera jamais ma maison. Je n’appartiens pas à ce monde de
splendeur, j’appartiensà lamisère laplusnoire.C’estceque jeconnais.C’estlàquejesuisàl’aise,parcequelamisèrenementpas.Ellen’estpasemballéedansunjolipapiercadeau.Elleestcequ’elleest.
Cettemaisonestune illusion.Elleest lisseetbelle,mais lerêvequeCallumestentraind’essayerdemevendreestaussifragilequedupapier.
Riennebrillepourtoujoursdanscemonde.L’intérieur du manoir Royal est aussi dément que l’extérieur. Des
dalles blanches veinées de gris et d’or, du genre de celles qu’on trouvechez les médecins et dans les banques, recouvrent le hall qui sembles’étendre sur des kilomètres. La hauteur de plafond est incroyable elleaussi,j’aienviedecrierpourentendrejusqu’oùiral’écho.
Desescaliersgrimpentdesdeuxcôtésdel’entréeetserejoignentsurun balcon qui domine le hall. Au-dessus dema tête, le lustre doit biencomptercentampoulesettellementdecristalques’ilmetombaitdessus,onneretrouveraitplusquedeséclatsdeverre.Ilnedépareraitpasdansun hôtel de luxe. Ça ne me surprendrait pas qu’ils l’aient pris dans cegenred’endroit.
Partoutoùseposemonregard,jevoislarichesse.Etpendantce temps,Callummeregarded’unair inquietcommes’il
pouvait lire dans mes pensées et qu’il se rendait compte que je suisvraimentsurlepointdepéterlesplombs.Pourvouslafairecourte,c’estparcequejen’appartienspasàcemonde,putain.
– Jesaisquec’estdifférentdecedonttuas l’habitude,dit-ilsuruntonbourru,maistuvast’yhabituer.Tuvasbienaimer.Jetelepromets.
Mesépaulessecrispent.–Nefaitespasdepromesses,MonsieurRoyal.Pasàmoi.Non,jamais.Sonvisagesefige.– Appelle-moi Callum. Et j’ai bien l’intention de tenir toutes les
promessesquejetefais,Ella.Toutcommej’aitenucellesquej’avaisfaitesàtonpère.
Quelquechoses’attendritenmoi.–Vous,euh…(Lesmotssortentdifficilement.)Vousaimiezvraiment
mon…euh…Steve,hein?– C’était mon meilleur ami, répond simplement Callum. Je lui ai
toujoursfaitconfiance.Çadoitêtrechouette.Laseulepersonneàquij’aijamaisfaitconfiance
adisparu.Morteetenterrée.Jepenseàmamanet,toutàcoup,elleme
manquetellementquemagorgesenoue.–Hum…Jeluttepourparaîtredétendue,maisjesuisauborddeslarmes,prête
àcraquer.–Alors,vousdevezavoirunmaîtred’hôtelouuntruccommeça?Ou
unegouvernante?Quiest-cequis’occupedecetendroit?– J’aidupersonnel.Tuneseraspasobligéede laverpar terrepour
gagnertonargent.Sonsourires’évanouitdevantmonregardglacé.–Oùestmalettre?Callumdoitsentirquejesuisvraimentsurlepointdecraquer,parce
queletondesavoixsefaitplusdoux.– Écoute, il est tard. Et tu as eu assez d’émotions aujourd’hui.
Pourquoi est-ce que nous ne poursuivrions pas cette conversationdemain?Pourl’instantj’aimeraisquetuaiesunebonnenuitdesommeil.
Ilmeregardecommes’ilétaitaucourant.–J’aicommel’impressionqueçanet’estpasarrivédepuislongtemps.Ilaraison.J’inspire,puisj’expiretrèslentement.–Oùestmachambre?–Jevaistemontrer…Ils’interromptlorsquedespassefontentendreenhaut,etunelueur
d’approbationilluminesesyeuxbleus.– Vous voilà. Gideon est à l’université, mais j’avais demandé aux
autresdedescendret’accueillir.Ilsnem’écoutentpastoujours…Et pas cette fois-ci, apparemment, parce que quels que soient les
ordresqu’ilaitdonnésauxjeunesRoyal,ilssemblentlesavoirignorés.Etmoi avec. Pas un seul regard ne se pose sur moi lorsque quatre têtesbrunesapparaissentàlarampedubalcon.
Mamâchoires’entrouvrelégèrementavantquejelaclaquefermementenm’armantdecouragefaceàcespectacle,là-haut,quim’agresse.Jenevaispasleurlaisservoiràquelpointjesuisdéconcertée,maisputaindemerde,jesuisvraimentdéconcertée.Non,jesuisintimidée.
Les garçons Royal ne sont pas comme je les imaginais. Ils neressemblentpasàdesgossesde richesBCBG. Ils ressemblentàdevraisvoyous,ilssemblentcapablesdenefairequ’unebouchéedemoi.
Chacun d’eux est aussi grand que leur père, unmètre quatre-vingt-cinq, facile,avecdifférentstypesdemusculature.Lesdeuxàdroite sontles plus maigres, les deux à gauche sont très baraqués, avec des brassculpturaux.Personnenepeutêtreaussimusclésansavoirbossédur,sanssueretsouffrirpourledevenir.
Àprésent,lanervositémegagneparcequepersonneneditunmot.NieuxniCallum.Mêmeenétantassezloin,jemerendscomptequetoussesfilsonthéritédesesyeux.Bleuvifetperçants,tousintensémentbraquéssurleurpère.
–Lesgarçons,finit-ilpardire,venezdirebonjourànotreinvitée.(Ilsecoue la têtecommepour secorriger.)Venezdirebonjouraunouveaumembredenotrefamille.
Silence.C’estàfairefrémir.Celui au milieu esquisse un petit sourire narquois, juste un petit
mouvementducoindelabouche.Ilsemoquedesonpère,posesesavant-brasmuscléssurlarambarde
etsetait.–Reed.LavoixdeCallumrésonne.–Eaton.Illanceunautrenomàtouteallure.–Sawyer.Puisunautre.–Sebastian.Descendez.Toutdesuite.Ils ne font pas un geste. Je réalise que les deux de droite sont
jumeaux. Ils ont le même regard et la même pose insolente quand ilscroisentleursbrassurleurpoitrine.
L’undesjumeauxjetteuncoupd’œilsurlecôté,enlançantunregardquasi invisibleverssonfrèreà l’extrêmegauche.Unfrissonmeparcourtl’échine. C’est celui-là qu’il faut craindre. C’est celui-là qu’il me faudrasurveiller.
Et il est le seul quime fait un signe de tête d’une lenteur calculée.Quandnosregardssecroisent,moncœursemetàbattreunpeuplusvite.Decrainte.Peut-êtrequedansd’autrescirconstances,moncœurbattraitpour d’autres raisons. Parce qu’il est magnifique. Ils le sont tous. Maiscelui-cimefaitpeur.Etjemedonneunmaldechienpourlecacher.
Jesoutienssonregardensignededéfi.Descendsici,Royal.Ramène-toidonc.Sesyeuxbleufoncésefermentlégèrement.Ilsentledéfisilencieux.Il
perçoitmadéfianceet iln’aimepasça.Puis il s’éloignede larambarde.Lesautresl’imitentcommes’illeurenavaitdonnél’ordre.Ilsquittentleurpèredesyeux.
Lebruitdeleurspasrésonnedanslamaisoncaverneuse.Desportesseferment.
Àcôtédemoi,Callumsoupire.–Jesuisdésolé.Jepensaisqu’enlesprévenant,ilsauraientletemps
desepréparer,maisilestclairqu’ilsontencorebesoindedigérertoutça.–Toutça?Ilveutdiremoi.Maprésencechezeux,monlienavec leurpèreque
j’ignoraisjusqu’àaujourd’hui.–Jesuiscertainqu’ilsserontplusaccueillantsdemainmatin.Ondiraitqu’ilchercheàs’enconvaincrelui-même.Maiscequiestsûr,
c’estquemoi,ilnem’aabsolumentpasconvaincue.
1.SUVsignifie«sportutilityvehicle».Onl’appelleaussi«crosssover».
2.Unpick-upestunvéhiculeutilitairemunid’unplateauàl’arrière.
CHAPITRE5
Jemeréveilledansunlitinconnuetjen’aimepasça.Paslelit.Lelitestsuper.Ilestdouxetfermeàlafoisetlesdrapssontsoyeuxcommedusatin, pas comme les trucs merdeux qui grattent, dont j’ai l’habitudequand il m’arrive de dormir dans un lit avec des draps. La plupart dutemps,c’estplutôtdansunsacdecouchage.
Ce lit-ci sent le miel et la lavande. Tout ce luxe et ce confort sontinquiétants, parce que mon expérience m’a enseigné que ce qui estagréableestgénéralementsuivid’unetrèsmauvaisesurprise.
Une fois, maman est rentrée à lamaison et m’a annoncé que nousdéménagions dans un endroit beaucoup mieux. Un homme grand etminceestvenunousaideràfairenospauvresbagages,etquelquesheuresaprès,nousétionsdans sapetitemaison.C’était adorable, il y avaitdesdoubles rideaux aux fenêtres et, malgré la petitesse des lieux, j’avaismêmemaproprechambreàcoucher.Plus tard,pendant lanuit, j’aiétéréveillée par des cris et un bruit de verre brisé.Maman s’est précipitéedansmachambre,m’asortiedemonlitetavantquej’aieeuletempsdedireouf,nousétions loin.Cen’estquedeuxpâtésdemaisonsplus loinque j’ai vu le bleu se former sur sa pommette. Les choses agréables nesignifientdoncpasforcémentdesgensbien.
Je m’assieds et détaille mon environnement. Toute la chambre estdécoréepourunevraieprincesse,uneprincessevraimentjeune.Ilyaunequantité ridicule de rose et de frous-frous. Il ne manque plus que des
affiches de Disney, bien que je sois certaine que les affiches sont tropvulgairespour cet endroit, tout commemon sacàdos,posépar terreàcôtédelaporte.
Lesévénementsd’hiertournentenboucledansmatête,etjem’arrêtesurlaliassedebilletsdecentdollars.Jesautedulitetj’attrapemonsac.Je feuillette la liasse et j’écoute le bruit du papier qui craque sousmesdoigts dans la chambre silencieuse. Je pourrais prendre ça et ficher lecamp.Dixmilleballes,çamepermettraitdevivreunbonmoment.
Mais…si jereste,CallumRoyalm’enapromisbienplus.Le litet lecouvert, dixmille chaquemois jusqu’à ce que j’obtiennemonbac, justepour aller en classe ? Pour habiter au manoir ? Pour avoir ma proprevoiture?
Jeglissel’argentdanslapochesecrèteaufonddusac.Jevaisattendreune journée. Rien ne m’empêche de partir demain, ou la semainesuivante,oudansunmois.
Dèsqueleschosestournentmal,jemecasse.Unefoismonargentàl’abri,jevidelecontenudemonsacsurlelitet
je fais le point. Côté vêtements, il y a deux jeans skinny, la paire debaggiesquejeportaispournepasattirerl’attention,cinqtee-shirts,cinqculottes,unsoutien-gorge,lecorsetdanslequelj’aidansélanuitdernière,unstring,unepairedetalonsaiguilledestrip-teaseuseetunerobesympaqui appartenait àmamère.Elle est courte, noire etmetmes formes envaleur. Il y a une trousse de maquillage pleine de produits quiappartenaient à ma mère, mais aussi des restes des différentes strip-teaseusesquenousavonscroiséesenchemin.L’ensemblevautaumoinsmilleballes.
J’aiaussimonlivredepoèmesd’Auden 1qui,jesuppose,estletrucleplusromantiqueetleplusinutilequejetrimballe,maisjel’aitrouvéquitraînaitsurlatabled’uncafé,etl’exergueétaitexactementlamêmequel’inscriptionsurmamontre.Jen’aipaspu le laisser.C’étaitunsignedudestin, bien que d’habitude je ne croie pas à cesmachins-là. Le destin,
c’estpourlesfaibles,cesgensquin’ontpasassezdepouvoiroudevolontépourtransformerleurviecommeilsl’entendent.
Jen’ysuispasencoreparvenue.Jen’aipasencorelepouvoirnécessaire,maisj’yarriveraiunjour.Je
caresselacouverturedulivre.Peut-être que je pourrai me dégotter un boulot de serveuse à mi-
temps.Une rôtisserie, ça serait bien. Comme ça, je n’aurais pas à taperdans mes dix mille dollars, que je considère à présent commeintouchables.
Uncoupàmaportemefaitsursauter.–Callum?–Non,c’estReed.Ouvre.Je jetteun coupd’œil àmon tee-shirtXXL. Il appartenait à l’undes
ancienspetitscopainsdemamère.Ilmedescendpresqueauxgenouxetjeneveuxpasaffronterleregardaccusateurd’undesfilsRoyalsansêtreparfaitementarmée.Cequisignifieêtreentièrementhabilléeetcouverted’unebonnecouchedemaquillagededureàcuire.
–Jenesuispasprésentable.–Jen’enairienàfoutre.Tuascinqsecondes,ensuitej’entre.Lesmotssontprononcéssuruntonfroidetautoritaire.Merde.Jene
doutepasunesecondequesil’envieluiprend,ilpeuttrèsbiendéfoncermaporte.
Jemeprécipiteetj’ouvreviolemment.–Qu’est-cequetuveux?Ilmerepousse toutaussiviolemment,etbienquemontee-shirt soit
assez long pour couvrir mon intimité, j’ai le sentiment d’êtrecomplètementnue.Jedétesteça,etlaméfiancequej’airessentiehiersoirsetransformeaussitôtenvéritabledétestation.
–Jeveuxsavoiràquoitujoues.Ilfaitunpasenavant.Jesaisquec’estpourm’intimider.C’estuntype
quiutilisesonphysiqueàlafoiscommearmeetcommeappât.
– Je crois que tu devrais en parler à ton père. C’est lui qui m’akidnappéeetamenéeici.
Reedavanceencored’unpas,noussommestellementprochesl’undel’autre qu’à chaque respiration nos corps se frôlent. Il est vraimentbandant, j’ai la bouche sèche et des picotements à des endroits que jecroyais qu’un connard comme lui n’aurait jamais pu stimuler. Mais j’aiégalement appris de mamère que, parfois, votre corps peut aimer destrucsquevotretêtedéteste.Ilfautjustequecesoitvotretêtequidécide.
C’étaitundesesfameuxavertissements,son«faiscequejedis,pascequejefais».
Cetypeestunsalaud,etilteveutdumal,ai-jehurlésilencieusementàmoncorps.
Mestétonssemettentàdurcirmalgrémonavertissement.–Ettut’esbeaucoupdébattue,hein?Ilregardeavecdédainlespointesquisesontforméessousl’épaisseur
toute fine de mon tee-shirt. Je n’ai plus rien d’autre à faire que deprétendrequemesseinssonttoutletempspointésenavant.
–Jetelerépète,tudevraisparleràtonpère.Jefaisdemi-tourenfaisantcommesiReedRoyalnemettaitpaslefeu
àtoutesmesterminaisonsnerveuses.Jemedirigeverslelitsurlequeljeramasseuneculotte.
Commesijen’enavaisvraimentrienàfoutre,j’ôtecellequeporteetjelalaissetombersurlamoquetteblanccassé.
J’entends le sifflement d’une respiration saccadée derrièremon dos.Unàzéropourl’équipedesvisiteurs.Aussinonchalammentquepossible,j’enfilema nouvelle culotte en la faisant glisser le long demes cuisses,sousmontee-shirt.Jesenssesyeuxglissersurmoncorps,commes’ilsmetouchaient.
– Tu devrais te rendre compte que quel que soit le jeu auquel tujoues,tunepeuxpasgagner.Pascontrenoustous.
Sa voix est devenue plus grave, plus rauque. Mon show lui fait del’effet.Deux-zéro.Jesuisvraimentheureusedeluitournerledos,comme
ça, il ne peut pas se rendre compte que moi aussi je suis émoustillée,uniquementparsavoixetsonregardsurmoi.
–Situparsmaintenant,ilnet’arriveraaucunmal.Noustelaisseronsemporter tout ce que papa a pu te donner, et aucun de nous net’embêtera.Siturestes,onvatellementtecasserquetudevraspartirenrampant.
J’enfilemonjeanet,toujoursdedos,jecommenceàenlevermontee-shirt.S’ensuiventuneespècedegloussementetdesbruitsdepasrapides.Samain enserremon épaule etmaintientmon tee-shirt en place. Ilmeretournecommeunecrêpe.Ilsepenchesurmoi,saboucheeffleuremonoreille.
–Dernièresnouvelles,bébé.Tupeuxfaireunstrip-teasedevantmoitousles jours, jenetebaiseraipaspourautant,tuaspigé?Tuaspeut-êtrepuembobinermonpèreavectonpetitcul,maisnous,onconnaîttonnuméro.
LesoufflechauddeReedglisselelongdemoncou,et j’aitouteslespeinesdumondeànepasfrissonner.Est-cequej’aipeur?Est-cequejesuisallumée?
Quipeutsavoir.Moncorpsesttellementtourneboulé.Merde.Est-ce que je suis la fille demamère, ou quoi ? Parce qu’aimer les
hommesquivoustraitentmalc’est,c’était,putain,laspécialitédeMaggieHarper.
–Fous-moilapaix,dis-jefroidement.Sesdoigtsagrippentmonépauleunmomentavantdemerepousser.
Jetrébucheetmerattrapeauborddulit.–Ontesurveilletous,lance-t-ild’unevoixsinistreavantdes’éclipser.Jemedépêchedefinirdem’habiller.Mesmainstremblent.Àpartirde
maintenant, j’aurai toujours des vêtements sur moi dans cette maison,même dansma propre chambre à coucher. Il n’est pas question que jebaisselagardeunesecondedevantcesalauddeReed.
–Ella?
Jesursauteetjemetourned’unbondpourvoirCallumdeboutdevantmaporteouverte.Jeglapisenposantmamainsurmoncœurquibat.
–Callum,vousm’avezfaitpeur!–Désolé.Iltientunmorceaudepapierfroissédanssamain.–Talettre.Jeleregarde,l’airétonné.–Je…ah,merci.–Tunecroyaispasquej’allaisteladonner,n’est-cepas?–Pourdirevrai,jen’étaispassûrequ’elleexiste.–Jenetementiraipas,Ella.J’aibiendesdéfauts.Lesbêtisesdemes
fils pourraient remplir un livre plus long queGuerre etPaix,mais je nementirai jamais. Et je ne vais pas te demander autre chose que demedonnermachance.
Ilglisselafeuilledepapierdansmamain.– Quandtuauras fini,descendsprendre lepetitdéjeuner. Ilyaun
deuxièmeescalierauboutducouloirquimèneàlacuisine.Viensquandtuvoudras.
–Merci.Ilmesouritchaleureusement.–Jesuissiheureuxquetusoislà.Pendantunmoment,j’aicruqueje
neteretrouveraisjamais.–Je…jenesaispasquoidire.S’iln’yavaiteuqueCallumetmoi, jecroisque j’auraisétésoulagée
d’être là, peut-êtremême reconnaissante,mais aprèsma rencontre avecReed,j’étaiseffrayée,voireterrorisée.
–Toutvabien.Tuvast’habitueràtoutça,jetelepromets.Ilmelanceunclind’œilquiestcensémerassureretdisparaît.Jemejettesurmonlitetj’ouvrelalettreentremblant.
CherSteve,
Jenesaispassiturecevrascettelettreunjouretsitucroirasce que tu vas lire. Je l’envoie à la base navale de Little Creekavec ta carte d’identité. Tu l’avais laissée ici, avec un bout depapier et ta montre. J’ai gardé la montre. Je ne sais pascomment,maisjemesuissouvenuedecefichunuméro.
Quoiqu’ilensoit,allonsdroitaubut.Tum’as renduedingueavec cette folie que nous avons vécue ensemble lemois qui aprécédé ton départ pour Dieu sait où. Quand jeme suis renducomptequej’étaisenceinte, tuétaispartidepuis longtemps.Lestypes à la base n’ont pas eu la moindre envie d’écouter monhistoire.Jesupposequetoinonplus,àprésent.Maissijamaistul’as,tudevraisvenir.J’aiuncancer.Çamebouffelecolon.Jetejure,jelesensàl’intérieurdemoi,commeunparasite.
Mapetitefillevaseretrouverseule.Elleestrésistante.Solide.Plussolidequemoi.Jel’aime.Etsi jenecrainspaslamort, j’aipeur qu’elle se retrouve seule. Je sais qu’entre nous, ce n’étaitpas autre chose qu’une histoire physique, mais je te jurequ’ensemble, nousavonscréé laplusbelledes chosesqui soitaumonde. Tu vas te haïr si tu ne cherches pas aumoins à larencontrer.
EllaHarper.JeluiaidonnécenomàcausedelapetiteboîteàmusiquekitchquetuavaisgagnéepourmoiàAtlanticCity.J’aipenséquetuaimeraisbiença.
Bon,j’espèrequeturecevrascettelettreàtemps.Ellenesaitpas que tu existes, mais elle a ta montre et tes yeux. Tu t’enrendrascomptedèsquetulaverras.
Sincèrement,MaggieHarper
Jefoncedanslasalledebains,elleaussirosebonbon,pourmepasserungantdetoilettesurlafigure.
Nepleurepas,Ella.Il n’y a aucune raison de pleurer. Jeme penche sur le lavabo et je
mouille mon visage en faisant comme si toute l’eau qui coule dans lavasqueprovenaitdurobinetetpasdemesyeux.
Une fois calmée, jeme passe une brosse dans les cheveux et je lesrelève en queue-de-cheval. Jeme tartine de BB crème pour cachermesyeuxrouges,etc’esttout.
Avantdepartir, je remets toutdansmon sacàdoset je le jette surmonépaule.Jevaisl’emporterpartouttantquejeneluiaipastrouvédecachette.
Jepassequatreportesavantdetrouverl’escalierdeservice.Lecouloirdevantma chambre est tellement large qu’on pourrait sans problème yfaire rouler une des voitures deCallum. Bon d’accord, cet endroit a dûêtreunhôteljadis,parcequ’ilmeparaîtridiculequ’unemaisondefamillesoitsigrande.
Lacuisine,enbasdesescaliers,estgigantesque.Ilyadeuxfours,unîlotcentralrecouvertdemarbreetunnombreénormedeplacardsblancs.Jevoisunévier,maispasderéfrigérateurnidelave-vaisselle.
Peut-être y a-t-il une seconde cuisine dans les entrailles de cettemaison,etonvam’yenvoyerpourrécurerlessols,malgrécequem’aditCallum hier. Ce qui ne me dérangerait pas, en fait. J’aimerais mieuxgagner de l’argent en faisant un vrai boulot qu’en allant à l’école et enétant une môme normale, parce que qui est payé pour être normal ?Personne.
Au fond de la cuisine, une énorme table trône devant un océan deportes-fenêtres.
Les frèresRoyalsontassissurquatredesseizechaises.Tousportentununiforme, leurs chemisesblanchespendent surunpantalonen toile.Des blazers bleus sont posés sur le dossier de certaines des chaises. Etainsihabillé,chacundesgarçonsestsublime,avecunpetitcôtémauvaisgarçon.
Ondiraitlejardind’Éden,beaumaisremplidedangers.
–Commentaimes-tutesœufs?demandeCallum.Il s’approche du fourneau avec une spatule dans unemain et deux
œufsdans l’autre. Jen’ai pas l’impressionqu’il soit très à son aisedanscetteposition.Uncoupd’œilrapideauxgarçonsconfirmemessoupçons.Callumnedoitpascuisinersouvent.
–Desœufsbrouillés,ceseraparfait.Etenplus,c’estimpossibleàrater.Ilhochelatêteendésignantlaported’ungrandplacardblancderrière
lui.–Ilyadesfruits,desyaourtsaufrigoetdesbagelsderrièremoi.Jeme dirige vers le placard sous le regard de quatre paires d’yeux
froids et inquisiteurs. C’est un peu comme un premier jour dans unenouvelleécole,quandlesautresontdécidédedétesterlanouvelle,justepour leplaisir.Unelumières’allumeet le froidnefrappeauvisage.Desfrigosencastrés.Pourquoivoudriez-vousquelesautrespuissentvoirquevouspossédezunfrigo,jevousledemande?Bizarre.
Jesorsunebarquettedefraisesquejeposesurlecomptoir.Reedjettesaserviette.–J’aifini.Quiest-cequiveutquejeledépose?Lesjumeauxreculentleurschaises,maisl’autre,Eatonjecrois,secoue
latête.–Moi,jepasseprendreClairecematin.–Lesgarçons…lanceCallumensigned’avertissement.–Toutvabien.Jeneveuxpasêtrelacaused’unebagarreousourcedetensionentre
Callumetsesfils.– Tout va bien, papa, se moque Reed. (Puis il se tourne vers ses
frères.)Onpartdansdixminutes.Ils le suivent comme un seul homme. Ou comme une bande de
troufions,c’estpeut-êtreplusexactcommeanalogie.–Jenesaispaspourquoiilssonttellementfurieux.J’avaisprévudete
conduire à l’école de toute façon. J’espérais juste qu’ils seraient un peu
plus…accueillants.Uneodeurd’œufsbrûlésnousfaitnousretournertouslesdeuxversla
cuisinière.–Merde,jure-t-il.(Jem’approchepourdécouvriruntructoutmarron.
Ilmesouritd’unairpiteux.)Jenecuisinejamais,maisjenepensaispasquejepouvaisraterdesœufs.Visiblement,j’avaistort.
Alors, comme ça, il ne cuisine jamais, mais il le fait pour une filleétrangère qu’il a ramenée chez lui ? Pas étonnant qu’ils éprouvent duressentiment.
–Vousavezfaim?Parcequemoi,jemecontentetrèsbiendefruitsetdeyaourt.
Jen’aipaseusouventl’occasiondemangerdesfruitsfrais.N’importequoidefraisestunsignedeprivilège.
–Enfait,jemeursdefaim.Ilditçaavecunairpitoyable.–Jepeuxvousfairecuirequelquesœufs…(etavantmêmequej’aie
letempsdepoursuivre,ilsortunpaquetdebacondufrigo)avecdubaconsivousenavez.
Pendantquejecuisine,Callumsepenchesurlecomptoir.–Alorscinqgarçons,hein?C’estbeaucoup.–Leurmèreestmorteilyadeuxans.Ilsnes’ensontjamaisvraiment
remis.Aucund’entrenousnes’enestremis.Mariaétaitlecimentdenotrefamille.
Ilpasseunemaindanssescheveux.–J’étaistrèssouventabsentavantsamort.AtlanticAviationtraversait
desmomentsdifficilesetjecherchaisàsignerdescontratsdanslemondeentier.
Ilpousseungrossoupir.– Les affaires, j’ai réussi àm’en sortir…Pour la famille, je n’ai pas
encoretotalementréussi.Si j’encroisceque j’aivu, jenepensepasqu’ils soientsur labonne
voie,maisaprèstout, lesqualitésparentalesdeCallumnemeregardent
pas. J’émets un bruit de gorge évasif que Callum prend pour unencouragement.
– C’estGideon leplusvieux. Il est à l’université,mais il rentreà lamaisonleweek-end.Jepensequ’ilaunepetitecopineenville,maisjenesaispasquic’est.Tuvaslerencontrercesoir.
Bon.Enfinpasvraiment.–Super!Supercommeunlavement.– Je veux t’emmener au lycée pour t’y inscrire.Quand ce sera fait,
Brooke,c’estmapetiteamie,m’aproposédet’emmenerfairedescourses.Jepensequetupourrascommencerlescoursdèslundi.
–J’airatécombiendetemps?–Lescoursontcommencéilyadeuxsemaines.J’aivutesnotes,je
pensequetuserasparfaitementauniveau,merassure-t-il.Jefixelesœufsenfronçantlessourcils.– Vous devez avoir de sacrément bons détectives privés pour avoir
obtenumesbulletinsscolaires.–Tuasbeaucoupbougé,maisquandj’aidécouvertlenomdefamille
detamère,çan’apasétébiendifficilededevinerlasuiteetd’obtenirtoutcedontj’avaisbesoin.
–Mamanafaitdumieuxqu’elleapu.Jepointemonmentonenavant.– Elle faisait du strip-tease. Est-ce qu’elle t’a forcée à faire pareil ?
réagitCallum,aveccolère.–Non,c’estmoiquiaichoisidelefaire.Jejettesesœufsdanssonassiette.Iln’aqu’àsefairecuiresonstupide
bacontoutseul.Personneneditdumaldemamandevantmoi.Callumm’attrapeparlebras.–Écoute,je…– Est-ce que j’interromps quelque chose ? lance une voix glaciale
depuislaported’entrée.
Jemeretourned’uncouppourvoirReed.Savoixestglacée,maissesyeuxlancentdeséclairs.Iln’aimepasquejesoisprochedesonpère.Jesais que c’est débile, mais quelque chose me pousse à me rapprocherencoreplusdeCallum,àpresquemeglissersoussonbras.Callumobserveson fils, pour le coup, il ne comprend pas la raison de ma proximitésubite. Le regard de Reed m’apprend que lui a très bien compris lemessage.
Jelèvelamainetlaposesurl’épauledeCallum.–Non,jepréparaisjustelepetitdéjeunerdetonpère.Jesourisingénument.Le regard de Reed devient encore plus noir, si tant est que ce soit
possible.–J’aioubliémaveste.Ilcontournelatableetlaramassesurledossierd’unechaise.–Onsevoitaulycée,Reed,jeraille.Il me lance un dernier éclair avant de se retourner pour partir. Je
baisselamain.Callummeregarded’unairébahi.–Tujouesaveclefeu.–C’estluiquiacommencé.Callumsecouelatête.–Etdirequejepensaisqu’élevercinqgarçonsétaittouteunesacrée
aventure.Apparemment,jen’aiencorerienvu!
1.WystanHughAudenestunpoèteaméricaind’origineanglaise,considérécommel’undes
plusimportantsetinfluentsduXXesiècle.
CHAPITRE6
Callum me conduit au lycée que je vais fréquenter pour les deuxprochaines années. Enfin, c’est Durand qui conduit. Callum et moisommes assis à l’arrière. Il farfouille dans une pile de documents quiressemblentàdesplanspendantquejeregardelepaysageparlavitre,enessayantdenepaspenseràcequis’estpasséplustôtdansmachambreavecReed.
DixminutespassentavantqueCallumlèveenfinlatêtedesonboulot.– Désolé, je rattrapemonretard.J’aiprisunpeude tempsaprès la
mortdeSteve,etleconseild’administrationmetannepourquejebouclelesdossiers.
Je suis tentée de lui demander à quoi ressemblait Steve, s’il étaitsympa,cequ’il faisaitpourprendredubon temps,pourquoiaprèsavoirfaitl’amouravecmamère,ilestpartisansunmot.Maisjemetais.Unepartie de moi ne veut pas savoir qui était mon père. Parce que sij’apprends des trucs sur lui, il deviendra réel. Il pourraitmême devenirquelqu’undebien.C’estplusfacilepourmoidepenseràluicommeàunsaletypequiaabandonnémamère.
Jemontrelespapiersdudoigt.–Cesontdesplanspourvosavions?Ilhochelatête.– Nous concevons un nouvel avion de combat. Une commande de
l’armée.
MonDieu.Ilnesecontentepasdeconstruiredesavions.Ilconstruitdesavionsdeguerre.C’estdulourd.Maisceladit,vulamaison,cen’estpassiétonnantqueça.
–Etmonpè…Steve,ildessinaitdesavions,luiaussi?– Il était plutôt dans la partie tests. Moi aussi, dans une certaine
mesure,maistonpèreavaitunevéritablepassionpourlevol.Monpèreaimaitvoler.Jerangecetteinformationdansuncoindema
tête.Commejerestemuette,lavoixdeCallumsefaitplusdouce.–Tupeuxmeposertouteslesquestionsquetuveuxàsonsujet,Ella.
JeconnaissaisStevemieuxquepersonne.–Jenesuispassûred’êtreprêteàapprendrequoiquecesoitsurlui,
jerépondsenhésitant.–Compris.Maisquandtuserasprête,jeseraiheureuxdeteparlerde
lui.C’étaitungrandbonhomme.Je ravalemonenviede lui répondrequeçanedevaitpasêtreun si
grandbonhommequeças’ilaabandonnémamère,maisjen’aipasenvied’endiscuteravecCallum.
ToutesmespenséesausujetdeSteves’évanouissentlorsquelavoitureatteint unportail de plus de sixmètres de hauteur. Est-ce ainsi que lesRoyal vivent ? En passant d’une porte à l’autre en voiture ? Nous leslaissonsderrièrenouspoursuivreuncheminpavéquimèneàungrandbâtimentdestylegothiquerecouvertdelierre.J’observelesalentoursendescendantdevoitureetjedécouvredesbâtimentssimilaires,disséminéssur lecampusdel’écolepréparatoired’AstorPark,surdeskilomètresdepelouse verdoyante. Je comprends alors pourquoi le nom de l’écolecomprendlemot«parc».
– Restez dans le coin, lance Callum à Durand à travers la vitreouverteduconducteur.Jevousappelleraiquandnousauronsfini.
Lavoiturenoiredisparaîtderrièrelaported’ungarageàl’autreboutdel’allée.Callumsetourneversmoi.
–MonsieurledirecteurBeringernousattend.
J’ai du mal à cacher mon étonnement en le suivant sur les hautesmarches qui mènent aux portes d’entrée. Cette école est démente. Ellesuinte le fric et les privilèges. La pelouse impeccablement tondue et lacour immense sont désertes. Dans le lointain, j’aperçois des taches decouleur,cesontdesélèvesquijouentaufootball.Callumsuitmonregard.
–Tupratiquesunsport?–Euh,non.Enfin,jesuisassezathlétique.Ladanse,lagymnastique,
cegenredetrucs.Maisjenesuispastrèsbonneensport.Ilfaitlamoue.– C’estbiendommage.Si tu rejoinsuneéquipe, tuesdispenséede
coursd’éducationphysique.Jevaismerenseignerpourvoirs’iln’yapasune possibilité dans une des équipes de pom-pom girls. Ça pourrait teconvenir.
Pom-pomgirl?Ouais,d’accord.Maispourçailfautdupeps,etjesuisla fille lamoins pêchue qui soit. Nous entrons dans un hall digne d’undécordefilm.
De grands portraits d’anciens élèves sont accrochés aux murslambrissésdechêne.Sousnospieds,leparquetesttoutlustré.Quelquestypesenblaserbleutraînentdansuncoin.Ilsmejettentdescoupsd’œilcurieuxaupassage.
– ReedetAaton jouentau football.Notreéquipeestnuméroundel’État.Etlesjumeauxjouentaulacrosse.Situobtiensuneplacedansuneéquipe de pom-pom girls, tu pourrais te retrouver en train de lesapplaudir,undecesquatre.
Jemedemandes’ilserendcomptequ’ilestentraindemedonneruneraison supplémentaire pour ne pas devenir pom-pom girl. Pas questionquejemetrémousseenlevantlesbrasaucielpourencourageruntrouduculcommeReed.
Jemurmure:–Peut-être.Maisjepréféreraismeconcentrersurmesétudes.Callumentredanslasalled’attentedubureauduproviseurcommes’il
étaitdéjàvenudescentainesdefois.C’estprobable,carlasecrétaireaux
cheveuxblancslesaluecommeunvieilami.– Monsieur Royal, c’est bien agréable de vous voir dans des
circonstancesagréables,pourunefois.Illuirépondparunsourirenarquois.–Dites-moi,est-cequeFrançoispeutnousrecevoir?–Toutàfait.Entrezdonc.
Larencontreavecleproviseursepassemieuxquejel’imaginais.Jeme
demande si Callum lui a filé du fric pour qu’il ne pose pas trop dequestions surmesantécédents.Mais ildoit êtreaucourantdecertaineschoses,parcequ’ilcommenceparmedemandersijeveuxqu’onm’appelleEllaHarperouEllaO’Halloran.
–Harper,jerépondssèchement.Je ne vais pas abandonner le nom de ma mère. C’est elle qui m’a
élevée,pasSteveO’Halloran.On me donne mon emploi du temps qui inclut un cours de gym.
Malgré mes protestations, Callum explique au proviseur Beringer quej’aimeraisbiendevenirpom-pomgirl.Seigneur!Jenecomprendspascequecethommeacontrel’éducationphysique.
Lorsquenousavonsterminé,Beringermeserrelamainetm’expliquequemaguidescolairem’attenddans lehalld’entréepourme faire faireunevisiterapidedeslieux.JelanceunregardpaniquéàCallum,maisilestclairementbientropoccupéàdiscuterdugreendutrou9,qu’iltrouveassezcoton.Apparemment,Beringeret lui sontpartenairesdegolf,et ilmefaitsignedesortirenm’expliquantqueDurandvarappliqueraveclavoituredansuneheure.
En quittant le bureau, jememordille les lèvres. Je ne sais pas quoipenserdecetteécole.Académiquement,j’aientendudirequ’elleétaitautop.Maistoutlereste…lesuniformes,lecampussuper-chic…çanemecorrespond pas. Je l’avais déjà compris, mais ça se confirme à l’instantmêmeoùjeretrouvemaguidescolaire.
Elle porte la jupe bleu marine et le chemisier blanc qui composentl’uniforme de l’école, et tout chez elle pue le fric, depuis sa coupe decheveuxparfaite jusqu’àsafrenchmanucure.Elleseprésente,SavannahMontgomery.
– Oui, ces Mongomery, dit-elle d’un air suffisant, comme si j’étaisdanslesecretdesdieux.
Jen’aipaslamoindreputaind’idéedequielleest.Elleestenpremière,commemoi,etellepassebienvingtsecondesà
mejauger.Ellefroncelenezdevantmesjeansserrésetmondébardeur,mesbottesdel’arméeéculées,mescheveux,mesonglesnonmanucurésetmonmaquillageappliquéàlava-vite.
–Tuvasrecevoirtestenuesd’uniformeceweek-end,m’informe-t-elle.La jupe n’est pas négociable, mais il existe desmoyens de tricher avecl’ourlet.
Ellemelanceunclind’œilenlissantsajupequiluiarriveàpeineenbas des cuisses. Les autres filles que j’ai aperçues dans le hall d’entréeportaientlesleursauxgenoux.
– Quoi, si tu faisunepipeauxprofs, tuobtiens l’autorisationde laraccourcir?
Sesyeuxbleuglaciers’écarquillentdepanique.Puiselleaunpetitriregêné.
–Hum,non,tuglissesunbilletdecentàBeringerquandlesprofsseplaignent,etilregardeailleurs.
Çadoitêtrechouettedevivredansunmondeoùonpeutrefilerdesbilletsdecentdollarsauxgens.Moi,jesuisunefilleàundollar.C’étaitengénéraltoutcequelestypesglissaientdansmonstring.JedécidedenepasenparleràSavannah.
–Bon,laisse-moitefairefaireletourdupropriétaire.Ilmesuffitd’uneminuteàpeinepourmerendrecomptequ’ellen’ena
rienàcirer.Cequ’elleveut,cesontdesinfos.–Uneclasse,uneclasse,lestoilettesdesfilles.(Sondoigtsijoliment
manucurédésignelesdifférentesportesdevantlesquellesnouspassons.)
Alors, commeça,CallumRoyal est ton tuteur légal ?…Une classe,uneclasse,lasalledespremières.Commentçasefait?
Jerépondssèchement.–Ilconnaissaitmonpère.– C’était l’associédeCallum,n’est-cepas?Mesparents sontallésà
sesfunérailles.Savannahrepoussesescheveuxnoisettesursonépauleetouvreune
sériedeportes.–Lesclassesdespremièresannées.Tunevaspaspasserbeaucoupde
tempsici.Lesclassesdepremièresontdansl’aileEst.Àpropos,tuhabiteschezlesRoyal,hein?
–Oui.Jenedonnepasdedétails.Nouspassonsdevantunelonguerangéedecasiersquineressemblent
en rien aux casiers étroits et rouillés de l’enseignement public que j’aifréquentétoutescesannées.Ilssontbleumarine,delalargeurd’aumoinstroiscasierstraditionnels.Ilsbrillentdanslalumièredusoleilquipénètreparunmurdefenêtresdanslehall.
Niunenideux,nousvoicià l’extérieur.Nousempruntonsunsentierpavédepierresrondes,bordédechaquecôtépardesarbressplendides.Savanahmemontreunautrebâtimentcouvertdelierre.
– C’est l’aile des premières. Tous tes cours y auront lieu. Saufl’éducationphysique.LagymalieusurlapelouseSud.
AileEst.PelouseSud.Cecampusestridicule.–Tuasdéjàrencontrélesgarçons?Elle s’arrêteenpleinmilieuducheminetme fixedesesyeuxnoirs.
Ellemejaugeànouveau.–Ouaip.(Jeluirendssonregard.)Pasvraimentimpressionnant.Ellemerépondparunrireeffrayé.– Dans ce cas, tu fais partie de la minorité. (Son visage redevient
sombre.)Lapremièrechosequetudoissavoir,c’estqu’ici lesRoyalsontlesmaîtres,Eleanor.
–Ella,jelacorrige.Ellemefaitunsignedelamain.–Commetuveux.Ilsfontlaloietilslafontrespecter.–Ettoi,tulessuiscommeunbravepetittoutou.Unlégersoupçondedédaineffleureseslèvres.–Situnelefaispas,lesquatreannéesquetupassesicisontatroces.– Ehbienmoi, jem’en fouscomplètementde leurs règles,dis-jeen
haussant les épaules. Je vis peut-être dans leur maison, mais je ne lesconnaispaset jeneveuxpas les connaître. Je suis iciuniquementpourobtenirmondiplôme.
– Bon, je pense que c’est lemoment de te donner une autre leçonconcernantAstor.Ellehausselesépaules.Laseuleraisonpourlaquellejesuissympaavectoi…
Attendez,c’estçasafaçond’êtresympa?–…C’estparcequeReedn’apasencorepromulguédedécretRoyal.Jehausseunsourcil.–Cequisignifie?–Cequisignifiequ’ilsuffitd’unmotdeluiettuneserasplusrienici.
Insignifiante.Invisible.Oupireencore.Là,jememarre.–C’estcensémefoutrelesjetons?–Non.C’estjustelavérité.Onattendaitquetuarrives.Onavaitété
prévenus,onnousavaitditd’attendrelesordres.–Quiça?Reed?Leroid’AstorPark?Merde,jevaisfairepipidans
maculotte!– Ils n’ont pas encore décidé ce qu’ils allaient faire de toi.Mais ils
vont le faire bientôt. Je ne te connais que depuis cinqminutes,mais jepeuxdéjàtedirequelleseraleurdécision.
Ellegrimaceunsourire.– Nous autres, les filles, nous avons un sixième sens. Ça ne nous
prendpaslongtempspourcomprendreàquionaaffaire.Jeluiretournesonsourire.
–Non,c’estvrai.Notre échange de regards ne dure que quelques secondes. Assez
longtemps toutefois pour lui faire comprendre que je me fouscomplètement d’elle, ou de Reed, ou de cette hiérarchie sociale qu’ellesemblevisiblementrespecter.
– Allons, Eleanor, viens, je te montre le stade de foot. C’est uneinstallationdepointe,tusais.
CHAPITRE7
Labalade avecSavannah s’achève après la visitede l’intérieurde lapiscine olympique. S’il y a un truc qu’elle semble apprécier, c’est masilhouette.
– Le look sous-alimenté est à lamode,m’informe-t-elle sur un tonbrusquequi,jecommenceàlecroire,estnaturelchezelle.Tudoispenserque je suis une salope,mais je suis simplementhonnête.Astor Park estuneécoled’ungenrecomplètementdifférent.Jesupposequetuétaisdansle public ? poursuit-elle en montrant de la main mes jeans skinny defriperie.
–Ouais,etalors?L’écolec’estl’école,jesaisbienqu’ilyadifférentestribus.Lesmômespauvres,lesmômesriches…
Ellelèvelamainpourm’interrompre.– Non. Ici, c’est différent de tout ce que tu as pu connaître
auparavant. Le gymnaseque tu as vu tout à l’heure ?Audépart, c’étaitcenséêtrepour l’équipede foot,mais ila suffique la familledeJordanCarringtonfasseunehistoire,etilaimmédiatementouvertaupublic,saufà certains moments particuliers. Entre cinq heures et huit heures dumatin, et entre deux heures et huit heures l’après-midi, c’est réservé aufoot.Lerestedutemps,c’estouvertàtoutlemonde.Sympa,hein?
Jenesaispas sielleplaisante,mais l’accès limitémeparaît stupide.Curieuse,jeluidemande:
–PourquoilesCarringtonont-ilsfaituneobjection?
–AstorParkestuneécolepréparatoireavecungrandP.Savannahcontinue.Iln’yapasdeboutonmarche/arrêt.–DanscetÉtat,chaquefamilleveutyenvoyersesmômes,maisc’est
trèssélectif.Ilnesuffitpasd’avoirdel’argentpouryentrer.Tousceuxquisontacceptés,mêmelesboursiers,sonticiparcequ’ilsontquelquechosed’unique. Ils peuvent être des as du foot, ou faire gagner des prixnationaux à l’équipe scientifique, ce qui implique des articles dans lapressenationale.Dans lecasdeJordan,elleestcapitainede l’équipededanse,cequiselonmoi,n’estpasbienloindustrip-tease…
Merde, j’espère que ce n’est pas pour ça que Callum l’a suggéré cematin.
– Mais elles gagnent, et Astor adore voir son nom figurer dans lesjournaux,souslarubriquevainqueurs.
–Alors,pourquoisuis-jeici?jemurmuredansunsouffle.MaisSavannahpossèdeuneouïedesuper-hérosettoutenouvrantla
ported’entrée,ellemerépond:–TuesuneRoyal,enquelquesorte.QuelgenredeRoyal,c’estencore
à voir. Cette école va te manger toute crue si tu es faible, alors je teconseilledeprofiterdetoutcequepeutt’offrirlenomdeRoyal,mêmesitudoisleprendredeforce.
La portière d’une voiture claque, et une blonde platine filiforme, enjeanssuper-moulantsetstilettosvertigineux,s’avanceànotrerencontre.
–Salut,euh…L’inconnuetendunemaindevantellecommesielleseprotégeaitles
yeuxdusoleil,cequiestcomplètementinutilevuqu’elleporteunepairedelunettesénormesquiluimangenttoutlevisage.
Maguidemarmonnedoucement.–C’estlapetiteamiedeCallum.Inutiled’êtresympaavecelle,c’est
justeunextra.Etsurcesdernièresbonnesparoles,Savannahdisparaîtenmelaissant
aveccepetitboutdefemme.
–TudoisêtreElaine.JesuisBrooke,l’amiedeCallum.Jesuisvenuetechercherpourfairedescourses.
Puisellefrappedesmains,commesic’étaitletrucleplusexcitantquiexistait.
–Ella,jelareprends.–Oh,jesuisdésolée!Jesuistellementnulleaveclesnoms.Puis,avec
ungrandsourire,elleajoute:Onvabiens’amuseraujourd’hui!J’hésite.– Hum. Nous ne sommes pas obligées d’aller faire des courses. Je
peuxtrèsbienattendreiciquelebusarrive.–Ohmachérie,glousse-t-elle,iln’yapasdebusici.Enplus,Callum
m’ademandédet’emmenerfairedescourses,alorsc’estcequ’onvafaire.Ellem’agrippelebrasavecuneforceétonnanteetm’entraînejusqu’à
la limousine. À l’intérieur de laquelle il y a Durand. Je commence àl’apprécier, celui-là. Je lui lance un « Salut Durand » avant de jeter unregardàBrooke.Puisjepropose:
– Que dirais-tu si je m’asseyais devant avec Durand pour que tupuissesterelaxeràl’arrière?
–Non.Jeveuxfairetaconnaissance.Ellemepoussesurlabanquettearrièreets’yengouffreàmasuite.–Raconte-moitout.Jesoupirevaguement,jen’avaispasvraimentl’intentiondebavarder
aveclacopinedeCallum.Etjem’enveux,parcequeBrooken’arienfaitd’autre que d’être sympa avec moi. Je ne juge pas les gens comme çad’habitude. Jedécidedebaisserunpeu lagarde.Enplus, ilme semblequeBrookeestplusmontypequelesRoyal,surtoutsi lescamaradesdeclassedesgarçonsl’affublentdutitred’extra.
Pourtant,elleal’airjeune.Vraimentjeune.UnpeucommesiCallumpouvaitêtresonjeunepère.
– Il n’y a pas grand-chose à dire, je lui réponds en haussant lesépaules. Jem’appelleEllaHarper.CallumprétendqueSteveO’Halloranestmonpère.
Brookehochelatête.–Oui,ilmel’aditcematin.N’est-cepasincroyable?Ilm’araconté
qu’ilt’avaitretrouvéeilyajustequelquesheuresetqu’ilétaitdésoléquetamèresoitdécédée.
Ellem’attrapelamainenréduisantunpeusonlargesourire.– Ma mère est morte quand j’avais treize ans. Une rupture
d’anévrisme.J’aieulecœurbrisé,alorsjesaiscequeturessens.Quandellemeserrelamain,jesensuneboulemonterdansmagorge.
Jedoisdéglutirdeuxfoisavantdepouvoirrépondre:–Jesuisdésolée.Elle ferme les yeux un instant comme si elle luttait elle aussi pour
contrôlersesémotions.– Eh bien, nous sommes toutes les deux dans unmeilleur endroit,
non?Callumm’asauvée,moiaussi,tusais.– Toi aussi tu faisais du strip-tease ? je lui demande à brûle-
pourpoint.LesyeuxdeBrookes’élargissentunpeuetellelaisseéchapperunpetit
rireavantdeposerunemainsursabouche.–C’estçaquetufaisais?–Cen’étaitpasdunuintégral.Jeme recroquevilledevant son fou rire en souhaitantn’avoir jamais
abordélaquestion.Ellesereprendetrecommenceàtapotermamain.–Excuse-moi,jenerispasdetoimaisdeCallum.Iladûêtremortifié.
Encemoment,ilessaietellementd’êtreunbonpèrepoursesfilsetjesuiscertainequedetrouversajeunepupilledansunclubdestrip-teaseadûêtretrèschoquantpourlui.
Rougissanteetgênée,jefixelafenêtre.Cettejournéeavraimentmalcommencé.DepuislessentimentsbizarresqueReedadéclenchésenmoijusqu’à la balade pleine de condescendance avec Savannah et maconfession embarrassante à la petite amie de Callum. Je déteste avoir
l’impressiondenepasêtreàmaplace.Lepremierjourdansunenouvelleécole.Lepremiertrajetenbus.Lepremier…
Unetapesurmonfrontinterromptmespensées.–Eh,neteperdspasdanstaboîtecrânienne,monchou.JeregardeBrookepar-dessusmonépaule.–Jenemeperdspas.–Conneries.(Elleprononcecejurondoucementettendrement.Elle
posesamainsurmajoue.)Jen’aipasfaitdestrip-tease,maisc’estparcequej’aipréféréfairepirepourm’ensortir.Jenetejugeraipas.Jamais.Cequiest important,c’estquetunesoisplus là-basetquetun’aies jamaisbesoind’y retourner.Si tu joues le jeu, tu seras tranquillepour toute tavie.
Elleretiresamainetmedonneunetapelégère.–Maintenant,sourisunpeu,parcequ’onvafairedescourses.Jenevaispasvousmentir,çamevaparfaitement.–Combienest-cequeçavacoûter?Je suisdéjàalléedansuncentre commercial, lesprixgrimpentvite,
même en soldes,mais si onme fournit un uniforme scolaire, je n’auraibesoinqued’unoudeuxarticles.Unautrepantalon.Peut-êtreunoudeuxhauts.Laplagen’estpasloin,alorsunmaillotdebain,çaseraitpasmal.Jevaispouvoirm’ensortirpourquelquescentainesdedollars.
LevisagedeBrooks’éclaire.Ellesortunecartedecréditqu’elleagitedevantmesyeux.
– Tu teposes lamauvaisequestion.C’estCallumquipaieet, crois-moi, même s’il raconte que sa boîte était au bord de la faillite il y aquelques années, ce mec pourrait acheter et vendre tout le centrecommercial,ilauraitencoreassezdefricpouravoirleputaind’orgasmelepluscherdumonde.
Çamelaissesansvoix.Nous arrivons dans un centre en plein air, avec de minuscules
boutiquesquivendentdeminusculesvêtementsàdesprixexorbitants.Jen’arrivepasàmedéciderpourquoiquece soit.Millecinqcentsdollars
pourunepairedechaussures?Ellessontenorouquoi?Brookeprendleschosesenmainetpassearticleaprèsarticleàlavendeuse.
Il y a tellement de sacs et de boîtes que j’ai peur que Durand soitobligé d’échanger la limousine contre une camionnette. Au bout dudixièmemagasin, jesuisépuisée,etvulesoupirqu’ellepousse, jepensequeBrooken’enestpasloinnonplus.
– Je vais m’asseoir un instant pour boire quelque chose de fraispendantquetutermines.
Elle s’écroule surunechaiseenvelourset fait signeàunevendeusequiaccourtimmédiatement.
–Quepuis-jevousservir,MadameDavidson?–Unmimosa.Elle me fait un signe de la main avec la carte noire qu’elle a déjà
tellementfaitchaufferquejesuisétonnéequ’ellen’aitpasfonduentresesdoigts
– Continue,achète.Callumseradéçusi tureviensà lamaisonsansquelecoffresoitremplidepaquets.Ilabienspécifiéquetuavaisbesoind’absolumenttout.
–Mais…je…Jesuiscomplètementlarguée.Déposez-moidansunWalmartouzut,
mêmedansunGap,et jecroisquejepourraitrèsbienm’ensortir.Maisici ? Aucun de ces vêtements n’a l’air portables. Mais Brooke m’ignorecomplètement.Elleetlavendeuseentamentuneconversationpassionnéepour savoir ce qui, de la flanelle grise ou du tweed gris, est le plustendance.
Je prends la carte de crédit à contrecœur. Elle pèse plus lourd quetoutes les cartes de crédit que j’ai pu avoir en main jusqu’ici. Je medemandes’ilyauneautrecarteàl’intérieuretqu’ainsiBrookes’arrangepourpouvoiracheterlamoitiédumagasinsansqu’ellesoitrejetée.Jelaquitte et j’achète quelques trucs supplémentaires, en frémissant devantleur prix. Je suis franchement soulagée quandDurand apparaît et nousramèneauchâteaudesRoyal.
Sur le chemin du retour, Brooke papote et m’explique commentassortiraumieuxmesachatspourcréerdeparfaitsensembles.Certainesdesessuggestionsmefontrigoleretjesuisstupéfaitedem’apercevoirquejen’aipaspasséunsimauvaismomentqueçaavecelle,aujourd’hui.Sonenthousiasmeestunpeuexagéré,biensûr,etelleestunpeutropgentille,mais peut-être que j’ai été injuste en doutant des goûts féminins deCallum.Quoiqu’ilensoit,Brookeestquandmêmeamusante.
– Merci pour la conduite,Durand, jedis quandnousnous arrêtonsdevantlaported’entréedumanoir.
Ilarrête lavoitureau lieudefaire le tourde lamaisoncommehier,quandnoussommesarrivésdeKirkwood.
DurandaideBrookeàsortirdelavoitureetàgrimperlesescaliers.Jesuisàlatraîne,commesij’étaisl’extradontaparléSavannahàproposdeBrooke.
–Jevaismonterlessacs,lance-t-ilpar-dessussonépaule.Tout cela me donne une impression de malaise et d’inutilité. Je
devraisvraimentmetrouverunboulot.Peut-êtrequesij’avaismonargentàmoietquelquesamis,jepourraismesentirnormaledenouveau.
Quandjerêvaisàmonavenir,celan’incluaitpasdeslimousinesnidesmanoirs,desfashionistasoudesmarquesdecréateurs.Lependuledemaviesebalançaitbientroploin,dansladirectionopposée.
Callumnousaccueilledanslehall.Durandportelessacsàl’intérieur.–Mercipourvotreaide,ditCallumauchauffeur.Chérie!BrookesemblerevivreenentendantlesondelavoixdeCallum,elle
sejettesurlui.–Nousnoussommesamuséescommedesfolles!Callumhochelatêteensigned’approbation.–Çamefaitplaisir.(Ilmeregarde.)Gideonestarrivé.Jeveuxtele
présenter, sansplusattendre.Après ça,pourquoinepas commanderundéjeunertardif?
–Gideon.LesyeuxdeBrookes’allument.
– Cela fait trop longtemps que je n’ai pas vu cet amourde garçon.(Elle se dresse sur la pointe des pieds et embrasseCallum sur la joue.)Tonidéededéjeunermesembledélicieuse.J’aifaim.
Savoixaiguëmefaitpresquerougir.Callum,unpeugêné,s’éclaircitlavoix.
–ViensElla,jeveuxqueturencontresmonfilsaîné.Ilyaunegrandefiertédanssavoix.Curieuse,jelesuisàl’arrièrede
la maison, où une sublime piscine carrelée de bleu et blanc se marieparfaitementaveclapelouseimpeccablementtondue.
Dans la piscine, une flèchehumaine fend l’eau endouceur avecdesmouvements d’une grande pureté. À côté de moi, Brooke soupire. Oupeut-être bien qu’elle gémit. L’un ou l’autre son s’explique devant lespectaclequenousoffrentlesmusclesciselésdel’aînédesRoyal.
Je comprends pourquoi Brooke était tout excitée en entendant sonnom.Maisc’estunpeubizarre,vuqu’elle sortavec sonpère. Jemedisquelesadultessontdesgenscompliqués.Cen’estpasàmoideporterunjugementsur leurrelation.Aprèsdeuxautres longueurs,Gideons’arrêteetsehissehorsde lapiscine.MoulédanssonSpeedo, ilestclairquecetypen’aaucunproblèmephysique.
–Papa!Ils’essuielevisageavecuneserviettequ’ilpasseensuiteautourdeson
cou.Ilnesemblepasremarquerqu’ilgoutteetmetdel’eaupartoutsurledeck.
–Gideon,jeteprésenteEllaHarper,lafilledeSteve.Sonfilsmejetteunregard.–Alors,tul’asretrouvée.–Oui.Ilsparlentdemoicommesi j’étaisunchiotabandonné.Callumpose
unemainsurmonépauleetmepousseenavant.–Contentedeteconnaître,Gideon.J’essuiemamainsurmonjeanetlaluitends.–Pareil.
Ilmeserrelamainet,malgrélafroideurdesonton,jetrouvequ’ilestplusamicalquequiconquedanscettemaison,àpartsonpère.
– J’aiquelquescoupsde filàpasser.Maisavantça, jedoisprendreunedouche.Àplustard.
Il passe devant nous. Lorsque nous nous tournons pour le regarders’éloigner,jesurprendsleregarddeBrooke,quimechoque.Sesyeuxontune expression d’avidité, lamême que celle qu’avaitmaman quand elleregardaitquelquechosed’extravagantdontelleavaitenviemaisqu’ellenepouvaitpass’offrir.
Callum n’a pas l’air de s’en apercevoir. Il a dirigé son attention surmoi. Toutefois, je ne peux m’empêcher de continuer à penser àl’expression de Brooke. Elle avait l’air complètement dingue du fils deCallum.Suis-jelaseuleàm’enapercevoir?Arrête,Ella,cenesontpastesoignons.
–Etsiondéjeunait,àprésent?suggèreCallum.Ilyaunsuperpetitcaféàcinqminutesd’ici.Ilsserventdesmerveilleuxproduitsdelaferme.C’esttrèsfrais.Léger.
–D’accord.Jesuisprêteàtoutpoursortird’ici.–Jeviens,moiaussi,ditBrooke.– En fait,Brooke,si tuesd’accord, j’aimeraispasserunmomenten
têteàtêteavecElla,maintenant.Sontonindiqueclairementqu’ilsefichequ’ellesoitd’accordoupas,
parcequec’estcommeça,etpasautrement.
CHAPITRE8
Le déjeuner en compagnie de Callum est étonnamment agréable. Ilm’enditplussurSteve,bienquejeneluiaiepasposédequestions.Maisilavouequeparlerde lui lui faitdubien.Callumadmetqu’iln’a jamaisété trèsprésentpour ses filset sa femme,maisquedèsqueSteveavaitbesoinde lui, il laissait tout tomber.Apparemment, ce lien entreSEALsétaitinaltérable.
Ilnesemoquepasdemoiquandjeluidemandesic’estlàqu’ilssontdevenuspotes,aucontraire,ilm’expliquequeleterme«BUD/S 1»estlenomd’unprogrammed’entraînementde laNavy.Aprèscedéjeuner, j’ail’impressiondemieuxcernerRoyalSenior,ilestdévoué,assezdéterminéetnecontrôlepastoutàfaitsavie.Nousneparlonspasdesesfils,maisjemecrispelorsqu’ilpousselaported’entrée.
–Ilsvontchangerd’avis,ditCallumpourm’encourager.Nousretrouvonslesgarçonsdansunegrandepièce,aufonddel’aile
droitedelamaison.Calluml’appellelasalledejeux.Avecsesmurspeintsen noir, l’endroit est immense. Les garçons nous accueillent dans unsilencedemortet lesaffirmationsdeCallummeparaissentsoudainpeuconvaincantes.
– Que faites-vous tous ce soir ? demande Callum sur le ton de laconversation.
D’abord,personnenerépond.Lesplus jeunesse tournentversReed,vautré sur un tabouret de bar, un pied sur le sol et l’autre posé sur le
barreauleplusbasdusiège.Gideonestadosséaubar,ilregardecequisepasse,lesmainsposéessurlecomptoir.
–Gideon?lequestionneCallum.Sonaînéhausselesépaules.–JordanCarringtondonneunefête.Reed se retourneetdévisageGideonen faisant lamoue, comme s’il
étaituntraître.–VousallezemmenerEllaàcettefête,ordonnesonpère.Ceseraune
bonnechosequ’ellepuisserencontrersesnouveauxcamaradesdeclasse.–Ilyauradel’alcool,deladrogueetdusexe,railleReed.Tuveux
vraimentqu’elleaillelà-bas?– Je préférerais rester à la maison ce soir, j’essaie de dire, mais
personnenefaitattentionàmoi.– Alors tous les cinq,vous ferezattentionàelle.C’estvotre sœurà
présent.Callumcroiselesbrassursapoitrine.Leursvolontéss’affrontent,etil
veutgagner.Enplus,cettehistoired’alcool,dedrogueetdesexen’apasl’airdutoutdel’inquiéter.Génial.C’estvraimentdingue.
–Ahbon,tul’asadoptée,lanceReed,sarcastique.Jesupposequejenedevraispasêtresurpris.Fairedesconneriessansnousenparler,c’esttaspécialité,n’est-cepas,papa?
Jereprendslaparole.–Jeneveuxpasalleràcettefête.Jesuisfatiguée.Jeseraicontente
deresteràlamaison.–Bonneidée,Ella.(Callumdécroisesesbrasetenposeunsurmon
épaule.)Toietmoi,onvaregarderunfilm.UnmuscledelamâchoiredeReedsemetàtressaillir.–Tuasgagné.Ellepeutveniravecnous.Onpartàhuitheures.Callumbaisselebras.Iln’estpasaussiaveuglequejelepensais.Les
garçonsneveulentpasquejeresteseuleaveclui,etCallumlesait.LesyeuxbleuglacierdeReedsetournentversmoi.
– Tu ferais bien demonter et de t’arranger pour être présentable,frangine.Tunepeuxpas foutreen l’air tesdébutsdans legrandmondeaveccelook.
–Reed…l’avertitCallum.L’expressiondesonfilsestl’innocencemême.–J’essayaisjusted’êtreutile.Appuyé sur une queue à côté de la table de billard, Easton semble
retenirunsourire.Gideonal’airrésignéetlesjumeauxnousignorentdefaçondélibérée.
Un vent de panique m’envahit. Les fêtes au lycée auxquelles j’aiparticipé,enfinlaseule,c’étaitdestrucsentee-shirtetenjean.Lesfilles,bien sûr, s’étaient un peu fringuées, mais toujours dans un styledécontracté.J’aimeraisbiensavoirsicettefêteseratrèshabillée,maisjeneveuxpasoffriraux frèresRoyal leplaisirdevoiràquelpoint je suislarguée.
Puisquehuitheures,c’estdansdixminutes,jegrimpeàtoutevitessedansmachambreoùjedécouvretousmespaquetsbienrangésaupieddemon lit. Jeme rappelle vaguement les conseils de Savannah. Si je doisrester dans le coin pendant deux ans, il faut que je fasse bonneimpression.Etensuite, jememetsàpenseràautrechose.Qu’est-cequej’en ai à foutre ? Je n’ai pas besoin que ces gensm’apprécient, je veuxjustepassermonbac.Maisenfait,si,j’enaiquelquechoseàfoutre.Jemedéteste pour ça, mais je ne peux résister au besoin désespéré que j’aid’essayer. Essayer d’être intégrée. Essayer de faire de cette expériencescolaireautrechosequelesprécédentes.
Ilfaitchauddehors,alorsjechoisisunejupecourtebleumarineetunhautbleu clair etblancen cotonet soie. Il coûteaussi cherque tout lerayon vêtements de Walmart, mais il est tellement joli que je soupired’aiseen l’enfilant.Dansunautre sac, j’attrapeunepairede chaussuresplatesbleumarineavecunegrossebouclerétroenargent.Jemebrosselescheveuxetjelesrassembleenunequeue-de-cheval,maisfinalement,je décide de les laisser lâchés. Jemets un bandeau argenté que Brooke
m’afaitacheter,«lesaccessoires,c’estunmust»,a-t-elleinsisté.C’estlaraisonpourlaquellej’aiégalementunsacremplidebracelets,decolliers,d’écharpesetdesacsàmain.
Dans la salle de bains, je fouille dans ma trousse à maquillage etj’essaied’avoir lamain laplus légèrepossible. Il s’agitd’obtenirun lookéthéréenespérantquetoutletempsquej’aipassédanslesclubsdestrip-tease et les bars ne se voie pas dans ma façon de faire. Je n’ai pasl’habitudedesfêtesdelycéens,maisdetravailleravecdesfillesdetrenteansquiveulentparaîtredixansdemoinsetdontladeviseest«situnemetspasaumoinstroiscouchesépaissesdefonddeteint,tun’arriverasàrien».
Une fois prête, j’examine mon reflet dans le miroir, j’y vois uneétrangère.J’ail’airtiréeàquatreépinglesetbiencommeilfaut.OndiraitSavannahMontgomery, pas EllaHarper.Mais c’est peut-être bien ainsi.Sauf qu’il n’y a rien d’encourageant dans le regard que me jettent lesfrèresRoyalquandjelesretrouvesurleparking,cinqminutesplustard.Gideon a l’air surpris. Les jumeaux et Easton reniflent. Reed a un petitsouriregoguenard.
Est-cequejevousaiditqu’ilsportenttousdesjeanstaillebasseetdestee-shirtslarges?Lesenfoiréssesontpayématête.
–Onvaàunefête,frangine,pasprendrelethéaveclareine.LavoixgravedeReednem’émoustillepasdutout,cettefois.Ilsefout
demoiànouveau,etçal’amuse.–Vouspouvezattendrecinqminutesquejemechange?jedemande
fermement.–Nan.Ilesttempsd’yaller.Il s’avance à grandes enjambées vers une des Range Rover sans se
retourner.Gideonme jette un nouveau coupd’œil, puis un autre à sonfrère.IlpousseunsoupiretrejointReeddanslavoiture.
Lafêtealieuàl’intérieurdesterres,loindel’océan.C’estEastonquim’emmène.Lesautresgarçonssontpartisdevantetçan’apasl’airdelui
plaired’êtrecoincéavecmoi.Ilneditpasgrand-chosependantletrajet.Iln’allume pas non plus la radio, du coup le silence rend le trajet assezdésagréable. C’est uniquement quand il arrive à l’entrée principale d’unmanoirdetroisétagesqu’ilmelance:«Sympatonbandeau».
Jerésisteàuneviolenteenviedeluifaireravalersonsouriresuffisantd’unegiflebiensentie.
– Merci. Il m’a coûté cent trente dollars. Merci à la carte noiremagiquedetonpère.
Ducoup,sonregards’assombrit.–Faisgaffeàtoi,Ella.Jeluisourisenouvrantlaportière.–Mercipourlabalade,Easton.Reed et Gideon sont là, de dos, sous les colonnades du porche
d’entrée.Ilssontengrandediscussionàvoixbasse.J’entendsGideonjurerd’un air ennuyé, puis « Ce n’est pas malin, frangin. Pas pendant lasaison».
– Maisqu’est-cequetuenasà foutre?murmureReed.Tunousasclairement fait comprendre dans quel camp tu étais, et ce n’est plus lenôtre.
–Tuesmonfrère,etjem’inquiètepour…Ils’interromptquandils’aperçoitquenousarrivons.Ilssecrispenttouslesdeux,puisReedsetournepourm’accueilliret
quandjedisaccueillir,çasignifiequ’ildérouleunelistesansfindecequejepeuxetnepeuxpasfaire.
–NoussommeschezJordan.Sesparentspossèdentdeshôtels.Netebourrepas lagueule.Ne faispashonteànotre famille.Nenous tournepasautour.N’utilisepas lenomdeRoyalpourobtenirquoiquece soit.Jouelesputes,etontefaitsortiràcoupsdepiedaucul.Gidm’aditquetamèreétaitunepute.N’essaiepascettemerdeici,tuaspigé?
VoilàdonclesfameuxdécretsRoyal.–Vatefairemettre,Royal.Ellen’étaitpasprostituée,àmoinsquetu
considèresladansecommefaisantpartiedusexe,etsic’estlecas,tavie
sexuelledoitêtrebiennaze.Jesoutienssonregardnoir.– Vas-y,montre-moi le pire de ce que tu peux faire. Tu n’es qu’un
pauvreamateurcomparéàceparquoijesuispassée.Surce,jelaisselesfrèresRoyalscotchéssurplaceetj’entrecommesi
j’étais chez moi. Et immédiatement, je le regrette, parce que tout lemonde, dans le premier salon, se retourne pour me dévisager. Lemartèlementdesbassesproduitunbruitsourddanstoute lamaison, lesmurs tremblentet le sol vibre sousmespieds.Deséclatsdevoixetdesrires me parviennent de derrière l’embrasure d’une porte voûtée, à magauche.Deuxoutroisfillesenhautsmoulantsetjeansskinnymejettentdesregardsdédaigneux.Ungrandtypeenpolomefaitunsourireencoinenlevantsabouteilledebièreàseslèvres.
Je me retiens de ressortir immédiatement, mais si je peux merecroquevilleretdeveniruneciblepourlesdeuxansquiviennent,jesuiscapable de subir cet affront. Lemieux que je puisse faire, c’est de fairefacequandc’estnécessaireetdemecoulerdanslemoulechaquefoisquej’enai lapossibilité.Jenesuis laputedepersonne,maisc’est inutiledefairedesvagues.Alors,jemecontentedesourirepolimentàtousceuxquimedévisagent,etlorsqueleursregardsglissentdemoiverslesRoyal,j’enprofite pour filer dans le couloir le plus proche. Je continue à avancerjusqu’àcequej’aietrouvélecoinleplustranquille,unpetitrecoinobscur,toutauboutd’uncouloir.Ondiraitque j’ai trouvé lecoin idéal, iln’yapersonne.
–Ilestencoretôt,ditunevoixfémininequimefaitsursauter.Maismêmeplustard,cettepartiedelamaisonesttoujoursvide.
–OhmonDieu,jenet’avaispasvue.Jeposeunemainsurmoncœurquibatlachamade.–Onmeleditsouvent.Mesyeuxs’habituentàl’obscurité.Jem’aperçoisqu’ilyaunfauteuil
dans le coin. La fille qui est assise dessus se lève d’un bond. Elle estvraiment petite, elle a des cheveux noirs qui lui arrivent au cou et un
minuscule grain de beauté sur sa lèvre supérieure. Et elle a des formespourlesquellesjemedamnerais.
–JesuisValérieCarrington.LasœurdeJordan?–Etmoi…–EllaRoyal,poursuit-elleàmaplace.–Harper,enréalité.Jeregardeautourd’elle.Est-cequ’elleétaitentraindelireàlalampe
depoche?Jeremarqueuntéléphonesurlapetitetableàcôtédufauteuil.Elleenvoyaitdestextosàsonpetitcopain?
–Tutecaches?–Ouaip.Jet’offriraisbienunechaise,maisiln’yenaqu’uneici.– Moi je sais pourquoi jeme cache, je lui réponds avec honnêteté,
maistoi,quelleesttonexcuse?SituesuneCarrington,tuhabitesbienici?
Ellepouffederire.–JesuislacousinepauvredeJordan,pardeuxfoisdéplacée.Uncas
decharitéabsolue.EtjepariequeJordanneluioffrepaslamoindrechancedel’oublier.
Jehausselesépaules.– Secacher,cen’estpasunemauvaisesolution.Si tut’enfuis, tuas
unechancedevoirlejoursuivant.Dumoinsc’estmathéorie.–Pourquoitutecaches?TuesuneRoyalàprésent.Ilyaunsoupçondemoqueriedanssavoixquimefaitréagir.–CommetoituesuneCarrington?Ellefroncelessourcils.–J’aipigé.Jepasseunemainsurmonfront,jemesensvraimentminable.–Jesuisdésolée.Jen’avaispasl’intentiondetefaireflipper.Maisces
derniers jours ont été durs. Je suis éreintée, et en plus je suiscomplètementpaumée.
Valériehoche la tête etme regarde sans riendirependantquelquesinstants.
–Bon,d’accordEllaHarper,elleaccentuecommesiellevoulaitfairelapaix,essayonsdetrouveruntrucquiteréveille.Tusaisdanser?
–Ouais,plusoumoins,j’aiprisdescoursquandj’étaispetite.–Çavaêtremarrant,alors.Ramène-toi.Ellemeguideàtraverslecouloir,dansunrecoin,sousunescalier.–S’ilteplaît,nemedispasqu’onteforceàdormirsousl’escalier!– Ah ! non. J’ai ma propre chambre en haut. C’est le quartier des
employés,etlefilsdelafemmedeménageestunami.Ilestpartiàlafacetilalaissésonancienmatosdejeuici.Onjouaittoutletemps,mêmeauDDR 2.
Jeluiavoue:– Jenesaispasdutoutcequec’est.Mamanetmoin’avionsmême
paslatélédansnotredernierappartàSeattle.–DanceDanceRevolution.Tucopieslesmouvementsquiapparaissent
surl’écranetplustudansesbien,plustuobtiensdespoints.Jesuisassezbonneà ce jeu-là,mais si tu asdesnotionsdedanse, jenedevrais pascomplètementt’écraser.
Quand elle me sourit, je manque l’embrasser parce que ça faittellementlongtempsquejen’aipaseud’amie.Jenemerendaismêmepascomptequeçamemanquaitàcepoint.
–Tamétaitnul,avoue-t-elleAu ton mélancolique de sa voix, je comprends qu’il lui manque.
Beaucoup.–Ilrevientsouvent?JepenseàGideonquirentrechezluitouslesquinzejours.– Non. Il n’a pas de voiture, donc on ne se verra pas avant
Thanksgiving.C’estsamèrequivaallerlevoir,etj’iraiavecelle.Ellesemblesoudaintoutexcitéeàl’idéedecevoyage.–Maisunjour,ilenauraune.–C’esttonpetitcopain?
–Ouais.Ellemeregarded’unairaccusateur.–Pourquoi?Çateposeunproblème?Jelèvelamainensigned’apaisement.–Biensûrquenon.Jesuiscurieuse,c’esttout.Elle hoche la tête et ouvre la porte d’une petite pièce avec un lit
soigneusementfaitetunetéléd’unetaillestandard.– Et comment sont les Royal chez eux ? me demande-t-elle en
installantlejeu.Jemens:–Sympas.–Vraiment?(Elleal’airsceptique.)Parcequ’ilsn’ontpasétésympas
avectoi.Ouàtonsujetplutôt.Unsentimentridiculedeloyautévis-à-visdecesenfoirésmepousseà
lafermer.–Nâân,ilss’améliorent.JerépètelesparolesdeCallum,maisellesnemeparaissentpasplus
crédibles que dans sa bouche. Pour changer de sujet, je montre latélévision.
–Prêteàdanser?–Ouais.Valérie accepte sans problème mon changement de sujet. Elle sort
deux«vinecoolers 3»d’unminifrigoetm’entendun.–Jeboisànousquinouscachonsetquinousamusonsquandmême.Cejeuesttrèscool.C’estbeaucouptropfacilepournous.Valérieest
une super-danseuse, mais j’ai grandi là-dedans et je suis parfaitementcapable de réaliser n’importe quel déhanché ou mouvement du bras.Valériedécidequenousdevonsnousdonnerdeshandicaps.Nousfaisonsunepauseensirotantnosvinecoolers.Pluselleboit,moinselleyarrive,tandisquechezmoil’alcoolestmagiqueetlamusiquemetransporte.
–Mince,mavieille,tuasladansedanslesang!metaquine-t-elle.Tudevraistentertachancedansunedecesémissionsdedanseàlatélé.
–Nâân.(J’avaleuneautregorgée.)Çanem’intéressepasdepasseràlatélé.
–Ehbien,tuastort.Jeveuxdire,regarde-toi.Tuessexy,mêmedansce déguisement de sale petite richarde, et avec ta façon de bouger, tuseraisunestar.
–Çanem’intéressepas,jetedis.Ellesemarre.–Trèsbien,commetuveux.Ilfautjustequej’aillefairepipi.Jerigole,moiaussi,quandelledélaisselejeuaumilieud’unechanson
pourallerauxtoilettes.Elleauneénergiefolle,jel’aimebien.Jemedisqu’ilfautquejepense
àluidemandersiellevaàAstorPark,elleaussi.Ceseraitsympad’avoirune copine lundi.Mais lemorceau change et lamusiquem’entraîne denouveau.
PendantqueValérieestauxtoilettes,commence«TouchMyself»desDivinylsetjemeremetsàdanser.Paspourjouer,maisavecmespropresmouvements.Unedanselascive,torride.Dugenredecellesquiaccélèrentmonpoulsetcouvrentmespaumesdesueur.
L’imageinopportuneducorpssexyetdesyeuxbleusdeReedapparaîtdevantmoi.Merde, ce Royal trou du cul a envahimes pensées, je suisincapablede l’oublier. Je ferme lespaupières et j’imagine sesmainsquiglissentlelongdemeshanchesetmeserrentcontrelui.Sajambepasseentrelesmiennes…
Lalumières’allumeetjem’arrêtebrusquement.–Oùest-il?medemandelediableenpersonne.–Qui?jedemandesilencieusement.Je n’arrive pas à croire que j’étais en train de fantasmer sur Reed
Royal,letypequicroitquejebaiseavecsonpère.–Lecrétinpourquitudanses.Reedtraverselapièceetm’attrapelebras.–Jet’avaisprévenuedenepasjouertessalestoursàmespotes.–Iln’yapersonneici.
Mon esprit embrumé par l’alcool est trop lent pour comprendre cequ’ilveutdire.Lachassed’eaudestoilettessemetenmarche.
–Ahouais?Ilmerepousseetouvreengrandlaportedestoilettes.Unhurlement
de panique se fait entendre et il bredouille une excuse en refermant laported’uncoupsec.
Jenepeuxm’empêcherd’arborerunsourirenarquois.–Est-cequejet’aiditquej’étaislesbienne?Ilnemetrouvepasdrôledutout.–Pourquoitunem’aspasditquetuétaisavecValérie?– Parce que c’était plus marrant de te voir tirer des conclusions
hâtives.Etmêmesijet’avaisditavecquij’étais,tunem’auraispascrue.Tuasdéjàdécidéquij’étais,etrienneteferachangerd’avis.
Ilfroncelessourcils,maisnemecontreditpas.–Viensavecmoi.–Laisse-moiréfléchir.Je tapote du doigt ma lèvre inférieure, comme si j’étudiais
sérieusementsoninvitationfoireuse.Ilalesyeuxrivéssurmoi.–Okay,j’aidécidé,c’estnon.–Tun’aimespascetendroit,dit-il.–C’estça,MonsieurlePerspicace.Ilignoremessarcasmes.– Ouais, eh bien moi non plus, je n’aime pas ça. Alors, voilà le
marché. Si tu ne viens pas avec moi et que tu ne fais pas un putaind’effort, mon père va continuer à te forcer à aller à toutes ces soiréesmerdiques.Maissitubougestesfessesd’icietquetoutlemonderaconteàsesparentsqu’ilt’avue,alorsmonpèretelâchera.Pigé?
–Pasvraiment.Reedserapproche,etunefoisencorejesuisécraséeparsataille.Ilest
tellementgrand.Sigrandqu’onpourrait lesurnommer« laperche»,ouuntrucdugenre,s’ilétaitplusmaigrichon.Maisilnel’estpas.Ilestgrand
etmusclé,et l’alcoolmefaitperdremesmoyensetmerendtoutechoseensaprésence.
Ilcontinueàparlersansimaginermespenséessalaces.– Simon père pense que tu es un pauvre petit agneau solitaire, il
continueraàessayerdenousrassembler.Oupeut-êtrequ’enfait,c’estceque tuveux?C’estça?Tuveuxqu’on tevoieavecnous.Tuveuxallerdanscesfêtes.
Sesaccusationsréveillentmonespritembrumé.–Parceque,c’estbienconnu,j’aipasséuntempsfouavectoicesoir.Il ne réagit pas, même s’il sait que j’ai raison. Ça n’est pas grave.
Parfait.Jem’écrie:–Viens,Valérie,onvas’amuser.– Je ne peux pas. J’ai la honte. Reed Royal m’a vue aux chiottes,
gémit-elleàtraverslaporte.–Cetrouduculestparti.Enplus,tuessansdoutelachoselaplus
attiranteetlaplusconvenablequ’ilaitvuecesoir.Reedfaitlesgrosyeux,maisilsortquandjementionnesondépart.Valériefinitparsortir.–Pourquoidevons-nousquitternotrepetitcoindeparadis?–Pourvoiretêtresvues,jeluirépondshonnêtement.–Beurk.C’estjusteépouvantable.–Jen’aijamaisprétendulecontraire.
1.Budsignifie«pote»,enanglais.
2.Dance Dance Revolution est un jeu vidéo qui consiste à « danser » avec ses pieds unechorégraphiepréenregistréeetaffichéesurunécran.
3.Un«vinecooler»estunmélangedevinrougeetdejusdefruit.
CHAPITRE9
Lapremièrepersonnequenousrencontronsenentrantdanslapièce,Valérieetmoi,c’estSavannahMontgomery.Elleportedesjeansmoulantsdéchirésauxgenouxetunhautquiluiarriveaunombril.EllealesyeuxcolléssurGideonquiluitourneledosetdiscuteavecunautretypeadosséaumur.
Comme si elle faisait la relation entreGideon etmoi, elle tourne latêtedansmadirection.Ellenemefaitaucunsigne,nemeditpasbonjour,maisnousnousdévisageonsrapidement,puisellesetourneverssacopinepourluidireuntruc.
Lamusiquehurle.Toutlemondeboit,danseousedonneenspectacledanstouslescoins.Derrièredesportescoulissantes,j’aperçoisunegrandepiscineenformedeharicotdontlalumièrebleuâtrelancedesombressurles visages des mômes installés autour. Il y a du monde partout. C’estassourdissant,ilfaitlourd,etjeregrettedéjàlatranquillitédesquartiersdupersonnel.
–Ilfautvraimentqu’onvienneici?murmureValérie.JecroiseleregarddeReedquinousobservedepuislebarenboisde
chêne,àl’autreboutdelapièce.Eastonestaveclui,ettousdeuxhochentlatêteensigned’avertissementlorsquejecroiseleurregard.
–Oui,illefaut.Elleprendunairrésigné.–Trèsbien.Mais,ducoup,autantenfiniraveccettemerde.
Valérieestunevéritableaubaine.Ellepassesonbrasautourdumienetmeprésenteàtout lemondeenmurmurantdescommentairesàmonoreille.
– Cette nana, Claire ? Elle baise avec Easton Royal. Elle adoreraconter partout qu’elle est sa petite amie, mais tout le monde saitqu’Eastonn’apasdepetiteamie.
–Thomas?C’estunvraiconnard,maissonpèreestsénateur,etsesmauvaiscoupssonttoujourseffacés.
–Net’approchesurtoutpasdeDerek.C’estuneusineàchlamydia.Jem’étranglederirependantqu’ellem’emmèneversunautregroupe,
troisfillesenminijupespastelassorties.–Lydia,Ginnie,Francine,voiciElla.Valérieleurfaitunsignedelamainpuism’éloignedelabandePastel
avantqu’ellespuissentouvrirlabouche.– Tu t’es déjà demandé si certaines personnes naissaient sans
cerveau?Tuenaslapreuvesouslesyeux.Cesfillest’offrentuneparfaitedéfinitiondumot«imbécile».
Je ne vais pas vousmentir, ces présentationsm’amusent beaucoup,surtout d’ailleurs les potins qui les accompagnent. Je remarque quepersonnenemeditautrechosequ’unsimple«Salut»àpeinemurmuré,avantderegarderlesréactionsdesfrèresRoyald’unairinquiet.
–Bon,leplussimpleestfait,ditValérieensoupirant.Ilesttempsdeterrasserledragon.
–Ledragon?–Macousine.Autrementdit,lareinedesabeillesd’AstorPark.Jete
préviens,elleestsuper-possessivequandils’agitdesRoyal.Jesuisquasicertainequ’elleestdinguedescinq,mêmedesjumeaux.
Enparlantdes jumeaux,nous rencontronsSawyerennousdirigeantvers lapiscine. Je saisque c’est luiparcequ’il porteun tee-shirtnoir etque,plus tôtdans la soirée, j’ai entenduGideonappelerSébastien celuiqui portait un tee-shirt blanc.Unepetite rousse le serredeprès.Elle le
couvredebaisersdanslecou,cequinel’empêchepasdemetranspercerduregardlorsquenousnouscroisons.
–LapetiteamieduplusjeunedesRoyal,meditValérie.LaurenouLaura, quelque chose comme ça. Désolée, je ne connais pas bien lesTroisième.
Enrevanche,elleestparfaitementinforméepourtouslesautres.Pourune fille qui aime se cacher, Valérie est un puits sans fond de potins.Finalement, observer les choses en douce est certainement lameilleurefaçond’obtenirdesinformations.Ellem’avertit:
–Prépare-toi.Ellepourraitfortbiensortirsesgriffes.Lesgriffesenquestionappartiennentàuneravissantebrunedansune
robedesoievertequiluicouvretoutjustelescuisses.ElletrônedansunfauteuildevelourscommesielleseprenaitpourCléopâtre,ouDieusaitqui. Ses amies prennent la pose, elles aussi, dans des robes tout aussiriquiqui.
Lespoilsdemanuquesehérissent.Entournantlatête,jevoisReedetEaston qui passent les portes-fenêtres. Reed me dévisage. Très vite, ilhumectesalèvreinférieureetmoncœurfaitunbond,cequim’énerve.Ilestbeaucouptropattirant.
Valériecomplimentesacousine.–Jordan,tasoiréeestgéniale,commetoujours.Labrunesouritd’unairsatisfait.– Ça m’étonne de te voir te balader ici et là, Val. D’habitude, tu
préfèresteplanqueraugrenier,non?–Cesoir,j’aidécidédevivredangereusement.Jordanexaminelesjouesrougissantesdesacousine.–C’estcequejevois.Tuasbeaucoupbu?Valérieouvredegrandsyeuxetsetourneversmoi.–VoiciElla.Ella,jeteprésenteJordan.Puisellemontrelesautresfillesdudoigt.–Shea,Rachel,Abby.Seulel’uned’ellesmejetteunregard.Shea.
–TuasdéjàrencontrémasœurSavannah,dit-ellefroidement.J’acquiesce.–Ouais.Unechouettefille.Elle plisse les paupières. Je pense qu’elle essaie de deviner si jeme
moqueoupas.Jordanreprendlaparole.Sesyeuxnoisetteétincellent.–Bon.Ella.CallumRoyalesttonnouveaupapa,hein?Jeremarquequetoutel’arrière-courestmaintenantsilencieuse.Même
la musique qui vient du salon semble s’être arrêtée. Je sens tous lesregards braqués sur nous. Plus précisément sur Jordan. Ses copines ontl’airde jubiler. Jemeprépareà l’attaque,parceque clairement, c’est cequiseprépare.
Jordanserassiedetcroiseseslonguesjambesdefaçonséduisante.–Çafaitquoidefairedespipesàunvieux?demande-t-elle.Quelqu’unrenifle.Quelquesgloussementsmechatouillentledos.Ma
gorge se serre.Cesgens se foutentdemoi. Je comprendsque lesRoyalontparléàleurscopains,sansdoutebienavantquej’arrive.Personneicin’ajamaissongéàmelaisserlamoindrechance.
Je suis horrifiée à l’idée de me mettre à pleurer. Non. Eh merde !J’emmerde Jordan et tous les autres. Je ne viens peut-être pas d’unefamillequi« faitdesaffairesdans l’hôtellerie»,mais jevauxmieuxquecette pute. J’ai survécu à bienpire que ce qu’elle pourrait supporter. Jeclignedesyeux,enaffichantuneexpressionindifférente.
– Ton père n’est pas simal, si c’est ce que tu veux savoir,mais jetrouveçasuper-flippantqu’ilmetire lescheveuxetmeforceà l’appelerpapa.Est-cequetoutvabiencheztoi?
Valériepouffederire.UnedescopinesdeJordan,choquée,pousseunpetitcri.Lesyeuxde
Jordans’embrasentuninstant,avantqu’unelueurderaillerien’yretrouvesaplace.Elleaunpetitrireétranglé.
–Tuavaisraison,dit-elleàquelqu’underrièremoi.C’estunemoins-que-rien.
Inutiledemeretournerpourcomprendrequ’elles’adresseàReed.Àmescôtés,Valérieseraidit.
–Tuesunevraiesalope,tusais?dit-elleàsacousine.– Mieux vaut être une salope qu’une occasionnelle, répond Jordan
avec un petit sourire. (Puis, avec un signe de la main, elle poursuit.)Foutez-moilecamp.C’estmasoirée,j’essaiedem’amuser.
Nous sommes renvoyées. Valérie fait demi-tour et je la suis, maisquandnousatteignonslaporte,jemedétournepourallerversReed.
Sesyeuxbleusne laissent rien filtrer,mais samâchoire secrispeunpeuquandilmevoit.Jemurmureàsonoreille:
– Voilà. J’ai faitmondevoirdeRoyal. Passeme chercher quand ceseral’heurederentrer.
Etjelelaissesurplacesansmeretourner.Ilestuneheuredumatinquandnousquittonslasoirée.Eastonmonte
mechercherdans lachambredeValérie.Noussommesvautréessursonliten trainderegarderSoyou thinkyoucandance.Valériea téléchargétouteunesaisonetm’aforcéeàregarderplusieursépisodes,eninsistantpourquejeposemacandidatureàl’émission.
Easton m’annonce que nous partons, puis attend là pendant quej’embrasseValérieetquejeluidisqu’elleaintérêtàmeretrouveràl’écolelundi.
Dehors,jem’aperçoisqueGideonetlesjumeauxsontdéjàpartisavecl’unedesRangeRover,cequisignifiequejesuisobligéederentreravecReedetEaston.Reeds’installeauvolant,sonfrèreàcôtédeluietmoijemeglisseà l’arrièrependantqu’ilspoursuivent leurconversationcommesijen’étaispaslà.
–Onvaécraserl’équipedeWyatt.Lamoitiédeleurligned’attaqueaobtenusondiplôme l’andernier,ducoup la route jusqu’àDonovanseracomplètementdégagée.
Reedgrogneensigned’approbation.– Ensuite, on va affronter Devlin High, ce sera un putain de jeu
d’enfant.Leurquaterbacka lagueuledebois lamoitiédutempset leur
ligne de receveurs à lamain tellementmolle que ce sera une véritableplaisanterie.
Eastonpérored’unevoixanimée, sanssa tensionhabituelledans lesépaules.Oubienilestbourré,oubienilcommenceenfinàacceptermaprésence.
J’essaiedemejoindreàleurconversation.–Vousjouezàquelleplace,lesgars?Ethop!Çasuffitpourquesesépaulesseraidissentdenouveau.–Défenseurdedeuxièmeligne,ditReedsansmêmeseretourner.–Ailierdéfensif,marmonneEaston.Etilsrecommencentàm’ignorer.Eastonraconteàsonfrèrelaturlute
qu’ils’estoffertecesoir.– C’estcommesiellenes’appliquaitplusqu’àquarantepourcentà
présent. Avant, c’était vraiment du cent pour cent, tu sais ? Elle mebouffaitlabitecommesielleétaitenchocolat,etmaintenant,c’estjustequelquescoupsdelangueetpuissionsefaisaitdescâlins?J’aihorreurdeça.
Reedpouffederire.– Elle seprendpour tapetitecopine.Lespetitescopinesn’ontplus
besoindefairedesefforts.–Ouais.Ilestpeut-êtretempsdelalaissertomber.–Vousêtesdesporcs,dis-jedepuislabanquettearrière.Eastontourneversmoisonregardbleumoqueur.–Maisnesommes-nouspaslesSeigneurstout-puissants,Madamela
travailleusedusexe?Jeserrelesdents.–Jenesuispasunetravailleusedusexe.–Hmmm.Ilseretournesursonsiège.–Jenelesuispas.Unsentimentd’impuissancemesubmergesoudain.
– Vous savez quoi ? Je vous emmerde, tous les deux. Vous nemeconnaissezpas.
–Noussavonstoutcequenousavonsbesoindesavoir,ditReed.–Vousnesavezriendutout.Jememordsleslèvresetjetournelatêteversmavitre.Noussommesenvironàmi-chemindumanoirdesRoyallorsqueReed
s’arrête brutalement au bord de la route. Je croise son regard dans lerétroviseur,maissesyeuxsonttotalementinexpressifs.Ilaboie:
–Terminus.Descends!Ilmeprendparsurprise.–Quoi?– Eastetmoidevonsallerailleurs.Nousallonspar ici(ilmontre la
gauche)etlamaisonestparlà.(Ildésignelarouteenfacedenous.)C’estlemomentdetemettreàmarcher.
–Mais…–Troiskilomètres,cen’estpaslamort.Ilal’airdeprendresonpied.Eastonestdéjàhorsdelavoiture,ilm’ouvrelaportièrearrière.–Bouge-toi,frangine.Onn’apasenvied’êtreenretard.Jesuisstupéfaite.Ilmetiredelavoitureetmepoussesurlebas-côté
delaroute.Sérieusement,est-cequ’ilsvontm’abandonnerici?Ilestuneheuredumatinetilfaitnuitnoire.
Ilss’enfichentroyalement.Eastonsautesurlesiègepassager,claquela portière et me fait un petit signe de la main. Le SUV démarre entrombe,etReedtourneàgaucheenmerecouvrantdepoussière.
J’entendsleurséclatsderireàtraverslafenêtregrandeouverte.Jeneversepasunelarme.Jememetsàmarcher.
CHAPITRE10
Lelendemainmatin, jeprendsseulemonpetitdéjeuneràlacuisine.J’aimalauxjambes,etmespiedssonttoutmeurtrisd’avoirmarchétroiskilomètresdansdeschaussuresneuvesquin’étaientpasencorefaites.J’airêvéqueReedmepoursuivaitdansuntunnelnoircommeducharbon,savoixgrave semoquaitdemoidans l’obscurité, sonhaleinechaudedansmon cou me faisait frissonner. Je me suis réveillée avant qu’il puissem’attraper, mais j’aime à penser que lorsqu’il y est parvenu, je l’aiétranglé.
Jenesuispasimpatiented’alleràl’écolelundi,etcesdixmilledollarsdans mon sac à dos me crient : Pars. Cours. Recommence. Mais il y atellementplusd’argentenvue…
Peut-être que les Royal ont raison. Peut-être que je suis une pute.Même si je ne couche pas pour de l’argent, j’accepte celui de Callumcontred’hypothétiquesfaveursfutures.Brookem’aditqu’ill’avaitsauvée,maisj’aicomprisàlafaçondontilssontl’unavecl’autrequ’ilscouchentensemble.
Desbruitsdepassefontentendredanslecouloir.Eastonentredanslacuisine.Ilesttorsenuetporteunpantalondejogginggrisquiluidescendsurleshanches.Jem’efforcedenepasfixersestablettesdechocolat.Maisje laissemon regard s’arrêter sur la longue coupure qu’il a à la tempedroite. Iladûpasmalsaigner,maisàprésentc’estunefine lignerouge
longuededeuxcentimètresetdemiquidépareavecsapeauparfaitementlisse.
Sansmefaire lemoindresigne, il sortdu jusd’orangedufrigoet leboitàmêmelabouteille.
Noteperso:nepasenboire,saufsijeveuxchoperunherpès.Jemeconcentre surmonyaourt, je fais commes’iln’étaitpas là. Je
n’aiaucuneidéedel’endroitoùReedetluisontalléslanuitdernièreetdel’heure à laquelle ils sont rentrés, et je ne suis pas sûre de vouloir lesavoir.
Je sens qu’ilm’observe.Quand je tourne la tête, il se penche sur lecomptoir.Sesyeuxbleussuivent lemouvementdemacuillèreversmeslèvres,puisredescendentsurl’ourletdemapetitechemisedenuit.
–Tuaimescequetuvois?jeluilanceenprenantuneautrecuillerée.–Pasvraiment.J’écarquillelesyeuxetjefaisungesteendirectiondesacoupureavec
macuillère.–Qu’est-cequis’estpassé?Tut’escognédansletableaudeborden
faisantunepipeàtonfrèrelanuitdernière?Ilsemarreettournelesyeuxverslaportederrièremoi.–Tuentendsça,Reed?Notrenouvellesœurpensequejet’aisucéla
nuitdernière.Reedentredanslacuisine,luiaussiesttorsenu,enbasdejogging.Il
neregardemêmepasdansmadirection.–Fautvoirsiellepeuttedonnerquelquestuyaux.Elleal’airdes’y
connaîtreenbites.Jeluifaisundoigtd’honneur,maisilmetourneledos.Eastonlevoit,
lui,etunsouriresedessinelentementsurseslèvres.–Chouette.J’aimebienlesnanasquirésistentunpeu,lance-t-il.Ilselèveets’approchedemoi,lespoucesglissésdanslaceinturede
sonjogging.–Tuendisquoi,Ella?(Ilprononcemonnomcommesic’étaitune
insulte.)Tuveuxnousmontrercequetusaisfaire?
Mon cœur s’arrête. Je n’aime pas du tout son regard bestial. Il estdebout,justeenfacedemoi.Sonsourires’élargit,ilglisseunemaindanssonpantalonpourattrapersaqueue.
–Tuesnotresœuràprésent,pasvrai?Alors,vas-y.Ilsecaresse.–Fileuncoupdemainàtonfrère.Jen’arrivepasàrespirer.J’ai…lesjetons.Jejetteuncoupd’œilàReed,assissurlecomptoir,brascroisés.Ila
l’airdes’amuser.Lesyeuxbleusd’Eastonsevoilent.–Qu’est-cequisepasse,sœurette?Tuasperdutalangue?Impossible de lui répondre. Mes yeux cherchent désespérément la
portequimèneauxescaliers.L’autreportesetrouvederrièremoi,maisjeneveuxpas tourner ledos àEaston si j’ai besoinde courir chercherdel’aide.
Illitlapeurdansmonregardetsemetàrire.Etjustecommeça,samainsortdesonpantalon.
–Aïe,regardeça,Reed.Elleapeurdenous.Ellepensequ’onvaluifairedumal.
Reed rigole lui aussi. Depuis son perchoir, sur le comptoir, il mesourit.
–Cen’estpasnotretruc.Onn’apasdeproblèmespournousenvoyerenl’air.
Leharcèlementsexueln’arienàvoiravecs’envoyerenl’air,çaaàvoiraveclepouvoir,ai-jeenviederépondre,maisjemerendscomptequej’aieupeurpourrien.Ilsn’ontpasbesoindemefairedumal.Ilsontdéjàlepouvoir.C’est…c’étaitde l’intimidation.Un jeu. Ilsvoulaientmemettremalàl’aise,etilsontréussi.
Nousnousdévisageonstouslestroissansbouger,etvoilàqueCallumentredanslapièce.Ilfroncelessourcilsquandils’aperçoitqu’Eastonmefrôleetquesonautrefilsseplanquesurlecomptoir.
–Est-cequetoutvabien?
LesfrèresRoyalmefixent,ilss’attendentàcequejelesdénonce.Jenelefaispas.–Toutvasuper-bien.Jereprendsunebouchéedeyaourt,maismonappétits’estenvolé.–Vosfilsetmoifaisonsmieuxconnaissance.Voussaviezqu’ilsontun
humourhallucinant?Easton grimace un sourire. Quand son père détourne le regard, sa
mainfrôleànouveausabite.–Tut’esbienamuséeàlafête,hiersoir?demandeCallum.Reedmeregardeenhaussantlessourcils,ils’attendcettefoisàceque
jeraconteàsonpèrequ’ilsm’ontabandonnéesurleborddelaroute.Çaaussi,jelegardepourmoi.Jemens:
–C’étaitsuper.Super-fun.Callummerejointàtable.Iltentedefairelelienentrelesgarçonset
moi,maissonattentionestuniquementattiréeparReedetEastonquinecherchentpaslemoinsdumondeàcacherleurssentiments.
–Qu’est-cequetuaimeraisfaireceweek-end?–Jesuisbien,nevouspréoccupezpasdemoi.Ilpivotesursachaise.Enlevantlementon,ildemande:–Etvousdeux?Cequisignifiequ’allons-nousfaireavecElla.Çamefaitgrimaceretje
sens immédiatement cette tension apparaître entremes omoplates, quej’aidécidédebaptiser«ladouleurdesRoyal».
–Onadestrucsprévus,murmureReed,etilquittelapièceavantqueCallumpuisseouvrirlabouche.
Celui-cisetourneversEaston,quilèvelesmainsaucieletclignedesyeuxinnocemment.
–Nemedemandepas.Jesuisceluidumilieu.Jefaiscequelesautresmedisentdefaire.
Callumfroncelessourcilset,malgrélatension,jerenifledoucement,lenezdansmonbol.
Eastonne faitquecequ’ilveutbien faire.Personnene l’a forcéàsepalucheretàmefairedespropositions.Ilaimebienjoueràcejeu-là,ilyjoue sans que personne ne l’y incite. C’est pratique pour lui de fairecommesiReedétaitlemeneur,çaluiôtetouteresponsabilité.
–Ehbien,peut-êtrepeux-tumedirequelssontlesplansqueReedaconçuspourtoi,luilanceCallum.
Eastonsetait.Pourlui,cen’estpaslamêmechosededésignerReedcommeleaderetdesefairetraiterdemarionnetteparsonpère.
–Jusqu’àprésent,tunet’esjamaissouciédecequejefaisaisleweek-end.
Il remet labouteillede jusd’orangeau frigo.Puis,avecunregardàsonpèreassezhaineuxpour lui faireattraperdescheveuxblancssur-le-champ,ilsortàsontour.
Callumsoupire.–Cen’estpasencorecetteannéequejevaisgagnerlepremierprix
dumeilleurpapa,n’est-cepas?Jetapotelatableavecmacuillèreàplusieursreprises,parcequej’ai
mieuxàfairequ’àfourrermonnezdanscequinemeregardepas.MaisCallum me plonge au beau milieu d’un vrai bordel, et les dommagescollatérauxpourraientêtretrèsviolentss’ilneparvientpasàmaîtriserlasuitedesévénements.
– Écoutez, ne le prenez pas mal, Callum, et bien entendu, vousconnaissezmieux vosmômes quemoi,mais pourquoime jetez-vous entraversdeleurchemin?Honnêtement,jepréfèrequ’ilsm’ignorent.Çanemefaitpasdepeinequ’ilsn’apprécientpasmaprésence,etlamaisonestassezgrandepouréviterdenouscroiserpendantdesjoursentiers.
Il m’observe un moment, comme s’il tentait de deviner si je suissincère.Ilfinitparsouriretimidement.
–Tuasraison.Çan’apastoujoursétécommeça.Ons’entendaitbienavant,mais depuis lamort de leurmère, plus rien ne va. C’est triste àdire,mais ces garçons sontpourris gâtés. Ils auraient bienbesoind’unebonnedosedevraievie.
Etc’estmoi,ladosedontilparle?Jefroncelessourcils.–Jenesuispasuncoursderattrapage.Etvoussavezquoi?J’aieu
l’expériencede lavraievie,et c’est trèsmoche.Jen’imposerai jamais lavraievieauxgensquej’aime.J’essaieraiplutôtdelesprotéger.
Jemelèvedetableetjelelaissetoutseul.Àl’extérieurdelacuisine,jetrouveReed,cachédanslehall.–Tum’attendais?J’assumecomplètementletonlégèrementnarquoisdemavoix.Reed m’examine attentivement. Ses yeux bleus magnifiques
s’attardentsurmesjambesnues.–Jemedemandejusteàqueljeutujoues.– J’essaie de survivre, lui dis-je honnêtement. Tout ce que je veux,
c’estréussiràallerlafac.–EtempocherunbonpaquetdefricdesRoyal?Jemehérisse.Cetypen’abandonneradoncjamais.– Peut-être avec quelques-uns de vos cœurs en prime, dis-je
doucement.Etensuite,avecunecertainehardiesse,jelèveundoigtetj’effleureses
pectoraux nus en griffant doucement sa peau avec mon ongle. Ça luicoupelesouffle,c’estpresqueimperceptible,maisquandmême.
Moncœurs’emballeetmonsangsemetàpulserdansdesendroitsdemoncorpsquejeneveuxabsolumentpasassocieràReedRoyal.
–Tujouesunjeudangereux,grince-t-il.Jelesaistrèsbien.MaisjeneveuxpaslaisserReedserendrecompte
qu’ilm’atouchée.Jebaisselamainetserrelepoing.–Jeneconnaispasd’autrefaçondejouer.Cet instantdevérité le laissesansvoix.J’enprofitepourm’esquiver.
J’aimeraisme persuader que j’ai gagné ce round,mais j’ai le sentimentquechaquerencontreavecReedaltèrequelquechosed’essentielenmoi.
Je passe la journée à explorer lamaison et les jardins.À côté de lapiscine se dresse une poolhouse entièrement construite en verre danslaquelleilyauncanapé,quelqueschaisesetunekitchenette.
Unescalierdescendàlamer,maisc’estpleinderochers,onnepeutpas appeler ça une plage, à moins d’aller plus loin le long du rivage.Cependant,c’estsplendide,et jem’imaginetrèsbieninstalléelàavecunlivreetunetassedechocolatchaud.
J’aidumalàmedirequec’estçamavie,àprésent.Silaseulechoseque j’ai à faire, c’est de supporter les insultes des frères Royal pendantdeuxans,ceseradugâteaucomparéàtoutcequej’aivécuavant.
Jen’ai plus àm’inquiéter d’avoir assez àmanger oude savoir où jevaisdormirlesoir.Plusbesoind’allerd’unevilleàl’autrenidechercheràmarquer des points le plus rapidement possible. Plus besoin d’être auchevetdemamanetde la regarderhurleret se tordrededouleurparcequenoussommestroppauvrespourpouvoiracheterlemédicamentquilasoulagerait.
Cessouvenirsdéclenchentenmoiunchagrin immense.ToutcommeCallum,mamann’étaitpas lameilleuremèredumonde,maisellea faitdumieuxqu’ellepouvait,etjel’aimais.Quandelleétaitencorevivante,jen’étaispastotalementseule.
Ici,devantl’immensitédel’océan,sansâmequivivedanslesenvironsà part unmartin-pêcheur et quelques mouettes au loin, la solitudemesaisitviolemment.Peum’importecequeditoutentedefaireCallum, jeneseraijamaisuneRoyal.
Peut-êtrequejevaisrentrerlireàl’intérieur.Lagrandemaisonestsilencieuse.Lesgarçonssontsortis.Callumm’a
laisséunmotpourdirequ’ilétaitpartitravailler,aveclemotdepasseduWi-Fi, son numéro de portable et celui deDurand. Sous lemorceau depapier,ilyaunepetiteboîteblanche.J’ailarespirationquis’emballe.Jesoulèveavecprécautionlesmartphonequ’ellecontientcommes’ilétaitencristalderoche.Avecmonvieuxtéléphoneportable,jepouvaispasseret
recevoirdesappels.Maisaveccelui-là…j’ai l’impressionque jepourraishackertouteunebasededonnées.
Je passe tout le reste de l’après-midi à jouer avecmon téléphone, àchercher des grosses conneries et à regarder des vidéos atroces surYouTube.C’estgénial.
Versdix-neufheures,Callumm’appellepourmedirequeledînerestprêt.Jeleretrouvedanslepatio,encompagniedeBrooke.
–Çatevasinousdînonsàlamaison?medemande-t-il.J’examinelesplatstousplusappétissants lesunsquelesautreset le
patiosijolimentéclairé,etj’essaiedenepasécarquillerlesyeuxdevantcespectacle.Quipourraitnepasaimerça?
–C’estparfait.Pendantledîner,jedécouvreuneautrefacettedeBrooke.Unefacette
étrangeetvulnérable,quilafaitbaisserlesyeuxetjouerdescilsdevantCallum. Et Callum ? Ce type qui dirige un groupe d’aéronautiquemilitaire?Ilgobetoutçaavecuneparfaitecandeur.
–Tuveuxunpeuplusdevin,monchéri?luidemandeBrooke.LeverredeCallumestencorepratiquementplein.–Non,çavatrèsbien.(Illuifaitungrandsourire.)Jesuisentrainde
dînerencompagniedesdeuxplus jolies femmesquisoient.Lesteakestparfaitement cuit, et je viens tout juste de conclure un accord avecSingaporeAirlines.
Brookeapplauditdesdeuxmains.– Tu es vraiment incroyable. Je t’ai déjà dit à quel point tu étais
incroyable?Elle se penche vers lui, ses seins s’écrasent contre son bras, et elle
dépose un baiser mouillé sur sa joue. Il me jette un rapide coup d’œilavantdesereculer.Brookefaitunpetitbruitdésappointé,maisserassiedsursachaise.
Jemeplongedanslacontemplationdemonsteak.Jenesaispassij’aidéjàmangéunmorceaudeviandeaussitendre.
– Le steak, c’est très grossissant. Comme toutes les viandes rouges,d’ailleurs,m’expliqueBrooke.
– Ellan’apasàs’enfairepourça,répondCallumavecunecertainebrusquerie.
–Tuleregretterasplustard,meprévientBrooke.Je baisse les yeux sur le succulent morceau de viande, puis sur la
silhouettefiliformedeBrooke.Jecroisquejecomprendsd’oùellevient.Commemoi, elle est pauvre. Elle dépendde la générositédeCallumetellecraintsansdoutequesielleperdaitsabeauté,ilsedébarrassed’elle.Jenesaispassiellearaisonoutort,maiscelan’invalidepassesconseils.Celadit,j’aifaim,etjeveuxmangercesteak.
–Mercidutuyau.CallumétouffeungloussementetBrookefaitlamoue.Uneexpression
que je n’arrive pas bien à décoder traverse son visage. Quelque choseentre le désappointement et la désapprobation. Ses lèvres pulpeuses secrispent un peu, elle se tourne vers Callum et engage avec lui uneconversationàproposd’unefêteàlaquelleilssontallésavantquej’arrive.
La culpabilité rend ma bouchée de viande suivante un peu moinssavoureusequelapremière.Jel’aivexéeet,maintenant,ellemerejette.ÀpartValérie,c’étaitleseulvisageamiquej’avaisdanscenouvelendroit,etvoilàquejel’aiperdu.
– Nous devrions peut-être organiser une fête de bienvenue dans lafamille pour Ella ? suggère Callum en tentant de m’inclure dans laconversation.
EtCallum.Ilaétéabsolumentparfaitdepuisqu’ilm’atraînéehorsduDaddyG,maisunefêteaveclesconnardsdulycée?Jepréféreraisqu’onm’arrachelesonglesunparun.
Jereposemafourchetteàcôtédemonassiette.–Jen’aipasbesoind’unefête.Vousm’avezdéjàdonnétoutcedont
j’avaisbesoin.BrookeposesatêtesurlalargeépauledeCallum.
– Callum, ne t’en fais pas pour ça. Ella va se faire des amis à sonrythme,n’est-cepasmachérie?
J’acquiesce.–C’estvrai.Je lui adressemon plus beau sourire et ça a l’air demarcher parce
qu’ellesedétend.–Trèsbienalors.Pasdefête.– Callum est le meilleur, n’est-ce pas ? dit Brooke en tripotant le
boutonduhautdesonchemisier.Elleagitdefaçonpossessive,commesielleessayaitdedéfendreson
territoire.J’aimerais lui fairecomprendreque jenesuispasunemenacepourelle,maisjenesaispassiellemecroira.
– Nous sommesces colombesblessées.Heureusement,une foisquenousallonsmieux,ilnenousrenvoiepas.
–PersonnenerenverraElla,c’estuneRoyal.JeregardeBrookefixementet,vusonvisagefermé,elles’estfortbien
renducomptequ’iln’apasmentionnésonnomàelle.– Vraiment? Je croyaisquec’était la filledeSteve. Il ya certaines
chosesquetunouscaches?Ilsetendcommesiellevenaitdelefrapper.–Quoi?Non.Biensûrquec’estlafilledeSteve.Callumadumalàdéglutir.– Il a disparu, alors Ella faitmaintenant partie dema famille, tout
comme les garçons auraient fait partie de la sienne s’il m’était arrivéquelquechose.
–Bienentendu.Jevoulaisjustedirequetuesgénéreux.Savoixbaissedeplusieurstons.Tellementgénéreux.À chaque mot, elle se rapproche un peu plus de lui, jusqu’à être
pratiquementsursesgenoux.IlprendsafourchettedanssamaingaucheetpassesonbrasautourdelachaisedeBrooke.Ilmelanceuncoupd’œilquisignifie,jemesersd’elleautantqu’ellesesertdemoi.
J’aipigé,çayest.Cethommeaperdusafemmeetsonmeilleuramien très peu de temps. Je sais ce que ça fait de perdre quelqu’un, et siBrookeremplitcevidepourCallum,tantmieuxpourlui.
Maisjen’ainulleenvied’assisteràlasuite.–Jerentrepourprendreun…Jen’aipas le tempsde finirmaphrase,Brookeestdéjà surCallum.
J’ouvre de grands yeux lorsqu’elle l’enjambe en lui tirant les oreillescommeàuncheval.
–Non,pasici,Brooke.Sonregardsetournedansmadirection.Jemedirigerapidementvers
lacuisine.Par-derrière,jel’entendsquirassureCallum.–Elleadix-septans,chéri.Elleenconnaîtsûrementpluslongsurle
sexequenousdeuxréunis.Etsicen’étaitpaslecas,lesgarçonsvontladéniaisertrèsrapidement.
Çamefaitfrémir.JenesaispasqueltrucbandantBrookeaconcocté,maisj’entendsCallumgémir:
–Attends.Attends,Brooke.Elleluirépondavecunriredegorge,puislachaisedeCallumsemet
àgrincer.Merde,c’estungrandpatio.Eastonsortdelacuisinelorsquej’yentreenfin.Ilregardederrièremoi
cequisepassedanslepatiod’unaircomplètementimperturbable.–BienvenueauRoyalPalace,dit-il.Puisunsourireespiègleluifendlaboucheetilsemetàhurler:– N’oublie pas de te couvrir quand tu vas le sortir. On n’a aucune
envied’avoird’autresenfants illégitimesquinouspiquenttoutnotrefricdanslafamille.
Monsourires’évanouittoutnet.–Tuasprisdescoursavecunenfoiréouc’estinnécheztoi?Eastonhésiteuninstant,maisensuitec’estcommesiReedétaitassis
sursonépaule,ilposeunemainsursonsexe.–Pourquoiest-cequetunemontespasavecmoi,quejetemontreà
quelpointc’estnaturelchezmoi?
–Laisse-moipasser.Cequejefaislepluscalmementpossible.Jenememetspasàcourir
avantd’avoiratteintl’escalier.Quandjesuisensécuritédansmachambre,jefaislalistedetoutesles
raisonsquej’aiderester.Jemerappellequejen’aipasfaim.J’aidixmilleballesdansmonsac, jene faispasde strip-teasepourdesvieux salacesquimetendentdesbilletsd’undollar.Jepeuxtoutàfaitsupporterdeuxansdepropositionssexuellesetd’agressionsverbalesdesfrèresRoyal.
Mais jerestedansmachambrependanttout lerestede lasoirée.Jepassemon temps à chercher des boulots à temps partiel en utilisant letout nouveau MacBook qui est apparu comme par miracle sur monbureau.Iln’yaaucuntransportpublicquipassedevant lamaison,maisj’airepéréunarrêtdebuslanuitdernièrequin’estpastroploin,àquatrecentsmètresenviron.
Lelendemain,j’yvaisàpiedetjemerendscompteenregardantmamontrequeçameprenddixminutesenmarchantvite,etquec’estplutôtàhuitcentsmètres.Leshorairesdudimanchenesontpaspratiques,ilnepassequ’unbustoutes lesheureset ilss’arrêtentàdix-huitheures. Ilvafalloirquejetrouveunboulotoùjepeuxterminertôtledimanche.
Pendant que je rentre, Gideon arrive au volant d’un SUV flambantneuf.Ilesttoutdécoifféetiladesmarquesrougessurlevisage.Sic’étaitquelqu’und’autre, jepenseraisqu’ilvientde faire l’amour,mais ila l’airtropencolèrepourça.Peut-êtrequ’ils’estbattu?
–Qu’est-cequetufais?aboie-t-il.–Jemarche.–Monte.Ils’arrêteetm’ouvrelaportière.–Tunedevraispastebaladercommeçatouteseule.–Çaal’airtranquillecommeendroit.Lesmaisons sont grandes. Les jardins sont grands. En outre, ça n’a
poséaucunproblèmeàsesfranginsdem’abandonneraumilieudenullepartl’autrenuit.
–Leplusgranddangerque j’airencontrécematin,c’étaitungrandmecmal intentionnéquiaessayédemefairegrimperdanssoncamion.Heureusementquejenesuispasnéedeladernièrepluie.
Unpetitsourireforcétorduncoindesabouche.–Commejen’ainibonbonsniglaces,jesuisdoncquelqu’unquetu
peuxconsidérercommesûr.–Nan,justekidnappeurfoireux.–Tumontes,oubienoncontinuedebloquerlacirculation?Jejetteuncoupd’œilderrièrelui.Uneautrevoitureapproche.Et pourquoi pas, après tout ? Ce n’est pas un long trajet. Gideon
n’ouvrepaslabouchependantqu’ilconduit,ilsecontentedesefrotterlebras deux ou trois fois. Quelques minutes plus tard, il ralentit devantl’entréeetgaresavoitureauparking.
–Mercipourlaconduite,Gideon.Comme il ne me suit pas à l’intérieur, je jette un coup d’œil en
directionduSUV.–Tunevienspas?Illèvelatêteverslamaison.–Non.J’aibesoindenager.Longtemps.Puis il frotte à nouveau ses bras comme s’ils étaient poussiéreux et
qu’iln’arrivaitpasàenlevercettepoussière.Ilsurprendmonregardetfaitlamoue.
J’aienviedeluidemandersitoutvabien,maislesignedenepasallerplus loin que je lis sur son visagem’en dissuade. Jeme contente de leregarderd’un air inquiet, commepour l’inviter àm’endire plus. J’ai vuqueçan’allaitpas, j’essaie la télépathie.Tout ceque je récolte, c’estunmouvementdemâchoirecrispé.
Callumalaisséunautremotsurmonlit.Jegrimpesurcenuagetoutdeblancetroseetjemepelotonnecontrelatêtedelitpourlelire.
Désolé pour le dîner d’hier soir. Ça ne se reproduira plus.Durand va te conduire en classe demainmatin.Dis-lui à quelleheureildoitvenir.
P.S. Ta voiture va bientôt arriver. Je voulais qu’elle soitparfaite,etlaseuledelabonnecouleursetrouvaitenCalifornie.
OhSeigneur,pourvuqu’ellenesoitpasrose.JevaismourirsijedoisconduireunevoituredeBarbie.
Jemereprendsd’unseulcoup.Jen’arrivepasàcroirequej’aipupensercela.Unevoiture,c’estune
voiture. Je devrais être reconnaissante de pouvoir en conduite une.Qu’est-cequ’onenaàfoutredesacouleur?Sielleestrose,j’iraidéposerunbaiser sur son aile couleur bubble-gum.BonDieu ! Ilme suffit d’unweek-endpourmemétamorphoserensalegossetropgâtée.
CHAPITRE11
Lelendemainmatin,jemelèveauxaurores.Jenevaispasrefairelesmêmeserreursquepourlafête.JelaissedecôtélesjolieschaussuresqueBrookem’aachetéesetj’enfiledestennisentoileblanche.Jelesassocieàunjeanskinnyetuntee-shirt.
J’hésite.Est-cequej’emportemonsacàdosouest-cequejelelaisse?Sijele
prends, n’importe quel petit punk pourraitme le piquer. Si je le laisse,c’est un des membres de la famille Royal qui pourrait s’en charger. Jedécide de l’emporter, même si l’idée de trimballer avec moi dix milledollarsmerendlégèrementparano.
JecroiseCallumdanslacuisine.Ilpartbosseretal’airsurprisdemevoir debout de si bonne heure. Je lui raconte un bobard en prétendantquejevaisrejoindreValériepourlepetitdéjeuner.Ilal’airfoudejoiequejemesoisfaituneamie.
Après avoir vidé une tasse de café, je rejoins Durand à l’extérieur.Noussommesdeuxheuresavantledébutdescours.
–Mercidebienvouloirmeconduire.Ilmerépondavecunsimplehochementdetête.Je lui demande deme déposer devant une boulangerie, à quelques
minutes à peine de l’école, et dès que j’entre, je suis saisie par la plusdélicieusedesodeurs.Derrièrelecomptoirsetientunefemmedumême
âgequemamèreavecdescheveuxblondscommelesblés,serrésdansunpetitchignonbasdedanseuse.
– Bonjour ma belle, que puis-je pour toi ? me demande-t-elle, lesmainssurlacaisseenregistreuse.
– Je m’appelle Ella Harper et j’aimerais postuler au poste d’aide-vendeuse. L’annoncedisait que les horaires étaient compatibles avec lesheuresdecours.JesuisàAstorPark.
–Hmmm,tuesuneélèveboursière,alors.Jenelareprendspas,parcequec’estpresquevrai.Jebénéficied’une
bourse de Callum Royal. Je retiens mon souffle, le temps qu’ellem’examine.
–Tuasdel’expérienceenboulangerie?–Aucune,jereconnais,maisj’apprendsviteetjetravailleraiplusdur
quetoutescellesquevousavezdéjàembauchées.Leslonguesjournéesneme font paspeur, je peux commencer lematin très tôt et rester tard lesoir.
Ellepinceleslèvres.– Je ne suis pas fan à l’idée d’embaucher des lycéennes.Mais… tu
pourrais peut-être faire un essai. Disons une semaine. Il faudra que tuservestescamarades.Çaneteposepasdeproblèmes?
–Absolumentpas.–Certainsdecesmômesd’AstorParkpeuventêtreassezdifficiles.Traduction:l’écoleestpleinedetrousducul.–Jevousassure,laclientèlen’estpasunproblèmepourmoi.Ellepousseunsoupir.– Très bien. J’ai vraiment besoin de quelqu’un pourm’aider. Si tu
vienssansfautependantsixjoursetquetuarrivesàl’heure,leboulotestàtoi.
Jeluifaisungrandsourire,ellemetsamainsursoncœur.– Tu aurais dû sourire plus tôt, ma belle. Ça transforme
complètement tonvisage.Tusais,plus tu sourisetplus tu toucherasdepourboires.Rappelle-t’en.
Je ne souris pas si facilement que ça. En fait, çame faitmal.Monvisagen’enapasdutoutl’habitude,maisjecontinuetoutdemême,parcequej’aimeraisbienplaireàcettegentilledame.
–Jecommenceàpétriràquatreheures,maistupeuxarriveràcinqheuresetdemie.J’aibesoindetoi tous les joursde lasemaine, jusqu’audébutde tescours.Et les jeudisetvendredis, il faudraque tureviennesaprèsetquetutravailles jusqu’àlafermeture,àvingtheures.Est-cequecelarisqued’interféreraveccertainesdetesactivitéspériscolaires?
–Non.–Mêmelevendredi?–Jesuisbienplusintéresséeparceboulotqueparn’importequelle
activitéàl’école.Ellerecommenceàmesourire.– Trèsbien.Prends-toiunscone, jevais te faireuncafé.Au fait, je
m’appelle Lucy. Le rush va commencer dans une heure environ. Tu vaspeut-être changer d’avis quand tu te rendras compte que tu es tombéedansunemaisondefous.
Lucy avait raison, la boulangerie est bondée, mais ça m’est égal.M’activer derrière un comptoir et servir des pâtisseries pendant deuxheures, ça m’empêche d’être inquiète en me demandant ce qui va sepasserlorsquejevaisentreraulycée.
Çamefaitbizarredeporterununiforme,maisjesuissûrequejevaism’yhabituer trèsvite. Je remarqueque lesautres fillesont imaginédestrucs pour avoir l’air plus sexy. Comme me l’a dit Savannah, elleschangent la longueur de leurs jupes, et la plupart d’entre elles ont leurchemiseàmoitiéboutonnéepourlaisservoirladentelledeleursoutien-gorge.Moi, jen’aipasenvied’attirerl’attention.Monourletdescendsurmesgenouxetmachemiseestboutonnéepresquejusqu’aucol.
J’aiinitiationaucalculintégral,économieetanglaiscematin.Valérien’estdansaucundecescours,maisSavannahestdanslestroisetEastondanslecoursd’anglais.Ilestassisaufonddelaclasseavecsescopainset
il ne m’adresse pas la parole. Je m’en fiche. J’espère même qu’il vacontinuerdem’ignorertoutlesemestre.
Être transparente semble être le thème de la journée. Personne nem’adresselaparoleàpartmesprofesseurs,etaprèsavoirtentéplusieursfoisdesourireàcertainsélèvesdanslecouloirsansobtenirderéponse,jefinisparlaissertomberet,moiaussi,jefaiscommes’ilsn’existaientpas.
C’estseulementàl’heuredudéjeunerquejecroiseunvisageamical.–Harper!Ramènetesfessesparici.Valériemefaitsigne,depuislebaràsaladesdelacafétéria.Enfait,letermedecafétérian’estsansdoutepaslebonpourdécrire
cetendroit.Lesmurssontrecouvertsdelambris,leschaisessonttapisséesde cuir et la zone self-service ressemble au buffet d’un grand hôtel. Àl’autreextrémitéde lapièce,unmurentierdebaiesvitréescoulissantesouvertessurl’extérieur,oùunendroitaétéaménagépourquelesélèvespuissentmangerquandletempslepermet.Nousnesommespasencorefin septembre, le soleil brille. Jeme dis que je mangerais bien dehors,avantdeme rendre compte que Jordan et ses copines y sont déjà, toutcommeReedetEaston.Ducoup,jedécidederesteràl’intérieur.
Valérieetmoiposonsnosplateauxsurunetablevidedansuncoindelapièce.Jeregardeautourdemoietjeréalisequetouslesélèvesontl’airplusâgés.
–Iln’yapasdepremièresannées?Ellesecouelatête.–Ilsdéjeunentuneheureplustôt.–D’ac.Jeplongemafourchettedansmespâtesetjecontinueàobserverles
lieux.Personne ne croise mon regard. C’est comme si Valérie et moi
n’existionspas.–Tut’habituesàtonmanteaud’invisibilité?medemandeValériequi
enconnaîtunboutsurlaquestion.Enfait,tudevraisl’arborercommeun
signedefierté.Celasignifiequecessalopesderichardesnes’intéressentpasassezàtoipourtetorturer.
–Commentfont-elles?– Commed’habitude.Ellesbomberontdes saloperies sur toncasier,
ellesteferonttrébucherdanslescouloirs,ellesmettrontdeshorreurssurtoienligne.Jordanetsesminionssonttrèsinventives.
–Donc,elleestl’équivalentféminindeReed?–Ouaip,exactement.Etsiçanetenaitqu’àelle,elleseraitdansses
brasenpermanenceetellebaiseraitavecluitouteslesnuits.Mais,hélas,mapauvrecousinenesemblepascapabledegardersonhommepourelletouteseule.
Jepouffederire.–Commentest-cequetufaispourtoutsavoirsurtoutlemonde?Valériehausselesépaules.–J’observe.J’écoute.Jemesouviens.–Trèsbien.Alors,dis-m’enplussurlafamilleRoyal.Ça me fait bizarre de lui demander ça, mais après toutes mes
mésaventuresaveclesfrèresRoyal,j’ensuisvenueàlaconclusionquejedevaisfourbirmesarmespourmieuxmedéfendrecontreeux.
Manouvelleamiesemetàgémir.–Ohnon,nemedispasquetuenpincesdéjàpourl’und’entreeux.–Euh…Jamaisdelavie.Jem’efforced’oublierlafaçondontmoncœursemetàbattredèsque
ReedRoyalpénètredansunepièce.Horsdequestiondecraquerpourcemec,merdealors.C’estuntrouduculetjeneveuxrienavoiràfaireaveclui.
–Jeveuxsimplementsavoircontrequijemebats.Ellesedétend.–Bon.Ok.Jet’aidéjàditpourEastonetClaire.L’undesjumeauxà
unepetitecopine,l’autreestunsalaud,commesesfrèresaînés.Reed,jene suis pas sûre. La moitié des filles du lycée crient sur tous les toitsqu’ellesontfaitl’amouraveclui,maisquisaitsic’estvrai?Laseuledont
je suis sûre, c’est Abby, la copine de Jordan. Tu peux me croire, macousinen’étaitpasfranchementravie.
–Quoid’autre.Desscandales?Desrumeurs?J’ail’impressiond’êtreunflicquiquestionneunsuspect.– Leur père a une petite copine assez nulle. Je crois que ça dure
depuisdeuxoutroisans.Me reviennent en mémoires les simagrées de Callum et de Brooke
pendantledîner.– Jesais toutcequ’il fautsavoirsur lapetitecopine, je répondsen
soupirant.–Bien…quoid’autre…Leurmèreestmorteilyaquelquetemps.Valériebaissed’unton.–D’uneoverdose.–Vraiment?–Ohoui.C’étaitpartoutauxnouvellesetdanstouslesjournaux.Je
croisqu’ilsontparlédesomnifèresqu’onluiavaitprescrits,ouuntrucdugenre,maisçaainterféréaveclesautresmédicamentsqu’elleprenait.Jeneconnaispastouslesdétails,maisjecroisquesonmédecinaétémisenexamen.
Malgrémoi,j’éprouvedelapeinepourlesRoyal.Ilyadesphotosdeleurmèresurlemanteaudelacheminée,danslesalon.C’étaitunejoliebrune au regard doux. Chaque fois que Callummentionne son nom enpassant,ladouleurirradiesonregard.Ildevaitvraimentl’aimer.
Jemedemandesielleétaitprochedesesfils,etjemesenssubitementtrès tristepourReedet ses frères.Personnenedevrait jamaisperdre samèretroptôt.
J’aiappristoutcequeValériesavaitsurlesRoyal.Nouschangeonsdesujet et je lui parle de mon nouveau boulot. Elle me promet de venirm’embêterdeuxfoisparsemaineaprèslescours,etnouspassonslerestede l’heure de déjeuner à rire et à apprendre à mieux nous connaître.Lorsquenousrangeonsnosplateaux,j’aidécidé,jelagardedéfinitivementcommeamie.
–Jen’arrivepasàcroirequ’onaitzérocoursencommun,seplaint-ellequandnousquittonslacafétéria.C’estquoicemerdier?Quit’aforcéeàt’inscrireàtouscescoursdemaths,desciencesetdedroitdesaffaires?Tu auraismieux fait de prendre enseignement pratique commemoi. Ilsnousappren-nentànousservird’unecartedecrédit.
– C’estmoi qui les ai choisis. Je suis ici pour apprendre, pas pourperdremontemps.
–Intello!–Morveuse!Nous nous quittons devant ma classe de chimie, après nous être
échangénosnumérosdetéléphonependantledéjeuner.Ellemeprometdem’envoyerunmessageplustardetelles’enva.
Quandj’entredanslelabodechimie,leprofesseurselèvecommes’ilm’attendait.Ilalatailled’unHobbitetunebarbetouffuequisembleluidévorerlevisage.Ilseprésente,monsieurNeville.
J’essaie de ne pas regarder les autres élèves, mais j’ai déjà repéréEastonàl’unedestables.Ilestleseulàn’avoirpersonneaveclui.Merde.Çacraint.
– C’estunplaisirdevousrencontrer,Ella,ditmonsieurNeville.J’aijetéuncoupd’œilàvotredossieretj’aiétéimpressionnéparvosnotesensciences.
Jehausselesépaules.Lesmathsetlessciencessontfacilespourmoi.Jesaisquejetiensmondonpourladansedemamère.Maiselleavaitunmaldechienàcalculerunpourboiredetêtequandonallaitdîner.Jemesuis toujours demandé si je tenaismon aptitude pour le calcul demonpère.Steve,leSEALdelaNavy/lepilote/lemultimillionnaire.
– Quoi qu’il en soit, monsieur Royal a appelé le directeur cettesemaine pour lui demander de vous mettre en binôme avec Easton cesemestre.
Nevillebaisselavoix.–Eastonpourraitapprendreàêtreplusdiscipliné,etcelafaitsensde
vousmettreensembleaulaboratoire.Vouspourrezréviserensembleàla
maison.Ohjoie!Jepousseunsoupiretjemedirigeverslatabled’Easton.Je
glissemon sac à dos sous la chaise à côté de la sienne. Il n’a pas l’airheureuxdemevoir.
–Bordeldemerde,murmure-t-il.Jeluirépondsentremesdents,–Etcen’estpasdemafaute,c’estuneidéedetonpère.Ilregardedroitdevantlui,mâchoireserrée.–Bienentendu.Contrairement à mes cours de la matinée, le cours de chimie me
sembleinterminable,sansdouteparcequeEastonestassisàcôtédemoietqu’il fait latronchequatre-vingt-dixpourcentdutemps.Lesdixpourcentrestants,ilmelanceunsourirenarquoisensebalançantsursachaiseet m’intime l’ordre de mélanger la solution dans laquelle nous devonscultiverdescristaux.
Àl’instantoùlaclochesonne,jebondisdemachaisepouréchapperàmonsympathique«frère».
Jesorsdelaclasseàtouteallure.Jemeprépareàmerendreàmonprochain cours quand je me rappelle que je dois aller chercher monmanuel dansmon casier. Tous les cours que j’ai choisis sont des coursavancésetnécessitentdesmanuelsdeplusdemillepages.Jen’aipasputouslesprendredansmonsacàdos.
Malheureusement,JordanCarringtonetsescopinessontdéjàdanslecoin. Toutes les quatre s’arrêtent et se marrent quand elles me voient.Aucuned’ellesnemedit bonjour. Jem’en fiche. Jene leurdispasnonpluset j’essaiedenepas faireattentionquand jepassedevantelles.Cesont peut-être des salopes,mais ce sont de ravissantes salopes. Dans lecouloir,touslesgarçonslesmatent.Eastonaussi.Ilsorttranquillementducoursdechimieetsedirigeverselles.
Leurgroupe s’arrêtedevant la rangéede casiers et Jordanmurmurequelquechoseà l’oreilled’Eastonenposant samainmanucurée sur sonbras.
Il hausse les épaules, et cegeste tend sonblazerbleu sur ses largesépaules.C’estindéniablementlemecleplusbandantàdixkilomètresàlaronde,mêmesilesdeuxtypesquilerejoignentnesontpasdégueusnonplus.
Je les ignore, je trouvemon casier et j’entre la combinaison.Encoredeuxcoursavantlafindelajournéeetonarrêteraenfindemedévisager.Je rentrerai au manoir et je ferai mes devoirs, puis j’irai me coucher.M’occuperl’espritetoubliercesconneries.Voilàmanouvelledevise,etjevaism’ytenir.
Je suis soulagée quand le verrou s’ouvre à mon premier essai. Jen’étaispassûreducode,maislaporteducasiers’ouvrefacilementet…
Unemontagned’ordurestombeparterre.Je suis tellement surprise que je crie, et aussitôt jememaudis. Des
rireséclatentderrièremoi.Jefermelesyeuxententantdefairerefluerlerougequiaenvahimesjoues.
Jeneveuxpasqu’ilsmevoientrougir.Je ne veux pas qu’ils s’imaginent que cette montagne d’ordures
puantesàmespiedsmedérangetantsoitpeu.Jeshootedansunepeaudebananeetjerespireparlabouchepourne
passentircettepuanteurdesalimentspourrissantsquimedonneenviedepleurer.Laporteestpleinedetrucsencoreplusdégoûtants,desserviettesenpapierusagées,desmouchoirs,untamponpleindesang…
Jenepleureraipas.Lesrirescontinuent.Jelesignore.Jeramassemonmanueld’histoire
mondiale au fond de l’étagère de mon casier de luxe. Ensuite, je faistomber d’une chiquenaude les bouts de papier journal accrochés à laserrureetjerefermeviolemmentlaporte.
Lorsque je me retourne, tous les yeux sont braqués sur moi. J’enremarquesurtoutunepaire,noisette,quibrilledeméchanceté.CelledeJordan.Ellemefaitunpetit signemajestueuxde lamain.Je fais ledosrondet jeglissemonmanuelsousmonbras.Ungrandtypeauxbouclesbrunespouffelorsquejepassedevantlui.OhmonDieu!J’aiunmorceau
dePQcolléàmasemelle.Jeravalemahonte,jesecouelepiedpourm’endébarrasseretjecontinuemonchemin.
Eastonprendunairennuyélorsquejem’approche.Jem’arrêtedevantJordanenhaussantlessourcilsetjeluisourisd’unairnarquois,moiaussi.
– C’est toutceque tupeux faire,Carrington?Jesuisuneordure?TsssTsss.Jesuisdéçuepartonmanqued’imagination.
Son regard frémit, mais je suis déjà passée, comme si je n’en avaisabsolumentrienàfoutre.
Unnouveaupointmarquéparl’équipevisiteurs.Plusoumoins.Parcequejesuislaseuleàsavoirquejesuisàdeuxdoigtsd’éclaterensanglots.
CHAPITRE12
Jeréussisànepaspleurerdetoutelajournée,maisunepartiedemoicrèved’enviedemevenger,pourqu’ilssesouviennentdujouroùilsontmisdesorduresdansmoncasiercommeétantlejourleplusfaciledeleurvie.
Valériem’envoieuntextopendantlecours.
–Çava?J’aiapprispourlecasier.Jordanestunesalope.– Çava, je réponds.C’était débile, et comme tu le disais, elle n’a
aucune d’imagination. Des ordures ? Elle a piqué l’idée dans uneémissiondeDisney?
–Ah,nedispasça.Ellevadevoirtrouveruntrucpireencore.–Troptard.–Jeviendraifleurirtatombe!
Merci bien. Je repose mon téléphone, le prof regarde dans ma
direction.Lorsquelejolicarillonretentitpournousprévenirquelecoursest terminé, je rangemes affaires dansmon sac et je sors. J’espère queDurandm’attendetquejevaispouvoirmeréfugierdansmachambredeprincesse.Lemélangederoseetblanccommenceàmeplaire.
Leparkingestpleindebruit,degensetdevoituresdeluxe,maispasdeDurandenvue.
–Harper.Valérieapparaîtàmadroite.Tonchauffeurn’estpaslà?
–Non,jenelevoispas.Elleclaquedelalangueavecbienveillance.–Jeteproposeraisvolontiersdeteramener,maisjesupposequetu
n’asaucuneenviedemonterdanslamêmevoiturequeJordan.–Tuasraison.– Tudevraisvenirpourtant.Après la findescours, çapeutdevenir
dangereuxici.–Ici,enpleinjour?Çacraint.Valériefroncelessourcils,ellesemblepréoccupée.–Jordanpeutêtresuper-rusée.Nelamésestimepas.Jeserremonsacàdosetjememaudisdetrimbalerautantdefricsur
moi.Ildoitbienyavoirunendroit,danstoutcemonceaudebriquesquiappartientauxRoyal,oùjepourraisleplanquer.
– Comment fait-elle pour ne pas se faire choper ? SavannahMontgomerym’aditqu’ici,toutlemondeétaitspécial.Alorspourquoiest-cequec’estJordanquimèneladansesichacunaquelquechosed’uniqueàoffrir?
–Lesrelations,répondcarrémentValérie.LesCarringtonnefontpaspartie du club des dix comme les Royal, mais ils connaissent tout lemonde. Ils ont fait des affaires avec des célébrités, avec des famillesroyales.LatantedeJordan,ducôtédesonpère,estmariéeàuncomteitalien.SiellevientàNoël,nousdevronsluidonnerdu«LadyPerino».
–C’estsurréaliste.– Alors Jordan, par extension… (Elle s’interrompt.) Fais gaffe. Elle
arrive.Je me prépare pendant que Jordan s’approche. Comme tous les
Alphas,elleaunemeutequilasuit.Ondiraitunepubpourdudentifrice,des kilomètres de dents blanches et de longues chevelures raides quicinglentl’airderrièreelles.
– Si ça peut t’être utile, les cheveux de Jordan sont frisés. Chaquematin, elle doit passer une heure avec son fer à défriser, memurmure
Valérie.Elle n’a pasmieux à balancer sur Jordan ? Parce que savoir qu’elle
passe un temps fou sur ses cheveux ne m’aide pas beaucoup. Je luirépondssèchement:
–Ça,çam’estvraimentutile!Valériemefaitunpetitsourireetpassesonbrassouslemienpourme
réconforter. Jordan s’arrête à deux pas demoi et renifle plusieurs fois,ostensiblement.
–Tupues,medit-elle.Etçanevientpasdesorduresdetoncasier.Çavientdetoi.
–Mercipourl’info.Jecroisquejevaismedoucherdeuxfoisparjouraulieud’uneàprésent,jerépondstranquillement.
Maisintérieurement,jem’inquiète,est-cequejepuevraiment?Ellesoupireetrepoussesachevelurederrièresonépaule.–C’estlegenred’odeurqu’aucunedouchenepourrajamaisenlever.JequestionneValérieduregard.Enréponse,elleécarquillelesyeux.
Jerépondsgaiement:–Bond’accord,c’estbonàsavoir.Jordanveutme fairepasserpourune idiote.Lemieuxque jepuisse
faire,c’estdenepasentrerdanssonjeu.Maismonabsencederéactionnela désarme pas. Elle continue, sans doute parce qu’elle adore s’écouterparler.
–Enfait,lesfillescommetoisuintenttoujoursledésespoir.Là, ellem’abieneue.C’est toutà fait ça, l’odeurd’unclubde strip-
tease.Jem’efforcedehausserlesépaules.– Jene saispascequeveutdire « fille commemoi»en languede
pute,maisjesupposequec’estmoche.Cequejen’arrivepasàpiger,c’estlaraisonpourlaquelletuimaginesquej’enaiquelquechoseàfoutredecequetupensesdemoi.Lemondeestvraimentimmense,Jordan.Lefaitque turemplissesmoncasierdemerdeouque tum’insultesn’auraplus
aucuneimportance,dansdeuxans.Putain,çacomptedéjàtellementpeuaujourd’hui.
Elle reste bouche bée, Valérie se planque pour étouffer un éclat derire.
JenesaispascequelegrandretourdeJordanpeutsignifier,maisilyacommeunmouvementdesurprisederrièremoi.JecomprendsquiestlàavantmêmequeleslèvresimpeccablementrougesdeJordanprononcentsonnom.
–Reed,jenet’avaispasvu,dit-elledansunsouffle.Ilyacommeuneincertitudedanssavoixquimesurprendunpeu.Je
medemandeenquoi consisteexactement ledécretanti-ElladeReed. IlfaudraquejeposelaquestionàValérie.
–Tuesprête?demande-t-il,etjenesaispass’ils’adresseàmoiouàJordan.
Et à la façon dont son regard passe de moi à un point situé à 30centimètresderrièrema tête, jecomprendsqu’ellenonplusn’enestpascertaine.
–Jemedemandaissituvoulaisvenirrévisertoncontrôled’anglais?finit-ellepardemander.
–J’aidéjàterminé,répond-illaconiquement.Jordan pince ses lèvres. C’est une vraie claque, et nous le savons
toutes.J’aipresquedelapeinepourelle…presque.–SalutReed.Unevoixdifférente,plusdouce,s’élève.C’estcelled’unefilledélicate,
auxcheveuxd’ornattésqui entourent sonvisage commeunecouronne.Autourdesesgrandsyeuxbleus,sescilsdésespérément longstremblentcommedesplumesdansl’attentedesaréponse.
–Abby,dit-il,ettoutsonvisages’adoucit.C’estchouettedetevoir.Lamoitié des filles du lycée clament sur tous les toits qu’elles ont fait
l’amouravec lui,maisqui sait si c’estvrai.La seuledont je suis sûre, c’estAbby,lacopinedeJordan.
VoilàdonclafillequiaréussiàattraperReed,dumoinsunefois.Jecomprendspourquoi.Elleestsublime.Jordanaussi,maisAbbyestdouce,contrairement à Jordan et àmoi. C’est ça qui plaît à Reed ? Des fillesdoucesquiparlenttoutbas?Pasétonnantqu’ilnes’intéressepasà…
Attendez,àquoiest-cequepense?Jemefichedesavoirsij’intéresseReed.Ilestlebienvenucheztouteslesfillesfalotesetidéalistesqu’ilveut.
–Tum’asmanqué,dit-elle,etsontonderegretnousmettoutesmalàl’aise.
– Ça a été très charrette cet été, lui répondReed enplongeant sesmainsdanssespoches.
Ilne regardepasAbbydans les yeuxet son tonaquelque chosededéfinitif.
Elles’enrendcompte,elleaussi.Sesyeuxdeviennenthumides.C’estpeut-être terminépourReed,maispaspourelle.C’estdouloureusementévident.Ellemefaitdelapeine.
Lorsque Reed pose une main lourde sur mon épaule, je manquesursauter.Etjeneratenilesregardsmalveillantsdesfillesaudentifricenil’expressiondecolombeblesséed’Abby.SiReedtouchequelqu’un,cen’estpascenséêtremoi.
–Tuesprête,Ella?murmure-t-il.–Ahhh,jesupposequeoui?Cet échangeme déclenche des démangeaisons dans les épaules. Du
coup, jenediscutepasquandReedm’entraînevers le camiond’Easton.Quandnousl’atteignons,jemedégage.
–OùestEaston?–Ilramènelesjumeaux.–Alorscommeça,tutesersdemoipouréchapperàtonex?jelui
demande,pendantqu’ilouvrelaporteetmepousseàl’intérieur.–Cen’estpasmonex.Ilclaquelaportière.Reed fait le tourde lacamionnette,et jevoisValériequime faitun
signe de lamain. Derrière elle, Jordanme lance des regards assassins.
Abby,elle,ressembleàunchiotàquionauraitflanquéuncoupdepied.–Metstaceinture,m’ordonneReedendémarrant.Jeluiobéis,parcequec’estunequestiondesécurité.–OùestpasséDurand?JefaisunsigneàValériequilèvelepouceenl’air.J’espèrequeJordan
ne l’a pas vue, sinon elle risque fort de devoir quitter sa chambre pouremménagerdansunplacardàlacave.
–Etpourquoic’esttoiquimeconduis?– Je voulais te parler. (Il se tait unmoment.)Est-ce que tu essaies
d’embarrasserlafamille?Choquée, je me tourne vers lui et je ne peux m’empêcher de
remarquercombiensesavant-brasmuscléssontsexyquandilempoignelevolant.
– Tupensesque j’ai remplimoncasierd’orduresmoi-même? je luidemande,incrédule.
–JeneteparlepasdelaconneriepuériledeJordan.Jeteparledetonboulotàlaboulangerie.
– D’abord, comment es-tu au courant, Monsieur le harceleur ? Etdeuxièmement,enquoiest-ceembarrassant?
– Primo, j’aientraînementde foot tous lesmatins,aboie-t-il. J’aivuDurand te déposer là-bas. Et secundo, cela sous-entend que nous neprenons pas soin de toi. Au déjeuner, quelqu’un a demandé si Callumavaitachetélaboulangerieetsic’étaitpourçaquelapetitedernièredesRoyalytravaillait.
Jem’enfoncedansmonsiègeetjecroiselesbras.– Bon, doux Jésus, je suis navrée que tu aies eu à répondre à une
question gênante pendant ton déjeuner. Ça a dû être tellementdésagréable. Tellement plus que de se retrouver nez à nez avec untamponusagédanstoncasier.
Lorsqu’ilsemetàsourire, jeperdscomplètementlaboule.Toutemafrustrationettoutmonchagrinremontentd’unseulcoup.J’enaiassezde
jouer les filles calmesetgentilles. Jemesoulève, jemepencheet je luibalanceungrandcoupsurlesommetducrâne.
–Merde.Pourquoitufaisça,bordel?–Parcequetuesunconnard!Je le frappe à nouveau, en cachant mon pouce dans mon poing,
commemel’aapprisl’ancienpetitcopaindemamère.Reedmerepousseviolemmentcontrelaportièrepassager.–Assieds-toi,bordel!Tuvasnousfaireavoirunaccident.–Jeneveuxpasm’asseoir!(Jemejettesurlui.)J’enaimarredetoi,
detesinsultesetdetesamishorribles.– Peut-être que si tu joues franc jeu avec moi, je rappellerai mes
chiens.Àquoitujoues?Ilmelancedesregardsnoirsenmerepoussantduboutdesonbras.
J’essaiedel’atteindre,maisjen’attrapequeduvent.–Tuveuxsavoiràqueljeujejoue?Jeveuxobtenirmondiplômeet
alleràl’université!C’estçamonjeu!–Pourquoiest-cequetuesvenueici?Jesaisquetuasprisdufricà
monpère.–Jen’aijamaisdelaviedemandéàtonpèredem’amenerici!–Tunet’espasbeaucoupdéfendue,lance-t-il.Tun’aspasrésistédu
tout.L’accusation fait mouche, en partie parce que c’est vrai, mais aussi
parcequec’estinjuste.–Ouais,c’estvrai,jen’aipasrésisté,parcequejenesuispasidiote.
Tonpèrem’aoffertunavenir,etj’auraisétévraimentdébilederefuser.Sicelafaitdemoiunevoleuseouuneaventurière,alorsjesupposequec’estce que je suis.Maismoi, je ne suis pas le genre de personne qui forcequelqu’unàmarcherseuledanslanuit,pendantplusdetroiskilomètres,dansunendroitinconnu.
J’observeavecsatisfactionunelueurderegretdanssesyeux.–Alors,tuadmetsquetun’aspashonte,crache-t-il.
–Oui,etçanemeposepasdeproblème,jeluibalanceenretour.Lahonteetlesprincipessontfaitspourlesgensquin’ontpasbesoindefaireattentionauxpetitsdétails,dugenrequ’est-cequejevaispouvoiracheteravec un dollar pourmanger aujourd’hui, ou bien, est-ce que je paie lesfacturesdesmédicamentsdemamèreouunpeud’herbepouratténuersadouleuruneheureoudeux?Lahonte,c’estunluxe.
Jemerassieds,jesuisvidée.J’arrêted’essayerdemebattrecontrelui.Detoutefaçon,c’estimpossible.Ilesttropfort.Ehmerde!
– Tu n’as pas lemonopole du chagrin. Tu n’es pas le seul à avoirperdu ta mère. Oh, pauvre Reed Royal. Il est devenu un vrai connardparcequ’ilaperdusamaman.
–Tais-toi.–Non,toi,tais-toi.Avantmêmequejeprononcecesmots,jemerendscompteduridicule
de la situation et j’éclatede rire. Il y auneminute, nousnoushurlionsdessuscommesinousavionscinqans.Jeristellementfortquejememetsàpleurer.Oualors, jepleuraisdepuis ledébutetçasonnaitcommedesrires.Jemepencheetjecachematêteentremesgenoux,jeneveuxpasqueReedvoiequ’ilm’acassée.
–Arrêtedepleurer,murmure-t-il.–Arrêtedemedirecequejedoisfaire,jehoquette.Il finitparse taireet jesuisparvenueàretrouvermoncalmequand
nousarrivonsauportailetquenouspénétronsdansleparc.Est-cequej’aivraimentditquejen’avaispashonte?Cen’estpasvrai
du tout.Et je suismortifiéed’avoirpleurépendantcinqbonnesminutesdevantReedRoyal.
–Tuasfini?medemande-t-illorsqu’ilsegareetcoupelemoteur.–Vatefairefoutre,jerépondsd’unairlas.– Je veux que tu arrêtes de travailler dans cette putain de
boulangerie.–JeveuxqueJordandécouvresubitementqu’elleaducœur.Maison
n’obtientpastoujourscequ’onveut,pasvrai?
Ilfaitunpetitbruitensignedefrustration.–Callumnevapasaimer.– Oh mon Dieu ! Tu changes les règles en permanence. Ne
m’approchepas,Ella.Montedanslavoiture,Ella.Nesaignepasmonpèreàblanc,Ella.Netrouvepasdeboulot,Ella.Jenesaispascequetuveuxdemoi.
–Noussommestouslesdeuxdanslemêmecas,dit-ilsombrement.Je ne veuxmême pas répondre à ça. Alors, j’ouvre la portière et je
descends.Çametitille, jemedisque jepeuxpeut-êtreencoresauver lafaceetjemeretournebrusquementverslui.
–Oh,etaufaitReed,netesersplusdemoipouréviterunedetesex.–Ellen’estpasunedemesex,hurle-t-il.Jenedevraispastrouverçatellementjouissif,maispourtant,c’estle
cas.
CHAPITRE13
Une fois à l’intérieur, je me rue dans les escaliers pourm’enfermerdansmachambre.Jejettemeslivresscolairessurmonlitetjechoisislepremierexercicesurlequeljetombe,maisj’aidumalàmeconcentrersurmes devoirs. Je suis encore tellement en colère à cause de ce qui s’estpasséentreReedetmoi.
Lapartierationnelledemoncerveaucomprendpourquoij’aicraqué.Ily a moins d’une semaine, toute ma vie a été bouleversée. Callum m’aarrachéedeKirkwoodetm’aamenéedanscettevilleétrangeetdanssamaisonluxueuse,oùjemesuisretrouvéefaceàsesconnardsdefils.Lesfrères Royal ont passé leur temps à me brusquer depuis mon arrivée.Leursamism’ontfoutulahonteàcettefêteetilsm’onthumiliéeaulycéeaujourd’hui.Etenplus,ReedRoyalédictesesrèglesd’orpuisleschangeen permanence. Quelle fille normale de dix-sept ans ne perdrait pas laboule?
Mais l’autre partie demoi-même, celle qui essaie à tout prix demeprotégerendissimulantmesémotions…cettepartie-làm’engueulepourm’être laissée aller à pleurer devant Reed. Pour lui avoir permis de serendrecomptequejen’étaispassûredemoi,quej’étaisvulnérabledanscenouveaumondedanslequelonm’ajetée.
Jemedétested’êtresifaible.Jeparvienstoutdemêmeàterminermesexercices,maismaintenant
ilestsixheuresetmonestomaccriefamine.
Seigneur, je n’ai pas envie de descendre. Si seulement je pouvaiscommanderauroomservice.Çaressembletellementàunhôtel,ici.
Arrêtedetecacher.Neluidonnepascettesatisfaction.Si je saute le dîner, Reed saura qu’il a gagné, et je ne peux pas le
laissergagner.Jenevaispas le laissermecasser.Pourtant,mêmeaprèsavoirdécidéd’affrontercetenfoiré,jecaletoujours.Jeprendsunelonguedouche et jeme lave les cheveux, jeme change et j’enfile unepaire deboxers noirs minuscules et un débardeur rouge. Puis je brosse mescheveuxhumides.EtjeregardesurmontéléphonesiValérienem’auraitpasenvoyéunSMS.Et…
Ok,assezprocrastiné.Monventrevideconfirme,ilgargouillependantquejedescendslavoléed’escaliers.
Danslacuisine,jetombesurundesjumeauxdevantlacuisinière,quiplongeune spatule dans ce qui ressemble à unplat denouilles. L’autrejumeauexaminel’intérieurduréfrigérateurenronchonnant.
–Mince,JecroyaisqueSandraétaitrentréedevacances.–C’estdemain,luirépondsonfrère.– Bordeldemerde!Depuisquandlescuisinièresprennent-ellesdes
vacances ? J’enaimarrede faire la cuisine.Onauraitdûaller au restoavecpapaetReed.
Monfrontseplissependantquej’enregistrel’info.Un,cesmômessontvraiment gâtés. Ils ne peuvent même pas se préparer à manger eux-mêmes ? Et deux, Reed est allé dîner dehors avec Callum ? Est-ce queCalluml’amenacéavecunflingue?
Le jumeauaufourneaumeremarque,cachéedans l’embrasurede laporte,etilfroncelessourcils.
–Tuveuxquoi?Jehausselesépaules.–Jeregardejustetondînerquibrûle.Ilfaitdemi-touretsemetàgémirquandilvoitlafuméequis’échappe
desacasserole.–Bonsang!Seb,passe-moiunemanique!
MonDieu,cesgarçonsnesontvraimentpasaidés!Qu’est-cequ’ilvabien pouvoir faire d’une manique ? La réponse arrive lorsque Sawyerattrape la manique que lui tend son frère et saisit la poignée de lacasserolequi,àmoinsd’êtredéfectueuse,n’apasdepoignéebrûlante.Jem’amuseenregardantlesgarçonsquitententdesauverleurdîneretjenepeuxm’empêcherdepoufferderirequand l’huilebouillantesautede lacasserole et brûle Sawyer au poignet, là où il n’est pas protégé par lamanique.
Ilhurlededouleuretsonfrèrefermelegaz.Puistousdeuxregardentdésespérémentlepouletetlesnouillestoutcramés.
–Tuveuxdescéréales?demandeSébastien.Sawyersoupire.Malgré l’horrible odeur de brûlé qui se dégagede la casserole,mon
ventre continue à crier famine. J’ouvre donc les placards pour en sortirdifférentsingrédients,sousleregardinquietdesjumeaux.
–Jefaisdesspaghettis.Vousenvoudrez?Ilyaunlongsilence,puisl’und’euxmarmonneun«oui».L’autrefait
demême.Je cuisine en silence pendant qu’ils s’asseyent à table en dignes et
paresseuxhéritiersRoyalqu’ilssont.Aucunnemeproposesonaide.Vingtminutesplustard,noussommestouslestroisentraindedîner.
Pasuneparolen’estéchangée.Eastonentreàlafindurepas,ilplisselesyeuxlorsqu’ilmevoitmettre
monassiettedanslelave-vaisselle.Puisilregardelatableoùsesfrèresensontàleurdeuxièmeassiettéedespaghettis.
–Sandraestrentrée?Sébastiansecouelatête,labouchepleine.Sonjumeaumedésignedelatête.–Elleafaitlacuisine.–Elleaunnom,jedisavecbrusquerie.(Puisjemurmureentremes
dentsenquittantlacuisine.)Etnemeremerciezsurtoutpas,espècesdesalesingrats!
Au lieu de retourner dans ma chambre, je pousse jusqu’à labibliothèque. Callumme l’amontrée l’autre jour. Je suis impressionnéepar le nombre incroyable de livres qu’elle contient. Il y a des étagèresconstruitessur-mesurequicourentdusolauplafondetunevieilleéchellepouratteindrelesrangéesduhaut.Dansundescoinsdelapièce,ilyaunespace lecture très cosy avec deux fauteuils capitonnés en face d’unecheminéemoderne.
Jen’aipasenviedelire,maisjem’écrouledansl’undesfauteuils.Jehumel’odeurdevieuxcuiretdelivres.Alorsquemonregardglissesurlemanteaudelacheminée,moncœursemetàbattreplusvite.Desphotossontexposéessur lerebordenpierreetsur l’uned’elles,undétailattiremonattention.OnyvoitCallumenuniformede laNavy,unbraspasséautourde l’épauled’ungrand typeblond, lui aussi enuniforme. Je suissûre que c’est Steve O’Halloran, mon père. Je fixe le visage fin de cethomme.Sesyeuxbleussemblent regarder l’objectifavecespièglerie.J’aisesyeux.Etmescheveuxsontdumêmeblondquelessiens.
Lorsquej’entendsdesbruitsdepasderrièremoi,jemeretournepourvoirEastonpénétrerdanslabibliothèque.
–J’aiapprisquetuasessayédetuermonfrèreaujourd’hui,lance-t-ild’unevoixlaconique.
–Çaluipendaitaunez.Je lui tourne ledosmaisquand ilavance, jemerendscompteen le
regardantducoindel’œilquesonregardestfroidcommelapierre.– Soyons clairs, est-ce que tu pensais vraiment que tu pourrais
débarquericiettejeterdanslesbrasdemonpèresansqueçanousposeproblème?
–Jenemesuispasjetéedanslesbrasdetonpère,jesuissapupille.– Ouais?Regarde-moienfaceetdis-moiquetunebaisespasavec
monpère.Pourl’amourdeDieu.Jeserrelesdents,jefixesonregardbornéetje
prononcelentement:
– Jenebaisepasavec tonpère.Commentpeux-tu insinuerun trucpareil?
Ilhausselesépaules.–Cen’estpasuneinsinuation.Illesaimejeunes.Il fait visiblement référence à Brooke, mais je ne fais aucun
commentaire. Mon regard glisse à nouveau sur la photo posée sur lemanteaudelacheminée.
–OncleSteveétaitunebombe.Ilsuffisaitqu’ilentredansunepiècepourquelesnanasbaissentleurculotte.
Doubleoups.Jen’aipasdutoutenviedesavoirçaàproposdemonpère.
–Àquoiressemblait-il?jedemandeàcontrecœur.–Ilétaitchouette,jesuppose.Onnelevoyaitpassouvent.Ilpassait
toutsontempsdanslebureaudemonpère.Touslesdeuxrestaientdesheureslà-dedansàdiscuter.
Eastonal’airamer.– Aïe,alorscommeça, tonpèreaimaitmieuxmonpèrequevous?
C’estpourçaquetumedétestesautant?Ilrouledegrosyeux.–Fais-toiunefaveur,arrêtedeprovoquermonfrère.Situcontinuesà
l’emmerder,tuvasprendredescoups.–Pourquoiest-cequetumemetsengarde,frangin?Cen’estpasce
quevousvoulez,mevoirsouffrir?Ilne répondpas. Il secontentedes’éloigner,etmevoilàànouveau
seuledanslabibliothèque.Jecontinueàexaminerlaphotodemonpère.
Jemeréveilleàminuit,ausondevoixétoufféesdanslecouloirdemachambre. Je suis complètement endormie, mais je reconnais tout demême la voix de Reed, et bien que je sois couchée, je me metsimmédiatementàfrissonner.
Jenel’aipasrevudepuisnotrebagarredanslavoiture.Quandilestrentré après son dîner avec Callum, j’étais déjà enfermée dans ma
chambre.Enentendantlebruitsourddesespasetlesportesclaquer, jem’étaisdoutéequeledînernes’étaitpastrèsbienpassé.
Je ne sais pas pourquoi je me glisse hors de mon lit ni pourquoij’avancesurlapointedespiedsjusqu’àmaporte.Espionner,cen’estpasmonstyle,maisjeveuxsavoircequ’ilditetàquiilledit.Jeveuxsavoirsic’estdemoiqu’ilparle.Peut-êtrequec’estvraimentvaniteux,maisjeveuxquandmêmelesavoir.
–…Entraînementdumatin.C’estEastonquiparleàprésentetj’appuiemonoreillecontrelaporte
pouressayerdemieuxentendre.–…D’accordpourarrêterpendantlasaison.Reedmarmonnequelquechoseentresesdents,quejenecomprends
pas.–J’aipigé,ok?Moinonplus,jenesuispasraviqu’ellesoitlà,maisce
n’estpasuneraisonpour…Laphrased’Eastonesttronquée.–Ilnes’agitpasd’elle.J’entends ça très clairement. Et je ne sais pas si je suis soulagée ou
déçuedesavoirqu’ilsneparlentpasdemoi.–…Alors,jeviensavectoi.–Non,répondReedsèchement…J’yvaistoutseulcesoir.Il va quelque part ? Bon sang, où va-t-il si tard, un jour d’école ?
L’inquiétudemesaisit,cequimefaitpresquemarrerparceque,toutd’uncoup,jemefaisdusoucipourReedRoyal,legarsquej’aiattaquédanslavoitureunpeuplustôt?
–Etvoilà,tuparlescommeGidàprésent,accuseReed.–Ouaisehbien,peut-êtrequetu…Ce qu’ils disent redevient incompréhensible. C’est franchement
frustrant,jesaisquejeratequelquechosed’important.Jesuistentéed’ouvrirmaportepourretenirReed,maisc’esttroptard.
Deuxsériesdepas résonnentdans l’entrée,uneporteclaque.Ensuite, iln’yaplusqu’unesériedepas,àpeineaudible,quidescendlesescaliers.
Etquelquesminutesplustard,lebruitd’unmoteursemetàvrombirdanslacour.
JesaisqueReedestparti.
CHAPITRE14
Le lendemain matin, je tombe sur Reed adossé à la camionnetted’Easton,dansl’allée.Ilportedeschaussuresdetennis,delongsshortsdegym et un tee-shirt fendu sur les côtés. Il est sexy comme ce n’est paspermis.Ilaenfoncéunecasquettedebase-ballbassursonfront.
Jeregardeautourdemoi,maislalimousinenoireresteinvisible.–OùestDurand?–Tuasprévud’alleràlaboulangerie?–Tuasprévud’yfoutrelefeupourquejeneternissepaslenomdes
Royalenytravaillant?Ilbougonnequelquechose.Jeluirépondsdemême.–Alors?murmure-t-il.Jefroncelessourcils.–Oui,jevaistravailler.–J’aiunentraînementdefootball,alorssituveuxquejetedépose,je
tesuggèredegrimpertoutdesuitedanslavoiture,parcequesansça,tuvasdevoiryalleràpied.
Et il ouvre la portière côté passager avant de faire le tour, côtéconducteur.
JechercheDurand,ànouveau.Merde,oùpeut-ilbienêtre?QuandReedmet le contact, jemedécide.Quelmalpeut-ilme faire
pendantvingtminutesdeconduite?
–Ceinture,aboie-t-il.–J’arrive,uneminute.Jelèvelesyeuxaucieletjem’exhorteàlapatience.Reednedémarre
pasavantquej’aiebouclémaceinture.– Tu as un syndrome prémenstruel masculin ou bien tu es d’une
humeur de chien vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sursept?
Ilnerépondpas.Jem’enveux,maisjenepeuxdétacherlesyeuxdelui.Jenepeuxpas
empêchermon regard de dériver sur le côté, vers sa gueule de star decinéma, son oreille parfaitement ciselée, encadrée par ses cheveuxsombres.Tous lesRoyal ont les cheveuxbruns.CeuxdeReedvirent aunoisette.
Deprofil,sonnezaunebosseminusculeetjemedemandequelfrèrele lui a cassé.Ce n’est pas possible d’être aussi bandant. Et il a ce côtémauvaisgarçonquid’habitudenemebranchepasvraiment,maisqui lerendencoreplusexcitant.Jemedisqu’enfait,j’aimelesvoyous.
Attendez,qu’est-cequejesuisentraind’imaginer,bordel?Jen’aimepas lesvoyous,et jen’aimepasReed.C’est leplusgrosconnardque j’aijamais…
–Pourquoiest-cequetumemates?demande-t-il,l’aircontrarié.Jerepoussemespenséesdémentesetluiréponds:–Etpourquoipas?–Tuapprécieslespectacle,hein?raille-t-il.Jeréponds,l’airdenepasytoucher:–Nan,j’essaiejustedemémoriseràquoiressembleleprofild’unâne.
Tusais,commeça,sionmedemanded’endessinerunencoursd’art,jepourraim’eninspirer.
Ilgrogne,etcelaressemblevaguementàunrire.Pourlapremièrefoisensaprésence,jecommenceàmedétendre.Lerestedutrajetpassevite,presquetropvite.Jeressensune légère
déception lorsque la boulangerie apparaît, ce qui est quand même nul
puisquequejen’aimepascetype.–Tuvasmedéposertouslesjours,oujustecematin?jeluidemande
lorsqu’ilfreinedevantLaBaguetteFrançaise.– Çadépend.Pendant combiende tempsas-tuprévudepoursuivre
cettefarce?–Cen’estpasunefarce.Onappelleçagagnersavie.Je descends du camion avant qu’il ait le temps deme balancer une
autrerépliquedébile.–Hé,ilm’appelle.–Quoi?Jeme retourne et je le regarde en face pour la première fois de la
journée.Jeportemamainàlabouche.Lecôtédesonvisage,celuiquejenepouvais pas voir pendant le trajet, est tout contusionné. Sa lèvre estgonflée.Sapaupièreestentailléeetilaunhématomesurlapommette.
–OhmonDieu,qu’est-cequit’estarrivé?Je lève les doigts sur son visage, sans réaliser quemes piedsm’ont
portéedelaboulangeriejusqu’aucamion.Ilreculepouréviterlecontact.–Rien.Mamain,inutile,retombelelongdemoncorps.–Çan’apasl’aird’êtrerien.–Puisquetuledis.Ildémarreengrimaçantetmelaissesurplace,àmedemandercequ’il
abienpufairelanuitdernièreetpourquoiilm’arappelées’iln’avaitriend’important àme dire.Mais je sais une chose. Si j’avais été frappée auvisage aussi violemment, moi aussi j’aurais été en rogne le lendemainmatin.
Malgrémoi,jepenseàReedpendanttoutmonservicedumatinàlaboulangerie.Lucyme jettedesregards inquiets,maiscommeje travailledur,elleneditrien.
Aprèsmonservice,jecoursàl’école,maisjenevoispasReed.Nisurle chemin qui mène en cours de gym ni dans les couloirs, pas même
pendantledéjeuner.C’estcommes’iln’étaitmêmepasàAstorPark.À la fin des cours, c’est la grosse limousine qui m’attend. Durand
m’ouvre laporte sansattendre,ducoup jenepeuxmêmepas flânerunpeusurleparking.C’estmieuxcommeça,medis-je.PenseràReedRoyalnepeutrienm’apporterdebien.
Jepasse tout le trajetde retouràme sermonner,mais lorsquenouspassonsleshautesportesenferforgé,Durandattiremonattention.
–MonsieurRoyalvoudraitvousvoir,melance-t-ildesavoixdebassequandlavoitures’arrêtedevantlesescaliersdel’entréeprincipale.
Je reste assise comme une idiote, le temps de comprendre que«MonsieurRoyal»signifieCallum.
–Hum,d’accord.–Ilestdanslapoolhouse.–Lapoolhouse,jerépète.Est-cequejesuisconvoquéeaubureaudu
directeur,Durand?Sonregardcroiselemiendanslerétroviseur.–Jenecroispas,Ella.–Çan’estpastrèsencourageant.–Vousvoulezquejevousfassefaireunpetittouravantd’yaller?–Est-cequ’ilvoudratoujoursmevoir?Durandhochelatêtedebasenhaut.–Alors,autantyallermaintenant.Jesoupired’unairdramatique.Lecoindesesyeuxseplisseunpeu,cequicorrespondchezluiàun
grandsourire.Je jette mon sac à dos en bas des escaliers et je fais le tour de la
maison.Jetraverselelongpatiojusqu’auboutdelacour.Lapoolhouseestentièrementvitréesurtroiscôtés.Ildoityavoirun
truc particulier dans le verre, parce que, par moments, le côté le plusprochedelapiscineestréfléchissant.Onnepeutplusvoirautravers.
Jeréaliseenm’approchantquelesmurssontenfaitcomposésd’unesérie de portes coulissantes et qu’elles sont grandes ouvertes afin de
permettreàlabriseocéaniquedetraverserjusqu’àlamaison.Callumestassisdanslecanapé,faceàl’océan.Ilseretourneaubruit
demespassurlesolcarrelé.Ilm’accueilleenhochantlatête.–Ella.Tuaspasséunebonnejournéeàl’école?Pasd’orduresdansmoncasier?Pasdecoupfourrédans levestiaire
desfilles?–Çaauraitpuêtrepire.Ilmefaitsignedem’asseoiràcôtédelui.–C’étaitl’endroitfavorideMaria,medit-il.Quandtouteslesportes
sontouvertes,onentendl’océan.Elleaimaitseleverdebonneheurepourvenircontemplerleleverdusoleil.Unjour,ellem’adit,chaquematinestun spectacle magique. Le soleil repousse le rideau noir d’encre pourrévéler une palette de couleurs incroyable, que seuls les plus grandspeintrespourraientégaler.
–Vousêtescertainqu’ellen’étaitpaspoète?Ilsourit.–Elleétaitassezpoétique.Elledisaitaussiquelemouvementrythmé
desvaguescontrelerivagecomposaitunmorceaudemusiqueaussipurquelaplusbelledesorchestrations.
Nousl’écoutons.Leroulementdesvaguessurlesable,puisleurrecul,commesiellesétaienttiréesenarrièreparunemaininvisible.
–C’esttrèsbeau,jereconnais.Callum pousse un gémissement. D’une main, il attrape son
sempiternelverredewhisky,maisdansl’autre,tellementcrispéequesesarticulations sont toutes blanches, il serre la photo d’une femme auxcheveuxnoirsetauxyeuxsibrillantsqu’ondiraitqu’unsoleil irradieducadre.
–C’estMaria?jedemandeenmontrantlecadre.–Elleestbelle,n’est-cepas?J’acquiesce.Callumsepencheetvidesonverred’untrait.Illepose,justeletemps
deseresservir.
–Mariaétaitlelienquiunissaitnotrefamille.Ilyadixansenviron,Atlantic Aviation a traversé unemauvaise passe. Une série de décisionshasardeuses,pluslarécession,ontcompromisl’héritagedemesfils.Jemesuisjetéàcorpsperdudansunetentativedesauvetage,cequim’aéloignédemafamille.Mariamemanquait.Depuistoujours,elledésiraitavoirunefille,tusais?
Je ne peux que hocher la tête à nouveau. Ce n’est pas évident desuivreundiscourssiétrangementdécousu.Jen’aipaslamoindreidéedelàoùilveutenvenir.
– Elle t’auraitadorée.Elle t’auraitpriseàSteveetélevéecommesaproprefille.Ellevoulaittellementavoirunefille.
Je reste assise sans bouger. Cette histoire triste ne me dit rien quivaille.
– Mes fils me rendent coupable de sa mort, dit-il soudain. (Cetteconfessioninattenduemestupéfie.)Ilsenontledroit.Voilàlaraisonpourlaquelle je les laissefairen’importequoi.Oh, jesuisaucourantdeleurspetites rébellions, mais je n’arrive pas à leur imposer quoi que ce soit.J’essaiede les rassembler et je suis le premier à reconnaître que je suisunemerde.Etquej’aimerdéavecmafamille.
Ilpasseunemaintremblantedanssescheveuxenréussissantmalgrétoutàgardersonverre,commesil’objetencristalétaitladernièrechosequilereliaitànotremonde.
–Jesuisdésolée.C’esttoutcequejetrouveàdire.–Tutedemandessansdoutepourquoijeteracontetoutça.–Unpeu.Ilmelanceunpauvresourirecrispéquimerappelletellementceluide
Reedquemesintestinsseretournent.–Dinahveutterencontrer.–QuiestDinah?–LaveuvedeSteve.Monpoulss’accélère.
–Oh.–Jel’aitenueàl’écartparcequetuvenaisjusted’arriver,etbon,je
voulaisquetumeposesdesquestionsausujetdeSteve.ElleetSteve,verslafin…
Ilhésite.–Çan’allaitpas.Jeremontemagarde.–J’ail’impressionquejenevaispasappréciercequevousêtessurle
pointdemedire.–Tuestrèsperspicace.Surce,ilvidesondeuxièmeverre.–Elleexigequetuviennesseule.Je suis donc supposée rencontrer la femme de feu mon père, que
Callumdétestetellementqu’ilsetorcheauwhisky,etsanspersonnepourmesoutenir?Jesoupire:
–Quandj’aiditquemajournéeauraitpuêtrepire,jenepensaispasàcegenrededéfi.
Ilrenifle.–Dinahm’afaitremarquerquemesliensavectoiétaientplusténus
quelessiens.Elleestlaveuvedetonpère.Jen’étaisquesonamietsonassocié.
Unfrissonmeparcourtlapeau.–Est-cequevousêtesentraindemedirequevotretutellen’estpas
légale?–Ellen’estquetemporaire,jusqu’àcequ’ellesoithomologuée.Dinah
pourraittrèsbienlacontester.Jenepeuxpasresterassise.Jemelèveetmarchedelongenlarge.Je
mesenssoudainsistupide.Jemesuislaisséealleràcroirequejepourraisme sentir chezmoi ici,même siReedmedéteste,même si les stupidesélèvesd’AstorParkprennentleurpiedàmetourmenter.Toutesceschosesétaient supposées n’être que des nuisances temporaires. Callumm’avait
promisunavenir,bordel.Etmaintenant, ilm’annoncequecette femme,Dinah,peutmel’enlever?
–Sijen’yvaispas,ellevacommenceràfairedesproblèmes,c’estça?–C’estàpeuprèsça.J’aiprismadécision.JemetourneversCallum.–Alors,qu’est-cequ’onattend?
Durandnousconduitenvilleets’arrêtedevantungratte-ciel.Callum
me dit qu’il m’attendra dans la voiture, ce qui me rend encore plusnerveuse.
–Çacraint,dis-jefaiblement.Ilsepencheetmeprendparlebras.–Tun’espasobligéed’yaller.–Quelautrechoixest-cequej’ai?–Ella,melance-t-illorsquejeposelepiedàl’extérieur.–Quoi?–Steveauraitvouluquetuviennes.Quandilaapprisqu’ilavaitune
fille,ilaétédéchiré.Jetejure,ilt’auraitaimée.Rappelle-t’en.QuoiqueprétendeDinah.
Avec ces paroles pas si encourageantes que ça dans les oreilles, jelaisse Durand m’accompagner à l’intérieur. L’entrée de l’immeuble deDinah est splendide, mais les beaux murs de pierre, les luminaires encristal et les boiseries aux tons chauds nem’impressionnent pas autantqu’ilsl’auraientfaitavantmonarrivéechezlesRoyal.
–EllevientvoirDinahO’Halloran,expliqueDurandauportier.–Vouspouvezmonter.Durandmepousselégèrement.–Dernierascenseur.AppuyezsurPcomme«Penthouse».L’ascenseurmoquettéetrecouvertdeboiserieestpresquetotalement
silencieux.Iln’yapasdemusique,paslemoindrebruitmécaniquepouraccompagner sa montée. Il s’arrête beaucoup trop vite. Les portes
s’ouvrentetj’entredansuncouloirlargeetcourt.Aubout,ilyauneporteàdoublebattant.
Putaindemerde.Elleoccupetoutl’étage?Une femmehabilléecommeuneemployéedemaisonouvreunedes
porteslorsquejem’approche.–MadameO’Halloranvousattenddanslesalon.Puis-jevousapporter
quelquechoseàboire?–Del’eau,jecroasse.Jeveuxbiendel’eau,s’ilvousplaît.Mes tennis s’enfoncent dans la moquette épaisse. Je suis la jeune
femmeàtraverslehalljusqu’ausalon.J’ail’impressiond’êtreunagneauqu’onmèneàl’abattoir.DinahO’Halloranestassisesousungrandtableaureprésentantunnuféminin.Lescheveuxd’ordumodèlesontdétachésetelle regarde par-dessus son épaule, ses yeux verts, séducteurs, fixent lespectateur.C’est…ohmonDieu,levisagedecettefemme,c’estceluideDinah.
–Tuaimes?medemandeDinah,unsourcilhaussé.J’enaibeaucoupd’autres,maiscelui-ciestleplusconvenable.
Convenable ? Mais, Madame, je peux voir votre raie du cul sur cetableau.Jemens:
–C’estchouette.Quiauraitl’idéed’exposersesproprestableauxdenuchezlui?Je fais mine de m’asseoir sur un des sièges, mais la voix aiguë de
Dinahm’arrêtenet.–T’ai-jeautoriséeàt’asseoir?Jemefigeenrougissant.–Non,jesuisdésolée.Jerestedebout.Ellemedéshabilleduregard.– Alors, comme ça, c’est toi la fille qui, selon Callum, est celle de
Steve.Tuasdéjàfaituntestdepaternité?Untestdepaternité?–Hum,non.Ellesemetàrire.C’estunsonvoilé,atroce.
– Alors, comment sais-tuque tun’espas labâtardedeCallumqu’iltentedefairepasserpourcelledeSteve?Çal’arrangeraitbien,luiquiatoujoursclamésurtouslestoitsqu’ilétaitfidèleàsapetitefemme.Or,tuseraislapreuvevivantequ’ilnel’étaitpas.
LafilledeCallum?Brookel’avaitsuggéré,maisCallumavaitprisl’airoffensé. Et ma mère m’avait dit que mon père s’appelait Steve. J’ai samontre. Pourtant, j’ai la nausée, même si je redresse les épaules pourparaîtresûredemoi.
–JenesuispaslafilledeCallum.–Oh,etcommentlesais-tu?– Parce que Callumn’est pas le genre de type à ignorer qu’il a un
enfant.–TueschezlesRoyaldepuisseulementunesemaineettucroisles
connaître.Ellesemoquedemoi,puissepencheenavant,lamaincrispéesurle
brasdesonfauteuil.– Steve et Callum étaient des vieux compagnons des SEAL. Ils ont
partagé plus de femmes que les enfants ne partagent de jouets à lamaternelle.
Jesuisbouchebée.–Jenedoutepasquetaputedemèrelesaitbaiséstouslesdeux.Cetteinjurevis-à-visdemamèremetirebrusquementdematorpeur.–Neparlezpasdemamère.Vousnelaconnaissezpas.–J’ensaisbienassez.Dinahreculedanssonfauteuil.– ElleétaitpauvrecommeJobetelleatentédefairechanterSteve
pourluiextorquerdel’argent.Commeçan’apasmarché,elleaprétenduqu’elle avait un enfant de lui. Sauf qu’elle ne savait pas queSteve étaitstérile.
Les accusations de Dinah me font penser à des spaghettis qu’ellejetterait contre le mur dans l’espoir qu’ils s’y collent, un peu commeJordanavecsestampons.Jecommenceàenavoirassezdecesconneries.
– Alors, faisonsuntestdepaternité.Jen’ai rienàperdre.Si jesuisuneRoyal,jepourraiexigerunsixièmedeleurfortune.Çameparaîtunmeilleurdealqued’êtresimplementlapupilledeCallumRoyal.
Ma bravade ne passe pas bien auprès de Dinah, elle redouble sesattaques.
–TucroisqueCallumRoyalenaquelquechoseàfairedetoi?Cethommen’apasréussiàgardersafemmeenvie.Elles’esttuéeplutôtquede rester avec lui. Voilà le genredepersonne avec qui tu frayes. Et sesfils ? Ils sont pourris par le fric et les privilèges, et il les laisse fairen’importequoi.J’espèrequetut’enfermesàdoubletourlanuit.
Inconsciemment, mon esprit retourne à cette première matinée,lorsque Easton avait glissé sa main dans son pantalon et m’avait toutbonnementmenacée.Jeserrelesdents.
– Pourquoi m’avez-vous demandé de venir ? Je ne comprends pasl’intérêtdecettevisite. Ilmesemblequec’estsurtout l’occasiondevousmoquerdemoietdememettremalàl’aise.
Dinahmelanceunsourireglacial.–Jevoulaissimplementvoiràquij’avaisaffaire.Ellehausseunsourcil.–Etjedoisdirequejenesuispasvraimentimpressionnée.Noussommesdeux,danscecas.–Voilàmonconseil,poursuit-elle.PrendstoutcequeCallumapute
donner et fiche le camp. Cettemaison est un véritable cancer pour lesfemmes,etunjourviendraoùelletomberaenpoussière.Jetesuggèredepartirquandilenestencoretemps.
Elle tend lamain et attrapeune clochette.Aupremier tintement, labonneapparaîtcommeunbrave toutouobéissant.Elleporteunplateauavecunverred’eau.
– MademoiselleHarpernousquitte, luiannonceDinah.Ellen’apasbesoindeverred’eau.
Jen’arrivepasàquitterleslieuxaussivitequejelevoudrais.Callumattenddanslehalld’entréelorsquejejaillisdel’ascenseur.
–Tuvasbien?medemande-t-ilimmédiatement.Jemefrottelesbras.Jenemerappellepasavoirdéjàeuaussifroid.– Steve est vraimentmonpère ? je lui demandeàbrûle-pourpoint.
Dites-lemoi.Ilnesemblepaschoquélemoinsdumondeparmaquestion.–Oui,biensûr,répond-ilcalmement.Callum se penche comme s’il voulait m’embrasser, mais je recule,
toujoursbouleverséeparlesrévélationsdeDinah.Jen’aipasbesoinqu’ilmeréconforte.J’aibesoindelavérité.
–Pourquoidevrais-jevouscroire?(JerepenseauxparolescyniquesdeDinah.)Vousnem’avezjamaisapportédepreuvesdecettepaternité.
– Tuveuxdespreuves?Trèsbien, jevaist’endonner.LesrésultatsADN sont dans mon coffre, à la maison. Et Dinah les a déjà vus. Sonavocatenaunecopie.
Jesuischoquée.Ellem’adoncmenti?Oubienest-celui lementeurdelabande?
–VousavezfaituntestADN?–Jenet’auraispasramenéeicisanscertitudes.J’airécupéréquelques
cheveuxdeStevedanssasalledebainsaubureau,etmondétectiveprivéaprisunéchantillondestienspourcomparer.
Commenta-t-il…Oublionsça,jeneveuxmêmepassavoircommentils’yestprispour
mettrelamainsurmonADN.–Jeveuxvoirlesrésultatsdutest.–Commetuvoudras,maistupeuxmecroirequandjetedisquetues
la filledeSteve.Je l’ai sudès l’instantoù je t’aivue.Tuassamâchoirevolontaire. Ses yeux. Je t’aurais reconnue dans n’importe quel groupecommeétant la fille de Steve.Dinah est en colère et elle a peur.Ne telaissepasatteindre.
Quejenemelaissepasatteindre?Cettefemmevienttoutjustedelancerassezdebombesàretardement
etd’insinuationspourmefaireperdrelatête.
Jesuisincapabled’affronterçapourlemoment.Absolumentpas.Jeveuxjuste…–Allons-y,dis-jed’unairhébété.Dans lavoiture, jen’arrivepasà regarderCallumdans lesyeux.Les
parolesdeDinahtournentencoreetencoredansmatête.–Ella,quandj’aiperdumafemme,j’aitraverséunepériodesombre.C’estunefaçonpour luidereconnaîtrecequ’ilpensequeDinahm’a
dit.Jeluirépondssansleregarder.–Cettepériodesombre?Jecroisquevousyêtesencore.Ilsesertunautreverre.–Peut-êtrebien.Lerestedutrajetsepassedansleplusgrandsilence.
CHAPITRE15
MarencontreavecDinahm’obsèdetrois joursdurant.Elletourneenboucledansmoncerveaumalade.Lucydoitpenserqu’elleaembauchéunrobot,vulepeud’émotionquejemontre.J’aipeurdememettreàpleureràchaqueinstant.Maisellemegardeparcequej’arriveàl’heuretouslesmatinsetquejebossesansmeplaindre.
Travaillerestunsoulagement.Quandc’estanimé,j’arriveàoublieràquelpointmaviepartensucette.Etcen’estpaspeudiresil’onsaitquej’aiquittéSeattlepourfuir lesservicessociauxàl’enfancequiessayaientdemeplacerdansunefamilled’accueil,quej’aipasséunesemainesurlesroutesavantd’atterriràKirkwood.J’avaiscruqu’imiterlasignaturedemamère décédée était une folie,mais ce n’était rien, comparé à la familleRoyaletàsonentourage.
C’estplusdifficiled’éviterlesujetenclasse,parcequeValn’arrêtepasdemedemandercequinevapas.Mêmesi j’adoreVal, jenepensepasqu’ellesoitprêteàentendretoutecettemerde,etquandbienmêmeelleleserait…jen’aipasenviedepartagertoutça.
Callumm’amontré les tests ADN lorsque nous sommes rentrés à lamaison,maisçan’arienchangé.Ledouteacontinuéàmerongerpendanttroisjoursentiers,jusqu’àcematin,quandjemesuistraînéehorsdemonlitaprèsuneautrenuitblancheetquejemesuisforcéeàmerappeleruneévidence:mamèren’étaitpasunementeuse.
Jepeuxcomptersurlesdoigtsd’unemaincequemamèrem’aditsurmonpère. Il s’appelaitSteve. Ilétaitblond.C’étaitunmarin. Il luiavaitdonnésamontre.Toutcela,plustoutcequeCallumm’adit,etajoutéaufaitqu’ilexisteuneréelleressemblanceavecl’hommedelaphotodanslabibliothèque, me pousse à penser que Dinah O’Halloran, pour parlercrûment,estunevraiegrossemerde.
–Tuvoisquelqu’un?LaquestionabruptedeReedmesortdemespensées.Jesuisassisesur
lesiègepassagerdesonRange-Rover,àessayerd’arrêterdebâiller.–Quoi?Pourquoitumedemandesça?–Tuasdescernessouslesyeux.Tuaserrécommeunzombiedansla
maisondepuismardi et, apparemment, tunedorsplusdepuisplusieursjours.Voilà.Tuvoisquelqu’un?Tusorsendoucepourleretrouver?
Ilalamâchoirecrispée.–Non.–Non,répète-t-il.–Oui,Reed.Non.Jenesorsavecpersonne,ok?Etmêmesic’étaitle
cas,çaneteregardepas.– Tout ce que tu fais me regarde. Lemoindre de tesmouvements
m’affecte,moietmafamille.–Ouah!Çadoitêtrechouettedevivredansunmondeoùtouttourne
autourdesoi.–Qu’est-cequetuas,alors?demande-t-il.Tun’espluslamême.–Jenesuisplusmoi-même?Commesitumeconnaissaisassezpour
devinerça.Jefaislamoue.Jevaistedire,jeteraconteraitousmessecretssitumediscequetu
fousdehorstouteslesnuitsetpourquoiturevienscouvertdecoupuresetdebleus.
Sonregardfrémit.–Ouais.C’estbiencequejecroyais.Jecroiselesbrasenessayantdecontenirunbâillement.
Reed fixe le tableau de bord d’un air irrité. Ses grandes mains secrispentsurlevolant.
Ilmeconduittousles joursauboulotàcinqheuresetdemie,puisilcontinuejusqu’àl’écolepoursonentraînementdefootballquidébuteàsixheures.Eastonfaitpartiedel’équipe,luiaussi,maisilyvadesoncôté.Jepense que c’est parce que Reed veut passer du temps seul avec moi.Commeça,ilpeutm’interroger,commeillefaitsansarrêtdepuisquecesconduitesennuyeusesontdébuté.
–Tunevaspaspartir,n’est-cepas?Il y a comme une note de défaite dans sa voix, en plus de la dose
habituelledecolère.–Nan.Jeneparsnullepart.Ilmetsonclignotantpoursegarerets’arrêtedevantlaboulangerie.– Quoi ? Jemurmure, lorsque ses yeux bleus perçants se tournent
versmoi.Seslèvressecrispent.–Lematch,cesoir.–Ehbienquoi?L’horloge sur le tableau de bord indique cinq heures vingt-huit. Le
soleiln’estpasencore levé,mais levoletde ladevanturedeLaBaguetteFrançaiseestrelevé.Lucyestdéjàlà,quim’attend.
–Monpaternelveutquetuviennes.La«douleurRoyal»seréveilleentremesépaules.–Tantmieuxpourlui.Reed me regarde comme s’il avait un mal de chien de ne pas
m’étrangler.–Tuviensaumatch.–Oublie.Jen’aimepaslefootball.Enplus,j’aidutravail.Jemepencheverslapoignéedelaportière,maisilbonditàtraversle
siège et m’attrape la main. Une vague de chaleur envahit mes doigts,descend le long demes bras jusqu’àmon entrejambe. J’ordonne àmoncorps, ce traître, de se lever et jem’efforce de respirer dans ce parfum
masculin, épicé, qui chatouillemesnarines. Pourquoi est-ce qu’il sent sibon?
–Jemefichedecequetuaimesoupas.Jesaisquetusorsàdix-neufheures.Amène-toiàlademie.Tuviens.
Savoixestsourde,imprégnéede…cen’estplusdelacolère,elleestlourdede…jenesaispasquoi.Toutcequejesais,c’estqu’ilesttropprèsde moi pour que je me sente à l’aise, et que mon cœur batdangereusementvite.
– Jenevaispasaller àunde ces stupidesmatchsde football pourvousencourager,toiettesamisdébiles!
Jehurle,enrepoussantsamain,cequimefaitfrissonneruninstant.ÀCallumdesedémerderavecça.
JemeglissehorsduSUV, je claque laportièreet jemedépêchedetraverserletrottoirsombredevantlaboulangerie.
J’arriveenclassejusteavantlapremièresonnerie.J’ai justeletempsde faireunarrêt rapide aux toilettes pour enfilermonuniformed’AstorPark avant d’assister àmes cours dumatin tout en luttant pour ne pasm’endormir.Audéjeuner,j’avaletellementdecaféqueValdoitm’arrêter,maisaumoinsjemesensmieux.
Jem’assiedsàcôtéd’Eastonencoursdechimie.Jelesalueavecunecertaineréticence.
–Tuasronfléencoursd’anglais,cematin,dit-ilavecunsourire.–Pasdutout.J’étaisparfaitementréveillée.Vraiment?Àprésent,jen’ensuisplussisûre.Eastonouvredegrandsyeux.–Aïe,frangine.Tutravaillestropdur.Jemefaisdusoucipourtoi.Moiaussi,j’ouvredegrandsyeux.JesaisquelesfrèresRoyalnesont
pascontentsquejetravaille.Callumnonplusn’apasappréciéquandjeleluiaidit.Ilainsistépourquejemeconcentresurmesrésultatsscolaires,sansmedisperser,maisjen’aipaschangéd’avis.Lorsquejeluiaiexpliquéqu’avoirunboulotétaitimportantpourmoi,etquej’avaisbesoind’autrechosequedel’écolepouroccupermontemps,ilalâchél’affaire.
Oudumoinsc’estcequejecroyais.Cen’estquequandlaclochedemondernier coursde la journée retentit que je réalise queCallum s’estservidesonpouvoirpourmejouerundesestours.
Unegrande femmegracieusem’abordequand jesorsde laclassedemathématiques.Ellebougecommeunedanseuse,et jenesuisdoncpassurprisequandelleseprésentecommel’entraîneurdel’équipededanse.
–BonjourElla,ditmadameKelley,enm’observantintensément.Tontuteurm’aditquetudansesdepuistonenfance.Quelgenredecoursas-tusuivi?
Jesuistrèsgênée.Jemens.– Je n’ai pas vraiment eu de formation. Je ne sais pas pourquoi
monsieurRoyalvousaditça.Jecroisqu’ellelitparfaitementenmoi,parcequ’ellehausseunsourcil.– Pourquoinemelaisses-tupas jugerparmoi-même?Tuvasvenir
faireunessaiaprèstescourscesoir.Unealarmeretentitdansmatête.Quoi?Pasquestion.Jeneveuxpas
rejoindre l’équipededanse.Danser, c’est justeunpasse-tempsà la con.Et… oh merde, est-ce que Savannah ne m’a pas dit que Jordan étaitcapitainedel’équipe?Ducoup,jeneveuxvraimentplusessayer.
–Jetravailleaprèsl’école,dis-jesèchement.–Tutravailles?Madame Kelley prononce ce mot comme si ce concept lui était
inconnu.Maisjesupposequ’avecmonboulotàmi-temps,jefaispartiedelaminoritéàAstorPark.
–Àquelleheure?–Troisheuresetdemie.Ellefroncelessourcils.–Bon,moncoursneseterminepasavantquatreheures.Humm.Elleréfléchit.– Tu sais quoi, ma capitaine va prendre le relais. Carrington sait
parfaitementcequenousrecherchons.Tupeuxluimontrercequetusaisfaireàtroisheures,cequitelaisselargementletempsd’alleràtontravail.
Mapaniqueestmultipliéepartrois.JevaispasseruneauditiondevantJordan?Plutôtcrever.
MadameKelleyremarquemonembarras.–MonsieurRoyaletmoicomptonssurtaprésence,Ella.Chaqueélève
d’Astor Park est sollicité pour apporter sa contribution à l’école. Uneactivité extrascolaire sera une façon saine et productive d’occuper tontemps.
FichuCallum.Lefaitqu’elleutiliseexactementlatournuredephraseque j’avaisemployéeavec lui– occupermon temps–meconfirmequec’estbienluiquisecachederrièretoutça.
– Passe au gymnase après ton dernier cours. Tu peux mettre tesvêtementsd’éducationphysique.
Elle me tapote le bras et disparaît avant que j’aie le temps deprotester.
Ungémissementmontedemagorge,mais jeparviens à le réfréner.Lesmembresde la familleRoyal sontvraimentcapablesde tout. Jen’aiaucune envie de faire partie de l’équipe de danse, mais je saispertinemmentquesijenemepointepasàcetessai,madameKelleyvaenréférer à Callum. Et que s’il est suffisamment en colère, il pourrait trèsbienmeforceràquittermonboulot.Oupire,l’écolepourraitdéciderquejen’airiende«spécial»àoffrir,etmonsieurBeringermejetteradehors,cequineplairavraimentpasàCallum.
Ethonnêtement,çanemeplairaitpasnonplus.Cetteécoleestàdesannées-lumière des lycées publics que j’ai fréquentés, du point de vueacadémique.
Je n’arrive absolument pas à me concentrer pendant mon derniercours. L’idée d’avoir à faire cet essai me remplit d’effroi, et quand jetraverselapelouseSudaprèslasonnerie,j’ail’impressiondeparticiperàunmarathon.J’auraisbienaimédemanderàValcommentfairepourm’ensortir,vuqu’elleestuneexcellentedanseuseetquepersonnenel’aforcéeàfaireunessai.
Lorsque jepénètredans levestiairedes filles, il estvide,mais il yauneboîterectangulaireposéesurlelongbancverni,entrelesrangéesdecasiers.
ELLAest inscrit sur le couvercleetune feuilledepapierestpliéeendeuxàcôtédemonnom.
Monventre senoue.Lesmains tremblantes, j’arrache lepapier et jel’ouvre.
Désoléemachère,Mais nous n’acceptons pas les sales strip-teaseuses dans
l’équipe. Toutefois, je suis sûre que le club Excalibur, en ville,seraitravidetefairefaireunessai.Enfait, jecroistellemententoiquejet’aimêmeachetéunetenuepourtonaudition.Leclubest situé au croisement de l’avenue Ordure et de l’avenueCaniveau.
Bonnechance!Jordan
Elle a griffonné son nom de façon toute féminine, et la jubilationtransparaît derrière chaque lettre. Mes mains tremblent encore pluslorsquej’ouvrelaboîteetquejesoulèvelepapierdesoie.Quandjevoiscequisecacheàl’intérieur,lahontemenouel’estomac.
La boîte contient uneminuscule culotte rouge, des stilettos de 12,5centimètresdehautetunsoutien-gorgeendentellerougeavecdesglandsnoirs.Cettelingerieestmocheetdemauvaisgoût,elleneressemblepasdutoutàcequejeportaischezMissCandy,àKirkwood.
JemedemandequelfrèreRoyalleuraparlédemonboulotdestrip-teaseuse.Callumadûseconfierà ses fils,alors lequelaparlé?Reed?Easton?Jepariequec’estReed.
Un nouveau sentiment éclipsema honte. C’est de la rage. Une ragefroide, qui déferle en moi et descend jusqu’au bout de mes doigts en
produisant des picotements. J’en aimarre de tout ça. J’en aimarre desjugements,desinsultesetdesmoqueries.JechiffonnelemotdeJordanetle lance à travers la pièce. Puis je fais demi-tour et jemedirige vers lasortie.Àmi-chemin,jemefige.Monregards’arrêtesurlessous-vêtementsmiteuxsurlebanc.
Voussavezquoi?Ellespensentquejesuisunemoins-que-rien?Jevaisleurmontrerce
quec’est.Peut-être est-ce la colère, ou la frustration, ou ce sentiment
d’impuissance dans ma poitrine, mais je ne contrôle plus mon proprecorps.Jeretiremesvêtementscommesij’étaisenpiloteautomatique.Jesuis tellement furieuse que je peux sentir ma colère. J’en bavelittéralement. Seigneur, j’écume. J’enfile les oripeaux de dentelle, je lesremontesurmeshanches,jemetslesoutien-gorgeenplaceetjemedirigeverslaporte.Pascellequimèneàl’extérieur,maiscellequiouvresurlegymnase.
Je laisse les stilettos sur le banc, je vais avoir besoin de tout monéquilibre.
Mes pieds nus frappent le sol. La colère guide chacun de mes pas,ainsiqu’unsentimentd’injustice.Cesgensnemeconnaissentpas.Ilsn’ontpas ledroitdeme juger.J’ouvre laporteengrandet jepénètredans legymnase.Latêtehauteetlesmainssurleshanches.
Quelqu’unmeremarqueetpousseuncri.–Bordeldemerde!Unevoixmasculineluiréponddepuisl’autreboutdugymnase,làoù
lacloisonquiséparelespoidsetlematérield’exercicesausolduresteduterrainaétéenlevée.
Un bruit métallique résonne dans le gymnase, comme si quelqu’unavaitlaissétomberdeshaltères.
Jeralentis.Toutel’équipedefootestlà,quisoulèvedespoids.Jejetteuncoupd’œilrapidedansleurdirectionetjesensmesjouesquiprennent
feu.Chaquepaired’yeuxmasculinsmedéshabille.Toutes lesmâchoiressontgrandesouvertes.Saufune.Uneseuleresteparfaitementclose,etlesyeuxbleusdefeudeReedmetranspercent.
Jedétourneleregardetjemedirigeverslegroupedefillesquifontdesétirementssurunepiledetapisbleus.Jememetsàroulerunpeudeshanches.Elless’arrêtenttoutesaubeaumilieudeleurétirement,lesyeuxécarquillés.
Lasurprise,surlevisagedeJordan,disparaîtrapidementetsemueeninquiétude. Quand elle croise mon regard, je jure qu’elle se met àtrembler. La seconde suivante, elle se relève et croise les bras sur sapoitrine.
Elle porte un short et un débardeur moulants. Elle a relevé sescheveux noirs en queue-de-cheval. Son corps est long et tonique. Etmusclé.Maislemienaussi.
–Tun’asaucunedignité,n’est-cepas?Ellesouritd’unairsatisfait.Jem’arrête devant elle. Je ne dis pas unmot. Toutes les personnes
présentesnousregardent.Non,ellesmeregardent.Jesuisàmoitiénue,etjesaisquejesuisbelle,mêmedanscecostumeminable.Jen’aipeut-êtrepasdesparentsmilliardairescommetouscesmômes,mais j’aihéritéducorpsdemamère.
Cesfilleslesavent.Uncertainnombredecoupsd’œilenvieuxcroisentmoncheminavantdeserenfrogner.
–Qu’est-cequetuveux?medemandeJordan.Jemefichedecequ’aditmadameKelley.Tuneferaspasd’essai.
– Non ? (Je simule un regard innocent.) Oh, j’en avais tellementenvie.
–Ehbien,çan’arriverapas.Jeluilanceunsourire.–C’esttropdommage.Jemouraisd’enviedetemontrercommenton
faitdanslesbas-fonds.Maisjesupposequejepeuxencore.
Avantqu’ellepuisserépondre,jerepliemonbrasetjeluibalanceuncoupdepoingdanslafigure.
Immédiatement, c’est la panique. La tête de Jordan recule sous lechoc, et son cri dedouleur seperddans leshuéesmasculines. L’undesgarçonss’écrie«uncombatsingulier!»,maisjen’aipasletempsdevoirquic’estparcequeJordansejettesurmoi.
La chienne, elle est costaude.Nous roulons sur les tapis, et soudainelleest surmoi,elle lève lepoing.J’esquiveet jenous fais roulersur lecôtéenluidonnantuncoupdecoudedansleventreavantd’attrapersaqueue-de-cheval et de tirer dessus de toutes mes forces. Ma vision esttroublée. Je luibalanceunautrecoupsur la joue,etelle répondenmelacérantlebrasgaucheavecsesongles.
–Lâche-moi,espècedesalepute,hurle-t-elle.J’ignoreladouleurquimontedemonbrasetjelèvelepoing.–Essaiedem’enempêcher.Je lâche le coup, mais avant de pouvoir atteindre sa petite gueule
suffisante,jesuissoulevéedanslesairs.Des bras musclés m’enserrent la poitrine et m’entraînent loin de
Jordan.Jemedébatsentrelesbrasdemonravisseur.–Lâche-moi!Il gronde à mon oreille. Je n’ai pas besoin de me retourner pour
comprendrequec’estReed.–Calme-toi,putain.Àunmètredelà,lesamiesdeJordanl’aidentàserelever.Elletouchesajouetuméfiéeetmeregardefixement.Ellesembleprête
àrecommencer,maisSheahetRachellaretiennent.Et l’adrénalinequi couledansmesveinesme fait sautiller surplace.
Maisjesaisquejesuissurlepointdem’écrouler.Jecommencedéjààmesentir faibleetramollo, tout lehautdemoncorpstrembledans lesbrasdeReed.
–Laisse-la-moi,Reed,hurleJordan.
Sescheveuxontglissédesaqueue-de-chevalettombentsursesyeuxfous.Unhématomeestentraind’apparaîtresursapommette.
–Cetteputemériteun…–Çasuffit!Il lui coupe violemment la parole. Son expressionmenaçante se fait
plus hésitante lorsque Reedme relâche. Il enlève son tee-shirt plein desueur,etlamoitiédesfillessemettentàreluquersesabdospendantquel’autremoitiécontinueàmejeterdesregardsméprisants.
Reedmetendsontee-shirt.–Enfileça.Je ne réfléchis pas à deux fois. Je glissema tête dans son tee-shirt.
Quandelleressortdel’encolure,Jordanmelancedesregardsassassins.– Maintenant, fous le camp ! aboieReed.Habille-toi et rentre à la
maison.Voilà qu’un homme d’une trentaine d’années à la calvitie naissante
s’avance dans la salle. Il porte un uniforme d’entraîneur et un siffletautourducou,maisjenesaispassic’estl’entraîneurenchef,parcequej’ai déjà aperçu Easton avec le coach Lewis. Ce doit être l’entraîneuradjoint,ouuntrucdugenre.Ilal’airlivide.
– Ces filles ne vont nulle part, sauf dans le bureau du directeur,annonce-t-il.
L’airennuyé,Reedsetourneversletype.–Non,masœurrentreàlamaison.Jordan,elle,peutallerlàoùvous
voulez.–Reed,cen’estpastoiquidécides.Reedsembleimpatient.– C’est fini.Terminé.Elles se sontcalmées. (Ilnous jetteunregard
acéré.)N’est-cepas?Jehochelatête.Jordanfaitpareil.–Donc,nefaisonspasperdresontempsàBeringer.Reed a un ton de voix sans appel, puissant, avec un soupçon
d’amusement, comme s’il prenait son pied à donner des ordres à cet
hommeplusâgé.– Parce que nous savons pertinemment tous les deux qu’il ne fera
rien.MonpèrelepaieraetEllanerécolterariend’autrequ’unetapesurlamain.LepèredeJordanferalamêmechose.
L’entraîneurserrelesdents,maisilsaitqueReedaraison,parcequ’ilnediscutepas.Aprèsunlongmoment,ilseretourneetsouffledanssonsifflet.Lesonstridentnousfaittoussursauter.
–Jenevousvoispasvouslever,Mesdemoiselles,lance-t-ilensuite.Les joueurs qui nous encourageaient à nous battre se dépêchent de
retourneràleursbarresd’exercice,commes’ilsavaientlefeuaucul.Reedresteavecmoi.– Va-t’en,ordonne-t-il.Nousavonsunmatchcesoir,etmaintenant,
mes gars sont distraits parce que tu es fringuée commeunemoins-que-rien.Fouslecamp!
Ils’éloigne,torsenu.Sondosmusclé luitdans lesoleilcouchantquiinondelapièce.Quelqu’unluipasseunautretee-shirt,ill’enfileenallantvoir son frère. Easton croisemon regard un instant. Son expression estimpossibleàdécrypter,puis ilsetourneversReed,et lesdeuxmembresdelafamilleRoyalsemettentàdiscuteràvoixbasse.
–Salope,siffleunevoix.J’ignoreJordanetjem’éclipse.
CHAPITRE16
Je n’assiste pas aumatch de football. Rien ne pourrait me forcer àalleraulycéecesoir 1,pasaprèstoutcequis’estpasséaujourd’hui.Jesuistout de même arrivée entière à la boulangerie. Encore écumante aprèsmon combat, je me suis démenée comme une furie dans la petiteboutique. En sortant, Lucym’a fait une réflexion sur la jeunesse, sur savitalité,etm’aexpliquéàquelpointçaluimanquait.J’aifailli luihurlerdessus qu’àmoins d’apprécier les trous du cul et les garces, elle n’avaitfranchementrienàregretter,avantdemerappelerqu’ilnefallaitpasquejehausselavoixdevantmapatronne.
Je n’arrive toujours pas à réaliser que j’ai agressé physiquementJordan Carrington. Pourtant, je serais prête à recommencer. Sans lamoindrehésitation.Lasalopel’avaitbiencherché.
Cesoir, laseulechosedont j’aienvie,c’estdemeplanquerdansmachambreenfaisantcommesilerestedumonden’existaitpas.CommesilesRoyalet leursamis snobinardsn’existaientpas.Pourtant,malgrémasolitude volontaire, je ne peux m’empêcher d’allumer la radio et dechercherunestationlocalequidiffuselematch.
Bien entendu, on ne parle que des frères Royal. Reed défonce unquaterback de l’équipe adverse. Easton prend un coup qui fait gémir lecommentateur:
–Alorsça,c’estunchoc!
– Ils vont sentir leur douleur un peu plus tard dans la soirée, cesdeux-là.
L’autrecommentateurapprouve.C’estAstorParkquigagne.JemurmureironiquementAllezl’équipe,en
éteignantlaradio.Je faismes devoirs pourme distraire,mais je suis interrompue par
l’arrivéed’un textodeValérie.Ellem’annoncequ’il yaune fête ce soir,chezuncertainWade.Etelleproposedevenirchezellepourdansertoutelanuit,àlaplace.Jedéclinel’invitation.Jenesuispasd’humeuràfairecommesi toutallaitbiendansmavie. Jedétestecetteécole. Jedétestecesgens,exceptéValérie,mais jene suismêmepas sûrequemonamiesingulière,sipleined’énergie,suffiseàmefairesupportercettetorture.JefinispardescendreàlacuisineoùjeretrouveBrookeentraindesiroterunverredevin.Elleporteuneroberougesoyeuse,dessandalesàtalonshauts,etelleal’airimpatiente.
Jetenteunsalut.Ellehochelatête.– Toutvabien? je luidemandeenattrapantunsachetdechipsde
maïsdansunplacard.Et je reste plantée là, mal à l’aise d’être contrainte d’engager la
conversationavecelle.– Callumestenretard,m’explique-t-elled’unevoix tendue.Ondoit
prendrel’avionpourallerdîneràManhattancesoiretiln’esttoujourspasrentré.
–Oh!Ah!Jesuisdésolée.Ilsprennentl’avionpourManhattanjustepourallerdîner?Quidonc
faitça?–Jesuiscertainequ’ilnevapastarder.Ilaprobablementétéretenu
aubureau.Ellerenifle.– Bien sûr qu’il a été retenu au bureau. Il vit pratiquement tout le
tempslà-bas,bordel,aucasoùtun’auraispasremarqué.
Son juronme fait sursauter. L’expression sur son visage se fait plusdoucequandBrookes’aperçoitdemagêne.
– Je suis désolée, mon chou. Oublie. Je suis super-irritableaujourd’hui.
Ellesourit,maissesyeuxrestentdemarbre.–Pourquoiest-cequetunemetiendraispascompagniependantque
jel’attends?Commentças’estpasséàl’écoleaujourd’hui?–Questionsuivante!En réponse, j’obtiens un véritable éclat de rire. Les yeux brillants,
Brooketapesurlachaisevideàcôtéd’elle.–Assieds-toietracontetoutçaàBrooke.Jem’assieds,sansvraimentsavoirpourquoi.Jedéglutis,–Riendespécial.J’aisimplementfiléuneracléeàquelqu’un.Elleaunpetitrirechoqué.–Oh,Seigneur!Etjenesaispaspourquoi,maisjeluidéballetoutel’histoire.Lafaçon
dont Jordan m’a humiliée. Comment j’ai retourné la farce à monavantage. Comment j’ai foutu mon poing sur la figure de cette garce.Lorsque j’ai terminé, je suis toute surprisede voirBrookeme tapoter lebras.
– Tu avais parfaitement le droit de te mettre en rogne, dit-ellefermement.Ettuasbienfaitderemettrecettesalopeàsaplace.
JemedemandesiCallumauraitlamêmeréactiondefiertéétranges’ilsavaitcequej’aifaitàJordan.Çam’étonnerait.
–Jemesensmal,j’avoue.Habituellementjenesuispasquelqu’undeviolent.
Brookehausselesépaules.–Parfois,c’estnécessairedefaireunedémonstrationdeforce,surtout
dans ce milieu. Dans le monde des Royal. Tu penses que la filleCarringtonsera la seuleà te reprocher làd’où tuviens?Sûrementpas.
Résigne-toi à avoir des ennemis, Ella. Beaucoup d’ennemis. La familleRoyalesttrèspuissante,ettuenfaispartiedésormais.
–Tuvasforcémentinspirerdelahaineetdelajalousiechezceuxquit’entourent.
Jememordsleslèvres.–JenesuispasunevraieRoyal.Pasparlesang.–Non,maistuesuneO’Halloranparlesang.Ellesourit.– Crois-moi, c’est plutôt séduisant. Ton père était un homme très
riche.Callumaussi est unhomme très riche. Par conséquent, tu es unefilletrès,trèsriche.
Brookeprenddélicatementuneautregorgéedevin.–Ilvafalloirt’habituerauxcommérages,monchou.Prépare-toiàce
que,lorsquetuentresdansunepièce,desmurmuress’élèventautourdetoi,quitedisentquetun’asrienàfairelà.Habitue-toi,etneleslaissepast’atteindre.Rendscouppourcoup.Nesoispasfaible.
Ondiraitunchefdeguerrequiprononceundiscourspourgalvanisersestroupesavantlabataille.Jenesaispassijedoissuivresonconseiloupas. Je ne peux nier que je me sens mal d’avoir rectifié le portrait deJordan.
Nousentendonss’ouvrirlaported’entrée,etpeuaprès,Callumentredanslacuisine.Ilporteuncostumechicetilal’aircrevé.
– Nedis rien, ordonne-t-il avantmêmequeBrooke ait eu le tempsd’ouvrirlabouche.(Puisilsembleseradoucirunpeu.)Jesuisdésolépourleretard.Leconseild’administrationadécidédeseréuniraumomentoùje partais. Mais laisse-moi le temps de me changer, et Durand nousdéposera au terrain d’aviation. Salut Ella. Comment ça s’est passé àl’école?
–Super.(Jemensensautantdutabouret.J’éviteleregardamusédeBrooke.)Amusez-vousbien.Jevaisfinirmesdevoirs.
JesorsprécipitammentdelacuisineavantqueCallumcomprennequejenesuispasalléeaumatchauquelilvoulaitquej’assiste.Jecoursvers
ma chambre de princesse et je passe les deux heures suivantes àm’arracherlescheveuxsurd’horribleséquationsmathématiques.Ilestunpeu plus de onze heures du soir quand ma porte s’ouvre violemment.Eastonentresansfrapper.
–Maispourquoiest-cequetunefrappespas,bordel?–Noussommesenfamille.Onnefrappepasenfamille.Sescheveuxnoirssonthumidescommes’ilsortaitdeladouche,etil
porteunbasde joggingetun tee-shirtmoulant. Ila l’airenpétard. IlaunebouteilledeJackDanielsàlamain.
–Qu’est-cequetuveux?–Tun’espasvenueaumatch.–Etalors?–Reedt’avaitditdevenir.–Etalors?jerépète.Eastonfroncelessourcils.Ilfaitunpasdansmadirection.– Alors, il faut que tu préserves les apparences. Papa veut que tu
t’impliques dans cette merde. Il te protégera aussi longtemps que tujoueraslejeu.
– Je n’aime pas lesmatchs. Tes frères et toi ne voulez pas demaprésenceauprèsdevous.Moinonplus.Àquoibonfairesemblant?
–Naan,tuasenviedenouscoller.Ilserapprocheencoreetcollesabouchecontremonoreille.Jesens
son souffledansmon cou,mais jene senspas l’odeurde l’alcool. Il n’adoncpasencoretapédanssabouteille.
–Etpeut-êtrequemoi,j’aienviedetecoller.Jeplisselespaupières.–Qu’est-cequetufaisdansmachambre,Easton?–Jem’emmerdeettueslaseuleprésentedanscettemaison.Il s’écroule sur mon lit, se rejette en arrière en s’appuyant sur ses
coudesetposelabouteilledewhiskyàcôtédelui.–Valériem’aditqu’ilyavaitunefêteaprèslematch.Tuauraispuy
aller.
En grimaçant, il soulève son tee-shirt et me montre un vilainhématomesursescôtes.
–J’aipasséunsalequartd’heuresurleterrain.Jen’aipasenviedesortir.
Jesuispleinedesuspicion.–OùestReed?–Àlafête.Commelesjumeaux.Ilhausselesépaules.–Commejetel’aidit,onn’estquetouslesdeux.–J’étaissurlepointdemecoucher.Sonregards’attardesurmesjambesnueset jesaisqu’ilremarquela
façondontmontee-shirtmoulemapoitrine.Sansaucuncommentaire,ilremonteàlatêtedemonlitetposesatêtesurmesoreillers.Jeserrelesdentslorsqu’ilattrapelatélécommandesurmatabledenuit,qu’ilallumelatéléetsemetàzapper.
–Sors,jeveuxdormir.– Ilest trop tôtpoursecoucher.Arrêtede jouer lesgarcesetviens
t’asseoir.Bizarrement, il n’y a pas trace de malice dans sa voix. Juste de
l’humour.Maisjesuisencoreméfiante.Jem’assiedsaussiloindeluiquepossible,surmonmatelas.
En souriant, Easton détaille ma chambre à coucher toute rose etlance:
–Monpèreestvraimentunnaze,hein?Jenepeuxm’empêcherdeluirendresonsourire.–Jesupposequ’ilnesaitpascommentonélèvelesfilles.–Non,maislesgarçonsnonplus,murmure-t-ildansunsouffle.–Aïe,etc’estlàquetutemetsàtoutmedéballersurtonpère?Papa
n’étaitjamaislà,papam’ignorait,papanem’ajamaisaimé?Ilécarquillelesyeuxetignoremessarcasmes.–Monfrèreestfurieuxcontretoi.–Tonfrèreesttoutletempsenpétard.
Eastonne répondpas. Ilporte labouteilleà ses lèvres.Macuriositéprendledessus.
–Trèsbien,jemerends.Pourquoiest-ilenrogne?–Parcequetut’esbattueavecJordan.–Ellel’abiencherché.Ilreprendunegorgée.–Ouais,c’estvrai.Messourcilsmontentenflèche.–Comment,pasderemontrances?Pasde«tusalislebeaunomde
Royal,Ella.Tuesunehontepournoustous»?Ilesquisseunsourire.–Naan.Ilsouritànouveau,avecespièglerie,cettefois.– C’était le spectacle le plus torride auquel j’ai assisté depuis
longtemps.Vousvoirvousroulerparterrecommeça…Tum’asoffertdequoialimentermesfantasmespendantdesannées.
–Çacraint.Jeneveuxriensavoirdetesfantasmes.–Biensûrquesi.Ilavaleencoreunegorgéeetmetendlabouteille.–Tuenveux?–Nonmerci.–Bordeldemerde,arrêtedefaireladifficile.Laisse-toivivreunpeu.
(Etilpousselabouteilledansmamain.)Bois!Je bois. Je ne sais pas vraiment pourquoi je fais ça. Peut-être parce
que je veux en ressentir les effets. Peut-être parce que, depuis monarrivée,c’est lapremière foisqu’unautremembrede la familleRoyal,àpartCallum,estsympaavecmoi.
Lesyeuxd’Eastonbrillentde contentementquand j’avaleunebonnelampée.Ilpasseunemaindanssescheveuxetsursaute.Jeleplains.C’estun sacré hématome. Nous restons assis en silence pendant un certaintempsennousrepassantlabouteille.J’arrêtedeboirequandjesensque
jesuisunpeupompette.Ilmelanceuncoupdecoudedanslescôtes,toutengardantlesyeuxrivéssurl’écrandetélé.
–Tuneboispasassez.–Jen’enveuxplus.Jemepencheenarrièreetjefermelesyeux.–Jen’aimepasêtrebourrée.Jem’arrêtequandjesuisgaie.–Tun’asjamaisétéivre?–Si.Ettoi?–Non,répond-ilinnocemment.Jerenifle.–Hum,hum.Tuétaissansdoutedéjàalcooliqueàdixans.Àl’instantmêmeoùjeprononcecesmots,jememetsàsoupirer.–Quoi?Ilmeregardecurieusement.Ilestbeaucoupplusséduisantquandilne
faitpaslamoueouqu’ilnesouritpasaveccepetitairsûrdelui.–Rien,justeunsouvenirdébile.Jeferaisbiendechangerdesujet.Engénéral,j’évitedeparlerdemon
passé.Maiscesouvenirm’obsèdeàprésent,etjenepeuxpasm’empêcherderigoler.C’estunpeucompliqué,enfait.
–Tum’intrigues,àprésent.– J’avais dix ans la première fois que je me suis tapé une cuite,
j’avoue.–Vraiment?–Ouais.Mamèresortaitaveccetype,Léo.Quiavaitdesantécédentscriminels,maisça,jeneledispasàEaston.– Nous vivions à Chicago à l’époque, et un week-end, il nous a
emmenéesjouerauCubs.Ilbuvaitdelabière,etjen’aipasarrêtédeluiendemander.Maismamèrerépondaitqu’iln’enétaitpasquestion,etluiqu’unepetitegorgéenepouvaitpasmefairedemal.
Jefermelesyeuxetjemereplongedanscettechaudejournéedejuin.– Donc, j’ai essayé et j’ai trouvé ça immonde. Léo a trouvé très
marrante la tête que j’ai faite. Du coup, chaque fois que maman nous
tournaitledos,ilmepassaitsabouteilleetpissaitdanssonfrocderireenme regardant faire la grimace. Je n’ai pas dû boire plus qu’un quart decettebouteille,maisj’étaiscomplètementsaoule.
Eastonéclatede rire. Jeme rends compteque c’est lapremière foisquej’entendsunvéritableriredanslepalaisRoyal.
–Tamèreaflippé?– Oh mon Dieu, oui, tu aurais dû voir ça. Je n’arrêtais pas de
trébucherdansl’allée.Unepetitefillededixansquibégayaitcommeunepoivrote:«Tutun’veuxpaaasm’ach’terdehotdooog?»
Touslesdeux,nousrionstellementquelematelassemetàtremblersousnous.C’estagréable.Maishélas,çanedurepaslongtemps.
Eastonsetaitsoudainunmoment,avantdesetournerversmoi.–Tuétaisvraimentstrip-teaseuse?Jemefige.J’ailemot«non»surleboutdelalangue.Maisqu’est-ce
queçapeutbienfaire,àprésent?Enclasse,touslesmômesvontraconterquej’aifaitdustrip-tease,sanssedemandersic’estvraioupas.
Alorsjehochelatête.Ilal’airimpressionné.–C’estunvraitrucdedureàcuire.–Non,pasdutout.Il se tourne, et son épaule frôle la mienne. Je ne sais pas si c’est
intentionnel,maisquandsonvisageseretrouveen facedumien, jesaisqu’ilestparfaitementconscientducontactentrenosdeuxcorps.
–Tusais,tuesvraimentbandantequandtunerâlespas.Ilalesyeuxfixéssurmabouche.Jesuis tétanisée,maiscen’estpas lapeurqui faitbattremoncœur.
Lesyeuxd’Eastonbrillentdedésir. Ilsont lamêmenuancequeceuxdeReed.
–Tudevraisyalleràprésent,j’aienviedemecoucher.–Non,tun’enaspasenvie.Ilaraison.Jen’enaipasenvie.Mespenséessontconfuses.Jepenseà
Reed,àsamâchoirepuissanteetàsonvisageparfait.Eastona lamêmemâchoire.Avantdepouvoirmeretenir, je la toucheduboutdesdoigts.
Un bruit étouffé s’échappe de sa bouche. Sa barbe gratte. Je suisstupéfaitelorsquejesensmonterunevaguedechaleurentremesjambes.
–Ilafalluquetuviennespourtoutfoutreenl’air,murmure-t-il.Etseslèvressepressentcontrelesmiennes.Mon pouls s’accélère sous l’impulsion de l’alcool que j’ai ingéré. En
retenantmarespiration,jedétachemeslèvresdessiennesavantquenotrebaisern’ailleplusloin.
Jesouffleunboncoup,prêteàfairecommes’ilnes’étaitrienpassé,maisj’aisous-estimélesex-appeald’EastonRoyal.Ilestsplendide.Ilaleregard lourd, lamâchoirebiendessinée, commeson frère.Son imbéciledefrère.Pourquoiest-cequejenepeuxpasm’ôterReeddelatête?
Easton passe ses doigts dans mes cheveux et m’attire à lui, denouveau.Ses lèvrescaressent lesmiennes,brièvement,avantdereculer.Sonregardfixeestunevéritableinvitation.
J’effleuresajoueet jefermelesyeux.C’estunsignalclair.Jenemerendais pas compte à quel point j’avais envie d’un contact humain. Leslèvres tièdes d’un garçon sur les miennes, ses mains qui caressent mescheveux.Jesuispeut-êtrevierge,maisj’aidéjàflirtéàdroiteàgauche,etmoncorpsserappellecombienc’estbon.Jeprendsappuisurlapoitrined’Easton,nosbouchesserencontrentànouveau.
Lachosedontjemesouviensensuite,c’estqu’ilestsurmoi,etquelepoidsdesoncorpsm’écrasecontrelematelas.Ilremueleshanchesetleplaisirm’envahit,mefaitfrissonnerdedésir.
Easton m’embrasse à nouveau. Profondément et fiévreusement. Salanguepénètredansmaboucheaumomentprécisoùunevoixincréduleaboie:
–Tutefousdemagueule?Eastonetmoinousnousséparonsetnos têtesse tournentenmême
temps vers la porte d’entrée où se tient Reed, qui nous fixe d’un airincrédule.
–Reed,commenceEaston.Maisc’estinutile.Sonfrèrefaitdemi-touretdisparaît.
Le bruit des pas de Reed est aussi fort que les battements de moncœur.
Àcôtédemoi,Easton,roulesurledos.Ilfixeleplafondetmurmure:–Merde!
1.Littéralement,«Mêmeleschevauxsauvagesnepourraientmetraîner…»enréférenceaumorceaudesRollingStones,«WildHorses».
CHAPITRE17
Une seconde passe. Deux. Trois. Puis Easton se jette du lit et courtaprèsReed.Jel’entendscrierdanslecouloir,
–J’étaisbourré.Et la brûlure de l’humiliation, une honte comme je n’en ai jamais
ressenti,medévore.Ilm’aembrasséeuniquementparcequ’ilétaitsaoul.–Peuimporte,Easton,tun’enfaisqu’àtatête,commetoujours.Reed semble fatigué, etmon cœur stupide, affamé et solitaire, celui
quiapermisàEastondem’embrasser,souffrepourReed.–Vatefairefoutre,Reed.Tuvoulaisquej’arrêtelesantalgiquesetje
l’ai fait, mais je me suis fait rentrer dedans par unemontagne de 140kilos,mescôtesmefontunmaldechien.C’étaitoubienlabièreoubienl’oxy 1.Tuchoisis.
Lavoixd’Eastondiminuepeuàpeu,etjen’entendspaslaréponsedeReed. Malgré moi, je me lève, je cours à ma porte et je sors dans lecouloir,justeàtempspourlesvoirdisparaîtredanslachambredeReed.Mespiedsnusne fontaucunbruitquand jemedirige sur lapointedespiedsjusqu’àlaporte,àprésentclose.
– Pourquoiest-cequetun’espasrestéà la fête?Abbytecherchaitpartoutaprès lematch, luidemandeEaston.C’étaituncoupfacile,monpote.
Reedrenifle.–C’estpourçaquejesuisici.Jenepeuxpasyretourner.
–Pourquoies-tusortiavecelle,alors?Jeretiensmonsouffle,parceque j’ai trèsenviedesavoir,moiaussi.
C’estquiexactement,letypedeReed?Ilyaungrandbruit,puisunautrecoup,commesionjetaitquelque
chosesurlemur.–Elle…ellemerappelaitmaman.Douce.Calme.Pascollante.–CommeElla,ditEastonavecunriresarcastique.Unautrecoup,cettefoisplusétouffé.–Hé,tuasfaillimetoucheravecceballon,enfoiré!Etilssemettentàrire,touslesdeux.Est-cequ’ilsrientdemoi?– Ne l’approche pas, East. Tu ne sais pas avec qui elle a traîné,
l’avertitReed.À présent, j’ai l’impression qu’ils jouent au catch, en discutant
négligemmentdemaviesexuelle.– Elle est réellement strip-teaseuse ?demandeEastonauboutd’un
moment.Ellemel’adit,maiselleapumementir.–C’estcequ’aditBrooke,etc’étaitdansledossierdepapa.Brookeleuraditquejefaisaisdustrip-tease?J’aibienfaitdeluifaire
confiance !Etqueveut-ildireenaffirmantqueCallumaundossier surmoi?
–Jenel’aijamaislu.Ilyavaitdesphotos?L’excitationdanslavoixd’Eastonmefaitleverlesyeuxauciel.–Ouais.–Desesstrips?Ilal’airtoujoursplusexcité.– Nan. C’était juste des photos de trucs normaux. Elle a eu trois
boulots l’été dernier. Elle bossait dans un routier le matin, elle étaitvendeuse dans une épicerie l’après-midi et dansait dans une boîte pourmômeslesoir.
–Bordel.C’estcoton.Easton a presque l’air impressionné. Mais pas Reed. Lui a l’air
dégoûté.
–Commentest-cequeJordanl’aappris?– Undes jumeauxa craché lemorceau,probablementpendantque
quelqu’unluifaisaitunepipe.– C’est Sawyer, alors. Il est incapable de la fermer quand il a une
boucheautourdesaqueue.–C’estvrai.Untiroirclaque.–Tusais,tupourraisl’utiliser.Jeveuxdire,sielletientàtoi,sers-toi
d’elle.Ne la lâchepas.Essaiedesavoircequ’elleveutréellement.Jenesuistoujourspasconvaincuqu’iln’yarienentrepapaetelle.
–Elleaditqu’ellenebaisaitpasaveclui.–Ettul’ascrue?–Peut-êtrebien.L’incrédulitédeReedgagneEaston.–Aveccombiendemecstucroisqu’elleestallée?– Qui sait ? Les croqueuses de diamants de son genre écartent les
jambespourquelquespoignéesdedollars.J’aienviedecrier,jenesuispasunecroqueusedediamants!J’aienvie
de hurler. Et ces enfoirés se trompent totalement sur mes « activitéssexuelles ». Jusqu’à présent, je n’ai jamais taillé une pipe. Sur l’échellegraduéedusexe,jesuisplusprochedeprudequedepro.
– Tu crois qu’elle pourraitm’apprendre quelque chose ? demandeEaston.
–CequeçafaitdechoperuneMST.Maissituveuxlabaiser,vas-y,jem’enfiche.
– Vraiment ? Parce que tu balances ce ballon tellement fort qu’ondiraitqueçatefaitquelquechose.
Lebruits’arrête.–Tuasraison.Çamefaitquelquechose.Mamainglissejusqu’àmagorge.Pom.Pom.Pom.Ilsserenvoientle
ballon.Oubienc’estl’espoirquigonflemoncœur.
–Jem’inquiètepourtoi.J’aipeurquetusouffres,quetuchopesunemaladie,jenesaispas.Mais,celadit,jemecontrefousd’elle.
Jebaisselesyeuxsurmamain.Jem’attendsàyvoircoulerlesangdelablessurequ’ilvientdem’infliger.Maisiln’yarien.
Monréveilsonneàcinqheures.J’ai les yeux gonflés et j’aimal partout. J’ai un peupleuré avant de
m’endormir,mais cematin, je suis pleined’unenouvelledétermination.InutiledechercheràmefaireaimerdesRoyal,surtoutdeReed.LaveuvedeSteveestunesalope,maisc’estflagrant,alorsaumoinsjesaisàquoim’enteniravecelle.EtplusencoreavecEaston.S’iltentedeseservirdemoi,jemeserviraidelui.
Aprèstout,jen’aiplusaucunsecret.IlssonttousécritsnoirsurblancdanslerapportquedétientCallum.
Jelacemestennisetjejettemonsacàdossurmonépaule.Ilestplusléger de dix mille dollars. J’ai décidé que c’était trop stressant de mebalader avec une telle somme sur moi, alors je les ai planqués sous lelavabodemasalledebains.J’espèrequ’ilssontenlieusûr.
C’estassezdéroutantdeme lever si tôtunsamedimatin,maisLucym’ademandédevenirl’aideravecunecommandedegâteau,etjen’aipaspu refuser. En plus, j’ai besoin de tout le liquide supplémentaire que jepeuxobtenir.
Danslecouloir,j’essaied’êtreaussisilencieusequepossible,afindenepas réveiller les Royal. Je suis tellement concentrée en descendantl’escalier sur la pointe des pieds que je manque tomber à la renverselorsquelavoixgravedeReeds’élèvederrièremoi.
–Oùvas-tu?Hmmm,çaneteregardepas.Jemedisquesijenerépondspas,ilva
rentrerdanssachambre,toutsimplement.–Detoutefaçon,jem’entamponne,finit-ilparmurmurerfaceàmon
silence.
Aprèsquelaportedesachambres’estrefermée,jemefileunebaffepourm’être encore aliéné quelqu’un d’autre, et jem’enfuis par la ported’entrée.Ilfaitencoresombrequandj’arriveàl’arrêtdubus.Jegrimpeàl’abridupetitcaretjetented’oubliertoutcequinetournepasronddansmavie.
Montalent,sitantestquej’enaieun,cen’estpasladanse.C’estmacapacitéàcroirequedemainserameilleurqu’aujourd’hui.Jenesaispasvraimentd’oùjetienscetoptimisme.Peut-êtredemaman.Quelquepart,en chemin, j’ai commencé à croire que si j’arrivais à dépasser cettemauvaise expérience, cette journée pourrie, le lendemain m’apporteraitquelquechosedemeilleur,depluslumineux,denouveau.
J’y crois encore. Je continue à croire que quelque chose de bonm’attendquelquepart. Il faut justeque jecontinueàavancer jusqu’àcequemon tour arrive, parce que c’est sûr, c’est sûr, rien de tout cela nepourraitarrivers’iln’yavaitpasquelquepartunerécompenseauboutduchemin.
Jeprendsuneprofonde inspiration.Le selde lamerdonneungoûtfrais et acidulé à l’air. Aussi horribles que soient les Royal, aussiépouvantablequesoitDinahO’Halloran,çavamieuxaujourd’huiqu’ilyaune semaine. J’ai un lit bien au chaud, de beaux vêtements, plein denourriture.Jesuisinscritedansuneécolegéniale.J’aiunecopine.
Çavaallermieux.Vraiment.Enarrivantà laboulangerie, jemesensmieuxquetouscesderniers
jours.ÇadoitsevoirparcequeLucymecomplimente.–Tuessuperbecematin.Ah,êtrejeune,denouveau!Lerêve!Elleglousse,avecuneperplexitéfeinte.– Toi aussi, tu es splendide, Luce, je lui réponds en attachantmon
tablier. Et ça sent délicieusement bon. C’est quoi ? je lui demande endésignantdespetitsgâteauxenformededômes.
– Cesontdesmini-painsdesinge.C’estde lapâteàpainparfuméeavecdespetitsboutsdecannelleetmélangéeàducarameletdubeurre.
Tuenveuxun?Je hoche la tête avec tant d’enthousiasme que je manque me
décrocherlamâchoire.–Jecroisbienquej’aieuunorgasme,rienqu’enlessentant.Lucyéclatederire,sesbouclescourtesgigotentautourdesatête.– Ehbien, prends-enun, et ensuite je vais temontrer comment en
fairequatredouzainesenplus.–Jen’attendsqueça.Les mini-pains de singe rencontrent un véritable succès. Nous les
vendons tous avant huit heures du matin, et Lucy m’expédie dansl’arrière-boutique pour en préparer d’autres. À midi moins le quart,Valériemontre leboutdesonnezet jesuisdetellementbonnehumeurquejelaprendscarrémentdansmesbras.
–Qu’est-cequetufaisici?jeluidemandejoyeusementenlaserrantbienfortavantdelarelâcher.
–Jepassaisdanslecoin.Quoideneuf?ritValérie.Tuasbaisélanuitdernièreouquoi?
–Non,maiscematin,j’aieuunorgasmegrâceàdespâtisseries.Surce,j’attrapeungâteau,toutjustesortidufour,surl’étagèreetje
luitends.Valérieenprendunpetitmorceauet semetàgémirquand lesucre
touchesalangue.–OhmonDieu!–N’est-cepas?jerigole.– Est-ce que Durand vient te chercher, ou bien tu veux que je te
dépose chez toi ? Aujourd’hui, j’ai une voiture ! dit Valérie la bouchepleine.
–Avecplaisir.J’ôtemontablieretjemedépêchederécupérermesaffaires.–Jepeuxyaller,Luce?Ellemefaitsignequeoui,occupéequ’elleestavecunclient.
LavoituredeValérieestunvieuxmodèleHondaquisembledéplacéaumilieudesMercedes,desLandRoveretdesAudiquisontgaréesdansleparkingextérieur.
–C’estlavoituredelamèredeTam,m’explique-t-elle.J’aiproposédeluifairequelquescourses.
–C’estcool.Timidementjepoursuis:– Callumm’a dit que j’allais avoir une voiture, alors quand elle va
arriver,tupourrasl’emprunterautantquetuvoudras.–Wouah,merci.Tuesvraimentlameilleurecopinequisoit.(Ellerit
etmeregardedanslesyeux).Enfait,jesuispasséevoirsituvoulaissortirquelquepartcesoir.
Mabonnehumeurs’atténuelégèrement.J’espèrequ’ellenevapasmedemanderd’allerdansunefête,parcequel’idéedepasserdesheuresaveclesmômesd’AstorParkendehorsdescoursnem’emballepas.
–Ben,j’aidesdevoirs…Valérietendunemainetmepince.–Ouille,pourquoitufaisça?Jemefrottelebrasengrimaçant.– Fais-moi un peu confiance. Je ne vais pas t’emmener à une fête
d’Astor.Enfin,ilpourrayavoirquelquesmômesquetuconnais,maisc’estunclubenvillequiautoriseparfoisl’entréedesmoinsdevingtetunans,comme ce soir. Il y aura desmômes de partout, pas seulement d’AstorPark.
– Jen’aipasencoredix-huitans. (Je retombesurmonsiège.)Et laseulecarted’identitéquej’aimedonnetrente-quaranteans.
–Çanefaitrien.Tuescanon.Ilstelaisserontentrer,ditValérie,l’airsûred’elle.
Elle avait raison. Ils ne nous demandent pas nos papiers à l’entréequandnousarrivonsauclub,plustardcettenuit-là.
Le videur braque sa lampe torche sur Valérie, puis surmoi, détaillenoscheveuxcrêpés,nosminirobesmoulantesetnostalonshauts,etnouslaissepasseravecunclind’œil.
L’endroitressembleàunancienentrepôt.Lesbassesfonttremblerlesmursetdes lumières stroboscopiques illuminent lapistededanse.Droitdevant,ilyaunescènesurlaquelledesfillesdansentlascivement.
–Nousallonsdanserlà,cesoir,mecrieValérieàl’oreille.Du regard, je suis la direction de son bras. Au-dessus de la scène,
quatre cages, assez grandes pour contenir quelqu’un, sont suspendues àdifférenteshauteurs.Danschacuned’elles,ilyadesdanseurs.Dansl’une,ungarçonetunefillesetrémoussentl’uncontrel’autre,etdanslestroisautres,ilyaunefilleseule.
–Pourquoi?jedemanded’unairsoupçonneux.–Pourpasserdubontemps.Tammemanque,j’aienviededanseret
dem’amuser.–Onnepeutpasdansersimplementsurscène?Valsecouelatête.–Non.Lamoitiéduplaisirdeladanse,c’estl’appréciationdelafoule.Jeladévisage,stupéfaite.–Çaneteressemblevraimentpas.Elleritensecouantsonnuagedecheveux.– Je ne suis pas une petite souris. J’aime danser etme donner en
spectacleetici,jepeuxlefaire.QuandTamm’aemmenéeici,nousavonsmislefeuàlabaraque.
Ellesemordlalèvreetsonregarddevientunpeuvaguelorsqu’elleseremémorelasuitedelasoiréepasséeavecsonpetitami.Alors,commeça,Valestunpeuexhibitionniste.Quil’auraitcru?Jesupposequecesontlesplusdiscrètesqui lesont.Çanem’a jamaisposédeproblèmededanserdevantdesgens,maisjenesuispasaccroàçacommesemblel’êtreVal.Unefoisquejememetsàdanser,jemeperdsdanslamusiqueetj’oubliecomplètement qu’on me regarde. Peut-être que c’est un réflexe deprotectionquej’aiappristrèstôt,quandjemesuismiseàfairedustrip-
tease à quinze ans. Mais quelle qu’en soit la raison, quand le rythmem’entre dans la peau, qu’il n’y ait personne ou des centaines despectateurs autour de moi, c’est la musique qui me fait bouger, pas lepublic.
–D’accord.Jesuispartante.Elleal’airravie.–Génial.Unecageoudeux?Siondansaitensemble?Onvaleuren
mettrepleinlavue.Les mecs, chez Miss Candy, adoraient quand deux filles dansaient
ensemble.Exactementcommel’autrejour,lesjoueursdefootballontprisleurpiedennousnousregardantnousbattre,Jordanetmoi.
Valérieapplaudit.–Attends-moiici.Jereviens.Je l’observe qui trotte vers un typedansune cabine. Je pensais que
c’était un DJ, mais en fait, je crois qu’il contrôle l’entrée des cages. Ilsdiscutent,etletypelèveundoigt.Valériesepenchepar-dessuslabarrièreet l’embrasse sur la joue.Une foisqu’elle a réussi à le convaincrequ’onallaitfaireleshow,ellerevientversmoiencourant.
–Encoreunechanson,etc’estànous.Elleattrapedeuxsodassurleplateaud’uneserveusequipassaitparlà
etm’entendun.Valn’estpasvraimentpatiente.Ellesautenerveusementd’unpied sur l’autre.Tape samain contre sa cuisse. Finalement, elle setourneversmoi.
–Pourquoiest-cequeJordanditquetuesunestrip-teaseuse?– Parce que j’en étais une. J’ai fait des strip-teases pour payer les
médicaments de ma mère, et quand elle est morte, j’ai continué pourpouvoirmepayeruntoit.
Elleestbouchebée.–Putaindemerde!Maispourquoitun’espasalléechezquelqu’unde
tafamille?– Je ne savais pas que j’en avais une. Du plus loin que je me
souvienne,iln’yajamaiseuquemamanetmoi.Etaprèssamort,jen’ai
pas voulu aller en famille d’accueil. J’ai entendu des horreurs sur lesystème,et jemesuisditque j’avaispris soind’elleetdemoidepuis silongtemps,continueràm’occuperdemoipendantencoredeuxans,çanemeposeraitpasdeproblème.
–Ouah.Tuesvraimentbientropimpressionnantepourmoi,déclareVal.
Jerenifle.–Pourquoiça?S’effeuillercontredufric,cen’estpasuntrucqueles
gensadmirenthabituellement.MonespritrepartversReedsanslevouloir.Luinepensevraimentpas
quec’estunecompétencedontjedevraismevanter.–Tuasvraimentducran,ditVal.Etc’estçaquiestadmirable.–Cran?Quiparledecran?–Moi.(Ellesouritetmeprendparlamain.)Cran.Cran.Cran.Jememetsà rire,parcequeValestadorableetque son sourireest
contagieux.Ellem’embarque.–Allons-y.C’estànous.Jelalaissem’entraînerjusqu’enbasdel’escalier.Lecoupleprécédent
estdéjàparti, laportede lacageestgrandeouverte.Nousgrimpons lesmarchesetnousentronsàl’intérieur.Valfermelaportederrièrenous.
–Onvabiensemarrer!hurle-t-ellepourcouvrirlamusique.Etc’estcequenousfaisons.Oncommencepardansercôteàcôte,en
faisantnosproprestrucs.C’estcommelejeuvidéo,maisenlive.Lestypesendessous s’arrêtentdedanser. Ils semettent ànous regarder, et leursregardsadmiratifscommencentàmefairedel’effet,cequejen’auraispascrupossible.J’aidéjàeudesdizainesdemecsquimemataient,maisc’estlapremièrefoisquej’apprécied’êtreadmirée.Jecaressemesflancsetjeglisse sur le sol de la cage. Val se presse contre les barreaux, elle lesenlaceensetordantsurlamusique.
Etlorsquejecommenceàmerelever,jelevois.Reed.Ilestappuyéaubar,unebouteilledebièreàlamain.Ilestbouchebée.Desurprise?De
désir ? Je n’en suis pas sûre,maismême à cette distance, je ressens lafièvredesonregardposésurmoi.
J’avoue,c’estluiletypeleplusbandantdelaboîte.Ilestplusgrandque presque tout le monde, plus musclé, plus tout. Je ne peuxm’empêcher d’admirer la façon dont son tee-shirt noir moule son torseparfait, et je me mets à sentir des picotements le long de la colonnevertébrale.
J’humecte mes lèvres, je pousse sur mes pieds. Les mains de Valatterrissent autour dema taille. Sur nos talons, nous faisons presque lamêmetaille.Jesenssesseinsquis’enfoncentdansmondos,alorsqu’elleutilisemoncorpscommeunebarrepourréalisersespropresmouvements.
Lesacclamationsdelafouleau-dessousdenousredoublent,maispourmoi,leseulquicompte,c’estReedRoyal.Jeleregarde.
Ilmeregarde.Je suce mon doigt, puis lentement, je le sors de ma bouche. Il ne
baissepaslesyeux.Je glisse mon doigt le long de mon cou, jusqu’au creux entre mes
seins, puis sur mon ventre. Le bruit monte de plus en plus. Ma maindescendencore.LesyeuxdeReedsontfixéssurmoi.Ilremueleslèvres.Ella…Ella…Ella…
Valériem’attrapeparlatailleetposesatêtesurmonépaule.–Lemorceauestterminé.Tuesprête?Jeregardeendirectiondubar,maisReedestparti.Jesecouelatête.
Est-cequej’aiimaginétoutcetruc?Est-cequ’ilétaitvraimentlà?–Ouais,jemarmonne,jesuisprête.Toutmoncorpspalpite.Jenesuispasinexpérimentéeaupointdene
pascomprendrecequisepasseentremescuisses.C’estjusteque…jenesaispassijevaisréussiràmesoulagerenmecaressant.
– Super les filles, vraiment bien, nous crie le videur quand noussortons.Vousavezlacagepourvouscesoir.
–Merci,Jorge,ditVal.Illuitenddeuxbouteillesd’eau.
–Quandtuveux,bébé.Quandtuveux.–Ilteveutvraiment,jeluidislorsquenousnouséloignons.–Ouais,maismoi,jeneveuxpersonned’autrequeTam.Elleengloutitsoneauetpasselabouteillefroidesursonfront.–Maisjelesens,encemoment.Tuvoiscequejeveuxdire?Àmonhumblesurprise,oui,jevoistrèsbien.–Bon,ilfautquej’aillefairepipi.Tuviens?Jesecouelatête.–Jet’attendsici.Pendant qu’elle disparaît dans la foule, je termine ma bouteille et
j’examine le club. Il est beaucoup plus plein à présent et je remarquequelquesregardsinsistantsrivéssurmoi.J’entreencontactvisuelavecungarsmignon,coifféàlapunk.Ilporteunjean,untee-shirtmoulantetdesConverse. La lumière stroboscopiqueaccroche sonpiercingde sourcil etceluidesalèvresupérieure.
Il a l’air… confortable. Comme si je le connaissais. Comme si nousétionsfaitsdelamêmeétoffe.Jeluiadresseunsourirehésitant,qu’ilmeretourne. Je le vois murmurer quelque chose à un de ses amis, puisavancerversmoisurlapistededanse.Jemeredresse…
–Hé,salutpetitefrangine.Viens,ondanse.Eastona surgidenullepart, songrandcorpsmedomine.Legarçon
quivenaitversmois’arrête.Merde.–Lâche-moiunpeu.Est-ceque jedois lui faire signeque toutvabien?Qu’Eastonneva
paslemordre?Eastonsurprendmonregardetdévisagelegarsauxpiercingsjusqu’à
cequecelui-cilèvelesmainsensignederedditionetretourneàsatable.–Oùenétions-nousdéjà?demandeEastoninnocemment.Ahoui,on
danse.Jesoupireetjemerends.Eastonm’aclairementfaitcomprendrequ’il
vireraittouslesautresmecscesoir.Ilm’attrapeparlatailleetm’emportelittéralementjusqu’àlapistededanse.
– Tuesbandante ce soir. Si tun’étais pasma sœur, je te sauteraisdessus.
– Tu m’as déjà sauté dessus. (Je hausse un sourcil devant son airahuri.)Hiersoir?
Ilsemarre.–Ahouais,ça.Ramène-toi,ondanse.Quelquestypesluijettentdesregardsaupassageetluicrientuntruc
dugenre«tuasgagnélegroslot».Jelesignore,parcequesiEastonestlà,c’estbienReedquej’aidûvoirplustôt.Reedpourquij’aidansé.Reedquim’adévoréedesyeuxetm’atellementalluméequej’aieul’impressionquetoutmoncorpss’embrasait.
– Je suisquasi certaineque tu sauterais surn’importequidans tonétat,jeremarque.
Lesmainsd’Eastonglissentsurmataille.–Jesaismeretenir.Pasbeaucoup,maisquandmêmeunpeu.–Heureusementquej’aimarquélalimite,dis-jesèchement.Ilm’attireplusprèsmais,étrangement,iln’apaslamainbaladeuse.Je
passemesbrasautourdesoncouenmedemandantàquoinousjouons.– Tunousasoffertunbeau spectacle. J’aurais bienaimé te voir te
désaper.–Commenced’abord,etsituesbon,jetesuivraipeut-être.Iljubile.Ilaimecetteidée.–Petitefrangine,jenepeuxpastemontrermesbijouxdefamille.Ils
sontsichouettesqueleursimplespectacletedégoûteraitdesautresmecspourtoujours.
J’éclatederiremalgrémoi.–Tuesvraimenttoomuch,Easton.– C’est vrai. (Il acquiesce d’un air solennel.) C’est pour ça que je
coucheavecn’importequi.Parcequ’aucune filleneparvientà s’occuperdemoienentier.
Cetteaffirmationmefaitécarquillerlesyeux.
– Siça te rassurede teracontercegenredebobard,vas-y,n’hésitepas.
–Oh,c’estcequejefais,net’inquiètepas.Il penche sa tête en avant, vers la mienne, et l’odeur d’alcool me
soulèvelecœur.–MonDieu,tupueslabière.Jelerepousseunpeupourmettreunelégèredistanceentrenous.Ilsourit,maiscen’estpasjolijoli.– Je suis alcoolique, tu ne le savais pas ? J’ai des problèmes
d’addiction.J’aihéritéçademamère,commetamère,elle, t’a refilé saputasserie.Cesontdessuper-cadeaux,non?
Si je n’avais pas discerné la douleur dans ses yeux, je lui auraisrépondu que je préférais m’habiller comme une pute que de me noyerdansl’alcool,maisjeconnaiscettedouleur,alors,aulieudeluibalanceruneréponsevacharde,j’attiresatêtecontremonépaule.
–OhEaston,mamèrememanque,àmoiaussi,jemurmuredanssescheveuxmoitesdesueur.
Il frissonneetmeserreunpeuplus fort. Il tournesonvisagecontremoncouetposeseslèvressurmaveinejugulaire.Cen’estpasvraimentérotique. C’est plus… comme s’il cherchait un réconfort auprès dequelqu’unquinelejugepas.
Derrièrelui,jeremarqueunepaired’yeuxflamboyants.Reed.Et j’enai tellementassez.Eastonpeutvouloir seservirdemoi,mais
moiaussi,jepeuxmeservirdelui.Nous voulons tous les deux quelque chose… du réconfort, de
l’affection, une façon d’oublier le reste du monde. Je relève la têted’Easton.
–Qu’est-cequ’ilya?murmure-t-il.–Embrasse-moi,commesituenavaisenvie,luidis-je.Ses yeux s’assombrissent et sa langue pointe et passe sur sa lèvre
inférieure.C’estsexyendiable.
MonregardglissesurReedquimejettetoujoursdesregardsnoirs.Jerépète:
–Embrasse-moi.Ilbaisselatêteetmurmure:–Çan’apasd’importancequetuprétendesquejesuisReed.Jefais
commesituétaisquelqu’und’autre,moiaussi.Sesmots se perdent quand sa bouche touche lamienne. Ses lèvres
sontchaudes.Etsoncorps,fortetferme,quiressembletellementàceluide son frère, se presse contre le mien. Je m’offre à lui. Nous nousembrassons encore et encore, et nous nous laissons emporter par lamusique,jusqu’àcequequelqu’unnoussépareetnousentraînehorsdelapistededanse.
Unvideurmécontentcroiselesbras.–Pasdesexesurlapistededanse.Ilesttempsderentrer.Eastonrejettelatêteenarrièreetéclated’unrirehystérique.Levideur
necèdepasetnousmontredudoigtlasortie.Jechercheautourdenous,maisReedaencoreunefoisdisparu.
–OùestReed?jedemandebêtement.–IldoitêtreentraindebaiserAbbysurleparking,répondEaston.Heureusement, ilestdistraitpar larecherchedequelquechosedans
sapoche. Ilnevoitpasàquelpoint sesparolesmeblessent. Il finitpartrouvercequ’ilcherchait.Ilmetendsontrousseaudeclés.
–Jesuistropbourrépourconduire,frangine.JechercheValérie,quimeditqu’ellesedébrouillerapourrentrerde
soncôté.Elleattend son tourdans l’escalierpouruneautredansedansunecage.Résignée,jesorsavecEaston.L’alcooladûfairesoneffet,parcequ’ils’appuiesurmoidetoutsonpoids.
–Oùes-tugaré?Ilmedésignelagauche.–Là.Non,attends.Ilsetournesurladroite.Là.
J’aperçoissacamionnetteetnousnousdirigeonslentementverselle.Troisplacesplusloin,ilyaleSUVdeReed.Il…bouge.
Easton regarde laRover, luiaussi, etdonneuncoup sur le capot. Ilpartd’ungrandéclatderire.
–Quandlecamiongigote,évited’yposertesmenottes.SavoircequisepassedansceSUVmeturlupinependanttoutletrajet
du retour. Au moins, je n’ai pas besoin de refiler des barbituriques àEaston,ils’écroulecinqminutesaprèsquej’aidémarré.
Arrivésaumanoir,jel’aideàsortirdelacamionnetteetàgrimperlesescaliers. Il entre dans ma chambre et trébuche sur mon lit, tête lapremière.Aprèsplusieursessaisinfructueux,j’abandonnel’idéedelefairesortiretjevaisfaireuntouràlasalledebains.Quandj’ensors,ilronfledéjàcommeunsonneur.J’hésiteàallermecoucherdanssachambre,puisjedécidedelecouvriretdedormirsouslescouvertures.J’attrapeunplaidet le jette sur lui. Un bâillement secouemon corps lorsque j’enlève cesboutsdetissuqueValappelleunerobeetquejeleslaissetombersurlesol.Jegardemaculotteetjemeglissesouslescouverturespourattendrelesommeil.
JemeréveillefaceauvisageencolèredeReed.Jejetteuncoupd’œilducôtéoùdormaitEaston,maiscelui-ciadisparu.
–Jet’aiditdenepast’approcherdemesfrères!–Jenesuispasobéissante.Je commence à m’asseoir et je serre les draps contre ma poitrine.
J’avais oublié que j’avais enlevé ma robe et que je ne portais que maculotte.
–Lesexe,c’estlesexe,répond-ilmystérieusement.Sijedoistebaiserpourquetunefoutespasmafamilleenl’air,jeleferai.
Puisilsortenclaquantmaporteviolemment.Jeresteassise,jesuissouslechoc.Qu’est-cequ’ilabienpuvouloirdire?
1. Abréviation d’Oxycontin. Cemédicament opiacé plus puissant que la codéine, est utilisécommedrogueauxUSA.
CHAPITRE18
Aprèsceréveilaussibrutal,jen’aiaucunechancedemerendormir.JenemedonnepaslapeinedecouriraprèsReedpourluidemandercequ’ilvoulaitdire,jesaisqu’ilnemerépondrapas.Maismaintenantilest–jevérifie sur le réveil – sept heures du matin et je suis complètementréveillée.
Super.Je ne travaille pas le week-end et je redoute déjà cette journée.
Connaissant Callum, il va nous proposer toute une série d’activités etobligersesfilsàyparticiper.Plutôtmourirtoutdesuite.
Jemetraînehorsdulit.Jeprendsunedoucherapideavantd’enfilerunerobebain-de-soleiljaunequej’aiachetéelorsquenoussommesalléesfairedescoursesavecBrooke.D’aprèslalumièrequidiffuseàtraverslesrideaux, je sais que la journée va être splendide. Et quand j’ouvre lafenêtre, un courant d’air chaud surprenant pénètre dans la pièce. Noussommespratiquementfinseptembre.Ilnedevraitpasfaireaussibeau.
Est-ce que Gideon rentre à la maison aujourd’hui ? La semainedernière,ilétaitrentrélevendredisoir.Ilnevasansdoutepasarriveràlafinduweek-end,maisj’auraisbienaimélevoir.Peut-êtrequ’ilréussiraitàdistrairesonpèreetsesfrères,etqu’ainsiilsoublieraientmaprésence.
Je sors de ma chambre au moment précis où s’ouvre la porte deSawyer.UnepetiterousseavecquiilflirtaitàlafêtedeJordansort.Illasuitenl’attrapantparlataillequandilsepenchepourl’embrasser.
Elleritdoucement.– Il faut que j’y aille. Il faut que je rentre avant que mes parents
s’aperçoiventquej’aidécouché.Illuimurmurequelquechoseàl’oreilleetellesemetàrireànouveau.–Jet’aime.–Moiaussi,bébé,jet’aime.Cemômen’aqueseizeans,etsavoixestaussichaudeetrauqueque
celledesesfrères.–Tum’appelles.–Biensûr.En lui souriant, Sawyer tend la main et replace une mèche de ses
cheveuxrouxderrièresonoreille,et…OhmonDieu,cen’estpasSawyer.Mamâchoire s’en décroche. Cette vilaine brûlure sur samain, celle
qu’ilachopéecettesemainequandilaratéledîner,adisparu.Maiselleétaitlàhier,jemesouvienstrèsbiendel’avoirvue.
Cequi signifiequece type,avec lapetiteamiedeSawyer,n’estpasSawyer.C’estSébastian.Jemedemandesilafillelesait.Ellegloussedeplaisirquandill’embrassedanslecou.
–Arrête.Ilfautquej’yaille!Peut-êtrequ’ellelesait.Lorsqu’ils se séparent, ils remarquent tous les deuxma présence, et
pendant un instant, la fille a l’air d’hésiter. Elle murmure un rapide«salut»avantdedescendrelesescaliers.
Sawyer, non, Sébastian, me dévisage puis disparaît dans sa… non,danslachambredesonfrère.
Trèsbien.Çanemeregardepas.Dans la cuisine, je tombe sur l’autre jumeau attablé, en train de
manger des céréales. Je regarde samain.Ouaip, la brûlure est bien là.Justepourfaireletest,jelanceun«bonjourSebastian».
–Sawyer,sourit-ilavantd’enfourneruneautrecuilleréedecéréales.
Jeretiensmarespiration.Ehben!CesgarçonssetapenttouslesdeuxlapetitecopinedeSawyer?C’estgonflé.Ettordu.
Jemeremplisunboldecéréalesetjem’installeaucomptoirpourlemanger. Quelques minutes plus tard, Sébastian entre dans la cuisine.Lorsqu’ilpassedevantlatable,Sawyermurmureun«mercifrangin».
C’estplusfortquemoi,j’éclatederire.–Quoi?murmureSawyer.– Est-ce que ta petite copine sait qu’elle a passé la nuit avec ton
frère?Sonvisagesecrispe,maisilneleniepas.Àlaplace,ilmemenace:–Disunseulmotàceproposet…Jelecouped’unautreéclatderire.–Relax,lespetitsRoyal.Vouspouvezjoueràtouslesjeuxsexuelsles
plusglauques.Meslèvresresterontscellées.Callumentredanslacuisine.Ilporteunpoloblancetdeskakis.Ses
cheveuxnoirssontgominés,etpourunefois,onn’apasl’impressionqu’ilsortdirectementduplacardàalcools.
–Bon,vousêtesdeboutlesgarçons,lance-t-ilauxjumeaux.Oùsontlesautres?Jeleuraiditdedescendreàseptheuresetquart.
Ilsetourneversmoi.– Tu es ravissante,mais tu devrais peut-être enfiler des vêtements
plusappropriéspournaviguer.Jeleregarded’unairéberlué.–Naviguer?–Jenetel’aipasdithiersoir?Nousallonstousfairedubateauce
matin.Quoi?Non, ilneme l’apasdit.Etsi j’avaissu, jemeseraiéclipsée
avec la petite amie de Sawyer et je me serais planquée dans le coffred’unevoiture.
– Tu vas adorer leMaria, me dit Callum, tout excité. Il n’y a pasbeaucoupdevent,doncjenepensepasqu’onvasortirlesvoiles,maisçaseraquandmêmeamusant.
Moisurunbateau,encompagniedesRoyal?Enpleinemer?JenesuispassûrequeCallumcomprennelasignificationdumot«amusant».
Eastonentreentitubant.Ilaenfiléunshortcargoetuntee-shirtsansmanches,avecenprimeunecasquettedebase-ballbienenfoncéesur lecrâne. Ça ne fait aucun doute, il a la gueule de bois, et j’ai soudain lavisiondubateauquitangueetd’Eastonquirendsonpetitdéjeunerpar-dessusbord.
–Reed,crieCallumendirectiondelaported’entrée.Il fautyaller.Ella,vatechanger.EtmetsleschaussuresbateauqueBrooket’aachetées.Ellet’enaacheté,n’est-cepas?
Jen’enaipaslamoindreidée,parcequelemot«chaussuresbateau»nefaitpaspartiedemonvocabulaire.Jeréfléchisàcommentéchapperàcettevisioncauchemardesquequ’ilvientjustededépeindredevantmoi,
–Callum,j’aibeaucoupdedevoirs…–Apporte-les.(Illèveunemainetseremetàhurler.)Reed!Merde.Jecroisbienquejevaisallerfairedubateau.
LeMariaestexactementcequevouspouvezimaginerd’unbateaude
milliardaire. Un bateau. Ah ! C’est un yacht, bien entendu, et j’ail’impression de tourner dans un clip de rap lorsque, debout contre lebastingage,jesiroteuneflûtedeCristal 1queBrookem’aglisséependantqueCallumregardaitailleurs.Ellem’alancéunclind’œilenmedisantdeprétendre que c’était du sirop de gingembre si Callum me posait laquestion,cequ’ilnefaitjamais.
Callum avait raison. C’est magnifique d’être sur l’eau. L’Atlantiques’étendautourdenousàl’infini,calmeetmajestueux.
JesuisalléeàlamarinaenvoitureavecCallumetBrooke.Lesgarçonsontpris leSUVdeCallum.Cequiaétéunvrai soulagement,parcequel’idéed’êtreassisedanslavoituredeReedaprèsl’avoirvutressautersurleparkinglanuitdernièremerendaitmalade.
Jemedemandeavecquiilétait.SadouceettendreAbby,jesuppose.Jenesuispascertainequ’ilsoitsatisfaitpourautant.J’aientendudireque
lesexeétaitcensévouscalmeretvousdétendre,ortoutlecorpsdeReedesttendudepuisquenoussommesmontésàbord.
Ilestdel’autrecôtédubastingage,aussiloindemoietdeCallumqu’ilest humainement possible sans tomber par-dessus bord. Sur le pontsupérieur,quiabriteuncoinrepasetunjacuzzi,Brookeprendunbaindesoleilàpoil.Sescheveuxdorésbrillentdanslalumière.Ilnefaitpasassezchaud pour se mettre en maillot de bain, sans parler de faire dunaturisme,maisçasembleluiêtrecomplètementégal.
–Alors,qu’enpenses-tu?(Callummemontrelamer.)C’estpaisible,non?
Pas vraiment. Il n’y a pas de paix possible quand Reed Royal vousobserve.Non,plutôtqu’il vousdévisage, et c’est cequ’il faitdepuisuneheure.
Easton est encore en bas à bricoler Dieu sait quoi, et les jumeauxdormentàpoingsfermésdansdeschaiseslongues,ducoupCallumestlaseulecompagniequej’ai,etvisiblementçaneplaîtpasàReed.
–Chéri!appelleBrooke,viensmepasserdelacrèmesolairedansledos!
Callum évitemon regard, sans doute parce qu’il ne veut pas que jevoieledésirdanssesyeux.
–Jepeuxtelaisserunmomenttouteseule?–Biensûr.Allez-y.Jesuissoulagéed’êtreunpeuseule,maisçanedurepas.Latension
remonte lorsque Reed s’approche demoi avec des airs de prédateur. Ilposesesavant-brassurlarambardeetregardedroitdevantlui.
–Ella.Jenesaissic’estunesalutationouunequestion.Jelèvelesyeuxau
ciel.–Reed.Maisilnepoursuitpas.Ilsecontentederegarderl’eau.Jeluijetteuncoupd’œil,etmoncœursemetàfairedesoubresauts
pénibles,commechaquefoisqueReedestdanslesparages.
Il est lemâlepersonnifié.Grandet large, sa silhouette splendideestparfaitementdessinée.J’ailabouchesèchelorsquejeporteleregardsursesbrasauxmuscleslisses,éclatantsdepuissance.
Il faitbientrentecentimètresdeplusquemoi,etquandilse tourneenfin,jedoisleverlatêtepourpouvoirleregarderdanslesyeux.
Ces yeux bleus me détaillent et s’arrêtent brièvement sur monminusculeshortenjeanetmonhautàemmanchuresaméricainesquimeserreunpeuaucou.Ilfixeensuitemeschaussuresbateaubleumarineetblanc,etlecoindesabouchefriselégèrement.
Jemedemandes’ilvaencoresemoquer,maissonsemblantdesouriredisparaîtquandungémissement, suivid’unhalètement, se faitentendreau-dessusdenous.
–Oui.La voix de gorge deBrooke nous scotche sur place.Un grognement
mâleluirépond.Apparemment,çaneposeaucunproblèmeàCallumdes’envoyerenl’airenprésencedesesfils.Jetrouveçadégoûtant,maisenmême temps, jeneparvienspasà ledétester,pasaprèsqu’ilm’aavouéque sa femme luimanque toujours. La douleur vous fait faire des trucsdingues,parfois.
Reedpousseunjuron.–Allons-y.Ilm’attrapelamainavecunepoignedefer,cequim’obligeàlesuivre
danslesescaliersquidescendentaupontinférieur.–Oùallons-nous?Ilnerépondpas.Ilpousseuneporteetentredanslapièceprincipale,
luxueusementmeublée avec des canapés en cuir et des tables en verre.Reedtraverselacuisineetlecoinrepasenunéclair.Ilsedirigeverslescabinesàl’arrièredubateau.
Ilfrappeàuneporteenchêne.–East.Réveille-toi,bordel.Onentendungémissement.–Fous-moilapaix.J’aimalaucrâne.
Reed entre dans la cabine sans frapper. Derrière ses larges épaules,j’aperçoisEastonétendusurungrandlitavecunoreillersurlatête.
–Lève-toi,ordonneReed.–Pourquoi?–J’aibesoinquetuoccupespapa,ditReedd’unairsardonique.Enfin,
il est déjà assez occupé pour le moment, mais je veux que tu sois surplace,aucasoù.
Eastonrepoussel’oreillerets’assiedengémissant.–Tusaisquejeprotègetoujourstesarrières,maisécoutercettenana,
c’estpourmoiunvéritablecauchemar.Cespetitsbruitsqu’ellefaitquandpapa…
Ils’arrêteaumilieudesaphraseens’apercevantdemaprésence.Je ne peux pas voir le regard de Reed, mais il doit être assez
convaincant,carEastonselève.–Pigé.–Éloigneaussilesjumeaux,ditReed.Sonfrèredisparaîtsansdireunmot.Aulieuderesterdanslacabine
d’Easton, Reed entre dans celle d’à côté etme fait signe de le suivre àl’intérieur.
Jenebougebas,lesbrascroisés.–Qu’est-cequetuveux?–Parler.–Alors,fais-leici.–Entrelà-dedans,Ella.–Non.–Si.Jebaisselesbrasetj’entredanscettecabine.Ilyaquelquechosechez
cetype…illanceunordreetj’obéis.D’abord,jemedéfends,biensûr.Jemebatschaquefoiset,chaquefois,c’estluiquigagne.
Reedfermelaportederrièremoietpasseunemaindanssachevelureindomptée.
–J’airéfléchiànotreconversationdel’autrefois.
–Nousn’avonspaseudeconversation.C’esttoiquiasparlétoutseul.Etmonpouls s’accélèreparcequ’àprésent, jeme rappelle cequ’il a
dit.Si je dois te baiser pour que tune foutes pasma famille en l’air, je le
ferai.–Jeveuxquetutetiennesàdistancedemesfrères.–Hé,tuesjalouxouquoi?CommediraitCallum,jejoueaveclefeu,maisjem’enficheunpeu.
J’enaimarrequecetypemedisecequejedoisfaire.– J’ai pigé, tu es habituée à un certain style de vie, dit Reed en
ignorantmavanne.Jepariequetouslesmecsfaisaientlaqueuepourtesauterdanstonancienneécole.
Mon cœur s’arrête de battre quand il saisit le bas de sa chemise. Ilhausselesépaules.
–Tuasdesbesoins.Jenepeuxpastelereprocher,etouaisc’estvrai,jenet’aipasfacilitélatâcheàAstorPark.Iln’yapasgrandmondequiaitassez de couilles pourme contredire et te demander de sortir avec lui.Maistulesfaisbanderpourtant,tousautantqu’ilssont.
Où diable veut-il aller comme ça ? Et pourquoi… oh mon Dieu,pourquoienlève-t-ilsachemise?
Je reste sansvoixdevant son torsenu. Ilades tablettesdechocolatquime fontbaver,et sesobliquessemblentdélicieusement fermes.Moncorpssemetàbouillir.Jeserrel’intérieurdemescuissespourretenirmespalpitations, mais ça ne fait qu’empirer. Oh ouais, il est parfaitementconscientdel’effetqu’ilproduitsurmoi.Sesyeuxluisent.
–Monfrèreestunboncoup,maispasaussibonquemoi.Reeddéboutonnesonshortetouvre sa fermetureÉclair. Jenepeux
plus respirer. Je suis figée surplacependant qu’il baisse son short et lejetteauloin.
Mes jambes se mettent à trembler. Où que je regarde, je ne voisqu’unepeaulisseetdorée,etdesmusclesbandés.
–Voilàledeal,dit-il.Monfrèreetmonpèretesontinterdits.Siçatedémange,tuviensmevoir.Jem’enoccuperai.
Il pose sagrandepaumedemain sur sespectorauxet la fait glisserensuiteplusbas.
C’est commesi jemanquaisd’oxygène. Jenepeux rien faired’autrequedesuivrelatrajectoiredecettemain.Elleglissesursesabdospuissursonventre,s’arrêtejusteau-dessusdesonaine,puisglisseplusbaspourfouillerdansl’élastiquedesonboxer.
Reedentoureavecsesdoigtssonsexeenérectionetquelqu’unsemetàgémir.Jepensequec’estmoi.Çadoitêtremoi,parcequ’ilsourit.Ilsebranledoucement.
–Tulaveux?Tupeuxl’avoir.Tupeuxlalécher,lasucer,labaiser,tout ce que tu veux, bébé.Dumoment que c’est avecmoi, rien qu’avecmoi.
Moncœurbatencoreplusvite.Reedpenchelatête.–Onestd’accord?C’est son ton calculateur qui me sort de ma transe. L’horreur et
l’indignation remontent à la surface, et je fais un pas en arrière enmecognantcontrelesommier.
–Vatefairemettre,jebalbutie.Monexplosiondecolèrenel’impressionnepas.J’humecte mes lèvres. Ma bouche est plus sèche que le Sahara et,
pourtant,jenemesuisjamaissentieaussivivante.Nimesstrip-teasesnimes efforts pour repousser les petits copains de maman aux mainsbaladeuses nem’ont préparée à ça. Peut-être qu’il y avait des types quifaisaient laqueuepour sortiravecmoi,maismoi, jemeconcentrais surmon travail, sur les traitements demamère, sur le fait de simplementsurvivre. Je n’arrive même pas à me rappeler la tête d’un seul de mescamaradesdeclassedel’andernier.
L’imagedeReeddeboutdevantmoi,sexy,bronzéetnu,avecsaqueuedanslamain,resteragravée,elle,pourtoujoursdansmamémoire.
Il a tout ce que peut désirer une fille : un corps puissant, un beauvisagequiresterabeaupendantencoredesannées,del’argentetcepetittrucenplus.Ducharisme,jesuppose.Lacapacitéàvousfairefondred’unseulregard.
Le fruit défendu se balance devant moi, juteux, rouge et délicieux,maiscommedanslescontesdefées,ReedestleVilaindéguiséenPrincecharmant. Y goûter serait une énorme erreur. Et même s’il m’attire, jerefuse de faire l’amour pour la première fois avec quelqu’un qui meméprise.Quelqu’unqui tentedeprotéger son frère, pourtant tout à faitcapabledemedétruireentouteinnocence.
Maisjeneveuxpasnonpluspartirsansygoûter,parcequejenesuispasforteàcepoint…niassezstupide.
Ilmedéteste,maisilmedésire.Ilnerelâchepassesmouvementsdeva-et-vientsursonsexe.Ilsecontentedebanderencoreplussesmusclesenanticipantmoncontact.C’estçadontparlaitValériependantquenousdansions, l’autre soir. Je n’ai pas répondu à la foule, mais les regardsbrûlantsqueposaitReedsurchacundemesgestesmefaisaientmesentirvivante.Jesavaisquesij’étaisdanslatêtedeReedencemoment,toutcequejeverrais,ceseraitmoi,unpointc’esttout.
Jemusardejusqu’àunfauteuildansuncoin,avecunpeignoirdebainposédessus.Je tiresur laceintureet j’enroule labandede tissu-épongeautourdemesdoigts.
–Toutcequejeveux?jeluidemande.Il ferme lesyeuxun instantet les rouvreavec tantdedésirau fond
quemesgenouxs’entrechoquentpresque.–Oui,Tout.Maisjusteavecmoi.Ondiraitquesaréponseluiaétéarrachée.Jememoquedelui.–Pourquoies-tutellementenmanque?Tuasbaisélanuitdernière.Unhoquetdedégoûtmontedesagorge.–Jen’aipastirémoncouplanuitdernière.C’esttoiquil’asfaitavec
East.
– Et tun’étaispasen trainde secouer laRangeRover,peut-être, siviolemment que les pneus sont presque tombés ? dis-je sur un tonsarcastique.
–C’étaitWade.Ildoitpercevoirmaconfusion,parcequ’ilpoursuit:– C’est l’arrière d’Astor Park, un pote à moi. Les chiottes étaient
pleines.Etilnepouvaitplusattendre.Une sorte de soulagement m’envahit. C’est peut-être la seule façon
poursafiertédenouslaisserunechanced’êtreensemble.Peut-êtrequejepourrais l’avoir. C’est peut-être une bonne chose. Ma récompense. Jedécidedeletester.
–Jeveuxt’attacher.Samâchoiresecrispe.Ilpensesansdoutequec’estmontruc,quelque
chosequej’aidéjàfaitdesdizainesdefois.–D’accord,bébé,toutcequetuveux.Ilneserendpas.Ilmeprovoque.Jem’enveuxd’avoirpupenserun
seul instant que je représentais autre chose pour lui que l’aubaine d’uncorpsagréable.
Jem’approchedelui,deplusenplusrésolue.–C’estchouette,n’est-cepas?Ilm’observe prudemment lorsque je lui fais signe deme tendre ses
poignets.Ettoutenfeignantlanonchalance,j’arriveàpeineàretenirunhalètementquandsamaineffleuremonventrenu.
Je me fais la remarque : il faudra être plus couverte que ça enprésencedeReedpourmapropreprotection.
Jenesuisniunboy-scoutniunmarin.Jenesaisfairequ’unesortedenœud,unnœudde lacetdechaussure. Je faisdeux toursautourde sespoignets, et nous retenons tous les deux notre respiration quand laceinturefrappeledevantdesonboxerunefois,puisdeux.
–Tumetues,grince-t-ilentresesdents.–Tantmieux,jemurmure,maismesmainstremblenttellementque
j’arriveàpeineàfaireunsimplenœud.
–Tuaimesça,quejesoisàtamerci?–Noussavonstouslesdeuxquetun’esjamaisàmamerci.Ilmurmure quelque chose dans un souffle à propos demoi qui n’y
connais rien, mais je l’ignore. Je cherche un endroit où l’attacher. Legrandtrucsurlesbateaux,c’estquetoutestfixéausol.Ilyaunebouclebrillanteencuivreàcôtédufauteuiletj’yemmèneReed.
En le faisant s’asseoir, je m’agenouille entre ses genoux avec laceinture entre les mains. Il est assis là comme un dieu, un dieu Thotmoderne,surveillantsonesclaveàsespieds.
Entremes cuisses, lespalpitationsdeviennentpresquedouloureuses.Toutcequej’entends,c’estunepetitevoixdiaboliquequimeditqu’iln’yauraitaucunmalàça.
Ce type me désire tant qu’il n’a pas débandé une seconde. Sous lecoton,sonsexeattendjustequejeletouchecommeilmel’aordonné.Jen’aijamaiseudesexeentreleslèvres.Jemedemandecequeçafait.
Je ne peux pasm’en empêcher, jem’avance et je baisse son boxer,assezpourlibérersonsexe.Ilsedressequandjeletouche.Ohwouah.Sadouceurmesurprend.Ondiraitduvelours.
« Tu es… parfait », ai-je envie de lui dire, mais j’ai peur qu’il semoquedemoi.
Jelaissecourirmesdoigtslelongdesonmembreetjerespireàfond.Ledésiraccélèremespulsationssanguines.
–C’estçaquetuveux?demandeReed.C’est censé être une raillerie, mais ça ressemble plutôt à une
supplication.Jeregardesonérection,ellem’intimide.Ilyauneperledeliquide séminal au bout et… je la lèche. Mais ça ne me suffit pas. J’yretourne, jelèchesonglandcommesionétaitaumoisdejuin,enpleincagnard,etquec’étaituncônedeglacequiallaitfondreentremesdoigts.Sesmainsliéesviennentseposersurlesommetdemoncrâne.
–Bordel.Suce-moi.Bordel.Suce-lacommejesaisquetusaissibienlefaire.
Sesparolescruellesdéchirentlebrouillarddemondésir.Jemecabre.
–Commetusaisquejesaissibienlefaire?J’ai tellement baissé la garde quema vulnérabilité que j’ai tenté de
dissimulerrejaillit.– Commetu…(Ilhésiteun instant, troublépar ladouleurdansma
voix,maisquelquechose ledécide.)Commetu l’asdéjà faitdesmilliersdefois.
–D’accord,jerépondsavecunpetitrirefêlé.Alors,ilfautquetusoisbienattaché,parcequejeconnaisdestrucsdonttun’asmêmepasidée.
Je tireviolemmentsur laceintureet je lapassedans l’anneausur lesol.Jel’attachetrèsserrée.Ilm’observe,leregardluisant.J’aienviedelecogner,devraimentluifairemal.Maisilsaitendurerladouleurphysique,alorslaseulechosequejepuissefaire,c’estdeluifairecroirequejevaisfoutreenl’airsaprécieusefamille,d’unetellefaçonqu’ilseraincapabledelareconstruire.Exactementdelafaçonqu’ilademefoutreenl’air.
Jegrimpesurlachaise.Mesgenouxsontappuyésdepartetd’autredesescuissesépaisses.Enpassantmesdoigtsdanssescheveux,jetiresatêteenarrièrepourqu’ilmeregardedanslesyeux.
– Je sais que tume veux. Je sais que tumeurs d’envie que jemeremetteàgenoux.Mais tuneme reverraspasàgenouxdevant toi,pasavantlafindestemps.Mêmesitumepayais,jenetetoucheraispas.Jenetetoucheraispas,mêmesitumesuppliaisdelefaire.Mêmesitumedonnaistonâme,quetum’aimaisplusquelesoleilaimelejour,ouquelaluneaimelanuit.Jebaiseraisplutôttonpère.
Jelerepousseetjedescends.– Tu sais quoi ? Peut-être que je vais y aller tout de suite. Jeme
souviensqu’Eastonm’aditqu’ilaimaitlesjeunes.Jemedirigevers laporteavecuneassuranceque jenepossèdepas
véritablement.Reedsedébatcontresesliens,maismonnœudtoutsimpleleretientprisonnier.
–Reviensicietdétache-moi,gronde-t-il.–Naan.Ilvafalloirquetut’ensortestoutseulcettefois.
J’arriveàlaporteetjeposelamainsurlapoignée.Enmeretournant,lamainsurlahanche,jememoque:
–Situvauxmieuxqu’Easton,alorsétantdonnésonexpérience,tonpèredoitêtreincroyable.
–Ella,reviensicitoutdesuite!–Non.Je lui fais un grand sourire et je sors.Derrièremoi, je l’entends qui
criemonnom.Lesons’amenuisepeuàpeu,jusqu’àcequesavoixnesoitplusqu’unmauvaissouvenir.
Surlepont,Callumsiroteunverrependantqu’Eastondortàcôtédeluidansunechaiselongue.
–Ella,çava?Callumselèved’unbond.Jelissemescheveux,l’airimperturbable.– Trèsbien.En fait… jepensaisàSteveet…ehbien, j’aimerais en
savoirplussurlui,situveuxbienm’enparler.LevisagedeCallums’illumine.–Oui,biensûr.Vienst’asseoir.Jememordslalèvreenfixantmespieds.–Onnepourraitpasallerquelquepartdeplustranquille?–Biensûr.Quedirais-tudemacabine?–Çaseraitparfait,jeminaude.Sabouches’entrouvrelégèrement.–Mince,cesourire.C’estceluideSteve.Viens.Ilpasseunbrasautourdemonépaule.– Steveetmoiavonsgrandiensemble.Songrand-père,quia fondé
AtlanticAviationaveclemien,étaitunmarin.Steveetmoipassionsdesheuresàécouterseshistoiresdepaw-paw.Jesupposequec’estpourçaqu’onatellementvoulus’enrôler.
Eastonrelève la têtequandCallumm’emmènedanssacabine. Ilmeregarde, puis regarde le bras de Callum. Je m’attends à une réflexionvachardequejemériteprobablementcettefois.Àlaplace,ilsecontente
demedévisagercommesijevenaisdelefrapperàl’estomac,oucommesijeluiavaismenti,cequiestencorepire.
Je laisseCallumjacasserausujetdecebonvieuxStevependantdixminutes,avantdel’interrompre.
– Callum, tout cela est très intéressant et je vous remercie de lepartageravecmoi,mais…(J’hésite.)Ilfautquejevousposeunequestionquimeturlupinedepuisl’instantoùj’aiposéunpieddansvotremaison.
–Biensûr,Ella.Tusaisquetupeuxmedemandern’importequoi.–Pourquoivosfilssont-ilssimalheureux?JepenseauvisageperpétuellementmaussadedeReedet jedéglutis
avecpeine.– Pourquoi sont-ils si en colère ? Nous savons tous deux qu’ils ne
m’aimentpas,etjevoudraisbiensavoirpourquoi.Callumsepasselamainsurlevisage.–Ilfautjustequetusoispatiente.Ilschangerontd’avis.Je repliemes jambes sousmoi sur lematelas. Il n’y aqu’une chaise
danslacabine,Callums’yestinstallé,etmoij’aiprislelit.C’est bizarre d’être là, assise sur unmatelas, et de parler avecmon
nouveaupère,demonpère,récemmentdécouvertmaisdécédé.–Vousmel’avezdéjàdit,maisjen’ycroispas,dis-jecalmement.Etje
necomprendspas.Jeveuxdire,est-cequec’estàcausedel’argent?Est-cequ’ilsvousenveulentvraimentdem’avoirdonnédel’argent?
–Cen’estpasl’argent.C’est…merde…jeveuxdirezut.Callumbégaie.–Seigneur,j’aivraimentbesoindeboireuncoup.(Ilritunpeu.)Mais
jesupposequetunevaspasm’yautoriser.–Pasmaintenant.Jecroise lesbras.Callumveutque jesoisdureavec lui?Jepeux le
faire.–Franchement,sansbaratin.C’estbiencequetuveux,n’est-cepas?Jesouris.–C’estexact.
Ilpenchelatêteenarrière,versleplafond.– J’en suisarrivéàunpointoùmes relationsavec lesgarçons sont
tellement altérées que si j’amenais mère Teresa à la maison, ilsl’accuseraientdevouloirmesauterdessus.Ilspensentquej’aitrompéleurmèreetquej’aicausésamort.
Jedoisfaireuneffortpourgardermabouchefermée.Ok.Wouah.Ehbien,çaexpliqueunpeuleschoses.Jeprendsuneinspiration.
–Etc’estvrai?– Non, je n’ai jamais trompé leurmère. Je n’en aimêmepas eu la
tentation,pasuneseulefoispendantnotremariage.Quandj’étaisjeune,Steveetmoiavonsfaitdesbêtises,maisaprèsavoirépouséMaria,jen’aijamaisregardéuneautrefemme.
Ilal’airsincère,maisjenesuispasprêteàgobertoutecettehistoire.– Alors pourquoi vos mômes sont-ils toujours d’une humeur
massacrante?–Steveétait…(Callumdétourneleregard.)OhElla,jevoulaisavoir
le tempsde t’apprendreàaimer tonpère,pas te raconter tous les trucsmerdiquesqu’ilafaitsparcequ’ilsesentaitseul.
JedoistirersurtouteslesficellespourforcerCallumàmeracontercequ’iltentetellementdemecacher.
– Écoutez, jenecherchepasàêtredésagréable.Mais jeneconnaispasSteve,etmaintenantqu’ilestmort,jeneleconnaîtraijamais.Cen’estpasunepersonneréellepourmoi,pascommeReedouEaston,ouvous.VousvoulezfairedemoiuneRoyal,maisjen’yparviendraijamaissitousles membres de cette famille me rejettent. Pourquoi est-ce que jereviendraisaprèsmondiplômedansunlieuoùjesensquejenesuispasdésirée?
Mes tentatives de chantage affectif sont un succès. Callum se remetimmédiatementàparler,etjesuisréellementtouchéedevoiràquelpointilveutquejefassepartiedesafamille.
–Steveestrestélongtempscélibataire.Ilaimaitbiensevanter,etjecrois que quand les garçons étaient plus jeunes, ils pensaient que leur
oncle Steve était l’exemple même de la virilité. Il leur racontait deshistoiressurnotrefollejeunesse,etjenel’aijamaisempêché.Nousavionsbeaucoup voyagépournos affaires, et Steve en aprofité. Je te prometsquejen’aijamaisrienfait,moi,maiscertainsnel’ontpascru.
Commesesenfants.Commesafemme.Ilremuesursachaise,visiblementcettehistoirelemetmalàl’aise.– Maria est tombée en dépression et je n’ai pas reconnu les
symptômes. En y repensant, j’ai réalisé que sa froideur et son humeurchangeanteétaient les symptômesd’unemaladiegrave,mais j’étais tropoccupéàsortir lasociétédurouge,pendantlarécession.Elleprenaitdeplus en plus de comprimés, elle n’avait que les garçons commecompagnie. Quand elle a fait son overdose, j’étais à l’autre bout dumonde,àTokyo,entraindefairesortirSteved’unbordel. Ilsontpenséquec’étaitdemafaute.
Peut-êtreavaient-ilsraisondevousaccuser,ai-jepensé.–Steven’étaitpasunmauvaisgarçon,maistu…tuenes…lapreuve
vivante,jesuppose.Lapreuvequ’ilmemenaitparleboutdunezdansdestrucsquiontfinipartuerleurmère.
Sesyeuxmesupplientdelecomprendre,voiredeluipardonner,maiscen’estpasmoiquipeuxluioffrircela.
–Quandilareçulalettredetamère,ilachangé.Ilestsubitementdevenu un autre homme. Je te jure, il aurait été un père attentif,passionné.Ilvoulaitdesenfantsetilétaitfoudejoiequandilaappristonexistence.Ilauraitvoulus’occuperimmédiatementdetoi,maisilyavaitcevoyageprévudelonguedateavecDinah.Ilsallaientfairedudeltaplanedansunendroitapparemmentinterdit,maisSteveavaitréussiàsoudoyerunofficielducoinpourqu’il les laisse faireune sortie. Ildevait aller techercherdèssonretour.Neledétestepas.
–Jeneledétestepas.Jeneleconnaismêmepas.Je…Jemelève,mespenséessonttoutembrouillées.D’unecertainefaçon,
dans l’esprit des filsRoyal, lamort de leurmère et la responsabilité deSteve sont liées, et je suis une cible vivante bien commode. Je ne peux
rienfairequilesfassechangerd’opinion.Jelecomprendsàprésent.Maisc’estmoiquiaidemandéàCallumdemedirelavérité,jenevaispasleluireprocher.
–Merci,dis-jed’unevoixéteinte.J’apprécievotrefranchise.Mêmesij’étaisunmodèledevertu,ilsmedétesteraientquandmême.
JepourraisêtrecommeAbbyet…Une pensée surgit dans mon esprit et j’ouvre la bouche avant de
réfléchir.–ÀquoiressemblaitMaria?–Charmante.Elleétaitdouce,gentille.Ellefaisaitàpeineplusd’un
mètrecinquanteetelleavaitl’âmed’unange.Il sourit,etàcet instant, jecomprendsqu’ilaimaitMaria.Jen’aivu
qu’uneseulefoiscette lueurdevéritableamour,c’étaitdans lesyeuxdemamère.Elleétaitunpeularguée,maisellem’aimait.
Mariaainspirélemêmeamouràsesfils.CetteAbby,c’estsacopieetle contraire de tout ce que je suis. Ça ne devrait pas me déranger,pourtant c’est le cas, parce quemême si je déteste devoir l’admettre, lavéritéc’estquejevoudraisqueReedressentelamêmechosepourmoi.Cequiestlesentimentleplusstupidequej’aijamaissuscité.
1.Cristal est la cuvéeemblématiquede lamarque françaisedechampagneLouisRoederer,crééepourletsarAlexandreIIen1876.
CHAPITRE19
Reednemejettepasunseulregardpendanttout letrajetduretourjusqu’au rivage, ni quand nous reprenons la route pour lamaison. Sonsilenceestsuffisammentéloquent. Ilest furieuxet ilva leresterunbonmoment. Je prétends avoir chopé une insolation pour éviter le dîner,parceque jesuis incapabledesupporter toutunrepasencompagniedeReedqui, oubien ignoremonexistence, oubienm’envoiedes piques àchaqueoccasion.Jesaisquejel’aicherché,maismêmeEastonmefaitlatête lorsque je monte dans ma chambre, je me demande si je n’ai pascommisd’erreur.
– Je croyais que tu n’allais pas baiser avecmon père, siffle-t-il surmonpassage.
–Jenel’aipasfait.J’aijustevoululefairecroireàReed.CommeEastonsembleencoredouter,jesoupire:–Toutcequenousavonsfait,Callumetmoi,c’estdeparlerdeSteve.Etdetamère,maisjesupposequ’Eastonn’apprécieraitpascelavuson
humeuractuelle.Iln’estpascalmélemoinsdumondeparmaconfession.–Nejouepasdetoursàmonfrère.Tul’asallumé,etmaintenantilva
falloirqu’ilsesorteçaducrâne.Jeblêmis.–Qu’est-cequetuveuxdire?Je redoute sa réponse. Il va courir rejoindre Abby après ? Ça me
donne envie de vomir sur les chaussures bateau d’Easton. Ilme fait un
signedelamain.– Rien.Vous feriez bienoudebaiser ensemble, oude vous tenir à
distancel’undel’autre.Jevotepourladistance.–C’estnoté.Jecommenceàouvrirlaportedemachambre,maisEastonm’attrape
lebras.–Jesuissérieux.Situasbesoindequelqu’un,viensmevoir.Çam’est
unpeuégal.Ough.J’enaivraimentsoupédecesRoyal.– Purée,Easton, c’est tellementgénéreuxde tapart.Est-ceque ton
offresexuelleàdeuxballesaunedatedepéremption?Oubienest-ceunticketutilisablequandjeleveux?
Je rentre dans ma chambre et je lui claque la porte au nez. Il estencoretôt,maisjedécidedememettreaulitparcequ’ilfautquejesoisàlaboulangerieavantl’aube,puisquej’ailleencours,etcesoir,jeneveuxplusparleràpersonnedanscettemaison.
Je me glisse sous les couvertures et j’essaie de m’endormir, sans yparvenirvraiment.Jemeréveilleàchaqueclaquementdeporte,àchaquebruitdepasdevantmachambre.
Au beau milieu de la nuit, j’entends des murmures furieux dans lecouloir.Lesmêmesqueceuxquej’aientendusl’autrenuit.EastonetReedse disputent. Je regarde l’heure. C’est à peu près la même heureégalement,justeaprèsminuit.
– J’y vais, dit Reed froidement. La dernière fois, tu étais en pétardquandjenet’aipaslaisséveniravecmoi,etmaintenantturâlesquandjet’invite?
Oh,ça,c’estlabagarregarantie.– Hé, excuse-moi de me faire du souci pour ta gueule, elle est
tellement au-dessus de ton cul, tu ne verras pas le poing arriver, luibalanceEaston.
Ouaip.Labagarreestbienpartie.–Aumoins,moi,jenebavepasdevantlafilledeSteve.
–Ouais,c’estvrai,répondEastonironiquement.C’estpourçaquejet’aitrouvéàmoitiénu,ficeléàunechaise.Parcequetun’asvraimentpasenvied’elle.
IlsavancentdanslecouloiretjenepeuxplusentendrelaréponsedeReed en entier, mais ça ressemble à un truc du genre « je préféreraispéchoJordanquetrempermaqueuedanscetrou».
Follederage,jerepoussemescouverturesetmejettehorsdulit.Cesdeux-làontdessecretsqu’ilsneveulentpasquejedécouvre?Ehbien,sic’est la guerre dans la maison Royal, je vais avoir besoin de toutes lesmunitionsdontjepeuxdisposer.
Jecoursàmonplacardet j’attrapelepremiervêtementsur lequel jetombe,c’est-à-direuneminijupe.Cen’estpas levêtement leplusdiscretquisoit,maisjen’aipasdetempsàperdre.Jesautedanslajupe,j’enfileuntee-shirt,jeglissemespiedsdansmessneakersetjemefaufilehorsdemachambreleplusdiscrètementpossible.
Jedescendslesescalierssurlapointedespieds.Iln’yapersonnedanslacuisine,mais j’entendsdesbruitssourdsà l’extérieur.Uneportièredevoiture claque. Merde. Il faut que je me dépêche. Heureusement, lesjumeaux laissent toutes leurs affaires, leurs clés, leurs sacs, bref toutesleursmerdesdansleschiottes.
Jetraverselacuisineencourantjusqu’auxw.-c.etj’attrapelepremiersweat-shirtquejetrouve.Ilyadesclésetducashdanslapocheavant.Parfait.Enmebaissantquandjepassedevantlafenêtredelaportevitrée,je jette un coup d’œil dehors et j’aperçois la Range Rover de Reed quidescendl’allée.
J’ouvrebrusquementlaporteet jemeruedanslegarage.LeboutondelacléallumeleSUVdesjumeaux.Jepousseunsoupirdesoulagementetjegrimpededans.
Cen’estpasfaciledesuivrequelqu’unenvoituredansuneruecalme,enpleinenuit,sanssefairerepérer,maisj’yparvienscarReednes’arrêtepasetnefaitpasdebrusquedemi-tourpourseretrouverenfacedemoi.
Il me conduit au centre-ville, puis par plusieurs chemins de traverse,jusqu’àcequenousnousarrêtionsdevantuneporte.
Reedgareson4x4.Jecoupelemoteuretj’éteinslesphares.Auclairdelune,jedistingueàpeinelesdeuxfrèresquidescendentdelaRoveretescaladentensuiteunebarrière.
Dansquelpétrinjesuisentraindemefourrer?Est-cequ’ilsdealentdeladrogue?Ceseraitdébile.Lafamilleestpleineauxas.Dansletee-shirt que je porte, il y a cinq cents dollars en coupures de vingt et decinquante,rouléesencigare.Etjemettraismatêteàcouperquesij’avaisfouillé tous lesvêtementsqui traînaientdans leschiottes, j’aurais trouvédel’argentdanschacund’eux.
Alors,qu’est-cequ’ilspeuventbienfaire?Je cours à la barrièrepour voir si je peuxdistinguer quelque chose,
maisjediscernejusteunerangéedelonguesstructuresrectangulairesquionttoutesàpeuprèslamêmetaille.PasdeReednid’Easton.Ignorantlavoixintérieurequimecriequec’estcomplètementdébiledegrimpersuruneclôtureetdemejeterdanslenoir,jelefais.
Quandjem’approchedesbâtiments,jeréalisequecenesontpasdesbâtimentsmais des containers, ce qui signifie que je dois être dans unchantier naval.Mes sneakers ont des semelles de caoutchouc, je ne faisaucunbruit.Quandjem’approched’Eastonquitendunpaquetdebilletàuninconnuensweat-shirt,personnenem’entend.
Jereculeetjemecachederrièreuncontainer.J’enfaisletourcommeuneespionnedansunfilmd’actionpourri.EntreEastonetl’inconnu,ilyaun cercle improvisé, installé dans un espace dégagé, au bout de quatrecontainers.Età l’intérieurducercle, il yaReed,en jean,piedset torsenus.
Il replie un de ses bras devant lui, avant de tendre l’autre. Puis ilsautille sur ses pieds comme s’il essayait de se détendre. Lorsque jedécouvre l’autre type, torse nu, tout devient clair. Les sorties nocturnessecrètes, lesmarques de coups inexpliquées sur son visage. Easton doit
êtreentraindepariersursonfrère.Merde,Eastonluiaussidoitparticiperàdescombats,sijemerappellebienl’engueuladeentreeux,l’autrenuit.
– Je pensais bien qu’on était suivis, mais Reed n’a pas voulum’écouter.
Jeme retourneet jedécouvreEaston justederrièremoi. Je répondsavantqu’ilaitletempsdem’engueulerpourlesavoirsuivis.
–Qu’est-cequetuvasfaire,tuvascafter?jememoque.Illèvelesyeuxaucielpuismetireenavant.–Allez,avance,espècedefauxjeton!Toutçaestdetafaute.Autant
quetuyassistes.Jelelaissemetraînerjusqu’aucercle,maisjeproteste,–Jesuislacausedecetruc?Commentpeux-tudireça?Easton,pousselesgensetsefrayeunpassagejusqu’aupremierrang.–TuasbienattachéReedsurunechaise,culnu?–Ilavaitgardésonslip,jemarmonne.Eastonm’ignoreetcontinue:–Tulelarguesentraindebanderplusdurqu’unsous-marinieraprès
unemissiondeneufmoisaufonddesocéans?S’ilteplaît,frangine,ilatellementd’adrénalinedanslecorpsquec’est,oulecombatou…etilmeregardeenhésitant…labaise,etcommetunel’aspasbaisé,voilà,c’estça.Hé,grandfrère,tapetitefrangineestvenueteregarder!
Reedseretourne.–Maisqu’est-cequetufaisici,bordel?Jerésisteàl’enviedemecacherderrièrelegrandcorpsd’Easton.– Je suis juste venue encourager la famille. Allez, les Royal, je
commence,mais jemedisquetouscestypesdoiventsansdouteutiliserdespseudos.Jelèvelepoing:Allezlafamille!
–East,sic’esttoiquil’asamenéeici,jetejurequejevaistebotterleculdimancheprochain.
Eastonlèvelesmains.–Monpote,jet’avaisditquequelqu’unnoussuivait,maistun’asrien
vouluentendreavec tout tondélire sur la façondont tuallaisdonnerà
quelqu’un…(ilpenchesatêteversmoi)uneleçon.Reedfroncelessourcils.Ilaclairementenviedemejeterdehorsdans
lenoir.Avantqu’ilpuissefairequoiquecesoit,l’autretype,torsenuavecdescuissescommedestroncsd’arbre,luitapesurl’épaule.
–Vousavezterminévotrepetiteréuniondefamille?J’aimeraisbienterminercecombatavantleleverdusoleil.
LacolèredanslesyeuxbleusdeReedsetransformeenamusement.–Cunningham,tunevaspasdurerplusdecinqminutes.Oùestton
frangin?Cunninghamhaussesesépaulesmassives.–Ilsefaitsucerparunefilledepassage.Maisn’aiepaspeur,Royal.
Jenevaispas trop t’amocher.Jesaisque tudoismontrer ta joliepetitegueuleàAstorParkdemain.
–Tunebougespas,meditReedenpointantlesoldudoigt.Bouge,etçavaallermalpourtoi.
–Parcequeçaallaitbienjusqu’àprésentpeut-être?jecraque.–Arrêtedeparleretcommenceàtebattre, lancequelqu’undansla
foule.Sijevoulaisassisteràunsoapopéra,jeseraisrestéàlamaison!Eastonbalanceungrandcoupdansl’épauledeReed,etReedluirend
lecoup.Cunninghams’avancejusqu’aucentreducercleetfaitsigneàReedde
lerejoindre.Reedn’hésitepasuneseconde.Iln’yapasdepetitspasdedanse, pour semesurer l’un à l’autre. Reed se jette sur Cunningham etpendantcinqbonnesminutes,ilséchangentdescoups.
Je tressaille à chaque coup porté par Cunningham, mais Easton secontentederireetd’encouragerReed.
–PariersurReed,c’estgagneràtouslescoups,braille-t-il.Jecroiselesbrasautourdemataille.Callumdisaitqu’ilétaitaufond
du trou,mais est-cequ’il se rendcompteque ses fils y sonteuxaussi ?Qu’ils débarquent ici et qu’ils prennent coup après coup pour sedébarrasserdessouvenirsquileshantent?
Et qu’est-ce que ça dit demoi, quemes paumes soientmoites, toutcommed’autrespartiesdemonanatomie?Quemarespirations’accélèreetquemoncœurbattelachamade?
JenepeuxpasquitterReeddesyeux.Sesmusclesluisentauclairdelune, et il est si incroyablement beau dans cet échange animal quequelquechosedeprimalsedéclencheenmoi,sansquejesachecommentyremédier.
–Çat’excite,pasvrai?mechuchotesciemmentEastonàl’oreille.Jefaisnondelatête,maistoutmoncorpshurleoui,etalorsqueReed
portesoncoupfinal,uncoupquienvoievaldinguerCunninghametlefaittomber face contre terre, je sais que s’ilme faisait signe avec son petitdoigt,jeseraisincapablederésister.
Pascettefois-ci.
CHAPITRE20
C’est moi qui conduis pour rentrer au manoir, avec Easton à mescôtés,parcequeReeddéclarequ’ilnemefaitpasconfiancepourfairelaroute toute seule. J’ai envie de lui rétorquer que je suis arrivée sansencombreauchantiernaval,maisjerestemuette.Ilestclairquecesoir,ilnefautpasfairechierReed.
Ils’estbattucontredeuxautrestypesaprèsCunningham,etil leurafichuuneraclée,àeuxaussi.Eastonacomptésesgainssurlecheminduretour,ilsontgagnéhuitmilledollars.C’estunegoutted’eau,comparéàtoutcequ’ilspossèdent,maisEastonm’expliquequel’argentesttoujoursplusagréablequandvousavezsaignépourl’obtenir.
Cela dit, Reed n’a pas saigné. Je ne pensemême pas qu’il aura desbleusdemain.C’estdireàquelpointilaétésauvageetpuissantquandilabalancésespoings,encoreetencore,surcestypes.
Dans l’allée, je coupe lemoteur,mais je reste dans la voiture parcequeReedn’estpasencoresortidelasienne.Eastonnerestepasdanslesparages, ilenfournesonfricdanssapoche,descendduSUVetsedirigeverslaportelatéralesansseretourneruneseulefois.
Cen’est quequand je voisReed se glisser horsdu siège conducteurque je fais pareil.Nous restons plantés à troismètres l’unde l’autre, etnousnous regardons.Son regardduret samâchoire serréedéclenchentenmoi une sorte d’épuisement. Je suis tellement fatiguée, et pas parce
qu’ilestpresquedeuxheuresdumatinetquejesuisdeboutdepuisseptheuresdumatin.
JesuisfatiguéedelahainequedégagetoutlecorpsdeReedchaquefois qu’il me regarde. Je suis fatiguée de me battre contre lui. Je suisfatiguéedecesjeux,decettetensionetdecettehostilitésansfin.
Jefaisunpasverslui.Ilmetourneledosetdisparaîtsurlecôtédelamaison.Non. Pas cette fois. Il ne peut pas me fuir comme ça. Je vais l’en
empêcher.Jeluicoursaprès,enremerciantintérieurementleslampesàallumage
automatiquequientourentlamaison.Ellesmeguidentlelongdel’alléeetensuiteplusloin,surlecheminquimèneàlagrève.
Reed a une longueur d’avance sur moi, et l’avantage de vivre icidepuissanaissance.Avecuneparfaiteaisance,ilescaladelesrochersquibordentlaplagepourfinalementatteindrelerivage.
Jemefrayeunpassageentrelesrochersetlesable,quandjel’aperçoisquijetteseschaussuresetseschaussettesauloinetentredansl’eau.Ilnesemblepasdérangéparlefaitquelebasdesonjeansoittouttrempé.
Ilesttard,maisilnefaitpasnuitnoire.Laluneestsortie,elleéclairesonbeauvisage.Ilalesépaulesbaissées,ilpassesesdeuxmainsdanssescheveuxlorsquejefinisparlerejoindre.
–Onnes’estpassuffisammenttorturéscommeçaaujourd’hui?medemande-t-ild’unevoixlasse.
Jepousseungrossoupir.–Çaaétéunejournéeplutôtbienremplie,hein?–Tum’asligotéàunechaise,chuchote-t-il.–Tul’avaisbienmérité.Nousrestonssilencieuxunmoment.J’enlèvemeschaussuresetjefais
unpasenavant.Jememetsàhurlerquandl’eauglacéememouille lespieds.Reedsemarre.
–C’esttoujoursaussifroid,l’Atlantique?–Ouais.
Jeregardel’eauet j’écoute lebruitdesvaguesquiviennents’écrasersurlerivage.Puisjesoupire,encoreunefois.
–Onnepeutpascontinuercommeça,Reed.Ilnerépondpas.–Jesuissérieuse.Je l’attrapepar lebraset je le faisseretournerfaceàmoi.Sesyeux
bleussonttotalementinexpressifs,cequivautmieux,jesuppose,queseshabituelsregardsméprisants.
–Jeneveuxplusmebattre.Jesuisfatiguéedelutter.–Alors,va-t’en.– Je l’ai déjàdit, je veux rester ici. Je veuxaller à l’école etpasser
mondiplôme,etensuitealleràlafac.–Situledis.Jepousseunprofondgémissement.–Tuveuxquejetediseautrechose?Trèsbien,j’aipleindetrucsàte
raconter. Je ne baise pas avec ton père, Reed. Et je ne le ferai jamais.Parce que primo, ça craint, et deuzio, ça craint. Il est mon tuteur, etj’apprécietoutcequ’ilafaitpourmoi.Unpointc’esttout.Ceseratoujourstout.
Reedenfoncesesmainsdanssespochesetneditrien.– Tout ce que nous avons fait aujourd’hui, Callum et moi sur le
bateau,c’estdediscuter.Ilm’aparlédemonpère,ethonnêtement,jenesaistoujourspasquoipenserdetoutça.Jen’aijamaisrencontréSteve,etd’aprèscequej’aiapprissurlui,jenesaispassijel’auraisaimé.Maisjenepeuxpaschangerlefaitquec’estmonpère,ok?Ettunepeuxpasmelereprocherenpermanence.Jen’aipasdemandéàStevedemettremamèreenceinte,commejen’aipasdemandéàtonpèredefaire irruptiondansmavieetdemeramenerici.
Ilraille.– Tu veuxdire que tu préférerais continuer à te foutre à poil pour
gagnerdufric?
– En ce moment précis ? Ouais, je lui réponds franchement. Aumoins, je savais à quoi m’attendre. Je savais à qui je pouvais faireconfianceetquijedevaisfuir.Ettupeuxdirecequetuveuxàproposdustrip-tease, mais personne, jamais, nem’a traitée de salope ou de putependanttoutletempsoùj’aitravaillédanslesclubs.
Reedlèvelesyeuxauciel.–Parcequec’estuneprofessiontellementrespectable!–C’estunefaçondegagnersavie,jerétorque.Etquandtuasquinze
ansetquetuessaiesdepayerlesmédicamentsdetamèremourante,c’estunmoyendesurvivre.Tunemeconnaispas.Tunesaisriendemoi,alorstu n’as pas le droit de me juger. Tu n’as pas le droit de raconter deshorreurssurquelquechosedonttun’aspaslamoindreidée.
Ses épaules se tendent à nouveau. Il avance encore d’un pas etéclaboussemeschevilles.
–Tunemeconnaispas,jerépète.Ilmejetteunregardnoir.–J’ensaisbienassez.–Jesuisvierge,tulesavais,ça?Lesmots sortent dema bouche sans que je puisse les retenir, et la
surprise lefaitsursauter. Ilsereprendtrèsvite,etsonvisageprenduneexpressioncynique.
–Biensûr,Ella,tuesvierge!–C’estlavérité.Lagênemefaitrougir,bienque jenesachepasvraimentcequime
gêne.–Tupeuxcontinueràpenserquejesuisuneputain,maistuastout
faux.Mamère est tombéemalade lorsque j’avais quinze ans, bon sang,quandest-cequej’auraistrouvéletempsdebaiseràdroiteàgauche?
Ilritméchamment.– Le prochain truc que tu vas me dire, c’est que tu n’as jamais
embrasséunmec,n’est-cepas?
–Non.J’aifait…certainstrucs.(Mesjouessontécarlates,àprésent.)Maispaslegrandtruc.Pasletrucdonttum’accusesenpermanence.
–C’estlàquetuvasmedemanderdefaireunefemmedetoi?Jetressailledevantl’insulte.–Tuesunevéritableordureparfois,tusaisça?Ilsecontentedefairelamoue.Jechuchote:–Jeteracontetoutçauniquementparcequejeveuxqueturéalises
quetuesvraimentinjuste.J’aipigé,tuasdesproblèmes.Tudétestestonpère, et tamère temanque, et tu aimes te battre juste pour le fun. Çadéconnesecdanstatête,c’estévident.Jenem’attendspasàcequenoussoyonsamis,hein?Jen’attendsriendetoi,enréalité.Maisjeveuxquetusachesquej’enaimaclaquedeça…decettequerelleentrenous.Jesuisdésoléepourcequej’aifaittoutàl’heure.Jesuisdésoléedet’avoirligotéà cette chaise et de t’avoir fait croire qu’il y avait quelque chose entreCallumetmoi.Mais,àpartirdemaintenant,j’arrêtedemebattre.Parle-moicommetuveux,distoutcequetuveuxàmonpropos,continueàagircommeunsalaud,jem’enfiche.J’arrêtedejouer.C’estterminé.
Commeilrestesilencieux,jesorsdel’eauetjerentreàlamaison.J’aidit tout ce que j’avais à dire, et je pensais tout ce que j’ai dit.Avoir vuReeddémolir quelqu’un cette nuit a vraiment tout remis en perspectivepourmoi.
LesfrèresRoyalsontencoreplus larguésquemoi. Ilssouffrentet ilstirent sur tout cequibouge, et la cible laplusévidente, c’estmoi.Maisleurrépondrenefaitqu’envenimerleschoses.Çanefaitqu’alimenterleurcolèrecontremoi.Jerefusedésormaisdem’engager.
–Ella.LavoixdeReedm’arrêtealorsquej’atteinsledecksupérieur.Jem’arrêteàcôtédelapiscineetjedéglutisenlisantunsemblantde
remordsdanssesyeux.Ilmerejoint.D’unevoixfêlée,ildit:–Je…Derrièrenous,uneautrevoixnousfaitsursauter.–Qu’est-cequevousfaitesdehorsàcetteheure-ci,lesenfants?
Je cachemon irritation quandBrooke apparaît aux portes du patio.Elleestenpeignoirdesoieblanche,sescheveuxblondstombentsurunedesesépaules.Elletientunebouteilledevinrougedanslamaindroite.
JeremarquequeReedgrimaceausondesavoix,maisquandilprendlaparole,c’estsuruntonfroidetindifférent.
–Onestoccupés.Vatecoucher.–Tusaisquejenepeuxpasdormirsitonpèren’estpascollécontre
moi.Brookeréussitàdescendrelesescalierssanstrébucher.Ellevientvers
nous,etjesoupireendécouvrantsonregardaviné.Callumestunprodelacuite,maisc’estlapremièrefoisquejevoisBrookeivre.
–OùestCallum?Jetendsunemainversellepourlaretenir.–Ilestalléaubureau,gémit-elle.Undimanchesoir.Iladitqu’ilavait
uneurgence.Jenepeuxm’empêcherderessentirde lasympathiepourelle. Ilest
tellement évident que Callum n’est pas investi dans sa relation avecBrooke, et tout aussi évident qu’elle veut tellement qu’il l’aime. Je suisdésoléepourelle.
–Jenesavaispasquebaisersasecrétaireétaitconsidérécommeuneurgence,lanceReedsuruntonmoqueur.
LesyeuxdeBrooketranspercentReed.Jefaisunpasversluipourleprotéger.
–Laisse-moiterameneràl’intérieur,jedisàBrooke.Danslesalon.Jevaisallertechercherunecouvertureet…
Ellesedébat.–C’esttoi,maintenant,lamaîtressedemaison?Savoixmontedangereusementdanslesaigus.–Parcequetuesdinguesitupensesquetureprésentesquoiquece
soit pour les Royal. Et toi (elle se tourne vers Reed avec une lueurmauvaisedanslesyeux),tuasintérêtàarrêterdemeparlersurceton.
Larépliquequej’étaissûred’entendrejaillirdelabouchedeReednesort pas. Je lui lance un regard interrogatif, mais c’est terminé. Sonexpressionestfermée,presqueabsente.
– Unjour, jevaisdevenirtamère.Tudevraisapprendreàêtreplusgentilavecmoi.
Brookes’avanceentitubantversluietpasseunemainmanucuréesursajoue.IlrepousselamaindeBrooke.
–Jeseraimortavant.Ilpassedevantelleetpartendirectiondesbaiesvitrées.Jeluicours
aprèsenabandonnantlapetiteamiedeCallumdanslepatio.Cettefois,c’estmoiquil’appelle.–Reed.Ils’arrêtedevantlesescaliers,danslacuisine.–Quoi?– Qu’est-ce… qu’est-ce que tu allais dire avant que Brooke nous
interrompe?Ilseretourne.Sesyeuxbleusmedévisagentméchamment.–Rien,murmure-t-il.Absolumentrien.Derrièremoi, j’entendsungros bruit. Jen’ai envie qued’une chose,
c’estdecouriraprèsReed,maisjenepeuxpaslaisserBrooketouteseule,complètementsaouleauborddelapiscine.
Jecoursverselleet je la trouveen trainde tituberdangereusementtoutprèsdubord.
–Viens,Brooke.Je l’attrapepar lebras.Cette fois, elleme suitdocilementetappuie
soncorpsfrêlecontrelemien.– Ils sont toushorribles,gémit-elle.Ne t’approchepasd’eux, il faut
quetuteprotèges.–Çavaaller.Tuveuxmonteroutupréfèresresterdanslesalon?Brookefrissonne.–AveclefantômedeMariaquim’observe?Elleestlà.Elleesttoutle
temps là. Lorsque je serai la patronne, on déménagera.On rasera cette
maisonetonéradiqueradéfinitivementMaria.Çameparaîtassezpeuprobable. Je l’entraîne,moitiéen laportant,
moitiéenlatirantdanslesalonoù,ouais,ilyaunportraitdeMariaau-dessus de la cheminée. Brooke fait un signe de croix avec ses doigtslorsquenouspassonsdevant.
Jemeretiensderiredevantleridiculedelachose.Lesalonestenfaitune pièce longue qui court le long de l’avant de lamaison. Il y a deuxcoinssalondistincts.JepousseBrookejusqu’ausecond,leplusprochedelafenêtreetleplusloinduportraitdeMaria.
Ellesejetteavecreconnaissancedanslecanapé,repliesesgenouxetglisse sesmains sous sa joue.Ses larmesont fait couler sonmaquillage.Elleressembleàunepoupéetragique,ondiraitunedecesstrip-teaseuses,tellement sûre que le type friqué qui lui a donné un pourboire de centdollarsvareveniretva l’enlever.Bienentendu, ilne le fait jamais. Il sesertd’elle,c’esttout.
–Brooke,siçatefaittellementsouffrird’êtreavecCallum,pourquoirestes-tu?
– Tu crois vraimentqu’il existequelquepartdeshommesquine teferontpassouffrir?C’estçaquefontleshommes,Ella.Ilstefontsouffrir.
Ellesortsamainetm’agrippelepoignet.–Tudevraispartird’ici.CesRoyalvonttedétruire.–Peut-êtrequejeveuxêtredétruite,dis-jelégèrement.Elle me laisse partir en ôtant sa main, puis se pelotonne sur elle-
même.–Personneneveutêtredétruit.Nousvoulonstousêtresauvés.–Ildoitquandmêmeyavoiruntypebienquelquepart.Ça la fait rire. Hystériquement. Elle n’arrive plus à s’arrêter. Je la
laisse,jemontelesmarchesaveclesondesonrirequimetitilleledos.Leriredecettefemmequinecroitpaspossibledetrouverunhommequinelafassepassouffrir.
Pourquoiest-cequesaconvictionmefaitl’effetd’unpoignardplantédansmondos,jel’ignore.
CHAPITRE21
Le lendemain matin, Reed ne me dépose pas au boulot. Quand jequitte lamaison, il estdéjàparti à sonentraînementde football, cequin’étonnepas.
Jesuispratiquementsûrequelanuitdernière,ilnes’attendaitpasàune offre de trêve. Il doit probablement être en route pour l’école àprésent et il doit se creuser la tête pour savoir si ma proposition étaitsincèreousic’étaitjusteunenouvelleruse.
Çan’enétaitpasune. Jem’en tiensà ladécisionque j’aiprisehier.J’arrêtedefairechierlesRoyal.
JeprendslebusetjetravailleauxcôtésdeLucypendanttroisheures.Ensuite, je vais à pied à l’école, je cours enfiler mon uniforme auxtoilettes.
Quand jesorsdes toilettes, je tombesur la filleavec laquelleEastonétaitcensésortiravant.Claire,jecrois.Enmevoyant,ellepinceleslèvres.Etellemepassedevantensifflantuneinsulteentresesdents.
Salope!Ces trois syllabesme font l’effet d’un coupde poing dans le ventre.
J’hésite, jemedemande si j’ai bien entendu,mais lorsque je traverse lehall, toutes les premières années me jettent des regards noirs. Desgarçons,jereçoisdessouriresetdespetitsrictusnarquois.Ilesttoutàfaitévident, que pour une raison ou une autre, je suis le sujet brûlant dumoment.
Cen’estquequandValériemeretrouvedevantmoncasierquejesuismiseaucourant.
–Pourquoiest-cequetuessortieavecEastonRoyal?medemande-t-elled’unevoixétouffée.
Mon livrede calculmanqueme tomberdesmains.Attendez, c’est àproposd’Easton ?Maisnous étionsdansma chambrequandnousnoussommesembrassés,etReedn’asûrementpasbavé.Alors,pourquoiest-cequetoutlemondeestaucourant?Leclub.Merde.LesouvenirjaillitdemamémoirelorsqueValériesemetàrire.
–Tusais,j’auraisdûtesurveillerdeplusprèscettenuit,metaquine-t-elle.Maisonn’amêmepasbu!Cequisignifiequetuasfaitçaavecluienétantsobre!Dois-jeprogrammeruneintervention?
Jesoupire.–Peut-être.LesfillesqueValm’avaitprésentéesàlasoirée,cellesqu’elleappelle
les Pastels passent devant nous. Toutes les trois me dévisagent enchuchotantentreelles.
–C’étaitstupidedemapart.Jen’aipasvraimentréfléchi.Non,jenepensaisqu’àuneseulechose,àReed,etàlafaçondontil
medévisageaitquandj’étaisdanslacage.–Alors,toutlemondeestaucourant?Ellesourit.–Oh,ilslesavent.Toutlemondeneparlequedeçacematin,etla
premièreclochen’amêmepasencoresonné.Claireestfurax.J’imagine.EtsiClaireestencolère,jemedoutedecequeJordanva
diredetoutça.Unepauvrefillecommemoi,quiposesessalesmainssurunmembredesaprécieusefamilleRoyal?Çadoitlarendredingue.
–Ettoi?Tuesfurax?jedemandeàlaseulepersonnedontl’opinioncomptepourmoi.
Valériepouffederire.–Parcequetuasfourrétalanguedanslabouched’Easton?Qu’est-ce
quej’enaiàfaire!
C’est la réponseque j’espérais, et jem’yaccroche lorsquenousnousséparonsdanslecouloirpournousrendreànoscoursdumatin.Aucuneimportance que tout le monde murmure sur mon passage, ou que lesnanasme jettent des regards assassins quand je rentre dans la salle declasse.L’avisdeValérieestleseulquicomptepourmoi.
Celadit, à l’heuredudéjeuner, jene suispas loindem’arracher lescheveux. Chaque fille quime croise semble prête àme trucider. Eastonaggraveencoreleschosesenfaisantundétourpourvenirmedirebonjourdevantmoncasierenmeserrantlonguementdanssesbras.Ilfeintdenepas remarquer que tout le monde nous dévisage, mais moi j’en suisparfaitementconsciente,etc’estinsoutenable.
–TuesElla,n’est-cepas?Jeviensderangermesmanuelsdansmoncasierquanduntypeaux
cheveuxblondshérisséss’approche,enpoloderugbyrayé.Laquestionestridicule,ilsaitparfaitementbienquijesuis.J’imagine
quetouscesmômessontensembleenclassedepuislejardind’enfants,ettout lemonde saitparfaitementquiest la «nouvelle »Royalà laprépad’AstorPark.
–Ouais,jerépondsd’unairindifférent.Ettues?–DanielDelacorte.Ilmetendlamain,puislabaissemaladroitementquandjenelaserre
pas.–Jevoulaismeprésenterdepuisunmoment,mais…Ilhausselesépaules.–C’étaitinterditparReed?Ilacquiescetimidement.Seigneur,touscesgenslecraignentvraiment.–Alors,pourquoiest-cequetuteprésentesmaintenant?Jerécolteunnouveauhaussementd’épaules.– Deuxdemescopainsétaientauclub samedi soir. Ilsdisentqu’ils
t’ontvueavecEaston.–Et?
J’attendsuneinsultequelconque,maisçanevientpas.Jeletoise.–Comment?Tunevaspasmetraiterdeputeparcequejesuissortie
avecEastonauclub?Ilsouritavechumour.– Si je devais traiter de putes toutes les filles qui sont sorties avec
Easton,ilneresteraitpluspersonnedanscetteécole.Jenepeuxm’empêcherd’éclaterderire.–Jesuissérieux,insisteDaniel.LesflirtsalcoolisésavecEastonsont
unvéritableritedepassageàAstorPark.–Tuparlesd’expérience?jeluidemandepoliment.Ilesquisseunsourire.Cegarçonestmignon,jeluireconnaisça.– Heureusement, non. En fait, je voulais te demander si tu voulais
dîneravecmoiundecesjours.Unevaguedesoupçonmetraverse,etDanieldoits’enrendrecompte,
parcequ’ilajoute:–Jenetedemandepasdesortiravecmoi.Onpourraitfaireçaentre
copains,situpréfères.JeveuxsimplementconnaîtrelafillequiaréussiàfairetournerlatêteàtoutelafamilleRoyal.
J’hésiteencore,alorsilpousseungrandsoupir.–Jepeuxvoirtontéléphone?Sanssavoirpourquoi,jesorsmontéléphonedemapochearrièreetje
luipasse.Sesdoigtseffleurentrapidementl’écrantactile.–Voilà.Tuasmonnuméromaintenant.Alors,qu’endis-tu?Réfléchis
etsitudécidesdedîneravecmoi,envoie-moiuntexto.–Hum.Ok.Biensûr.Danielsouritànouveauetmefaitunpetitsigneavantdemettreles
bouts.Je le regardepartir, lesyeux rivés sur son joli cul. Ila lecorpsd’un
athlète, et je me demande subitement s’il fait partie de l’équipe defootball. J’espèrequenon,parceque sans ça,Reedapprendra sûrement
que Daniel m’a proposé de sortir avec lui pendant l’entraînement del’après-midi.
Maisj’aisous-estimélebouche-à-oreilledecetteécole.Seulementcinqminutesplustard,toutlemondeestcourantdelapropositiondeDaniel.
Je suis à deux pas de la cafétéria quand je reçois un message deValérie.
–Danielt’ainvitéeàsortiraveclui?Jeréponds:
–Ouais.–Tuasaccepté?–J’aiditquej’allaisyréfléchir.–Neréfléchispastrop.C’estundesplussympas.Unautretextoarrivepeuaprès.
–C’estlecapitainedel’équipedelacrosse 1.Ellerajouteça,commesicelafaisaitunedifférence.En haussant les yeux au ciel, je rentre dans la cafétéria et repère
immédiatementVal ànotre tablehabituelle,dans le coin.Elle sourit enmevoyant,reposesontéléphoneetdit:
– Ok. Raconte-moi tout. Il a mis un genou à terre. Il t’a offert desfleurs?
Pendantuneheure,ellemebombardedequestionsàproposd’untypeàquijen’aiparléquedeuxminutes.
Maisfranchement,çamechangeagréablementdufestivaldemessesbassesdelamatinée,etçamepermetdeneplusêtreobsédéeparcequediraReedquandill’apprendra.
1.Sportcollectifd’origineamérindienne.
CHAPITRE22
JenevoispasReedavantlafindescours,etquandjelerencontre,iln’estpasentraindecourirpourmedemanderd’éviterDaniel.Aulieudeça,ilestpenchéàlaportièrecôtéconducteur,ilbavardeavecAbby.Etladouceblondes’appuieàlaRoverdeReed,unemainsurlahanche.Cettescènemedonneenviedevomir.
–Ilsontl’airbienensemble.JemeretournepourdécouvrirSavannahàcôtédemoi.Nousnenous
sommespas reparlédepuis le jouroùellem’a fait visiter le campus,ducoupjesuissurprisedelavoir.
–J’imagine.– J’aientendudirequeDanielDelacorte t’avait invitéeàsortiravec
luiaujourd’hui.Ellepassesamaindanssescheveuxraides.–Apparemment,c’estlejourdesragots,j’ironise,maisoui.–N’yvapas,lance-t-ellebrusquement.Sansça,tuvasleregretter.Après avoir lancé cette bombe, elle grimpe sur le trottoir et court
jusqu’àsavoiture,enmelaissantbouchebéeetbienembarrassée.Avant que je puisse comprendre le sens de son avertissement, un
cabriolet de sport décapotable passe dansmon champde vision.Danielmesouritdepuislesiègeduconducteur.
–Chouettevoiture.Jeregardel’intérieur.C’estnoiretpleindecadranslumineux.
–Quelengin!–Merci.C’estuncadeaudemesparentspourmesseizeans.J’étaisun
peuinquietquandj’aiapprisqu’elleavaitquatrecentschevaux.Jemesuisdemandé simonpère trouvait que j’avais besoinde compenser quelquechose.
Jesouris.Lefaitqu’ilpuissesemoquerdeluimelerendsympathique.–Etc’estlecas?–Ella,ilclaquedelalangueenplaisantant,tuescenséemerassurer
surlefaitquejen’airienàcraindrecôtéattributsmasculins.–Etcommentjelesaurais?jeletaquine.Ilsepenchesurletableaudebordetmefaitsignedem’approcher.– Je vais te dire un secret. Nous, les hommes, avons des ego très
fragiles.Ilvauttoujoursmieuxnousfairedescomplimentspourquenousnenoustransformionspasenpsychopathes.
– Tu n’as rien à craindre côté attributs masculins, je répondsdocilement.
– Voilà, ça, c’est une gentille fille. (Il hoche la tête en signed’approbation.)Jetedéposecheztoi?
Je me relève et je cherche des yeux Easton, les jumeaux ou mêmeDurand,mais lesRoyalne sontpas là, à l’exceptiondeReedquinemevoitpas.Ilreportetoutesonattentionsursonangéliquecopine,cellequiluirappellesamère.
Danielsuitmonregard.–AbbyetReed,s’amuse-t-il,voilàuncouplefaitl’unpourl’autre.–Pourquoitudisça?J’ail’airembêtée,etjelesuis,maisjeregrettedenepasl’avoirmieux
dissimulé.–Reedestdifficile,pascommeEaston.Jenel’aivuqu’avecuneseule
fillecesdeuxdernièresannées.Jecroisquec’estellequ’illuifaut.–Alors,pourquoiilsnesontpasensemble?NousregardonstouslesdeuxReedapprochersatêtedecelled’Abby,
commes’ilallaitl’embrasser.
–Quit’aditqu’ilsnel’étaientpas?LesobservationsdeDanielnesontpasréfléchies,ilnecherchepasà
meblesser,maisladouleurdiffuseenmoi.–Tuaseuletempsderéfléchiràmaproposition?Mes yeux quittent Reed pour se poser sur Daniel. Daniel est le
stéréotype du garçon riche. Un peu comme j’imaginais les Royal : lescheveuxblonds, les yeuxbleus etunvisagequipourrait orner lesmursdes musées de Grande-Bretagne. Les Royal ont l’air de voyous encomparaisondesonstyleélégantdécontracté.N’importequellefilleseraitfolledejoiequeDanielluidemandedesortiraveclui.Quejeneressentepaslamoindreexcitationpourluiprouvequej’aiunvraiproblème.
–Jesuisunpeularguéeencemoment,jelepréviens.Ilyasûrementdebienmeilleurspoissonspourfaireuncourt-bouillon.
Ilm’étudiependantunmomentensouriant.–Jen’arrivepasàsavoirsituessaiesdemelaissertombergentiment
ou si tu n’as pas assez confiance en toi. Dans tous les cas, jen’abandonneraipas.
Je suis sauvée quand un coup de klaxon retentit derrière nous. Ennous retournant,nousnous rendonscomptequeReedamanœuvréafinderapprochersaRover tellementprèsque lesailesdesdeuxvoituressetouchentpresque.Lajuxtapositiondesdeuxvéhiculesestpresquerisible,avec laRoverquidomine lapetitedécapotableàdeuxplaces.Ondiraitqu’ellepiaffed’enviederoulersurlavoituredeDaniel.
Daniel se renfoncedans le siègeduconducteuretmet lemoteurenmarche.Avecunregardasseznarquois,ilsalueReeddelatête.
–Siquelqu’unsurcompense,jecroisquecen’estpasmoi.Surce,ildémarreetlaisselaplacequeReedoccupetrèsvite.Daniela
tort. Reedn’a aucun besoin de surcompenser. Son SUV surdimensionnéluicorrespondparfaitement.
–Tuvassortiraveclui?medemandeReedaumomentoùjerefermelaportièrepassager.
–Daniel?
–Unautremect’afaituneproposition?J’auraisbienaiméqu’ilneportepasdelunettesdesoleil.Jenepeux
pasvoirsesyeux.Est-ilencolère.Frustré?Content?–Non,justeDaniel.Etj’yréfléchis.(Jecherchesonregard.)Ilyades
raisonsdenepaslefaire?Unmuscledesamâchoiretressaute.S’ilentrouvre lamoindreporte,
jesaisirail’occasion.Allez,Reed.Allez.Ilmejetteuncoupd’œilrapideavantdesetournerverslaroute.–Jecroisqu’onaparléd’unetrêvelanuitdernière,pasvrai?J’aimeraisquecesoitplusqu’unetrêve,etcettepenséemesurprend.
Uncessez-le-feuestunechose,maisadmettrequejeveuxagirsurnotreattractionmutuelle?Çamesembleêtreuneerreurdangereuse.
–Ouais,untrucdanslegenre,jemurmure.–Alors,jeseraisunconsijetedisaisdenepassortiraveclui.Non,jepense,tumediraisjustequetutiensàmoi.–Jenecroispasquetenircomptedubien-êtredel’autreviolenotre
trêve,dis-je.Reedhausselesépaules.–Situmedemandess’ilvatefairedumal,jeterépondraiquenon.
On ne l’a jamais entendu se vanter dans les vestiaires des filles d’aveclesquelles il sortait?Jecroisque tout lemonde leconsidèrecommeuntypebien. Il faitpartiede l’équipede lacrosse.Cesmecsont tendanceàrester entre eux, alors je ne le connais pas vraiment bien, maissuffisamment, je suppose.Si j’avaisune sœur, çanemeposerait pasdeproblèmequ’ellesorteaveclui.
Cen’étaitpasçamaquestion!jehurlementalement.Àvoixhaute,jel’abordeautrement.
–Est-cequetoietAbbyvousvousremettezensemble?–Nousn’avonsjamaisétéensemble,répond-ilabruptement.–Vousaviezl’airdebienvousentendre,là.Danielditquevousêtes
faitsl’unpourl’autre.
– Ah bon ? répond Reed sur un ton amusé. Je ne savais pas queDanielétaitconcernéparmavieamoureuse.
–Alors,Abbyfaitpartiedetavieamoureuse?Jeluidonnelebâtonpourmefairebattreavectoutesmesquestions.–Qu’est-cequetumedemandes,exactement?Il tourne à droite, et du coup je ne peux pas voir son visage. Trop
embarrasséepouraborderlesujet,jemerenfoncedansmonsiège:–Riendutout.L’instantd’après,Reedsoupire.–Écoute,jevaispartiràlafacl’annéeprochaine.Etcontrairementà
Gideon, je ne vais pas revenir les week-ends. J’ai besoin de passer dutemps loinde cette ville.De cette famille.Abby etmoi on a eudubontemps,c’estvrai,maisellenefaitpaspartiedemonaveniret jenevaispas labaisouiller, ni personned’autred’ailleurs, justepourmevider lescouilles.
Et voilà, j’aima réponse.Même s’il est attiréparmoi,bienque j’aieremarquéqu’ilaprissoindenepasledire,ilnevarienfaire.Ilvapartirleplusvitepossible.Jedevraisadmirercettesorted’honnêteté,maisjen’yarrive pas. Une partie idiote en moi aimerait qu’il me dise que s’il medésire suffisamment, aucun principe ne pourra l’empêcher de m’avoir.MonDieu,jenesuisqu’unepauvrepetitechose.
Je me détourne pour regarder la ville qui défile devant mes yeuxpendantqueReednousramèneàlamaison.
Finalement,fatiguéedemetaire,jeluidemandeàbrûle-pourpoint,–Pourquoiest-cequetutebats?Pourl’argent?Illaisseéchapperuncinglantéclatderire.–Seigneur,non,jemebatsparceque,commeça,jemesensbien.–Parcequetut’interdisdefairel’amouravecAbby?Ducoup,tudois
sortir et dégommer quelques types pour te débarrasser de ce quit’encombreintérieurement?
Cesparolesm’ontéchappé…
Reed s’arrête. Il semble surpris que nous soyons déjà arrivés à lamaison.Ilretireseslunettesdesoleiletmeregardedroitdanslesyeux.
Magorgedevienttoutesèche.–Qu’est-cequ’ilya?Ilsepencheetcaressemescheveux.Sespoucessontàdescentimètres
demapoitrine et je prends surmoi pour ne pasme rapprocher encoreplusdelui.
–Tucroisvraimentquec’estAbbyquimegardeéveillétoutelanuit?–Jen’ensaisrien.J’hésite.Jen’aipasenviequecesoitça.Je retiens ma respiration. J’attends qu’il me réponde, mais il se
contentedelâchermescheveuxetd’attraperlapoignéedelaporte.Sansseretourner,illance:– Daniel est un mec bien. Peut-être que tu devrais lui donner sa
chance.
Je reste assise dans la voiture après son départ pour retrouver lamaîtrisedemoi.Aucundenousn’aétévraimentexplicite,maisjesaisquec’estdansl’airàprésent.Jeluiaimontrémessentiments,etilm’aditdelesgarderpourmoi.Ill’afaitdélicatement,maislecouteauleplusproprepeuttoutdemêmeprovoqueruneblessuredouloureuse.
Lorsque j’entredans lamaison,Brookeest installéeà lapiscine.Ellesemble s’être remise de sa beuverie de la nuit dernière. Elle parle avecReed.Deboutdevantsachaiselongue,ilestraidecommelajustice.Ellecaresse son mollet nu. Je l’ai déjà vue faire avec Gideon, et je medemandepourquoilesgarçonsacceptentça.Jesaisqu’ilsnepeuventpasl’encadrer.S’ilestunechosequeCallumpourraitfairepouraméliorersarelationavecsesfils,c’estdelafoutredehors.
Seuleetirritée,jeparsàlarecherched’Easton.Ilestvautrésursonlit,en train de regarder une émission dans laquelle ils démontent unevoiture,puislaremontentpourqu’elleressembleàunvéhiculededessinanimé.Ilsouritquandilm’aperçoit.
–Alorscommeça,nousfaisonsunetrêve,hein?
–Est-cequecemotexistevraiment?jeluidemandeenentrantdanslapièce.
–Çasonnecommeunmot,alorsçadoitenêtreun.– Conmerdeur, ça sonneaussi commeunvraimot,mais je teparie
quetuneletrouveraspasdansledictionnaire.–Tumetraitesdeconmerdeur?–Naan,tuesjusteunsalecon.–Wouah,mercipetitesœur.–Tusaisqu’onalemêmeâge,n’est-cepas?Jehausselesyeuxaucieletjegrimpesurlelitàcôtédelui.Eastonse
poussepourmefairedelaplace.–Depuistoujours,jesuisplusvieuxetplussagequemonâge.–Ah,ah.Biensûr.–Sérieusement.Reedditqu’onesttouspotesàprésent.C’estpourde
vrai,oubientujouesencoreàunnouveaujeu?Jebougonne:–D’abord,jen’aijamaisjouéàaucunjeu.Etouais,jepensequec’est
pourdebon.Ilal’airplussoulagéquecequej’auraisimaginé.–Celadit,jevoulaisteposerunequestion.Qu’est-cequetupensesde
DanielDelacorte?–Pourquoituveuxlesavoir?– Ilm’ademandédesortiravec luiaprèsavoirentendudirequetu
m’avais embrassée. Apparemment, c’était une sorte de baiserd’adoubement.
Eastonremuesonsourcild’unefaçoncomique.–Jesuisunmagicien,tuvois?–Tuessurtoutimpossible.Jeluijetteunoreilleràlatête,qu’ilrattrapeetglissesoussapoitrine.–Pourquoitum’asembrassée?–J’étaisexcité.Tuétaislà.J’aieuenviedet’embrasser.Ilhausselesépaulesetsetourneànouveauverslatélévision.
Jelesentaisbien.J’enavaisenvie.ToutestsisimplepourEaston.Ilest dirigé par des pulsions primaires. Manger, boire, embrasser,recommencer.
–Ettoi,pourquoitum’asembrassé?Mes raisons me semblent plus compliquées. Je voulais rendre Reed
jaloux.Jevoulaismeprouveretprouveràtouslesgensdansceclubquej’étaisdésirable.Jevoulaisuncontact tendreetaffectueuxde lapartdequelqu’un, n’importe qui. Finalement, mes raisons ne sont pas sidifférentesdecellesd’Easton.
–J’enavaisenvie.–Tuveuxundeuxièmetourdemanège?mepropose-t-ilentapotant
sajoue.Enriant,jesecouelatête.–Pourquoiça?Ilresteimperturbabledevantmonrefus.–Parceque,parceque,c’esttout.Jedétournelesyeux.– Non, non, tu ne vas pas t’en sortir comme ça. Je veux que tu le
dises. Que tu dises à ton grand frère que tu en pinces pour ton autregrandfrère.
Jeluimens.–Tut’imaginesdestrucs.Jen’enpincepaspourReed.–Conneries.–Non,j’insiste,maisEastonvoitclairenmoi.–Merde,Ella,j’aibesoind’unécranchaquefoisquevousêtesàmoins
d’unmètrecinquantel’undel’autre.Ilsourit,maisredevientsérieuxpresqueimmédiatement.–Écoute,jet’aimebien.Jenepensaispasqueçaseraitpossible,mais
c’estlecas,etcommejet’aimebien,j’éprouvelebesoindeteprévenirquenousdébloquons touscomplètement,nous lesRoyal.Onestdesaffairesaupieu,maisendehors?Noussommescommeunouraganforcequatre.
–EtDaniel?
– C’estun typebien.Cen’estpasuneordure commemoi.Tous lesgarsdel’équipedelacrossel’apprécient.Sonpèreestjuge.
–Ilyadesrumeursleconcernant?–Pasquejesache.Tuprévoisdetelefaire?–Savannahadit…–N’écoutepasunmotdecequ’ellepeuttedire,m’interromptEaston.Jeluijetteunregardsuspicieux.–Pourquoi?–ElleetGidsontsortisensemblel’annéedernière.Je suis bouche bée. Sérieusement ? Savannah et Gideon ? Je me
rappelle notre tour du campus, son explication très directe de la façondontlesRoyalcontrôlaientl’école,mais jenemerappellepasqu’elleaitmontrélamoindreémotionenenparlant.Saufque…ellel’avaitdévisagépendantlasoiréedeJordan.Ellel’avaitregardéméchamment,commesielletentaitdel’effacermentalement.
– Savannah était une collégienne un peu gauche, poursuit Easton.Appareildentaire.Coiffureassezbizarre.Jenesaispascequ’ellefaisaitàsescheveux.Peut-êtreunecoupedifférente, jenesaispas.Quoiqu’ilensoit,quandelleestarrivéeen seconde,elleavait complètement changé.Gidluiajetéunregardetsel’estmisedanslapoche.Maisàpeuprès,aumoment de la mort d’oncle Steve, les choses ont changé. Il l’a laisséetomberd’unseulcoup,etdepuiselleestcomplètementaigrie.
–Dingue,jesiffle.SavannahetGideon!Jen’arrivevraimentpaslesimaginerencouple.
–Jetel’aidit.Ouraganforcequatre.Ilfaitlegested’écraserquelquechoseavecsonpoing,puissoupireet
seretourneverslatélé.
CHAPITRE23
Le lendemain matin, Daniel m’attend devant mon casier. Bien queReed et Easton m’aient tous les deux donné leur approbation, je suistoujourspartagéeausujetdeDaniel.MaisilfautquejemesorteReeddelatête.Çaaumoins,c’estclair.
Danielaàpeineletempsdemedirebonjourquej’énoncelaloi.–Ilfautquejetedisefranchementquejesuistoutsaufsûredemoi,
je lui expliquemaladroitement. En cemoment, je vis des changementsénormesdansmavie,etjenepeuxrienentreprendredesérieux.
– Je comprends, promet-il. (Il se penche et dépose un baiser trèstendresurmajoue.)Tuesadorable.Jepeuxattendre.
–Jesuisadorable?Personned’autrequemamèrenem’ajamaisditça.
Jepensequejel’aimebien,enfait.
Chaque jour,Danielme retrouve devantmon casier,me raconte untrucmarrantpuismequitteenm’embrassantsurlajoue.Eastonsemoquedemoi le soir, mais chaque fois que je regarde Reed en espérant uneréponse, il reste impénétrable. Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’ilressentàproposdetoutel’attentionquemeporteDaniel,maisaumoins,notre trêve court toujours. Même Callum a remarqué la différence aumanoirRoyal.Quandilestpassédevantmachambrel’autresoiretqu’il
nousavus,Eastonetmoi,regarderlatéléensemble,jevousjurequesamâchoireafaillisedécrocher.
Le vendredi, j’apporte à Daniel un beignet aux pommes, parce qu’ilm’aditquec’étaitsapâtisseriepréférée.Et,cette fois, ilm’embrassesurleslèvres.C’estdouxetsecmais,étrangement,pasdésagréabledutout.
Ungrosbruitauboutduhallm’effraieetjesursaute,manquantfairetombersoncadeau.
Danielm’arrachelapâtisseriedesmains.–Hé,doucement!ilnefautpasgâcherlanourriture.C’estunegrave
violation de la Convention de Genève. Je vais devoir te coffrer pour techâtier.
Sesyeuxpétillent.– Est-ceque tuessaiesdesortiravecmoiparceque j’aiaccèsàdes
pâtisseries?jeluidemandeenfaisantsemblantd’êtresuspicieuse.–Oh.(Ilposesamainsursapoitrine.)Jesuisdécouvert.Est-cequeje
vaisavoirdesproblèmes?Sessingeriesmetirentunsourire.–Ohh,jet’aifaitsourire,etc’estmauvaissigneparceque,mabelle,
ce sourire estunassassin. Je croisquemoncœur s’est arrêténet. (Il sefrappelapoitrine.)Écoute.
Danielestsiouvertementringardettellementjoyeuxquejedécidedejouerlejeu.Jeposematêtecontresapoitrineetj’écoutelesbattementsréguliersdesoncœur.
À côté de moi, j’entends quelqu’un qui bâille bruyamment. C’estEastonquicollesondoigtenbasdesagorge.Ilnousfaitlesgrosyeuxetpoursuit son chemin. À côté de lui, Reed ne lève pas la tête. Il esttellementsexyavecsachemised’uniformequipendhorsdesonpantalonquejedoisfaireuneffortpourregarderailleurs.
Danielsemarre.–Alors,tuviensaumatchcesoir?–Jepense.Jem’interdisdemeretournerpourregardercequefaitReed.
–Mais jen’arriveraisansdoutepasavant ladeuxièmemi-temps.Jebossejusqu’àdix-neufheureslevendredi.
–Etpourlafêted’après-match?–J’yvaisavecEaston.Hiersoir,noussommestombésd’accord,c’estluiquim’emmèneàla
fêted’après-match.Valrestechezelle,ellearendez-voussurSkypeavecTam.Cequi craint,parceque jem’amusebeaucoupplusquandelle estdanslesparages.
PendanttoutenotrediscussionàEastonetmoi,àproposdumatchetdequellevoiturenousallonsprendrepourallerà lafête,Reedestrestéplanté là, sans bouger. Il était muet comme une tombe, et j’ai eu bienenviededelesecouerpourqu’ilmedisequelquechose.Maisçarompraitsûrementlatrêve.
Je n’arrive pas àme décider. Est-ce que je préfère lamaison RoyalcalmeavecunReedsansvoix,oucelleoùilmehurledefoutrelecampenmemenaçantavecsaqueue?
–Pigé.Onpeutseretrouverlà-bas,non?–D’accord.Il me lance un de ses sourires à un million de dollars, et je me
demandepourquoijeneluidispasoui,toutsimplement.
Lafêtesedérouledansl’hôtelparticulierd’undesjoueursdelacrosse.Je ne le connais pas. C’est un dernière année, comme Reed, etapparemment un véritable geek en sciences. Lui et un autre type de lasection scientifique sont en traindepréparerdes cocktails qu’ils serventensuite dans des béchers en verre. Ils se donnent à fond, ils ontmêmeenfilédesblousesblanchesdelaboratoirequ’ilsportentgrandesouvertespourmontrerleursabdos,cequiannihiledéfinitivementlestéréotypedufortenthèmebinoclard.
Jechoisisundaïquiri-fraise,bienquelebarmantentedemerefileruntrucvertàl’aspectbizarre.
Eastonrefuseletout.
– Moi je carbure à la bière, déclare-t-il. Tout le houblondansmoncorpsvaréagirsij’ingèreuntrucsucré.
Unefoisquej’aiprismonbécher,Eastonm’entraîneplusloinpourmemettreengarde.
–Cetrucpeutêtrehyper-fort,vas-ymollocesoir.J’enprendsunegorgée.–Çaressembleàunsmoothie.– Exactement.Ces types sontpassésmaîtresdans l’artde saouler à
morttoutlemonde,sansquepersonnenes’enrendecompte.–Ok.Jem’entiendraiàunverre,c’esttout.Çame touche qu’Easton s’inquiète pourmoi. Personnene l’a jamais
fait.JebalaielapièceduregardàlarecherchedeReed,maisjenelevoisnullepart.C’estpathétique.
JedemandeàEaston:–Reedvientcesoir?–Jenesaispas.Probablementqueoui.Jel’aivuavecAbbyàlafindu
match.En réponse, je siffle la moitié du bécher d’un seul coup. Easton
cherchemesyeux.–Çavaaller?–Jemens:jesuisautop.–Situasbesoindequoiquecesoit,jenesuisqu’àuncoupdefilde
distance,dit-ilenmemontrantsonmobile.Maispourlemoment,ilfautquej’aillem’envoyerenl’air,petitesœur.
Ilmeclaqueunebisesurlajoueetpartendirectiondelapiscine.Daniel apparaît à l’instant où Easton s’en va. Ses yeux brillent
d’espièglerie.– Mon Dieu, je pensais que ton chaperon n’allait jamais te lâcher.
Viens,jevaisteprésenterauxautres.Il passe un bras autour demon épaule et m’entraîne de groupe en
groupe.Desmômesqui,àl’école,nem’auraientmêmepasdonnél’heureme saluent subitement, me sourient, me font la conversation, et nous
parlonsdumatchquenotreéquipeagagnécesoir.Del’équipeadversedelasemaineprochaine,quenousallonsécraser.Del’espècedeHobbitquenousavonsenchimieetquetoutlemondedétesteetduprofd’artqu’onadoretous.
Cetteexpérienceestquasi féerique.J’ignoresic’estparcequeDanielestlà,ouquel’annoncedelatrêveaveclesRoyalapeuàpeuatteintlepetitpeuple,maistoutlemondeestsympa.Leurssouriressontfrancsetleséclatsderirecontagieux.
–Tut’amusesbien?murmureDanielàmonoreille.Jemepencheverslui.–Oui,vraiment,dis-je,surprise.Reed est dehors, quelque part, et cette fois, c’est lui et Abby qui
s’agitentdanssonRangeRover,pasWadequejeviensdevoiràl’intérieuravecunefillesurlesgenoux.Bonetalors?C’estbienqueDanielsoitlà,avecsonbrassolidepasséautourdemesépaulesetsoncorpstièdecontrelemien. Une étrangemollessem’envahit. L’alcool détruitmes défenses,commemel’avaitditEaston,etunsignald’alarmes’allumequelquepartdansmanuque.
–Laisse-moit’offrirundeuxièmeverre,proposeDaniel.–Jepense…Jelèvelesyeuxverslui,sansbiensavoircequejepense.–Elleabesoind’allerauxtoilettes.Je fronce le nez devant cette intruse. C’est Savannah Montgomery.
Qu’est-ce qu’elle fait ici ? Avant que je puisse protester, elle me traînedanslasalledebainslaplusprocheetfermelaporte.
–Maisqu’est-cequisepasse,bordel?Ellesetourned’unairhésitant,avantdeselancercarrément:–Jenet’aimepasbeaucoup…–Sansblague.Merci.–Maisjenelaisseraismêmepasmapireennemiesefairebaiserpar
Daniel.Jeredoubledeconfusion.
–Qu’est-cequinevapasavecDaniel?ReedetEastonm’ontditquec’étaituntypebien…
Ellemecoupe.–Tuveuxunconseil?Neprendsjamaispourargentcomptantceque
teditunmembredelafamilleRoyal.Cette aigreur dont m’a parlé Easton est à présent douloureusement
évidente.Elleestvisibledanssamâchoirecrispée,danssadictionhachée.–J’aibiencomprisquetunelesaimespas,dis-jedoucement.Onm’a
ditpourtoietGideon…Ellem’interromptànouveau,sesyeuxvertssontremplisdedédain.– Tu sais quoi ? J’ai changé d’avis. Toi et Daniel vous allez
parfaitementbienensemble.Passeunbonmoment,Ella.Sur ce, Savannah me jette une serviette humide qui m’atteint au
visage et trempe ledevantdemon tee-shirt.Déconcertée, je ramasse laserviette et je tire sur le tissu mouillé. Mais qu’est-ce qui vient dem’arriver,bordel?
Daniel m’attend à l’extérieur de la salle de bains, une expressioninquiètesurlevisage.
–Qu’est-cequinevapas?Tut’esfritéeavecSavannah?– Pas vraiment. Je ne comprends pas ce qui s’est passé, si ce n’est
qu’elleétaitenpétardetqu’ellem’atrempémontee-shirt.Je lui montre le tee-shirt d’Astor Park que j’ai emprunté à un des
jumeauxetdontj’avaisresserréledospourqu’ilm’aille.–Tuveuxunautretee-shirt?Jepeuxenprendreundanslachambre
deFarris,dit-ilenm’indiquantl’étage.–Non,çava,ilvasécher.(Jesecoueletissu.)Ilestassezfin,ilvavite
sécher.Ilhochelatête.– Écoute, je ne veux pas dire du mal d’elle, mais Sav n’est pas
quelqu’undetrèsheureuxcesderniers temps.Ne la laissepasdéteindresurtoi.
–Oui,j’aibiencompris.
–Ilssontentraind’installerunjeudefléchettesdanslapièceàcôté.Çatedit?
–Biensûr,pourquoipas?Ilmetendunebouteilled’eau.– Je ne sais pas si tu la veux, vu que tu es déjà trempée,mais j’ai
pensé que tu pourrais en avoir envie. Ces boissons que concocte Farrissonttrèsfortes.
–Merci.J’ouvre labouteille,et jeremarquequelebouchonest intact.Daniel
entre très clairement dans la catégorie des braves types, et je seraisvraimentstupidedenepasluilaisseraumoinsunechance.
Son bras heurte mon épaule pendant que nous avançons dans lecouloir.
– Tu sais, Daniel… (et je reprends ma respiration), je crois qu’ondevraitsortirensemble.
–Ouais?Ilestrayonnant.–Certainement.–Trèsbienalors.Ilmetireversluietm’embrassesurlatempe,dansungesteagréable,
rassurant.–Maisd’abord,allonsfilerlapâtéeauxautresauxfléchettes.Lacible,untrucdebar,estinstalléedanslapoolhouse,àl’arrièrede
lapropriétédeFarris.Deuxautresfillessontdéjàvautréessuruncanapéencuir,cequimerassure.Danieln’apasprismadécisiondesortiravecluicommeunaccordpourpassertoutdesuiteàlacasserole.
–JeteprésenteNadineetZoé.Ellessontducoin.Zoémetendunemainmolle.–OnvaàaulycéedeSouthWest.–C’estcontrevotreéquipequ’onajouécesoir,non?–Ouais,elleconfirme.Etmaintenant,onfêteça.Jememarre.
–Maisvousavezperdu!–Alors,ilfautnousconsoler.ElleetNadinecontinuentàrirebêtement.–Heureusement,nousavonsHugh.Hughestuntypenerveux,àpeineplusgrandquemoi.Iltireunetaffe
de je ne sais quoi, ce qu’il est en train de fumer, et il se contente dehocherlatête.
Danielfaitunclind’œilauxfilles.– Bon,Ellaetmoiavonsunrencardaveclacible.Vousvoulezvous
joindreànous,touslestrois?–Non,onsecontenteraderegarder.Hughadoreregarder,pasvrai,
Hugh?Hughleurenvoiesafuméeàlafigure,cequilesfairerireencoreplus
fort. Ça n’est pas difficile de comprendre que ces filles sont totalementbourréesoudéfoncées.
–Tuveuxlarougeoulajaune?Danielmemontredeuxfléchettes.–Larouge.Ilmepasselesfléchettesrougesetm’entraînejusqu’àlacible.Avantque jepuisse lancerma fléchette, je sensunepiqûre surmon
avant-bras.–Ouille!Jemefrottelebras.C’étaitquoicetruc?Illèvelafléchettejauned’unairgêné.–Jet’aipiquéavecmafléchette.–Merde,Daniel,çafaitmal!Çan’estmêmepasdrôle.Ilfixelapointedesafléchetteenfronçantlessourcils.–Jesuisdésolé.J’aidûtepiquertropfort.Jem’efforcedemedétendre.–Bonmais…nerecommencepas,d’accord?Ilmeprenddanssesbras.–Çan’arriveraplus.
Je le laisse me serrer contre lui un moment, parce que ça me faitvraiment du bien. Quand il me lâche, il faut que je me retienne enm’appuyantàlatable.Jen’aiplusd’équilibre.Çadoitêtreleseffetsdelaboisson.Onfaitunepartie,puisuneautre.
Je joue comme un pied. J’atteins plus souvent le mur que la cible.Daniel me vanne en me disant qu’il espère que je n’aurai jamais àparticiperàHungerGames.
Àlatroisièmepartie,mabouchedevientétonnammentsèche.J’essaied’attraperma petite bouteille d’eau,mais je lamanque, elle s’écrase auloin.
–Ohmince.Désolée.J’entendslesfillesricanerderrièremoi.Jetombesurmesgenouxetje
cherchequelquechosepouressuyerlesol.Montee-shirt.Montee-shirtestabsorbant et il est déjàmouillé. Enplus, ce vêtementmegêne. En fait,tous mes vêtements me grattent. Mon soutien-gorge est trop serré, etl’élastiquedema culotteme rentre dans la peau.À chaquemouvementquejefais,lesfilsdelindemajupem’irritentleshanches.Ilfaudraitquej’enlèvemesvêtements.
–C’estunebonneidée,approuveDaniel.J’aidûparleràhautevoix.–Mesvêtementsmegênent,j’avoue.–Oui,mettons-noustousàpoil,gueuleunedesfillesdepuislesofa.J’entendsdesfroissementsd’étoffeetd’autresricanements.–Matêteestcoincée,seplaintl’uned’elles.–Pourquoiest-cequevousnevousfilezpasuncoupdemain,toutes
lesdeux?suggèreHugh.Jemerelèveenm’appuyantsurl’épauledeDaniel.Zoéenlèvelehaut
deNadineetletendàHugh.Illejetteàterreetserenfoncedanslesofa.–Jeferaismieuxd’yaller,dis-jeàDaniel.Je me doute de ce qui va se passer entre eux trois, et je n’ai pas
vraimentenvied’yassister.
Danielmeplaquecontreluietpassesonbrasautourdemataille.Saréactionphysiqueà la scènequi sedérouledevantmoiestparfaitementclaire.
–OùestReed?(Jemedétourneviolemment.Lespicotementsquejesensentremescuissesmefontpenseràlui.)J’aibesoindelui.
–Maisnon,tum’as,moi.Danielsebranledoucementcontremoi.–Non.(Jelerepousse.)Jesuisdésolée,Daniel.Jenecroispas…Je
nesuispas…Jelèveunemainjusqu’àmatêteetjelapasse,toutetremblante,dans
mescheveux.Ledésirpulsedansmesveines.J’entendsmoncœurquibat,fortetvite,dansmesoreilles.J’essaiedemeconcentrer.
–JeveuxReed.–Seigneur,espècedepauvreidiote!Contente-toidefermerlesyeux
etprendstonpied.Sa voix n’est plus sympa du tout. Elle est froide et mécontente. Il
attrapelebasdemontee-shirt.J’essaiedeluiarracherlesmainsmaismesmouvementsmanquentdecoordinationetilm’ôtemonhautavantmêmequejepuisseprotester.
J’entendsHughquidemande:–Commentçavaparici?Savoixestforte,proche.Trèsproche.–Elleestdéfoncée,c’esttout.Jeluiairefilédelamolly 1.Ellecroyait
quejel’avaispiquéeavecunefléchette.Danielà l’air ravide sonmauvais coup. J’essaiede lui envoyermon
poingdanslafigure,maismonbrasesttroplourd.Hughs’arrête.– Mon pote… tu crois qu’on devrait faire ça avec Ella Royal ? Je
croyaisqu’onallaitsecantonneràdesfillesquinesontpasducoin,aprèslacousinedeSavannah.Cen’estjamaismalindedéconnersiprèsdechezsoi.
Danielhausselesépaules.
– Les Royal ne peuvent pas la saquer. Elle ne dira rien. C’est unemerde. C’est la première fois que ça me prend une semaine pourharponnerquelqu’un.
Il prend mon visage entre ses mains, et c’est si bon. J’aimeraistellementqueReedsoitlàetquecesoitsesmains.
Jebalbutiesonnom.–Qu’est-cequ’elledit?Danielsemarre.–JecroisquecettepetitepouletteenpincepourEastonetReed.Il malaxe violemment mes seins, et son contact me fait gémir à
nouveau.– Merde, elle est en chaleur, ricane Hugh. Génial. Je peux l’avoir
quandtuaurasterminé?–Biensûr.Laisse-moifairemontruc,aprèselleseratouteàtoi.– Tucroisqu’elleest relâchée jusqu’àquelpoint?J’aientendudire
qu’elleavaitdeskilomètresaucompteur.–Jenesaispasencore.Jen’arrivepasàluifaireécartersesputains
decuisses.Ilmepoussesurunechaiseetglisseungenouentremesjambes.–Pourquoituneluidonnespasunpeudecoke?Çalaréveilleraitun
peu.–Ouais,bonneidée.La pression disparaît dès que Daniel se lève et se dirige vers le
comptoir.Paniquée,jeleregardefouillerdansuntiroir.– Où est-ce que Farris planque cettemerde… je croyais que c’était
là…ah,peut-êtredanslefrigo.J’entendsdesbribesdevoixàl’extérieurdelapoolhouse.–Ella…l’avue…Daniel…lapiscine…–Reed.(Jem’efforcedemelever.)Reed.(Jetitubeenpassantdevant
lesdeuxfillesquisonttropoccupéesàs’embrasser.)–Hé,arrête-toi.
Daniel fermeviolemment le tiroiretmecourtaprès. Il jettesamainsurlaporteavantquej’aiepul’ouvrir.
–Tuvasoù?–Ilfautquejeparte.J’insisteenattrapantlapoignée.–Non,tunevasnullepart.Turestesici.Nous nous battons pour ouvrir la porte. Daniel a quelque chose de
brillantetacérédanslamain.–Hugh,viensmefileruncoupdemain,s’ilteplaît.Jetapecontrelaporte.–Reed!Reed!Danielm’injurieetHughmetireenarrièredetoutessesforces,mais
c’est trop tard. La porte s’ouvre et Reed apparaît. Ses yeux bleus seremplissentderagequandilnousvoittouslestrois.
Jeplongeverslui.Daniel,toutàsasurprise,melâcheetjetombeparterre.
–C’estquoicebordel?– Merde, mon pote, elle est défoncée, répond Daniel avec un rire
nerveux. Il a fallu que je l’amène ici pour ne pas qu’elle s’offre enspectacle.
–Non,non.Je proteste, en essayant dem’asseoir,mais tout est embrouillé dans
matête.Jen’arrivepasàtrouvermesmots.JenepeuxqueregarderReeddésespérément. Il vamedétester àprésent. Il va vraiment croireque jesuisunepute.Mesdernièresforcesm’abandonnent.Jesuisfoutue.
D’autres gens arrivent et cinq paires de grands pieds semettent enligne devantmes yeux. Le nombre de ceux qui viennent assister àmonhumiliationaugmente.
Je baisse la tête sur le sol carrelé dans l’espoir qu’il s’ouvre et qu’ilm’avaletoutentière.
–Tuasdeuxpossibilités,commenceReed.(Savoixestforteetcalme,commes’ilsaluaitunpotedeclasselematin.)Oubientut’excuses,tudis
lavérité,etunseuld’entrenoustecasseralagueule.Outumens,etonvase relayer pour transformer ta tronche en purée de wasabi. Fais bienattentionàcequetudis.
Est-cequec’estàmoiqu’ilparle?Peut-êtrebien.Jelèvelatêtepourprotesterquejen’airienfaitdemal,maisquandjeregardeenl’air,jevoisun mur de Royal. Tous les frères sont là. Chacun d’entre eux, mêmeGideon.Ilsontlesbrascroisésetdestêtesdetueurs.Aucund’euxnemeregarde.
Je jette un coup d’œil derrière mon épaule à Daniel qui a les brasballants.Uneseringuependouilleentresesdoigts.
Ils’éclaircitlavoix.–Reed,jen’airienfaitdutout…–Jecroisquetuasfaitlemauvaischoix.J’entendsEastonmarmonner:–Unchoixfranchementstupide,enplus.QuittantDanieldesyeux,Reedsepencheversmoietmeprenddans
sesbras.Ilmeserrecontresapoitrine.Undesesbrasestglissésousmesfesses, l’autreestsolidementpasséautourdemesépaules.Cetypeaétémon ennemi, la source de tant de douleurs émotionnelles. Mais, en cemoment,jemecolleàluicommes’ilétaitleseulréconfortquejepuissejamaistrouverencemonde.
UnefoisdanslaRangeRover,jememetsàpleurer.–Reed,ilyauntrucquinevapaschezmoi.–Jesais,bébé.Maisçavaaller.Ilposeunemainfraîchesurmajambeetlasensationestdingue.–J’aienviequetumetouches,dis-jeententantdefaireremontersa
mainplushaut.Il grogne. Sa main resserre son emprise sur ma jambe, juste une
seconde,puisill’enlève.–Non,jeproteste.C’estbon.
–Daniel t’ashootéeà l’ecstasy,Ella.Tuesdansunétatd’excitationsexuelledueàladrogue,jeneveuxpasprofiterdetoi.
–Mais…j’argumenteenmejetantsurlui.–Non,aboie-t-il.Maintenant,s’ilteplaît,pourl’amourdeDieu,est-ce
quetupeuxrestertranquilleetmelaisserconduire?Je me recule, mais cette sensation de picotements sur ma peau ne
s’arrête pas pour autant. Je frottemes jambes l’une contre l’autre pourcalmerladouleur,etçam’aideunpeu.JepréféreraisquecesoitReedquime touche,maismes propresmainsme font du bien. Je ne crache pasdessus.J’ail’impressionquemapeauestvivante.Jeglissemesmainssousletee-shirtquej’aiempruntéàReedpourmecaresser.
–Ella,s’ilteplaît.Tumetues.Embarrassée,j’essaiedem’arrêter.Jem’excused’unepetitevoix:–Jesuisdésolée.Jenesaispascequim’arrive.–Rentronsàlamaison.Ilal’airépuisé.Leresteducheminenvoitureestatroce.Jedoismobilisertoutemon
énergiepourparvenirànepasmetoucher.Reedstoppelavoiture.Ilouvremaportièreengrandetjetombedans
ses bras. Nous gémissons tous les deux, moi de soulagement, lui defrustration.
D’autresportièresdevoituresclaquentetlesautresfrèresRoyalnousrejoignent,avecSawyerquicourtdevantpournousouvrirlaporte.
Gideonprendlaparole.–Lanuitvaêtrelonguepourelle.Ilfautquel’undevousluivienne
enaide.–Dequellefaçon?grinceReed.–Tusaisbien.Gideonbaisselavoix.–Merde.–Vousvoulezquejem’enoccupe?demandeEaston.Jeglisse.Reedmerattrape,sapoignesefaitplusferme.
–Non.Personned’autrequemoi.C’estlecerveauembruméqu’ilmeporteenhautdesescaliersetqu’il
medéposesurmonlit.Quandilrecule,consterné,jetentedelerattraper.–Nemequittepas.– Jenetequitteraipas,promet-il.Jevais justechercherungantde
toilette.Jemeremetsàpleurerdèsqu’ildisparaîtdanslasalledebains.–Jenesaispaspourquoijesuistellementémotive.–Tuescaméeàmort.Àlamolly.Àlacoke.EtDieusaitcequ’ilt’a
donnéd’autre.Reedal’airécœuré.Jechuchote:–Jesuisdésolée.–Jenesuispasencolèrecontretoi.Ilposelegantdetoilettemouillésurmonfront.–Jesuisencolèrecontremoi.C’estmoiquiaifaitça.Eastonetmoi.
Jet’aifourréelà-dedans.JesuisReedleDestructeur.Ilal’airtriste.Tunelesavaispas?–Jen’aimepascenom.Il s’assied à côté de moi en passant et repassant le gant sur mon
visage,surmoncouetmesépaules.C’estdivin.–Ouais,etcommentvoudrais-tum’appeleràlaplace?J’ouvrelaboucheetjelance:–MonReed.
1.Lamollyestunedroguedésinhibantetrèspopulaireauseindela jeunessedesUSA.Elleprovoqueuneformed’euphorie,unedistorsiondessensetunemultiplicationdesémotions.
CHAPITRE24
Touslesdeux,nousavonslarespirationcoupée.–Ella,commence-t-il,maisilneterminepassaphrase.Ilsecontente
demeregarderm’asseoir.Jeluiprendsdesmainsleganthumideetjelejetteparterre.Sontee-shirtnetardepasàsuivrelegant.–Ella,essaie-t-ilànouveau.Maisj’enaimaclaquedesestentativespourresternoble.J’aienviede
lui, là,toutdesuite.Jegrimpesursesgenouxetj’enserresatailleentremesjambes.
–Demande-moipourquoiDanielétaittellementencolèrecontremoi,toutàl’heure.
Reedessaiededesserrermesjambes.–Ella…–Demande-moi.Une seconde passe, il arrête de vouloirme repousser. Sesmains se
posentsurmeshanches.Unfrissonmeparcourttoutlecorps.– Pourquoiétait-ilsiencolèrecontretoi?medemandeReedd’une
voixrauque.–Parcequejen’arrêtaispasdediretonnom.Sesyeuxétincellent.–Parcequec’esttoi.Çaatoujoursététoi,etjesuisfatiguéedelutter
contreça.
Unnuagepassedanssesyeux.–Monfrère…Jerépète.–C’esttoi,toujourstoi.Jecroiselesmainsderrièresanuqueetilsemetàgémir.–Tun’aspasl’espritclair.– Cen’estpasàcausedesdrogues, jemurmure.Jen’aiplus l’esprit
clairdepuisquejet’airencontré.Illaisseéchapperunautregémissement.–J’ail’impressiondeprofiterdetoi.J’attiresatêtecontrelamienne.–J’aienviedetoi,Reed.Nemeforcepasàtesupplier.Et voilà qu’il cède. D’une main, il se met à fourrager dans mes
cheveux,del’autreilmeserreviolemmentcontrelui.–Tun’aurasplusjamaisàdemander.Jevaistedonnertoutcequetu
veux.Saboucheeffleurelamienne,d’aborddoucement.Légèrecommeune
plume,commes’il tentaitdemémoriser la formedemes lèvresavec lessiennes. Et ensuite, au moment où je vais en redemander, il glisse salangue entremes lèvres entrouvertes etm’embrasse si intensément quematêtesemetàtourner.
Nous tombons à la renverse sur lematelas. Sesmains trouventmeshanchesetmetirentcontrelui.Saboucheestcolléeàlamienne,elleestvorace, exigeante. Je mets toute mon âme dans ce baiser. Tout monamour, toute ma solitude, tous mes espoirs, toute ma tristesse. Reedprendletoutetmedonnetoutenretour.
Nousnouslovonsdanslesbrasl’undel’autreetsabouchetrouvelespoints de pulsation derrière mon oreille et à la base de mon cou. Ilm’embrasse comme s’il ne pouvait plus s’arrêter. Il pousse une de sescuisses entre mes jambes, et même à travers mon slip et son jean, jetrouvelesoulagementdontj’avaisbesoin.Enfinpresque.Cen’estpastout
à fait suffisant, et je montre mon mécontentement en poussant ungémissementtorturé.
Ilsedressesursescoudesetmeregarde, lesyeuxmi-clos, les lèvresgonfléesparnosbaisers.C’est lemec leplus sexyde la terre,et ilestàmoi.Aumoinspourcesoir.
–Encore,jesupplie.Ilsourit,seretournesurlecôtéetglisseunemainentremesjambes.
Uneondedechocsecouemoncorps.–C’estmieux?murmure-t-il.Etdeloin.Jeme tortille, etunautre sourireétire les coinsde saboucheavant
quesonregards’enflammedenouveau.Sapaumefaitdespetitscercles,samaininsisteàl’endroitdemondésir.
Mon corps ressemble à un fil tendu, quelques secondes avantl’explosion.Littéralementquelquessecondes,parcequ’ilsuffitd’unautrefrottement de samain pour que le plaisir explose enmoi. Je halète, jetremble, sidérée par la violence de ce que je ressens. Peut-être est-ce àcausedesdrogues,mais jepréfèrepenserque c’estReed.Sonmurmured’encouragementàvoixbassependantque je remuecontre samain.Lapreuvedesonexcitationquiappuiecontremahanche.
Nos lèvres se rejoignent ànouveauet je l’embrasse avecuneardeurrenouveléeparcequeledésirrevient,plusvitequenouslepensionsl’unetl’autre.Jel’attrapeenletirantparlesépaulesjusqu’àcequ’ilsoitau-dessusdemoi.
Nosbouchesse trouventànouveau,et ilgémitquand jemecambrepourmefrottercontrelui.Larigiditédesonsexeestlaseulechosequimeprocuredusoulagement.Ilesténorme,ilestprêt,maisquandj’essaiedel’atteindre,ilrepoussemamain.
–Non,dit-ild’unevoixtorturée.Cen’estpasmoi,ça.Pascettenuit.Pasquandtues…
Droguée, jepensequ’il veutdire ça,mais jene suisplusdéfoncéeàprésent.Oudumoinspasparautrechosequelui.
Saboucheserefermesurmoncou,ill’embrasseetlesuceenremuantsoncorpscontrelemien.Leplaisirmonte,maissonjeannousgêne.Jeneveuxpasêtrelaseuleàprendremonpied.Jeveux…
Il repoussemamain encore une fois, tout en reculant. Il ne va pasbienloin.Lachaleurirradiemapeaulorsquesesbaisersdescendentversmes seins.Ses lèvres caressentmon téton.Quand sa langue sortpour ygoûter,jevoisdesétoiles.Quandsaboucheserefermedessus,jenepeuxplusrespirer.Chacunedesestaquineriesmefaitgrimperauxrideaux.Àsoncontact,moncorpssetendtoutentierversl’insaisissable.Ilbougedenouveau, il attrapemonautre tétonavec sabouche.Ensuite, ildescendplusbas,versmonbas-ventre.Jechuchote:
–OhmonDieu!Mesterminaisonsnerveusesgrésillent.Jesupplie:–Reed!–Toutvabien,bébé,jetetiens.Jesaiscedonttuasenvie.Moncœurs’arrêtedebattrequandilatteintmonentrejambe.Jesens
samainqui tremblequand ilbaissemaculotte.Unerespirationhachée,c’est tout ce qu’il laisse passer avant de poser sa bouche surmoi. Cettesensation inconnue me fait pousser un cri. C’est bon. C’est si bon. Salangue trouve un point sensible, ce qui fait tressaillir mes hanches. Unprofondgémissements’élève.Jememordslalèvreinférieurepouressayerde rester silencieuse, mais Reed est en train de me rendre folle. Jemanquem’évanouir,j’attrapesatêtepourluitirerlescheveux.Illèveversmoisesyeuxcharbonneux:
–Tuveuxquej’arrête?–Non.Il continue. Sa langue est magique, elle me lèche à un rythme
implacable. Il grommelle un son comme si ma réponse était aussimerveilleusequetoutesleschosesqu’ilmefait.
Ses doigts glissent jusqu’en haut demon entrejambe. Il lève la têtepourmedemanderlapermission.Jelaluidonneavecunhochementde
tête inquiet. J’en ai tellement envie. Il ferme les yeux en enfilantdoucementundoigtenmoi.Ilserrelesdents.
–Tuessuper-étroite.–Jetel’avaisdit,jeréussisàdired’unevoixétranglée.Ilrit.–Oui,c’estvrai.(Ilretiresondoigtetglisseunemainsurmacuisse.)
Jevaistefaireprendretonpied.–Jeprendsdéjàmonpied,jeprotesteenramenantmesjambes.Unsourireinsolentetfamiliermerépond.–Tun’asencorerienvu.Il se réinstalle entre mes jambes en les écartant tellement avec ses
épaules que je devraismemettre à rougir,mais tout ce que je ressens,c’estde l’excitation.Avecundesesbrasenrouléautourdemacuisse, ilplongesondoigtàl’intérieurdemoncorps.
Lesmusclesdemesjambesseraidissent.Mesdoigtsagrippentsescheveux,maisiln’arrêtepasdem’embrasser,
mêmequandmajouissanceexploseenvagues,danslesquellesjemenoie.Lorsque je commence à redescendre, il se relève et s’allonge àmes
côtés en me prenant dans ses bras. Ses lèvres trouvent mon cou et ilrespireprofondément.
–Pourquoiest-cequetuesvenueici?Jenecomprendspassaquestion.–Je…tusaispourquoi,tonpère…–Jeveuxdirepourquoi,maintenant?Sesparolespleinesdefrustrationmefrappentdepleinfouet.–Peut-êtrequ’àunautremoment,loind’ici,toietmoi,çaauraitété
uneautrehistoire.–Jenecomprendspascequetudis.–Jedisqueçanepeutpassereproduire.(Illèvelatêteetjevoisson
chagrin.) Il faut que je quitte cet endroit de merde et que je mereconstruise,quejedeviennequelqu’undemieux.Quelqu’un…dedigne.
Savoixsecassesurcederniermot.
– Digne, je murmure en écho. Pourquoi penses-tu que tu n’es pasquelqu’undedigne?
Il reste silencieuxunmoment. Samain caressemachinalementmonépaule.
–Çan’apasd’importance.Oublieça,finit-ilpardire.–Reed.Il s’assied et ôte le tee-shirt de rechange qu’il avait enfilé dans la
voiture. L’autre, celui qu’il avait enlevé pour me le passer quand nousavonsquitté la fête,estabandonnésur le solàcôtédureste le restedemesvêtements.
– Ferme les yeux, Ella, bougonne-t-il en s’installant contre moi denouveau.(Ilesttorsenuàprésentmaisilagardésonjean.Ledenimmegratte la jambe quand je la pose sur lui.) Ferme les yeux, c’est tout, etendors-toi.
Mavoixestétoufféecontresapoitrine.–Tumeprometsquetunepartiraspas?–Jetelepromets.Jemeblottisencoreplus,enmeperdantdanslachaleurdesoncorps
etlesbattementsréguliersdesoncœurcontremonoreille.Quandjemeréveillelelendemainmatin,Reedn’estpluslà.
CHAPITRE25
– Ça va, petite sœur ? me demande Easton depuis la table de lacuisinelorsquej’entreenchancelantcommesiundix-huittonnesm’étaitpassédessus.
–Non.Jemesensmal.Jeme remplis un verre d’eau à l’évier, je l’avale et jem’en sers un
autre.Lavoixd’Eastonestpleinedesympathie.–Tut’esbienexplosélatronche,hein?Çam’estarrivéàmoiaussi,la
premièrefoisquej’airencontréMolly.–Molly?s’écrieCallumd’unairintéressé.Tuasunenouvellecopine,
Easton?Qu’est-cequiestarrivéàClaire?JevoisEastonquiluttepournepaséclaterderire.– Claireetmoi,c’estterminé.Maiscettemôme,Molly,estvraiment
cool.Ilmelanceunregardespiègle.J’ai tropmalaucrânepouresquisser lemoindresourire.Callumme
regarde,ilal’airvisiblementeffrayé.–Ella,tuastrèsmauvaisemine.L’airsoudainsoupçonneux,ilseretourneverssonfils.–Dansquelgenredeproblèmesl’avez-vousentraînéehiersoir?– Juste les problèmes habituels de boisson. Apparemment, Ella ne
tientpasl’alcool.
JeluilanceunregardreconnaissantdansledosdeCallum.JesupposequelatrêvedesRoyalcomprendaussilefaitdesecouvrirmutuellement.Nonquejemesoisdroguéevolontairementlanuitdernière.JeserrelespoingsenmeremémorantleregardvicieuxdeDanieletlafaçondontilm’atripotée.
–Tuasbuhiersoir?Callumsetourneversmoi,lèvrespincées.–Unpetitpeu,j’admets.–Oh,allezpapa,nejouepaslespèressévèresavecnous,luibalance
Easton.C’esttoiquim’asfilémapremièrebièrequandj’avaisdouzeans.–Etmoionze,reprendGideonenentrantdanslacuisine.Ilesttorsenuetilaunegrosseestafiladesurlespectoraux.Ilmejette
uncoupd’œilpleindesympathie.–Commenttutesens?–Ellealagueuledebois,répondEastonàmaplace,avantdelancer
unregardacéréàsonfrèrependantquesonpèreregardeailleurs.MaisCallumestencoreencolèrecontremoi.–Jeneveuxpasquetuboivesexcessivement.– Tu es jaloux à l’idée qu’elle te détrône en tant que Champion
d’IvresseExcessivedelaFamilleRoyal?ironiseEaston.–Çasuffit,Easton.–Eh,jenefaisaisquepointerdudoigtl’hypocrisiedelachose,papa.
Etapparemmentladoubleéchelledevaleur.Tutefichesroyalementquenousnousbourrionslagueule,alorspourquoiElla?
Callumregardealternativementsonfilsetmoi,puissecouelatête.–Jesupposequejedevraisêtrecontentquevousvousserrieztousles
coudes,àprésent.Des bruits de pas résonnent dans le couloir, et j’ai la respiration
coupée quand Reed entre dans la cuisine. Un pantalon de survêtementnoirluipendsurleshanchesetsontorsemuscléestlégèrementhumide,commes’ilvenaitdesortirdeladouche.Ilnemejettepasunregardensedirigeantversleréfrigérateur.
Mon humeur chute, même si je ne savais pas vraiment à quoim’attendre.Meretrouverseuleauréveilétaitunmessagetrèsclair.Etcequ’ilm’adithier,queçanepeutpassereproduire,rendleschosesencoreplusclaires.
–OhElla,s’écriesoudainCallum,j’avaisoubliédetedire.Tavoiturearrivedemain,commeça,tupourrasterendrepartoi-mêmeàtontravail,lundi.
BienquejesoissoulagéequeCallumparvienneenfinàprononcerlemot « travail » sans froncer les sourcils, je suis également assezdésappointée.Devant le frigo, ledosdeReedsecrispe.Luiaussi saitcequecelasignifie.Plusdecovoituragepournous.
–C’estsuper,dis-jedoucement.– Bon,quelssont lesplansdesunsetdesautrespouraujourd’hui?
demandeCallum en jetant un coup d’œil autour de lui. Ella, je pensaisquetoietmoinouspourrionsaller…
–J’airendez-voussurlajetéeavecValérie.Nousallonsdéjeunerdansun restaurant de poissons qui donne sur lamer, dont elleme parle enpermanence.
Ilparaîtdéçu.–Bond’accord.Çaal’airsympa.Quelqu’unveutfairequelquesballes
de golf avec moi ? Ça fait des siècles que nous n’y sommes pas allésensemble.
AucundesfrèresRoyalnerépondàsonoffre,etlorsqueCallumsortdelacuisineavecunairdechienbattu,jenepeuxm’empêcherdefroncerlessourcils.
–Vousnepouvezpasfaireunpetiteffort,lesgars?–Crois-moi,onfaitdesefforts.C’estGideonquimerépond,etsonricanementmauvaismeprendau
dépourvu.Quandils’éclipse,jedemandeàEaston:–Qu’est-cequ’ila?–Aucuneidée.
Pour une fois, Easton n’en sait pas plus que moi. Reed doit savoirquelquechosequenousignoronsparcequ’ilfaitlamoueetlance:
–FichezlapaixàGid.Et il sort, lui aussi. Il nem’a pas regardée, pas une seule fois, et le
chagrinquim’étreintestbienpirequen’importequellegueuledebois.LedéjeuneravecValérieesttrèssympa,maisjel’abandonneassezvite
parcequematêtemefaitunmaldechien,commesionyenfonçaitdespoignardsrouillés.Elleritetmeditquepluslagueuledeboisestforte,meilleureadûêtrelafête.JelalaissecroirelamêmechosequeCallum,c’est-à-direquej’aiunpeutropbuetquemaintenantjelepaie.
Je ne sais pas pourquoi je ne lui parle pas de Daniel. Val est monamie,etelle serait lapremièrepersonneàdéfoncerDanielpourcequ’ilm’afait.Maisquelquechosemeretient.C’estpeut-êtredelahonte.
Jenedevraispasme sentirhonteuse.Non jenedevraispas. Jen’airienfaitdemal,etsij’avaiseuneserait-cequelepluspetitsoupçonqueDanielétaituntelpsychopathe,jeneseraisjamaisalléedanslapoolhouseaveclui.Jamais.
Maischaquefoisquejepenseàlanuitdernière,jemerevoisentraind’enlevermes vêtements etmurmurer le nomdeReed pendant que lesmainscollantesdeDaniel tripotaientmoncorps.Jepenseàçaet jesuisrempliedehonte.
Et jen’arrivemêmepasàmedistraireenpensantàcequiestarrivéaprès,aubonmoment,quandjemurmuraislenomdeReedpourd’autresraisons. Je ne peux pas y penser, parce que çame rend triste. La nuitdernière, Reed me désirait, il s’est offert à moi comme s’il en avaitvraimentenvie,etàprésentilmelereprend.
Valériemedéposeaumanoiretdémarreentrombedanslavoituredesagouvernante.Ellem’aditaudéjeunerquesonpetitamivenaitleweek-endprochain, j’ai hâtede le rencontrer.Vu le tempsqu’ellepasseàmeparlerdelui,j’ail’impressiondeleconnaîtredéjà.
C’estencoreunbelaprès-midi,alorsjedécided’enfilermonmaillotdebainetdem’allongerunmomentaubordde lapiscine. J’espèreque le
soleilvameremettreunpeud’aplomb.J’attrapeunlivreet jem’installedans une chaise longue, mais je n’ai que vingt minutes de tranquillitéavant que Gideon se ramène en Speedo. De tous les Royal, Gideon estprobablementceluiquialemoinsdegraisse.Ilauncorpsdenageur,etEastonm’aracontéqu’ilavaitobtenuuneboursecomplètedelafacgrâceàlanatation.Lesjumeauxsontpersuadésqu’ilvaremporterunemédailled’orauxprochainsjeuxOlympiques,maisc’estunebonnechosequ’iln’yait pas d’officiels qui traînent dans le coin aujourd’hui, parce qu’ils lerejetteraient immédiatement.Sesattaquessont inégalesetsonallureestlente,d’unefaçonpresquealarmante.
Maispeut-êtrequejem’inquiètepourrien.Jeveuxdire,jenel’aivunager qu’une seule fois. Peut-être qu’aujourd’hui, il se ménage toutsimplement.
–Ella,m’appelle-t-ilensortantdelapiscine,environuneheureplustard.
–Ouais?Ils’avanceversmoienfaisantgoutterdel’eaupartoutsurledeck.–Ilyaunefêtesurlaplagecesoir.ÀlapropriétéWorthington.Ilsepassesaserviettesurlapoitrine.–Jeveuxqueturestesàlamaison.Jehausseunsourcil.–C’esttoileresponsabledemonagenda,maintenant?–Cesoir,oui,jelesuis.Etsontonnetolèreaucunediscussion.–Jesuissérieux.Net’approchepasdecettefête.Aprèshier,jen’avaisaucuneintentiondemerendreàuneautrefête,
maisjen’appréciepassoninterdiction.–Onverra.–Onneverrariendutout.Turestesàlamaison.Ildisparaîtàl’intérieur,etquelquecinqminutesplustard,Eastonsort
etsedirigeversmachaise.–BrentWorthingtonfaitune…
–Unefête,jetermine.Ouijesuisparfaitementaucourant.Ilpassesamainsurmonmenton.–Tun’yvaspas.–JevoisquetuasparléavecGideon.Son expressionme révèle qu’en effet il l’a fait, et il tente une autre
approcheenmebalançantsonsouriresuper-craquant.–Écoute,tun’asaucuneraisond’yaller,petitesœur.Prendsunenuit
derepos,détends-toi,regardedessoapopéras…– Des soap opéras ? Tu crois que je suis uneménagère de plus de
cinquanteans?Ilpouffederire.–Trèsbien,alorsregardedesfilmsporno.Maistunevienspasavec
nouscesoir.–Nous?Reedyvaaussi?Easton soupire, et rien que la façon dont il évite mon regard me
hérisse.Qu’est-cequ’ilsontbienpuplanifierpourcesoir?Lapaniquemesaisit.Est-cequeDanielysera?Est-cequec’estpourçaqu’ilsveulentmeteniràl’écart?
ImpossibledeposerlaquestionparcequeEastonestdéjàentraindese carapater. En soupirant, je reprends mon livre et j’essaie de meconcentrersurlechapitrequejesuisentraindelire.Jesuisinquiète.
–Hé!JelèvelesyeuxpourdécouvrirReedquis’approche.Pourlapremière
foisaujourd’hui,ilcroisemonregard.Il laissetombersongrandcorpsdansunechaise longueàcôtéde la
mienne.–Commenttutesens?Jemetsmonlivredecôté.– Mieux.Jen’aiplusdemartèlementsdans latête,mais jemesens
encorefaible.Ilhochelatête.–Tudevraismangerquelquechose.
–C’estfait.–Mangeunpeuplus.–Crois-moi,jesuisgavée.Seslèvresesquissentunsourire.–Valériem’afaitengloutirunequantitéindécentedecrevettesetde
pattesdecrabeàmidi.Seslèvress’étirentunpeuplus.Souris,jelesupplieensilence.Souris-moi.Touche-moi.N’importequoi.Maislesourirenevientpas.– Écoute,àproposdecequis’estpassécettenuit…(Il s’éclaircit la
gorge.)J’aibesoindesavoirquelquechose.Jeplisselefront.–D’accord.–Est-cequetu…est-cequeje…(Ilsouffleungrandcoup.)Est-ceque
tuaseul’impressionquej’aiprofitédetoi?–Quoi?Biensûrquenon.Maisl’intensitédanssonregardnes’atténuepas.– Il fautque tu sois francheavecmoi.Si tuas l’impressionque j’ai
profitédetoiouquej’aifaitquelquechosequetunevoulaispas,ilfautquetumeledises.
Jemeredresseetjemepencheversluipourattrapersonvisageentremesdeuxmains.
–Tun’asrienfaitquejenevoulaispasquetufasses.Sonsoulagementestflagrant.Quandjecaressesamâchoireavecmon
pouce,sarespirations’accélère.–Nemeregardepascommeça.–Comment?jemurmure.–Tulesaisbien.Engrognant,ilôtemesmainsdesonvisageetselèved’unbond.–Çanepeutpasrecommencer.Jel’empêcherai.Lafrustrationm’envahit.–Pourquoiça?
–Parcequecen’estpasbien.Jenesuispas…jeneveuxpasdetoi,okay.
Etavecunrictus,ilpoursuit.–J’aivouluêtresympaavectoicettenuit,parcequetuétaisdéfoncée
à l’ecstasy et que tu avais besoin d’être soulagée. Je t’ai rendu service,maisc’esttout.Jen’aipasenviedetoi.
Il s’éloigneavantque jepuisse lui répondre.Ouplutôt,avantque jepuisseletraiterd’énormementeur.
Ilneveutpasdemoi?Conneries.S’iln’avaitpasvouludemoi,ilnem’auraitpasembrasséecommes’ilétaitunhommeaffamépourquij’étaisla seule sourcedenourriture. Iln’auraitpasadorémoncorps commesic’était leplusbeau cadeauqu’on lui ait jamaisoffert, il nem’aurait passerréedanssesbraspendantquejem’endormais.
Il me ment et, maintenant, mon degré d’inquiétude atteint dessommets.Passeulementde l’inquiétude,maisausside ladétermination,parce qu’il est clair que Reed Royal a des secrets que je n’arrive pas àdécoder.
Maisjevaislefaire.Jevaistoutdécouvrir.Pourquoi il garde les autres à distance, pourquoi il a l’impression
d’être indigne, pourquoi il prétend qu’il n’y a rien entre nous alors quenoussavonstouslesdeuxlecontraire.Jevaisdécouvrirtoussessecrets,bordel.
Cequiveutdire…Jepensequejevaisalleràuneautrefête,cesoir.
CHAPITRE26
J’aibesoinderenforts,ouaumoinsd’infos.D’aprèscequ’aditGideon,lesWorthingtonvivent sur la côte, et ils sontassezprochespourque jesois capable d’entendre du bruit chez eux, depuis le manoir Royal. IlsdoiventégalementavoirdesenfantsdumêmeâgeenvironquelesfrèresRoyal.Maisc’estàpeuprèstoutcequejesaissureux.
Heureusementpourmoi,jeconnaislareinedespotins.Valérierépondàmapremièresonnerie.
–Tuveuxencoredesfruitsdemer?Jetel’aidit,lameilleurefaçondefairepasserunegueuledebois,c’estdemanger.
L’idéed’avalerneserait-cequ’uncoquillagesupplémentairemedonnelanausée.
–Nonmerci.JemedemandaissituavaisterminédeskyperavecTametsituvoulaisrappliquericipourespionnerlesRoyalavecmoi.
Valérieretientsarespiration.–J’arrive.–Hé,jeluilanceavantqu’elleraccroche,tuasunevoiture?–Non.Ettunepeuxpasdemanderàundetesfranginsdevenirme
prendre,n’est-cepas?medemande-t-elled’unairtriste.–Net’enfaispas.Durandvapassertechercher.Etc’estsûr,quandje
vais dire à Callum que je veux inviter une copine, il va se portervolontaire.
–Oh,Callum.Super.Ilestsexypourunvieux.
–Arrête,Valérie.Ilaaumoinsquaranteans.– Et alors ? C’est ce qu’on appelle un renard argenté. Tu sais qui
adoreça?–Jen’enaipaslamoindreidée.UnedesPastel?– OhSeigneur,non.Ces fillesne sauraientpasquoi faire faceàun
mâle adulte, alors un homme qui a quelques dizaines années aucompteur… C’est la grande sœur de Jordan ! Elle a vingt-deux ans etramèneenpermanencedesvieuxchezelle.Ledernierendateavait lescheveuxgrisetjetejurequ’ilétaitplusâgéqu’oncleBrian.Jen’arrivepasàsavoirsielleestsuper-perverseetquecestypessontlesseulsàsavoirlacontenteroubiensielleaunproblèmeavecl’imagepaternelle.
–Lafaçondontj’aiinsultéJordanpendantlafêteapeut-êtreunpeutropfaitmouche,alors?
–Çan’asûrementpasdûaider,répondgaiementValérie.– Je vais raccrocher, je suis vraiment sur le point de rendre mon
déjeuner.Jeposeletéléphoneetj’essaied’effacerdemonespritdesvisionsde
Callumentraindefairedestrucspervers.Heureusement,Durandest libreetValériearrivebientôtaudomaine
Royal.–Ouah,cetendroitesttellement…Ellecherchelemotjuste,toutendétaillantmachambreàcoucher.Je
luienproposeplusieurs.–Juvénile?Girly?UnhommageratéàlaSaint-Valentin?Ellesejettesurlecouvre-litdésespérémentrose.–Intéressant.–C’estunefaçoncommeuneautredevoirleschoses.Je m’assieds sur la chaise de ma coiffeuse recouverte de fourrure
blanche et j’observe Valérie écarquiller les yeux devant les voilagestransparentsquipendentdulitàbaldaquin.
–Tuveuxboirequelquechose?J’aimêmeunminifrigoparici.J’ouvrelaporteenverrequisetrouvesouslacoiffeuse.
–Sûr.Jeveuxbienuntrucsanssucre.Sionfaitabstractiondurose,c’estunechambregéniale.Unpostedetélé,unchouettelit.
Elletâteledessus-de-lit.–Ilestensoie?J’ailamaindanslefrigoquandellelâchecettebombe.–Jedorssurunecouvertureensoie?–Techniquementparlant,tudorsendessous.Enfin,jeveuxdire,tu
n’es pas obligée, mais tu es censée dormir sur le drap et sous lacouverture.
Valérieal’airpréoccupée,commesimonéducationavaitététellementbizarreque j’ignorais toutdesdraps.Hélas, ellen’estpas très loinde laréalité.
–Jesais,grossemaligne.JesorsunCocaLightquejeluitends,puisjem’enouvreun.– C’est juste bizarre. Je suis passée des sacs de couchage aux
couverturesensoie,ouplutôt,excuse,auxcouvre-lits.JemereprendsavantqueValérielefasse.Maisassezdepapotagessur
laliterie.J’aibesoind’infos.–Raconte-moitoutcequetusaisàproposdesWorthington.–LesWorthingtondesTélécomoulespromoteurs?demande-t-elle,
laboucheposéesurl’ouverturedesacannette.–Jen’ensaisrien.Ilshabitenttoutprèsd’icietilsorganisentunefête
surlaplagecesoir.– Oh, alors ce sont les Télécom. Ils habitent à cinqmaisons d’ici,
environ.Ellelèvesacannette.–Tuasunplateau?Jeluilanceuncahierpourqu’ellepuisseposersacannettedessus.– BrentWorthingtonestendernièreannée. Ilest super-coincé,cela
dit plus à propos de son nom qu’à propos d’argent. Les parents de sapetiteamieLindsayontdûsedéclarerenfailliteilyadeuxoutroisansetont retiré Lindsay d’Astor Park parce qu’ils ne pouvaient plus payer les
fraisdescolarité,maisBrentn’ajamaisrompuavecelleparcequeLindseyestuneDAR.
–QuisontcesDAR?Valériesemarreetsecouelatête.–Non,cen’estpasunnomdefamille.ÇaveutdireDaughtersofthe
AmericanRevolution.Sonarbregénéalogiqueremonteauximmigrantsquiont fait la traversée sur les trois premiers vaisseaux qui sont venusd’Angleterre.
–C’estuntrucimportant?–Ouaip.Alors,qu’est-cequisepasse?–LesRoyalvontlà-bascesoiretilsm’ontinterditd’yaller.– Pourquoi?Ces fêtessont trèspépèrespourdestrucsde lycée. Ils
fermentàclétouteslespiècesdelamaison,parcequeBrentneveutpasque quiconque baise dans les chambres. Les invités sont autorisés àutiliser un seul w.-c., et il est situé dans le patio, à l’extérieur. Lapoolhouseestfermée,elleaussi.Brents’adresseàuntraiteuretdemandeàtoutlemondedes’habillercommepourpartirencroisière.Luiportesavesteduclubdeyachtingetlesfillesdoiventimpérativementêtreenrobe.Sansexception.
Ça craint. Si les Royal m’avaient raconté ça, ils n’auraient pas eubesoindem’interdiredevenir.Pourtantilsl’ontfait,cequiveutdirequ’ilvasepasserquelquechoseàquoiilsneveulentpasquej’assisteouquejeparticipe.
–Est-cequeDanielDelacorteestinvité?Elleréfléchitenhochantlatête.– Ouais. Son père est juge d’instruction. Je crois qu’il a prévu de
suivre son exemple, et c’est toujours utile d’avoir des juges dans soncarnetd’adresses,non?
Ça me semble tout à coup une évidence. Voilà pourquoi les richess’enrichissent toujours plus. Ils tissent des liens au lycée, et quand ilsvieillissent,ilscontinuentàserendredesservices.
–Ils’estpasséuntrucentretoietDaniell’autresoir?Jesaisquetuétaisbourrée,maisJordanaditquetuétaistellementpartiequeReedadû teporterpour te faire sortirde chezFarris. Iln’apas… fait quelquechose?
Elle semble inquiète. Je n’ai aucune envie de raconter à Valériel’horreurdecettenuit,mais comme jevais l’impliquer, il fautque je luilâchequelquechose.
–Ilacruquej’étaisunefillefacile.Jenelesuispas.EtlesRoyaln’ontpas apprécié qu’on emmerde leur sœur, enfin leur presque-sœur. C’esttout.
Ellesefrottelevisage.–Merde,quelletâche!Maisaufait,pourquoisuis-jeicisilesRoyal
sontsurlepointdesevenger?–Jenesaispass’ilsl’ontprévu,maistroisd’entreeuxm’ontditqu’il
étaithorsdequestionquej’ailleàlafêtedeWorthington,cesoir.LeregarddeValéries’éclaire.–ÇameplaîtbienquetutefichesdecequepensentlesRoyal.Elleselèveetcourtouvrirlaportedemonplacard.–VoyonsvoirquellesrobesapprouvéesparWorthingtontupossèdes.Je termine tranquillement mon Coca pendant que Valérie fouille et
rejettetousmesvêtementslesunsaprèslesautres.– Il te faut plusde fringues.Même lesCarrington remplissentmon
placarddetoutcedontj’aibesoin.C’estpourlesapparences,tusais.JenepensaispasqueCallumétaitaussipingreavectoi.
JerépliquepourdéfendreCallum:– Il ne l’est pas. J’ai dû aller faire du shopping avec Brooke, et les
endroitsoùellem’aemmenéeétaientbientropchers.Valérielèveunemainauciel,– Mais tout est cher par ici. Tu n’as qu’à te dire que c’est une
extensionde tonuniforme.Enplus, si tuesmal fringuée, lesgensvontpenserlamêmechosequemoi,queCallumestavareavectoi.Ahha!
Ellesortunerobebain-de-soleilbleumarineavecdespetitesmancheset une profonde encolure en V bordé de dentelle blanche. Je ne merappelle pas l’avoir vue, ce qui signifie que Brooke a dû la choisir endouce.
– Ça, c’est bien. (Elle a une encolure profonde, qui annonce lacouleur.)Jesuissexysanspourautantmefairepayercinquantedollars,etencash,s’ilvousplaît.
–Jem’enremetsàtonjugement.Pourmonancien travail, il aurait falluune encolure sacrément plus
profondeque ça pour que les billets pleuvent. Je traverse la pièce pourallermechanger.Ilcommenceàêtretardetjeveuxêtresûred’arriveràlafêteavantledébutdeshostilités.
–Jepeuxt’empruntercelle-là?demandeValérieensedrapantdansunerobeendentelleblanche.
–Sers-toi.Elleaquelquescentimètresdemoinsquemoi,etvulalongueurdela
robe,ellevaluiarriveràmi-cuisses.–Parsimplecuriosité,j’aibesoindecombienderobes?Deux,çameparaîtdéjàbeaucoup.–Unevingtaine.Jemeretourned’unseulcoup.Elleal’airtoutàfaitsérieuse.–Tuplaisantes.–Non.Elleraccrochelarobedansleplacardetcommenceàcomptersurses
doigts.–Iltefautdesrobesd’après-midi,desrobespourlebateau,desrobes
poursortirenboîte,pour lecountryclubetpour lesnight-clubs, (j’ai latêtequitourne),desrobespourgarden-parties,desrobespouraprèslescours,desrobespourlesmariages,desrobespourlesenterrements…
–Tuasditdesrobespourlesenterrements?jel’interromps.Valériememontredudoigtenclignantdel’œil.–C’étaitpourvérifiersitum’écoutais.
Elle semarre quand je lève les yeux au ciel et elle commence à sedéshabiller.
– Tu as besoin de beaucoup plus de vêtements. Les apparences, çacompte,mêmepourlesRoyal.
Savoixestétouffée,elleestentraind’enleversontee-shirt.– Parexemple,si tudis lamoindrechosenégativesurMariaRoyal,
sesfilsdeviennentfous.Reedafailliêtreinculpépourcoupsetblessuressur un môme de South East High qui l’avait traitée de suicidée auxmédicaments.
–IlavaitaccuséMariades’êtresuicidée?jem’exclame,choquée.Valériejetteunrapidecoupd’œilautourd’elle,commesiellecraignait
devoirReedluisauterdessus.Ellebaisselavoixetdit:– C’est une rumeur, et les Royal n’aiment pas ça. Ils ont même
poursuivilemédecindeMariapourfauteprofessionnelle.–Etilsontgagné?– Ça c’est arrangé, le type a arrêté de pratiquer la médecine et a
quittél’État,alors…oui?–Wouah.– Quoi qu’il en soit, poursuit Valérie, ils protègent férocement leur
mèreetjepensequec’estimportantpoureuxquelesgenscroientqu’ilstetraitentbien.
Je suis frappée au cœur. C’est ça que fait Reed ? Il se contente desauvegarder la réputation de sa famille ? Non, ce n’est pas possible.Toutes ces chosesquenousavons faites ici, sur cedessus-de-lit en soie,étaientintimes,çan’avaitrienàvoiraveclaréputationdesRoyal.
Enregardantl’heure,jemerendscomptequejedoismedépêcher.Jemechangeàtoutevitesse,maislorsquejemeregardedanslaglace,ilyaunproblème.
–Val,cetteencolureesttropprofonde.Jemeretournepourluimontrermonsoutien-gorgeblancquisortun
peu.Ellehausselesépaules.
–Tun’asqu’àl’enlever.Metsunebrassièresituaspeurqu’onvoietestétons.
–Jesupposequetuasraison.Mêmesil’idéed’êtredanslemêmeendroitqueDanielsansmettrede
soutien-gorgenem’emballepas.Ça nous prend encore une demi-heure pour nous coiffer et nous
maquiller. C’est moi qui le fais pour Valérie. Elle est sidérée par laquantitédeproduitsdemaquillagequej’aiaccumulée.
–Tuaspeut-êtrebesoinderobes,maistonkitdemaquillageestunevraiebombe.com.
–Merci,maisferme-laàprésent,situneveuxpasquejetemettedurougeàlèvressurlesdents.
Je la menace avec le tube de rouge et elle m’obéit, elle ferme labouche.
Unefoisprêtes,nousattendonsledépartdesRoyal.Ilyadesportesquiclaquentetdesbruitsdepasdansl’escalier.Maisl’und’euxs’arrêteàmaporte.
Uncoupassourdissantmefaitsursauter,suiviparlavoixd’Easton.–Çavalà-dedans?Onvarentrertôt.Jefaissemblantd’êtreenpétard.–Jem’enfiche,etnefrappeplusàmaporte.Jesuisencolèrecontre
toi.Contrevoustous.–MêmeReed,plaisanteEaston.–Voustous.–Ah,allez,frangine,toutçac’estpourtonbien.Soudain,jen’aiplusbesoindefairesemblant.– Vous, les Royal, vous ne pourriez pas savoir ce qui est bon pour
moi,mêmesiunlapindePlayboyvouslemettaitsouslenez.Valérielèvesesdeuxpoucesensigned’encouragement.Eastonpousse
unénormesoupir.– Bien entendu que je ne pourrais rien voir si j’avais un lapin de
Playboydevantmoi.Jeseraisbientropoccupéàmatersesnichons.
Valérienepeutpluss’arrêterderigoler.–Nerispas,tunefaisquel’encourager.– J’aientenduet,oui,çam’encourage, lanceEastondederrièrema
porte. On sera de retour dans une ou deux heures. Attends-nous, onregarderaunfilmtousensemble.
–Va-t’en,Easton.Ilprendsescliquesetsesclaques.–Eastonestadorable.Sijen’étaispasaussiamoureusedeTam,jelui
courraisaprès,avoueValérie.–Jenecroispasqueleproblème,cesoitdel’attraper.–Non,alorsc’estquoi?–Delegarder.
CHAPITRE27
Noschaussuresàlamain,Valérieetmoi,nouslongeonslelittoralendirectiondelapropriétédesWorthington.
– Qu’est-cequi empêche les étrangersde venir squatter la fête ? jedemandeaveccuriosité.Ilsuffitdelongerlaplageetd’entrerensuitedanslamaison,non?
–Ilsserendraientcomptequetun’asrienàfairelàjusteenregardanttes vêtements. En plus, les seules personnes qui ont accès à cette plagehabitent au bord, et à moins que tu puisses t’offrir une baraque à dixmillionsdedollars,tunefoulerasjamaiscesable.
–Est-cequ’ilsvontnousrenvoyer?Cettepenséenem’étaitpasvenueàl’esprit,c’estlapremièrefoisque
jevaisdanscegenredesoirée.– Nan,parcequetut’appellesEllaRoyaletque,mêmesi jesuisun
moutonnoir,monnomdefamille,c’estCarrington.Nousn’allons toutefois pas assez loin pour pouvoir rencontrerBrent
Worthington,parcequelescinqfrèresRoyalsontplantésàlalisièredelapropriété. Ils préparent un mauvais coup, je m’en doutais. Et c’estclairementunplanpourchoperDaniel.Contrequid’autrepourraient-ilsenavoir?
Maissiquelqu’unméritedesevenger,c’estbienmoi.Jem’approchedeleurgroupeetilsnemeremarquentmêmepas.
–Hé,frangin,qu’est-cequevousmijotez? jedemandeàGideonenluilançantunegrandeclaquedansledos.
Reedpivotesurlui-mêmeengrondant:–Qu’est-cequetufaislà?Jet’avaisditderesteràlamaison.Gideonbaisselesyeuxsurmoienfronçantlessourcils.–Moiaussi.Eastonajoutealorssongraindesel.–Moiaussi.–Etvousdeux?jedemandeauxjumeaux,tousdeuxvêtusd’unshort
kakietd’unpoloLacoste.Ilsme regardent innocemmentenclignantdesyeux. Iln’yaaucune
façondelesdifférenciercesoir,cequiestprécisémentcequ’appréciesansdoute leur petite copine. Il va falloir que j’en marque un des deux aurougeàlèvresavantlafindelasoirée.
– Première nouvelle, je ne suis pas un chien. Je ne reste pas bientranquille juste parce que vous m’en donnez l’ordre. Pourquoi suis-jecenséeresteràpartcesoir,detoutefaçon?Est-cequelesboissonssontbourréesdedrogue,iciaussi?
Derrièremoi,Valériepousseun cride surprise, cequimevaut cinqcoupsd’œilréprobateurs.
–Non,répondGideon,maissileschosesdevaientmaltourner,papaseramoinsencolères’ilsaitquetudorssagementaufonddetonlit,àlamaison.
–OuquetuesentraindetepeloteravecValérie,intervientEaston.Mais au lit et à la maison, c’est ça qui compte pour lui, ajoute-t-ilrapidementquandc’estàsontourdefairefaceàdesregardsdereproche.
– Taprésencepourraitmettre lapuceà l’oreilledeDaniel,poursuitReed,lessourcilsdeplusenplusfroncés.
Valéries’avanceàmescôtés.–Sileplan,c’étaitdenepassefaireremarquer,Eastondevraitavoir
salanguefourréedanslabouchedequelqu’un,ReeddevraitêtreentraindediredesmotsdouxàAbby(retenez-moi),Gideondevraitfairesestrucs
de fac, et vous deux (et elle pointe un doigt vers l’un puis l’autre desjumeaux) vous devriez être en train demonter un canular à quelqu’unparceque,bordel,c’estvraimentimpossibledevousreconnaître.
Easton cache un fou rire en toussant pendant que les jumeaux fontminederegarderailleurs.ReedetGideonéchangentunlongregard.CesonteuxquidécidentpourlesautresfrèresRoyal.Dumoinscettenuit.
–Puisquevousêtesici,inutiledevousfairerentreràlamaison,maisils’agitd’uneaffairequineconcernequelesRoyal.
Gideon lanceun regardappuyéàValériequi comprend l’allusionauquartdetour.
–Soudain,j’aitrès,trèssoif.Jecroisquejevaisallermefaireoffrirunecoupedechampagneparnoshôtes.
AprèsledépartdeValérie,jemefrottelesmainsl’unecontrel’autre.–Alors,c’estquoileplan?–ReedvalancerunebagarreetfilerunebranléeàDaniel.–C’estunplanmerdique.À nouveau, ils se tournent tous vers moi. Je dois avouer qu’être le
centre de l’attention de cinq membres de la famille Royal, c’est assezimpressionnant.
Je me concentre sur Reed et Gideon, ce sont eux que je doisconvaincre.
– Vous pensez que vous allez réussir à pousser Daniel à se battre,justecommeça?
Lesdeuxfrèreshaussentlesépaules.–Etjesuissûrequevouscroyezqueçavamarcher,parcequetous
lesdeuxvousêtesprêtsàvousbattrepourdéfendre l’honneurdevotrefamille.Maiscetypen’aaucunhonneur.Iln’ariend’uncombattantfair-play.C’estlegenredetypequiestcapablededroguerunefilleparcequ’iln’apasassezconfianceenluiouqu’iln’apaslapatienced’attendrequ’elleluicède.C’estunlâche.
JedésignedelamainlecorpsincroyablementmusclédeReed.–Reedpèsedixkilosdeplusqueluietilal’habitudedesebattre.
–Elleestaucourantpourlescombats?m’interromptGideon.Reedacquiesce,etGideon lèvesesdeuxmainsversnouscommes’il
enavaitsoupédenosconneriesdelycéens.–Ilvaquandmêmefalloirqu’ilsedéfende,argumenteReed.– Je te parie à cent contre un qu’il va se marrer et dire qu’il sait
pertinemmentquetuvasgagner.Etensuite,situtentesd’allerplusloin,c’esttoiquipasseraspourleméchant.
–Jem’enfiche.–Trèsbien.Sivousvoulezjustelerouerdecoups,ehbien,allez-y.Jeleurmontrelapelousequicommenceàseremplir.–Reednepeutpasdonnerlepremiercoup,lanceEaston.Déconcertée,jeregardealternativementunfrèreaprèsl’autre.–Pourquoi,c’estunedevosrèglesduclubdeboxe,ouquoi?–Non.PapaasurprisReedentraindesebattreilyaquelquesmois.
Iladitques’il le reprenaitencoreune fois, ilexpédierait les jumeauxàl’écolemilitaire.
Wouah, c’est diabolique. Je sais que Reed n’en aurait rien à faired’aller à l’école militaire, ou en tout cas, pas tant que ça, mais qu’ildétesteraitquelesjumeauxsoientobligésd’yaller.Callumn’enfinitpasdemesurprendre.
–Alors,tunepeuxplusjamaisfrapperquelqu’un?– Non, sauf pourme défendre ou pour défendre unmembre de la
famille. C’étaient ses termes exacts, siffleReed entre ses dents. Si tu asunemeilleureidée,accouche.
Je n’en ai pas, et ils le savent bien. Gideon hoche la tête et mêmeEastonal’airdéçu.Jefixelecielbleunuit,puis l’océan,puis lamaison,puisànouveaulesfrères.Etuneidéejaillitdansmonesprit.
–Est-cequelesWorthingtonontunepoolhouse?–Ouais,répondReedl’airinquiet.–Oùest-elle?LapoolhousedesRoyal,elle,estpratiquemententièrementenverre,
pour pouvoir regarder l’océan d’un bout à l’autre de la piscine. Je tire
Reedparlebras.–Montre-moi.Reedm’aideàmontersurlesrochersetmeguidejusqu’àlapelouse.Il
memontre une structure sombre, juste au bord du deck en ciment quientoureunegrandepiscinerectangulaire.
–Worthingtonlafermeàclé.– Pourquepersonnenepuisse faire l’amourdedans.Valérieme l’a
dit.Toutcelaestparfait.Jemetournevers les jumeaux.Sawyerfaitungestedeprotestation.
Enfin,jeprésumequ’ils’agitdeSawyeràcausedelatracedebrûluresursonpoignet.
–S’ilfautquejem’habilleenfemme,necomptezpassurmoi.– Il faut récupérer Valérie, parce que je vais avoir besoin d’elle. Et
j’aurai besoin des jumeaux. Les autres feront comme s’ils passaient unesoirée normale. Quand le moment sera venu, Sawyer viendra vousprévenir.Ilfaudraquevousrassembliezleplusdemondepossibleautourdelapiscine.Etpréparez-vousàfilmer,peut-être.
Eastonmeglissealors,–Qu’est-cequetunousmijotes,p’titefrangine?–Iln’yariendepirequelavengeanced’unefemmeblesséeoud’une
filledroguéecontresongré,jerépondsmystérieusement,avantdepartiràlarecherchedeValérie.
JelatrouveentraindebavarderavecSavannah,àmi-cheminentrelaplageetlapiscine,cequitombeparfaitementbien.
–Hé,jepeuxvousparleruneminute?ValériedoittraînerdeforceSavannah,maisjemedébrouillepourles
isolertouteslesdeuxdansuncoin.Jem’adressed’abordàSavannah.– Voilà, je voulaism’excuser de ne pas t’avoir écoutée l’autre nuit.
J’étaisseule, jevoulaisêtreavecquelqu’un,maisc’était impossible,alorsjemesuisditquej’allaismerabattresurDaniel.C’étaituneerreur.
Elle pince les lèvres, mais mes regrets véritables ou notre hainecommunepourDanielfinissentparromprelaglace.
–J’acceptetesexcuses,dit-ellebrusquement.–OhSav’,nesoispasaussiculcoincé,grondeValérie.Onesticipour
fairepayerDaniel.Pasvrai,Ella?Savannah hausse un sourcil et me dévisage, soudain intéressée.
J’acquiesceavecenthousiasme.–Voilàleplan.Aprèsquejeleuraiexpliquétouslesdétails,Valériepoussedescrisde
joie,maisSavannahrestesceptique.–Tucroisvraimentqu’ilvagoberça?–Savannah,cemecdroguedesfillespourbaiseravecelles.Ilneva
pasrefusercetteoffre.C’estundéliredepouvoirpourlui,etonvaluienservir.
Ellehaussejolimentlesépaules.–D’accord.J’ensuis.Allonsrabattresoncaquetàcetaré.
Danielestassisdansunfauteuilauborddelapiscine,uneHeineken
dansunemain,et l’autreposéesur lacuissed’unetoute jeunefille.Elledoit être en première année. Un violent désir de justice m’envahit ànouveau. Il faut absolument l’arrêter. Comme l’a dit Savannah, il esttempsdeluirabattresoncaquet.J’adopteletonleplusdocilepossible:
–Salut,Daniel.IllèvelatêteetcherchelesRoyaldanslafoule.Ilnelesvoitpas,du
coupilserenfoncedanssonfauteuilenserrantplusfortlafillecontrelui,commesic’étaitunbouclier.
–Qu’est-cequetuveux?Jesuisoccupé.Jefrottelesolenbétonduboutdemaballerine.– Je voulais m’excuser pour l’autre nuit. J’ai… j’ai réagi de façon
excessive.TuesDanielDelacorteetmoi…(jeluttecontrel’enviederire)jenesuispersonne.
Lafillesemetàbouger,malàl’aise.
–Hum,jecroisquej’entendsmasœurquim’appelle.Jedoisyaller.Elles’échappedelamaindeDaniel.Commeilproteste,jepoursuis.–Jen’enaiquepouruneminute.Ensuite,ilseratoutàtoi.Danielironise:– Uneminute, c’est tout?Engénéral, çadureplus longtempsavec
moi.La fille glousse et part en courant. Je comprends.C’est franchement
bizarredevoirquelqu’unsefairehumilier.Dèsqu’elleesthorsdeportéedevoix,lesouriredistraitdeDanielsetransformeenregardnoir.
–Àquoitujoues?–Jeveuxunesecondechance.(Jemepenchedefaçonàluimettre
messeinssouslenez.)J’aicommisuneerreur.Situm’avaisditcequetuvoulais,simplement,jen’auraispassurréagicommeça.
Seigneur, je n’arrive pas à croire que je doive lui raconter desconneriespareilles.
Sonregardplongedanslesprofondeursdemondécolletéetilsemetàselécherleslèvrescommeunhorribleporc.
–LesRoyaln’avaientpasl’airravis.–Ilsétaientfurieux,parcequej’aifaitunescène.Ilsveulentquejela
fermeetquejerestedansmoncoin.–Pourtant,tuesvenuecesoir.–Leurpèrelesaobligésàm’emmener.Ilfroncelessourcils.–Alorscommeça,tuveuxleurfoutrelahonte,c’estça?–Honnêtement?Enquelquesorte,oui.(Jemens,parcequejemedis
quefairechierlesRoyal,celadoitluiplaire.)J’enaimarrequecesconsme forcent à être ce que je ne suis pas. (Je hausse les épaules.) J’aimefaire la fête, j’aimem’amuser.J’aiessayéd’êtrebiencomme il fautpourleurfaireplaisir,mais…cen’estpasmoi.
Danielsembleintrigué.– Donc, arrêtons de faire semblant. Quoi que tu désires, je suis
partante,etpasuniquementmoi.
Jedésignevaguementunpointderrièremoi.–TuconnaisValérie,n’est-cepas?(Ilhochelatêteenregardantde
nouveaumapoitrine.)Jeluiaiparlédetesamies,ZoéetNadine.Etelleestintéressée.Onpourrait…
Je traîne et je posemamain contre le genoudeDaniel. J’avance labouchetoutcontresonoreille.
–Ons’estditqu’onpourraittemontrercequesaventfairelesfillesd’AstorPark.Onestdesdanseusestouteslesdeux,tusais
–Ouais?Ilalesyeuxquibrillent.–Ettupourrasfairetoutcequetuveuxavecnous,jesusurre.Àprésent,ilal’airvraimenttrèsintéressé.–N’importequoi?–N’importequoi…toutcequetuveux.Tupeuxfilmersituveux.Tu
pourraisavoirenviedegarderdessouvenirs.–Où?Sa main glisse entre ses cuisses. Beurk, est-ce qu’il va se branler
commeça,enfacedemoi?Jeserrelesdentspournepasvomirpartoutsursesgenoux.
–Àlapoolhouse.J’aiforcélaserrure.Retrouve-nouslà-basdanscinqminutes.
Etjem’éclipsesansmeretourner.Sij’aimaljugéDaniel,çanevapasmarcher et je vais devoir avaler mon chapeau devant les frères Royal.Maisjenecroispasmetromper.DanielDelacorteal’opportunitéd’avilirdeux « moins-que-rien » et de prendre des photos d’elles, qu’il pourramontrer à tous ses potes pervers. Il n’est pas question qu’il rate cetteoccasionenor.
Lorsque j’entredans lepetitbâtiment,Valériebonditd’unedesdeuxchaisesqu’elleetSavannahontinstalléesdevantlesbaiesvitrées.Commecelle des Royal, cette poolhouse est presque entièrement construite enverre,afindenepasobstruerlavuesurlamerdepuislamaison,maisellepossèdedesvoletsquelesfillesonttousfermés.
–J’aimebienlafaçondontvousavezdécorécetendroit,jeplaisante.Valérieme jettequelque choseque j’attrapeauvol.Une ceinturede
peignoir.–Merci.Onvoulaituntrucminimaliste.Savannahetmoiavonspensé
queçamettraitmieuxenvaleurnotreinstallationartistique.Laceinture,çava?
ToutenrepensantauyachtetàReed,jeluiréponds:– Ça fera l’affaire. (Je l’enroule autour de ma taille.) Où est
Savannah?–Jesuisdanslestoilettes,souffle-t-elle.Uncoupviolentsurlaporteannoncel’arrivéedeDaniel.Jemurmure:–Quelespectaclecommence!Etjevaisouvrirlaporte.
CHAPITRE28
–J’aibienfaillicroirequetutefichaisdemoi,maisjeviensdevoirlesRoyalentraindepicoler.ReedsembleprêtàsetaperAbbycesoir.
DanielmedéshabilleeffrontémentduregardavantdesetournerversValérie.
– Et toi,Val, jen’aurais jamaiscruquetuétaisunecochonne.Maisj’auraispeut-êtredûm’endouter.
Parcequenoussommestouteslesdeuxdesmerdesdeclasseinférieure,jeterminepourlui.
LabouchedeValériesetordd’unairmoqueur.Commeelleneréussitpas vraiment à faire semblant d’être chaud braise pour Daniel, je medépêchededétournersonattention.
–Qu’est-cequetuveuxfaireenpremier?Jeluipasseunemainsurl’épauleetjel’attireversunetableaumilieu
de la pièce. Ça a dû être trop difficile de la bouger pour Valérie etSavannah.
–Etsivousfaisiezçatouteslesdeuxensemble?suggère-t-il.– Pas de préludes ? On y va direct ? (D’une main plus forte que
nécessaire, je le pousse contre la table.) Je crois que tu as besoind’apprendreàteretenir.Onvad’aborddanserunpeupourtoi.
Ilsepencheenarrièreencroisantlesbrasetnousfaitunsignedetêtedédaigneux.
–Trèsbien.Maisjeveuxvousvoirvouscaresseretmemontrerdelachair.
Valérieretrouvesesespritsets’avance.–Qu’est-cequetudiraissiontefaisaitunmassage?Ont’enadéjà
fait?–Unmassage?Biensûr, j’enaiautantquejeveuxauclubdemon
père.– Mais avec deux filles et un happy end ? (Elle agite ses doigts.)
CommeleditElla,neprécipitonspasleschoses.Nouspouvonstefaireunmassage, et ensuite tu nous regarderas faire nos trucs ensemble. Aprèstout,c’esttoiquidevraisjouirlepremier.
Danielréfléchituninstantàsonoffreetfinitparaccepter.– Ouais, ça me paraît bien. Vous, mes salopes, vous pouvez bien
attendrevotretour.Puis il fait un clin d’œil pour nous faire comprendre que le mot
« salopes » est censé être une vanne. Aucune de nous ne rit et ça medemande un effort surhumain pour ne pas lui foutremon poing sur satronchedeprétentieux.
–Laisse-noust’aideràenlevertesvêtements,dis-jegentiment.Fort heureusement, Daniel ne se doute de rien. Il ne serait pas
franchement rassuré avec Reed ouGideon,mais il l’est avec deux fillestrashqui,siellesn’avaientpasdesparentsriches,seraientprobablemententraindevendreleurscorpsdanslarue.Voilàcommentfonctionnesoncerveau, cequi rendcrédiblenotrepetitehistoire.Parcequ’il estDanielDelacorte,lefilsd’unjuge,lejoueurdelacrosse,untypeàlaréputationenor,quepersonnenesuspecteraitd’êtreuntelsalaud.Jenedoutepasune seconde que la cousine de Savannah appartienne à une branchemoinsaiséedesafamille.
Valérie et moi nous armons de courage pour réussir à toucher soncorps,maisheureusement,iln’apasbesoind’aide.Ilbaissesonshort,sonboxer,etenlèvesontee-shirtavantqu’onaiteuletempsdedireouf.
–Ilyaquelqu’uniciquibande,murmureValérie.
Danielselècheleslèvres.–Oùveux-tuquejememette?Elleposesesmainssurseshanchesetfaitsemblantderéfléchir.–Qu’est-cequetudiraisdelà?Elledésigneuntasdecoussinsjustedevantlesfenêtres.Danielvas’agenouillersurlescoussins.– N’oubliezpasde faireattentionàvosdents.Couvrez-lesavecvos
lèvres.Je pense alors que c’est le dernier ordre qu’il me donnera, avant
d’attraper nonchalamment une coupe de fruits sur la table et de luifrapperlatêteavec,àtoutevolée.
Ilsecabreenhurlant:–Merdealors!Abasourdi,ilpasseunemainsurl’arrièredesoncrâne.–Jet’avaisditquelevasen’étaitpasassezsolide,s’écrieSavannahen
sortantdelasalledebains.AvantqueDanielaitletempsdes’enfuir,elledirigeversluiunflacon
delaqueetluienenvoieunebonnegicléedanslafigure.–Salopes!Touteslestrois,vousêtesmortes!hurleDaniel.Iltrébucheverslagaucheetseheurteauxbaiesvitrées.Nouséclatonsderiretouteslestrois,etjerappelleàSavannah:–Jeneveuxpasletuer,jeveuxjustelemettreK.-O.–Quedirais-tuduchandelier?Je balance la lourde arme en argent et j’atteins Daniel à l’épaule.
Savannah le cogne à la tête avec celui qui fait la paire, et Daniels’effondre.
Valérieattrapeuneceintureetm’enpasseuneautre.–Tuasraison,Ella,cetypeestunevraieordure.Aussivitequepossible,nousleficelonscommeunedinde.Commeil
estdanslesvapes,c’estfaciledeluiattacherlesmainsderrièreledos,deluilierleschevillesensemblepuisderelierchevillesetpoignetsavecuneceinture.
Jeramasseunebananeparterre.–Dommagequ’onn’aitpasderubanadhésif,onauraitpuluiscotcher
çaaucul.–Çaauraitétégénial,gazouilleValérie.Savannahfroncelessourcils.–J’aiuntrucàluimettreaucul.Ellelèvesajambe,lalanceenarrièreetluibalanceuncoupdepied
d’une violence comme je n’en ai jamais vu, même dans un film.Apparemment, lui avoir balancé un chandelier de plus de deuxkilogrammessurlatêten’apassuffiàcalmersacolère.
L’impactde sonpieddélicat sur le culdeDaniel estétonnant.Ça leréveille,etilpousseunhurlementdedouleur.UnsouriremauvaiséclairelevisagedeSavannah.Valérieetmoi lavoyonssepenchersur luiet luimurmurerquelquechoseàl’oreille,quelquechosequilefaitfrissonner.
Puiselleseredresseetpasseunemaindanssescheveuxpourbienleslisserautourdesajoliepetitetête.
–Jesuisprête.Jeneveuxpaspasseruneminutedeplusaveccetteespèced’ordure.
–Attendez,ditValérie.Nous nous retournons pour la voir lancer une pomme en l’air. Un
sourires’épanouitlentementsurmonvisage.–Tupensesàlamêmechosequemoi?jedemande.Ceplanestdiabolique.J’adoreça.Savannahsemetàrire,ellerittellementfortqu’ellearriveàpeineà
nousaideràouvrirlabouchedeDanieletàyglisserlapomme,maisungarçonàpoiletdanslesvapes,çanenousposepastropdeproblèmes
–Allons-y.JecoursverslaporteetjeretrouveSawyerderrière.–Onestprêtes.–Nousaussi,répond-ilavecunpetitsourire.Vousl’aveztué?Parce
quec’estcequ’ilm’asembléenentendantsesglapissements.
– Je crois que Savannah en avait l’intention, mais nous l’avonsretenue.
–J’aitoujoursbienaimécettenana,ditSawyer.Jemepencheenarrièreetjefaissigneauxfillesdesortir.Savannah
etValériepassentparlesportescoulissantesquimènentàlaplage.Unefois qu’elles sont sur la grève, j’allume les lumières et j’ouvre les voletsroulants. Les Worthington nous ont facilité la tâche. Pendant que leslumières s’allument et que les volets s’ouvrent, Sawyer et moi nouscouronsrejoindrelesfillesquiattendentauxcôtésdeSébastian.
Lorsquenousarrivons,Sebposeunemain sur l’épauledeValérie etl’autresurcelledeSavannah.
– Je n’arrive pas à croire qu’on va rater le spectacle, dit-il d’un airtriste.
Çam’emmerde,moiaussi,maisnousavonsconvenuquecen’étaitpasune bonne chose pour moi et les filles d’être au milieu de la foulelorsqu’onvadévoilerDaniel. Sin’importe lequelde ses copains supposeque c’est nous qui sommes derrière tout ça, il pourrait s’en prendre ànous.Lesjumeauxnousservirontdegardesducorpsencasdebesoin.
Nousattendonsentendantl’oreilleauxsonsquinousrévéleraientqueDaniel,ficeléetexposécommeunporcpourunbarbecue,estvisiblepartous.Lespremierssonsquinousparviennentsontdescrisd’horreur.Puisuncriquenousn’arrivonspasàdiscerner,etensuitelesilence.Aprèscequi me paraît être un long moment, mais doit sembler une éternité àDaniel, nu et attaché, il y a un fort « Ohmon Dieu ! » et « Putain demerde,c’estDanielDelacorte?».D’autresvoixs’yjoignent,jusqu’àcequechaqueinvitésemetteàcommenterlascènequisedérouledevantlui.
Ilyadesapplaudissements,dessifflements,descris.Pouruneraisoninconnue, je me mets à trembler. Je tremble si fort qu’il faut que jem’appuieàSawyer.Ilpasseunbrasautourdemoietmefrictionnedelamain.Jebégaie:
–Je…jenesaispaspourquoijemesenssifaible.–Tuasunechuted’adrénaline.
Ilplongeunemaindanssapocheetmetendunpaquetdebonbonsàlamenthe.J’enmetsdeuxdansmabouche.Jem’appliqueàbienmâcher,et peut-être est-ce l’apport de sucre qui m’aide ou bien le fait de meconcentrer surautre choseque sur le coupauquel j’ai participé,mais jem’arrêtedetrembleretjecommenceàmeréchauffer.
–Oùestlerestedel’équipeRoyal?Sébastianme jetteun regardamusécommes’il savaitpertinemment
dequelRoyaljeparle.–Ilesttémoindel’humiliationdeDanielaveclerested’AstorParket
ils’assurequ’oncolportelavéritablehistoire.–Lavérité.Qu’ilaététabasséparunefille.–Troisfilles,jecorrige.–C’estunemeilleurehistoires’iln’yenaqu’une,s’amuseSawyer.–Maisvousnevoulezpasenavoirlecrédit,vousaussi?–Officiellement?Naan.(Sawyersourit.)Çafiniraitparreveniraux
oreillesdepapaetilnenouslâcheraitplusjusqu’ànotreservicemilitaire.Maisonsauraquec’estnousquil’avonsfait,etc’esttoutcequicompte.
Unrassemblementauboutdel’embarcadèreattiremonattention.LestroisautresRoyalarrivent.Sawyerm’attrapeparlebrasetm’entraînesurlaplage.Valérienouscriequ’ellerentreenvoitureavecSavannahetjeluifaisunrapidesignede lamain toutencourantavec les jumeaux.Leursfrèresnesontpasloinderrière.
–Tuauraisdûvoirsatête,commenceGideon.–Mec,saqueueétaittouteriquiqui,rigoleEaston.–Est-cequ’elleavaitrétrécioubienilestvraimentcommeça?–L’hématomesursonfrontavaitl’airsérieux.Est-cequec’esttoiqui
luiasfait?Reedal’airimpressionné.– Wouah,wouah,wouah. (Je lève lesmains.) Jenepeuxpas vous
répondreàtousenmêmetemps.–Tuasfaitdubonboulot.
Gideonmesurprendenmepassantvigoureusementlamaindanslescheveux.
– C’était parfait, dit Reed d’une voix traînante, et son regardapprobateurmefaitchaudaucœuretmeremueàl’intérieur.
Eastonmeprenddanssesbrasetmefaittournoyerdanslesairs.–Tuesunecheffe,Ella.Rappelle-moideneplusjamaist’emmerder.Un ensemble de cris et d’invectives nous fait nous retourner vers la
maisondesWorthington.Eastonmefaitglisserausoletnousdécouvronsune foulemassée sur le sommetde ladune.Onentendungros splash,est-cequequelqu’unesttombédanslapiscine?
–IlvientdepousserPennyLockwooddanslapiscine!criequelqu’unavantd’éclaterderire.
–Levoilà,ditGideonensoupirant.Lui, c’est Daniel, qui charge à travers la foule. Même dans la nuit
noire,nousnousrendonsbiencomptequ’ilestfoufurieux.– Ne le laisse pas te mordre, il pourrait bien avoir la rage, me
murmureEastonàl’oreille.Daniels’arrêteauborddelapelouseetparcourt le littoraldesyeux.
Quandilnousvoit,ilhurle,nousmontredudoigtetsautedanslesabledansunmouvementathlétiquesurprenant.
–Regardez-moiça!C’estimpressionnant.– N’oublie pas qu’il fait partie de l’équipe de lacrosse,me rappelle
Sawyer.– Je vais vous tuer.Vous tous ! En commençant par toi, espècede
raclure.Reedesquisseunsourireensetournantversnous.–Çasonnaitcommeunemenace,pasvrai?Eastonhochelatête.– Jepensequ’Ellaestengranddanger.Tusaisquepapan’aimerait
pasça.Heureux comme je ne l’ai jamais vu, Reed me pousse derrière lui
pendantqueDanielcourtsurlesable,uniquementvêtudesonshortkaki.
Depetitséclatsdelumières’allumentquanddenombreuxparticipantsàla fête décident d’immortaliser cette scène. LesRoyalme repoussent enarrièreetjedoisjouerdescoudesentrelesjumeauxpourpouvoirvoircequisepasse.
J’arrivejusteàtemps,parcequ’aumomentoùjeparviensàglissermatêteentrecettemontagnedemusclesquereprésentent lesRoyal,Danielse jette sur Reed en grondant. Reed fait un pas en avant et lance sonpoingcontrelamâchoiredeDaniel.
Daniels’écroulecommeunepierre.
CHAPITRE29
C’est pleins d’entrain que nous regagnons le manoir. J’envoie unrapide texto à Valérie pour m’assurer qu’elle est rentrée bientranquillementavecSavannah.Elleme répondque toutbaigne.En fait,lesCarringtonhabitentàdeuxpasdesMontgomery.
Eastonmarchedevantmoi.Les jumeaux,quisontdevantnous,rientencore de la scène que nous avons laissée chez lesWorthington. Leursvoixparviennentjusqu’ànous.
–Ill’amisK.-O.endeuxtempstroismouvements,glousseSawyer.–C’estunnouveaurecordpourReed,acquiesceSebastian.Reed et Gideon traînent derrière nous. Chaque fois que je me
retourne,jelesvoispenchésl’unversl’autre,engrandediscussion.Ilestévidentquecesdeux-làpartagentdessecretsqueniEastonnilesjumeauxne connaissent, et çamedérange, parce que je commençais vraiment àcroireàladeviseRoyaldu«tousunis».
Nousatteignonslamaison,maisjem’arrêtedevantlesmarches.–Jevaisallerfaireunpetittourauborddel’eau,dis-jeàEaston.–Jet’accompagne.–J’aienvied’êtreunpeuseule.Nem’enveuxpas.–Pasdutout.Ilsepencheetdéposeunbaisersurmajoue.– Ce soir, c’était vraiment une vengeance de première classe, p’tite
sœur.Tuesmonnouveauhéros.
Une fois Easton parti, je laisse mes chaussures sur un rocher et jemarchepiedsnussurlesable.Lalumièredelalunem’éclaireetjen’aipasfait vingt pas que j’entends quelqu’un derrière moi. Pas besoin de meretournerpourcomprendrequec’estReed.
–Tunedevraispastebaladertouteseuleici.– Quoi ? Tu crois queDaniel va surgir de derrière un rocher pour
m’attaquer?Reedarriveàmahauteur.Jem’arrêteetjemetourneverslui.Comme
d’habitude,labeautédesonvisagemesaisit.–C’estpossible.Tul’assacrémenthumiliécesoir.Autantenrire.–Ettoi,tul’asmisK.-O.Ilestprobablementchezluiàcetteheure,en
traindesepasserdelaglacesurlafigure.Reedhausselesépaules.–Ill’abiencherché.Je fixe l’eau, et luime regarde. Je sens son regard quime brûle la
peauetjemeretourneversluiavecunsouriredésabusé.–Vas-y,dis-les.–Quoi?–D’autresmensonges.Tusais,dugenrequelanuitdernière,c’était
justepourmerendreservice,quetunevoulaispasvraiment,bla-bla-bla.Àmagrandesurprise,iléclatederire.–OhmonDieu!Est-cequej’aibienentenduunrire?ReedRoyalrit,
lesamis.Quelqu’undevraitappelerleVatican,unvéritablemiracledivinvientdeseproduire.
J’obtiensunautregloussement.–Tuestellementchiante,grommelle-t-il.–Ouais,maistum’aimesbienquandmême.Ilsetait,puisilpousseunsoupiravantdepoursuivre:–Ouais,peut-êtrebien.Jefaissemblantd’êtrestupéfaite.–Deuxmiraclesenuneseulenuit?C’estlafindumonde?
Reedattrapeunemèchedemescheveuxettiredessus.–Çasuffitcommeça.Je m’approche de l’eau, mais elle est encore plus froide que
d’habitude.Jepoussedescrisstridentsquandelletouchemesorteilsetjerecule.
–Jedétestel’Atlantique.LePacifique,c’esttellementmieux.–TuhabitaissurlacôteOuest?Ilal’aircurieuxmalgrélui.–Ouest,Est,Nord,Sud,onahabitépartout.Onn’estjamaisrestées
longtempsaumêmeendroit.Jecroisqueleplus long,çaaétéunan,àChicago.Oupeut-êtreàSeattle,deuxans,maisçanecomptepasparcequemamanétaitmaladeetquenousn’avionspaslechoix.
–Pourquoiest-cequevousbougiezautant?– À cause de l’argent, en général. Simaman perdait son boulot, il
fallait qu’on fasse nos valises pour aller là où il y avait de l’argent àgagner. Ou alors elle tombait amoureuse et on déménageait avec sonnouveaupetitami.
–Elleaeubeaucoupdepetitscopains?Savoixestdure.Jeluirépondshonnêtement.– Ouais, elle tombait souvent amoureuse. Et puis, très vite, elle ne
l’étaitplusvraiment.Jeleregarded’unairnarquois.–C’estdudésirça,pasdel’amour,ditReedenhaussantlesépaules.–Peut-être.Maispourelle,c’étaitdel’amour.Jemarqueunehésitation.–Est-cequetesparentss’aimaient?Jen’auraispasdûposercettequestion,parcequ’ilseraiditcommeun
boutdebois.–C’estcequeprétendmonpère.Maisputain,iln’ajamaisagicomme
unhommeamoureux.JecroisqueReedatort.QuandonentendCallumparlerdeMaria,il
est évident qu’il l’aimait profondément. Je ne sais pas pourquoi ses fils
refusentdelevoir.–Ellevousmanquebeaucoupàtous,hein?Jechangedesujet,pourquelquechosedeplussûr,maiscelan’efface
paslatensionsursonvisage.Reednerépondpas.–C’estnormal.Mamanmemanquechaquejour.C’était lapersonne
quicomptaitleplusdansmavie.–C’étaitunestrip-teaseuse.Saréponsedédaigneusemenouelesépaules.– Etalors?Ellepayaitnos facturescommeça.Çanousassuraitun
toit.Çapayaitmescoursdedanse.Desyeuxbleusperçantsmefixent.–Est-cequ’ellet’aforcéeàfairedustrip-teasequandelleesttombée
malade?–Non.Ellenel’ajamaissu.Jeluiracontaisquej’étaisserveuse,cequi
étaitvrai.J’aifaitça,etj’aiaussitravaillédansuncamion-pizza,maisçane suffisait pas à payer ses frais médicaux, alors j’ai piqué sa carted’identitéetj’aitrouvéunboulotdansundesclubsenville.
Jesoupire.–Jenem’attendspasàcequetucomprennes.Tun’asjamaiseuàte
soucierdegagnerdel’argent.–Non,c’estvrai.Je ne sais pas qui de nous deux a bougé le premier, mais nous
marchonsànouveau.D’abordàquelquespasdedistance,maisplusnousavançons, plus nous nous rapprochons l’un de l’autre, au point que nosbrasnussetouchentàchacundenospas.Sapeauesttièdeetlamiennemechatouilleàchaquefrôlement.
–Mamèreétaitgentille,finit-ilparmerévéler.C’est aussi ce quem’aditCallum. Jepense à la femmequeSteve a
épousée, Dinah, cette horrible mégère qui a des tableaux d’elle à poilpartout chez elle, et je me demande comment les deux amis ont puépouserdesfemmessidifférentes.
–Ellesesouciaitdesautres.Trop,peut-être.Elleavaitunfaiblepourleshistoirestristes.Ellesedonnaitbeaucoupdemalpouraiderlesautres.
–Elleétaitgentilleavectoi?Avectesfrères?Reedhochelatête.–Ellenousaimait.Elleétaittoujourslàpournous,ellenousdonnait
des conseils, elle nous aidait à faire nos devoirs. Et, chaque jour, ellepassaitunmomentseuleavecchacund’entrenous.Jesupposequ’ellenevoulaitpasquenousnoussentionsnégligésouquenouspensionsqu’elleavait son préféré. Et le week-end, on faisait toujours des trucs tousensemble.
–Commequoi?jedemande,curieuse.Ilhausselesépaules.–Desmusées,lezoo,dukiting.–Dukiting?Ilhausselesyeuxauciel.–Duvolencerf-volant,Ella.Nemedispasquetun’enasjamaisfait.–Nan.Maisjesuisalléeauzoounefois.Undescopainsdemaman
nousavaitemmenéesdanscezoodemerde,aumilieudenullepart. Ilsavaientuneoieetunlamaetcepetitsingequim’avaitjetéducacadessusquandnoussommespassésdevantlui.
Reedéclatederire.C’estlesonleplussexyquej’aijamaisentendu.– Et ensuite, il s’est avéré que le zoo était une couverture pour un
traficdedrogue.Lepetitcopainétaitvenuacheterdel’herbe.Aucundenousnefaitdecommentairesurl’énormedifférencedenos
enfancesrespectives,maisjesaisquenousypensons,luicommemoi.Nous continuons àmarcher. Ses doigts frôlent lesmiens. Je retiens
monsouffle,jemedemandes’ilvameprendrelamain,maisilnelefaitpasetladéceptionesttropforte.
Jem’arrêteetjeleregardedroitdanslesyeux.Cen’estpasunebonneidée,parcequejesaisqu’ilpeutlireledésirsurmonvisage.Cequirendsonregardimpénétrable,ducoupjeravalemafrustration.
–Tum’aimesbien.
Samâchoiretressaille.–Tuasenviedemoi.Encoreuntressaillement.–Merde,Reed,pourquoineveux-tupasl’admettre?Àquoiçasertde
mentir?Commeilnerépondpas,jefaisdemi-touretjem’éloigneenfrappant
le sable avec mes pieds nus. Soudain, je suis tirée en arrière et mesépaules heurtent violemment une large poitrine d’homme, ce qui mecoupelesouffle.
LementondeReedvientseposersurmonépaule,seslèvressontàunmillimètredemonoreille.
–Tuveuxquejeteledise?Parfait,jevaisledire.J’aienviedetoi.J’aiuneenviedinguedetoi.
Jesenssonsexequisepressecontremesfesses,etjecomprendsqu’ilnementpas.Alorsqu’unfrissonparcourtmacolonnevertébrale,Reedmefaitfairevolte-faceetsabouches’écrasesurlamienne.
Sonbaiserestassezchaudpourtransformerl’Atlantiqueenlave.Meslèvres s’ouvrent, sa langue glisse entre elles, elle dévore ma bouche siavidementqu’ellemelaissepantelante.Jem’accrocheàseslargesépaulesetjefaisensuiteglissermesmainssursataillefine.
Il gémit et m’attrape les fesses en roulant des hanches afin que jepuisse le sentir le plus possible. Ensuite, après un autre baisercomplètementplanant,ilmerelâcheetreculeenchancelant.
–Jeparsenfacl’annéeprochaine,dit-ild’unevoixrauque.Jepars,etil ya toutes les chancesque jene revienne jamais. Jene suispasassezégoïste pour débuter quelque chose que je ne peux pas terminer. Je nevaispastefairesubirça.
Jem’en fiche, j’ai envie de dire. Jeme contenterais de lui n’importecomment,mêmesic’estpouruntempstrèscourt,maisjeneprononcepaslesmots,parcequejesaisqu’ilsneleferontpaschangerd’avis.
– Rentrons à la maison, marmonne-t-il quand mon silence seprolonge.
Jelesuissansmotdire,meslèvrespicotentencoreaprèssonbaiser,lecœurencorelourddesonrejet.
Je viens tout juste de m’assoupir quand la porte de ma chambres’ouvre engrinçant. Je lève la tête, àmoitié groggy.Quelques secondesplustard, jesuisparfaitementréveillée.Reedgrimpedansmonlit. Ilnedit pas un mot. La pièce est trop sombre pour que je puisse voirl’expressiondesonvisage,maisjesenslachaleurdesoncorpslorsqu’ilseglissecontremoi.Etlachaleurdesamainquandilcaressemajoueavantd’attrapermonmentonetdetournermatêteverslasienne.
–Qu’est-cequetufais?jemurmure.Savoixsembledouloureuse.–J’aidécidéd’êtreégoïste.Lebonheuréclatedansmapoitrine.Jeglissemesbrasautourdeson
couetjeleserreplusfort.Seslèvresplanentsurlesmiennes,maisilnem’embrassepas.
–Justecesoir,dit-il.–Tuavaisdéjàditçalanuitdernière.–Cettefois,c’estvrai.Ilm’embrasse,etlamoindreprotestationquej’auraispuexprimerse
perddanslecontactavidedenoslèvres.Il gémit quandma langue touche la sienne. Ses hanches puissantes
roulent contre moi, sa queue dure frotte ma cuisse. Je bouge afin quenousnousnousretrouvions faceà face,chacunsur lecôté,nosbouchesscelléesl’unecontrel’autre.
– Merde, s’étrangle-t-il, et ses mains plongent sous mon tee-shirt.Dansmonslip.
Sesdoigtsmetaquinent,appuientsurlespointssensiblesquimefontgémir contre ses lèvres. Nous nous caressons, nos mains passent etrepassentsurnospeauxnues.Aucundenousneprendlamoindrepausepourrespirer.Nousnousdévorons.
Jen’aipasàattendrebienlongtempspourquelatensioninternedemoncorpsexploseenmilliersdepetitesétincelles.Leplaisirm’envahitdeplusenplus,jehalètecontresabouche.Reedtrembleet,cettefois,c’estmoiquiavalesongémissementdeplaisir.
Ensuite, nous restons allongés, mêlés l’un à l’autre. Nous nousembrassonspendantcequimeparaîtdurerdesheures. Jeneveuxplusjamaisqu’ilparte.Jeveuxqu’ilrestedanscelitpourtoujours.
Maisexactementcommelaveille,lorsquejemeréveillelelendemainmatin,iladisparu.
Jemedemande si j’ai rêvé,mais quand jeme retourne, je sens sonodeursurmesoreillers.Sonshampoing,sonsavon,sonafter-shaveépicé.Ilétaitlà.C’étaitréel.
Lemanqueme frappe de plein fouet, etmême le soleil qui brille àtraverslesrideauxn’arrivepasàeffacermadéception.
Maiscettedéceptionestremplacéed’unseulcoupparunsentimentdepaniquelorsqu’uncriperçanttraverselemanoir.Jecroisqueçavenaitdusalon de devant. Je saute du lit, j’ouvrema porte en grand. C’est alorsqu’unautrehurlementmedéchirelestympans.
C’estBrookequihurle:–Tunevaspast’ensortircommeça!Pascettefois,CallumRoyal!
CHAPITRE30
J’atteins la rampe au moment précis où Easton se rue hors de sachambre.Sescheveuxnoirssontenbatailleetsesyeux injectésdesanglorsqu’ilmerejoint.
–C’estquoicettemerde?marmonne-t-il.Nous regardons tous deux vers le bas, en direction du salon, où
BrookeetCallumsefontface.C’estpresquecomique,parcequ’elleaaumoinsunetêtedemoinsqueluietque,ducoup,ellenereprésentepaslamoindremenacepourlui.
– J’ai ledroitd’être ici ! hurleBrooke, en tapant sur lapoitrinedeCallumd’undoigtàl’ongleaiguisé.
– Non, pas du tout. Tu n’es pas une Royal et tu n’es pas uneO’Hallorannonplus.Tun’espasàtaplacedanscettemaison.
– Alors, dis-moi où est ma place ? Pourquoi est-ce que je doissupporter toutes tes conneries ? Tu me traites comme si j’étais tamaîtresse,pastacompagne!Oùdoncestmabague,Callum?Oùestmaputaindebague?
JenepeuxpasvoirlevisagedeCallum,maisjediscerneparfaitementlatensiondanssesépaules.
–Lecorpsdemafemmeestencoretiède!hurle-t-il.À côté demoi, Easton se crispe, lui aussi. Je tends lamain vers la
sienne.Ilmeserretellementfortqu’ilmefaitmal.
–Tut’attendsàcequejemeremarie,commesiçan’étaitpasgrand-chose…
– Ça faitdeuxans ! l’interromptBrooke.Elleestmortedepuisdéjàdeuxans.Réveille-toi!
Callumtitube,commesiellel’avaitfrappé.–Jenetelaisseraiplustedéfiler.C’estterminé.Brookes’avancebrusquementetl’attrapeparlepandesachemisede
soirée,qu’ellefroisseentresesdoigts.–J’enaimarredetoi,tum’entends?C’estfini!Surce,ellelerepousseetfileverslaporte.Lebruitdeseshautstalons
résonne sur le sol enmarbre. Callum ne cherche pas à la rattraper, etquand elle s’en rend compte, elle se retourne enpointantundoigt verslui.
–Sijepassecetteporte,jenereviendraijamais!Unevoixplusfroideluirépond:–Faisattentiondenepasteprendrelaporteensortant.Eastonpouffederire.–Tu…tu…tuesunmonstre!glapitBrooke.Elleouvrelaportesiviolemmentqu’uncourantd’airtraverselesalon
etquejelesensjusqu’audeuxièmeétage.Sa tête blonde et sa minirobe disparaissent sur le seuil. Elle fait
claquerlaportedetoutessesforces.Lesilenceretombesurlesalon.Jedécèleunmouvementsurlecôté.
Jeme retourne pour découvrir les autresmembres de la famille Royal,juste derrière nous. Les jumeaux ont l’air endormis. Gideon, lui, a l’airchoqué. Le visage de Reed est impassible,mais je jurerais entrevoir unéclairdetriomphedanssesyeux.Eastonnecherchemêmepasàcachersajoie.
–Est-cequec’estvraimentarrivé?nousdemande-t-ilensecouantlatête,l’airstupéfait.
Callum entend la voix de son fils et il lève la tête vers la ramped’escalier. Il a l’air touché,maispaseffondré,que sapetiteamievienne
toutjustedelelarguer.– Papa, l’appelle Easton, avec un immense sourire. Ça, c’est un
homme,etunvrai.Viensicimefaireun«highfive»!Sonpèreasoudainl’airlas.AulieuderépondreàEaston,Callummeregardefixement.– Puisque tu es réveillée, Ella, pourquoi ne viens-tu pas un instant
dansmonbureau?Ilfautquenousayonsunepetiteconversation.Etilquittelesalon.Jememordslalèvre,j’hésiteàlerejoindre.Jemesouvienstoutd’un
coupqu’iladitàBrookequ’ellen’étaitniuneRoyalniuneO’Halloran,etmonangoisse augmente. J’ai l’impressionqu’ils se querellaient à proposdeSteve.Cequiveutdire,indirectement,àproposdemoi.
–Vas-y,murmureReedlorsqu’ilvoitquejenebougepas.Comme d’habitude, j’obéis à ses ordres, sans même m’en rendre
compte.Ondiraitbienqu’ilmedomine,etjenesuispassûred’apprécier.Maisjesuisincapabledel’empêcher.
Jedescendsl’escaliersurdesjambeschancelantesetjerejoinsCallumdanssonbureau.Iladéjàouvertl’armoireàliqueursetseverseunverredescotchbientassélorsquej’entredanslapièce.
–Est-cequevousallezbien?jedemandedoucement.Ilmemontreleverredanssamain,leliquideéclabousselesparois.–Çava,çava.Jesuisdésolédet’avoirréveilléecommeça.–Alors,c’estvraimentterminéentrevous?Jene peuxm’empêcher d’éprouver de la peine pourBrooke. J’ai pu
découvrirsoncôtésalope,biensûr,maiselleaaussiétégentilleavecmoi.Enfin, c’est ce que je crois. Brooke Hudson est une fille difficile àcomprendre.
–Probablement.(Ilsirotesonverreàpetitesgorgées.)Ellen’avaitpascomplètementtort.Attendredeuxans,c’estlongpourunefemme.
Callum pose son verre sur son bureau et passe une main dans sescheveux.
–Lalecturedutestamentestprévuepourdansdeuxsemaines.
Jeleregardesanscomprendre.–Letestament?–Oui,celuideSteve.Jenecomprendstoujourspas.–Maisçan’apasdéjàeulieu?Jecroyaisquevousm’aviezditqueles
obsèquesavaientdéjàeulieu.– C’estvrai,mais toutn’apasencoreété réglé.Dinahetmoiavons
commencé les démarches après la mort de Steve, mais la lecture dutestamentaétéajournéejusqu’àcequ’onpuisseteretrouver.
JepariequeDinahaapprécié.–Faut-ilvraimentquej’yaille?Est-cequeDinahn’héritepasdetout,
puisquec’estsafemme?–C’estbienpluscompliquéqueça.Iln’entrepasdanslesdétails.–Maisoui,ilfautquetuyailles.Jeviendraiaussi,entantquetuteur
légal,ainsiqueDinahetnosavocats.ElleestpartieàParishiersoir,maisellerevientdansdeuxsemaines,etalorsnouspourronstoutréglertout.Çasepasserabien,jetelepromets.
En la présence de Dinah O’Halloran ? Cause toujours. Ce seradouloureux,plutôt.
Maisjemecontentedehocherlatêteetdedire:–Ok.Sijedoisyaller,j’irai.Ilhochelatêteluiaussietattrapesonverre.
Callumdécolle un peu plus tard pour aller jouer au golf. Il prétend
quemarcherpendantlesdix-huittrousl’aideàavoirl’espritplusclair.Jem’inquièteenmedemandant jusqu’àquelpoint ilaprévudese torcheravantdemerappelerqu’ilestadulteetquejen’aiquedix-septans,alorsjememordslalangue.
Unparun,lesmembresdelafamilles’envont.Gideonpartavantledéjeuner pour rentrer à la fac. Il a toujours l’air plus heureux quand ilrepartquequandilarrive.
Bientôt,iln’yaplusquemoidanslamaison.Jemeréchauffeunrestedequicheetj’envisageensuited’allerfaireuntoursurlaplage.CelafaitunmoisàpeinequejesuisarrivéechezlesRoyal,maiscemoisaétébienrempli, plein de vie. Il se passe toujours quelque chose. Pas toujoursquelquechosedebien,maisjen’aipasétéseuleuninstant,etmaintenantjeréalisequejen’aimepaslasolitude.C’estagréabled’avoirdesamisetde la famille autour de soi, même si cette famille est super-dysfonctionnelle.
Je me demande si c’est la raison pour laquelle Gideon continue àrentrerrégulièrement.
–Est-cequetum’asgardéunpeudecetrucauxœufs?LavoixdeReedmefaitsursauter.Je pose unemain surmon cœur comme pour l’empêcher de sauter
horsdemapoitrine.–Tum’asfaitpeur.JecroyaisquetuétaispartiavecEaston.–Nan.Iltraverselapiècepourregarderpar-dessusmonépaule.–Qu’estcequ’ilyad’autredanslefrigo?–Delanourriture,jeluiréponds.Ilmetirelescheveuxavecespièglerie,dumoinsc’estcequejecrois,
etvaexaminerlespossibilitésquis’offrentàlui.Laportedansunemain,ilsetientdeboutdevantlefrigo.–Unproblème?Jem’arrêtedemangerpouradmirerleslignessexydesoncorps,etla
façondontsesmusclesbougentpendantqu’ilfarfouilleàlarecherchedenourriture.
–Jesupposequetunevoudraspasmefaireunsandwich?dit-il.–Sûrementpas.Ilclaquelaporteetmerejointàtable,ilmepiquemonassietteetma
fourchette et engloutit la moitié de la quiche avant même que j’aie letempsdeprotester.
–C’étaitàmoi!
Jeplongeetjetentedelesluireprendre.–Sandravoudraitquetupartagesavecmoi.Ilmerepoussed’uneseulemain…encore.Merde. Il fautque jememetteà fairede lamusculation.J’essaiede
récupérermonassiette,etcettefois,Reednemerepoussepas.Ilmetireàluietlasurprisemefaitperdrel’équilibre.Jefinisparm’écroulersursesgenoux,avecmesjambesdepartetd’autredeseslargescuisses.
J’arrête de me tortiller pour me libérer sans succès quand il posefermement unemain sur mes fesses. Puis il m’embrasse, et je ne peuxm’empêcherde répondreavec forceà sonbaiser. Je veuxqu’il fasse cesbruitsdegorgequim’indiquentquejel’excite.
–Tuesparticematin,dis-jequandilmerelâche.Soudain, j’aimerais pouvoir ravalermes paroles, parce que je crains
qu’ilmedisequelquechosequivamefairedelapeine.–Jen’enavaispasenvie,répond-il.–Pourquoies-tuparti,alors?Toutemafiertéestàterre,maismafaiblessenel’arrêtepas.Ilpassesesdoigtsdansmescheveux.– Parceque jedeviensfaiblequandils’agitdetoi.Jen’aipasassez
confianceenmoipourresterdans ton lit toute lanuit.Putain, lamoitiédestrucsauxquelsjepensesuffiraitàmefairefoutreentaule.
Sesparolesm’étourdissentdeplaisir.–Tupensestrop.Il produit un son incompréhensible, d’impatience, de cynisme,
d’humour?Etilm’embrasseànouveau.Trèsvite,cebaisernenoussuffitplus.Jemebaissepourtirersursachemise.Sesmainscourentsurmoncorps,sousmontee-shirt,souslaceintureélastiquedemonshort.Jemedonneàlui,àlarecherchedel’apaisementqueseulReedsaitm’apporter.
Unbruitdepassourdàl’extérieurdelacuisinenousfaitsursauter.–Tuasentenduquelquechose?jechuchote.Reed se lève dans unmouvement souple et puissant et, tout enme
portantdanssesbras,sortdanslehall.Ilestvide.Ilmeposeparterreet
medonneunelégèretapesurlesfesses.–Etsituallaisenfilerunmaillotdebain?–Hum,etpourquoijeferaisça?Jeveuxjusteretourneràtable,m’asseoirsursesgenouxpendantqu’il
m’embrassecommeunfou,maisilestdéjàentraindesortir.–Parcequ’onvaallernager,lance-t-ilpar-dessussonépaule.Jegrimpelesescaliersensoupirant.Enarrivantenhautdesmarches,
je vois Brooke qui sort dema chambre. Ou dumoins, c’est ce qu’ilmesemble.
Je m’arrête tout net, la colère et le soupçon me tordent le ventre.Qu’est-ce qu’elle pouvait bien faire dansma chambre ? Ehmerde,monargentestlà-dedans.Etsijamaisellemel’avaitpris?
Je la détaille rapidement,mais elle n’a pas de sac et ses vêtementssontsimoulantsqu’illuiestimpossibledecacheruneliassedebilletssurelle.Celadit,ellen’arienàfaireici,etj’affichemonmécontentementenavançantverselle.
–Qu’est-cequetufaisici?Elleavanceversmoienprenanttoutsontemps.– Eh bien eh bien,mais voilà la petite orpheline, Ella, la nouvelle
maîtresseduchâteauRoyal.– Je croyais que tu avais dit à Callum que tu partais et que tu ne
reviendraisjamais,dis-jeprudemment.– C’est ce que tu espères, se moque-t-elle en balançant ses longs
cheveuxblondssurlecôté.Sijamaiselleaunjouréprouvédel’amitiépourmoi,c’estbienfinià
présent.Inutile deme battre, alors je l’évite, je fais un pas de côté et jeme
placedevantlaportedemachambre.– N’entre pas dans ma chambre. Je suis sérieuse, Brooke. Si je te
prendsànouveausurlefait,jelediraiàCallum.–C’estvrai.Callum.Tonsauveur.L’hommequit’atiréedelafangeet
quit’aamenéedanssonpalais.
L’amertumeselitdanssesyeux.– Ila fait lamêmechoseavecmoi.Moiaussi, ilm’asauvée,tut’en
souviens ? Mais devine quoi, ma poulette, nous sommes des produitsjetables.Noussommestoutesdesproduitsjetablespourlui.(Ellelèveunemainparfaitementmanucuréeversmonvisage.)Tavieest transformée,n’est-ce pas ? Comme celle d’une princesse de conte de fées. Mais lescontesdeféesn’existentpas.Lesfillescommenousrentrenttoujoursdansleurcitrouilleàlafindubal.
Jemerendscomptequesesyeuxbrillentdelarmes.–Brooke,dis-jegentiment.Laisse-moit’appeleruntaxi,d’accord?Moncœurs’attendritenfaced’elle.Ellesouffreetelleabesoind’aide.
Jenesaispascequejepeuxfaireàpartlafairerentrerchezelle.–Ilsefatigueradetoiaussi,continueBrookecommesijen’avaisrien
dit. (Ma réponse lui importe peu. Elle a juste besoin qu’on l’écoute.)Retiensbienmesparoles.
– Mercipour tesconseils, jerépondssèchement,mais jepensequ’ilesttempspourtoid’yaller.
J’essaiedeladirigerverslesescaliers,maisellemerepousseetvasecognercontrelemurd’enface.Deseslèvresrougecerises’échappentdeséclatsderirehystériques.
–J’aieulesRoyaldanslecreuxdelamainbienpluslongtempsquetoi,machérie.
J’enaimarredel’écouter.ElleveutjusteseplaindreetdiredumaldelafamilleRoyal.Mapatienceestàbout,alorsjerentredansmachambre,jefermelaportedetoutesmesforcesetjecoursàlasalledebains.D’unemain tremblante, je tâte l’intérieur du placard.Quandmamain frôle lepaquetdebillets,jepousseunénormesoupirdesoulagement.Ilfautquejedéplacemonargentàunendroitauquel j’auraiseuleaccès.Aussivitequepossible.
– Qu’est-cequinevapas?medemandeReedà l’instantoù j’entredanslepatio.
Jenepeuxluirépondretoutdesuite,jesuissansvoix.JenesaispascommentjepeuxfonctionneravecReedfaceàmoi,simplementvêtud’unshort de surf qui semble sur le point de lui tomber des hanches. Sapoitrine est un véritablemur demuscles, et j’ai unmal de chien àmeconcentrer.Ma dispute avec Brooke perd de son importance lorsque letypeleplussexydumondeestdeboutdevantmoi.
–Ella?demande-t-ild’unevoixamusée.– Quoi ? Oh, je suis désolée. C’était Brooke. Elle sortait de ma
chambre.Dumoins,jecroisquec’étaitdemachambre.LachambredeCallumestdel’autrecôtédelamaison.Lalargecage
d’escalierséparelamaisonendeux.Leschambresdesgarçonssontd’uncôté, celle de Callum de l’autre. Les chambres d’amis sont au premierétage. Brooke n’avait absolument aucune raison de se trouver de notrecôtédelamaison.
Reedfroncelessourcilsetsedirigeverslaporte.– Elle est partie. J’ai vu sa voiture descendre l’allée lorsque je suis
sortie.–Ilfautqu’onchangelecodeduportail,murmure-t-il.–Mmmmhmmm.Jenepeuxmeretenirdecontinueràlemater.Avantquej’aiepufairelemoindremouvement,Reedmeprenddans
sesbrasetmejettedanslapiscine.Jerecrachedel’eauenremontantàlasurface.
–Pourquoituasfaitça?jehurleenrepoussantmescheveuxtrempésdemonvisage.
Ilsouritd’unairdiabolique.–Tusemblaisavoirbesoindeterafraîchirunpeu.–Tupeuxparler!Jeremontesurlebordcarreléetjefaisunmouvementverslui.Iln’apasdemalàs’enfuir.Inutiledetenterdelerattraper.Ilestplus
grandetplusrapidequemoi.Jevaisdevoirrecouriràlaruse.Jefaissemblantdemecognerlepiedcontreunechaiselongue.
– Ouille ! je braille en chancelant au bord du bassin, et en mepenchantpourattrapermonpied.
Reedseprécipiteversmoi.–Çava?Jelèvemonpiedcenséêtreblessépourqu’ill’examine.–Jemesuiscognél’orteil.Ilsepencheetjelepoussedansl’eau.Ilrefaitimmédiatementsurface
ensecouantlatêteetilsourit.–Jet’ailaisséefaire.–Tuparles!Jeregarde, fascinée, l’eauruisselersursoncorps. Ilmefait signede
venirlerejoindre.– Nous sommes tous les deuxmouillés à présent, alors tu pourrais
aussibienramenertonjolipetitculdanslapiscine.–Pourquoi?Pourquetupuissesmefairecouler?–Jeneteferaipascouler.(Illèvedeuxdoigts.)Paroledescout.Jeregardesesdoigtsducoindel’œil.–Jetrouvequeçaressembleplusàunsalutvulcain 1qu’àuneparole
descout.Ilfrappelasurfacedel’eaudetoutessesforcesetunevagueénorme
m’éclabousse.– Petitemaligne, le salutvulcain,c’estavecquatredoigts.Alors,ne
meforcepasàsortir.– Je viens juste parce que j’en ai envie, pas parce que tu me
l’ordonnes.Reedfaitlesgrosyeuxetm’éclabousseànouveau.Jeprendsmonélanetjecours,jem’élèvehautdanslesairsetjeme
metsenboulepourretomberjusteàcôtédeReed.Jel’entendshurlerderirelorsquejem’enfoncedansl’eau.
Onpassedixminutesàessayerdesefaireboirelatasse.Pendantcetemps,j’aipeut-êtreessayédebaisserunpeusonshort,et
samainadûfrôler lehautdemonbikini.Moncorpsréagitauquartde
tour à cette caresse très légère. La fois suivante où je plonge vers seshanches,ilm’attrapelespoignetsetmeramèneàlasurface.Ilmetraîneenarrièrejusqu’àcequ’ilsoitassissurlereborddelapiscineetquejesoisdeboutdansl’eau,devantlui.
–Tucroisquetupeuxmedéculotter,hein?Jefeinsl’étonnement.–Jenageais,c’esttout.Jesuisinnocente,Monsieurlecommissaire.Je lèvemespoignets toujours emprisonnés.Reedpasseundoigt sur
mapoitrine.–Tun’aspasl’aird’uneinnocente.En signe de vengeance, je glissemon pied derrière sonmollet et je
sourisd’unairnarquoisquandilbasculesurlecarrelage.– Il faitun froiddecanard ici, jedis.N’importequiauraitenviede
sortir.–Situasfroid,jevaisteréchauffer,moi.Il repoussemonhautdebikinid’unemain, jusqu’àcequemesseins
soientcomplètementàl’air.Jecroisquejusqu’àprésent,j’aitoujoursfermélesyeuxquandilm’a
touchélà,etc’estétonnammentérotiquedeleregardermeprendredanssaboucheenplein jour. Ilmemordille toutdoucement,puis lèchemontétonavantd’ouvrirlaboucheetdesemettreàlesucer.
Bordel.Jehalète:–Je…euh…jecroisquejevaismenoyerlà-dedans.Illèvelatêteetmelanceunregardcoquin.–Ceseraitinacceptable.Ilmesortdel’eauetm’emportedanslapoolhouse.
Nousnousjetonssurlesofaenhaletant.Reedroulesurledosetme
placesurlui,àcalifourchonsursescuisses.Noussommestrempéstouslesdeux,mais peum’importe quemes cheveux dégoulinent sur sa poitrine
nue.Jesuistropoccupéeàgémirparcequesesmainss’accrochentàmonhautdebikinietqueseshanchessebalancentcontremoi.
Ildéfaitleslanièresautourdemoncouetdansmondos,etmonbikinitombeenfin.Sonregarddevientinstantanémentlubrique.
–Jet’aidésiréeàlasecondemêmeoùjet’aivue,m’avoue-t-il.–Vraiment,jeletaquine,tuveuxdirelorsquejesuisentréecheztoi
etquetuesrestéàmedévisagerduhautdel’escalier?–Ohoui.TuesentréefringuéecommeuneSDF,aveccettechemise
deflanelleboutonnéejusqu’aucouettonregardflamboyantposésurmoi.C’étaitletrucleplustorridequej’aiejamaisvu.
–Jepensequenousn’avonspaslamêmedéfinitiondumottorride.Ilsemetàrire.Enparlantdetorride,sapoitrineestenfeu.Ellebrûlemesmainsqui
caressent ses pectoraux. Quand je me penche pour l’embrasser, il merépond avec tant d’avidité que j’en ai le souffle coupé. Nos lèvress’épousentsiparfaitement.Je laissecourirmesmainssur sapoitrine, sarespirations’accélère.Sesmusclestremblentsousmesdoigts.
J’adorel’idéequec’estmoiquil’excite.J’exciteReedRoyal,letypequifroncelessourcilsaulieudesourire,quigardesesémotionssousclé,quilescacheaurestedumonde.
Ilnecacheplus riendu toutencemoment.Sondésir se lit sur sonvisage.Jelesenslorsqu’ilsepressecontremoi.
Je baisse la tête pour l’embrasser de nouveau. Il me fait gémir enjouantdespoucessurmestétons.
Larespirationhachée,jeploiesursesmains.Unsoupirdefrustrations’échappedesabouche.
–Jesuisànouveauégoïste,murmure-t-il.–J’aimeçaquandtueségoïste,jesouffle.Ilaunrireétranglé,puisnousfaitroulerànouveauetglisseunemain
dansmonbasdemaillotdebain.–Jeveuxtedonnerduplaisir.
Seslèvrestrouventlesmiennes,lajouissancemetraverse.Jefermelesyeuxetjesurfesurdesvaguesdesensationsindescriptiblesjusqu’àcequenos respirations soient assez haletantes pour recouvrir de buée tous lespanneauxdeverredanslapoolhouse.
–Reed.Seul son nom surgit demon environnement rempli de brume.Mon
cerveau ne fonctionne plus. La seule chose que je puisse faire, c’est delaisserleplaisirmonterenmoiettoutemporter.
Quand jeredescendssur terre, ilmesouritd’unairassezcontentdelui.
Je ferme un peu les paupières, je voudrais le gifler pour avoir lepouvoirdemefaireperdreainsilecontrôle,maisc’estunepenséeidiote,parceque,ohmonDieu,quec’étaitbon!
Maisçaneseraitpasmauvaisnonplusd’éleverunpeuledébat.Jelepousseànouveausur ledoset jememetsà l’embrassersur lapoitrine.Chaque centimètre carré. La respiration de Reed se fait plus saccadée.Lorsquemeslèvressedirigentversl’élastiquedesonshort,ilseraidit.Jelève les yeux pour voir sa tête. Il semble être en attente. Mes doigtstremblentenjouantavecsaceinture.
–Reed?–Mmm?Sesyeuxsontfermésàprésent.–Tupeuxmedirecommentfaire…hum…Jemarmonneunvague…«tusais».Ilouvregrandslesyeux.J’ail’impressionqu’ilseretientderire,cequi
mecontrarie.–Ah.Ouais…biensûr.Jemehérisse.–Ouais,biensûr?Jenevaispaslefairesituneveuxpas…–J’enaienvie.Ilrépondsivitequec’enestcomique,etc’estmoiquirisàprésent.–J’enaivraiment,vraimentenvie.
Ilbaisserapidementsonshort.Moncœurbattrèsfortlorsquej’approchemeslèvres.Jeveuxfaireça
bien,maiscommejesensqu’ilm’observe,j’aienviedemedépêcher.–Tunel’asvraimentjamaisfaitavant?medemande-t-ild’unevoix
rauque.Jesecouelatête.Pouruneraisonquej’ignore,çaal’airdevraiment
l’embêter.–Qu’est-cequinevapas?Monfrontseplisseaufuretàmesurequesonvisagesecrispe.–Jesuisunvraisalaud.Touscestrucsquejet’aiditssurleyacht…
tudevraismedétester,Ella.–Maiscen’estpaslecas.Jecaressesongenou.–Apprends-moicommentfaireçabienpourtoi.–C’estdéjàbien.Sonregardestvoilé,etilattrapel’arrièredematêtedansunemainen
glissantdoucementsesdoigtsdansmescheveux.Sonautremainattrapel’unedesmiennesetposedélicatementmesdoigtsautourdesonsexe.
–Sers-toiaussidetamain,murmure-t-il.Jeluidonneunpetitcoupdepompe.–Commeça?–Ouais…commeça…C’est…bon…Enm’enhardissant,jeglisseleboutdesonglanddansmaboucheetje
lesuce.Ilmanquesauterdusofa.–C’estencoremeilleur,gronde-t-il.Je souris, j’aime les bruits qu’il fait. Je manque d’expérience, mais
j’espèrequemonenthousiasmecompenseraparcequej’aivraimentenviedeluifaireplaisir.J’aienviequ’ilperdelecontrôle.
Il continue à caressermes cheveux, etmon souhait est exaucé plusvitequejenelepensais.Ilexplosesousmoientremblantviolemment,et
quandjegrimpesurluiensuite,ilmeserrefortcontreluiendisant«jeneméritepasça».
Jeveuxluidemandercequ’ilveutdire,maisjen’enaipasl’occasion.Noussommesinterrompuspardescoupsviolentssurl’unedesvitres.
–P’titesœur,grandfrère,labaise,c’estterminé.C’estEaston,ilritenfrappantdupoingsurlavitre.–Vatefairevoir,luirépondReed.–J’aimeraisbien,maispapavientd’appeler.Ilestentrainderentrer
etilveutnousemmenertousdînerdehors.Ilseralàdanscinqminutes.Merde. Reed s’assied et passe une main dans ses cheveux. Puis il
regardenoscorpsnusetsourit.–Onferaitmieuxdes’habiller.Papavafaireuncacanerveuxs’ilnous
trouvecommeça.–Ahbon?Depuis lapremière foisquece trucadébutéavecReed, jeme laisse
aller àme demander commentCallum réagirait s’il était au courant. Jepense queReed a sans doute raison. Je suis à Bayview depuis unmoisseulement, et Callum est déjà hyperprotecteur avecmoi.Merde, il étaitprotecteuravecmoiavantmêmedemeconnaître.
Callumn’aimeraitpasça.Mon regard s’arrête sur les fesses nues de Reed lorsqu’il se lève et
enfilesonshort.Callumdétesteraitça.
1.Le salut vulcain est,dans l’universdeStarTrek, ungestede lamain consistant enunemainlevée,paumeenavantaveclesdoigtsécartésenformede«V»etlepoucetendu.
CHAPITRE31
–Ella!Trenteminutesplustard,Callumm’appelledepuislebasdesescaliers.–Descends,j’aiquelquechoseàtemontrer!Jeroulesurmoi-mêmeetjeplaqueunoreillersurmatête.Jen’aipas
envie de quitterma chambre. J’étaismontéeme changer pour le dîner,mais en fait, je suis restée allongée sur mon lit pour repenser au trucgénialquis’estpassédanslapoolhouse.
Jen’aiaucuneenviededescendrevoirCallumetdemedemandercequ’ilferaitoucequ’ildiraits’ilétaitaucourantpourReedetmoi.Jeveuxjusteresterdanscecoconroseetmesouvenirtrèsfort.Cequenousavonsfaitdanslapoolhouseétaitsibon,riennedoitvenirinterféreravecmonsouvenir.
Mais ses appels insistants deviennent difficiles à ignorer. SurtoutquandEastonsemetàfrapperàmaporte.
–Allez,ramène-toi,Ella.Jemeursdefaim,etpapanenouslaisserapaspartiraurestauranttantquetuneseraspasdescendue.
–Jeviens.Jemejettehorsdulitetj’enfilemeschaussuresbateau.Ellessonten
train de devenirmes préférées. Elles sont tellement confortables. Jemedemandependantun instantsi jenecommetspasun terrible impairenportant des chaussures bateau en dehors d’un bateau, avant de déciderquejem’enficheroyalement.
Lorsquej’atteinsl’escalierdudeuxièmeétage,touslesmembresdelafamille Royal sont en bas, qui m’attendent, avec chacun un souriredifférent sur levisage.DepuisuneesquissechezReed jusqu’à labouchefendued’uneoreilleàl’autrechezCallum.
– Est-ce que l’un de vous voudrait bien fixer le plafond ?Vousmemettezmalàl’aise,jebougonne.
Callumaungesteimpatient.–Viensdehors,nousallonsdécouvrirensemblecequisetrouvedans
l’allée.Malgré moi, je ressens une vague d’excitation. Ma voiture, ou du
moinslavoiturequeCallumaachetéepourmoi,doitêtrearrivée.J’essaiedenepasdévaler l’escalier,maisEastonenaassezd’attendre.Ilgrimpelesmarchesquatreàquatreetilmetirejusqu’auhalld’entrée.Là,lerestedesRoyalmepousseàl’extérieur.
Au milieu de l’allée, au pied des larges marches, attend unedécapotabledeuxplaces.L’intérieurestrecouvertdecuircrèmeetdeboissombre vernis. Les chromes des jantes brillent si fort que je cligne desyeux.
Mais rien n’est aussi impressionnant que sa couleur. Pas rose, non.Maisd’unvraibleuroi, lemêmebleuquiornait l’avionquim’aamenéeici,lemêmequesurlescartesprofessionnellesdeCallum.
Jemetourneverslui,ilhochelatête.–Jel’aifaitpeindredansnosateliersdeCalifornie.C’estnotrebleu
roi,saformuleestbrevetéeparAtlanticAviation.La main de Reed exerce une légère poussée sur mes reins et je
trébucheendirectionde lavoiture.Elleest sibelle, sipropre, sineuve,quejenevaispasoserlaconduire.
–Tuesprêteàallerl’essayer?–Pasvraiment,j’avoue.Ils semettent tousà rire,pasdemoi,maisd’unbon rire, généreux.
Moncœursemetàbattretrèsfort.Est-cequec’estvraimentmafamille?Cettepenséefaitdisparaîtremesdernièresréticences.
Callummetendlesclésainsiqu’unefeuilledepapier.–C’estlacartegriseàtonnom.Quoiqu’ilarrive,cettevoitureestà
toi.Cequisignifiequesi jedécidedepartir,pourquelqueraisonquece
soit,ils’attendàcequej’emportelavoitureavecmoi.Cequiestdingue,parcequej’aipeurjustedem’asseoirdedans.
–Allezviens.Allonsfairefaireuntouràcebébé.Reedouvrelaportièrepassageretseglisseàl’intérieur.Devant tous ces regards impatients, je n’ai pas d’autre choix que de
m’installer à laplacedu conducteur.Reedm’expliquecommentavancermonsiège,ilbaisselevolantetallumelaradio,letrucleplusimportant.
Etensuite, il suffitd’appuyersurunbouton, lemoteurrugitetnousvoilàpartis.
– Jedéteste conduire, j’avoueenmedirigeant vers la routeàdeuxvoiestrèstranquillequimèneàlarésidenceRoyal.
Jesuiscrispéesurlevolantet jenemesenspascapablederouleràplus de quarante kilomètres à l’heure. Les maisons, le long de ceboulevard bordé d’arbres, sont ou bien entourées de murs, ou bien lesalléesquiymènentsonttellementlonguesqu’onnepeutriendiscerneràpartdescheminsbituminésnoyéssouslesarbresetlesbougainvillées.
LavoitureestassezpetitepourqueReedpuissetendresonbrasetleposersurledossierdemonsiège.Ilpassesesdoigtsdanslesmèchesdemescheveux.
–Alors,c’estunebonnechosequetum’aies,parcequemoi, j’adoreconduire.
–Vraiment?jeluidemandetranquillement,assezcontented’avoiràregarderlarouteplutôtquesesyeuxbleus.Tuveuxdire,jet’ai?
–Ouais,jepensequetum’as.Ettoutlerestedutrajet,j’ail’impressiondevoler.–Ondiraitqueçavousaplu,nouslanceCallumennousaccueillant.–C’estlemeilleurtourquej’aiejamaisfait.Etensuite,commejesuisfolledejoie,jemejettedanssesbras.
–Vousêtestropgentil,Callum.Merci.Mercipourtout.Callumestabasourdiparmonexplosiondejoie,maisilmeserredans
ses bras. Les garçons nous séparent en se plaignant qu’ils ont le ventrevide, et nous allons tous dans une rôtisserie plus bas, où les Royalmangentcommequatre.
Quand nous rentrons à la maison, je cours dans ma chambre pourajouterletourenvoitureàmalistedeschosesmerveilleusesquisesontproduitesdansmavie.Jeleplacejusteaprèslapipe.
Cettenuit-là,Reedseglissedansmonlit.–J’étaisentraindefaireunrêvemerveilleux,jemarmonnequandil
secollecontremoi.–C’étaitquoi?–Tuentraisdansmachambreettumegardaisdanstesbrastoutela
nuit.– J’aime bien ce rêve, chuchote-t-il à mon oreille avant de faire
exactementça,meserrerdanssesbrasjusqu’àcequejem’endorme.Lorsquejemeréveille,iln’estpluslà,maismesdrapssententencore
sonodeur.Jeleretrouveenbas,affalésurlatabledelacuisine.– Tu n’as pas d’entraînement ? je demande l’air de rien, sans oser
espérerqu’ilveuilletoujoursmeconduireauboulot.–Jenepeuxpastelaisserseulesurlaroute,sitôt,dansunenouvelle
voiture.Ilvafalloirquetulabousillesunpeuavantdesavoirlaconduire,encoreàmoitiéendormie.
J’essaied’oublierquemoncœurbatlachamadedansmapoitrine.–Hé,jedormaisentouteinnocencequandungrosoursestentréeta
décidéquemonlitluiconvenaitparfaitement.Ilmetirelescheveux.–Jecroisquetutetrompesdecontedefées,là.– Et lequel serait le bon ? Aladin, parce que tu as décidé de
m’emmener faire un tour en tapis volantmagique ? je lui demande enfaisantminedevoler.
Reedéclatederire.–C’estçaquetupensesdemabite?Qu’elleestmagique?Jerougistellementviolemmentqu’ilritencoreplusfort.–Mince,tuesvraimentvierge,n’est-cepas?Lesjouesencorebrûlantes,jelèvemonmajeur.–Voilàcequejepensedetoietdeton,hum…joujoumagique.– Bite, il me lance entre deux éclats de rire. Allez, Mademoiselle
l’ingénue,dis-le,bite.–Tuesunetêtedenœud,çac’estbienvrai.Etjelematetoutletempsquenousmettonsàatteindrelavoiture.Reedréussitenfinàrecouvrersonsérieuxlorsqu’ilbouclesaceinture.
Ilsepenchepourm’embrasseret,hop,macolèredisparaîtenunéclair.Je flotte littéralement dans les airs pendant toutemamatinée à La
BaguetteFrançaiseet jerestedebonnehumeurpendanttoutela journéeaulycée.JetombesurReedplusieursfoisdesuite,maishormisquelquesregards échangés en secret et un clin d’œil de sa part, nous ne nousadressonspaslaparole.Çam’estégal,parcequejenesuispassûred’êtreprêteàannonceràtoutlemondeàAstorParkquejesorsavecuntypequiestenquelquesortemondemi-frère.
Au déjeuner, Valérie etmoi nous sommes sidérées quand Savannahnousfaitsignedevenirnousasseoiravecelleestsescopines.Jesupposeque l’opérationDémolition-de-Daniel-Delacorte futun succèsàplusieursniveaux,mêmesiSavannahnesemblepastotalementàl’aiseavecmoi.
Aprèsl’école,jefaismesdevoirssurlapelouseSudenattendantqueReed et Easton aient terminé leur réunion d’équipe. Reed meraccompagne ensuite à la propriété, un bras passé sur mes épaulespendanttoutletrajet.Enrentrant,nousdécouvronsqueCallumestpartien voyage d’affaires auNevada, ce qui signifie que nous allons avoir lamaisonpournousjusqu’ausamedi.Ouais,génial.
Cesoir-là,Reedentredansmachambresansfrapperpendantquejelis.
–Bienentendu,entre,jet’enprie,jeluilanced’untonsarcastique.Jeroulesurledoset jeleregardeposerunénormeboldepop-corn
surmatabledenuit.–Merci.Nem’enveuxpas.Tuveuxuntrucàboire?Ilexaminelecontenudemonfrigo.–Tun’asrienlà-dedansquinesoitpasmarqué«sanssucre»?Ils’éloigneetsortsatêtedanslecouloir.–Rapportedelabière.Ellan’aquedesmerdesderégime.J’entendsun«d’accord»étoufféauboutducouloir.Jeremontejusqu’àlatêtedelit.–J’aibienpeurd’avoiràtedemandercequisepasse.–Onvaregarderlematch.–Quiça,on?–Toi,moietEaston.Nous,explique-t-il.Etilgrimpesurmonlit.Jedoismedéplacerpourqu’ilnem’écrasepas.Jeregardeautourde
moiavecinquiétude.MonlitestassezgrandpourReedetmoi,maispourEaston,Reedetmoi?
–Jenecroispas.–Biensûrquesi!Reed m’attrape et me tire entre ses jambes, en m’installant
confortablementcontresapoitrine.Easton arrive un peu plus tard et s’assied à la place que j’ai
abandonnée.Ilnes’étonnemêmepasdenoustrouverdansunepositionaussiagréable.Reedposeleboldepop-cornentrenousetallumelatélé.
– Où sont les jumeaux ? je demande.Mon lit est rempli par deuxgéantsRoyal, alors si on ajoute les jumeaux, ça sera commeessayer defaireentrerunepoitrine95Cdansun85A.
–IlsvontchezLauren,répondEastonavantdefourrerunepoignéeentièredepop-corndanssabouche.
–Touslesdeux?
– Neposepasdequestions si tune veuxpas connaître la réponse,suggèreReed,etjemetaissur-le-champ.
Mêmesij’avaisd’autresquestions,jenesuispassûrequej’obtiendraisdesréponses.Unefoislematchcommencé,c’estcommesijen’étaispluslà. Reed et Easton poussent des acclamations, des hurlements, et secongratulent l’un l’autre. Jepasse le tempsenadmirant lesbelles fessesmusclées à l’écran, en souriant aux commentaires bourrés de sous-entendus,dustylecommentuntypequialaballedoitfoncerdansletrou,oul’équipeadverseneréussitpasàpénétrerassezprofondlazonearrière.
Aucun des deux frères n’apprécie mes observations. Alors, je mecontente de rester entre les jambes de Reed et de profiter de leurcompagnie.Detempsentemps,Reedsepencheetmecaresseledos,oupasseunemaindansmescheveux.Sesgestessontsimples,commesinousétionsencoupledepuisdesannées.Ilyadesfaçonsbienpiresdepasserlanuit,medis-je.
Lescoreestassezserré,etauboutd’unmoment,jem’assoupis,gavéedepop-cornetbarbéeparlejeu.C’estlasonneriedutéléphoned’Eastonquimeréveille. Il sort répondreetReeds’allongeàcôtédemoicommemonchauffagepersonnel.
–C’étaitqui?jedemandeàmoitiéendormie.–Quisait?Tudormais?–Non,jemereposelesyeux,c’esttout.Onenestoù?–LesLionssontentraind’écraserlesTitans.– Ce sont les vrais noms des équipes ou bien tu es en train de les
inventer?–Cesontlesvraisnomsdeséquipes.Il paraît amusé. Son doigt tiède musarde le long de la ceinture
élastiquedemonshort.Jem’étire,enressentantcettechaleur, familièredepuispeu,sepropagerdansmesos.
–Est-cequ’onafinideregarderlefootball?C’est plus une suggestion qu’une question. Les yeux bleus de Reed
s’embrument.Ilgrimpesurmoietmemaintientprisonnièreentresesbras
etsesjambes.–Ouais,jecroisqu’onenafiniavecça.Satêtedescendlentementetjelèchemeslèvresavecimpatience.– Qu’est-ce qui se passe, les Lions viennent demarquer ou quoi ?
demandeEastonquientreentrombe.Reedsoupireenreculant.–Tuvoiscommeceseraitchouettesilesgenssemettaientàfrapper
avantd’entrer,jemurmure,pendantqueEastonattrapelatélécommandeetmontelevolume.
Reed se contente de croiser les bras en grognant. Nous observonsEastonquisemetàfairelescentpas.
L’équipeenbleuetargent, avecdes lions sur ses casques,occupe leterrain.L’équipeadverse,avecunTen flammes sur ses casques,ne faitpasuntrèsbonboulot,ellen’arrivepasàprotégersazonedescores.
Pendant les vingtminutes suivantes, l’équipe bleu et argentmarquetouchdownsurtouchdown,jusqu’àcequ’ilségalisent.
Eastonesthorsdelui.Aumomentducoupdesiffletfinal,ilestaussiblancquelesvoilagesauxfenêtres.
– Qu’est-ce qui se passe ? Combien tu as misé sur ce match ?demandeReed.
J’aihéritédesproblèmesd’addictiondemamère.Oh,Easton!Easton hausse les épaules, il essaie de faire comme si ce n’était pas
grave.–J’aicequ’ilfaut,frangin.Reed serre les dents, comme s’il se retenait pour ne pas hurler sur
Easton.Ilfinitpardire:–Situasbesoindequoiquecesoit,jesuislà.Eastonnousfaitunsourirelas.–Ouibiensûr.Jedoispasseruncoupdefilàprésent.Nefaitesrien
que je ne ferais pas moi-même, nous lance-t-il sur un ton faussementjoyeux.
–Eastonaunproblèmedejeu?jedemandeàReedunefoisqu’ilarefermélaportedesachambre.
Reedpousseunsoupirexaspéré.–Peut-êtrebien.Jenesaispas.Jepensequ’ilboitetqu’iljoueparce
qu’il s’ennuie,pasparcequ’il est accro.Mais jene suispaspsy,n’est-cepas?
Je cherche quelque chose à dire, mais je ne trouve que « je suisdésolée».
–Nitoinimoin’ypouvonsrien.En regardant lesmouvements que fait lamâchoire de Reed, je sais
qu’ilnelepensepasuneseconde.–Jevaismecoucher.Reed se lève. Je replie mes jambes sous moi, je me retiens de le
supplierderester.–Okay,dis-jed’unetoutepetitevoix.Sessourcilssefroncent.–Jenecroispasquejeseraisdebonnecompagniecesoir.–Çava.Jemelèvepourallerauxtoilettes.Est-ceque jesuisblesséequ’ilne
veuillepasresteravecmoicesoir?Unpetitpeu.Ilm’attrapeparlepoignetlorsquejepassedevantlui.– Jesuis justeénervéet jeneveuxpast’entraînerdansquoiquece
soit…– Est-cequec’estundiscoursdugenre« cen’estpas ta faute, c’est
moi»?Parcequecesontlespires.Personnen’aenvied’entendreça.Unsourirecontraintapparaîtlentementsurseslèvres.–Non.C’estplutôtun«tuesbientropbandantepourtondiscoursà
lanoixetj’aiunmaldechienànepaslaissertraînermesmainssurtoi».Jemetourneversluietjeplanteundoigtdanssalargepoitrine.–Quit’aditquejevoulaisquetugardestesmainspourtoi?Ilattrapemondoigtetm’attireàlui.–Tuesvraimentprête,Ella?Prêteàallerjusqu’aubout?
J’hésite,etc’estlaréponsequ’ilattendait.Enposantsatêtecontrelamienne,ilmecaresselajoueavecsonnez.
– Tu ne l’es pas, et ce n’est pas grave, parce que je peux très bienattendre,maisdormiravectoiestunevéritabletorture.Toncorpspressécontrelemien…etjemeréveille…
Il s’interrompt,mais je comprends ce qu’il veut dire parce que c’estvraipourmoiaussi.J’aisoudainmalàdesendroitsoùjen’auraisjamaispensépouvoiravoirmal.
–Onpourraitfaired’autrestrucs.Jemelècheleslèvresenpensantàlapoolhouse.Ilgrogneetplongesatêtedansmoncou.–Iln’yapaslefeu.Sérieusement.Onvaprendrenotretempsetfaire
çabien.Avec une autre profonde inspiration, il me repousse doucement et
recoiffeunemèchedemescheveux.–Onestd’accord?Iln’yaaucuneraisondenepasêtred’accord.JeconnaisassezReed
poursavoirqu’une foisqu’iladécidéquelquechose, çaprendun tempsfoupour le fairechangerd’avis,cequisignifieque jevaispasser lanuittouteseule.
–Onestd’accord.Jemehissesurlapointedespiedspourl’embrassersurlajoue,mais
Reedtournelatêteetnoslèvresserencontrent.Le long et tendre baiser qu’il me donne calmerait n’importe quel
chagrin.Lasensationdesoncorpssidurcontrelemienn’yestpaspourriennonplus.
Et les derniers relents de mon sentiment d’abandon s’évanouissentlorsque Reed se glisse dans mon lit, plus tard dans la nuit.Silencieusement, j’enroule son bras autour demoi et je tombe dans unprofondsommeil.
CHAPITRE32
Lejeudi,Valériem’abordependantlapausedéjeuner.–Qu’est-cequisepasseentreReedettoi?J’essaiedeprendrel’airleplusinnocentpossibleenrépondant.–Qu’est-cequetuveuxdire?–Apparemment,hierilt’aaccompagnéejusqu’enbioetilapassésa
maindanstescheveux.Jelaregardefixementavantd’éclaterderire.–EtçasignifiequeReedRoyalm’afaitunesuper-déclaration?jelui
demanded’unairincrédule.Elleacquiesce.– Reed ne joue jamais les chevaliers servants.Même quand il était
censésortiravecAbby…Enentendantça,jefroncelenez.Jedétesteentendreleursdeuxnoms
danslamêmephrase.Valériem’ignoreetpoursuit:– … il l’évitait. Il ne l’embrassait jamais devant son casier. Il ne la
tenait jamaisparlamain.Biensûr,elleallaitàsesmatchsdefoot,maisluiétaitsurleterrain,alorscen’étaitpascommes’ilsflirtaientpendantlesmatchs.
Elleregardedanslevagued’unairpensifcommesiellelesrevoyait.Jemeretiensdebâiller.
–Laseulefoisoùonlesavusensemble,c’étaitdansunefête.Alorsouais,lefaitqu’ilt’aittouchéeintentionnellement,c’esténorme.
Je baisse les yeux sur mon plateau de blancs de poulet bio élevélocalementetlégumesfraispourqueValérieneserendepascomptequepourmoiaussi,c’esténorme.Lasensationdesesdoigtseffleurantlabasedemoncoumardimatinestrestéegravéedansmamémoire.Lorsquejereprendslecontrôle,jejetteuncoupd’œilàValérie.
–Nousavonsdécidédefaireunetrêve.C’esttoutcequejereconnais.Ellemejetteunregardinquiet,maisn’insistepasparcequec’estune
amie.Avecespièglerie,jemepenchesurlatable,jeluiprendslamainetje
lapressecontremapoitrine.–Tueslapremièredansmoncœur,Val.–Y’aintérêt,mapoulette.Ellemepinceleseinetjerepoussesamain.Elleenfourneunecarotte
en rigolant. Lorsquenousavons terminénotredéjeuner, ellem’annoncequ’ilvayavoirunesoirée«plusdedix-huitans»auMoonglowclub.
J’hésite,mapremièreréactionestd’envoyeruntextoàReedpourluidemandercequ’ilfait,maisjeréalisequeçaferaitdelapeineàValérieetque,quoiqu’il sepasseentreReedetmoi, jedois continuerà vivremavie.Alors,jehocherésolumentlatête.
–J’ensuis.Ellemedonneunetapefraternellesurl’épauleetnousnousdirigeons
ensembleversnoscasiers.Jeluidemandeavecunpetitsourire.–Est-cequ’onvadanserdansunecage?–Est-cequelepapeestcatholique?–Est-cequ’ilvamefalloiruneautretenue?Elleprendunairinquietenhochantlatête.–Ondiraittonpremierjourd’école.Tun’asdoncrienapprisdepuis
quetuesici?Biensûrqu’iltefautunenouvelletenue.Nousdécidonsd’allerfairedescoursesensembleplustard.
– Jepasserai teprendreaprès leboulot, luidis-jeenmesouvenantquej’aiunequatrerouesflambantneuvequim’attendàlamaison.
Elles’arrêtebrusquementetm’attrapeparlebras.–Qu’est-cequetuveuxdire?Tuaseuunevoiture?–Unedécapotable.UncadeaudeCallum.Elle siffle longuement, assez fort pour que toutes les têtes dans un
rayondetroismètressetournentversnous.Elleapplaudit,–Tuesvenueavecàl’école?Jeveuxlavoir.–Ahnon.Je cale. J’essaie de trouver une excuse plausible pour expliquer que
c’estReedquim’aaccompagnéecematin.– Je suis venue avec Reed. Il a entraînement de football lematin,
alorsc’estpluslogiquedepartagerlamêmevoiture.Valérielèvelesyeuxauciel.– Pendant encore combien de temps allez-vous prétendre tous les
deuxqu’iln’yarienentrevous?Jeretiensunsourire.–Pendantaussilongtempsquequelqu’unvoudrabienlecroire.Etjenevaispasplusloin.
Commejem’endoutais,Valérieadoremapetitevoiture.Etjepioche
dans mon magot afin de m’acheter des vêtements pour ce soir. Ellem’emmènedansuncentrecommercialnormaloùlesprixsontchers,maispasaupointque j’aie l’impressiondeporterunmoisdesalairesurmoi.AumanoirRoyal, jenouscoiffeetjenousmaquilletouteslesdeuxpournouscomposerunlookd’enferspécialnight-club.
– Je suis une bombe, déclare Valérie lorsqu’elle s’examine dans lemiroir.JevaisfaireunselfiepourTam.
–Jepeuxleprendrepourtoi.Elleme tend son téléphone et je prends deux photos qu’elle envoie
immédiatement à sonpetit ami.Cesdeux-là ont l’air d’avoir une super-
relation,même s’il n’est pas venu la semaine dernière, comme il l’avaitpromis.Valn’apaseul’airtropperturbée.
–Commentfaites-vous?JepenseàReedàl’université,etjemedemandecommentjevaisfaire
pour supporter qu’il côtoie tantde jolies filles plus âgées.Valérie prendunephotodemoiavantderépondre:
–Ilfautquejeluifasseconfiance.Jeluienvoiebeaucoupdephotos.–Desphotosdenus?– Ouaip. Des photos coquines, la plupart du temps en baissant la
tête…àtouthasard.Ellefaitlagrimace.– Ce n’est pas que je ne lui fais pas confiance, mais imagine que
quelqu’unluivolesontéléphone,parexemple.–C’estvrai.(J’hésite.)Tamétaittonpremiermec?–Est-cequetumejuges?demande-elleaveccuriosité.Jelèvelesmainsenl’air.–Non,absolumentpas.Iln’yaaucunjugementlà-dedans.Ellemeregarded’unairincrédule.–Attends,tun’asjamaisfaitl’amour?Jebaisselatêteetj’avoue:–Non,jamais.–Jamais?Wouah.AlorsjejugedifféremmenttarelationavecReed,
parcequecetypenesortiraitjamaisavecquelqu’unsanspasseràl’acte.–Je…Je…Je…jebégaye,sanstrouvermesmots.– Cen’estpas ceque jevoulaisdire.S’il est avec toi, je tegarantis
qu’ilnebaisepasàdroiteàgauche.QuandilsortaitavecAbby,jenel’aijamaisvudragueruneautrefille.
–Ouais,ok.Jeme sens toute chose. Je n’avais jamais imaginé qu’il puisse faire
l’amouravecquelqu’und’autre.Est-cequec’estpourçaqu’ilnememetpaslapression?
Valériemeprendparl’épaule.
– C’était une réflexion stupide. Je ne voulais pas dire ça.Honnêtement. J’essayais d’être drôle et je me suis plantée. Tu mepardonnes?
–Biensûr.Jelaserrecontremoi,maisaufond,ledoutes’estinstallé.Quelques minutes plus tard, nous quittons ma chambre dans nos
minirobes, nos talons hauts et nos cheveux crêpés. Easton sort de sachambreaumêmemomentetlaisseéchapperunlongsifflement.
–Vousallezoùcommeça?–AuMooglow.Ilyaunenouvellerave.Ilhausseunsourcil.–Tul’asditàReed?–Non,jedevrais?Jen’aipasvuReeddepuiscematin.–Trèsbien.Àplus,lanceEaston,etildévalelesescaliers.–Àplusoùça?jeluicrie.– Où crois-tu donc ? il renifle. Si je dis à Reed que tu portes une
simplebandedetissuetquetuvasdanserdansunecage,tuvasavoirunRoyalàtespieds.
– Je suppose que ça veut dire queReed et Easton seront là-bas cesoir?demandeValérie.
Jenecherchemêmepasàdissimulermonsouriredesatisfaction.On nous escorte aux cages, Valérie et moi, avant même que nous
puissions faire un pas à l’intérieur. Je suppose qu’ils se souviennent denous. Nous faisons le spectacle pendant deux chansons, avant quej’entendequelqu’unquim’appelle.Jeregardeenbasàtraverslesbarreauxetj’aperçoisEastonquicriemonnom,avecsesmainsenentonnoirautourdesabouche.
Ilmemontrelebar.JesuissonbrasendirectiondeReed,appuyéaubar,danspratiquementlamêmepositionquelepremiersoiroùValérieetmoiavonsdansé.Maiscettefois-ci,ilnedisparaîtpas.
Ilattend.
Ilattendquejedescendedemacage.Ilattendquejetraversetoutelapièce.Ilattendquej’arrivedevantlui.Etpendanttoutcetemps,sesyeuxflamboyantsdétaillentchaquepas
quimerapprochedelui.Je m’arrête à trente centimètres de lui. Je lui demande d’une voix
enrouée:–Àquoitupenses?Ilfixed’unairentendumesseinsetmeslonguesjambesexposéesaux
regardssousmajupenoiremoulante.–Tusaistrèsbienàquoijepense.Ilrespireungrandcoup.Maiscommenoussommesenpublic,jedois
mecontenterd’ypenser.Je lève une main jusqu’à son épaule et là, ce type qui déteste les
marquesd’affectionenpublic laprendet lapose sur ses lèvres. Je senssonhaleinechaudesurmapaumeetsoudain,d’unmouvementbrusque,ilm’attirecontrelui.
– Tu rends la moitié des mecs présents complètement dingues,grogne-t-ildansmescheveux.
–Seulementlamoitié?–L’autremoitiéestamoureused’Easton,m’explique-t-il.Ilplonge lesmainsdansmescheveuxet lesdescendle longdemon
dos, jusqu’en bas.Un petit pincementm’installe entre ses jambes.Nousretenons notre souffle quand nos corps entrent en contact. Je réussis àarticuler:
–J’aienviededanser.Il vide son verre d’un coup, le repose sur le bar etmeprendpar la
main.–Allons-y.Surlapistededanse,nousrestonsserrésl’uncontrel’autre.L’unede
sescuissespuissantessefrayeuncheminentremesjambes,et ilmefaitplierlesgenouxcommesijelechevauchais.
Jepasse lesbrasautourdesoncouet jem’accrocheà lui, je lui faisconfiance.
– J’ai pratiquement fait exploser mon pantalon pendant que tudansais,medit-ilàl’oreille.
–Ahouais?Çateplaîtdenousvoirdanserensemble,Valetmoi?Jeletaquine.Jesaisbienquec’estlefantasmedetouslesmecs.– Il y avait quelqu’un d’autre là-haut avec toi ? (Il me caresse les
cheveux.)Jen’aivuquetoi.Jefondslittéralement.–Continueàparlerainsi,ettupourraisbienavoirdelachance.Sa respiration devient haletante et ses doigts se resserrent sur ma
peau.–Tuveuxsortird’ici?Allumée,impatiente,complètementenmanque,jehochelatêted’un
airimpuissant.–Laisse-moitrouverEastonetleprévenirquenouspartons.Ilmeserrelamainetsepenchepourdéposerunbaisersurmatempe.
Cesimplebaisersuffitàmefairemouiller.–Jevaisaubarboireunverred’eau.Jesuiscomplètementdéshydratée.–Ok.Jereviensdansuneseconde.Reed est avalé par la foule. Je pars dans la direction opposée en
essayantderetenir l’attentiond’unbarman.Valestencoreenhautdanslescages,ellecontinueàdansercommeunefolle.
Ungarçonmignonauxcheveuxbrunsbizarrementcoifféssetientfaceàmoi.Ilporteunechemiseauxmanchesrouléessurunshortécossais.Ilme semble vaguement familier. Je me demande s’il ne va pas à AstorPark?
–EllaRoyal,c’estça?J’aiabandonnél’espoirqu’onm’appelleparmonvrainomdefamille.
Je tendsunbilletdedixdollarsentremesdoigts,et l’unedesbarmaidsmefaitunsignedumenton.
–Del’eau,dis-jeenarticulantsilencieusement.La fille hoche la tête etmet lamonnaie dans le bocal à pourboires.
C’est beaucoup pour de l’eau, mais j’ai soif et je me dis que c’est lameilleurefaçond’êtreservierapidement.
–Ouais,jesuisElla.TuesàAstorPark?– ScottGastonburg. (Il pose un coude sur le comptoir.) Je peux te
poserunequestion?–Biensûr.J’attrapemonverred’eaudesmainsde labarmaidenluihurlantun
merci.– Je me demande si tu as commencé par les jumeaux et que tu
avancesdansl’échelledesâges,oubienest-cequetupassesd’unRoyalàl’autreaupif?
Jesursautetellementquejerenverselamoitiédemonverre.–Vatefairemettre.Illèvesesmainsenl’air.–J’aimeraisvraimentbien,bébé,maisjenem’appellepasRoyal.Je résiste à la tentation de balancer le reste de mon verre sur sa
tronchedeconnard.–Jet’emmerde.Jecognemonverresurlecomptoiretenmeretournant,jetombesur
Reed.Ilmejetteuncoupd’œil,etfaceàl’expressioninsolenteduvisagedu
shortécossais,ilcomprendtoutdesuitecequisepasse.Ilfermeàmoitiélesyeuxetmepoussederrièrelui.–Qu’est-cequetuviensdeluidire?demande-t-il.–Cen’estrien.Rien.Allons-y,dis-jeenl’attrapantparlebras.OubienScottmanquesérieusementd’instinctdepréservationoubien
l’alcooldoitluidonnerducourage,parcequ’ilricaneetdit:–Ellievientdemeproposerdebaiseravecmoi,maisjeluiairappelé
quejenesuispasunmembredelafamilleRoyal.Jenesuismêmepasun
cousin,maishé,jemeproposedevousendébarrasserquandelleenaurafiniavecvous,lesmecs.
LepoingdeReedpartsivitequejen’aipasletempsderéagir.Quandje réalise enfin ce qui se passe, Scott est par terre et Reed le roue decoups. Malgré le niveau de la sono, j’entends les craquements de sesarticulationscontrelesos.
–Reed!Reed!Arrête!jehurleetjeletireparlesépaules,maisilesttropoccupéàdémolirScott.
D’autres gens essaient de m’aider, même si je pense que certainsd’entreeuxencouragentactivementlescombattants.
Finalement, trois videurs traversent la foule et écartent Reed, enlaissant Scott par terre, avec le nez qui pisse le sang et une paupièrecomplètementtuméfiée.
–Ilvafalloirquetusortes,lancel’undesvideursvêtud’untee-shirtnoir.
–D’accord.Reedsedébatpouréchapperauvideuretm’attrapeparlepoignet.Je
comprendscequ’ilveutavantqu’ilouvrelabouche.Jelerassure:–JevaischercherEaston.Reed acquiesce du menton. Il lève un doigt en direction d’un des
videurs,untypeblondquidoitboufferdesstéroïdesaupetitdéjeuner.–Turestesavecelle.S’illuiarriveencorequelquechose,dèsdemain
cetendroitseraferméetremplacéparunjardind’enfants.Jen’attendspasqueReedetlesvideurstombentd’accord.Ilestgrand
tempsqueReedsorted’ici.Ilestbourréd’adrénalineetjevoisbienqu’ilfautqu’ilquittecebaravantquel’enviedesebattrenelereprenne.
–Eastonestducôtédestoilettes,mecrie-t-ilpendantquelesvideursl’escortentverslasortie.
J’aiperdulatracedeVal,maisjedoisd’abordretrouverEaston.Toutenmedépêchant, j’entendsdes chuchotements autourdemoi. Lesgensquiétaientlesplusprochesdelabagarrecommencentàjaser.
–Qu’est-cequis’estpassé?
– Je crois qu’on vient d’assister à la proclamation d’un autre éditRoyal.DitesquelquechosedemalsurEllaRoyaletvousboirezvosrepasàlapaillependantlessixprochainsmois.
–Çadoitêtreunesacréeaffaireaupieu,remarquequelqu’un.–Riendetelquelesexetrash.Cessalopesvouslaissentfairetoutce
quevousvoulez.J’ai les oreilles en feu et je suis tentée de réagir commeReed, avec
violence,mais je ne peux pasm’arrêter parce que je viens d’apercevoirEastondanslecouloirdestoilettes.Jefendslafoule,maisEastonn’entrepasdanslestoilettes.Ilcontinuelecouloirjusqu’àlaportedesortie.
– Excusez-moi, je murmure en remontant la queue des filles quiattendentleurtour.
Jepassedevantuncouplequifaitsapetiteaffairedansuncoinpassisombrequeça.
–Easton,jel’appelle,maisilnes’arrêtepas.Jesaisqu’ilm’entend,parcequejevoissoncorpsquiréagitausonde
mavoix.Maisilsecontentedecontinueràavancer.Jememetsàcouriret jepasse laportequelques secondesaprès lui.Et là, je reste figée surplace.
Il est dans l’allée de derrière avec deux autres types, et ça neressemblepas vraiment àune sympathiquepause clope.Ohnon !Dansquoiest-cequeEastons’estencorefourré?Lesdeuxtypessonttrèsbruns,les cheveux gominés. Ils portent des tee-shirts blancs et des jeans taillebasse,tellementbasquejepariequededosonvoitleursboxers.Maisjen’enaiaucuneenvie.Unechaîneenmétalpendàlaboucledelaceinturedel’und’entreeux.
–Rentreàl’intérieur,Ella.Lavoixd’Eastonestdureetfroide.–Attends,ditletypeàlachaîne.Tupeuxpayertadetteavecellesi
tuveux.(Ilsetientlesexe.)Prête-moicettesalopependantunesemaine,etnoussommesquittes.
Mavied’avantlesRoyalétaitrempliedecegenredetrucssordides,etjesaisreconnaîtreunsalecoupquandj’envoisun.LematchdefootdelundisoirmerevientimmédiatementenmémoireetjelanceàmonsieurChaîne:
–Combien?–Ella…commenceEaston.Jeluicoupelaparole.Combieniltedoit?–Huitmille.Jemanquem’évanouir,maisàcôtédemoiEaston,lui,faitcommesi
c’étaitdel’argentdepoche.–Jel’aurailasemaineprochaine.Toutcequevousavezàfaire,c’est
d’attendretranquillement.Maissic’étaitjustedel’argentdepoche,ilneseraitpaslà,dansune
ruellesombre,entraind’êtremenacé,etmonsieurChaînelesaittrèsbien.– Ouais, d’accord.Vous autres lesmômesde richards, vous vivez à
crédit,maispasmoi.Jedoispayermesfactures.Alors,aboulelefric,outoutlemondevasavoirqu’onnefaitpasmarcherTonyLoreno.
Les épaules d’Easton se tassent un peu et il rectifie légèrement saposition.Merde. Il se prépare à se battre, et nous le savons tous. Tonyglisseunemaindanssapocheetlapeurmeterrasse.
–Stop.(Jeprendsmesclésdansmonsac.)J’aitonfric.Attends-moiici.
–Maisqu’est-cequetufous,Ella?aboieEaston.Aucund’euxnem’attend.Ilsmesuiventtousjusqu’àmavoiture.
CHAPITRE33
Toutenouvrantmoncoffre, je cherchedesyeux laRangeRoverdeReed.Jenelavoisnullepart,cequisignifiequ’ils’estsansdoutegarédel’autrecôtédubâtiment.
J’éprouve un immense soulagement, parce que l’arrivée de Reed aubeaumilieude cettepetite épreuvede force serait lapiredes choses. Ils’est déjà battu contre un type ce soir, et je sais qu’il n’hésiterait pas àrecommencer,surtoutpourdéfendresonfrère.
–T’aspasintérêtàsortirunflinguedelà-dedans,siffleTonyderrièremoi.
Jelèvelesyeuxauciel.–C’estça,monpote, jegardeunvéritablearsenaldefusilsd’assaut
dansmoncoffre.Ducalme.Jesoulèvelamoquettequirecouvrelecompartimentpourlarouede
secourset j’attrape lesacenplastiqueque j’aicachésous lecric.J’aiunpoidsénormedanslapoitrinependantquejecomptehuitmilledollarsenbillets.Eastonneditpasunmot,ilm’observeenfronçantlessourcils.
IllesfronceencoreplusfortquandjebalancelesbilletsàTony.– Voilà. Vous êtes quittes à présent. Ce fut un plaisir de faire des
affairesavectoi,dis-jedemonairleplussarcastique.En souriant, Tony reste là et compte son fric. Deux fois de suite.
Quandilrecommenceunetroisièmefois,Eastongronde:–Toutestlà,enfoiré.Foutez-lecamp.
– Fais gaffe,Royal, le prévient Tony. Je pourrais très bien faire unexempleavectoi,justeparcequej’enaienvie.
Mais nous savons qu’il ne le fera pas. Un passage à tabac ne feraitqu’attirerl’attentionsurnousetsursonpetitbusiness.
– Oh,et tupeuxallerparierailleursàprésent,poursuit froidementTony.Tonfricn’estplusassezbonpourmoi.J’enaimarredevoirtasaletronche.
Surce, lesdeux typesmettent lesbouts,Tonyglisse lecashdanssapochearrière,etouais,jepeuxvoirsoncaleçonsoussonpantalon.
Quandilssontpartis,jemetourneversEaston.– Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? Comment peux-tu te brancher
avecdessalestypesdanssongenre?Ilsecontentedehausserlesépaules.L’adrénaline déferle dans mes veines, je le fixe avec une totale
incrédulité.Onauraitpuêtreblessés.Tonyauraitpu le tuer.Et il resteplantélà,commes’iln’enavaitrienàfaire.Lecoindesalèvreestmêmelégèrementrelevé,commes’ilseretenaitdesourire.
–Tutrouvesçamarrant?jehurle.Avoirétépratiquementtué,çatefaitbander,c’estça?
Ilfinitparouvrirlabouche.–Ella…–Non,ferme-la,c’esttout.Jeneveuxrienentendre.Jeplonge lamaindansmonsac, j’attrapemon téléphoneet j’envoie
un texto à Reed pour le prévenir que je rentre avec Easton et qu’on seretrouveraàlamaison.
Je tiens toujours le sac en plastique de l’autremain et je le remetsdans le coffre en essayant de ne pas penser à quel point il est vide, àprésent.Huitmilleballessesontenvolées,plustroiscentsautresquej’aidépensées aujourd’hui pendant mes courses avec Val. Jusqu’à ce queCallummedonnemonallocationdedixmilledollarsdumoisprochain,jen’aiplusquemilleseptcentsdollarsdansmacagnottespécialévasion.Jen’avais pas prévu de m’enfuir, pas après tous ces changements positifs
dansmavie,maisàcetinstantprécis,jesuistentéedeprendrelefricetdemetirer.
–Ella…commenceEaston.Jelèvelamain.–Pasmaintenant.Ilfautquej’appelleVal.Jecomposesonnuméro,enespérantqu’ellel’entendedanslevacarme
delaboîte.Heureusement,ellerépond.–Hé,est-cequetoutvabien?JefixeEaston.–Àprésent,oui.Tupeuxnousrejoindredehorsàlavoiture?Leclub
nenouslaisseraplusentrer.–J’arrive.–Ella…tenteànouveauEaston.–Jenesuispasd’humeur.Il ferme son clapet et nous attendons Val dans un silence tendu.
Quand elle arrive, je force Easton à s’asseoir à l’arrière, à l’étroit. Valouvre labouchepourobjecterquelque chosemaisdécide, avec sagesse,queçaneserviraitàrien.
Jelaraccompagnedansunsilencedemort.–Tum’appellesdemain?dit-elleensortant.Eastonlasuithorsdelavoiture.–Ouais,etjesuisdésoléepourcesoir.Ellemepardonneenmesouriant.–Lamerde,çaarrive,mapuce.Cen’estpasgrave.–’nuit,Val.Elle me fait au revoir de la main et disparaît dans la maison des
Carrington.Doucement,Eastonseglissesurlesiègepassager.J’agrippelevolantdetoutesmesforceset jetentedemeconcentrer
surlaconduite,maisc’estdifficile,j’aienviedeflanquerunegifleautypeassisàcôtédemoi.
Au bout d’environ cinqminutes, ma respiration se calme et la voixd’Eastons’élève.
–Jesuisdésolé.Ilal’airsincère.Jemetourneversluipourleregarder.–Tudevrais.Ilhésite.–Pourquoicaches-tudel’argentdanstoncoffre?–Parceque.C’estune réponse stupide,mais c’est tout cequ’ilobtientdemoi. Je
suistropenpétardpourluiendonneruneautre.MaisEastonmeprouvequ’ilmeconnaîtmieuxquejelecrois.–C’estmonpèrequitel’afilé,n’est-cepas?C’estcommeçaqu’ilt’a
convaincuedevenirvivreavecnous,etàprésenttuleplanquesaucasoùtuauraisbesoindequitterlaville.
Jeserrelesdents.–Ella.Jesursautequandilposesamainsurlamienne,etqu’ensuite,satête
vientsecalersurmonépaule.Sescheveuxmechatouillentetjem’efforcedenepasypasserlamain.Ilneméritepasd’êtrecâliné.
–Tunepeuxpaspartir,murmure-t-ilenrespirantdansmoncou.Jeneveuxpasquetupartes.
Il dépose un baiser surmon épaule,mais il n’y a rien de sexuel là-dedans.Riende romantiquedans la façondont samain secrispe sur lamienne.
–Taplaceestici.Tuescequiestarrivédemieuxànotrefamille.Ilmeprendparsurprise.Ok.Wouah.–Tuesunedesnôtres.Jesuisdésolépourcesoir,vraiment,Ella,s’il
teplaît…nesoispasencolèrecontremoi.Macolèrefonddoucement.Ondiraitunpetitgarçon,etàprésent,je
nepeuxplusm’empêcherdeluicaresserlescheveux.–Jenesuispasencolère.Maisputain,Easton,ilfautquetuarrêtes
de jouer. La prochaine fois, je ne serai peut-être pas là pour te sortird’affaire.
–Jesais.Tun’auraispasdûavoiràlefairecesoir.Jeteprometsquejeterembourseraijusqu’auderniercentime…
Illèvelatêteetm’embrassesurlajoue.–Mercidel’avoirfait,vraiment.Ensoupirant,jemeremetsàfixerlaroute.–Derien.
À la maison, Reed nous attend dans l’allée. Il regarde Easton, puis
moi,d’unairsoupçonneux,maisjerentreavantqu’ilpuissedemandercequi s’estpassé ce soir.Eastonpeut le luidire.Moi, je suis trop fatiguéepourrevenirlà-dessus.
Jerentredansmachambreetjemedéshabille.Jeremplacemarobeparletee-shirttropgrandquimesertdechemisedenuitavantd’allermedémaquiller et me laver les dents. Il n’est que vingt-deux heures, maiscettescèneavecTonym’avidée,alorsj’éteinslalumièreetjememetsaulit.
Reedarrivedansma chambreaumoinsuneheureplus tard, cequim’indiquequeEastonetluiontdûavoirunelongueconversation.
–Tuasdéfendumonfrèrecesoir.Savoixenrouéemontede l’obscuritéet lematelas s’enfonceunpeu
quand il se glisse à côté demoi. Ilmeprenddans ses bras sans que jerésistelemoinsdumonde,etjeposematêtecontresapoitrine.
–Merci,dit-il.Ilsembletellementémuqueçamemetmalàl’aise.– Je n’ai fait que payer sa dette. Ce n’est pas grand-chose, je lui
répondsenminimisantmonrôledanslesévénementsdelasoirée.–Nedéconnepas.C’esténorme.Ilcaressemanuque.–Eastonm’aditpourl’argentdanstavoiture.Tun’étaispasobligée
deledonneràcebookmaker,mais jetesuistellementreconnaissantdel’avoir fait. Je lui ai botté le cul pour s’être acoquiné avec ce type. Sonautrebookmakerestréglo,maisLoreno,lui,ilcraintvraiment.
–Espéronsqu’ilarrêteradefaireappelàdesbooksaprèscequis’estpassécesoir.
Je ne suis pas du tout convaincue qu’il le fera. Easton alimente lefrissonenpariant,enbuvantetenbaisanttoutcequibouge.Ilestcommeça.
Reedme remonteunpeuetnousnousmettonsà rire tous lesdeuxquand les draps s’enroulent autour de nos jambes. Il les repousse, puisapprochemonvisageetm’embrasse.Ilmecaresseàtraversmontee-shirt,salanguecherchelamienne,puisildit:
–Tum’enveuxd’avoircognécesaletype,cesoir?Jesuistropdistraiteparsescaressespourcomprendresaquestion.–Tut’esbattuavecTony?–Non,ceconnarddeScott.Sesmusclesseraidissent,–Personnen’aledroitdeteparlercommeça.Jeneleslaisseraipas
faire.Jesourisetjemepenchepourl’embrasserànouveau.–Peut-êtrequeçasignifiequelquechoseàmonsujet,maisjetrouve
çabandantquandtutetransformesenhommedescavernespourmoi.Ilsourit.–Tun’asqu’àdireunmot,etjetefileuncoupsurlatêteavantdete
traînerdansunecave.J’éclatederire.–Ouille,c’esttellementromantique.–Jen’aijamaisditquej’étaisdouépourça.Savoixsefaitplusrauque.–Maisjesuisdouépourd’autrestrucs.C’est absolument vrai. Nous nous taisons lorsque nos lèvres se
rencontrentànouveau.Quandsondoigtseglisseenmoi,j’oublietout,leclub, le bookmaker et les supplications d’Easton pour que je ne partejamais.Merde,j’oubliemêmemonnom.
Reedestlaseulechosequiexiste.Àcetinstantprécis,ilestlecentredemonunivers.
Le week-end passe rapidement. Callum rentre le samedi matin, ducoupReedetmoisommesobligésdenouscacherdanslapoolhousepournous bécoter. Le samedi soir, Valérie et moi sortons dîner. Je finis parcraqueretjeluiracontetouteslescochonneriesqueReedetmoifaisonsensemble. Elle est ravie, mais déclare que quoi qu’il en soit, nous nefaisonspas encore la chose la plus cochonne de toutes, et semet àmetaquinerenmetraitantdefilleprude.
MaisjeneregrettepasqueReedaitdécidéd’yallerdoucement.Unepartdemoiestprêteà sauter cedernierobstacle,mais il continueà seretenir, comme s’il avaitpeurd’y aller. Jenevoispaspourquoi, vuquenous nous envoyons en l’air quotidiennement, en nous arrangeantautrement.
Le lundi,Reedme conduit àmonboulot, et àmongrand regret, lajournéed’écolefileàtoutevitesse.C’estaujourd’huiqu’alieulalecturedutestament,maisbienquejesuppliemamontrederalentir,laclochesonneetjedescendsl’escalierprincipalpourattendrelalimousine.
Callumneditpasgrand-chosependantqueDurandnousconduitenville,maislorsquenousatteignonslebeaubâtimentquiabritelesbureauxdu cabinet d’avocats Grier, Gray et Devereaux, il me lance un sourired’encouragement.
–Çavapeut-êtreêtredur,meprévient-il.MaissachequeDinahaboieplusqu’ellenemord.
Je n’ai pas revu la veuve de Steve depuis notre rencontre dans sonpenthouse, et je n’ai aucune envie de remettre ça. Elle non plus,apparemment,parcequelorsqueCallumetmoipénétronsdanscebureautrèschic,ellesemetàfairelamoue.
On me présente quatre avocats et on m’installe dans un sofa trèsconfortable.Callumestsurlepointdes’asseoiràcôtédemoiquandl’undeshommesdeloiseretourneetqu’unpersonnageconnus’avance.
–Qu’est-cequetufaislà?aboieCallum.Jet’aibienpréciséquetunedevaispasvenir.
Brookeresteimperturbable.–Jesuisicipoursoutenirmameilleureamie.Dinah apparaît à ses côtés et les deux femmes s’étreignent. Elles
pourraient fort bien passer pour des sœurs, avec leurs longs cheveuxblondsetleurssilhouetteslongilignes.Jeréalisesoudainquejeneconnaisriendeleurhistoire,etj’auraissansdoutedûledemanderàCallumilyalongtemps,parcequ’apparemmentellessonttrèsproches.
S’il faut choisir un camp, je suppose que Brooke et moi sommesennemies.JesuisducôtédesRoyal.Brookelesaittrèsbien,jelelisdanssonregarddédaigneux.Jesupposequ’ellepensaitquejeseraisavecelle.Qu’elle,Dinah etmoi ferions équipe contre les horriblesmâlesRoyal etqu’àprésentjelatrahis.
– Je lui ai demandé de venir, explique froidement Dinah.Commençonsàprésent.NousavonsréservéchezPierre 1cesoir.
Noussommessurlepointdenousasseoirpourécouterlesdernièresvolontés de son défunt mari et elle s’inquiète à l’idée de perdre saréservationpourledîner?Cettefemmen’estvraimentpaspossible.
Unautrehommesortdugroupe.–JesuisJamesDrake,l’avocatdemadameO’Halloran.IltendlamainàCallum,quiregardecettemain,puisDinahd’unair
incrédule.Jeneconnaisrienàcegenredechoses,mais ilestclairqueCallum
est embarrassé et mécontent que Dinah ait amené Brooke et un autreavocatavecelle.
Callums’assiedàcontrecœurdanslesofatandisqueBrookeetDinahs’installent en face de nous. Puis les avocats s’asseyent sur différenteschaises, pendant que celui qui est derrière le bureau, leGrier deGrier,GrayetDevereaux,remuequelquespapiersets’éclaircitlavoix.
– Voici les dernières volontés et le testament de Steven GeorgeO’Halloran,commence-t-il.
L’hommede loiauxcheveuxgrisénumèreensuite touteune listedetrucs légaux à propos de legs à diverses personnes dont je n’ai jamaisentenduparler,dedonsd’argentàdesbonnesœuvres,etquelquechoseausujetd’uneassuranceviepourDinah.Sonavocatsemetàfroncerlessourcils. Ce n’est pas bon signe pour Dinah. Il y a aussi des donssubstantielspourlesfilsdeCallum,aucasoù–etl’avocattousseunboncoupavantdelirecetteligne–«Callumaitdépensétoutesafortuneenalcooletenblondesavantquejemeure».
Callumsecontentedesourire.«Etquelsquesoient leséventuelsproblèmes juridiquessoulevéspar
mamort,jelaisse…»Je suis trop occupée à me demander ce que peuvent bien être ces
problèmesjuridiquespourécouterlerestedelaphrasedeGrier,ducoupjesursautelorsqueDinahpousseunhurlementoutragé.
–Quoi?Non!Jenelaisseraipasfaireça!JemepencheversCallumpouravoiruneexplicationdecequevient
dedire l’avocat et je suis stupéfaitepar sa réponse.Apparemment, c’estmoi le problème juridique. Steve m’a laissé la moitié de sa fortune,quelque part à hauteur de… Je me sens mal quand Callum me dit lechiffre.Putaindemerde.Lepèrequejen’aijamaisrencontrénem’apaslaissédesmillions.Ilnem’apaslaissédesdizainesdemillions.
Ilm’alaissédescentainesdemillions.Jevaistomberdanslespommes.C’estsûr.–Etunquartdel’entreprise,ajouteCallum.Lesactionsserontmisesà
tonnomlorsquetuaurasvingtetunans.À l’autreboutde lapièce,Dinahse lèved’unbond,vacillant sur ses
talonsaiguillevertigineuxenseretournantpourdévisagerlesavocats.–C’étaitmonmari!Toutcequiluiappartenaitestàmoi,etjerefuse
departageraveccettetraînéequin’estpeut-êtremêmepassafille!–LetestADN…commenceCallum,trèsencolère.– Ton test ADN ! lui renvoie-t-elle à la figure. Et nous savons tous
jusqu’où tu es capable d’aller lorsqu’il s’agit de protéger ton précieux
Steve ! (Elle se retournevers lesavocats.)J’exigeunautre test,qui soiteffectuépardesgensquejechoisiraimoi-même.
Grierhochelatête.–Nousseronsheureuxdesatisfairevotrerequête.Votremarialaissé
plusieurséchantillonsd’ADNquisontconservésdansunlaboratoireprivéàRaleigh.Jemesuismoi-mêmeoccupédel’enregistrement.
L’avocatdeDinahpoursuitsuruntonrassurant:– Nous allons faire un test comparatif avec Mademoiselle Harper
avantdepartir.Jepeuxsuperviserlachose.Lesadultescontinuentàdiscuteretàsequereller,pendantquemoi,je
reste assise, abasourdie. Mon esprit n’arrête pas de tourner autour desmots « centainesdemillions ».C’est plusd’argent que je n’en ai jamaisrêvé,etquelquepart,jemesenscoupabled’enhériter.JeneconnaissaispasSteve.Jeneméritepaslamoitiédecetargent.
Callum remarquemondésarroi etme serre lamain,pendantque labouchedeBrookesetorddedégoût.J’ignore lesregardshostilesqu’ellem’envoieetjemeconcentresurmarespiration.
JeneconnaissaispasSteve.Ilnemeconnaissaitpas.Maisassiselà,àtenterd’encaisserlechoc,jemerendssoudaincomptequ’ilm’aimait.Ouque,dumoins,ilvoulaitm’aimer.
Et mon cœur saigne de n’avoir jamais eu la chance de pouvoir luirendresonamour.
1.CélèbrerestaurantfrançaisàBridgehampton.
CHAPITRE34
Des heures après la lecture des dernières volontés, je suis encorecommeanesthésiée.Complètementchamboulée.Jenesaispasquoifairedecettebouledouloureusequej’aidansleventre,alorsjemepelotonnedansmonlitetj’essaiedemeviderlatête.Jem’interdisdepenseràSteveO’Halloranetaufaitquejeneleconnaîtrai jamais.Jenepensepasauxmenacesdeprocès queDinahaproférées contreCallumetmoi lorsquenous avons quitté le cabinet d’avocats, auxmots violents que Brooke ahurlés àCallumquand il a refusédedîner avec ellepour «parler ». Jesupposequ’elleveutlerécupérer.Çan’ariend’étonnant.
Reed finit par entrer dans ma chambre. Il ferme la porte, puis merejointsurlelitetmeprenddanssesbras.
–Papanousademandédetelaissertranquilleunmoment.Alors,jet’ailaissédeuxheures.Maisc’estterminé.Parle-moi,bébé.
J’enfouismonvisagedanssoncou.–Jen’aipasenviedeparler.–Qu’est-cequis’estpasséchezlesavocats?Papan’apasvoulunous
direquoiquecesoit.Merde, iladécidédemefaireparler.Engrognant, jem’assiedset je
croisesonregardpréoccupé.– Je suis multimillionnaire, dis-je tout de go. Pas juste une bonne
vieillemillionnaire de base,mais unemultimillionnaire. Çame fout lesjetons.
Ilsourit.–Jesuissérieuse!Qu’est-cequejevaisbienpouvoirfairedetoutce
fric?–Investis-le.Donnes-enauxbonnesœuvres.Dépense-le.Reedserapproche.–Tupeuxfairetoutcequetuveux.–Je…neleméritepas.Laréponsearriveavantquejepuissel’empêcher,etl’instantsuivant,
toutesmesémotionsremontentà lasurface.Je lui raconte la lecturedutestament, la réaction de Dinah, et que j’ai réalisé que Steve meconsidérait commesa fillemêmes’ilnem’avait jamais rencontrée.Reedne fait aucun commentaire pendant tout mon long discours, et jecomprendsquec’estcequej’attendaisdelui.Jen’aipasbesoind’avisoudeconseils,j’aisimplementbesoinqu’onm’écoute.
Quand je finisenfinparme taire, ilm’embrasse,un longetprofondbaiser,etlaforcedesoncorpscontrelemienapaisemonanxiété.
Ses lèvresparcourentmoncou, la lignedemamâchoire,majoue.Àchaquebaiser,jel’aimeunpeuplusfort.C’estunsentimentterrifiant,quiselogedansmagorgeetdéclenchechezmoiuneénormeenviedefuir.Jen’ai jamais aimé avant. J’aimais ma mère, mais ce n’est pas la mêmechose. Ce que je ressens à présent me… consume. C’est chaud,douloureuxetpuissantetçaremplitmoncœur,çapulsedansmesveines.
ReedRoyalestenmoi.C’estuneimage,mais,ohmonDieu,j’aienviequecesoitaussilaréalité.J’aienviedeluietjevaisl’avoir,etmesmainsdeviennentfrénétiqueslorsqu’ellestententd’ouvrirsabraguette.
–Ella,grogne-t-ilenmeprenantlesmains.Non.–Si,jeluimurmuredanslabouche.J’enaienvie.–Callumestlà.Cerappel,c’estcommesijerecevaisunseaud’eauglacéesurlafigure.
Son père pourrait frapper à ma porte n’importe quand, et il le feraprobablement. Je sais que Callum a senti à quel point j’étais perturbéequandnoussommesrentrésàlamaison.
Mevoilàtotalementfrustrée.–Tuasraison.Onnepeutpas.Reedm’embrasseànouveau, ilm’effleuresimplementles lèvresavec
tendresseavantdeserelever.– Est-cequeçavaaller?Eastonetmoi,onétaitcenséssortirboire
quelquesbièresavecdespotesdel’équipedefoot,maisjepeuxannulersituveuxquejereste.
– Non,çava,vas-y.Jedoisencoredigérerpource fric, jeneseraissansdoutepasd’agréablecompagniecesoir.
–Jeseraideretourdansuneheureoudeux,mepromet-il.Onpourraregarderunfilmouuntrucdugenresituestoujoursréveillée.
Après son départ, jeme remets en boule et je finis parm’endormirpendantdeuxheures,cequivacomplètementperturbermonrythmedesommeil.C’estlasonneriedutéléphonequimeréveille.Jem’inquièteendécouvrant le numéro de Gideon qui s’affiche sur mon écran. J’ai lesnumérosdetouslesfrères,maisGideonnem’ajamaisappelée.
Jeréponds,encoreunpeudanslesvapes.–Hé?–Quoideneuf?Tuesàlamaison?Sa réponse est pour lemoins laconique. Je suis immédiatement sur
mesgardes.Iln’aprononcéquequatremots,maisjedécèlequelquechosedanssavoixquimefaitpeur.Ilestencolère.
–Ouais,pourquoi?–Jesuisàcinqminutesdelà…Vraiment?Un lundi?Gideonne rentre jamaisde la facpendant la
semaine.–Onpeutallerfaireuntourenvoiture?J’aibesoindeteparler.Jememetsillicoàfroncerlessourcils.–Pourquoionnepeutpasparlerici?–Parcequejeneveuxpasquequelqu’unpuissenousentendre.Je m’assieds dans mon lit. Sa demande me met mal à l’aise. Bien
entendu, il ne va pas me trucider sur le bord de la route, mais me
demanderdevenirfaireuntour,c’esttrèsétrange,surtoutdelapartdeGideon.
– C’estàproposdeSavannah,ok?murmure-t-il.Et jeveuxqueçaresteentretoietmoi.
Jemedétendslégèrement.Maispastotalement.C’estlapremièrefoisqueGideonmeparledeSavannah.JenesuisaucourantdeleurhistoirequeparEaston.Maisjedoisreconnaîtrequejesuisterriblementintriguée.Jeréponds:
–Onseretrouvedehors.Son gros SUV m’attend déjà dans l’allée lorsque je descends les
escaliers extérieurs. Je grimpe sur le siège passager et Gideon démarresans dire unmot. Son visage, de profil, semble demarbre, ses épaulessonttendues.Etilrestesilencieuxjusqu’aumomentoùilsegaresurunepetiteplacecinqminutesplustardetqu’ilcoupelemoteur.
–TubaisesavecReed?Jerestebouchebée.Moncœursemetàbattreàtoutevitesse.Jene
m’attendaispasàceregardfurieux.–Hum…Je…Non,jebalbutie.C’estlavérité.–Maisvousêtesensemble,insisteGideon.Voussortezensemble?–Pourquoiest-cequetumedemandesça?–J’essaied’estimerlesdégâtsquejevaisdevoircontrôler.Desdégâtsàcontrôler?Maisqu’est-cequ’ilveutdire,bonDieu?–OnnedevaitpasparlerdeSavannah?jedemandeavecdifficulté.–Ils’agitdeSavannah.Etdetoi.EtdeReed.Sarespirationsemblemalaisée.–Quoiquetusoisentraindefaire,tudoisarrêter.Dèsmaintenant,
Ella.Tudoisymettrefin.Monpoulss’accélèreencore.–Pourquoi?Ilpasseunemaindanssescheveux,cequiluifaitbaisserlégèrement
la tête.Monattentionestattiréeparune légèremarquerougedans son
cou.Ondiraitunsuçon.–Reedesttaré,dit-ild’unevoixrauque.Ilestaussibousilléquemoi,
etécoute-moibien,tuesunechouettefille.Ilyad’autrestypesàAstor.Reedvabientôtpartirenfac.
Les paroles de Gideon se précipitent, c’est une suite de phrases quin’ontaucunsens.
–JesaisqueReedestperturbé,jecommenceàdire.– Tu n’as pas idée à quel point, pas idée du tout, m’interrompt-il.
Reedetmoi,etmonpère,onaçaencommun.Onfoutenl’airlaviedesfemmes.Onlesembarquejusqu’auborddelafalaiseetonlesfaitsauter.Tuesquelqu’undebien,Ella.MaissiturestesicietquetucontinuesavecReed,je…
Ils’interrompt,ilrespireavecpeine.–Tuquoi?Ilagrippesiviolemmentsonvolantquesesarticulationsblanchissent,
maisilnemedonneaucuneexplication.–Tuquoi,Gideon?–Il fautquetuarrêtesdeposerdesquestionsetquetutemettesà
écoutercequ’ontedit,aboieGideon.Arrêteçaavecmonfrère.Tupeuxêtrecopineaveclui,commetul’esavecEastonoulesjumeaux.Maisnetelancepasdansunerelationamoureuseaveclui.
–Etpourquoipas?– Bon sang, tu es toujours aussi chiante ? J’essaie de te sauver, de
t’éviterd’avoirlecœurbriséoudetefiniravecuneboîtedesomnifères,finit-ilparexploser.
Oh!Jecomprendsàprésent.Samères’estsuicidée…OhmonDieu,est-cequeSavannahafaitunetentative,elleaussi?
Reedetmoi,onadépasséceproblème,maisjenesuispassûrequeGideonsoitprêtàentendreça.Etj’imaginequ’ilnevapaslâcherl’affairesi jen’acceptepas sademande ridicule.Bon, trèsbien. Jevaisaccepter.Reed etmoi, on se cachedéjà deCallum.Onpourra tout aussi bien secacherdeGideon.
–Okay.Jeme penche en avant et je pose unemain sur la sienne en signe
d’apaisement.–JevaisrompreavecReed.Tuasraison,ons’amuseensemble,mais
cen’estpasvraimentsérieux.Jemens.Ilsepasseunemaindanslescheveux.–Tuenessûre?Jehochelatête.–Reeds’entape.Ethonnêtement,siçateprendtroplatête,jesuis
sûrequ’ilserad’accordpourreconnaîtrequeçan’envautpaslapeine.JeserrelamaindeGideon.–Relax,okay?Jeneveuxpasfoutreenl’airlabonneambiancede
cettemaison.Çanemeposepasdeproblèmesd’arrêter.Gideonsedétend,ilpousseunlongsoupir.–Okay.Bon.J’ôtemamain.–Onpeutrentreràprésent?Siquelqu’unpassedanslecoinetnous
voitgaréslà,demainàl’école,lamachineàrumeursvas’emballer.Ilrigoledoucement.–C’estvrai.Je tourne la tête vers l’extérieur pendant qu’il démarre. Nous ne
parlonspaspendantlecheminduretouret ilnedescendpasdevoiturelorsqu’ilmedépose.
–Turentresàlafac?–Ouais.Il démarre en trombe,mais je ne sais pas pourquoi, je ne crois pas
qu’il retourneà l’université.Dumoinspas ce soir. Je suis égalementunpeudéboussoléepar sademandedéliranted’éviter toute relation intimeavecReed.
EnparlantdeReed, saRover est garéedevant le garage, ce quimeréconforte un peu. Il est de retour. Et toutes les autres voitures sontparties,mêmela limousine,cequisignifiequenousallonsêtreseuls.Je
medépêched’entreretjegrimpelesescaliersquatreàquatre.Arrivéeenhaut, jetourneàdroite,vers l’aileOuest.Toutes lesportessontgrandesouvertes, à l’exception de celle de la chambre de Reed. Les jumeaux etEastonsontinvisibles,etmachambreestvide,elleaussi.
JenesuisencorejamaisalléedanslachambredeReed.C’esttoujoursluiquivientmevoir,maiscesoir,jenevaispasattendrequ’ilseramène.Gideonm’a vraiment secouée, et Reed est le seul qui puisse m’aider àcomprendrelecomportementétrangedesonfrère.
J’arrivedevantsaporteetjelèvelamainpourfrapper,maisavecunpetitsourirejemedisquepersonnedanscettemaisonnefrappejamaisàma porte. Et je décide de rendre à Reed lamonnaie de sa pièce. C’estpuéril,jesais,maisj’espèrelefairesursauterassezpourqu’ilcomprennequec’estimportantdefrapperavantd’entrerquelquepart.
J’ouvrelaported’uncoup.–Reed,je…La suite reste coincée dansma gorge. Je trébuche, jem’arrête et je
pousseuncridesurprise.
CHAPITRE35
Les vêtements jonchent le sol, commed’obscènes signes depiste. Jesuiscettepistedesyeux.Desescarpinsàtalonsaiguillegisentsurlecôté.Deschaussuresdesports’yintercalent.Unechemise,unerobe,dessous-…
Jefermelesyeux,commepoureffacer les images,maisquandje lesrouvre, rienn’achangé. Ilyades trucsendentellenoire,des trucsquejamais jeneporterais, qui semblent avoir été jetéspar terre juste avantqueleurpropriétairenesejetteelle-mêmesurlelit.
Monregardremonteverslehaut,glissesurdesmolletsmusclés,desgenoux, par-dessus une paire de mains fermement serrées l’une contrel’autre.Au-dessusdesonventrenuettendu,jem’arrêteuninstantsursapoitrine,làoùsoncœurestcensésetrouveret,enfin,jeleregardedanslesyeux.
–OùestEaston?jedemandeàbrûle-pourpoint.Mon cerveau rejette cette scène. Je superpose une autre histoire à
celle que j’ai devant les yeux. Une histoire où j’aurais déboulé dans lachambre d’Easton, où Reed, l’esprit embrumé par l’alcool, se seraitintroduitparerreur,luiaussi.
Mais Reed se contente de me fixer d’un regard glacé, comme si jen’avaispasàluiposerdequestions.
Reednesortirait jamaisavecquelqu’un, j’entendsValmemurmureràl’oreille.Désespérée,jeluilance:
–Etlestypesavecquitudevaissortirboiredesbières?J’offreàReedtoutesleschancespossiblesdemeraconterautrechose
quecequej’aidevantlesyeux.Raconte-moiunbobard,putain!Maisilresteobstinémentmuet.Derrièrelui,Brookeselèvecommeunfantôme,etlaterres’arrêtede
tourner.Letempss’étirelors-qu’ellesemetàcaresserledosdeReed,sesépaules,avantdeposerenfinunemainmanucuréesursapoitrine.
Évidemment,elleestnue.ElleembrasseReeddanslecou,toutenmeregardant.Etilnebougepas.Pasunseulmuscle.
–Reed…Sonnomn’est plus qu’un chuchotement, une griffuredouloureuse à
traversmagorge.–Tondésespoiresttrèstriste.(LavoixdeBrookesonnecommeune
erreurdanscettechambre.)Tudevraispartir,àmoinsque…Elleétendunejambenueetl’enrouleautourdeshanchesdeReedqui
porteencoresonbasdejoggingencotonblanc.–Àmoinsquetuaiesenviederegarder?Dansmagorge, ladouleuraugmentealorsqu’elle reste lovéecontre
luietqu’ilnefaitaucuneffortpourlarepousser.Samaindescendlelongdesonbrasetquandelleatteintsonpoignet,
ilbougelégèrement.C’estunmouvementimperceptible.Jeregardeavecterreursesdoigtsglissersursesabdos,etavantqu’ellepuisseattrapercequi, je commençais à le croire, m’appartenait, je fais demi-tour et jem’enfuis.
J’aieutort.Tortàproposdetellementdechosesquejen’arrivepasàlesénumérer.
Commenousn’arrêtionspasdedéménager,j’aicruquej’avaisbesoinderacines.Quandleénièmepetitcopaindemamans’estmisàvraimentmereluquer,jemesuisdemandésij’avaisbesoind’unefigurepaternelle.Quand j’étais toute seule la nuit pendant qu’elle travaillait de longuesheures épuisantes comme serveuse, comme strip-teaseuse et Dieu sait
quoid’autre,pourpouvoirmenourriretm’habiller,jepriaispouravoirdel’argent.
Etmaintenant,j’aitoutcelaetc’estencorepirequ’avant.Je cours dans ma chambre et je remplis mon sac à dos avec mon
maquillage, mes deux paires de jeans skinny, cinq tee-shirts, des sous-vêtements,lecostumedestrip-teasedeMissCandyetlarobedemamère.
Jeretiensmeslarmesparcequepleurernevapasmefairesortirdececauchemar.
Unpiedaprèsl’autre.Ilrègneunsilencedemortdanslamaison.L’échodeséclatsderirede
Brooke lorsque je luiavaisditqu’ilyavaitunhomme justeetbondanscettemaisontourbillonnedansmoncrâne.
J’imagine Brooke avec Reed. Sa bouche sur elle, ses doigts qui latouchent.Une fois à l’extérieur, je titubeet jememetsàvomir. L’acideremplitmabouche,maisjepoursuismonchemin.Lavoituredémarreauquartdetour.Jepasseunevitesseet,lesmainstremblantes,jedescendsl’allée. J’espère encore cette scène de cinéma pendant laquelle Reed vasortirdelamaisonencourant,enmecriantderevenir.
Maisçan’arrivepas.Iln’yapasderetrouvaillessouslapluie,etleseulliquide,cesontmes
larmesquejenepeuxretenirpluslongtemps.LavoixmonocordeduGPSmeguideversmadestination.Jecoupelemoteur,jesorslespapiersdelavoitureetjelesglissedansmonlivred’Auden.Audenaécritquelorsquelegarçontombeduciel,calamitéaprèscalamité, ila toujoursunavenirpossiblequelquepartetqu’ilnesertàrienderuminersursaperte.Maisa-t-ilconnuunesouffrancecommelamienne?Aurait-ilécritcelas’ilavaitvécumavie?
Je pose mon front sur le volant. Mes épaules sont secouées desanglots, et j’ai à nouveau des haut-le-cœur. Je sors en vacillant de lavoitureetc’estsurdesjambeschancelantesquejemedirigeverslagareroutière.
– Ça va, ma p’tite ? me demande la préposée, l’air inquiet. (Sagentillessemetiredenouveauxsanglots.)Jeluimens:
–Magrand-mèrevientdemourir.–Oh,jesuisdésolée.Alors,tuvasàsesfunérailles?Je hoche la tête en signe d’acquiescement. Elle tape sur son
ordinateur.Sesongleslongsclaquentsurleclavier.–Aller-retour?–Non,cen’estpaslapeine.Jenecroispasquejerentrerai.Elleposesesmainssursonclavier.–Tuessûre?Unaller-retour,c’estmoinscher.–Iln’yaplusrienpourmoiici.Riendutout,jerépète.Jecroisquec’estàcausedel’angoissequ’ellelitdansmesyeuxqu’elle
arrête de me poser des questions. Elle imprime silencieusement monbillet.Jeleprendsetjegrimpedanslecarquinem’emmènerapasassezloin,assezvite.
ReedRoyalm’adétruite.Jesuistombéeducieletjenesuispassûredepouvoirmerelever.Pascettefois.
Remerciements
Lorsquenousavonsdécidédemettreencommunnosidéesetd’écrireensemblecelivre,nousnenousdoutionspasqu’ilallaitdevenirtellementaddictif,quenousallionsdevenircomplètementaccroauxpersonnagesetà l’univers quenous avions créés.Dès le tout début, l’élaborationde ceprojet fut un réel plaisir, mais nous n’aurions pas été capables de leconcrétisersansl’aidedesquelquespersonnesformidables:
Nospremièreslectrices,Margo,ShaunaetNina,quinenousdétestenttoujourspas,malgrél’horriblesuspenseàrépétitionquenousleuravonsfaitvivre.
Notre attachée de presse, Nina, et son enthousiasme contagieux etpermanentpourceprojet.
MeljeanBrooks,pouravoircrééunconceptdecouverturequis’adaptesimerveilleusementàcettesérie!
Et, bien sûr, nous sommes pour toujours redevables à toutes lesblogueuses, les critiques et les lectrices qui ontpris le tempsde lire, derelateretdes’extasiersurcelivre.C’estvotreappuietvotreretourquiontfaitdetoutceprocessusuneaventurepassionnante!
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Ellareviendra-t-elleaumanoirRoyal,remplideproblèmesroyaux,oubienReedl’a-t-ilperduepourdebon?Etêtes-vouscurieusedesavoirquiditcecidansLeprincebrisé?
« Tu es sublime et tellement bandante qui si je reste ici pluslongtemps,tavirginitévaseretrouverparterre,quelquepartpasloindelaculottequetuportaishier.»
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Àproposdel’auteur
ErinWattestnéeducerveaudedeuxauteursàsuccèsquipartagentun même amour pour les super-livres et une véritable addiction àl’écriture. Toutes deux possèdent une imagination débordante decréativité. Leur plus grand amour (après leur famille et leurs animauxdomestiques,bienentendu)? Inventerdes idéesdrôlesetparfois folles.Leurplusgrandecrainte?Arrêterdelefaire.
Vouspouvezlescontactersurleurmessageriecommune:authorerinwatt@gmail.com
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