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Mémoire de Master en Architecture, sur le thème de l'Architecture et la Décroissance en tant que vision politique. Il s'agit d'une première approche sur les caractéristiques d'une architecture qui oeuvre en faveur de la Décroissance.
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« Architecture & Décroissance »
Ou comment l’architecte peut-il ‘construire’ la décroissance ?
3
5 Introduction
La Décroissance, pourquoi?
7 Société de croissance
7 Les limites
8 Vers un nouveau modèle de société
9 Implication de l’architecte
10 Vers un nouveau type d’architecture ?
Décroissance : du projet politique à l’architecture
11 Reconceptualiser
12 Restructurer
12 Relocaliser
13 Réduire
14 Recycler
Etude de cas : Détroit, Shrinking City
15 Bref historique
16 La décroissance à l’échelle urbaine
17 Analyse de trois exemples
15 Powerhouse Productions
22 Brightmoor Vetal School
26 Klinger Street Charlie O’Geen
Construire la Décroissance
29 Une architecture de processus
31 Une approche Bottom-up
34 Une nouvelle échelle d’intervention
35 Conclusion
5
Dans ce mémoire je souhaite aborder la notion d’architecture
engagée, c’est-à-dire une architecture en prise avec un modèle de
société, une architecture porteuse d’idéologie politique. Nous
sommes de toute évidence en période de crise, qu’elle soit
économique, sociale ou politique. Les conjonctures de crises ont
toujours amené les populations à remettre en cause le système, du
moins à le requestionner au regard d’un nouveau contexte connu.
L’architecte a un rôle déterminant à jouer dans ce changement
puisqu’à sa manière, il contribue à façonner le nouveau visage de
cette société. Je prends le parti dans ce mémoire de m’intéresser à
l’un des mouvements alternatifs qui émergent face à la situation
actuelle : la Décroissance.
Pourquoi ce choix ? Tout d’abord parce que les décroissants, ou
objecteurs de croissance, sont parmi les seuls à souhaiter relever le
défi d’une transition économique et sociale, mais aussi parce que les
objectifs de la décroissance semblent dès aujourd’hui trouver un
écho dans les initiatives citoyennes naissantes. Cette utopie modeste
basée sur le paradigme de la décroissance a pour plus grand défi le
changement des mentalités, et donc de nos modes de
fonctionnement. Comment l’architecte peut prendre part à ce
mouvement ? En quoi l’architecture s’en trouve changée ? Voilà la
réflexion qui me guide et m’intéresse dans ce travail.
En premier lieu, nous expliciterons le contexte du mouvement de la
Décroissance, en précisant d’où il vient et les enjeux qu’il intègre.
Nous définirons ensuite un certain nombre de critères
caractéristiques d’un projet décroissant, notamment dans son
application au domaine de l’architecture. Pour illustrer ces critères,
nous étudierons le cas particulier de Détroit, comme l’opportunité
d’analyser des projets d’architecture en situation économique de
décroissance. Et enfin, fort de cette analyse, nous tenterons de
dégager ce qui pourraient être les axes majeurs de développement
d’une architecture de la Décroissance.
7
Société de croissance
Nous vivons actuellement dans une société dite ‘de croissance’. Qu’est-ce-que signifie le mot
croissance ? Il est nécessaire de distinguer deux types de croissance liés à une société : d’une part la
croissance comme phénomène, et d’autre part la croissance comme 'religion'. Où se situe la
différence ? Paul Ariès1 illustre cette distinction grâce à certains exemples de civilisations passées. Il
évoque notamment la France du Moyen-Âge ou bien la civilisation incas comme deux exemples de
société ayant connu la croissance sans pour autant l’idéaliser. Dans notre société actuelle, la
croissance est au contraire vécue comme croyance, comme un paradigme. Cette idéologie est
apparue au début du 19ème siècle avec la révolution industrielle. La croissance est rendue possible
grâce à deux éléments clefs : d’une part la découverte des ressources terrestres en énergies fossiles
(charbon, pétrole, gaz…), et d’autres part le mythe du progrès2 scientifique. L’ère industrielle marque
ainsi le début de la société de production et de consommation. Cette idéologie de la croissance est le
propre des pays occidentaux. Le travail et le capital, principaux facteurs de cette croissance,
deviennent les moteurs de l’économie3, on parle du capitalisme. Dans les années 40, en contexte de
guerre froide, le président des Etats-Unis Truman introduit pour la première fois en politique le
terme de ‘development’. Conforme à l’idéologie de croissance, le développement caractérise le
degré d’avancement d’un pays, c’est-à-dire sa capacité à accroître sa production et ses richesses. La
volonté politique est donc de produire ‘toujours plus’ puisque la croissance est à l’origine même de la
hausse du niveau de vie. Erigé en symbole de cette société, le Produit Intérieur Brut (PIB) devient en
1930 l’indicateur principal de la bonne santé d’un pays. Basé sur la mesure des richesses, il met en
avant la prépondérance du domaine économique face aux critères sociaux. Aujourd’hui, la croissance
économique est devenue un processus fondamental de notre modèle sociétal, puisqu’il assure la
survie de notre système économique (le principe de l’argent-dette).
Les limites du modèle et l’émergence de mouvements alternatifs
Depuis la fin du 20ème et l’arrivée du 21ème siècle, il émerge cependant un certain nombre de
déséquilibres d’ordre économique, social et environnemental. Les deux premiers chocs pétroliers de
1973 et 1978 sont les premiers signes des limites de notre planète et de la raréfaction des matières
premières. Quelques années auparavant, Kenneth Boulding, grand économiste, s’écriait déjà « Celui
qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini, est soit un fou, soit un économiste 4».
1 Paul Ariès est un politologue français, intellectuel de référence du courant de la décroissance et de l’écologie politique.
Les exemples cités sont tirés de : La décroissance : un nouveau projet politique, Villeurbanne, Ed. Golias, 2007
2 Le mythe du progrès est une notion introduite par Nicolas de Condorcet à la fin du 18è siècle.
3 Le travail et le capital sont définis comme les deux principaux facteurs de production dans l’ouvrage de Joseph
Schumpeter, Histoire de l’analyse économique, Paris, Gallimard, 1983
4 Kenneth Boulding est un économiste américain qui a beaucoup étudié l’économie de façon transdisciplinaire, en
l’associant toujours à d’autres phénomènes. La citation est tirée de The Economic of Knowledge and the Knowledge of
Economics, American Economic Review, 1966
On assiste progressivement à une prise de conscience de la crise écologique. L’année 1972 marque le
premier rassemblement international pour l’écologie lors du Sommet de Stockholm. Parallèlement,
certains économistes, sociologues, penseurs, etc s’organisent et sont à l’origine de mouvements de
pensée alternatifs. Leur point commun est la remise en cause du modèle de croissance. Parmi ces
nouveaux détracteurs de la croissance, on retiendra Ivan Illich le fondateur de l’écologie politique qui,
au travers de ses ouvrages, prône le « vivre autrement pour vivre mieux 5». Tout aussi important, et
s’inscrivant dans la même mouvance alternative, Georgescu Roegen, mathématicien-philosophe
roumain condamne le modèle économique actuel en se basant sur les théories de la
thermodynamique6. Il démontre physiquement la non-viabilité du système économique basé sur la
croissance en raison de la non-considération des enjeux environnementaux (la loi de l’entropie). En
1972, le club de Rome7 publie son premier rapport ‘The Limits to Growth’ ou ‘Halte à la croissance’.
Dans ce document, ils dénoncent les méfaits la société productiviste au nom d’une prise de
conscience de la pénurie des ressources énergétiques et des conséquences du développement
industriel sur l’environnement.
Ultimement, Jacques Godbout intellectuel des sciences sociales soulève dans un de ces livres la
question : « La croissance est-elle la seule issue à la crise de la croissance ? ». Ne serait-il finalement
pas nécessaire de corriger notre modèle de société. Albert Einstein nous rappelle à ce propos qu’
« On ne résout pas un problème avec les modes de pensées qui l’ont engendré ».
Vers un nouveau modèle de société
La période de crise actuelle, dont on ne parvient pas réellement à sortir, nous permet finalement de
réinventer de nouveaux modèles. Plusieurs théories émergent actuellement des milieux alternatifs
de politiciens, tout comme de citoyens. L’une d’elles s’avère être cependant la plus radicale dans le
sens où elle semble être la seule à envisager la sortie d’un modèle de croissance. Il s’agit de la
Décroissance. Cette théorie renferme le projet audacieux d’opérer une transition économique,
écologique et sociétale. Serge Latouche économiste-politicien français, parmi les leaders du
mouvement décroissant déclare :
« Mot d’ordre des gouvernements de gauche comme de droite, objectif affiché de la plupart des
mouvements altermondialistes, la croissance constitue-t-elle un piège ? Fondée sur l’accumulation
des richesses, elle est destructrice de nature et génératrice d’inégalités sociales. « Durable » ou
« soutenable », elle demeure dévoreuse du bien-être. C’est donc à la décroissance qu’il faut travailler :
5 L’ouvrage majeur d’Ivan Illich duquel est tiré cette citation est La Convivialité, Ed. Seuil, 1973
6 La thermodynamique est une science qui étudie les corrélations entre la thermique et la mécanique. Elle est régie par
deux lois principales. La première est la loi de conservation, elle indique que la quantité d’énergie dans l’univers reste
constante. La seconde loi découverte plus tardivement est l’entropie, elle démontre que la quantité d’énergie, certes
constante, se transforme peu à peu en énergie non réutilisable. Le modèle économique actuel se basant sur la mécanique
Newtonienne, ne considère que la première de ces lois.
7 La Club de Rome, fondé en 1968, est un groupe de réflexion non gouvernemental transdisciplinaire composé
d’économistes, d’indutriels, d’urbanistes… Ces conclusions sont d’autant plus révélatrices que certains gros établissements
bancaires faisaient partie de ses rangs.
9
à une société fondée sur la qualité plutôt que sur la quantité, sur la coopération plutôt que la
compétition, à une humanité libérée de l’économisme et se donnant la justice sociale comme
objectif. 8»
A ceux qui qualifierons ce projet d’utopiste, l’architecte Lucien Kroll répond que « la décroissance
n’est pas un projet mais un fait indéniable qu’il est nécessaire de rendre soutenable ». Qui sont
finalement les utopistes, entre ceux prônent une croissance infinie dans un monde limité et ceux qui
choisissent de vivre modestement, se satisfaisant de ce que la Terre peut nous offrir de façon durable.
Il faut cependant comprendre que le terme de décroissance est davantage un slogan, un ‘mot-obus’9
destiné à éveiller les consciences. Les objecteurs de croissance s’accordent pour dire qu’il serait plus
correct de parler d’a-croissance. En quoi cela consiste réellement ? Au-delà du changement des
mentalités, Serge Latouche suggère la méthode systématique des cinq ‘R’ : Reconceptualiser,
Restructurer, Relocaliser, Réduire et Recycler. Chacun de ces cinq objectifs sont susceptibles
d’enclencher le cercle vertueux d’une ‘décroissance sereine, conviviale et soutenable’. Le Projet Local
d’Alberto Magnaghi s’inscrit également dans cette démarche lorsqu’il nous parle de reterritorialiser
le projet10. La décroissance est également une thématique plus largement abordée au Canada et
notamment au Québec. On parle outre-Atlantique de la décroissance conviviale, de la simplicité
volontaire, ou encore de la sobriété heureuse. L’objectif est de se recentrer sur les valeurs
essentielles, en réévaluant ses besoins. La philosophie générale des décroissants s’apparente en bien
des points à celle de l’épicurisme. Epicure assure en effet que pour éviter la souffrance et donc
assurer son bien-être, il faut éviter les sources de plaisir qui ne sont ni naturelles ni nécessaires.
Implication de l’architecte
La décroissance est un modèle de société qui s’apparente à une vision politique. En quoi s’applique-t-
il au champ architectural ? L’architecte fait partie intégrante de la dynamique politique. Le terme
politique provient du grec politikos, qui signifie ‘donner un cadre à une société organisée et
développée’11, ainsi que du préfixe polis signifiant ‘la cité’. Ces deux définitions témoignent de
l’implication directe de l’architecte dans la politique, puisqu’il contribue à la conception de la cité et
que ses projets apportent un cadre physique et concret à ses habitants. Christophe Laurens, sans
juger de la qualité de l’architecture contemporaine affirme que « L’architecture telle que nous la
pratiquons aujourd’hui est sans doute l’expression la plus matérielle et la plus éclatante de la logique
productiviste des sociétés industrielles12 ». En cela, il est du devoir de l’architecte de repenser son
rôle au sein d’une société qui se voudrait décroissante. Cependant, il semble communément admis
que le résultat final du travail de l’architecte est la construction, un ‘objet à la réalité physique et
matérielle’. On pourrait ainsi voir son action comme contradictoire à l’idéologie de la décroissance.
8 Serge Latouche, Le pari de la décroissance, Ed. Fayard, 2006
9 Défini comme tel par Paul Ariès dans La décroissance : un nouveau projet politique, Villeurbanne, Ed. Golias, 2007
10 Alberto Magnaghi, Le projet local, Ed. Mardaga, 2003
11 Dictionnaire des sciences politiques, Ed. Sirey, 2010
12 Christophe Laurens, dans son article Architecture : la fin du productivisme au sein du manifeste
AlterarchitecturesManifesto, Ed. Golias, Villeurbanne, 2012
Dans son texte sur le junkspace13, Rem Koolhaas constate que « nous avons construit davantage que
toutes les générations antérieures réunies […] mais d’une certaine manière nous ne jouons pas dans
la même cour. Nous ne laissons pas de pyramides. » Le constat que dresse Rem Koolhaas sur
l’architecture contemporaine est porteur de réflexion : malgré la quantité invraisemblable de
bâtiments construits à notre époque, aucun d’entre eux ne semble présenter une durabilité similaire
aux œuvres du passé. Tous ces éléments mettent en avant le rôle prépondérant de l’architecte dans
la société, ainsi que la ligne idéologique dans laquelle son œuvre vient s’inscrire.
Vers un nouveau type d’architecture ?
La décroissance semble a priori contradictoire au travail de l’architecte. Une architecture
décroissante est en effet difficile à cerner, elle génère un paradoxe à l’origine de nombreux
questionnements. Dans quelle mesure peut-on parler d’architecture décroissante ? En quoi le travail
des architectes peut-il servir la décroissance ? Ces interrogations commencent à germer dans le
domaine de l’architecture, et plus particulièrement dans les régions d’ores et déjà victimes des
limites du modèle de la croissance. Sans forcément revendiquer l’utopie de la décroissance, certains
architectes œuvrent en ce sens dans leur remise en cause du projet architectural conformiste. En
2012, l’observatoire des processus architecturaux et urbains innovants en Europe a publié un
ouvrage intitulé Alterarchitectures Manifesto. Comme son titre l’indique, il s’agit de développer une
philosophie architecturale ou urbaine alternative, c’est-à-dire non conformiste. Nombreux sont ceux
qui dans ce livre reprennent les préceptes de la décroissance : Thierry Paquot, Lucien Kroll,
Christophe Laurens, Jean Pierre Charbonneau, Serge Latouche, Patrick Bouchain… D’autres agences
comme Thinkark, Ecosistema Urbano, ou bien ctrl-z affirment s’intégrer à la réflexion générale sur la
Décroissance. Parallèlement au travail individuel de certaines agences, s’organisent des évènements
de réflexion comme le ‘Ten days for Oppositional Architecture’. Son objectif est de redéfinir
l’architecture afin qu’elle soit ancrée dans une réalité socio-politique porteuse d’un engagement, une
architecture non conformiste. Le titre de la première édition est « Resisting the Capitalist Production
of Space » soit ‘Résister à la production capitaliste de l’espace’.
13
Le junkspace est un ouvrage écrit par Rem Koolhaas, sur la dénaturation du paysage urbain au cours des dernières
décennies. Junkspace, Ed. Payot, 2011
11
Dans cette partie, l’objectif est d’établir un certain nombre de critères permettant de caractériser un
projet architectural comme décroissant. Il n’existe aujourd’hui aucun ouvrage associant directement
le domaine de l’architecture au projet de société des décroissants. Afin d’établir ces différentes
caractéristiques, nous nous appuierons donc sur le livre, Le Pari de la Décroissance, de Serge
Latouche. Ce dernier explicite dans son ouvrage les méthodes à suivre pour œuvrer en faveur de la
décroissance. Sa proposition présente l’avantage d’être synthétisée en 5 cinq verbes d’actions aussi
appelés les 5 ‘R’. Ces 5 thèmes sont reconnus par le mouvement décroissant et remobilisés à
certaines reprises par Paul Ariès14, ou Francesco Gesualdi15. Il s’agit de : Reconceptualiser /
Restructurer / Relocaliser / Réduire / Recycler. L’ordre a son importance puisqu’ils constituent à eux
cinq, un ensemble de processus successifs et interdépendants pour organiser la décroissance. Dans
Le Pari de la décroissance, Serge Latouche définit et explicite chacun de ces termes selon un point de
vue politique et sociétal. A partir de ces définitions, nous tenterons d’établir leur traduction dans le
champ architectural, c’est-à-dire d’expliquer les implications de chacun de ces processus sur la
conception et les méthodes de projet en architecture.
Reconceptualiser :
Lorsque Serge Latouche parle de reconceptualiser, il évoque la sortie nécessaire des modes de
pensée de la société de consommation. Il parle de l’inévitable mais difficile ‘‘décolonisation de
l’imaginaire’’. Notre imaginaire serait colonisé par les croyances systémiques de notre société
actuelle, selon lesquelles toute amélioration serait portée par la croissance et le progrès. Au
commencement de tout projet, il faut donc quitter ce schéma de pensée traditionnel pour
reconceptualiser le projet. Cela s’opère à travers la réévaluation des réelles attentes et besoins liés à
ce projet.
Ce premier ‘r’, ou cette première étape de projet, est fondamentale pour envisager une architecture
décroissante. En effet, à l’heure actuelle, le projet d’architecture commence par un programme. Ce
programme est généralement défini par le maître d’ouvrage pour être finalement confié à
l’architecte. Cet enchaînement traditionnel du projet en architecture est remis en question par la
reconceptualisation. En effet, le programme tel qu’on le conçoit aujourd’hui, est un descriptif de
nature essentiellement quantitative qui reflète d’ores et déjà son imprégnation des modèles de
pensée actuels. Tout comme le dit Serge Latouche, évoquant le domaine de la politique, il est
nécessaire de « chercher à évaluer les réels problèmes plutôt que d’en quantifier leurs solutions ». Il
14
Paul Ariès, La décroissance : un nouveau projet politique, op. cit., p.225
15 Francesco Gesualdi, La Sobriété,
en est de même pour l’architecture. Le travail de l’architecte est d’abord un travail de
reconceptualisation / de réévaluation, c’est-à-dire de remise en question du programme par une
nécessaire compréhension des besoins liés au projet. Il ne s’agit pas de donner forme à un
programme mais bien de satisfaire des besoins.
Restructurer :
Restructurer, c’est l’idée qu’il faille donner un cadre pour supporter ce nouveau mode de pensée. En
effet, le travail de reconceptualisation et de réévaluation nécessite une réorganisation des processus
de projet. Pour apporter de nouvelles solutions, il faut de nouveaux modes de conception.
Les décroissants insistent donc sur la nécessité de repenser le travail autour des différents acteurs et
leurs relations respectives. Ces acteurs du projet sont : le commanditaire, l’équipe de conception-
production et les utilisateurs. Aujourd’hui, le lien entre commanditaire et utilisateur est de plus en
plus distant, le commanditaire suppose les besoins de l’usager, il va même jusqu’à lui en créer de
nouveaux (notamment dans l’industrie du multimédia). On parle d’une démarche de conception Top-
down par opposition au Bottom-up. L’intention initiale du projet ne provient pas d’une volonté de
l’éventuel usager mais bien du commanditaire du projet (qui n’en sera pas nécessairement
l’utilisateur). Ce fonctionnement de projet qui nous semble évident aujourd’hui, n’était qu’un
phénomène rare un siècle auparavant, dans lequel l’utilisateur était à la source de presque tout
projet. Les décroissants mettent en avant la nécessité de réintégrer l’usager au cœur du processus
de conception. Ce travail plus important en amont du projet sera revalorisé en durabilité et en coût
de matières premières puisque plus adapté à son usage futur.
Le deuxième niveau de restructuration du travail s’effectue au sein de l’équipe de conception-
production. La société industrielle a, dans une logique d’efficacité et de rapidité, peu à peu dissocié
les processus de conception et de production. Cette séparation des activités intellectuelles et
productrices a servi une augmentation de la quantité des produits et non de leur qualité. L’idée est
donc de repenser une relation plus étroite entre la conception et la production, dans lequel chaque
acteur du projet trouve dans son travail un accomplissement personnel. Ainsi, la partie conception se
doit de retrouver un rapport à l’objet / à la matière, par davantage d’expérimentation, de terrain.
Réciproquement, la conception ne doit être figée et laisser une part d’évolution possible au projet au
moment de sa réalisation et de son usage. Ce discours se retrouve dans la posture architecturale de
Patrick Bouchain, comme il l’écrit dans Construire autrement. L’architecte n’est plus le seul à écrire le
projet, l’artisan et l’usager contribuent également à façonner le bâtiment. Il s’agit comme d’un
passage de relais au cours duquel la conception se répartie à chaque étape du projet.
Relocaliser :
Dans la genèse d’un projet décroissant, nous avons commencé par évoquer la nécessité de sortir des
modes de pensée actuels (Reconceptualiser), en se donnant en nouveau cadre de travail
13
(Restructurer). Il s’agit maintenant de retrouver la dimension locale dans nos projets, non pas
comme une simple caractéristique du projet (comme si on apposait un label), mais bien comme
l’élément fondateur de ce même projet. Le local s’oppose ici à la vision actuelle du global. Il s’agit
d’utiliser simultanément la créativité populaire, locale et les ressources du territoire pour
développer le projet.
La question du local a intéressé de nombreux auteurs. Cela renvoie notamment au principe de
subsidiarité16 du travail et de la production défini par Yvonne et Michel Lefebvre. Il consiste à
systématiquement privilégier toute production pouvant se faire localement pour des besoins locaux.
Serge Latouche ajoute que si les idées doivent ignorer les frontières, les marchandises et leur
production doivent rester attachées à leur territoire.
L’application du local à l’architecture est assez évidente. Dans Le Projet local, l’architecte Alberto
Magnaghi énumèrent ces activités productives à teneur locale: « [Elles] concernent avant tout le
processus d’autoproduction : entretien urbain, services de base et de secours réciproque, potagers
urbains et marché locaux, entretien du milieu, activités culturelles et ludiques, activités
d’autoconstruction, artisanat local. Ces activités de proximité favorisent les échanges non mercantiles,
des relations de réciprocité et de confiance : en d’autres termes, elles permettent la création d’un
espace public fondé sur la reconnaissance et la valorisation d’un patrimoine commun, et l’émergence
de nouvelles relations « évitant la clôture sur soi-même ». » 17
Dans la même lignée, Rete del Nuovo Municipio18 définit un projet politique qui valorise les
ressources et les spécificités locales, en encourageant les processus d’autonomie consciente et
responsable. C’est un refus du pilotage extérieur (hétéro-direction) pour favoriser les interactions
entre les acteurs locaux, l’environnement physique et le patrimoine territorial.
Une architecture locale est donc une architecture qui saura tirer parti tant du patrimoine humain que
physique du territoire dans lequel elle s’inscrit. Il ne s’agit pas ici d’une contrainte mais bien d’un
formidable potentiel à prendre en compte comme origine du projet.
Réduire :
La réduction a attrait à différents éléments de projet. Il s’agit en premier lieu d’une réduction liée à la
stratégie environnementale, c’est-à-dire diminuer la consommation de matières premières, et donc
réduire l’impact écologique del’intervention… Il peut également s’agir d’une réduction considérée
de façon plus globale : réduire l’intervention architecturale à la satisfaction des besoins exprimés.
Ainsi certains collectifs d’architectes tels qu’Ecosistema Urbano ou bien Muf Architecture/Art
16
Yvonne Mignot-Lefebvre et Michel Lefebvre, La Société combinatoire, Réseaux et pouvoirs dans une économie en
mutation, Paris, L’Harmattan, 1995
17 Alberto Magnaghi, Le Projet Local, op. cit., p.92
18 Le Rete del Nuevo Municipio est une association créée en Italie en 2003, regroupée autour des valeurs de la démocratie
participative, et de la défense d’une autogestion locale durable.
19assument dans leurs travaux une réduction de l’intervention physique à son minimum, c’est-à-dire
à son essentiel: les architectes espagnols parlent d’ailleurs d’une architecture de l’acuponcture.
La réduction n’est pas à considérer uniquement en termes de diminution, mais comme l’initiation
d’un processus de pensée ayant d’autres implications. Paul Ariès note en effet qu’il ne s’agit pas de
«faire la même chose mais en moins, mais bien au contraire de faire différemment »20. Il ajoute que
« cette réduction vise un accroissement simultané du bien-être, des échanges sociaux, de la joie de
vivre… ». Une des pistes de réflexion pour la réduction en architecture est donnée par Jean Pierre
Charbonneau qui propose de « faire mieux fonctionner ce qui existe plutôt que de suivre la facilité
qui consiste à chaque fois à construire du nouveau » 21. Il s’agit donc de construire mieux ou
autrement, pour construire moins.
Recycler :
Le recyclage est un autre mode d’action à considérer dans la réalisation d’un projet décroissant. Son
application au domaine de l’architecture est relativement immédiate, bien que l’on puisse la détailler.
L’architecte belge Jean-Marc Huygens22 définit un vocabulaire précis associé à l’emploi de matériaux
usagers, en distinguant trois actions différentes. Il parle de réutilisation, recyclage et réemploi, se
définissant lui-même comme un architecte du réemploi. Les distinctions sont les suivantes :
Recycler = utiliser l’objet comme matière sans prendre en compte son passé, son ancien
usage.
Réutiliser = se servir plusieurs fois d’un objet sans en changer l’usage.
Réemployer = conserver l’aspect initial de l’objet mais avec d’autres finalités que celles pour
lesquelles il a été conçu.
Ce qui différencie ces trois actions est le rapport à l’histoire de l’objet et sa prise en compte dans sa
nouvelle utilisation. Ce qui importe dans un processus de décroissance, c’est le raisonnement de la
matière en cycle fermé : comment remettre en circuit ce qui a été utilisé et comment pourra être
réutilisé ce que l’on met en circuit.
19
Lors d’un appel à projet lancé par une mairie du sud de l’Angleterre, l’agence Muf Architecture/Art a remporté le
concours en proposant de ne rien construire contrairement à ce qu’annonçait le programme.
20 Paul Ariès, La décroissance : un nouveau projet politique, op. cit., p.45
21 Jean Pierre Charbonneau, dans son article ‘Eloge de la simplicité et du recyclage’ au sein du manifeste
AlterarchitecturesManifesto, Ed. Golias, Villeurbanne, 2012
22 Jean-Marc Huygens, La poubelle et l’architecte, Ed. Actes Sud, 2008
15
Il n’existe aujourd’hui que peu ou pas de projet d’architecture en France revendiquant leur
appartenance à la mouvance décroissante. Afin de se confronter à ce que peut être l’expression
concrète d’une architecture de la décroissance, nous franchirons donc l’Atlantique pour étudier le
cas de Détroit. Détroit représente en effet l’un des exemples les plus emblématiques de la chute du
modèle de croissance à l’occidentale. Identifiée comme une Shrinking City23, ville qui rétrécie, Détroit
connait depuis ces cinquante dernières années une période de décroissance. Cette décroissance n’a
pas fait l’objet d’une démarche volontaire comme celle qui est souhaitée par les objecteurs de
croissance. Cependant on y retrouve l’ensemble des questionnements soulevés précédemment. Au
travers de trois études de cas, nous dégagerons les particularités d’un projet d’architecture naissant
dans un contexte de décroissance. Cette première étape d’analyse s’effectuera à partir des cinq
critères principaux définis au chapitre précédent. Ensuite, nous tenterons de comprendre en quoi ces
projets sont liés à leur contexte économique particulier, et comment ils pourraient s’appliquer dans
une stratégie de décroissance volontaire et non subie.
Bref historique
Détroit a longtemps été l’un des fleurons de l’ère industrielle aux Etats-Unis. Fin 19ème, début 20ème
siècle elle est en effet le berceau de l’industrie automobile avec Henri Ford. La ville connaît alors une
importante période de croissance pour devenir la troisième plus grande ville des USA. Alors à la
pointe du progrès, Détroit accompagne les débuts de l’architecture moderne et fonctionnaliste aux
Etats-Unis. Il y a trois raisons majeures qui vont expliquer la périclitation de la ville dans la deuxième
moitié du 20ème. La première raison est raciale : les importantes vagues d’immigration ouvrière
début 20ème sont presque intégralement constituées d’afro-américains. Ceux-ci occupent alors le
centre ville à proximité immédiate des usines. La population ‘blanche’, plus aisée et occupant des
postes à responsabilité, va alors peu à peu délaisser le centre pour rejoindre les banlieues. Dans les
années 50, avec la nécessaire modernisation des systèmes de production, les constructeurs
automobiles vont procéder à une délocalisation massive de leurs usines du centre vers la banlieue.
Ces délocalisations vont engendrer d’importants déplacements de la population afro-américaine vers
l’extérieur de la ville où ils ne seront pas acceptés par la population locale. C’est ce qui sera alors à
l’origine des plus grosses émeutes raciales des Etats-Unis. La deuxième raison de la décroissance de
Détroit est son économie mono-orientée. Intégralement basée sur l’automobile, la ville ne saura en
effet faire face successivement à l’arrivée de la concurrence (essentiellement japonaise avec Toyota)
et aux deux chocs pétroliers. Enfin, la troisième cause de la chute de la ville est son tissu urbain non
mixte et très peu dense (une moyenne de 27 logements à l’hectare au plus fort de sa croissance).
Hormis le downtown et son centre financier constitué de tours, Détroit est constitué à 88% d’un tissu
23 Sylvie Fol, ‘Déclin urbain' et shrinking cities : une évaluation critique des approches de la décroissance
urbaine, Annales de géographie, 2010/4 (n°674)
exclusivement pavillonnaire de maisons individuelles. Les importants lobbys automobiles ont freiné
le développement des transports en commun. Les habitant deviennent alors fortement dépendants
de leur voiture, à l’origine d’une importante précarité liée à la mobilité et à l’enclavement des
habitations. Cette densité se situe aujourd’hui aux alentours de 7 logements/ha.
La décroissance à l’échelle urbaine
Il n’existe aujourd’hui plus aucun financement public de projets. A l’inverse, un grand nombre
d’équipements publics ferment, qu’il s’agisse d’école, de bureau de police, musée, etc…
Parallèlement, hormis dans l’hypercentre et son financial district, les grands investisseurs privés sont
quasiment absents du marché immobilier.
Dans ce contexte là, se sont développés de nouvelles conditions d’émergence de projet propres à la
ville de Détroit. Un nouveau processus dans lequel les citoyens reprennent une place centrale dans le
projet. En effet, au cours des cinquante dernières années, les détroitiens sont devenus acteurs de
leur ville. Ils ont, du fait de la décroissance, quitté la posture traditionnellement passive de citoyens
des villes occidentales, pour adopter une démarche active dans la politique urbaine. La mairie s’est
donc efforcée de donner un nouveau cadre à ces dynamiques naissantes afin d’organiser la
décroissance à l’échelle urbaine.
Le Detroit Future City Strategic Framework.
La première avancée de la municipalité de Détroit vers la prise en compte de la volonté et du
dynamisme citoyen est la réalisation, de 2010 à 2012, du Detroit Future City Strategic Framework. Il
s’agit d’un travail conséquent de consultation citoyenne réalisé par le Detroit Collaborative Design
Center, ou DCDC. L’objectif du Framework est d’établir les stratégies urbaines à valoriser à Détroit
dans les cinquante prochaines années, en s’appuyant intégralement sur les initiatives et volontés de
la population locale. La réalisation de cet ouvrage marque les débuts d’une démarche collaborative
initiée par la ville. Il s’agit d’un urbanisme participatif, qui a fait l’objet de deux ans de rencontres en
groupes (57% de la population rencontrés soit 390 000 personnes), et consultations individuelles (8%
de la pop. interrogée soit presque 65000 personnes). Les objectifs définis au terme de cet important
travail d’enquête se démarquent par leur forte imprégnation des identités culturelles et sociales des
habitants. Il s’agit d’objectifs souhaités ‘atteignables’ de par leur caractère progressif.
Avec le Detroit Future City Strategic Framework, la mairie de Détroit propose donc un catalogue de
contextes à potentiels, soit des lieux où accomplir des objectifs portés par l’engagement des
habitants, et fondés sur les ressources physiques et humaines locales.
Les Community-Based-Organisations
Avec la même intention de soutenir l’émergence de ces initiatives locales, est créé en 2002 le statut
légal des Community-Based-Organisations ou CBO. Ces nouvelles structures sont un moyen pour la
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ville de Détroit d’organiser le renouveau urbain et architectural, à une échelle plus locale qui est celle
des quartiers. En conférant une valeur légale aux regroupements d’habitants, la ville facilite donc
l’apparition de nouveaux projets à fondement local. Les CBO se définissent ainsi :
La majorité des décideurs et des éventuels employés sont des habitants locaux,
Les bureaux sont situés au sein de la communauté,
Les zones d’intervention prioritaires sont identifiées et définies par les habitants,
Les solutions à apporter dans ces zones prioritaires sont développées avec les résidents de
cette même zone
La conception du programme, sa mise en œuvre, et son évaluation impliquera des résidents
à des postes de direction
La population locale, à travers les Community-Based-Organisations, devient donc l’acteur principal
dans le développement de son quartier. Le nouveau système d’émergence de projet est alors le
suivant : un ensemble d’habitant se regroupe autour d’intérêts communs formant une entité appelée
community. Ceux-ci identifient conjointement une parcelle vacante ou un bâtiment désaffecté pour y
insérer le programme correspondant à leur besoins partagés. La ville de Détroit étant propriétaire de
la quasi-intégralité des bâtiments, maisons, ou parcelles inoccupés, elle s’engage alors à vendre à
hauteur d’un dollar symbolique le terrain ou bâtiment convoité par la communauté à tout
investisseur (à but lucratif ou non) acceptant de réaliser le projet désiré par la CBO. Le schéma
habituel est donc renversé, le projet provient désormais de l’initiative des habitants et non plus de la
mairie directement.
Le Detroit Future City Strategic Framework et l’instauration des Community-Based-Organisations
comme acteur principal des projets à échelle locale, sont les marques d’un urbanisme qui s’adapte à
la décroissance en remettant la production de la ville aux mains des habitants. Ces nouvelles
conditions d’émergence de projet sont encore en cours d’évolution. Elles montrent la tendance
donnée par la ville mais ne correspondent pas à un cadre partagé par l’ensemble des projets
d’initiative citoyenne (étant donné leur importante diversité et leurs spécificités respectives).
Analyse de trois exemples :
Dans cette partie, trois projets situés à Détroit sont brièvement présentés. Chacun d’entre eux a été
choisi pour être représentatif de ces projets naissants d’initiatives locales au sein d’un contexte de
décroissance. Les trois exemples font l’objet d’une analyse afin de mettre en évidence si ces projets
suivent les cinq critères ou étapes du projet politique de la décroissance par Serge Latouche :
Reconceptualiser/Restructurer/Relocaliser/Réduire/Recycler.
1 . Power House Productions
2 . Brightmoor Vetal School
3 . Klinger Street House
Powerhouse Productions
Présentation
Power House Productions est un ensemble de projets réalisés dans un même quartier par un
collectif d’architectes et d’artistes au centre géographique de la ville de Détroit. Ce mouvement qui
est né en 2005, est à la fois précurseur et emblématique de ce que peuvent être les projets
d’architecture à Détroit dans le contexte de la décroissance. L’objectif de Powerhouse Productions
est de stabiliser le quartier d’Hamtramck frappé par un important exode de ses habitants au cours
des dix dernières années. Ce projet sort du cadre économique traditionnel puisqu’il est
intégralement financé par des associations ou des donations individuelles sur le principe du
Crowdfounding. Comme le montre la vue aérienne, Powerhouse productions se situe en plein cœur
d’un tissu exclusivement résidentiel et constitue un groupe d’interventions réparties sur d’anciennes
maisons et/ou parcelles vacantes. Il s’agit d’un processus continu de revalorisation de l’espace public,
dont les interventions ponctuelles ont pour finalité de s’étendre peu à peu, par ‘contamination
positive’, à d’autres blocs, puis d’autres quartiers… L’état actuel du projet est le suivant : deux
maisons ont été converties en studio d’accueil pour artistes (Power House & Jar House), une autre en
salle de performance dédiée au théâtre (Play House), une dernière est dédiée à l’expression musicale
(Sound House) et enfin, trois parcelles attenantes sont en cours de conversion pour devenir un skate
parc (Ride It Sculpture Park)… L’ensemble du projet se rassemble autour d’une même vision
résiliente et bénéfique de l’architecture.
Analyse
Cette partie d’analyse étudie le projet selon les cinq critères de Serge Latouche. L’objectif est de
donner un rendu synthétique de la prise en compte de ces critères au sein du projet. Il est nécessaire
de rappeler que ces 5 ‘r’ sont issus d’un projet politique et qu’ils ne sont pas revendiqués par les
architectes.
Reconceptualiser : Power House Productions est le fruit d’une architecture sans commande.
De ce fait, le projet sort du schéma traditionnel promoteur-architecte-utilisateur. Cette sortie
du jeu d’acteurs habituels permet de requestionner le rôle de l’architecte au sein du projet.
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Les architectes de Power House Productions endossent en effet, au travers de ce projet, un
rôle d’entrepreneur dans le sens où ils participent, activement, à la production de la ville. Cet
esprit entrepreneurial s’appuie ici sur l’expression de besoins à l’échelle locale. Ce nouveau
type de projet amène également la question du programme et de son mode de définition. Le
collectif a préalablement communiqué son intention initiale de redynamiser le quartier par
l’implantation d’activités artistiques. La définition exacte du programme contenu dans les
différentes maisons s’est effectuée à la suite d’un travail de consultation des habitants. Le
collectif a ainsi pris le parti d’organiser ce recueil de l’opinion locale sous la forme d’un
‘talent show’ dans lequel chaque habitant qui le souhaitait pouvait faire part de ses aptitudes
artistiques.
Restructurer : Le caractère inédit du projet a nécessité de sortir des processus habituels de
conception. Dans le cadre de chacune des interventions (chaque maison transformée), le
souhait du collectif a été d’associer de façon simultanée les étapes de conception et de
réalisation du projet. L’absence de conception préalable à la mise en pratique a donné lieu à
un certain nombre d’expérimentations sur site. Avec le recul, même si cela n’était
initialement pas l’objectif, ce temps d’expérimentation a permis une forme d’interactions
entre les architectes et les habitants, libres d’exprimer leur ressenti au fil de l’évolution des
réalisations. La conception des projets a donc été effectuée par le collectif, mais en intégrant
cette part d’échange ‘direct’ avec la population locale au moment même de la réalisation,
c’est-à-dire au dernier moment.
Relocaliser : Le local est le principal levier du projet de Power House Productions. Il s’agit
d’apporter au moyen du projet une réponse à des besoins locaux, en s’appuyant sur les
potentiels matériels et humains du site. Cette prise en compte du contexte humain s’est
majoritairement effectuée lors de l’établissement du programme basé sur les différentes
aspirations et compétences artistiques des habitants du quartier (à l’occasion du ‘Talent
Show’). Concernant le contexte physique, le projet s’est appuyé sur les maisons
abandonnées. Ces bâtiments représentaient à la fois un fort potentiel de revalorisation, et
étaient aussi les stigmates du délaissement du quartier. Choisir de baser le projet sur ces
maisons-là plutôt que d’en construire de nouvelles a permis simultanément de retirer leur
impact négatif sur le quartier pour les transformer en un symbole de dynamisme.
Réduire : Le choix pour Power House Production de travailler sur l’existant a permis une
première minimisation des interventions. Les maisons choisies étaient saines
structurellement, ne nécessitant donc qu’un travail de second œuvre. L’ensemble des
bâtiments a été transformé dans une logique d’intervention minimale. L’idée est d’amener
chaque maison jusqu’à un certain point où d’un élément négatif, elles deviennent une image
positive pour le quartier. Ainsi certains projets se sont limités à quelques pièces (comme la
Soundhouse), d’autres sont intégralement rénovés puisque cela ne nécessitait qu’un
minimum de travaux. Selon le collectif, il s’agit de susciter une dynamique positive de
revalorisation du quartier qui s’effectuerait progressivement, étape par étape, sans
planification préalable.
Ill. 6 : Vue extérieure de la Jar House
Recycler : Le recyclage dans ce projet s’opère avant tout à travers l’utilisation des bâtiments
vacants existants. Il s’agit d’ores et déjà d’un premier pas vers le réemploi des potentiels
physiques du site. Cependant, on ne peut pas parler de démarche globale de projet liée à la
problématique du recyclage. Certaines transformations de maison y ont recours par la
récupération de matériaux issus des décharges sauvages, d’autres non. Ceci s’explique
également par la faible quantité de nouveaux matériaux ajoutés au sein des différentes
maisons, il s’agit essentiellement de reconfiguration des espaces.
Au terme de cette analyse, il est intéressant de noter que l’ensemble des cinq critères définis par
Serge Latouche se révèlent être des préoccupations majeures du projet étudié. Le contexte imposé
par la ville de Détroit génère donc des questionnements semblables à ceux que veulent initier le
mouvement des Décroissants.
Ill. 2 : Intérieur de la Play House dédiée à une association de théâtre
Ill. 1 : Evènement autour de lancement de la première maison
Ill. 3: Echange entre architectes et habitants devant la Sound House
Ill.4 : Etat actuel avant transformation du futur projet de la Squash House
Ill.5 : Vue intérieure de la Sound House Ill. 6 : Vue extérieure de la Jar House, maison destinée à l’accueil temporaire d’artistes
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Brightmoor Vetal School
Présentation
La Brightmoor Vetal School est un projet de reconversion d’une école fermée et abandonnée depuis
2010. Elle est située dans le quartier de Brightmoor, dont le taux de vacance des parcelles et de
maisons est le plus important à Détroit, atteignant presque les 70%. Ce projet est le souhait de la
Community-Based-Organisation des habitants de Brightmoor. Il fait l’objet d’un travail collaboratif
entre les résidents, les donateurs et les architectes. L’intervention architecturale souhaitée n’a pas
de limites géographiques clairement définies, puisqu’il vise à plus long terme la revalorisation du
quartier dans son ensemble et pas seulement du site de l’école. C’est en cet aspect que le projet
s’avère particulièrement intéressant : on pourrait qualifier sa démarche ‘lo-bale’ (par opposition au
‘glo-cal’24) dans la mesure où il s’attache à l’ensemble des particularités locales du site pour leur
redonner un sens de façon globale pour le quartier. Les architectes choisis pour travailler sur ce
projet sont issus du Detroit Collaborative Design Center. Le projet de la Vetal School s’insère donc
dans la logique du Detroit Future City Strategic Framework. Il s’agit en quelque sorte de la
concrétisation de cette démarche collaborative non plus à l’échelle urbaine mais à l’échelle du projet
d’architecture.
Le projet est encore en cours : seul le processus de conception collaborative et la première phase du
chantier correspondant à la revalorisation des espaces extérieurs sont terminés. La prochaine étape
est la transformation du bâtiment de l’école. Le programme est multiple, il s’agit de l’aménagement
d’une cuisine pédagogique, d’une école fonctionnant sur le principe de l’échange de savoirs, de
diverses salles d’accueil et de loisirs, ainsi que de salles de culte souhaitées par le donateur religieux.
Analyse
Reconceptualiser : Tout comme l’exemple précédent, on sort du cadre de lancement
traditionnel d’un projet. Cependant, contrairement à Power House Productions, ce ne sont
24 Terme, qualifiant la hiérarchie supérieure du global sur le local, employé par Ivan Illich dans La
Convivialité.
23
pas les architectes qui en sont à l’origine mais les habitants eux-mêmes. Cela génère d’autres
modes de fonctionnement en termes de conception. Le projet est en effet le fruit de
l’initiative locale de la communauté d’habitants, qui de façon autonome a désigné un site
pour y insérer le programme qui répondra à leurs besoins. Le mode de financement sort lui
aussi des systèmes d’investissement traditionnels, il s’agit d’une institution religieuse à but
non lucratif qui va financer l’intégralité des travaux sous réserve d’une réduction importante
des coûts par la participation de la population locale. L’ensemble des conditions
d’émergence du projet de la Vetal School est donc propice à la reconceptualisation. En
sortant du cadre traditionnel, elles permettent en effet de remettre en cause nos croyances
systémiques dans l’exercice de l’architecture, non plus fondé sur la croissance ou le profit,
mais initier sur la base d’un contexte local spécifique et propice au projet.
Restructurer : Le processus d’élaboration du projet par les architectes a été repensé pour
s’adapter à la demande non plus d’un client mais d’un groupe de personnes aux intérêts
variés. Le niveau de collaboration souhaité entre habitants et architectes pour ce projet est
très important puisqu’il s’agit d’une implication continue de la population locale depuis le
processus de conception jusqu’à la réalisation elle-même. Pour s’adapter à ces contraintes
de projet, l’agence DCDC a développé sa propre méthode de travail collaborative appelée
Neighborhood Engagement Workshop (NEW). Cela consiste en un ensemble d’ateliers
successifs engageant les habitants dans le processus d’élaboration du projet. Il a également
été du ressort des architectes d’organiser des temps de formation et de réalisation des
travaux. L’ensemble de ces intentions de projet s’est traduit par un important travail de
planification et d’organisation effectué en agence, donnant lieu à de nombreuses séances de
conception participative sur site. Chaque séance a ensuite fait l’objet d’un travail de synthèse
en agence, puis restitué à la séance suivante. Le contexte particulier du projet a donc amené
les architectes à restructurer leur travail au service d’une démarche de conception et
réalisation collaborative
Relocaliser : Le local est ici aussi le fer de lance du projet. D’un point de vue humain tout
d’abord, on agit d’après la demande des habitants, pour les habitants, avec les habitants, et
chez les habitants. A l’image des potentiels d’un projet local défini par Alberto Magnaghi, la
population locale devient à la fois un gisement d’idées, un groupe d’experts du contexte, une
main d’œuvre pour l’auto-construction et un moyen de surveiller le chantier (particulier à
Détroit étant donné le contexte insécuritaire). La dimension humaine locale s’accompagne
d’une gestion locale des matériaux. La majorité des ressources matérielles mobilisées dans la
transformation de la Vetal School est issue de la déconstruction des maisons vacantes du
quartier. Cela génère un double bénéfice puisqu’en plus de fournir une matière première
pour le nouveau projet, on déconstruit ce qui était un symbole de délaissement et
d’insécurité dans le quartier.
Réduire et Recycler : La stratégie de construction clairement assumée du projet est la
réduction des coûts. Cela s’opère tout d’abord grâce à la participation des habitants dans la
construction du projet. Cette démarche d’auto-construction est possible puisqu’il s’agit en
majorité d’un travail de second œuvre. Il s’agit ici d’un premier type de ‘recyclage’, celui des
habitants majoritairement au chômage qui, grâce au chantier acquièrent une nouvelle
formation. La diminution des coûts s’effectue également au travers de la réduction du
recours aux matériaux neufs. Il est cependant nécessaire de noter que les matériaux de
réemploi issus de la déconstruction induisent un temps de travail accru. Cela s’inscrit
pleinement dans la démarche des décroissants, puisqu’il s’agit de revaloriser le travail social
face à la production de matière. Pour intégrer la composante du temps, les architectes ont
scindé le processus de transformation de l’école en une succession d’interventions plus
réduites et indépendantes.
Les cinq ‘r’, comme étapes fondamentales pour organiser la décroissance, se retrouvent
également dans le projet de la Vetal School. L’accent est mis ici sur la prise en compte des
ressources sociales du site et l’élaboration de nouveaux processus de conception autour de ce
potentiel humain.
Ill. 7: Visualisation du projet d’un point de vue des espaces extérieurs
25
Klinger Street Charlie O’Geen
Présentation
Klinger Street House est un projet en cours de réalisation par l’architecte et artiste Charlie O’Geen. Il
s’agit d’une réflexion menée sur une maison individuelle. Sa volonté est de travailler sur cette maison
comme un modèle de conception reproductible à d’autres pavillons du tissu résidentiel de Détroit. Le
projet consiste en la transformation de l’ancienne maison inhabitable en un lieu d’habitation adapté
aux modes de vies actuels. L’intérêt principal de cette reconversion réside dans le mode opératoire
choisi par Charlie O’Geen : ‘‘rework by unbuilding or reconfigurating materials from the site’’. Il s’agit
de repenser le site (dont le bâtiment fait partie) comme une ressource de matériaux à réorganiser,
reconfigurer pour faire émerger le nouveau projet. Son approche du projet permet ainsi de
requestionner le rapport à l’existant pour ce qu’il est, mais aussi le rapport au temps dans la façon où
il est redistribué tout au long du processus de conception.
Analyse
Ce projet présente une très forte cohérence et simplicité en termes d’intentions architecturales. Les
cinq critères se recoupent donc plus ou moins dans la mesure où ils servent une même démarche :
fonder le projet d’architecture à partir du contexte matériel du site.
Reconceptualiser : Le travail mené par Charlie O’Geen correspond à un projet de recherche
mené en partenariat avec l’université de Cranbrook. Il se détache ici des considérations du
système économique lui permettant de reconceptualiser le projet en définissant ses propres
hypothèses. Il ne répond à aucune commande mais cherche seulement à explorer la question
du logement individuel basée uniquement sur les potentiels du site : le site comme pont
entre le site lui-même et le projet d’architecture.
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Restructurer : Pour la réalisation de la Klinger Street House, Charlie O’Geen renverse les
étapes de projet. Son travail est initié par la pratique avec la décortication concrète du site. Il
commence en effet par réaliser un travail sur l’existant, en distinguant ce qui peut être
conservé tel quel, de ce qui peut être réutilisé sous d’autres formes. Il déconstruit peu à peu
le site pour n’obtenir au terme de ce travail que l’unique expression des potentiels de
chaque élément du site. Cette étape préalable sur le lieu du projet va générer un catalogue
de matériaux, ou d’éléments déjà construits à la disposition du projet futur. Il s’agit donc
ensuite d’une recompilation ou reconfiguration de ces différents potentiels qui va former le
projet d’architecture final.
Relocaliser : La Klinger Street House fait du local la seule et unique matière première du
projet. Le bilan physique local du site est le même au début et à la fin du projet, le travail de
l’architecte consiste ici à détecter des potentiels et à les repenser différemment.
Réduire & Recycler : la notion de réduction est liée à celle de recyclage au sein de ce projet,
puisque c’est le recyclage intégral des matériaux du site qui permet la réduction de la
consommation de matières premières à zéro. L’architecte revalorise ainsi le travail
intellectuel et manuel comme la seule valeur ajoutée sur le projet. Il ne s’agit pas de produire
du physique, de construire plus, mais uniquement de penser autrement à l’image de ce que
dit Paul Ariès dans La décroissance, un nouveau projet politique.
Contrairement aux deux projets précédents, ce travail ne fait pas intervenir le contexte social du site,
mais s’appuie uniquement sur sa composante physique. Dans la mesure où le projet s’inscrit dans
une démarche de recherche, Charlie O’Geen souhaite pousser ici la question de l’utilisation du
contexte comme ressource matérielle. Cependant il serait aussi intéressant de se demander
comment la prise en compte du contexte humain aurait influencé cette méthode conception de ce
projet.
Illustration 8: Maison de Charlie O'Geen après déconstruction Illustration 9: Ensemble des matériaux collectés sur le site après déconstruction
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Ce qui ressort finalement de ces exemples c’est une architecture de projet, de processus, plus qu’une
architecture source d’objets architecturaux. Cette nouvelle forme d’architecture n’est plus issue de la
commande d’un client-promoteur mais générée par un contexte particulier. Ce contexte porte en lui,
à la fois des caractéristiques physiques et humaines. Le projet d’architecture qui en découle, est
autant de l’ordre de la construction matérielle que de la construction sociale.
La concrétisation de cette architecture est une intervention minimum et juste, génératrice d’une
impulsion, d’un nouveau dynamisme. Le projet est telle une couche rajoutée à un contexte, que l’on
pourra encore faire évoluer ou au contraire soustraire, suivant les évolutions nouvelles de ce
contexte. Il ne s’agit plus d’une vision de l’architecture comme productrice d’un objet figé mais
comme source de mouvements et d’initiatives sociales.
Ci-après sont développés les trois axes majeurs qui se dégagent de l’analyse de ces projets en
contexte de décroissance.
Une architecture de processus
L’architecte, entrepreneur
De plus en plus, on assiste dans certains pays occidentaux à l’émergence d’initiatives citoyennes
locales : fermes urbaines, habitats participatifs, slow town, etc. Ces mouvements d’auto-organisation
généralement issus de regroupements d’habitants font écho à la mutation des conditions
économiques et sociales actuelles. Ils sont le fait d’une absence d’intervention de l’Etat (du fait de la
décroissance dans le cas de Détroit) ou d’un sentiment de frustration, d’impuissance de l’Etat dans la
gestion des problèmes locaux.
Ce nouveau type de dynamisme de proximité doit nous amener à repenser le rôle des urbanistes et
architectes dans la ville. Il s’agit moins pour l’architecte d’avoir une démarche passive, répondre à la
demande d’un client/promoteur, que de s’engager dès l’origine du projet. Ce que l’on constate au
travers des trois exemples étudiés à Détroit (ainsi que dans beaucoup d’autres) c’est l’entreprenariat
des architectes. Ils acquièrent un rôle actif dans la construction de la ville en s’appuyant sur les
impulsions locales.
En Europe, et plus particulièrement en France, le principe de l’Etat-Providence est davantage ancré
dans la pensée citoyenne. Ce mode de fonctionnement favorise une posture passive dans l’attente
d’une intervention provenant ‘‘d’en haut’’. On peut malgré tout évoquer certains projets qui
témoignent d’une évolution des mentalités sur le vieux continent : le Campo de Sebada à Madrid,
mouvement initié par des architectes pour requalifier une place vide afin d’y insérer une nouvelle
dynamique sociale / le Luchtsingel, pont piéton créé à proximité de la gare principale de Rotterdam.
Le projet a été initié par des architectes et financé par les citoyens au travers du Crowdfunding / etc.
Pourquoi favoriser le rôle de l’architecte-entrepreneur ? Cela permet de sortir de la dualité de la
commande publique/privée et d’organiser ainsi une nouvelle richesse de projet qui émerge autour
des besoins et initiatives locales. Il ne s’agit plus d’une réponse à l’Etat (organisme bienfaiteur qui
agit selon des mécanismes rodés et répétés, fonctionnant autour de ressources et décideurs
centralisés) ni au marché privé (qui s’organise autour des ressources financières, et dont l’objectif est
son propre intérêt financier), mais d’un soutien à un contexte local spécifique : où s’expriment des
besoins (carence), des initiatives (dynamisme) ou les deux. Cette adaptation au contexte induit une
séparation fonctionnelle et strucurelle avec les organismes privés et publics actuels. Cela conduit à
mobiliser des acteurs aux modes de faire et aux temporalités différentes. Selon les architectes
espagnols du collectif Ecosistema Urbano, sortir des marchés traditionnels c’est la porte d’entrée
vers « l’économie sociale avec des projets plus créatifs ».
Plus qu’une architecture d’objet
L’objectif constaté au travers des différents projets étudiés n’est plus uniquement de fournir un objet
final, à savoir un bâtiment terminé, mais aussi d’accompagner un processus de développement du
site. Dans le cas de la Vetal School, on se demande presque si les architectes ne sont pas
principalement là pour permettre l’émergence du projet, plus que pour le réaliser eux-mêmes. Cela
n’entre pas en contradiction avec les compétences initiales de l’architecte. En effet, il va non
seulement s’assurer des qualités spatiales et d’usages du bâtiment, mais également mettre en valeur
ses capacités de gestionnaire de projet dans la mise en place des relations avec les différents
intervenants.
Dans les trois projets analysés, au-delà de l’objet construit, on observe donc une réelle attention
portée aux étapes de conception et de réalisation du projet. Il ne s’agit plus d’un objet architectural
‘parachuté’ n’ouvrant ses portes qu’une fois terminé. Le projet naît avec le contexte local, et évolue
avec lui jusqu’à atteindre le niveau souhaité. Il s’agit de restaurer une valeur intrinsèque aux étapes
premières du projet : la conception et la construction, comme vecteur social au sein du site. C’est
une vision différente de l’architecture qui n’est plus seulement productrice d’objets spatiaux mais
constructrice de projets sociaux. Elle devient le lieu d’une construction tant physique, que sociale.
Par ailleurs, l’importance accordée au processus de développement du projet comme on peut le voir
à Détroit, impacte également son résultat final. Charlie O’Geen, en évoquant sa production
architecturale, dit: « this way of making architecture doesn’t produce the best buildings, but the
most expressive ones. »
31
Une approche Bottom-up
Le contexte de la décroissance marque une certaine évolution du rôle de l’architecte. Il devient aux
côtés des habitants, un entrepreneur du projet. Tous sont actifs dans la production de la ville. Les
projets sont ainsi initiés par une volonté locale issue du site, qu’elle soit portée par un habitant ou
l’architecte lui-même. On peut donc parler d’approche ‘Bottom-up’ ou ascendante. Cela consiste à
faire émerger le projet à partir de ce qui le constitue fondamentalement, par opposition à une
approche top-down qui serait d’exprimer des intentions ne relevant pas directement du contexte
local mais d’intentions globales. Ce qui caractérise l’ensemble des projets étudiés à Détroit, est en
effet leur émergence liée aux conditions locales. Le quartier devient le terreau fertile propice à la
naissance du projet. On peut distinguer deux composantes fondamentales du contexte local qui sont
les générateurs principaux du projet: le contexte social et le contexte physique.
Prise en compte d’un contexte physique
La Klinger Street House de Charlie O’Geen traduit bien cette prise en compte du contexte physique
comme un potentiel de projet. Le site n’est plus seulement un terrain à bâtir, mais devient de par sa
nature matérielle, une ressource à part entière du projet. Chacun des trois projets étudiés vient, par
ailleurs, s’insérer dans des bâtiments existants, preuve de cet ancrage au contexte, de son analyse et
de la mise à profit de ses potentiels. Le projet est l’occasion d’un décorticage approfondi du site.
Cette analyse poussée du contexte physique permet d’avoir recours à moins de matériaux neufs et
de penser au recyclage et au réemploi dans le domaine de l’architecture. Il s’agit à terme de produire
la réponse la plus juste possible, la moins consommatrice au regard des potentiels matériels du site.
La démarche poursuivie au sein des trois projets analysés pour la prise en compte du contexte
physique pourrait se synthétiser ainsi : chaque élément matériel du site, qu’il soit présent
naturellement ou déjà construit précédemment, doit faire l’objet d’une étude selon ses
caractéristiques fondamentales, à savoir sa nature en tant que matériaux, sa forme, et sa fonction. Il
faut ensuite distinguer laquelle de ces trois caractéristiques (nature/forme/fonction) constitue un
potentiel pour le futur projet. De l’analyse de ce contexte physique, on obtient alors un ensemble de
potentiels à revaloriser en tant ressource matérielle pour le projet. Ainsi, dans son projet, Charlie
O’Geen a par exemple choisi de conserver le toit existant pour sa fonction, de réutiliser les pneus
trouvés sur le site pour leur nature étanche, et de réemployer l’un des pilastres seulement pour sa
forme esthétique.
Le recyclage ou réemploi des matériaux, s’il permet de réaliser une économie en matière première, il
soulève cependant la question du temps de travail supplémentaire qu’il requiert pour sa
déconstruction. Cela s’inscrit dans les volontés politiques de la Décroissance en distribuant
davantage d’argent pour la partie de main d’œuvre que la production de matière. Cela est
financièrement possible dans les projets observés à Détroit grâce aux phénomènes d’auto-
construction, ou de chantier participatif. Dans un objectif de concrétisation pour l’ensemble des
projets, les objecteurs de croissance envisagent d’attribuer un coût énergétique aux matériaux liés à
leur production. On sortirait ainsi de la logique actuelle qui consiste à privilégier le choix de matériau
ne nécessitant que peu de main d’œuvre (mais généralement plus coûteux énergétiquement). On
rétablit alors un équilibre plus sain entre main d’œuvre et matériau, à la faveur du travail de
l’homme (et non de l’exploitation des ressources de la planète).
Prise en compte d’un contexte social
Toujours dans cette approche ‘Bottom-up’, la deuxième composante sur laquelle s’appuient les
projets analysés est la dimension sociale du contexte, c’est-à-dire les personnes présentes sur place.
Cette population locale constitue une ressource non négligeable si elle est mise à contribution au fil
du projet.
Cette prise en compte du contexte humain au sein de Power House Productions et de la Brightmoor
Vetal School est assurée au travers de la démarche collaborative des projets. Les habitants
présentent un grand nombre de potentiels qui peuvent être valorisé à différentes étapes du projet.
Investis en phase de conception, ils constituent un groupe d’expert, tant en terme de connaissance
de leurs besoins en tant que futur usager, que dans la maîtrise du contexte et de l’environnement du
site de projet. En phase de construction, ils représentent également une main d’œuvre disponible
localement et généralement engagée, dans la mesure où le projet leur est destiné. L’ensemble de ces
potentiels peut être mobilisé à différents degrés et selon différents modes de collaboration.
Les projets étudiés expérimentent deux types d’implication de la population dans leur processus de
développement. Power House Production travaille à une interaction plus spontanée avec la
population qui fait l’objet de moins d’organisation. Pour l’établissement du programme d’abord, le
collectif, qui connaît déjà l’orientation artistique de son projet, organise un ‘Talent Show ’. Cet
évènement est l’occasion de révéler les compétences et intérêts artistiques des habitants. Il ne s’agit
pas d’un atelier de travail mais seulement d’une façon d’initier le projet et de spécifier le programme
en s’appuyant sur les aspirations artistiques déjà présentes au sein de la population locale. Pour la
phase de réalisation, le collectif a fait le choix d’associer le travail de conception et de construction à
travers l’expérimentation concrète sur le site. Ce mode de travail a permis sans l’organiser une
certaine forme d’interaction avec les habitants. Il ne s’agit pas d’une collaboration proprement dite,
mais d’une inspiration mutuelle autour de discussions informelles. Les phases d’expérimentation
successives ont en effet permis de susciter des réactions spontanées de la population locale, à
l’origine d’évolutions du projet au fil de sa construction. Mitch Cope, architecte et artiste du projet
évoque l’une des ces interactions, qui traduit relativement bien le niveau d’échange avec la
population: “There was this one time we were painting boards outside and I was playing with some
patterns with rolling paint and one of the kids came by, a teenager, and he was like, “Mitch, what are
you doing, what's going on with the windows?” I told him, “Well, I don't know, I'm just trying
something out.” He looked at the paint, then at me, and said “try something else.” C’est ce type de
réactions spontanées qui a guidé la conception des projets de PHP. Elles permettent une prise de
recul sur le projet pour les architectes mais aussi une forme d’appropriation du bâtiment par la
population qui exprime son opinion sur les évolutions de la construction.
Avec le projet de la Brightmoor Vetal School le DCDC explore un degré de collaboration beaucoup
plus important basé sur une forte organisation et planification du projet. Une série successive de
workshops a été réalisée au cours de laquelle la population locale est mise à contribution. Cela
33
commence par une analyse engagée de chacun des habitants auquel il est demandé de prendre en
photo les éléments considérés comme positifs ou négatifs de son quartier. Ce travail est alors
restitué en commun au cours d’une ‘Pin-up session’ où l’ensemble des photographies sont agrafées
sur un plan. L’étape d’analyse du site est suivie par un atelier de définition des besoins de façon
individuelle puis collective. Ce programme provisoire sera ensuite mis à l’épreuve de la surface
disponible au travers d’un workshop basé sur l’expérimentation concrète avec la maquette de site.
Suivent ensuite des ateliers pratiques de déconstruction, recyclage des matériaux, etc. L’ensemble de
ces étapes de collaboration est ponctué d’évènements de quartier, comme des repas ou des matchs
de basketball sur le site pour investir l’ensemble de la communauté dans le projet, y compris ceux qui
n’auraient le temps ou les capacités de participer aux ateliers.
Cet investissement de la population, quelle que soit la forme qu’il prenne, présente l’avantage
d’assurer une meilleure appropriation du projet. A son ouverture, le bâtiment est déjà quelque chose
de familier, il est marqué par l’identité de la population locale. Ce n’est plus la proposition d’un
architecte, mais le fruit d’un processus commun de mise en valeur des potentiels locaux, qui exprime
son appartenance au quartier. Gina Cope, architecte pour Power House Productions, évoque cette
appropriation facilitée : “The Program was uncommon and the appropriation process wasn’t granted,
but people often says to us that they felt familiar to the buildings before it’s been finished because of
their early involvement in the project”.
Cette génération des projets à partir du contexte selon tous ces aspects, c’est-à-dire cette approche
‘Bottom up’, s’inscrit dans la continuité du questionnement soulevé par l’architecte Carlos Arroyo :
‘‘Que se passerait-il si, au lieu de rechercher des sites, nous recherchions des contextes ? Des
situations spécifiques sans délimitation géographique clairement définie, mais présentant des
aspects culturels, sociaux, économiques et identitaires prégnants en plus de leurs conditions
physiques.’’
Une nouvelle échelle d’intervention
Après la posture de l’architecte et les modes d’élaboration du projet, ce qui fait la particularité de ces
exemples issus de la décroissance est la nature même de l’objet construit. L’intention des architectes
n’est pas de livrer un objet terminé, dans le sens où il serait figé dans le temps. Le projet intègre en
effet un caractère progressif. Tout n’est pas forcément immédiatement réalisé, on procède
davantage par étape. On commence par une première intervention qui se suffit à elle-même, et si
l’on constate qu’un enthousiasme ou une dynamique favorable se créé, alors on pourra peut-être
envisager l’approfondissement du projet ou même la création d’autres projets liés. C’est la politique
qui veut favoriser une intervention simple et juste.
C’est ce qu’explique Mitch Cope à propos de Power House Productions: “Bring [the houses] into a
livable standard would have taken a lot of money, and a lot of work, but turn them into an art project
is a step in the right direction in a sense that you’re not going all the way, but you’re going to a
certain point […] where the house can become energized into a ‘positive element’”. L’objectif de PHP
est de rendre à nouveau le quartier attractif pour enrayer la fuite des familles dans Hamtramck. Pour
ce faire, les architectes ont fait le choix de procéder par phase, non pas comme un ensemble
d’étapes préprogrammées, mais en se définissant à chaque fois un niveau accessible à atteindre
porteur d’une image positive et générateur d’une nouvelle dynamique. Ainsi, ils ont commencé par
transformer une première maison en salle de théâtre, la Play House. Ce projet a peu à peu attiré
d’autres artistes et incité de nouvelles transformations de maisons en lieu de performance
artistique… Aujourd’hui, la dynamique présente dans le quartier a permis d’atteindre les objectifs
initiaux puisqu’un couple d’artiste et une famille ont décidé d’emménager dans deux de ces maisons.
Il a donc fallu de nouveaux aménagements afin de les rendre habitables. Comme l’explique M. Cope,
la rénovation complète des maisons abandonnées pour en faire des logements habitables n’auraient
pas été envisageable financièrement au début du projet. C’est le fait d’avoir procédé par étape en y
intégrant la notion de temps qui a rendu possible le projet, tant en terme de coût qu’en terme de
dynamique et d’envie. Tout construire tout de suite, c’est-à-dire convertir les maisons abandonnées
en maisons habitables, n’aurait certainement pas permis de redynamiser la quartier, et donc de
susciter l’envie d’y habiter.
Selon une démarche similaire, le DCDC a planifié une conversion progressive de la Vetal School. Cette
transformation débute tout d’abord par la conversion de l’annexe de l’école en poste de surveillance.
L’objectif est de sécuriser la zone et ainsi remettre en confiance les habitants. La seconde étape se
concentre sur le réinvestissement des espaces extérieurs du site afin de refamiliariser la population
locale avec l’espace de l’ancienne école. Cette étape a pour but de remobiliser plus largement
l’ensemble de la communauté à travers la réappropriation des nouveaux espaces de loisirs (étape
actuelle du projet). Cette nouvelle dynamique générée à proximité directe du bâtiment de l’école
permettra ensuite d’initier sa reconversion. La rénovation de l’école aura alors lieu en deux phases,
en commençant par le rez-de-chaussée comportant l’ensemble des éléments du programme, suivis
de leurs éventuelles extensions au R+1.
L’idée est donc de développer des processus de conception qui soient incrémentaux, étalés dans le
temps et redéfinissables en fonction des conditions nouvellement créées.
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« [L’architecture] doit aller à l’essentiel, produire des solutions chaque fois singulières, qui s’épurent
des excès et des facilités en tout genres, qui à défaut de coûter, innovent pour trouver des solutions,
inventent, recyclent, sont capables de voir en toute chose les qualités qu’elles recèlent plutôt que les
défauts, en y intégrant les nouveaux modes de vie. »
Olivier Mongin
La Décroissance est un modèle de société qui interpelle et nous invite à remettre en question les
croyances acquises au travers du système politique et économique actuel. Cela nous conduit non
seulement, à remodeler nos modes de pensée, mais également nos modes de faire. L’architecture
qui serait générée selon cette vision politique en ressort donc transformée, tant dans ses processus
de conception que dans son résultat final.
Ce mémoire permet donc d’envisager ce qu’est cette nouvelle architecture, composante essentielle
et motrice dans la construction d’une société de la décroissance. Bien qu’il n’existe à l’heure actuelle
aucune production architecturale revendiquée ‘décroissante’, il est possible d’établir une
méthodologie de projet appliquée au domaine de l’architecture fondée sur le travail de Serge
Latouche. Les différentes étapes du projet politique suggéré par ce dernier, constituent, une fois
appliquées au domaine de l’architecture, les axes majeurs de ce que peut être le développement
d’un projet architectural dit ‘décroissant’.
L’analyse d’exemples concrets à Détroit, ville où la Décroissance est un phénomène actuel, nous
renseigne sur la nature de ce nouveau type d’architecture. Les projets analysés permettent tout
d’abord de confirmer la vraisemblance des pistes de développement de projet souhaitées par les
objecteurs de croissance : Reconceptualiser, Restructurer, Relocaliser, Réduire et Recycler. Détroit,
en offrant un contexte économique et social spécifique, propose un nouveau mode de production de
l’architecture. L’absence de ressources économiques, conduit en effet l’architecte à reconsidérer des
ressources jusqu’alors sous-exploitées, porteuses pourtant d’une richesse différente mais bien plus
importante dans la construction d’un projet architectural. Ces potentiels revalorisés sont ceux du
contexte local, autant dans sa nature physique, que dans sa composition humaine.
L’architecture devient plus spécifique, et plus complexe dans le sens où elle est alors productrice
de projets locaux, et non plus simplement d’objets architecturaux. Elle se caractérise comme une
architecture de processus, appuyée sur une démarche Bottom-up c’est-à-dire locale, et source d’une
nouvelle échelle d’intervention.
Si les caractéristiques majeures de cette architecture apparaissent aujourd’hui dans certains projets
en Europe : on connait en effet l’importance accordée à la phase de chantier par Patrick Bouchain,
comme celle liée au recyclage dans le travail de Jean-Marc Huygens, ou bien la démarche
collaborative de Lucien Kroll,… ; ces derniers n’en sont pas pour autant des projets décroissants. Ce
qui génère une architecture de la décroissance à proprement parler, c’est la prise en compte de
l’ensemble de ces critères, suivant une démarche globale portée par une ligne idéologique. Certains
projets étudiés à Détroit concrétisent cette vision. Ils pourraient donner lieu à des expérimentations
similaires dans des contextes cette fois-ci non contraints, comme les témoins d’une architecture
‘décroissante’ engagée, issue d’une démarche volontaire.
Pour conclure, ce travail constitue ainsi une première approche analytique, non exhaustive, de
l’application de la décroissance (vision politique) au domaine de l’architecture. Il conviendrait
désormais de le faire évoluer, en étudiant les possibilités d’implémentation de cette méthodologie
d’architecture décroissante dans notre société. Cela nous pousserait alors, à définir les conditions
favorables à une transition sociétale proactive, grâce à l’architecture.
Initier un changement de modèle, de la croissance vers la décroissance, au moyen de l’architecture
en tant que génératrice du cadre de nos sociétés,…
… serait un projet prometteur.
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Ouvrages
P. Ariès, « La décroissance : un nouveau projet politique», Villeurbanne, Ed. Golias, 2007
N. Georgescu-Roeben, La Décroissance,Entropie-Ecologie-Economie, Ed. Sang de la Terre, 1995
F.Gesualdi, « La Sobriété», Feltrinelli, Milan, 2005
A. Gorz, « Ecologica», Ed. Galilée, 2008
J.M. Huygens, « La poubelle et l’architecte», Ed. Actes Sud, 2008
I.Illich, « La Convivialité», Ed. Seuil, 1973
R. Koolhaas, « Junkspace», Ed. Payot, 2011
S. Latouche, « Le pari de la décroissance», Ed. Fayard, 2006
Y. Mignot-Lefebvre & M. Lefebvre, « La Société combinatoire, Réseaux et pouvoirs dans une
économie en mutation», Paris, L’Harmattan, 1995
A. Magnaghi, « Le projet local», Ed. Mardaga, 2003
Joseph Schumpeter, « Histoire de l’analyse économique », Paris, Gallimard, 1983
“Detroit Future City, Strategic Framework Plan” rédigé par le Detroit Collaborative Design Center,
Detroit, 2012
Articles
J.P. Charbonneau, « Eloge de la simplicité et du recyclage » dans Alterarchitectures Manifesto, Ed.
Golias, Villeurbanne, 2012
S. Fol, « ‘Déclin urbain' et shrinking cities : une évaluation critique des approches de la décroissance
urbaine », Annales de géographie, 2010/4 (n°674)
J.M. Harribey, « Les théories de la décroissance : Enjeux et Limites », Cahier français
‘développement et environnement’, n°337, mars-avril 2007
C. Laurens, « Architecture : la fin du productivisme » dans Alterarchitectures Manifesto, op.cit.
D.H. Meadows, «Halte à la croissance» traduction française de « Limits to the Growth », extrait de
« Club Of Rome’s project on the Predicament of Mankind », New Yord, Ed. Univers Book, 1972
O. Mongin, « Faire beaucoup avec peu, vite et bien… », extrait de La Condition Urbaine, p.200, 2013
Walker & al, Resilience, adaptability and transformability in social-ecological systems, Ecology and
Society, 2002, n°9
Exemples d’ateliers collaboratifs du programme NEW pour le projet de la Brightmoor Vetal School,
développé par le Detroit Collaborative Design Center
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Gestion du phasage par étape, Brightmoor Vetal School
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