Bad Games - Vol. 4 (French Edition) -...

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LameutedeRiverside

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vients’installeràRiversideCreekoù

ellefaitprofilbas:sorcièreaux

pouvoirsnouvellementacquis,elle

découvrelemondedescréatures

surnaturellesetsesrègles.

Fascinéeparl’undesesprofesseursde

fac,leséduisantTyee,elleestloindese

douterqu’ilestunloup-garoudestinéà

devenirl’Alphadesameute.

Irrésistiblementattirésl’unparl’autre,

ilsignorentcombienleurpasséleslie.

Maislesmystèresaussitroublesque

violentsdecettepetitevillevontrefaire

surfaceetdresserbiendesobstaclessur

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Rêvesetdésirs

HopeRobinsonestfleuristedansune

boutiqueàSanFrancisco.Entourée

d’unepatronnerock’n’roll,d’unemère

pouleetd’unemeilleureamieaucœur

d’or,ellemèneuneviequ’elle

n’échangeraitpourrienaumonde.

Jusqu’aujouroùHopeadesvisions.

Hantéeparuncauchemarqu’ellefait

désormaistouteslesnuits,ellevoitun

hommesefaireassassinersoussesyeux,

sansqu’ellepuisseluivenirenaideou

leprévenir.Accusantlafatigue,Hope

n’yprêtepasattention.

Jusqu’àcequ’ellecroisecethomme

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Noran’aque24ansmaissesgrands-

parentsluiontdéjàconfiéla

responsabilitédeleurhôtelnew-

yorkais.Àlatêted’unétablissement

aussiprestigieuxquedélabré,ellesebat

entrelesclientscapricieuxetles

facturesàpayer.Riendebienexcitant

jusqu’aujouroùellerencontreNeil

Caine,LEdesignerquetoutlemonde

s’arrachepoursacréativité…maisdont

toutlemonderedoutelesfrasques!

Leurrelationserapleinedesurprises,

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ImpossibleLove–Retrouve-

moi

EmilyGreenfaitlarencontredeMax

Withman.Entreeux,c’estlecoupde

foudre,ilssontfaitsl’unpourl’autre!

Touslesdeuxcréadanslapubsur

MadisonAvenue,touslesdeux

passionnésparleurtravailetàlapointe

del’innovation.Emilyestdrôleet

intelligente,Maxestbeauàtomberet

dévorelavie.Leproblème?Elleviten

2015,luien1963…Parquelmiracle

Emilys’est-elleretrouvéepropulsée

danslepassé?Commentavouerla

véritéàMaxsanspasserpourunefolle

?

ExcitéeparladécouverteduNewYork

desannées1960etaniméed’une

passiondévorantepourMax,Emilya

l’impressiondevivreunrêveéveillé.

Maislerêvepourraitbiense

transformerencauchemarcaronne

voyagepasdansletempssanscréer

d’irréversiblesdégâts…EmilyetMax

sont-ilscondamnésàvivreà52ansl’un

del’autre?

Sensualité,suspense,unehistoire

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Fallaitpasmechercher!

J’ai24ans,unpèretyranniqueetun

empirebabylonienàgérer.Mafortune

colossaleetmonjoliculfontdemoile

meilleurpartideLosAngeles.Jesouris,

onsepâme.J’ordonne,onm’obéit.

J’auraispum’appelerMike,Johnou

William,maismeschromosomesenont

décidéautrement.Jem’appelledonc

ValentineLaine,jesuisunefemmequi

doits’imposerdansunmondede

requins,etriennipersonneneme

résiste.

Aumoinsjusqu’àl’arrivéefracassante

deNilsEriksen,quim’asauvélavie

toutenymettantunsoukimprobable.

Sanscesse,nosdestinss’entrechoquent,

s’entremêlent,s’entrelacent,etnoscorps

nedemandentqu’àlesimiter…

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

JulietteDuval

BADGAMES

Volume4

ZOSH_004

1.Let'srock

Deboutsurlascène,lasallevideme

paraîtimmense.J’aipresqueenviede

crierpourvoirsiçacréedel’écho,

mais

les

techniciens

du

son

n’apprécieraientpas.Detoutefaçon,ma

gorgeesttropnouéepourça.

–Tuasletrac?demandeunevoix

derrièremoi.

Jepivotesurmestalonspourfaire

faceàTrevor.Lafiertémepousseànier

(«Peur,moi?Jamais!»)maisjene

peuxoccultermesmainsmoites,nimon

cœurquibatàcentàl’heure.Jeréponds

honnêtement:

–Jen’aijamaisjouédansunesi

grandesalle.

LeFillmoreestl’undeslieuxphares

delascènemusicaleàSanFrancisco.Il

peutaccueillirparaît-il800personnes,

maislà,toutdesuite,j’aiplutôt

l’impressionquec’est8000,

Qu’est-cequ’ilm’aprisdeme

lancerlà-dedans?

Lespetitessallesoulesconcertsen

pleinair,OK,jegère.Là,c’estleniveau

supérieur.Réservéauxpros.Etjene

suispasunepro.

–Tusais,merassureTrevor,ta

guitareesttoujourslamême.

–Ouimais…Regarde,ilyades

lustresencristal!Ilsn’ontpaspeurque

çatombesurlatêtedesspectateurs?

Trevoréclatederireetmetapotela

tête,cedontj’aihorreur.

–Tuvassuperbient’ensortir.

–Jenesuisquel’intérimaire.

Aufond,c’estpeut-êtreçaquimefait

leplusflipper:toutlemondevame

voiraveclegroupeetendéduireque

j’enfaispartiepourdebon.

–Tutedébrouillesdéjàmieuxque

Ridge,intervientHudson,occupéà

réglersonmicro.Lamusique,cen’est

pasqu’unequestiondetechnique.Le

plusimportant,c’estlefeeling.

Farceur,

Trevor

commence

à

fredonner«Ifeelgood».Jelui

administreuncoupdecoude.

–Heureusementquetuesguitaristeet

nonchanteur.

–Entoutcas,tuassouri.Allez,

respire,toutlemondeeststresséavant

unconcert.

–Mêmetoi?

–Jesuisunhommed’exception,

crâne-t-ilavecungrandsourire.

N’importequoi…

Cecidit,ilaraison,Jimmyesten

trainderendrechèvreslestechniciens

dusonàforcedevouloiratteindrela

perfection,

et

Matt

tambourine

nerveusementsursesinstruments.Les

portesvonts’ouvrird’uninstantà

l’autre,àprésent.

Jemedemandesiavecletemps,je

deviendraipluscool…

Questionidiote:mesjoursdansle

groupesontcomptés,quelquesoitle«

feeling».J’aibiencomprisqu’ilsneme

cherchaientpasvraimentderemplaçant

dansl’immédiat,maisl’annéescolaire

seterminerabienunjour.Enjuillet

prochain,quoiqu’ilarriveetmêmesije

jouetoujoursaveceuxàcettedate,je

rentreraienFrance.J’aid’ailleurs

l’impressionqueletempss’écouledeux

foisplusvite,depuisquejesuisarrivée

ici.Déjà,lesdécorationsd’Halloween

fleurissentàtouslescoinsderue.

L’insouciancedel’étés’estévanouie

sansquejen’aievraimentprofitéde

l’automne.Jetentedésespérémentde

conciliermesétudesavecSunJuice,tout

ensachanttrèsbien,aufond,qu’il

faudrabienchoisiràunmoment.Jene

pourraipasjoueréternellementles

équilibristes.Pasplusqu’encequi

concerne

ma

vie

sentimentale,

d’ailleurs.

Jen’aitoujourspasrappeléJoshua.

Déjàdeuxsemaines…Cecine

m’empêchepasdeconsultermon

téléphoneportabletouteslesdix

minutes,dansl’espoirqu’ilreviennesur

sespositions.Tiens,mêmeunmessage

dePennyferaitmonbonheur.Maisrienà

faire:ilm’aprévenuequelaballeétait

dansmoncamp,ils’ytient.

Quellefichuetêtedemule!

Bon,pourêtrehonnête,jenebrille

pasnonplusparlafaçondontjegèrela

crise.J’airevuJanedeuxfois,aprèslui

avoirdonnérendez-vousenville;elle

m’atellementremerciéed’acceptersa

nouvellegrossesse(contrairementà

Joshua,donc,quin’aplusremisles

piedschezeuxdepuisl’annonce)queje

redoutetoujoursdedéclencherun

tremblementdeterremajeurenaffichant

Joshuacommemonpetitamiplutôtque

commemon«presquefrère».

Jepersisteàpenserqueneriendire

restelameilleuresolution.

Enfinjen’airienàafficher,

maintenant,puisquejen’aiplusde

nouvellesdepuislasoiréefatale.

Certainssoirs,ilmemanquetellement

quejesuisprêteàallercrieraumonde

entierqu’ilm’appartientetaudiableles

conséquences.

J’ai

cherché

trois

millionsdefoissonnomdansmon

répertoire.Chaquefois,j’aiabandonné

avantd’appuyersur«appeler».

Jesuisaussilâchequ’indécise.

Unseulboncôtéàlasituation:jeme

suismiseàtravaillerd’arrache-pied

pourrattrapermonretardencours.Au

moins,quandj’ailenezplongédansles

questionsd’acoustique,jenepense

(presque)pasàJoshua.

–Prête?melanceTrevor.

Pasdutout.

Jenesuisprêteàrien.J’ai

l’impressionquemavie,enCalifornie,

demeuresuspenduedansleslimbes,

dansl’attentequ’unévénementdécisifse

produise.QueSunJuicesedécideà

jouercartessurtables,queJoshua

viennem’enleversursamotoétincelante

ouqueStanfordmemetteàlaporte.

Oualors,jepourraismeremuerau

lieudemelaisserporterparle

courant.

Quoiqu’ilensoit,cesoir,j’aiun

concertàassurer.J’effleurelescordes

demaguitare,quiémettentunevibration

rassurante.

–Prête.

Lamusiqueatoujoursétélaréponse

àtousmesproblèmes.Commeces

dernierstemps,lesproblèmesse

multiplient,riend’étonnantàceque

j’aiesanscessebesoindejouer.Quece

soitdevantquelquescentainesde

spectateursnechangerienàl’affaire.

Enfait,leconcertestàlafoisun

problèmeetunesolution.

Mespenséess’embrouillent.Je

plaqueunaccordpourleséclairciret

laissemoncerveauseremplirdenotes,

pourleviderdetoutlesuperflu.

***

Lesprojecteursbalayentlasalle

tandisquelascènedemeureplongée

dansl’ombre.Leconcertcommence

danstrois,deux,un…

Joshua.

Monregardaaccrochésonvisageet

nelequitteplus,mêmequandles

lumièress’éteignent,plongeantlasalle

danslenoir.Alorsquej’avaisréussià

meconvaincrequejepouvaisjouer

devantn’importequelnombrede

spectateurs,unseulsuffitàmeredonner

letrac.

Ilvamevoirsurscène.M’écouter

jouer.

Ilm’adéjàentendueauxMaldives,

maiscen’étaitpaspareil.Cesoir,c’est

dusérieux.J’étreinsmaguitarecomme

sielleétaitlui.

OK.

Ilafaitlepremierpasenvenantau

concert.Alors,jenejoueraiquepour

lui.Cetterésolutiondissipeaussitôtmon

trac.Iln’existeplusnifoulenigroupe,

uniquementluietmoi.J’entendsMatt

donnerlesignaldudépartetjemenoie

danslamusique.

Enprincipe,depuislascène,ilest

impossiblededistinguerunepersonne

parmilafoule,silesprojecteursnesont

pasbraquésdessus.Maislà,j’ai

l’impressionqu’onaalluméunspot

lumineuxau-dessusdeJoshua,queje

suisseuleàvoir.Enmêmetempsqueje

caresselescordesdemaguitare,jesens

presquephysiquementsonregardpeser

surmoi.L’électricitécrépitedansl’air,

accentuantlaforcedemonjeu.Quand

Hudsonentamelesballades,l’émotion

megagne.

Pourtant,leschansonsd’amourne

comptentpasparmimespréférées.

Lethèmemesembleéculéetle

tempo,troplent.Hudsonsoutientquece

sontpourtantlespréféréesdupublic…à

moinsqu’ilnes’agissedessiennes.Ce

soir,ellesprennentunerésonance

particulière.

Jedevienssentimentale.

Ilmesemblevoirbrillerlesyeuxde

Joshuadanslapénombretandisque

notrechanteurévoquelespremières

fois,lesséparationsetlespardons.«Le

mondeentiertientdansunbaiser»,

affirme-t-il,etjesensmeslèvresme

picoter.Lesgouttesdesueurquiglissent

surmapoitrinemerappellentla

piscine…oulabaignoireàbulles,ou

même,ladouchedel’appartement

d’Orion.Jesuiscertainequema

température

corporelle

n’est

pas

uniquementdueàlachaleurdes

projecteurs.

Joshua…

Jevoudraismedécouvrirdestalents

detélépathepourluidireàquelpointil

m’amanquéetcombienjesuisheureuse

qu’ilsoiticicesoir.Àlaplace,je

laisseparlermaguitare.Lesdeuxheures

deconcerts’envolentcommeunrêveou,

peut-être,unedéclarationd’amour.

***

–Tun’avaisaucuneraisonde

t’inquiéter,affirmeTrevorenme

frappantsurl’épaule:tuasassuré!

–Jet’aitrouvéeparticulièrement

inspirée,renchéritHudson.

–Merci,lesgars.

Jemejettesurmabouteilled’eau

pour

éviter

d’épiloguer.

Les

complimentsnemefontplusaussipeur,

maisjenetienspasàdiscuterdela

raisondemoninspiration,cesoir.Matt

s’estlaissétombersurlecanapéencuir

delaloge,unebièreàlamain,etJimmy

adisparuDieusaitoù.Sansdoutepour

discuteraveclesresponsablesdela

salle.

–Carrie!

Lavoixd’Angelamefaitsursauter.

Del’eauserépandsurmonbustier;

rafraîchissant,maisletissumecollait

déjàassezaucorpssanscela.

Jen’aijamaisréussiàdissuaderma

colocatairedeprononcermonprénom

enroulantles«r»àlafrançaise.

Derrièreelle,Tinam’adresseun

grandsourire.Jelesaiinvitéestoutes

lesdeuxauconcert,dansungestede

fraternisation.Jem’efforcederecoller

lesmorceauxavecTina:mêmesinotre

amitiéévolue,mêmesielles’atténueau

profitdenouveauxliens,elledemeure

précieuseàmesyeux.Qu’elleait

acceptédevenircesoiralorsqu’elle

croulesousletravailestunsignefort.

QuantàAngela,elleestl’unedemes

plusferventesgroupiesdepuisqu’elle

saitquejejouedansungroupe.Etpuis,

j’aimesoncôtédéjanté.Seulement

maintenant,àvoirlafaçondontelles

dévorentlesgarçonsduregard,jele

regrette.L’invitationbackstageétaitde

trop.

J’aiintroduitleloupdansla

bergerie.

Mescamaradesdegroupesavent

heureusement

comment

gérer

la

situation.SeulHudsonseréfugiedans

soncoin,malàl’aise:alorsqu’iln’a

paspeurdedévoilersonâmesurscène,

ilatendanceàserepliersurluidès

qu’ilposesonmicro.Jetentede

participerauxconversations,maisle

cœurn’yestpas.J’attendsquelqu’un

d’autre…etj’aidumalàconsidérerles

garçonscommedesrockstars.Pourmoi

cesontdescollègues,voiredesamis,

maisdesobjetsdefantasme,jamais.

QuefaitJoshua?

Jen’aipasrêvél’intensitéavec

laquelleilmeregardait,cesoir.Iln’a

paspurepartircommeça,sansmêmeme

saluer!Jemedécideenfinàutiliser

montéléphone.

[Oùes-tu?]

Quelqu’unmebousculesansqueje

n’yprêteattention,mavieentière

concentréesurlepetitécranlumineux.

Hudsonm’attrapeparlebraspour

m’entraîneràl’écart.Enfin,monécran

s’illumine:

[Jet’attendsdehors.]

Quelleidiote,jen’aimêmepaspensé

àprévenirleserviced’ordreet

contrairementàTinaetAngela,iln’a

pasd’accèsbackstage…Jeposeune

mainsurlebrasdeHudsonpourattirer

sonattention:

–J’aiunamiquim’attenddehors.

–Vas-y,dit-ilsanshésitation.Nous

termineronsderanger.Onteretrouve

côtésortiedesartistes?

–Euh…oui.

Et

si

Joshua

insiste

pour

m’enlever?

Jenesuispascertainedesavoirlui

direnon…D’unautrecôté,nousavions

prévudepasserlafindelasoirée

ensembleaveclesgarçons,jenepeux

paslesplantercommeça.EtpuisTinaet

moisommesvenuesdanslavoiture

d’Angela.Mêmesipourl’instant,

l’attentiondecelle-ciseconcentresur

Trevor,MattetJimmy,aumomentde

rentrer,ellerisquedesesouvenirde

monexistence.QuantàTina,ellenese

trouvenullepartenvue.Jedemandeà

Hudson:

–Tupréviendraslesautres?

Jen’aipasspécialementenviede

crieràlarondequejerejoinsJoshua.

SurtoutpasàTrevor.Hudsonhochela

tête:

–Pasdeproblème.File!

Jepianotesurmonécran:

[J’arrivedansdixminutes.]

Puisj’attrapelesaccontenantmes

vêtementsderechangeetjefileàla

salledebains.Jedétestemechanger

danslesloges,c’estpureparanoïade

mapart,maisj’aitoujoursl’impression

qu’ilyadescaméraspartout.Toutefois,

aprèslatranspirationduconcert,une

douchen’estpassuperflue.Jepréfère

aussimedébarrasserdemonmaquillage

descène:deloin,ilfautqueçasevoie,

deprès,çafaitunpeutropBarbieGirlà

mongoût.Jebatsunrecorddevitesse

pourmesavonner-rincer-sécheravantde

passerunjeanpropreetunT-shirtsec.

Sij’avaissuqueJoshuaviendrait,

j’auraischoisiautrechose.

Matenueestplusadaptéeàunesortie

entrepotesqu’àdesretrouvaillesavec

monpetitami.Tantpis,onferaavec.

J’espèrequ’iln’ariencontrelesT-shirts

proclamantqu’onn’ajamaistropde

guitares…Jetiremescheveuxenarrière

etlesdissimulesousunfoulardimprimé

denotesdemusique,puisjeperchedes

lunettesblanchessurmonnez.

Lechangementdelookdevrait

suffireàmepermettredegagnerla

sortieinaperçue.

D’accord,jenesuispasencore

MadonnaouBeyoncémaislagloire

commencepetitetjen’aipasenvie

d’êtrearrêtéeàchaquecoindecouloir.

Jemefaufilediscrètementparmilafoule

quiencombrelescoulisses.Retrouver

l’airlibreestunedélivrance.Unvent

fraisbalayelarueetmefaitregretterde

nepasavoiremportédevesteplus

chaude.

Àprésent,trouverJoshua.

Lafouleestdensesurletrottoir.Les

spectateurs

s’attardent

par

petits

groupes,fument,discutent…Jenepeux

m’empêcherdetendrel’oreillepour

savoircequ’ilsontpensédenotre

prestation.HudsonetTrevorrécoltentla

plupartleslouanges.Normal:cesont

euxlesplusenavant.Quelquesexperts

autoproclamés

nous

prédisent

une

ascensionfulgurante,çafaittoujours

plaisiràentendre.Jepassesurlesgros

lourdsquijugentdavantagemaplastique

quemonjeu.

Lesconcertsn’attirentpasqueles

mélomanes…

Ah,j’aperçoisJoshua!Mais…Je

m’arrêtesurleborddutrottoir,

examinantlegroupedeboutdel’autre

côtédelarue.

Ilaoubliédemepréciserqu’il

n’étaitpasseul!

PasseencorepourOrion,appuyé

contresamoto.MaisLicia,franchement,

cen’étaitpasnécessaire!J’hésiteà

traverser.

Direquej’aicruqu’ilétaitvenu

justepourmoi…

Puis,commedansunfilmauralenti

quirepassesoudainenvitessenormale,

touts’accélère.Joshuam’aperçoitet

m’adresseunsignedelamain.Aumême

instant,unbrasseglisseautourdema

taille.Jeglapisavantdereconnaîtrele

parfumdeTrevor.

Il

croit

que

s’en

asperger

copieusementledispensedeprendre

unedouche.Beurk.

Tu

comptais

nous

fausser

compagnie?s’indigne-t-il.

Jemedégagedesonétreintepour

protester:

–Non,maisJoshuaestlàet…

–Ah,tonfrère…,commenteTrevor

sanslemoindreenthousiasme.

Joshuan’apasl’airplusravidele

voir.Lesdeuxhommessetoisentdu

regard;s’ilsétaientdeschats,ils

auraientlepoildudoshérissé.

Trevorsedoute-t-ildequelque

chose?Oujoue-t-ilseulementla

provocationenversle«grandfrère»

tropprotecteuràsongoût?

Quoiqu’ilensoit,c’eststupide.Je

salueJoshua,OrionetLicia,puisjeme

retourneversmoncollègue.

–JevousprésenteTrevor,le

guitaristedenotregroupe.Trevor,tu

connaisdéjàJoshua,voicisonami

OrionetLicia,lasœurd’Orion.

Unespoirmetraverse:siLicia

craquepourTrevor,commequatre-

vingtspourcentdesfilles,ellenous

ficherapeut-êtrelapaix,àJoshuaetà

moi?Hélas,ellen’accordemêmepas

unsecondregardauguitaristepréféréde

cesdames.

C’estuncasdésespéré…

–Nousallionsjustementpartirà

l’after,annonceTrevor,unemainposée

surmonépaule.

Ilestd’unnatureltactile,maislà,j’ai

l’impressionqu’ilenrajoutepour

énerverJoshua.Etçamarche,àlafaçon

dontlamâchoiredecedernierse

contracte.

Quellematurité!

Ilattaqueaumomentoùjefaisunpas

decôtépouréchapperàmoncamarade

transforméenpieuvre.Savoixest

tranchantecommeuncouteau,sonregard

acéré.Jefrissonnemalgrémoi.Ilne

montrepassouventcecôtéautoritaireen

maprésenceetjenepeuxm’empêcher

detrouverçasexy.

–Parfait,nousvousaccompagnons.

Carrie,jeteconduisàmoto?

–Ilvaudraitmieuxrestergroupés,

indiqueTrevor.

Ilexagère!

D’accord,Joshuavientunpeude

s’imposer.Maisjel’auraisinvitéde

toutefaçon,Trevorlesaittrèsbien.

C’estd’ailleursçaquil’énerve…Même

s’ilarapidementlaissétomberses

tentatives

de

drague

après

notre

rencontre,ilestimetoujoursqueje

mériteunmecàsahauteur…c’est-à-

dire,introuvable,étantdonnél’opinion

qu’iladesapersonne!Jenerésistepas

àlatentationdelecharrier:

–Tum’excuseras,maisentreton

vieuxtacotetlamoto,lechoixestvite

fait.

Trevoraccuselecoup.Sonvisage

toujourssouriantseferme,illâchemon

épauleetdemanded’untonsec:

–Ettescopines,tuenfaisquoi?

J’éprouveunepointederemords:ce

n’étaitpeut-êtrepaslemomentde

plaisanter.Ilsembleprendrel’affaire

plusàcœurquejenelepensais.

J’adoucismavoixpourrépondre:

–Angelaaunevoiture.Tului

donnerasl’adresse?

–Ouais.

–Enfin,siçanetedérangepas.Je

m’arrangeraiavecellesijamais…

–C’estbon,coupe-t-il.Veillesurtout

àarriverenunseulmorceau.

–Jem’occuped’elle,intervient

Joshuaenm’attrapantparlebras.

Lamoutardememonteaunez.Je

m’écarted’unpasdesdeuxbelligérants

pourleuraboyerdessus:

–Nonmaisc’estquoi,votre

problème?Lachaleurvousmonteàla

tête?

Aucunrisque,latempératurene

dépassepasles15°C.

Deuxpersonnesseretournentàmon

éclatdevoix.Orionsouritlargement,

l’airdesedemanderoùestpasséle

pop-corn.QuantàLicia,elles’avance

verslamotodeJoshua,minederien.

Dixcontreunqu’ellevameproposerde

monteravecOrion,pourrésoudrele

problème.Jepresselemouvement:

–Lebarestàunquartd’heurede

route,personnenevaseperdreet

personnenevaavoird’accident.Trevor,

veux-tuquenousvousattendions?

–C’estbon,grogne-t-il.Sivous

arrivezavant,préviensjustequenous

seronsplusnombreuxqueprévu.

–Çamarche.MerciTrevor,àplus.

Jel’embrassesurlajouedans

l’espoirdeluirendresabonnehumeur.

Pasrancunier,ilmegratified’unlarge

souriremaisignorelerestedenotre

petitgroupe.Letempsqu’ilrejoignela

salle,unedizainedepersonnesl’ont

déjàabordé.

–Alors,s’impatienteJoshuaenme

tendantmatenue,tumontes?

Pointpositif:ilacomplètement

ignoréAlicia.Pointnégatif:ceton

jalouxn’aaucunlieud’être,jeviens

quandmêmederembarrerTrevoràson

profit.

Ilm’énerve!

Enmêmetempsjenemesensjamais

aussivivantequ’ensaprésence.Je

remontelafermetureéclairdemaveste

encuiretj’attrapelamainqu’ilmetend.

Aussitôt,unechaleurpétillantese

déversedansmesveines.

Cequ’ilm’amanqué!

Nosregardssecroisent;moncœur

accélère,mesdoigtssecrispentdansles

siens.Mondésirdel’embrasserme

brûleleslèvres.Undernieréclairde

luciditémerappellepourquoiceserait

unetrèsmauvaiseidée.Joshuaposeune

mainsurmesreinspourmeguidervers

lamoto.Saboucheeffleuremonoreille

commeparinadvertance;jecarboniseà

l’intérieurdemacombinaison.

–Mabelle,souffle-t-il.

–Josh…

J’enfoncelecasquesurmoncrâne

avantdememettreàfondrecommeun

chamallowau-dessusd’unfeudebois.

Réfléchir.Jedoisgarderlatête

froide.

Enmêmetemps,mesréflexionsm’ont

privéedesaprésencependantdeux

semaines.Alorspeut-êtreest-ilplus

judicieuxdejusteressentir.Jepasseles

brasautourdesataille,savourantle

contactdesoncorpscontrelemien.

Lemeilleurpuzzledumonde.

Aumomentoùildémarre,jeluicrie

deprendresontemps.Pasparcequej’ai

peurdetomberdelamoto,commel’a

insinuéTrevor,maisparcequejeveux

lesentircontremoilepluslongtemps

possible.

Nousarriveronstoujoursbienassez

tôt.

2.Bittersweet

LefrontonlumineuxduGoldDust

Lounge,

encadré

d’ampoules

hollywoodiennes,nousprometdela

musiquelive,unrabaisdecinquante

pourcentsurlesconsommationset

l’ouvertureseptjourssurseptjusqu’à

2heuresdumatin.

–C’estuntrucpourtouristes,

commenteLiciaenôtantsoncasque.

Uncoupd’œilencoinm’informeque

maqualitéderésidentefrançaiseme

classe

automatiquement

dans

la

catégorie«touriste».Etcen’estpasun

compliment.Heureusement,Orionvoleà

marescoussetandisquejeretirema

combinaison.

–Tudevraissortirunpeuplus.Tout

lemondeconnaîtleGoldDustLounge.

–Jefaisdesétudes,luirappelle

Licia.Lesoir,jetravaille.Jenetiens

pasàratermesUV.

Nouveaucoupd’œilvenimeuxdans

madirection.Ellesembleavoirdumalà

digérerquejesoismontéeavecJoshua.

Jeserrelespoingspournepaslui

adresserundoigtd’honneur.

Inspirer,expirer.

Jemodulesoigneusementmavoix

avantdeluiadresserlaparole:

–Ilnefallaitpastesentirobligéede

venir.

–Joshuam’ainvitée,répondla

vipère.

Malheureusement

pour

elle,

l’intéressél’aentendue.Ilpasseunbras

autourdemesépaulesetcolleseslèvres

àmonoreillepourmesouffler:

Disons

plutôt

qu’elle

s’est

incrustée.

Jefrémisàsoncontact.Sansla

combinaisondemoto,celui-ciest

d’autantplusintense.Mesmusclesse

détendentàsachaleuretjemelaisse

allerdanssonétreinte.Jeprendsle

prétextedeluiparlermoiaussià

l’oreillepourmeplaquertoutcontrelui.

C’estfoucequ’onentendmal,sur

cetrottoir.

Jelesensseraidirquandmeslèvres

chatouillentsonpavillonauriculaire.

Sonétreinteseresserreautourdemes

épaules;saboucheentrouvertesemble

appelerlamienne.Jechuchote:

–Tuasconsciencequ’ellecraquesur

toi?

–Jesuislemeilleurcopaindeson

grandfrère.Çaluipassera.

Liciatrépignedevantnosmesses

basses.JesoupçonneJoshuadeprendre

autantdeplaisirquemoiàlavoir

s’énerver.J’enrajouteunpeuenme

serrantcontrelui,commesij’avais

froid.

–Onferaitmieuxd’entrer,intervient

Orion,seméprenantsurmonattitude.

J’hésitequelquessecondes.Me

trouversoudainiciencompagniede

Joshuaetd’Orionalorsquej’avais

prévudepasserunesoiréesympaavec

mescamaradesdegroupemelaisseune

impressionbizarre,commesilechemin

quejesuivaiss’étaittransforméenfil

tenduau-dessusduvide.

Siaumoinsjepouvaisenprofiter

pourm’expliqueravecJoshua!

Physiquement,aucundouteàavoir:

notreententeesttoujoursparfaite.

Chaquecelluledemoncorpsvibreà

l’unissondessiennes.Pourlereste,

j’ignorecequil’afaitchangerd’avis,

mêmesijenevaispasm’enplaindre!

Est-ildécidéàvivrenotrerelationsous

lemanteau?Ouespère-t-iltoujoursme

convaincred’affichernotrerelation?

Quandilestavecmoietnosparents,

loin,j’enarriveàtrouverl’idée

excellente.

Enattendant,lesgarçonsn’arriveront

pasavantunmoment,letempsderanger

etdegarerleurscasserolesquelque

part.Autantpatienterauchaud.

L’intérieurdubarnousplongedans

uneambiancerétro,entreannées1960et

saloondewestern.Lepapierpeint

marronàmotifsbeigesstylisésme

rappellelesalondemesgrands-parents

paternels:ilsn’youvrentquasiment

jamaislesvoletspournepasrisquer

d’abîmerlesquelquescroûtesqu’ilsy

ontaccrochées.Ici,cesontdes

encadrementsd’articlesdejournauxqui

accueillentlesvisiteurs.Uneguitare

retentitenfondsonore.Nouslongeonsle

couloirpouratteindrelebar,unpeuplus

moderneavecsesnéonsrouges.

J’attrapeunserveurauvolpourlui

demanders’ilsontunetableréservéeau

nomdeSunJuice.Ilnousguideversune

minusculetableentouréedefauteuilsen

velours,souslaphotogéanted’unepin-

up.

Nous

attendons

encore

six

personnes,annoncé-jeendénombrant

seulementhuitfauteuils.

Leserveurs’excuse:l’endroitest

déjàbondé,ilnepeutpasnousen

fournirdavantage.

–Tun’aurasqu’àt’asseoirsurmes

genoux,metaquineJoshua.

Excellentesuggestion.

Jesuispresquetentéedeleprendre

aumot.Iln’existepasdemeilleure

placeaumondeselonmescritères.La

façondontilmeregarde,dontsesdoigts

s’attardentsurmahanchetandisqu’ilme

dirigeversunfauteuillibre,suggère

d’ailleursqu’ilneplaisantequ’àmoitié.

S’iln’yavaitqu’Orion…MaisLicia

nousguetteavecl’aird’unchatprêtà

sautersurunesouris.Jemerésousà

m’installerdanslefauteuilvoisinde

Joshua,m’autorisantàpeineàluifrôler

lacuisse.

Nouscommandonsdesboissons,puis

Orionmeféliciteencoreunefoispourle

concertetlaconversationdérivepeuà

peusurlesgroupesdemusiquelocaux.

Pasquecesoitinintéressant,maispour

l’instant,maseuleenvieestdeparlerà

Joshua.Jemelèvesoudainenannonçant

quejevaisauxtoilettes.

Quim’aimemesuive.

Hélas,j’aibeauprendretoutmon

tempspourmelaverlesmainsetme

passerdel’eausurlevisage,Joshuane

setrouvenullepartenvuequandje

quitteleslieux.J’envisagesérieusement

deluienvoyerunSMSquandmon

téléphonevibre.Moncœurbonditdans

mapoitrine,puisretombelourdement

quandj’identifiel’expéditeur.

[Noussommesarrivés.Trevor]

Jeregagnenotretableentraînantles

pieds.Liciaaprofitédemadéfection

pourmepiquerlaplaceprèsdeJoshua.

Trevorsepoussepourm’offrirunquart

desonfauteuil.

–Viens,beauté.

Ilécoped’unetalochederrièrelatête

pourlapeine.

SeulJoshuaaledroitdemedonner

despetitsnoms.

Etencore,danssoncas,jelui

pardonneuniquementpourlafaçondont

illesprononce…Joshuasetrémousse

surlesien,maisilestcoincéentreLicia

etlemur.Jeconstatequepoursapart,

OrionaoffertunboutdesiègeàTina,

quisembleboirechacunedeses

paroles.

Ahah.Jevaispouvoirlataquiner

pendantdessemaines.

Mattaramenédeuxfilles,unesur

chaquegenou,commes’ilyavaitbesoin

desurchargerencorelatablée.Angela

estperchéesurledossierdeJimmy,

lequeldiscuteavecdeuxtypesdebout

dansl’allée,dontungrandblack

encombréd’unsaxophone.Ambiance

ordinaired’aprèsconcert.D’habitude,

j’aimebiencecôtéunpeubrouillon,

quandpersonneneseprendlatêteni

n’essayedefairesemblant,maislà,j’ai

l’espritàautrechose.Jedéclinel’offre

deTrevor:

–J’aibesoindeprendrel’air.

Parfoisjeregrettedenepasfumer,

justepouravoirunprétextepour

m’évader.

–Jet’accompagne,annonceJoshua

enselevantsibrusquementqu’il

bousculelefauteuildeLicia.

Ah,quandmême.

Savoisineesquisseungestepourle

suivre,maisTrevorlaretient.Jenesais

pass’ilveutmelaisserlechamplibre

ous’ilestjustevexéqu’ellenel’aitpas

calculétoutàl’heure,maisàcetinstant

précis,jelebénis.Lesautresnenous

prêtentaucuneattention.L’unsuivant

l’autre,nousnousfaufilonsàtraversla

foulequisepresseprèsdubarpour

regagnerl’airlibre.

Dehors,iln’yapasgrandmonde.Il

fautdirequ’unventglacialbalayele

trottoir,refroidissantuneatmosphère

déjàfrisquette.Nousnousréfugionsau

coindubâtimentpouréchapperaux

courantsd’air.Nousl’avonsàpeine

atteintqueJoshuam’attireentreses

bras.Sesdoigtsseglissentdansmes

cheveux,maisseslèvress’arrêtentà

deuxmillimètresdesmiennes.J’en

oubliederespirer.

–Carrie…,murmure-t-ilcommeune

prière.

Jesoupireun«oui»,sanstrop

savoiràquoiexactementj’acquiesce.Sa

boucherecouvreaussitôtlamienne,

chaude,exigeante.J’aperçoisleciel

par-dessussonépaule.Leventadissipé

lesnuagesetlecielétoiléluttecontre

leslumièresdelaville.Etpuistoutce

quin’estpasnousdeuxdisparaît.Sa

languealegoûtdelabièrequ’ilabue

unpeuplustôt.Soncorpsépousele

mienavecuneperfectionquimefait

trembler.

Lesdiscussions,c’esttrèssurfaitau

boutducompte.

Nousnouscomprenonssibiensans

prononcerunmot!Ilm’embrasse

commes’ilsavaitexactementcedont

j’ai

besoin.

Ses

dents

attrapent

doucementmalèvreinférieureavant

qu’ilnereviennelachatouillerdubout

delalangue.Mesmainsposéessurses

épaules,jem’abandonneàsescaresses.

Un

gémissement

de

frustration

m’échappequandilrelèvelatête.

–Tum’ashorriblementmanqué,

déclare-t-il,sonfrontposécontrele

mien.

–Jesuisdésoléedenepast’avoir

appelé.

–Jen’auraispasdûtemettrela

pression.

Jerepousseunemèchederrièremon

oreille.Mesdoigtstremblentdefroid

autantquedenervosité.

–Tuasraisonsurlefond.

Simplement,j’aidumalàsavoiroùj’en

suis,cesdernierstemps.

–Pourquoi?

–Riennesepassecommejel’avais

imaginé.

Leformuleràvoixhautemesoulage.

Jen’aioséenparleràpersonne,nià

Tinaquivitsonrêveaméricain,niàma

familleenFrancequis’inquiéteraitpour

moi,niauxgarçons,parcequ’ilssont

concernésaupremierchef.Jecroiseles

braspourmeréchauffer.

–Dansmonesprit,jevenaisen

Californiepourprofiterdelaviesurun

campusaméricain,étudier,mepréparer

unavenir…Aulieudeçajemeretrouve

embarquée

dans

de

sombres

complicationsfamiliales,jegalèreavec

mescoursetjemefaisengagerdansun

groupedemusique!

–Çaneteplaîtpas,lamusique?

relèveJoshua,surpris.

–Sibiensûr.J’adore.Maisjene

vaispasenfairemonmétier.

–Pourquoipas?

–Mamèreétaitmusicienne.Jene

veuxpasavoirlamêmeviequ’elle.

Mesbrassehérissentdechairde

poule.Çaaussi,c’estlapremièrefois

quejel’admetsdevantquelqu’un.À

Tina,j’aitoujoursaffirméquej’adorais

l’acoustique.

C’estsurtoutmoiquejecherchaisà

convaincre.

Joshuapasseunbrasautourdemes

épaulesetm’attirecontrelui.Ilest

chaudetfort,ilsentlesoleil.Jeme

blottiscontresontorse,entresesbras.

–Tun’espastamère.Quelsque

soientleschoixquetuferas,tun’auras

paslamêmeviequ’elle.

–Jeveux…

Qu’est-cequejeveux,aufait?

JesoupiretandisqueJoshuame

caresselescheveux.

–Jenesaispluscequejeveux.

–Veux-tudemoi?

Ça,aumoins,c’estfacile:

–Ohoui!

Jesensleriresouleversapoitrine

contremajoue.Ilmerelèvelementon

pourmeregarderdanslesyeux.Son

soufflemecaresseleslèvres.

–Alors,onarrêtedejouerà«je

t’aime,moinonplus»?

Jen’hésitepasuneseconde:

–Onarrête.

TantpissiJaneenauneattaque,tant

pissiTinanem’adresseplusjamaisla

parole.J’enaiassezderefrénermes

envies,

d’écouter

la

raison.

Ma

rencontreavecJoshuaaétéle

déclencheurdelatornadequitraverse

mavie.Sijedoischanger,autantqu’il

soitàmescôtés.

Ilscellenotreaccordd’unnouveau

baiser;lanuitglaciales’embrase.Une

vaguedechaleurmeparcourtdelatête

auxpieds.Jem’accrochedesdeux

mainsaublousondeJoshua.Toutesmes

incertitudesdessemainespasséesse

cristallisentsoudainenuneseule

assurance:tantquejesuisl’élanquime

pousseversJoshua,toutirabien.

–C’estrépugnant!

Lecrinoussépare.Encoreétourdie

del’intensitédenotrebaiser,je

m’accrocheaubrasdeJoshua.Celui-ci

grogne:

–Licia,quefais-tulà?

–Toi,quefais-tu?riposteLicia.

C’esttasœur!

–C’estsurtoutmavieprivée,Licia.

Çaneteregardepas.

–Jenesuispasd’accord.

Elleavancededeuxpasversnous.

Leventfaitvolersescheveuxsombres.

Àlalueurdeslampadaires,sonteintest

livide.

–Tunepeuxpasfaireça,c’est

contraireàlamorale.

–Quellemorale?Nousn’avons

aucunliendesang!

–Maisvousappartenezàlamême

famille!

–Ilyasixmois,nousnenous

connaissionsmêmepas.

Jesensbienqu’aucunargument

n’arrêteraLicia.Elleestfurieuse,

choquée.Moncœurseserre.Ellecroit

vraimentcequ’elledit.Jepensais

qu’ellemejalousaituniquementparce

qu’elleavaitlebéguinpourJoshua,mais

jesensbienqu’elleestsincère,quand

elleaffirmequenotrerelationest

contraireàlamorale.

Enmêmetemps,ilnefallaitpas

s’attendreàautrechose.

MêmeTinaamanifestésaréticence,

alorsqu’ellen’estpasspécialement

colletmonté.Pourl’instant,seulOrion

n’aémisaucuneréservefaceànotre

couple.

–Tudevraispenseràcequediront

lesgens,argumenteLicia.Tacrédibilité

entantquechefd’entrepriserisqued’en

souffrir.

–Pardon?s’indigneJoshua.Qu’est-

ce

que

mes

compétences

professionnellesontàvoiravecmavie

privée?

–DemandeàBillClinton.

J’apprécieassezpeud’êtrecomparée

àunestagiaireayanttailléunepipeà

sonpatron.Joshua,lui,paraîtébranlé.

Jecroyaisquenousdevionsarrêter

d’hésiter?

J’interviensàmontour:

–Tuessimplementjalouse,Licia.

Trouve-toiunmec,çateferadubien.

Erreurdetactique:lachiennede

gardeseretournecontremoi,écumante.

–Toi!Toutesttafaute!Tucrois

vraimentquetupourrasmarcherlatête

hauteàl’université,quandçasesaura?

Jem’efforcedenepaspenseràTina.

–Toutlemonden’estpasaussiborné

quetoi.

–JonathanWells,tonprofesseur

référent,esttrèsattachéauxtraditions.

Jedoutefortquecelaaméliorel’image

qu’iladetoi.Etjeneparlepasdes

étudiantsquiteclasserontdansla

catégorie«fillefacile»parcequetuas

séduittonproprefrère.

–Parcequetucomptesleurenfaire

partpersonnellement?

Jeregretteaussitôtcettedernière

provocation.Direquejevenaisdeme

résoudreàassumermessentimentspour

Joshuaquoiqu’ilarrive!

Jeladéteste.

Liciareculed’unpasetnoustoise,

mamaintoujoursposéesurlebrasde

Joshua.

–Situcompteslecacher,c’estquetu

enashonte.

–Nousnecomptionspaslecacher,

rétorqueJoshua.Cen’estpasparceque

nousn’avonspasfaitpasserdepetites

annoncesdanslapressepeoplequ’il

s’agitpourautantd’unsecret.Pour

autant,çaneregardequenous.

Sesmusclessonttendussousmes

doigts,sanuqueraidedecolère.Jene

saispasàquoijoueLicia,maissielle

espéraitgagnerdespointsauprèsdelui,

ellesemetledoigtdansl’œiljusqu’à

l’omoplate.

–Biensûr,laissetomberLicia,

dédaigneuse.Etqu’enpensentvos

parents?

–Tonfrèreestaucourantdepuisle

début,assèneJoshua,etçaneluipose

aucunproblème.

Liciaaccuselecoup.Seslèvres

tremblent.Elleestsortiesansmanteau,

elledoitmourirdefroid.

–Depuisledébut?Maiscombiende

temps…?

Quandellesetourneversmoi,ses

yeuxsombresbrillentdelarmes

contenues.

–Sijeterevoisaveclui,lemonde

entiersauracequetuasfait.À

commencerpartamère.

–Duchantage?grondeJoshua.Tues

complètementfolle!

Ilfaitunpasenavant.Jem’accroche

àsonbraspourleretenir.Jedouteque

Liciapuisseêtreraisonnée,dansl’état

oùellesetrouve.QuandOrionapparaît

surletrottoir,jepousseunsoupirde

soulagement.

–Tudevraisramenertasœuràla

maison,luilanceJoshua,quil’avuen

mêmetempsquemoi.

Sontontrahitsacolère.Leregard

d’Orionpasseduvisageconvulséde

Liciaàceluidesonmeilleurami,duret

sombre.

–Quoi?

Ils’avanceversnous,suivideTina.

S’ilsdésiraient,commeJoshuaetmoi,

setrouveruncointranquillepour«

discuter»,ilsvontêtredéçus.

Cen’étaitpaslasoirée…

–JerègleleproblèmeavecOrion,

meglisseJoshua.Attends-moià

l’intérieuravecTina.

Lâchement,j’obéis.J’aieuassezde

Liciapourcesoir.Tinameprendle

bras,désorientée,tandisquenous

retrouvons

la

chaleur

moite

de

l’intérieurdubar.

–Tum’expliques?

–Licias’estpointéependantque

j’embrassaisJoshua.Elleapétéun

câble.

Etvoilàuncomingoutenbonneet

dueforme.

LesépaulesdeTinas’affaissent.Elle

s’adosseaumur,entredeuxcoupuresde

presseencadréesretraçantl’histoiredu

lieu.

–Alorsvousdeux…C’estsérieux?

–Tuveuxenparler,maintenant?

Mavoixsecassesurle«maintenant

».J’aiessayédetourneràla

plaisanteriecequiprenaituntonamer,

maisjen’aipasvraimentréussimon

coup.Tinabaisselatête.

L’ambiance

est

presque

aussi

fraîchequedehors.

–Désolée,j’auraisdût’écouter,

reconnaît-elle.C’estjusteque…çame

faitbizarre.

–Maispourquoi?Cen’estpasmon

frère,nousn’avonsaucunliendesanget

jeneleconnaissaismêmepasilya

quelquessemaines!Enplusquandnous

noussommesrencontrés,j’ignoraisqui

ilétait.

–Attends…Tuveuxdirequec’est

lui,lemecquetuascroiséen

arrivant!?

L’airahuridemameilleureamieme

donneenviederire.Oudepleurer:

décidément,nousnecommuniquonsplus

assez.

–Ouais,c’estlui.

–Alors…Tuesamoureuse?

Jenel’aimêmepasencoredità

Joshua.

Pourluilaisserlaprimeur,jeme

contentedehocherlatête.

–Etluiaussi?insisteTina.

Son«jet’aimeplusencore»était-il

sérieux?

Sans

doute,

puisqu’il

m’avait

proposéd’emménageraveclui,juste

avantlacriseavecnosparents.Jehoche

denouveaulatête.Tinas’affaisseun

peupluscontrelemur.

–Ehbien,vousêtesdanslamouise.

–C’estinjuste.Nousnefaisonsde

malàpersonne.

Tinahausselesépaules.

–Tusaiscommentsontlesgens…

–Jeledécouvre.

L’amertumedemaproprevoixme

faitgrimacer.

Jusdepamplemoussesanssucre.

Tinalâchesoudain:

–Jesuisdésolée.

–Tul’asdéjàdit.

–Jet’aiunpeulaisséetomber,ces

dernierstemps.

Lesimplefaitqu’ellel’admetteme

soulaged’unebonnepartiedema

rancœur.

–Tupoursuissimplementdes

objectifsdifférentsdesmiens.

–Tuvois,depuisletempsqu’onen

parlait,jem’étaisimaginéquecette

annéesedérouleraitd’unecertaine

façon.Jem’efforceenquelquesortede

collerauplan…

–Etmoi,jem’enéloigne.

–Jenedispasquec’estmal!

protesteTina.J’aiseulementbesoind’un

peudetempspourfairecoïnciderla

réalitéavecl’idéequejem’enfaisais.

–Moiaussi,siçaterassure.

Ellesaisitmamainpourlaserrerfort

danslasienne.

–J’auraisdûtesoutenirdanstes

choix,pastecritiquer.

–Cen’estpasgrave.

–C’estcequefontlesamies,non?

Jehochelatête.Nousavonsunjour

juréd’êtretoujoursamies.

Cettepromesse-là,entoutcas,je

comptebienlatenir.

Etdanslestempstroublésqui

s’annoncent,sonsoutienmesera

certainementprécieux.Jeserresamain

enretour.

–Mercid’êtremonamie.

3.Aucœurdelanuit

SunJuiceenchaînelesconcerts:une

semaineaprèsleFillmore,nousvoiciau

Mezzanine.Lasalleestbienplus

petite:c’estdavantageunbar-club

qu’unesalledespectacle.Letracquime

tenaillaitunesemaineplustôts’est

évaporé.

Peut-êtreparcequej’aid’autres

soucisentête.

Sij’avaisimaginésamedidernier

quejen’allaispasrevoirJoshuadela

semaine,jenel’auraispaslaissépartir

avecOrion!Perchéesurledossierdu

canapédenotreloge,jeluienvoieun

dernierSMS.

[Débutduconcertdans10minutes.]

Jeserreletéléphonedetoutesmes

forcesentremespaumesenattendantla

réponse.Ilfaittropchauddanslalogeet

aveclachaleurhumaine,ceserapiresur

scène.

D’accord,jerâleparcequejesuis

stressée.Qu’est-cequ’ilfiche,àla

fin!?

Jepensaisquenousétionsd’accord

pouraffronterlemondeensemble.

Seulementpourça,ilfaudraitquenous

arrivionsànousvoir!Jen’arrivepasà

croirequenousn’avonspasréussià

nouscroiserdepuisleFillmore.

Ilm’envoiedesmessages,c’estdéjà

ça.Dix,vingt,trenteparjour.Pourme

souhaiterunebonnejournéelematinet

unebonnenuitlesoir.Poursavoiroùje

suis,cequejefaisetsijeluimanque.

Biensûrqu’ilmemanque,cetidiot!

Jesuismalplacéepourcritiquer,il

fautl’avouer:avantleconcert,c’était

moiquiétaisauxabonnésabsents.Mais

sinousnousymettonschacunànotre

tour,nousn’ensortironsjamais.Ilm’a

ditqu’ilavaitraisonnéLiciaavecl’aide

d’Orion.Sielledésapprouvetoujours

notrerelation,ellen’estplusprêteà

écrireaupapepournousdénoncer.

Maisdénoncerquoi,aujuste?

Sinousnenousvoyonsplus,cette

histoirenerimeàrien.Ilditqu’ilades

problèmesavecsaboîte,qu’ilestnoyé

sousletravail.

JesuiscertainequeMikemijoteun

mauvaiscoup…

Seulement,quandj’aiproposéde

passerlevoiràShark,ilarefusé!

Certes,aprèsl’épisodedelavidéo,

j’auraispeut-êtreeuunpeudemalà

regarderlesemployésenface.Maisje

n’osepasimagineràquoidoit

ressemblersonstudio,s’iln’enestpas

sortidepuissamedi…Etbiensûr,la

recherched’appartementestpasséeàla

trappe,unefoisdeplus.Onn’yarrivera

jamais,àcerythme.

Danslefond,pasbesoind’être

violonisteinternationalepourêtre

absorbéparsontravail…

Jemereprocheaussitôtcettepensée.

Joshuan’arienàvoiravecmamère!Je

suisjustefrustréequ’ilneviennepasme

voircesoir,mêmesibiensûr,je

comprendsqu’ilnepeutpasassisterà

tousmesconcerts.

Etjesuisaussifrustréecôtésexe,il

fautlereconnaître.

Unmessagelaconiques’affichesur

l’écrandemontéléphone.

[Bonnechance.]

Iln’apastrouvéplusimpersonnel?

MêmeJane(quicontinued’espionner

lesprestationsdeSunJuice)s’est

fendued’un«fais-leschanter».Son

messagesuivantn’étantcomposéquede

signescabalistiques,j’enaidéduitque

Heidiavaitdûluipiquerl’appareil.J’ai

uneenviefolledelancerletéléphoneà

traverslapièce,maiscelam’obligerait

àrépondreauxquestionsdesgarçons,or

cen’estpasunsujetdontj’aienviede

débattreaveceux.Ilsnesontpasau

courantpourJoshuaetmoi,etdansla

situationactuelle,jepréfèrequ’ilsle

restent.

Gardonsnosforcespourlevéritable

combat.

–Carrie,çavaêtreànous.

–Jesuisprête.

C’estunmensonge.Pourlapremière

foisdemavie,laperspectivedejouer

neparvientpasàm’apaiser.Est-ce

parcequec’estunconcertprofessionnel,

oupresque?Est-ceparcequeJoshuaest

plusimportantquetout?Quoiqu’ilen

soit,jesaisdéjàquecettesoiréesera

unecatastrophe.

***

–Tun’yétaispas,cesoir,attaque

Jimmydèsquenoussortonsdescène.

–Désolée.Jen’aisansdoutepasles

épaulespourassumer.Vousenêtesoù,

demonremplacement?

Jimmygrommellequelquesmots

incompréhensibles.

Unjour,ilfaudraquenous

admettions

ouvertement

que

mon

remplacementn’estpasàl’ordredu

jour.

Trevors’interpose:

–Çan’arienàvoiravectesépaules.

Leproblème,ilestlà,indiqueTrevoren

pointantmoncœur.Tut’esdisputéeavec

tonpetitami?

–Quelpetitami?

–Unindice:çacommenceparun

J…

Jesursaute.DepuisquandTrevor

considère-t-ilJoshuacommemonpetit

ami?Pressantlepas,jemeréfugiedans

notreloge.Malheureusement,iln’yena

qu’unepourtoutlegroupeetTrevorm’y

suitaussitôt.

–Jen’aipasenviedediscuterdeça

avectoi.

–Àpartirdumomentoùçainfluesur

tafaçondejouer,j’ailedroitdeme

sentirconcerné.

–Simafaçondejouerneteconvient

pas…

–Ellemeconvientparfaitement

quandtuesdanstonétatnormal!Ce

typenevautrien.

Ah!Nousysommes.

Jebalancemaguitaresurlecanapéet

meretourneversluisansmesoucierde

MattetHudsonquiviennentd’entrerà

leurtour.

–Leproblèmec’estquetuesjaloux.

–Leproblèmec’estquetuasjoué

commeunmanche!

Jen’arrivepasàcroirequejesuisen

traindemedisputeravecTrevor.Ilm’a

toujourssoutenue,depuisledépart.

C’estluiquim’apousséeàentrerdans

legroupe,luitoujoursquivoudraitque

jereste.Ilm’arassuréesurmonjeu,m’a

enseignétouslestrucsdesguitaristes

professionnels.EtpuisTrevor,c’estle

meccooldugroupe,celuisurlequelon

peuttoujourscompterpourdétendre

l’atmosphère.

Alorsilmefaitquoi,là?

–Onsecalme,lanceHudson.Les

jourssans,çaarriveàtoutlemonde.

–Enfin,saufàJimmy,commente

Matt.

Trevorsefrottelanuque,l’air

soudainembarrassé.Jenotesesyeux

cernés,sonT-shirtfroisséetl’ombresur

samâchoire,àl’endroitoùilaoubliéde

seraser.

Jesuistellementobnubiléeparmes

problèmesquej’enoublieceuxdes

autres.Çacraint.

–Çava,dis-jeàHudson.Ilaraison,

j’aimaljoué.Jevaism’occuperdu

problème.

PuisqueJoshuanepeutveniràmoi,

j’iraiàJoshua.Pasquestionde

recommenceràmemorfondredansmon

coinenattendantuncoupdefil.Nous

avonsdéjàtestécettesolution,jesais

qu’ellenemarchepas.

–Terminonsderanger,ondiscutera

danslavoiture,dis-jeàTrevor.

–C’estmoiquiteramène,intervient

Hudson.

–Ah?D’accord.

Jen’airiencontreutiliserlavoiture

deHudsonplutôtquecelledeTrevor,

maisçaconfirmemonintuitionque

quelquechosenevapasaveclui.Je

profitedel’agitationquisuittoujoursles

finsdeconcertspourluidemanders’ila

desproblèmes.Ilsecouelatêteen

détournantleregard.

–Riendegrave.Désolédem’être

montrébrusque.

–Enfin,situasbesoindeparler…

–Jesais.Pareilpourtoi.

Laréflexionm’arracheunegrimace.

Onnepeutpasdirequej’aiétéprodigue

deconfidencesaveclegroupe…C’est

lapremièrefoisquejedémarrevraiment

unprojetautourdelamusique.Dansle

passé,j’aicommencéparêtreamieavec

lesmusiciensavantdejoueraveceux.

Là,c’estlecontraire.Sijedoisrester,il

faudraqueçachange.

Sijedoisrester…Ilscommencentà

m’enpersuader.

Maisavanttout,jedoismettreles

pointssurles«i»avecJoshua.Si

jamaismarelationavecluidevaitmal

tourner,jenesaispassij’aurailaforce

deresterenCalifornie.Parcequenous

sommesliésquoiqu’ilarrive:mêmesi

nousnousdisputons,mêmesinous

décidonsdeneplusjamaisnousrevoir,

ilresteraJaneetAndrew.EtHeidi,sans

parlerdufuturbébé.Laseulefaçonpour

moideromprelespontsseraitderentrer

enFrance…

Cequiestd’ailleurstoujoursle

programmeofficiel.

Sijamaisjedécidederester,ça

posera

d’autres

problèmes,

à

commencerparlaréactiondemonpère.

Rien

n’est

simple,

tout

est

compliqué.

***

–C’estlagrandeclasse,remarque

Hudsonensegarantdevantlesiègede

SharkOutdoors.

Jeluiaivaguementparlédemon

problèmeencoursderoute.Quandil

s’intéresseaumondequil’entoure,

Hudsonsemontretrèsdouépour

soutirerdesconfidencesauxgens.Moi,

beaucoupmoins:jen’aipasréussiàlui

faireavouercequiclochaitavecTrevor.

Entoutcas,jepeuxcompterune

personnesupplémentairedanslecamp

des«pour»notrerelation.

–Bon.Çavaaller?

Oui.

Merci

de

m’avoir

raccompagnée.

–Tuasdelachance,tusais.

–Pourquoi?

–Noussommesplusdeseptmillions

d’humainssurterre.Siparmieux,il

n’existequ’uneseulepersonnefaitepour

toi,combiendechancesas-tudela

rencontrer?

–Euh…

Jeregardesonvisageàlalueurdu

réverbère.Tropsérieux,presqueamer.

Sesmainsétreignentlevolantcomme

s’ilredoutaitqu’ilnes’envole.

Jecroisquecettedernièreréflexion

nem’étaitpasvraimentdestinée.

Jepréfèrelaprendresurletondela

plaisanterie:

–Désolée,lesstatistiques,cen’est

pasmontruc.

–Cen’estpasunequestionde

statistiquesmaisdedestin.

Ilsefrottelesyeux.Uncoupd’œilau

tableaudeborddelavoiturem’apprend

qu’ilestminuitpassé.Etildoitencore

faireletrajetderetourjusqu’àSan

Francisco.

–Tutesensbien?Çavaaller,pour

conduire?

–Oui,oui,net’inquiètepas.Tuveux

quejet’attendequelquesminutes,aucas

oùiln’yauraitpersonne?

–Non,c’estbon.

SiJoshuaavraimentdesproblèmes

aveclaboîte,jedoutequ’ilsoitallé

s’installeràl’hôtel.

–D’accord.Appelle-mois’ilyale

moindreproblème,OK?

–Çamarche.Encoremerci!

Jesuisàmi-chemindubâtiment

quandjemedemandecommentjevais

fairepourentrer.Àcetteheure,laporte

principaledoitêtrefermée…Jedécide

néanmoinsdevérifieravantd’appeler

Joshuaàl’aide.

Laprincessequipartconquérirle

châteaudesonprinceauboisdormant

nes’arrêtepasaupremierobstacle.

Bien

sûr,

la

porte

d’entrée

automatiquedemeureinertequandje

m’enapproche.Jeposeunemaindessus,

cherchantsansconvictionunmécanisme

inexistant.Quandlesbattantscoulissent,

jereculeavecuncridesurprise.

–Que…Hé!

Lagueulenoired’unrevolverme

visedel’intérieurdubâtiment.Jelève

lesmainsenl’air.

–Jenesuispasunevoleuse!

–Carrie.

Lerevolvers’abaisse,maisun

frissonglacémeparcourtledos.

Cen’estpascettepersonnequeje

suisvenuevoir.

–Mike?Vousm’avezfaitpeur!

–Désolé.Joshuarefused’engager

desvigiles,selonluilesystèmede

surveillanceélectroniquesuffit,alorsje

prendsmesprécautions.

–Undecesjours,vousalleztuer

quelqu’unparaccident.

–Etquiviendraitrôderausiègede

l’entrepriseenpleinenuit?

Mikeglissel’armedanslapochede

sonveston.Jefixelabossequ’elle

forme,malàl’aise:

Eh

bien,

vous-même,

pour

commencer.

–J’aibeaucoupderesponsabilités.Il

fautbienquequelqu’uns’occupedes

affaires.

–Joshuaestlàaussi.

Mikemesourit,del’airnavrédu

parentquis’apprêteàexpliqueràson

enfantquenon,lepèreNoëln’existe

pas.

–Joshuafaitdesonmieux,

naturellement,maisenfin!Iln’apasfait

d’études.VousquiêtesàStanforddevez

biencomprendre…

–J’étudielamusique,pasles

affaires.

Jefaistroispasenavant.Laportese

refermederrièremoi,melaissantla

désagréableimpressiond’êtrepriseau

piègedansl’immensebâtimentplongé

dansl’ombre.Avecunhommearméet

pastrèsnetdanssatête,quiplusest.

J’optepourlereplistratégique:

–Excusez-moi,Joshuam’attend.

–Àcetteheure?

–Jesorsdeconcert.

–C’estvrai.J’espèrequ’ilnese

trouvepasengalantecompagnie…

Jemeraidisàcetteinsinuation.Mike

poseunemainmoitesurmonépaule.

–Navré,jenevoulaispasvous

choquer.Jevousapprécieénormément,

voussavez?Vousêtesunejeunefemme

intelligente,sérieuseet…trèsbelle.

Ilmedrague!?

Jemedégageetjereculedequelques

pas.

–Euh,jevaisyaller,hein.

J’ignoreoùsetrouvelebureaude

Joshua,maisjetrouveraibien.Mike

froncelessourcils.Samâchoirese

contracte,merappelantqu’ilaun

revolverdanslapochedesonveston.

Moncœursemetàbattreplusfort.

C’estpeut-êtreidiot,maisilmefait

peur.

–VousidéalisezJoshuaparceque

c’estvotrefrère,insiste-t-il,maisje

crainsquevotreaffectionàsonégardne

soitmalplacée.Ilsecontente

d’exploiterletravaildesautresetde

profiterdesjeunesfemmesnaïves.

–Ilaquandmêmecréécette

entrepriseàpartirderien,nepuis-je

m’empêcherdeluirappeler.

–Àpartirdel’argentdesonpèreet

demontravail,corrige-t-il.Oh,jenedis

pasqu’iln’apasd’idées.Maisc’estun

grandenfant,iln’apaslesensde

l’effort.

Lamoutardememonteaunez.Iln’a

pasledroitdeparlerdeJoshuacomme

ça!Au-delàdelamauvaisefoi,sans

parlerdelasimplecorrection,ils’agit

toutdemêmedesonpatron!

–Cen’estpaslaloyautéquivous

étouffe,ondirait.

Mikereculed’unpas.Àlalueurdu

blocdesécurité,jedistingueses

cheveuxenbataille,seslunettes

légèrementdetraversetleplideson

veston,làoùlerevolverdéformesa

poche.

Ilal’aird’undéséquilibré.

–Jevoulaissimplementvousmettre

engarde,Carrie.N’entrezpasdansson

jeu!

–C’estluiquidevraitseméfierdu

vôtre!

–Oh,jevousdéconseillefortement

deluienparler.

Ilalamaindanslapocheduveston

oùilarangélerevolver.Manuqueme

picote,moncœurs’emballe.Oserait-il

tirer?Sijecrie,est-cequeJoshua

m’entendra?

–Ilnevouscroiraitpas,laisse

tomberMike,dédaigneux.J’aison

entièreconfiance.

–Àtort.

–N’avez-vousrienécoutédeceque

jevousaiexpliqué?Personnen’estplus

àmêmedegérerSharkOutdoorsque

moietillesait.Ilnevapastuerla

pouleauxœufsd’or.

Ilestcomplètementparanoïaque.

Oumégalomaniaque.Enfinjenesais

pastrop,maisquelquechosenetourne

pasronddanssatête.

–D’accord,j’éviterailesujet,alors.

Bonnesoirée,Mike,pensezàvous

reposerégalement!

Désirez-vous

que

je

vous

raccompagne?

–C’esttrèsgentil,maisunamidoit

venirmechercherd’iciunedizainede

minutes.

–Danscecas,jevoussouhaiteune

bonnesoirée.

Ilreculeencoredequelquespas,la

maintoujoursdanssapoche.J’enfais

autant,dansladirectionopposée.Quand

lesportesbattantesserefermentderrière

lui,jelâcheunsoupirdesoulagement…

avantdemerendrecomptequ’ilm’a

enferméeàl’intérieur!

Bon,pasdepanique.Trouvonsdéjà

lebureaudeJoshua.

Jeregrettedenepasavoirdelampe

torchedansmonsac.Plusjamaisjene

memoqueraiducontenudeceluide

Tina,quinesedéplacejamaissans

troussedepharmacie,couteausuisse,

lampedepocheetbombeaupoivre.

Heureusement,ilmerestemontéléphone

portable!Lalumièredel’écranm’aide

à

déchiffrer

les

panneaux

de

signalisationauxmurs.«Atelier»,«

Comptabilité»,«Ressourceshumaines

»,«Production»…Ah,«Direction»!

Jesuislesflèches,traverseplusieurs

couloirs,longedesbureauxvides

derrièreleursimmensesvitres.

Ilnememanqueplusquelamusique

deX-Filesenarrière-plan.

EnpassantdevantlebureaudeMike,

jetripotemontubederougeàlèvresau

fonddemonsac.J’aiuneenviefollede

taguerdestrucsobscènessursesvitres.

J’imaginesatêtedemain…

Maiscepsychopatheseraitcapable

d’accuserdescollaborateursinnocents.

Jedoisd’abordenparleràJoshua.Eten

parlantduloup…Jesuisarrivéedevant

unegrandeportevitréeàsonnom.

Derrière,unbureaudisparaîtsousun

amoncellementd’objetsdivers.Un

cadredevéloestaccrochéaudossierde

lachaiseetprèsdelaported’entrée,

unechaussureabandonnéedégorgedes

entraillesélectroniques.Enrevanche,il

n’yanibruitnilumière.Moncœurse

serre.

Ets’iln’estpaslà?

Laportes’ouvresansbruitquandje

tournelapoignée.Deuxpasplusloin,je

trébuchesuruneroueetmanquem’étaler

detoutmonlong.Unesériedejurons

m’échappe.Pendantquejetentede

retrouvermonéquilibre,uneporte

s’ouvredanslemurdufond.

Jenel’auraisjamaistrouvéetoute

seule.

Lagrandevoilemétalliséesuspendue

devant(àdessein?)ladissimuleen

grande

partie.

Me

souvenant

de

l’incidentduhall,jecrie:

–C’estmoi,Carrie!Pasunvoleur!

–Carrie?

LavoixdeJoshuaestrauquede

fatigue.Sasilhouette,découpéeen

ombrechinoisedevantlaporte,sevoûte

auniveaudesépaules.Jefaisunpasen

avant.

–Tuasl’airépuisé.

–Jelesuis.Qu’est-cequetufais

ici?

–J’avaisenviedetevoir.

Ilreculed’unpas,j’avanced’un

autre,assezpourdistinguerlabarbe

druequicouvresesjouesetlescernes

soussesyeux.Letempss’arrête

quelquessecondes,assezpourquejeme

demandes’ilnevapasmerenvoyer

chezmoienmedisantquec’étaitune

erreur.Etpuisilouvrelesbrasengrand.

Jem’yjettesanshésiter.

–Carrie…,murmure-t-il,seslèvres

contremonoreille.

Jemenoiedanssachaleur,dansla

forcedesesbrasautourdemoi,dans

sonodeur.

J’auraisdûvenirplustôt.

Lesdoutesnaissentquandnous

sommesséparés.Dèsquejepeuxle

toucherdenouveau,ilss’évanouissent

commedesmauvaisrêves.Ilmeberce

doucement,mecaresselescheveux

tandisqueseslèvreseffleurentma

tempe.

–Jesuisheureuxquetusoislà.

–Tun’avaisqu’àdemander…

Ilpousseunénormesoupir.

–C’estcompliquéencemoment…

–J’aicrucomprendre,oui.

–Viens,entre.Onseramieuxassis

pourendiscuter.

L’appartementsecomposed’un

immensesalon,quidoitêtretrès

lumineuxquandleslargesbaiesvitrées

ylaissententrerlesoleil,d’unecuisine

américaineet,jesuppose,surlecôté,

d’unechambreetd’unesalledebains.

Malheureusement,chaquepoucede

surfacedisponibleestrecouvertde

papiers,decartons,d’emballagesde

pizzasvidesoud’objetsàmoitié

démantibulés.

–Euh…Désolé,c’estunpeuen

désordre,marmonneJoshua.

–Es-tusortidelà-dedansdepuis

samedidernier?

Uniquement

pour

voir

mes

collaborateurs.

–Etpersonnenepassefairele

ménage,visiblement.

–Non…

Ilsebalanced’unpiedsurl’autre,

cherchantduregardunsiègelibrequ’il

pourraitmeproposer.Envain.Jenel’ai

jamaisvuaussipeusûrdeluiet,

paradoxalement,çaneluidonneque

plusdecharme.

–Situallaisprendreunedouche

pendantquejemetsdel’ordre?

–Cen’estpasàtoideranger!

–Çam’occupera.Etpuis,sinous

devons

prendre

un

appartement

ensemble,ilfautquejemeprépare.

–L’appartement,répèteJoshua.

L’appartement!Jen’aiabsolumentpas

euletemps…

–Stop!Tuesépuisé.Vaprendreta

douche,nousparleronsaprès.

Ilsefrotteplusieursfoislevisage

avantdecéder.

–D’accord.Jerevienstoutdesuite.

Unefoisqu’iladisparudansla

douche,jesongeavecnostalgieàtous

cesmomentsoùmonpèrem’aordonné

derangermachambre,durantmon

adolescence.S’ilmevoyaitence

moment…

–Bonalors…

Jechercheduregarddequoiprendre

desnotes,danslefouillisquim’entoure

etpuis,aumomentoùmesdoigtsse

refermentsuruncrayon,jemefige.

Leslistes.

Jemesuistoujoursraccrochéeaux

listes,danslesmomentsdestress.Elles

m’aidentàyvoirplusclair.Or,je

prendsconsciencequejen’enaiplus

dresséedepuis…Depuislemariagede

JaneetAndrew,quandjetaquinais

Joshua.Pourquoin’ai-jepaseule

réflexed’enfaired’autres,parlasuite?

Surtoutquandjepataugeaispoursavoir

sijedevaisresteravecluioumeplier

auxcontraintessociales?Ouquandje

débattaisdel’opportunitédesécherles

courspourallerrépéteravecSunJuice?

Jefixelecrayoncommes’ils’agissait

d’untalisman.

Jenefaisplusdelistes.

Signedematurité?Ousignequeje

mefiedavantageàmoncœurqu’àla

raison,cesdernierstemps?Jen’aipas

besoindelistepoursavoirquej’aime

Joshua,c’estcertain.Nipourquantifier

monplaisiràjoueravecSunJuice.

Peut-êtrequej’aisimplementtrouvé

mavoie.

Jegribouilledistraitementsurla

feuilledepapier.C’esttellementbizarre

demedireçaalorsquej’ail’impression

demedébattredanslescontradictions

depuisdessemaines.Maispeut-êtreces

contradictions

ne

sont-elles

qu’apparentes:aufond,j’aidéjàpris

mesdécisions.Avantdemelever,jelis

cequej’aiécritsansypenser:

«CarrieBennett».

Sij’épouseunjourJoshua,je

porterailemêmenomdefamilleque

mamère,c’estuncomble!

Pourtant,jemesensétrangement

apaisée,commeaprèsuneffortphysique

important.Posantcrayonetfeuille,je

m’empared’unegrandeboîteencarton

videetjecommenceàyentassertoutce

quiressembleraisonnablementàun

déchet:emballagesdepizza,papiers

froissés,canettesvides…Pourles

prospectusetlesdocumentsimprimés,

jefaisdestasbiennetssurlatable

basse,triésparthème.QuandJoshua

sortdeladouche,lesalonaretrouvéun

aspectàpeuprèscivilisé.

–Avoue:tuasremuétroisfoislenez

dèsquej’aieuledostourné?plaisante-

t-ildevantlerésultat.

–Non,j’aiappeléunebenne…Je

plaisante,ajouté-jedevantsonair

inquiet.Tesprécieuxpapierssonttous

là.Parcontre,iltefaudrapeut-êtreune

gruepourévacuerlescartons.

Ils’approchedemoi,sourireaux

lèvres.Sapeauraséedeprèsm’attire

commeunaimant.Jel’attrapeparla

tailledèsqu’ilsetrouveàmaportéeet

lefaisbasculersurlecanapéquej’ai

retrouvé

lors

de

mes

fouilles

archéologiques.Ilm’attirecontrelui,sur

sesgenoux,unemainsurmataille.

–Toutvabien,Carrie?

Jem’apprêteàconfirmer(toutva

toujoursbienquandjesuisdansses

bras)quandmonarrivéesurleslieuxse

rappelleàmonsouvenir.

–Tondirecteurgénéralm’afichula

trouille,aufait.

Soncorpsseraiditcontrelemien.

–Mike?Ilétaitencorelà?Qu’est-

cequ’ilafait?

–Ilm’aaccueillieavecunflingue…

–Quoi!?

–Enfinjusqu’àcequ’ilme

reconnaisse.Après,ilacommencéàme

tenirundiscourslouchecommequoitu

neferaisrienpourShark,que

l’entrepriseluidoittoutetqu’ilestle

seulàtravaillerpendantquetut’amuses

avecdesfilles.

JecaresselanuquedeJoshuapour

l’inciteràsedétendre.Maintenantqueje

suisaveclui,Mikemefaitunpeumoins

peur,maisjepersisteàtrouverson

comportementdérangeant.

–J’aieutortdeluifaireconfiance,

soupireJoshua.C’estironique,non?La

semainedernièretum’asditquetuétais

pauméeconcernanttonavenir,alorsque

jemecroyaissûrdemeschoix.Et

maintenant,c’estàmontourdedouter.

–ÀcausedeMike?

–C’estmoiquil’aichoisi.Jeluiai

faitconfiance.

–Enmêmetempsilal’airsérieux…

quandilnesebaladepasavecunearme

dansleslocauxvides.

–Nousavonsdustockdegrande

valeur,ici.J’aiaussiunrevolver,tu

sais?Maisj’évitedelebraquersurles

visiteurs.

J’oublietoujoursquen’importequel

crétinpeutporterunearme,auxÉtats-

Unis.

Jereprends:

–Ilseplaintqueturefusesd’engager

desvigiles.

–Pourquoifaire?Jedorssurplace,

jepeuxdonnerl’alarmeencasde

problème.

–EtsiMikem’avaittirédessus?

LaperspectiveébranleJoshua.Il

marmonne:

–Iln’estpasfou.Enfin,jenecrois

pas.

Sonfrontappuyécontrematempe,il

chuchote:

–Jefaisconfianceàtrèspeudegens.

Etencoremoinspeuventsevanterd’être

mesamis.

–Jesuisdésolée…

–EtSharkOutdoorsestvraiment

menacéeparcesmouvementsde

capitaux.

–Tuvast’ensortir.

–Jenesaispas.

Moncœurseserreàcetaveu.Depuis

quenousnousconnaissons,Joshuaa

toujourssemblésavoircequ’ilvoulait,

oùilallaitetcommentilcomptaits’y

prendre.Ilestlerocsurlequelsebrise

monindécision.Alors,levoirdoutera

quelque

chose

de

profondément

perturbant.Enmêmetemps,l’enviede

l’aidermedonneducourage,affermit

mespropresrésolutions.

Maplaceestlà,aveclui.

Ilseredresseavecungrossoupir.

–Jesuisuninventeur,uncréatif.Pas

ungestionnaire.C’estpourçaque

j’avaisbesoindeMike.Jepensaisqu’en

étantbienentouré…

Jeposeunemainsursajouepour

l’obligeràmeregarderenface.Ses

prunellessombresnebrillentpas,ce

soir.

–Tupeuxêtrefierdecequetuas

accompli.

Shark

est

unique,

et

impressionnante.

Unsouriresedessinesurseslèvres.

–Tuesimpressionnée?

–Absolument.

–As-tuaumoinsvisitéleslocaux?

–Pasvraiment.

Ilserelèved’unseulélan,me

soulevantentresesbras.Jem’accroche

àsoncouenriant.

–Alorsjet’offreunevisiteguidée,si

tun’espastropfatiguée.

Ilestpresque1heuredumatin:je

devraisêtrefatiguée,maislacompagnie

deJoshuam’adonnéunregain

d’énergie.Jemesensaussiréveilléeque

sij’avaisbudeuxlitresdecafé.Je

prendslamainqu’ilmetend.

–Montre-moicequetusaisfaire.

***

L’horlogeindique2heuresquand

nousarrivonsàl’atelier.Ilfautdireque

lavisiteaétéémailléedelongues

conversations.Entreautres,nousavons

décidédenousréunirdenouveauavec

nosparents,histoiredemettreleschoses

auclair.

–Jenesaispassic’estunebonne

idéededemanderàPennydes’occuper

delaprisederendez-vous…

–Elles’améliore,m’arassurée

Joshuaavecunbeloptimisme.

Lavisiteluiaremontélemoral.À

moinsquecenesoientnosétreintes

passionnéesàchaquepièce.Quandil

allumelalumièredel’atelier,mapeau

crépited’énergiesexuelle.Jeplaisante,

àlavuedumatérielquinousentoure:

–C’estlacaverned’AliBaba!

Lavoûtemétalliques’élèveà

plusieursmètresau-dessusdusol,

commecelled’unecathédrale.Un

espace

entièrement

dédié

aux

inventions:despostesdetravail,

disséminésunpeupartout,ycomprissur

desestradesenhauteur,œuvrentsurdes

objetsdontj’ignorel’usage,pourune

grandepartie.Lesgrandesbaiesvitrées,

l’usagedeboisblonddansl’architecture

interne,ainsiquelesplantesvertes

(palmiersplantésàmêmelesol,plantes

grimpantes,potssuspendussurdes

filins…)offrentuncadrechaleureux.Il

doityfairebontravailler.

–Monendroitpréféré,confirme

Joshua.C’estdelàquetoutpart.

Jepointedudoigtunesortede

dominogéantd’unmètresurquarante

centimètres

environ,

percé

d’une

trentainedeventilateurs.

–C’estquoi,ça?

Joshualesoulèveàdeuxmainsavant

demeleprésenteravecfierté.

–TuasdéjàvuRetourverslefutur?

–Euh…Tupensesàl’hoverboard?

Cetrucressembleautantàune

planchevolantequ’unlave-lingeàun

avion.Joshuacalelaplanchesousson

brasetmeprendlamain.

–Viens.

Toutaufonddel’atelier,derrièreune

barrièredebambou,secacheunepiste

d’entraînement.Unesortederollerparc

avecdesrampes,unelonguepistepour

lespointesdevitesseetuntoboggan

géantenspirale.

–Tonparcdejeuxpersonnel?

Joshuacaressemajouedupouce,

puismeslèvresdessiennes.Moncorps

entierrépondàlaprovocationdansun

élanenflammé.

–Tuasundéfiàrelever,mabelle.

Ilposelaplanchesurlapiste.Celle-

cis’allumeavecunbourdonnementpuis

dansunbruitdesoufflerie,commenceà

léviteràunevingtainedecentimètres

au-dessusdusol.

–Lavache!Çamarchevraiment?

–Pourl’essentiel.Allez,essaye!

Laplanchetanguedangereusement

quandjemehissedessus.Jem’agrippe

aubrasdeJoshuapourretrouvermon

équilibre.

–Lerevêtementdespistesestconçu

pouramortirleschocs,mesignale-t-il.

–Çamerassurebeaucoup.

Defait,mapremièretentativese

soldeparunechutespectaculaire.De

mêmequeladeuxième,latroisième,la

quatrième…Maisquandjeparviens

enfinàmaîtriserl’engin,lasensationest

extraordinaire.

Jevole!

J’ail’impressionquemoncorpsest

devenulégercommeunebulledesavon.

Unesensationdepurbonheurme

chatouillel’estomac.J’éclatederire…

pileaumomentoùlesmoteursdema

monture

s’éteignent,

me

ramenant

brutalementausol.Joshuamerattrape

auvoletmeretiententresesbras.

J’appuiematêtesursonépauleen

attendantquelesbattementsdemon

cœurs’apaisent.

–Alors?

–C’estgénial.Surtout,n’arrête

jamaisd’inventer!

Ilmeserreunpeuplusfort,sajoue

contremescheveux.

–Mercid’êtrevenue.

–L’avantaged’êtreencouple,c’est

d’affronterlesdifficultésensemble

plutôtquechacundanssoncoin.

–Jen’aijamaisétéencouple,me

rappelle-t-il.

Moncœurmanqueunbattement.

J’aimetellementl’idéed’êtrela

première!

Jedéposeuncheminaériende

baiserslelongdesoncou,medélectant

desentirsonpoulsvibrersousmes

lèvres.

–Etj’aitoujourseul’habitudede

réglermesproblèmesseul,poursuit-il

d’unevoixdeplusenplusrauque.Mais

j’aimequetusoislà.

Ilmeprendparleshanchessurcette

dernièreaffirmation,pourm’attirer

encoreplusprèsdelui.Àtraversle

tissuépaisdesonjean,jesensson

érectionfrottercontremonsexe.Sa

boucheseposesurlamienne,chaudeet

exigeante.Jecroisemesmainssursa

nuqueetjelelaissem’emporterdansun

délugedesensationsaveclesquelles

aucunhoverboardaumondenepourra

jamaisrivaliser.Deboutsurlapointe

despieds,jepressemapoitrineavide

decaressescontresontorse.Sespaumes

seplaquentsurmesfesses,mesoulèvent

etm’emportent.Mondosentreen

contactavecunesurfaceélastique.

Larampedurollerparc.

Jesouriscontreseslèvres.

–Tuveuxtesterleconfortdu

terrain?

–Jen’aiencorejamaisessayé,

répond-il,haletant.Ilfautréparercette

erreur.

Etmoi,jen’aiencorejamaisfait

l’amourdansunhangarremplide

matérielfantastique.

Maisàcetinstant,çamesembleêtre

lameilleureidéedumonde.

Nousnouslaissonslentementglisser

ausol,sanscesserdenousembrasserni

denoustoucher.Unsentimentd’urgence

faitcourirlesangplusvitedansmes

veines.Nousavonstoutelanuitdevant

nous,maisjeveuxtoutdelui,toutde

suite.Undernieréclairdeluciditéme

pousseàdemander:

–Personnenepeutentrer?

–J’aitoutverrouilléavantde

descendre,répondJoshua,sanscesser

dem’embrasser.

Jejetteuncoupd’œilàlaverrière.

Despanneauxdeboisetdesplantes

vertesnousdissimulentauxregards

depuisl’extérieur.Del’autrecôté,le

rideaudebambousnousisoledureste

del’atelier.Noussommescommedans

uncocon.

–Tuveuxremonter?medemande

Joshua.

Jesongeautrajetquenousvenonsde

parcouriràtraverslebâtimentsombreet

désert.

Non.Jeleveux,toutdesuite.

Enplus,lasurfacesurlaquellenous

noustrouvonsallongésn’estpas

désagréable:élastiqueettiède,elle

constitueunterraindejeuxinédit.

Jecaresseduboutdesdoigtsles

mouettesquis’envolentlelongdeson

bras.

–J’aimecetendroit.Ilteressemble.

–Tuveuxdire,immenseet

bordélique?

–Etaussilumineux,débordant

d’inventivité…sexy.

–Tutrouvesl’ateliersexy?relève-t-

ilenriant.

–Presqueautantquesonpropriétaire.

–Mmmh,murmure-t-ilenpromenant

seslèvreslelongdemaclavicule.Jene

leregarderaiplusdumêmeœil…

Ilseredressesoudaind’unbond

soupledecascadeur.Mesprotestations

s’étranglentdansmagorgequandil

déboutonnesonjeanpourlelaisser

glisserlelongdesesjambes.Uneboîte

rectangulaires’échappedesapoche

dansl’opération.Jehausselessourcils.

Manifestementilaprofitédeson

passageàlasalledebainspourfaire

lepleindemunitions.

J’aimeraisavoirlepouvoirde

photographieravecmesyeuxchaque

détailducorpsquisedévoileàmoi

tandisqueleT-shirtetlecaleçonsuivent

lejean.Cen’estpaslapremièrefoiset

pourtant,cettenuit,lespectacleprend

unetonalitéparticulière.

Aurai-jevraimentlapossibilitédele

contemplerainsitouslessoirs,à

l’avenir?

Joshuas’agenouillepoursemettreà

mahauteur.Jeluilanceavecunsourire

encoin:

–J’adoretevoiràgenouxdevant

moi.

–Enlèvetonjeanetjetemontrerai

toutcequejepeuxfairedansunetelle

position.

Excellentesuggestion.

Maispourquoinepasprofiterunpeu

ducadre?Pourunefoisquenousne

nousheurtonspasauxparoisd’une

baignoireouauxlimitesd’unmatelas…

Jemeremetsdebout,jefermelesyeux

et,medéhanchantausond’unechanson

quejesuisseuleàentendre,j’entameun

lentstrip-tease.

Jen’aijamaisfaitça,maisdisons

qu’ilm’inspire.

J’aiàpeineretirémonjeanqueses

mainsseposentsurmeshanches.Ses

mouvementsaccompagnentlesmiens

quelquessecondes.Noscorpsse

rapprochentpeuàpeu,jusqu’àcequesa

chaleurmebrûleàtraverslecotonléger

demonT-shirt.Sonérectionsepresse

contremesfessesetjen’aiplusqu’une

idée

:

arracher

l’obstacle

qui

m’empêched’enprofiter.Millimètrepar

millimètre,sesmainsremontentsous

monT-shirt,traçantunchemindefeusur

mapeau.Jemecambreavecun

gémissementquandellesatteignentma

poitrine.D’ungestehabile,Joshuafait

passerlevêtementpar-dessusmatête.

Jemechargemoi-mêmedelaculotteet

dusoutien-gorge.Ilsontàpeinetouché

terrequeJoshuametendlamain.

–Tudanses?

J’endemeurebouchebée.Nous

sommestouslesdeuxnussurunepiste

d’essai,aumilieud’unimmenseatelier

aucœurdelanuitcalifornienne,une

boîtedepréservatifséparpilléeànos

pieds…etilveutdanser?

–Tuesdingue.

–Nouslesommestouslesdeux.

Nous

étions

faits

pour

nous

entendre,c’estvrai.

J’aijusteunpeuplusdemalàlibérer

moncôtésauvage,maisaveclui,tout

paraîtévident.Jesaisislamaintendue

avecunsourirededéfi.

J’aidéjàpuleconstaterlorsdu

mariagedenosparents,Joshuaestun

excellentdanseur.Etilfautsouligner

unechoseàproposdutango:c’estune

dansetrèsintéressanteàpratiquer

dévêtus.Noustournonslentementl’un

autourdel’autre,mamainsurlapoitrine

deJoshua,lasiennesurmahanche,nous

provoquantduregard.Ànospremiers

échanges,ilasouventmenéladanse,

jouantlerôleduséducteuralorsqueje

m’efforçaisderésister.Là,jeprendsun

malinplaisiràrenverserlesrôles,

frôlantseslèvresdesmiennespour

reculeraussitôt,mecollantàluiavant

dem’éloignerdansunepirouette.

Fuis-moi,jetesuis,suis-moi,jete

fuis.

Nousaccéléronspeuàpeulerythme;

noscorpssemeuventenparfaite

harmonie.Aprèsquelquespasrapides,

Joshuamerenverseenarrière,mes

cheveuxfrôlantlesol,messeinspointés

versleciel.L’intensitédesonregardme

brûlelapeau.Ilmerelèvelentement,

jusqu’àcequeseslèvrestouchentles

miennes.Majambevients’enrouler

autourdesataille;sonérectionfrotte

contremonintimitétandisquenotre

baiserdevienttorride.

C’esttellementbon!Commentcela

peut-ildevenirencoremeilleurchaque

fois?

Sansromprelecontact,Joshuame

soulèveetmefaittournersanstoucher

terre.Quandilmerepose,jeme

retourneentresesbraspourme

retrouverdosàlui.Nousondulonsl’un

contrel’autrecommesinoshanches

étaientsoudées.Leplaisirmontepar

vaguestandisquenosmouvements

deviennentmoinsprécis,plussensuels.

LesmainsdeJoshuaexplorentmes

seins,monventre,mescuisses.Unbras

passéderrièresanuque,jebalancemes

fessescontreluipourmieuxcaresser

sonsexetendu.

Celavautbienn’importequelle

valsenuptiale.

Mesgenouxplient;comprenantle

message,

Joshua

m’accompagne

jusqu’ausol,unemainsoutenantma

nuque,l’autremonbassin.Nousnous

retrouvonsallongésaubeaumilieudela

pisted’essai.Àboutdesouffle,j’éclate

derire.

C’estdingue.

Seslèvreseffleurentmonépaule.Un

frissonélectriquemeparcourtmaisje

meforceàdemeurerimmobile.Même

quandsabouches’enharditàsuivrema

clavicule,puislecreuxentremesseins,

puismonseingaucheetsontéton…Le

regardnoyédanslavoûtelumineuse,

unemainplongéedanssescheveux

sombres,jem’abandonneauxsensations

decevoyagesensuel.Cen’estque

lorsquesalangueplongedanslesplisde

monsexequejecrie.L’échodemavoix

retentitàtraversl’ateliervide.

Joshuaseredressepourattraperl’un

desemballagesdepréservatifstombés

nonloindenous.J’enprofitepour

retracerméticuleusementsestatouages

del’index,commesijecherchaisàles

graverdansmamémoire.

Jedevraispeut-êtrem’enfairefaire

un,moiaussi…Uneguitareposéesur

unhoverboard,tiens,çaauraitdu

style.

Sapeausehérissedechairdepoule

sousmesdoigts.Jepoursuismon

explorationensuivantlafinelignede

poilssombresquipartdesonnombril.

Nosdoigtsserejoignentautourdulatex

quirecouvresonsexe.

Unjour,nousn’enauronsplus

besoin.

Seigneur,jecommenceàpeineà

mesurercequesignifie«pourtoujours

».Jelèvemonvisageverslesienet

nousdemeuronsplusieurssecondes

immobiles,lesyeuxdanslesyeux,le

soufflecourt.

–Tum’astellementmanqué.J’ai

besoindetoi.

–J’aibesoindetoiaussi.

Joshuam’attirecontreluietmeserre

farouchemententresesbras.Jeposeune

mainsurlecœurtatouésursontorse.De

l’index,Joshuaentraceunsurmonsein

gauche.Sonsexefrottedoucement

contremafentehumide.Perdusdans

l’immensitéduhangar,j’aipourtant

l’impressionqu’unebulledetendresse

nousenveloppeetnousisoledurestedu

monde.Nosregardsvrillésl’undans

l’autre,nouslaissonsnoscorpsmenerla

danse.Ilentreenmoid’unecourte

poussée,pourressortiraussitôtetpuis

recommencer,unpeuplusprofondément.

Lapetiteflammedelatendressedevient

fournaise,brasier.Ungémissement

sourdmonteduplusprofonddemon

être.Jeposemesmainssurleshanches

deJoshuapourleretenir,jecroisemes

jambesderrièrelessiennes.Ilaccélère

peuàpeulerythmeetl’amplitudedeses

mouvements.Unegouttedesueurroule

lelongdesoncouendirectionducœur

tatoué.Jelasuisduregard,paralysée

parl’intensitéduplaisir.Mesreinsse

creusent,mesjambestremblenttandis

quejem’efforcedecontenirlerazde

marée.

Justeencoreunpeu.Quandla

goutteatteindralecœur…

–Viens,demandeJoshuad’unevoix

basse,rauquededésir.Viensavecmoi.

Cettesimpleinjonctionsuffitàfaire

volermoncontrôleenéclats.Je

m’abandonneauxsensations.Unfrisson

électriquemeparcourtdelatêteaux

pieds;l’éclairfinalfoudroiemonbas-

ventre,oùildéclencheuneréaction

nucléaire.Mesmainsattrapentlesavant-

brasmusclésdeJoshuacommepourme

retenirdetomber.Ilsecambre,

s’enfonçantencoreplusprofondémenten

moi.Sespaupièressefermentau

momentdel’orgasme,medérobant

l’éclatdorédesesprunelles.J’enfonce

mesonglesdanssesbras,têterenversée

enarrière.Laviolencedel’orgasmeme

coupelesouffle.

C’estcommeunshootdecaféinfusé

debonheurintense.

Leplaisirphysiquen’estrienàcôté

delasensationdeplénitudequi

m’envahit.Commesijevenaissoudain

detrouverlaréponseàtoutesmes

questions.Lamasterliste.Jefrottemon

nezcontrelecoudeJoshuatandisque

nouscherchonstouslesdeuxnotre

souffle.Latendresse,aprèsl’intensité

del’orgasme,aungoûtdouxetsucré

commedelacrèmechantilly.Quandil

roulesurlecôté,jeréprimeunfrisson.

–Çamanquequandmêmede

couvertures,

commente-t-il

en

me

tendantlamainpourm’aideràme

redresser.Tuasfroid?

Jehochelatête.Lesentiment

d’urgence

provisoirement

comblé,

j’aspireàpoursuivrelanuitdansun

cadreplustraditionnel.Joshuameserre

danssesbrasetfrictionnemondospour

meréchauffer.

–Dansnotrefuturappartementje

feraiinstallerunepistededanse

chauffante.

–Etunepiscine.

–Etunebaignoireàbulles.

Sonriremedonneenviede

m’envoler.IlmetendsonT-shirtalors

quejecherchemesvêtementséparpillés.

Jel’enfilepar-dessuslemienpourme

tenirchaud,etpourleplaisird’admirer

ses

tatouages

tandis

que

nous

retraversonsl’atelier,maindanslamain.

Nousregagnonssonappartementbien

plusvitequenousn’ensommes

descendus,

gloussant

comme

des

adolescentsàleurpremierrendez-vous.

Jemanquedenouveaumecasserla

figuresurlarouequitraînedansson

bureauetgrogne.Ilétouffemes

protestationsd’unbaiser.Heureusement,

lachambreestbienmieuxrangée.Même

trop.

–Enfait,tudorstoujourssurton

canapé,dis-jeencontemplantlacouette

rebondie,sansunpli.

Lesdrapssententencorelefrais.En

revanche,lebouquetposésurlatablede

chevets’estfané.Joshuam’embrasse

danslecou,réveillantinstantanémentle

brasierquenotreétreintedansl’atelier

n’avaitfaitqu’endormir.Jeluiéchappe

pourmelaissertombersurlelitàplat

dos,lesbrasencroix.

Mmm…Riennevautunecouette

moelleuseetunbonmatelas.

–Jesensquejevaisêtrebeaucoup

plusmotivépourutilisercelit,àpartir

demaintenant,annonceJoshua,lesyeux

brillants.

Ils’agenouilleàcôtédemoisurla

couetteetpasseunemainsouslesdeux

T-shirts.

Commentpeut-ilavoirlespaumes

aussichaudes?

–Jecroisquececiestàmoi,lance-t-

ilentirantsurletissu.

–Touslesprétextessontbons,hein?

–Absolument.

Commeilaentreprisderécompenser

chaquecentimètredepeaudévoilée

supplémentaired’unbaiser,jene

protestepastrop.J’attendsmêmela

suiteavecimpatience.

Lesvêtements,cesaccessoires

tellementsuperflus.

–Jeveuxungrandlit,aussi,

murmuré-jetandisqu’ilremontepeuà

peu.Kingsize,aumoins.

–Toutcequetuvoudras.

–Cequejeveuxsurtout,c’esttoi

dedans.

LesdeuxT-shirtss’envolentd’un

coup.Joshuam’attirecontresontorse

pourunbaiserbrûlant,peauàpeau,nos

jambesentremêlées.

Voilà,ça,c’estparfait.Quelquesoit

lelieu.

Surlatabledechevet,leréveil

indique3h30,L’aubeestencoreloin.

4.Desrouesetdes

ours

JenesaispascommentPennys’est

débrouilléepournousprogrammerune

sortieauzoodeSanFrancisco.Sans

douteunefonction«protectiondela

femmeenceinte»,Janeétantàcequ’elle

m’adittrèsfatiguéeparsagrossesse.

Quoiqu’ilensoit,avantnotrerendez-

vousdecesoiraveclesparents,Joshua

etmoiavonsécopédelamission«

emmenerHeidiauzoo».J’aibiententé

del’endégager:

–Tun’espasobligédevenir.Ils

comprendrontquetuaiesdutravailavec

Shark.

–Non,jeviens.Jen’aipasprofitéde

tacompagniedepuistroplongtempset

cettenuitétaittropcourte.

–Euh…C’estunesortieauzoo,tu

sais?Pasunrencardamoureux.

–Jesais!Etj’aiuneidée…

L’idéedeJoshuaconsisteàemmener

lesdernièresproductionsdel’atelier

avecnouspourlestester.Heidiestainsi

montéesurunesortedetrottinette

pourvuederouesdevélo,qu’ellefait

avancergrâceautapisdecourseplacé

sursonembase.J’aipourmaparthérité

d’uneplancheàdeuxrouesfonctionnant

aveclepoidsdemoncorps;ilm’afallu

unebonnedemi-heureavantdemaîtriser

ledémarrageetl’arrêt,maisdepuis,je

m’amusecommeunefolle.Ilsuffit

d’ignorerlesregardsétonnésdes

passants.Joshua,lui,estmontésurune

gyroroueconnectéeàPenny…etle

dialogueestparfoiscocasse,lelogiciel

de

gestion

des

ordres

n’étant

manifestementpastoutàfaitaupoint.

CettepauvrePennyanotamment

tendanceàconfondresadroiteetsa

gauche.

–Bon,décrèteJoshuaaprèsun

énièmeplantagedansunebarrière,

effrayantunecoloniedepingouins.Ilest

tempsdefaireunepause.

–Zeveuxuneglace!signaleaussitôt

Heidi.

–Etmoi,troislitresd’eau.

Mesjambestremblentquandje

descendsdemamonturerosevif.Sa

facilité

de

manipulation

n’est

qu’apparente;jesensquej’aurai

quelquescourbaturessupplémentaires

demain,enplusdecellesquemevaudra

notrenuit…Joshuaéclatederireen

quittantlasienneavecl’éléganced’un

prince.

–Attendez-moi,jereviens.

Jemelaissetombersurlebanc

derrièrelafontainedeslions,nos

joujouxentassésàmespieds.Auprix

qu’ilscoûtent,pasquestiondeles

quitterdesyeuxuneseconde.Heidi,

nullement

essoufflée,

commence

à

bavarder:

–Quandzeseraigrande,z’inventerai

desinventions,commeSassa!

–Jecroyaisquetuvoulaisfairedela

musique,commemoi?

–Zeferailesdeux!

C’est

beau

l’enthousiasme

de

l’enfance…

Cecidit,aumêmeâge,jevoulaisêtre

danseuseétoile,vétérinaireetastronaute

àmesmomentsperdus.Jeregardeun

petitgarçonunpeuplusâgéqueHeidi

tournerautourdenosengins,visiblement

tenté.

–Toussepas!s’interposecelle-ci,

c’estànous!

Lebambinlanceunregardéploréà

samère,assisesurlebancvoisindu

nôtre.Celle-ciluitendunpaquetde

cookiespourdétournersonattention.

–Tuenveux?demande-t-elleà

Heidi.

–Zeteconnaispas.Peut-êtretuas

misdeladroguededans!

Unangepasse.Lamamanm’adresse

unsouriregêné.

–Elleaducaractère,votrefille.

–Cen’estpasma…

–Carrie,ellevam’adopter!

interromptHeidi.EtSassaaussi.C’est

lesplusbonsparentsdumonde!

Premièrenouvelle.

Lamèrecommenceànousdévisager

d’unairbizarre.QuandJoshuanous

rejoint,lestatouagesquicourentsurses

brasachèventdelaconvaincredese

lever.Elleattrapelamaindesonfils,

quicontempletoujoursnosengins,et

s’enfuitlittéralement.

–Unproblème?s’étonneJoshuaen

metendantunebouteilled’eau.

–Ilparaîtquenousallonsadopter

Heidi.

–Tuasdéjàdesparents,luifait

remarquerJoshuaens’asseyantàcôté

d’ellesurlebanc.

Jemedisquenousdevonsformer

l’imaged’unefamilleheureuseet,

l’espaced’uninstant,monesprits’égare

danslesfantaisiesdufutur.

–Ilssontnuls!rétorqueHeidi,

péremptoire.

–Bienvenueauclub.

–Josh!

Heidi

n’a

pas

besoin

qu’on

l’encouragesurcettevoie.

J’aigrandiendétestantmamèreet

aveclerecul,jemedisquecen’était

sansdoutepaslameilleurechoseà

faire.

Jemepencheversellepourl’aiderà

ajusterlaservietteenpapierautourde

sonbâtonnetdeglace.

–Tusais,c’estnormald’êtrejalouse

dubébé.

–Zevoulaisunzien.

–Tupourraspeut-êtreavoirunchien

aussi.

ÀconditionqueJaneaitvraiment,

vraimentchangé.

–Mamanellem’aimeplus,boude

Heidi.Elleveutunautrebébé.

–Hum…

Jen’avaispassignépouruneséance

depsychothérapieinfantile!J’adresse

unregarddedétresseàJoshua,qui

relèvelevélodeHeidietdemandeavec

unentrainunpeuforcé:

–Oncontinuelavisite?Onn’apas

encorevulesours!

–Zesuisfatiguée,protesteHeidien

donnantdescoupsdepieddanslevide.

Commemaman.Mamanelleesttoutle

tempsfatiguée,elleveutpluszoueravec

moi!

–C’estnormalquandonattendun

bébé,dis-je.Çanevapasdurer.

Enmêmetemps,à3ans,unesemaine

représentedéjàuneéternité.

Ilsnesontpassortisdel’auberge.

Heidipoursuitsursonidéefixe:

–T’asqu’àtemarieravecSassaet

aprèszeseraivotrefilleetoniraà

l’écoleàvélotousleszours!

–Maistudevraischangerd’école,

alors,faitremarquerJoshua.Enplus,

Carrieetmoin’avonspasdemaison.

–T’asqu’àenasseterune.

J’échangeunregardavecJoshua;la

petiteflammeaufonddesesprunelles

sombresrépandunechaleurfamilière

dansmesveines.

Nousauronsbientôtnotrehome,

sweethome.

Enfin,bientôt…J’espère!Entreles

problèmesàSharkOutdoors,latempête

quis’annonceavecnosparentsetles

menacesdeLicia,letempsn’estguère

propiceàlarecherched’appartement.

–Janeseraittristequetupartes,dis-

jeàHeidi.

Ellen’aeuaucunedifficultéà

m’abandonneràmonpèredurantmon

enfance,cecidit…

Jechassecevieuxrestederancœur.

Janeachangé.Dumoinsellel’affirme.

Elleveutfonderunefamille,réparerles

erreursdupassé,éviterdeles

reproduireavecHeidi.

–C’estmêmepasvrai!proteste

celle-ci.Ellealebébéàmaplace!

–Pasàtaplace.Ellet’aimetoujours.

Tusais,moiaussij’étaisjalousequand

tuesnée.

Lapetitemefixe,yeuxécarquilléset

boucheouverte.Jesuispartagéeentre

l’enviederireetl’émotion.

Jel’aidétestéesansmêmela

connaître.

Çameparaîttellementimmature,à

présent…Moiaussi,j’aichangédepuis

monarrivée.Enplus,jesuissousle

charmedelapetitepesteblonde.Celle-

ciproteste:

–Maist’esgrande!

–Mêmelesgrandspeuventêtre

jaloux.

–T’habitesmêmepasàlamaison!

Oui,çava,j’aieutort,inutile

d’insisterlourdement.

Jehausselesépaules:

–Maismaintenant,jet’adore.

Ellesejettespontanémentdansmes

bras.Jelaserremaladroitementcontre

moi.Ellesentlaglaceaucitronetses

petitesmainssontpoisseuses,pourtant

j’ail’impressionqu’ellemefaitune

grandefaveur.JeregardeJoshuapar-

dessussesbouclesblondes.Ilnousfixe

avecunsourirequiachèvedeme

liquéfierlecœur.

Unjour,peut-être,nousformerons

unefamilled’uneautrefaçon…

–Bon,dis-jequandHeidiconsentà

melâcher,etsinousallionsvoirces

ours?

L’intermèdesembleluiavoirsortide

latêtesesprojetsd’adoption.Nous

reprenonsnosengins,directionla

sectiondesours.Malheureusement,

quelqu’unnousyadéjàprécédés.Je

pileàquelquesmètresdelacagede

l’ourspolaire.

–Josh!Heidi!Attendez!

Hélas,ilsfoncentdevantmoi,sans

avoirremarquélepetitgroupedebout

devantlacage.QuandJoshuas’arrêteà

sontour,ilesttroptard.

–Joshua!

Liciatientparlamainunepetitefille

unpeuplusâgéequeHeidi,aussibrune

quemasœurestblonde.Elleest

accompagnéed’unejeunefemmequilui

ressemblebeaucoupetd’unedemi-

douzained’enfantsentre3et10ans.

J’hésiteàopérerundemi-touravant

qu’ellenemevoie.

Autantéviterlesproblèmes,nousen

avonsdéjàbienassezcommeça.

J’hésitedixsecondesdetrop.Licia

tournelatêtedansmadirection;son

souriresefaneaussitôt.Lapetitefille

dontelletenaitlamainprotestequ’elle

laserretropfortetcourtseréfugier

danslesjupesdel’autrefemme.

–Qu’est-cequ’ellefaitici?demande

LiciaàJoshua.

–NousaccompagnonsHeidiauzoo.

–T’esqui,toi?intervientHeidi,sur

ladéfensive.

–Jesuisl’amiedeJoshua,répond

Licia.J’étaisaumariage,tunet’en

souvienspas?

Heidisecouelatête,avantde

conclured’untonsansappel:

–T’espasbelle.

–Ettoi,tuesmalélevée.

–Qu’est-cequetoi,tufaisici,

Licia?s’impatienteJoshua.Jete

préviens,jevaisavoirdumalàcroire

auhasard.

–Tuavaispromisdenepluslavoir,

répliqueLiciaenmepointantdudoigt.

Premièrenouvelle.

Joshuaanégligédemepréciserce

pointdesnégociations,quandilm’adit

queLiciaavaitrenoncéàcauserun

scandale.A-t-ilvraimentfaitcegenre

depromesse?Alorsquenousvenions

justedenousréconcilier?Jediraisque

Liciaprendsesdésirspourdesréalités.

–Jen’aijamaispromisunetelle

chose,protesteJoshua.Noussommes

forcément

amenés

à

nous

voir.

D’ailleurs,cesontnosparentsquinous

ontdemandéd’emmenerHeidiauzoo.

Nosparents,vraiment?Jecroyais

quenousdevionsnousprésenter

commeuncouple?

Jem’étonnederessentirunpincement

aucœur.Aprèstout,vul’étatd’espritde

Licia,ilestlégitimed’éviterdeverser

del’huilesurlefeu.Jen’aicertainement

pasbesoindesonapprobation!

–Tun’avaisqu’àrefuser,rétorque

Licia.

–Maisjen’enavaispasenvie.

–Alorstucomptespoursuivrecette

relationcontre-nature?

LafemmequiaccompagneLicia

sursauteàcetteremarque,àmoinsque

cenesoitautontranchantsurlequelelle

aétéproférée.Elleappellelesenfants

pourqu’ilspassentàlacagesuivante.

Demoncôté,jedemeureenretraità

quelques

pas,

préférant

ne

pas

envenimerlasituation.

Cettefilleestunepsychopathe.

Heidimerejointetglissesapetite

maindanslamienne.

–Pourquoielleestfassée,ladame?

Elleestméssante?

–Pasvraiment,maiselleaimerait

biensemarieravecJoshua,tuvois.

–Etlui,ilveutmariertoi?

–Oui…

Nousn’ensommespasencoreà

discutermariage,loindelà,maisdans

lesgrandeslignes,c’estl’idée.

–Elleestzalouze!s’exclameHeidi

enpointantLiciadudoigt.C’estpas

bien!

–Dis-donc,tupeuxparler…

Pendantcetemps,laconversation

entreLiciaetJoshuas’envenime:

–Jenetedoispasdecomptes,

affirmeJoshua.Lessentimentsquetu

éprouvespourmoinetedonnentaucun

droitsurmapersonne.

–Jeveuxsimplementt’aider!Cette

attiranceestmalsaineet…

–Ilnes’agitpasd’une«attirance»,

Licia.J’aimeCarrie.

–Tunepeuxpas!C’esttasœur!

Pourquoi

refuses-tu

de

comprendre?Carrieestlafemmedema

vie.Leresten’astrictementaucune

importance.

Cesderniersmotsmeclouentsur

place.

Lafemmedemavie.

C’estlong,unevie.Onnes’engage

pasàlalégèrepourlavie.Jusqu’à

présent,nousavonssurtoutnaviguéà

vue…

Uneliste.Jedoisfaireuneliste.

–Alors,qu’est-cequeçaimpliqueau

justed’êtrelafemmedesavie?

Vous

allez

vous

marier,

diagnostiqueHeidisurleton«jete

l’avaisbiendit».

–Oui,enfin…Pastoutdesuite!

–Ahoui,ilfautunemaisond’abord,

réfléchitHeidi.Commeça,zepeux

habiterssezvous.Etaprèsonfaitun

grandmariazeettum’assètesunetrès

bellerobe.

Jenepeuxpasm’empêcherderire.

Unemainlevée,jerepliemonpetit

doigt.

–Voilà.D’abord,onvaacheterune

maison.Ensuite…

J’hésitesurl’annulaire.

–Ensuiteonvas’occuperdenotre

travail.

Joshuadoitassainirlasituationà

SharkOutdoors.Etmoi,jedoistrouver

lecouragedemettreleschosesaupoint

avecSunJuice.Cequiveutdire

accepterl’idéedem’installeren

Californie(hellopapa)etdepasserun

certaintempssurlesrouteslorsdes

tournées.

–Tupeuxtravaillerquandt’es

mariée,remarqueHeidiavecuncertain

bonsens.

–C’estvrai,maisorganiserungrand

mariagedemandedutemps.

–Pfff.Z’aimepasattendre.

–Etpuis,dis-jeenrepliantmon

majeur,ilfautledireàJaneetAndrew.

Heidiesquisseunegrimace:

–Ilsvontpasêtrecontents,hein?

–Jenecroispas…

–Maisons’enfisse!Moizevoulais

pasdebébéetilsm’ontmêmepas

écoutée!

–Tuasraison.

J’agitemonindex.Quemanque-t-ilà

laliste?

–Ah:ilfautqueJoshuamedemande

del’épouser.

Ilexisteunedifférenceentreêtre«

lafemmedesavie»et«sonépouse».

–Pourquoitudemandespastoi?

s’interrogeHeidi.

–Euh…

C’estvrai,ça,pourquoi?

Jenevaisquandmêmepasme

cramponnerauprincipe«c’estlegarçon

quidoitdemander».Noussommesau

XXIesiècle,quediable.EtpuisJoshuaa

déjàfaitpasmaldepasenavantdans

notrerelation,ilseraittempsquej’y

metteunpeudumien.

–J’ypenserai.

Jedoisjusteattendrequeles

circonstancessoientunpeuplus

favorables.Etm’assurerquel’idéene

donnepasdeboutonsàmonfutur

promis.

–Tusais,lesgensattendent

généralementunpeuavantdesemarier,

dis-jeàHeidi.JeneconnaispasJoshua

depuissilongtempsqueça.

–Maistul’aimes,alorsçacompte!

rétorque-t-elleenhaussantlesépaules.

Aufond,heureusementqu’elleestlà,

çametunpeudelégèretédansunescène

quiprenddesalluresdesoapopera.

Liciafulmine.Sinousétionsdansun

dessinanimé,lafuméeluisortiraitpar

lesoreilles.

–Jeledirai!s’exclame-t-elled’une

voixaiguë.Jelediraiàtoutlemondeet

tuverrasquej’airaison!Personnene

trouveraçanormal!

–C’estpasbienderapporter,

commenteHeidienseserrantcontremes

jambes.

Jelasoulèvedansmesbras.

–Bon,onvaleslaisserdiscuter,

d’accord?

–EtSassa?

–T’inquiète,ilvas’endébarrasser.

–Ilvaladonneràmanzerauxours!

–Euh…Peut-êtrepas.Ellerisquerait

delesempoisonner.

Nousnouséloignonsendiscutant.

Derrièrenous,leséclatsdevoix

continuent.Quelquespassants,curieux,

ralentissentpourcomprendrecequise

passe.Jeserrelesdents.Abandonner

Joshuavacontrecequemedictemon

instinct,maisilfautbienquejeprotège

Heidi,etpuis,maprésenceaggraveles

choses.

Ilnousrejoindrabientôt.

Nousavonspresqueatteintlacage

desgrizzlysquandj’entendslagyroroue

glisserderrièrenous.Joshuas’arrêteà

mahauteuretposeunemaindansmon

dos.Latensiondesesmusclesest

encoreperceptible.

–Elleestpartie.

–Tul’aspasdonnéeàl’ours?

interrogeHeidi.

–Non,maisj’avouequec’était

tentant.

–Çavaaller?

Sonbrasseglisseautourdemataille

etilmeserrecontrelui.Jeperçoisson

besoindeserassurer.

–Impossibledelaraisonner.Elle

risquebiendeclaironnerlanouvelle.

–Danscecas,heureusementquenous

avionsprévudeparlerànosparentsce

soir.

–Tuasraison,approuve-t-il,mi-

grave,mi-souriant.Laprésentationaux

parents

est

toujours

une

étape

importante.

–Et,hum,jevoulaistedire…

J’hésiteaumomentdeprononcerles

motsquiluisontvenussinaturellement.

Mêmesijesensauplusprofonddemoi

qu’ilssontvrais,j’aiencoredumalà

évaluerdansquoijemelance.Jeprends

unegrandeinspirationavantd’achever:

–Moiaussijepensequetues

l’hommedemavie.

Seslèvresviennentcueillirledernier

motsurlesmiennes.Jepasselesbras

autourdesoncoupourleserrercontre

moi,sansmesoucierdesregardsdes

passants.Soncorpsestl’ancrequime

retientaumilieudelamerdemes

incertitudes.Lachaleurdesaboucheest

laréponseàtoutesmesquestions.

Sijedevaisfaireuneliste,je

n’auraisqu’unmotàmettredessus:

sonprénom.

–Zeveuxunebellerobepourle

mariaze,rappelleHeidi,nousramenant

brutalementàlaréalité.

Nouséclatonstouslesdeuxd’unrire

libérateuraprèslatensiondesderniers

instants.

–Tuauraslaplusbellerobedu

monde,prometJoshua.Avecdes

paillettes.

Cesoir,nouspourronscompterau

moinsunepersonneenfaveurdenotre

couple…C’estunbondébut!

5.Pizzaamère

NousrejoignonslerestaurantLupa

Trattoria,pointderendez-vousavec

JaneetAndrew,enfind’après-midi,

accompagnésd’uneHeidisomnolenteet

d’unénormeourspolaireenpeluche.

Cen’estpasmoiquiaicraqué,c’est

Joshua!

Elleinsistepourl’emporterau

restaurantetl’installeràtable,enface

d’elle.Jane,quiarrivecinqminutesplus

tardencompagnied’Andrew,ouvredes

yeuxronds.

–Vousvousêtesbienamusés,j’ai

l’impression.

Oui,

répond

Heidi

avec

enthousiasme.EtpuisSassaetCarrieils

vontsemarieretz’auraiunerobede

princesse!

Letempss’arrête.Andrew,qui

s’apprêtaitàs’asseoiraprèsnousavoir

salués,sefigeenpleineaction.

Bon,ehbienpourl’annonce,c’est

fait.

–Trèsdrôle,commenteJaneen

prenantplaceàcôtédemoi.Ilsne

peuventpassemarier,poussinette,ils

sontdelamêmefamille.

Jedécidedeprendreletaureaupar

lescornes.Ladernièrefois,jemesuis

dégonfléeetj’aipasséplusieursjours

sansvoirJoshua.Ilafalluquecesoitlui

quiviennemechercher.

Plusquestiondeledécevoir.

–Enfait,ellearaison.Enfin,nous

n’allonspasnousmariertoutdesuite,

biensûr,maisnoussommesencouple.

J’accompagnemadéclarationd’un

sourireéclatantdestinéàmieuxfaire

passerlapilule.MaisJaneblanchit

commesijevenaisdeluiapprendreque

jesouffraisd’unemaladieincurable.

Elles’affaissesursachaise.Enface

d’elle,Andrewpinceleslèvresavantde

s’enprendreàsonfils.

–As-tuperdulatête?

–Complètement,confirmeJoshua,

battantdescilsàmonintention.

–As-tupenséàcequelasociétéen

penserait?

–Absolumentpas.

–C’estbiencequejepensais,

trancheAndrew.Tuagisengamin

immatureetégoïste.

Ouch,çafaitmal.

J’éprouveuneenvieaiguëdelancer

monpieddansletibiadumalotru.

Commentose-t-ils’adresseràsonfils

decettefaçon?Joshuan’aplus5anset

ilalargementprouvésavaleur!Bien

qu’ilaffecten’avoirbesoindepersonne

etsemoquerdel’opiniondesonpère,

unetelleattitudenepeutqueleblesser.

Desoncôté,Janemefixeavecun

regarddechienbattu,surlemode«

commentas-tupumefaireça?»Rien

deneufsouslesoleil.Jerefusedeme

laisserculpabiliser.D’accord,jen’ai

passuivileplanqu’elleavaitpoursa

grandeetbellefamille.D’unautrecôté,

ellen’apastellementrespectélemien

nonplusquandj’étaispluspetite,

alors…Disonsquenoussommes

quittes.

LesouriredeJoshuas’efface.

–Jen’aipasdecomptesàterendre

etjemepassedetesjugements.

–Carrie,gémitJanetoutbas.Tuétais

censéeleraisonner.

–Maisnousnoussommestrèsbien

entendus.

J’auraismieuxfaitdemetaire:

Andrewsetourneversmoiàlavitesse

del’aigleayantrepéréunlapindodu.

–Endétruisantlesrêvesdevotre

mèreaupassage?Félicitations.

Cetypeaunsérieuxproblème.

Dequelsrêvesparle-t-il,d’abord?

Joshuaetmoin’habitonsmêmeplus

aveceux!Quenoussoyonsensembleou

nonnenousempêcherapasdelesvoir

nidegâterHeidi.Aucontraire,même.

Ildevraitplutôtseréjouirdenous

voirensemble.

Jeluiadresseundemi-souriredans

l’espoirdeluifairecomprendreàquel

pointilestàcôtédelaplaque.

–Maisquelsrêves?s’emporte

Joshua.Nousseronsunefamilleunpeu

plusunie,voilàtout.Dumoins,Carrieet

moi…

–Carrieettoi,oui,etlerestedu

mondepeutbiencrever,commente

Andrew,amer.Tun’asjamaispensé

qu’àtoi.

Jesecouelatête.C’estcomplètement

injuste!PasétonnantqueJoshua

s’entendemalavecluis’illuiparle

toujoursdecettefaçon.Ducoup,ça

m’inquiètepourHeidi.SiAndrewse

montreaussirigideavecellequ’avec

Joshua,elleadusouciàsefaire.Parce

quenous,nouspouvonstoujours,siles

chosesdevaientenarriverlà,couperles

ponts.Elle,elledevraattendreses

18ans.Bref,pourrésumerlasituation,

çacraint.

Janesecrispedeplusenplus.Ilest

vraiquesurcecoup,laréconciliation

père-fils

qu’elle

espérait

prend

sérieusementl’eau.Àmadroite,Heidi

engueulesonoursenpelucheen

l’accusantd’avoirdévorétousles

apéritifs,commeunégoïste.

–Voyons,calmez-vous,tentemalgré

toutmamèresansgrandeconviction.

Elleesttoujourstroppâleetdes

gouttesdesueurperlentau-dessusdesa

lèvresupérieure.Jeremplisunverre

d’eau,quejeluitends.

Ellenevapasnousfaireunmalaise,

quandmême?

–Jenemesenspasbien,gémit-elle

enrepoussantleverre.

Quelquesgouttesdébordentsurla

table.Andrewsetourneverselleetson

expressions’adoucit,passantdela

colèreàuneinquiétudesincère.

–Jecroisqu’ilvautmieuxquenous

rentrions,annonce-t-ilenrepoussantsa

chaise.

–Parcequ’éviterladiscussion,c’est

unsignedematuritémanifeste,persifle

Joshua.

–Janesesentmal,avecvos

conneries!exploseAndrew.

C’estbienlapremièrefoisqueje

l’entendsproférerunegrossièreté.Heidi

plaquesamainsursabouche,l’air

scandalisé.

–Viens,ons’enva,luilanceAndrew

enaidantJaneàselever.

–Maisz’aifaim!

–Jeteferaidespâtes.

–Zeveuxdespizzas!

–Onencommandera,prometJane.

Carrie,jesuisdésolée…

Elleal’aircomplètementperdue.

J’éprouveunélandecompassionpour

elle.Ellen’avaitpasdûimaginerla

soiréeainsi.Seulement,ellen’aqu’à

s’enprendreàAndrew:c’estluiquiest

àl’originedecemélodrame.Elleavait

ledroitdenousdéfendre,aussi,sielle

n’étaitpasd’accord!Jehausseles

épaules.

–Oh,moi,çavaaller.

Aupire,siellerefusedemerevoir,

j’ail’habitude…

Enfin,pastoutàfait.IlresteHeidiet

encequilaconcerne,jereconnaisque

çameferaitsuer.Jem’ysuisattachéeà

cettepetite…Maispasaupointde

renonceràJoshua.

Respecterlasensibilitédechacun,

çavabiencinqminutes,maisàun

moment,ilfautbienpenserànous

deux,aussi.

–Tun’aspasbesoindemoi,constate

Janeavecunegrimace.

–Jen’aipasbesoindeton

approbation,rectifié-je,maisj’aiquand

mêmeenviedetevoir.Alorsappelle-

moiquandtuauraseuletempsde

digérerlanouvelle.

Ellem’adresseunsourirecrispé

avantdemetournerledos,soutenuepar

Andrew.Heiditraînedespiedsderrière

eux,lespattesdesonoursenpeluche

balayantlesol.

–Unproblème?s’inquiètela

serveusequiarrivaitpourprendrenos

commandes.

–Simplemalaisedefemmeenceinte,

luisouritJoshua.Riendegrave.

Laserveuseluirendsonsourireen

tortillantleshanches.Jesuissûreque

c’estdefaçoninconscientequ’elle

poussesapoitrineenavant,maisj’ai

quandmêmeenviedeluifaireun

croche-pied.JedemandeàJoshua:

–Qu’est-cequ’onfait?Onreste?

–Tuneposeraismêmepasla

questionsituavaisdéjàgoûtéleurs

tortelliniallacardinale.Enplus,je

meursdefaim.

Pourmapart,lascènequivientdese

déroulerm’aunpeucoupél’appétit.

Maisaprèstout,nousn’avonspassi

souventl’occasiondedînerensemble:

autantenprofiter!

–Jevaisprendredestortellinialla

cardinale,commemonfiancé,dis-jeàla

serveuse.

Jen’aipasdroitàunbeausourire,

moi,etc’estencoreàJoshuaqu’elle

demandecequenousvoulonsboire.

Celui-cimeconsulteduregard.

–Unecarafed’eau,merci.Sans

glaçons.

LamaniedesAméricainsd’ajouter

deslitresdeglaçonsàtoutesleurs

boissonsdoitleurcoûterunefortuneen

fraisdentaires.Joshuasereculedanssa

chaise,souriant,tandisquenotre

serveuses’éloigne.

–Alorscommeça,noussommes

fiancés?

–Çafaitmoinslycéeque«petit

copain».

–Maisc’estcenséêtrelavoievers

lemariage.

–Ettuneveuxpastemarier?

Monventresenouesoudain.Nousy

sommes.Pourmoi,commepourHeidi,

lemariageestlaconclusionlogique

d’unerelationsolide…Maisj’ignore

toujourssic’estlecaspourlui.

Unhommequirefused’avoirune

maisonàluipeut-ilenvisagerle

mariage?

Iltendlamainpar-dessuslatable

pourlaposersurlamienne:

–Sic’estavectoi,jen’yvoisque

desavantages.

Jesecouelatête.

–Tunedoutesjamais?

–C’estcommelevélo:situarrêtes

d’avancer,tutombes.

–Ouais,ehbien,jevaism’entenirau

tricycle,danscecas.

Jesuisarrivéeenjuillet,décidéeà

profiterdelavieetdeshommesavant

derentrersagementchezmoi.Début

novembre,j’envisagedememarieretde

restericipourtoujours.Remet-onsavie

enquestionenquelquessemaines?Le

poucedeJoshuacaresseledosdema

main:

–Tupédalestrèsbien.Ilsuffitde

regarderlarouteetpastaroue.

–Maisjenesaispasoùmènela

route!

–Moinonplus.Tiens,tunem’as

mêmepasditsitucomptaisrepartiràla

findel’annéeuniversitaire.

–Etçanetefaitpasflipper?

–Jepréfèreconsacrermonénergieà

teconvaincrederester.

Vucommeça…

–Maisavantdemerencontrer,ta

routenepassaitpasparlemariage,je

metrompe?

Iléclatederire.

–Certainementpas.Tuasremarqué

quej’aiquelquesproblèmesavecle

conceptdefamille…

–Ettuaschangéd’avis,justecomme

ça?

–Pas«justecommeça»,Carrie.

Pourtoi.Tuescequim’estarrivéde

plusimportantdansmavie.

Laserveusearrivepile-poilaubon

moment

pour

surprendre

cette

déclarationpassionnée.Ellelarguela

carafed’eausurlatableavecunsourire

crispéettourneaussitôtlestalons.Je

m’abstiensdeluifaireremarquer

qu’elleamisunebonnemoitiéde

glaçons,j’aiplusurgentàgérer.Je

proteste:

–Çaal’airtellementfacile,pour

toi!

–Parcequeçal’est.N’oubliepas

quejesuisl’hommedetavie,me

rappelle-t-ilavecunclind’œil.

Jenepeuxpasm’empêcherderire.

–C’estvrai.Etjesuistotalement

pourpayerunerobeàpaillettesàHeidi.

Seulementpourça,ilfaudraitqu’elle

vienneànotremariage.Etvularéaction

detonpère…

Jesoupire.Sérieusement,çacraint.

Sinotrefamilleprochesemontreaussi

hostile,jen’osepasimaginerlaréaction

denotreentourage.

–Tucroisqu’ilaraison?Toutle

monderisquederéagircommelui?

–Biensûrquenon.Cequile

dérange,enl’occurrence,c’estquenous

perturbonssesprécieuxplans.Enfin,

ceuxdeJane.

–PourtantLiciaaffirmelamême

chose.EtmêmeTina!

Samainpresseplusfortlamienne,

rassurante.

–Toutirabien.Mêmes’ilssont

surprisaudépart,ilsfinirontpars’y

habituer.Nousserreronslesdents

jusqu’àcequel’oragesoitpassé.

–Ouais…

–Jevaism’occuperdetrouvercette

maison,promis.Ceseraplusfacileà

gérersinousvivonsensemble.

–Enfin,situnepassespastoutton

tempsausiège.

Unsouriretaquinétireseslèvres.

–Lapisted’entraînementétait

intéressante,maisàtoutprendre,je

préfèreunvrailit.Surtoutsitute

trouvesdedans.Enattendant,pource

soir,jeconnaisunhôtelsympaducôté

d’EmeraldHills.Çatetente?

–Surtoutsitutetrouvesdanslelit…

Nouséchangeonsunregardcomplice.

Pourcesoiretcettenuit,aumoins,tout

irabien.Demainestunautrejour.

***

J’aiàpeinedormideuxheuresquand

jeregagneRothaupetitmatin,

déterminéeàmerecoucherpourla

matinée.Alorsquejemedirigevers

l’escalier,jecroiseAngela,enroute

poursonjoggingmatinal.

Quelgenredepersonneselèveà

7heuresdumatinpourcourir?

–Carrie!Onnetevoitpresqueplus

ici.Yaurait-ilunpetitamidansle

secteur?

–Oui.Ilsepeutd’ailleursqueje

quitte

Roth

dans

les

prochaines

semaines,jepréfèreteledireà

l’avance.

–Ohnon!soupireAngelaenjouant

avecsaqueue-de-cheval.Tonpetitami

nevitpassurlecampus?

Sielleposelaquestion,Lician’apas

encorecafté…

Donc,mieuxvautprendreles

devants.

–Tul’asdéjàrencontré,enfait.

Joshua.

Chanceuse

!

s’exclame

spontanémentAngela,avantdefroncer

lessourcils.Maisiln’estpastonfrère?

–Ilestlefilsdunouveaumaridema

mère.«Frère»estunesimplification

abusive.

–Oh.C’esttellementromantique!

J’adoreleshistoiresd’amourinterdit.

Jedemeurefigéesurlesmarches,me

demandants’ils’agitd’uneremarque

positiveounon.

Aumoins,ellen’apasditquec’était

dégoûtant.

C’estbonsigne,non?Peut-êtreque

jemeprendslatêtepourrienetqu’au

fond,laplupartdesgenssefichentbien

desavoirquelestmonlienexactavec

Joshua.

–Parcontre,nelecriepassurtous

lestoits,merecommandeAngelaen

baissantlavoix.Sicelaarriveaux

oreillesdetonréférent,ouhlà!Plus

coincéquelui,tunetrouveraspassur

toutlecampus.

–Ilnedevraitpaslaisserses

opinions

interférer

avec

son

enseignement.

–Enthéorie,non,admetAngela.En

pratique,tusaiscommentçasepasse.

J’auraispeut-êtredûessayerdele

rencontrerplussouventaulieudeme

contenterdupremierjour…

Enmêmetemps,cen’estpascomme

sijem’étaismontréeparticulièrement

assidueencoursnonplus.Ilaurasans

douted’autreschosesàmereprocher

quemavieprivée.Jehausseles

épaules.

–Onverrabien.Bonjogging!

–N’oubliepasquetuesdeménage,

cettesemaine.

–Hein?Non,biensûr.

J’avaiscomplètementoublié.

Cen’estpasencorecettesemaineque

jerattraperaimonretardsurlescours.

Montéléphonevibreaumomentoù

j’atteinslehautdesmarches.Jeletire

demapochepouruncoupd’œilrapide.

Joshua,déjà?

Ahnon,c’estmonpère.Bizarre,

d’habitudeilm’envoieplutôtdes

mails…

Le

contenu

du

message

m’éclairesurl’urgence.

«Tarelationaveclefilsd’Andrew

bla-bla…tamère…bouleverséebla-

bla…commeCésar…prendredu

recul…tonavenir…bla-bla-bla.»

J’hallucine!

Janeestalléeseplaindreàsonex

desrelationsquej’entretiensaveclefils

desonnouveaumec.Whatthefuck?

commeonditici.Mafamilleestcinglée,

jenevoispasd’autreexplication.Je

rangeletéléphonesansrépondre.

Çaattendraquejen’aieplusenvie

detuerquelqu’un.

Tinaseredressesursonlitdèsque

j’entredanslachambre.Jem’obligeà

luisourire,mêmesijen’aipasvraiment

enviedefairelaconversationàcet

instantprécis.Jesouhaiteplutôtme

roulerenbouledansmonlitetdormir

plusieurssiècles.MaisTinaestma

meilleureamieetjemesuisjurédefaire

deseffortspourqu’ellelereste.

–Carrie,ilfautquetuvoiesça!

–Quoi?dis-jeenmelaissanttomber

sursonmatelas,àdemisomnolente.

–Jetejure,çacraint,affirme-t-elle

enmedésignantl’écrandeson

ordinateurportable.

Celui-ciestouvertsurFacebook.

Plus

précisément,

sur

la

page

d’entreprisedeSharkOutdoors.Celle-ci

estenvahiedemessagesenréponseàun

postd’uncertainZorro,intitulé«Un

homme

capable

d’inceste

peut-il

vraimentdirigerl’entreprise?»Lepost

estaccompagnéd’unevidéo…

–OhmonDieu!

–Jetel’avaisdit,çacraint,

commenteTina.

Lacaméran’estpasidéalement

placéeparrapportàlapisted’essai,

partiellementdissimuléepardesplantes

vertes,etlesimagessontmauvaises.Pas

suffisamment,toutefois,pourqu’onne

m’yreconnaissepasenpleineaction

avecJoshua.Mesmusclessetétanisent,

monfrontsecouvredesueur.Jeme

laisseallerenarrièresurlelitavecun

gémissementhorrifié.

–Éteinsça,dis-jeàTina.

–Qu’est-cequetuvasfaire?

–Jenesaispas.

Monespritpédaledanslasemoule.

Après

les

montagnes

russes

émotionnellesdesdeuxderniersjours,

c’estlagoutted’eauquifaitdéborderle

vase.

–JedoisappelerJoshua.

Aprèstout,c’estluiquiest

principalementvisé.Maismesdoigts

tremblentsifortquejen’arrivepasà

saisirmontéléphone.

–Respire,meconseilleTina.Çava

aller.

Jesecouelatête.L’accusation

d’inceste,jem’enbalance.Jem’y

attendaisplusoumoins.Maisvoirnotre

intimitéainsiexposée…Çanon.

Merde!N’importequipeutavoir

accèsàcettevidéo!Nosparents,nos

amis,mesprofs…

J’aienviedevomir.

–Jesuislà,prometTinaenme

caressantlebras.Jenetelaisseraipas

tomber.

–Merci.

Sonsoutienmefaitsentiruntoutpetit

peumieux.Enfin,tantquejenepense

pastropàlavidéo.

Qu’allons-nousbienpouvoirfaire?

Àsuivre,

nemanquezpasle

prochainépisode.

Egalementdisponible:

Désir-Divineinsolence

Lajournéeavaitpourtantbien

commencé!

Romane,jeuneassistanted’édition,a

réussiàobtenirunrendez-vousavecune

personnalitéincontournable.

Maistrèsviteriennevaplus:aubout

d’uneheured’entretien,elleréaliseque

«lapersonnalitéincontournable»l’a

confondueavecquelqu’und’autre,et

quandelles’enfuit,mortedehonte,elle

seretrouvecoincée,seule,dans

l’ascenseur.Neluiresteplusqu’à

respirerprofondémentenattendantqu’un

hérossuper-sexyladélivre.

Là,ellerêve,lesmecs,çafaitlongtemps

qu’elleafaitunecroixdessus…

Etpourtant…

Tapotezpourvoirunextraitgratuit.

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touteslesséries

desÉditions

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«Toutereprésentationoureproduction

intégrale,oupartielle,faitesansle

consentementdel’auteuroudeses

ayantsdroitouayantscause,estillicite

(alinéa1erdel’articleL.122-4).Cette

représentationoureproduction,par

quelque

procédé

que

ce

soit,

constitueraitdoncunecontrefaçon

sanctionnéeparlesarticles425et

suivantsduCodepénal.»

©EDISOURCE,100ruePetit,75019

Paris

Juillet2016

ISBN9791025732069

DocumentOutlineCouverture1.Let'srock2.Bittersweet3.Aucœurdelanuit4.Desrouesetdesours5.Pizzaamère