Carrière / Ils ont choisi de changer de vie€¦ · Pour lui permettre de mieux gérer le stress...

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04/01/08 11:32 - REFERENCES du 05/01/08 - p. 3

Rien de tel qu’une nouvelleannée pour former denouveaux projets… Mais

combien d’entre nous sommesprêts à imaginer un virage profes-sionnel radical ? Et combien se-rons-nous encore, au 31 décem-bre 2008, à clamer « Je l’aifait ! » ?

Impossible de donner une esti-mation, évidemment. Mais nouspouvons supposer qu’un vraichangement de cap ne concerne-ra qu’une faible minorité d’entrenous. Peu d’entre nous remet-tront volontairement en ques-tion leur carrière sans en avoir de« bonnes » raisons. Quelles rai-sons ? La plus évidente : la perted’un emploi. Celle-ci est l’occa-

sion d’une remise en question for-cée, où le préalable à tout nou-veau départ est le deuil du passé.« Cette phase est très importantepour retrouver un certain équili-bre », souligne Marie-Claude Le-maître, directrice Outplacementchez Daoust. La société d’intérimbelge a accompagné près de1.400 personnes en 2007 dans lecadre de l’outplacement, cettemesure d’accompagnement obli-gatoire destinée aux personnes li-cenciées de plus de 45 ans.« Nous sommes confrontés à desgens désorientés, qui ont tra-vaillé pendant des années dansla même entreprise et doivent seremettre en question du jour aulendemain. » Le deuil peut donc

prendre un certain temps. Cepen-dant, la grande majorité des per-sonnes accompagnées jusqu’icien outplacement ont, au bout ducompte, joué la carte de la pru-dence : « Nous avons compté80 % de reclassement. Mais peut-être 1 % seulement a complète-ment changé d’orientation. »

« Dans un processus de change-ment, il existe deux niveaux, ex-plique Marie-Christine Hollo,jusqu’à il y a peu directrice duCentre de Compétence en Mana-gement et Commerce du Foremet aujourd’hui coach profession-nelle et personnelle. Le change-ment de niveau 1 est celui où l’onfait la même chose mais un peudifféremment. Puis il y a le ni-

veau 2, beaucoup plus fondamen-tal, avec un travail sur les va-leurs, les croyances et l’identité. »Dans son précédent métier au Fo-rem, elle a introduit le coachingindividuel pour les demandeurs

d’emploi et affirme avoir rencon-tré une majorité de personnes ins-crites dans un processus de ty-pe 2. « Mais le prix à payer pourchanger de vie est très élevé : ilfaut avoir le courage de faire unvrai travail sur soi. Or, ce n’estpas facile de faire éclater toutes

ses croyances. » Un changementde ce type touchera souvent nonseulement la sphère profession-nelle, mais aussi privée.

Il faut donc de bonnes raisonspour vouloir changer de cap.Qu’est-ce qui peut motiver, dèslors, une personne qui a un em-ploi ? Plusieurs experts du chan-gement citent systématiquementun autre facteur : le stress pro-fond. Antoine Filissiadis est unde ceux-là. Auteur d’un best-sel-ler intitulé « Va au bout de tes rê-ves », il anime depuis 25 ans unstage du même nom. « 7.000 à8.000 personnes ont déjà suivimes stages, raconte-t-il. Quel quesoit le changement visé, pourmoi, seule l’insatisfaction profon-de permet de franchir le pas. C’estseulement alors qu’on est prêt àprendre des risques. Tant qu’onne va pas assez mal, on ne bougepas et on préfère continuer avec

ce qu’on a. » Mais attention auxcoups de tête. « Tout plaquerpour changer de vie comprendbeaucoup de risques, avertit Ma-rie-Christine Hollo. Il vautmieux préparer son changementde cap car lorsqu’on arrive à unpoint de non-retour, on ne voitplus les opportunités, on est dansla survie. » Et une fois la déci-sion prise, la recette est « sim-ple » : « Une fois votre rêve déter-miné – ce qui est le plus difficile àfaire –, demandez-vous pourquoivous voulez vraiment cela : est-cevotre rêve et non une idée d’au-tres ?, conclut Antoine Filissia-dis. Puis allez voir ce qui se faitdéjà dans le domaine pour savoirsi votre rêve est réaliste. Enfin, sicelui-ci vous intéresse toujours,foncez et voyez si vous y prenezdu plaisir. Si c’est oui, alors vousêtes dans le bon ! » ■

LILIANE FANELLO

UNE ANNÉE qui commence, c’est le temps des bonnesrésolutions. Pour certains, le moment de choisir une autre voie.

« Tant qu’on ne va pas assezmal, on ne bouge paset on préfère continueravec ce qu’on a. »

M ichel Colas a été responsa-ble de production dans un

bureau de courtage pendant prèsde 20 ans. « À la fin, je m’en-nuyais », raconte-t-il. Pour luipermettre de mieux gérer lestress dû à ses responsabilitésprofessionnelles, il découvre lapratique du yoga. Et très vite, ilconstate des changements dansson comportement. Il accrochetellement qu’il décide de suivre,parallèlement à son travail, uneformation pour devenir profes-seur de yoga. Pour le plaisir…« Je rêvais de donner des cours deyoga mais je voyais peu d’ouver-tures pour pouvoir en vivre. »

Puis c’est la douche froide : à48 ans, il est licencié. « Là je mesuis dit que plus jamais mon sortn’allait dépendre d’un em-ployeur ! » Mais quoi faire ? Trèsvite le yoga apparaît comme uneévidence, « une envie irrépressi-ble, voire une question vitale ».Alors il se tâte, se lance d’aborddans les cours collectifs pour par-ticuliers. Mais pas assez rentable.

Puis à force de rencontres op-portunes et de mûres réflexions,son projet se concrétise : ce serale yoga en entreprises, qu’il entre-prend il y a un an. Et la sauceprend assez vite. « Au début, lors-que j’assistais à des réunionsavec des chefs d’entreprise, monprojet faisait sourire, se souvient-

il. Maintenant, j’ai la chanced’avoir de belles références et onne sourit plus. »

Le démarrage n’a pourtant pasété facile. Surtout pour son entou-rage, qui ne comprenait pas seschoix. « Au départ, cela a été durpsychologiquement pour ma fa-mille, qui était habituée à un au-tre train de vie. Avec deux adoles-cents, ce n’était pas évident de de-voir réduire les loisirs. De plus,autour de moi on ne prenait pascette activité au sérieux. Au débutcela me faisait douter, mainte-nant cela me fait sourire. »

Aujourd’hui, à 50 ans, MichelColas se sent « comme un jeunede 20 ans, plein d’énergie car jeréalise un rêve ! Je travaille beau-coup, mais sans stress, et j’ai ga-gné en qualité de vie ». Pour lui,le plus dur a été de trouver le cré-neau qui allait lui permettre de vi-vre décemment de sa passion.Mais il est extrêmement con-fiant. Il a reçu plusieurs proposi-tions d’emploi mais les a refu-sées.

« L’an prochain, je pense que jegagnerai même mieux ma vieque lorsque j’étais cadre, se ré-jouit-il. Quand on a un projet an-cré au plus profond de soi, il fauts’accrocher car cela ne peut paséchouer. Je suis intimement con-vaincu que ça ne peut que mar-cher. » ■ L.F.

MICHEL COLAS était cadre dans une société de courtage. Après un licencie-ment, il a choisi de proposer aux entreprises des séances de yoga. © A.V.

E couter (et voir) David Gas-par et Bianca Garcia, couple

dans la vie comme au travail, ra-conter leur parcours est dignedes meilleurs films d’aventures.En tout cas, si quelqu’un leuravait dit, il y a tout juste un an,qu’ils seraient aujourd’hui pro-priétaires d’une épicerie fine surla fameuse place Verte à Spa, ilsl’auraient pris pour un fou.

Reprenons dans l’ordre. En2006, le couple travaille pourune entreprise réputée. Elle auservice clientèle. Lui comme chefde projets. Le travail leur plaît.Mais un changement de direc-tion annonce un vent de réorgani-sations, et tous deux préfèrentcommencer à chercher un autreemploi. Début 2007, une idée seprécise : tant qu’à changer, au-tant faire quelque chose qui leurplaît. David Gaspar a une pas-sion : la gastronomie. Nourri auxlivres de recettes et biographiesde grands chefs, mais complète-ment autodidacte, il décide de selancer dans l’épicerie fine. Le cou-ple commence à étudier minu-tieusement la question. Aprèsavoir même envisagé d’acheterune roulotte pour sillonner lesmarchés, il décide : ce sera uneépicerie à Spa. C’est là que les cho-ses s’accélèrent : chez un fournis-seur, une Spadoise leur recom-mande une adresse. Ils s’y ren-

dent… mais se trompent d’établis-sement. Là, ils expliquent tout demême leur projet aux propriétai-res, qui prennent leurs coordon-nées. Quelques mois plus tard,ceux-ci recontactent le couple :leur commerce est à vendre, épi-cerie fine et service traiteur. Da-vid et Bianca ne mettent pas long-temps à se décider, juste pours’assurer qu’ils n’ont pas besoind’un accès à la profession. Et ilsfoncent. Plan financier, banque,hypothèque de la maison, et dansla foulée, ils donnent ensembleleur démission… On est en mai2007. « Nous avons démissionnéavant même d’avoir l’accord dela banque, raconte David, maisnous voulions être prêts pour lesfêtes de fin d’année. Il faut savoirprendre des risques pour réaliserquelque chose. »

Malgré un CV qui ne joue pasen leur faveur (un licencié ensciences politiques et une em-ployée administrative), leur dé-termination vaudra son pesantd’or, au point de convaincre jus-qu’à la très sélecte maison pari-sienne Fauchon de leur faire con-fiance. « Aujourd’hui certains an-ciens collègues nous disent qu’onles fait rêver. Quand je pense quela direction affirmait que ceuxqui quittaient la société avaientpeur de relever des défis. » ! ■ L.F.

DAVID GASPAR ET BIANCA GARCIA ont quitté un emploi stable dans une entre-prise réputée pour ouvrir une épicerie fine à Spa. © AUDE VANLATHEM

I l est de ces personnes pourqui le défi du virage profes-

sionnel est une sorte de secondenature… Katty Noël est de celles-là. Après un bref passage endroit à l’ULB, elle se fait engagercomme administrative dans unemaison de repos. C’était il y aquinze ans. Très vite, une possibi-lité de « monter en grade » seprésente, mais pour cela il lui fau-dra se reconvertir en éducatricespécialisée en gérontologie. Ellesuit des cours la journée, elle tra-vaille la nuit, et gravit petit à pe-tit les échelons et devient respon-sable d’une équipe.

Mais en décembre 2005, la di-rection annonce la vente de lamaison de repos. « Je m’atta-chais trop aux personnes et les dé-cès étaient chaque fois trèsdurs. » Elle décide alors de pren-dre une année sabbatique.« Mais après un mois, j’en avaisdéjà marre. J’étais trop gênéed’être au chômage. »

Sans savoir vraiment quelle di-rection prendre, elle feuillette lesjournaux et tombe sur une an-nonce pour une formation en dé-légation commerciale. Pourquoipas ? Elle postule, est sélection-née. « Il a fallu faire des conces-sions car un ménage, deux en-fants, et des travaux à préparer,ce n’est pas facile tous les jours.Mais je voulais réussir, je n’al-

lais pas là pour perdre montemps ». Pour son stage en entre-prise, deux options s’offraient àelle. Soit la délégation médicale,vu ses études en gérontologie,soit suivre sa passion pour le vin.Elle avait en effet, quelques an-nées plus tôt, suivi des coursd’œnologie pour le plaisir. Finale-ment, une opportunité d’entreren stage chez un distributeur re-nommé de vins se présente à elle.Elle fonce. « J’ai eu des doutes,c’est sûr, mais je les ai rapide-ment mis de côté. Il faut avancer.C’est quand on pense qu’on a desdoutes ! » Soutenue par son en-tourage, elle change donc decap… et de culture. « Au début,moi qui venais du social, j’avaisdu mal avec les clients pour quiseul le financier comptait. Main-tenant, je m’y suis faite. » Elle s’yest tellement bien habituée quela société l’a engagée et que ses ré-sultats ne cessent de grimper.« En octobre dernier, j’étais clas-sée quatrième sur douze commer-ciaux. Je suis très fière car j’ai dé-marré sans aucun portefeuille declients. En plus, je suis la seulefemme dans l’équipe commercia-le, et la plus jeune. » Dans un mi-lieu où les clients sont en majori-té masculins, elle ne cache pasavoir dû régulièrement « se justi-fier ». « Mais je n’aime pas per-dre. » ■ L.F.

Ils ont choisi de changer de vie

KATTY NOËL était éducatrice spécialisée en gérontologie. Elle est aujourd’hui laseule commerciale d’un distributeur renommé de vins. © AUDE VANLATHEM

Carrière / Un virage professionnel radical est souvent affaire de passion

« Il faut avancer. C’est quandon pense qu’on a des doutes ! »

« Le plus dur a été de trouvercomment vivre décemment »

« Certains anciens collèguesdisent qu’on les fait rêver »

Semaine 02/2008

3*références

www.references.be 1RE