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04/01/08 11:32 - REFERENCES du 05/01/08 - p. 3 R ien de tel qu’une nouvelle année pour former de nouveaux projets… Mais combien d’entre nous sommes prêts à imaginer un virage profes- sionnel radical ? Et combien se- rons-nous encore, au 31 décem- bre 2008, à clamer « Je l’ai fait ! » ? Impossible de donner une esti- mation, évidemment. Mais nous pouvons supposer qu’un vrai changement de cap ne concerne- ra qu’une faible minorité d’entre nous. Peu d’entre nous remet- tront volontairement en ques- tion leur carrière sans en avoir de « bonnes » raisons. Quelles rai- sons ? La plus évidente : la perte d’un emploi. Celle-ci est l’occa- sion d’une remise en question for- cée, où le préalable à tout nou- veau départ est le deuil du passé. « Cette phase est très importante pour retrouver un certain équili- bre », souligne Marie-Claude Le- maître, directrice Outplacement chez Daoust. La société d’intérim belge a accompagné près de 1.400 personnes en 2007 dans le cadre de l’outplacement, cette mesure d’accompagnement obli- gatoire destinée aux personnes li- cenciées de plus de 45 ans. « Nous sommes confrontés à des gens désorientés, qui ont tra- vaillé pendant des années dans la même entreprise et doivent se remettre en question du jour au lendemain. » Le deuil peut donc prendre un certain temps. Cepen- dant, la grande majorité des per- sonnes accompagnées jusqu’ici en outplacement ont, au bout du compte, joué la carte de la pru- dence : « Nous avons compté 80 % de reclassement. Mais peut- être 1 % seulement a complète- ment changé d’orientation. » « Dans un processus de change- ment, il existe deux niveaux, ex- plique Marie-Christine Hollo, jusqu’à il y a peu directrice du Centre de Compétence en Mana- gement et Commerce du Forem et aujourd’hui coach profession- nelle et personnelle. Le change- ment de niveau 1 est celui où l’on fait la même chose mais un peu différemment. Puis il y a le ni- veau 2, beaucoup plus fondamen- tal, avec un travail sur les va- leurs, les croyances et l’identité. » Dans son précédent métier au Fo- rem, elle a introduit le coaching individuel pour les demandeurs d’emploi et affirme avoir rencon- tré une majorité de personnes ins- crites dans un processus de ty- pe 2. « Mais le prix à payer pour changer de vie est très élevé : il faut avoir le courage de faire un vrai travail sur soi. Or, ce n’est pas facile de faire éclater toutes ses croyances. » Un changement de ce type touchera souvent non seulement la sphère profession- nelle, mais aussi privée. Il faut donc de bonnes raisons pour vouloir changer de cap. Qu’est-ce qui peut motiver, dès lors, une personne qui a un em- ploi ? Plusieurs experts du chan- gement citent systématiquement un autre facteur : le stress pro- fond. Antoine Filissiadis est un de ceux-là. Auteur d’un best-sel- ler intitulé « Va au bout de tes rê- ves », il anime depuis 25 ans un stage du même nom. « 7.000 à 8.000 personnes ont déjà suivi mes stages, raconte-t-il. Quel que soit le changement visé, pour moi, seule l’insatisfaction profon- de permet de franchir le pas. C’est seulement alors qu’on est prêt à prendre des risques. Tant qu’on ne va pas assez mal, on ne bouge pas et on préfère continuer avec ce qu’on a. » Mais attention aux coups de tête. « Tout plaquer pour changer de vie comprend beaucoup de risques, avertit Ma- rie-Christine Hollo. Il vaut mieux préparer son changement de cap car lorsqu’on arrive à un point de non-retour, on ne voit plus les opportunités, on est dans la survie. » Et une fois la déci- sion prise, la recette est « sim- ple » : « Une fois votre rêve déter- miné – ce qui est le plus difficile à faire –, demandez-vous pourquoi vous voulez vraiment cela : est-ce votre rêve et non une idée d’au- tres ?, conclut Antoine Filissia- dis. Puis allez voir ce qui se fait déjà dans le domaine pour savoir si votre rêve est réaliste. Enfin, si celui-ci vous intéresse toujours, foncez et voyez si vous y prenez du plaisir. Si c’est oui, alors vous êtes dans le bon ! » LILIANE FANELLO UNE ANNÉE qui commence, c’est le temps des bonnes résolutions. Pour certains, le moment de choisir une autre voie. « Tant qu’on ne va pas assez mal, on ne bouge pas et on préfère continuer avec ce qu’on a. » M ichel Colas a été responsa- ble de production dans un bureau de courtage pendant près de 20 ans. « À la fin, je m’en- nuyais », raconte-t-il. Pour lui permettre de mieux gérer le stress dû à ses responsabilités professionnelles, il découvre la pratique du yoga. Et très vite, il constate des changements dans son comportement. Il accroche tellement qu’il décide de suivre, parallèlement à son travail, une formation pour devenir profes- seur de yoga. Pour le plaisir… « Je rêvais de donner des cours de yoga mais je voyais peu d’ouver- tures pour pouvoir en vivre. » Puis c’est la douche froide : à 48 ans, il est licencié. « Là je me suis dit que plus jamais mon sort n’allait dépendre d’un em- ployeur ! » Mais quoi faire ? Très vite le yoga apparaît comme une évidence, « une envie irrépressi- ble, voire une question vitale ». Alors il se tâte, se lance d’abord dans les cours collectifs pour par- ticuliers. Mais pas assez rentable. Puis à force de rencontres op- portunes et de mûres réflexions, son projet se concrétise : ce sera le yoga en entreprises, qu’il entre- prend il y a un an. Et la sauce prend assez vite. « Au début, lors- que j’assistais à des réunions avec des chefs d’entreprise, mon projet faisait sourire, se souvient- il. Maintenant, j’ai la chance d’avoir de belles références et on ne sourit plus. » Le démarrage n’a pourtant pas été facile. Surtout pour son entou- rage, qui ne comprenait pas ses choix. « Au départ, cela a été dur psychologiquement pour ma fa- mille, qui était habituée à un au- tre train de vie. Avec deux adoles- cents, ce n’était pas évident de de- voir réduire les loisirs. De plus, autour de moi on ne prenait pas cette activité au sérieux. Au début cela me faisait douter, mainte- nant cela me fait sourire. » Aujourd’hui, à 50 ans, Michel Colas se sent « comme un jeune de 20 ans, plein d’énergie car je réalise un rêve ! Je travaille beau- coup, mais sans stress, et j’ai ga- gné en qualité de vie ». Pour lui, le plus dur a été de trouver le cré- neau qui allait lui permettre de vi- vre décemment de sa passion. Mais il est extrêmement con- fiant. Il a reçu plusieurs proposi- tions d’emploi mais les a refu- sées. « L’an prochain, je pense que je gagnerai même mieux ma vie que lorsque j’étais cadre, se ré- jouit-il. Quand on a un projet an- cré au plus profond de soi, il faut s’accrocher car cela ne peut pas échouer. Je suis intimement con- vaincu que ça ne peut que mar- cher. » L.F. MICHEL COLAS était cadre dans une société de courtage. Après un licencie- ment, il a choisi de proposer aux entreprises des séances de yoga. © A.V. E couter (et voir) David Gas- par et Bianca Garcia, couple dans la vie comme au travail, ra- conter leur parcours est digne des meilleurs films d’aventures. En tout cas, si quelqu’un leur avait dit, il y a tout juste un an, qu’ils seraient aujourd’hui pro- priétaires d’une épicerie fine sur la fameuse place Verte à Spa, ils l’auraient pris pour un fou. Reprenons dans l’ordre. En 2006, le couple travaille pour une entreprise réputée. Elle au service clientèle. Lui comme chef de projets. Le travail leur plaît. Mais un changement de direc- tion annonce un vent de réorgani- sations, et tous deux préfèrent commencer à chercher un autre emploi. Début 2007, une idée se précise : tant qu’à changer, au- tant faire quelque chose qui leur plaît. David Gaspar a une pas- sion : la gastronomie. Nourri aux livres de recettes et biographies de grands chefs, mais complète- ment autodidacte, il décide de se lancer dans l’épicerie fine. Le cou- ple commence à étudier minu- tieusement la question. Après avoir même envisagé d’acheter une roulotte pour sillonner les marchés, il décide : ce sera une épicerie à Spa. C’est là que les cho- ses s’accélèrent : chez un fournis- seur, une Spadoise leur recom- mande une adresse. Ils s’y ren- dent… mais se trompent d’établis- sement. Là, ils expliquent tout de même leur projet aux propriétai- res, qui prennent leurs coordon- nées. Quelques mois plus tard, ceux-ci recontactent le couple : leur commerce est à vendre, épi- cerie fine et service traiteur. Da- vid et Bianca ne mettent pas long- temps à se décider, juste pour s’assurer qu’ils n’ont pas besoin d’un accès à la profession. Et ils foncent. Plan financier, banque, hypothèque de la maison, et dans la foulée, ils donnent ensemble leur démission… On est en mai 2007. « Nous avons démissionné avant même d’avoir l’accord de la banque, raconte David, mais nous voulions être prêts pour les fêtes de fin d’année. Il faut savoir prendre des risques pour réaliser quelque chose. » Malgré un CV qui ne joue pas en leur faveur (un licencié en sciences politiques et une em- ployée administrative), leur dé- termination vaudra son pesant d’or, au point de convaincre jus- qu’à la très sélecte maison pari- sienne Fauchon de leur faire con- fiance. « Aujourd’hui certains an- ciens collègues nous disent qu’on les fait rêver. Quand je pense que la direction affirmait que ceux qui quittaient la société avaient peur de relever des défis. » ! L.F. DAVID GASPAR ET BIANCA GARCIA ont quitté un emploi stable dans une entre- prise réputée pour ouvrir une épicerie fine à Spa. © AUDE VANLATHEM I l est de ces personnes pour qui le défi du virage profes- sionnel est une sorte de seconde nature… Katty Noël est de celles- là. Après un bref passage en droit à l’ULB, elle se fait engager comme administrative dans une maison de repos. C’était il y a quinze ans. Très vite, une possibi- lité de « monter en grade » se présente, mais pour cela il lui fau- dra se reconvertir en éducatrice spécialisée en gérontologie. Elle suit des cours la journée, elle tra- vaille la nuit, et gravit petit à pe- tit les échelons et devient respon- sable d’une équipe. Mais en décembre 2005, la di- rection annonce la vente de la maison de repos. « Je m’atta- chais trop aux personnes et les dé- cès étaient chaque fois très durs. » Elle décide alors de pren- dre une année sabbatique. « Mais après un mois, j’en avais déjà marre. J’étais trop gênée d’être au chômageSans savoir vraiment quelle di- rection prendre, elle feuillette les journaux et tombe sur une an- nonce pour une formation en dé- légation commerciale. Pourquoi pas ? Elle postule, est sélection- née. « Il a fallu faire des conces- sions car un ménage, deux en- fants, et des travaux à préparer, ce n’est pas facile tous les jours. Mais je voulais réussir, je n’al- lais pas pour perdre mon temps ». Pour son stage en entre- prise, deux options s’offraient à elle. Soit la délégation médicale, vu ses études en gérontologie, soit suivre sa passion pour le vin. Elle avait en effet, quelques an- nées plus tôt, suivi des cours d’œnologie pour le plaisir. Finale- ment, une opportunité d’entrer en stage chez un distributeur re- nommé de vins se présente à elle. Elle fonce. « J’ai eu des doutes, c’est sûr, mais je les ai rapide- ment mis de côté. Il faut avancer. C’est quand on pense qu’on a des doutes ! » Soutenue par son en- tourage, elle change donc de cap… et de culture. « Au début, moi qui venais du social, j’avais du mal avec les clients pour qui seul le financier comptait. Main- tenant, je m’y suis faite. » Elle s’y est tellement bien habituée que la société l’a engagée et que ses ré- sultats ne cessent de grimper. « En octobre dernier, j’étais clas- sée quatrième sur douze commer- ciaux. Je suis très fière car j’ai dé- marré sans aucun portefeuille de clients. En plus, je suis la seule femme dans l’équipe commercia- le, et la plus jeune. » Dans un mi- lieu où les clients sont en majori- té masculins, elle ne cache pas avoir dû régulièrement « se justi- fier ». « Mais je n’aime pas per- dre. » L.F. Ils ont choisi de changer de vie KATTY NOËL était éducatrice spécialisée en gérontologie. Elle est aujourd’hui la seule commerciale d’un distributeur renommé de vins. © AUDE VANLATHEM Carrière / Un virage professionnel radical est souvent affaire de passion « Il faut avancer. C’est quand on pense qu’on a des doutes ! » « Le plus dur a été de trouver comment vivre décemment » « Certains anciens collègues disent qu’on les fait rêver » Semaine 02/2008 3* références www.references.be 1RE

Carrière / Ils ont choisi de changer de vie€¦ · Pour lui permettre de mieux gérer le stress dû à ses responsabilités professionnelles, il découvre la pratique du yoga. Et

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Page 1: Carrière / Ils ont choisi de changer de vie€¦ · Pour lui permettre de mieux gérer le stress dû à ses responsabilités professionnelles, il découvre la pratique du yoga. Et

04/01/08 11:32 - REFERENCES du 05/01/08 - p. 3

Rien de tel qu’une nouvelleannée pour former denouveaux projets… Mais

combien d’entre nous sommesprêts à imaginer un virage profes-sionnel radical ? Et combien se-rons-nous encore, au 31 décem-bre 2008, à clamer « Je l’aifait ! » ?

Impossible de donner une esti-mation, évidemment. Mais nouspouvons supposer qu’un vraichangement de cap ne concerne-ra qu’une faible minorité d’entrenous. Peu d’entre nous remet-tront volontairement en ques-tion leur carrière sans en avoir de« bonnes » raisons. Quelles rai-sons ? La plus évidente : la perted’un emploi. Celle-ci est l’occa-

sion d’une remise en question for-cée, où le préalable à tout nou-veau départ est le deuil du passé.« Cette phase est très importantepour retrouver un certain équili-bre », souligne Marie-Claude Le-maître, directrice Outplacementchez Daoust. La société d’intérimbelge a accompagné près de1.400 personnes en 2007 dans lecadre de l’outplacement, cettemesure d’accompagnement obli-gatoire destinée aux personnes li-cenciées de plus de 45 ans.« Nous sommes confrontés à desgens désorientés, qui ont tra-vaillé pendant des années dansla même entreprise et doivent seremettre en question du jour aulendemain. » Le deuil peut donc

prendre un certain temps. Cepen-dant, la grande majorité des per-sonnes accompagnées jusqu’icien outplacement ont, au bout ducompte, joué la carte de la pru-dence : « Nous avons compté80 % de reclassement. Mais peut-être 1 % seulement a complète-ment changé d’orientation. »

« Dans un processus de change-ment, il existe deux niveaux, ex-plique Marie-Christine Hollo,jusqu’à il y a peu directrice duCentre de Compétence en Mana-gement et Commerce du Foremet aujourd’hui coach profession-nelle et personnelle. Le change-ment de niveau 1 est celui où l’onfait la même chose mais un peudifféremment. Puis il y a le ni-

veau 2, beaucoup plus fondamen-tal, avec un travail sur les va-leurs, les croyances et l’identité. »Dans son précédent métier au Fo-rem, elle a introduit le coachingindividuel pour les demandeurs

d’emploi et affirme avoir rencon-tré une majorité de personnes ins-crites dans un processus de ty-pe 2. « Mais le prix à payer pourchanger de vie est très élevé : ilfaut avoir le courage de faire unvrai travail sur soi. Or, ce n’estpas facile de faire éclater toutes

ses croyances. » Un changementde ce type touchera souvent nonseulement la sphère profession-nelle, mais aussi privée.

Il faut donc de bonnes raisonspour vouloir changer de cap.Qu’est-ce qui peut motiver, dèslors, une personne qui a un em-ploi ? Plusieurs experts du chan-gement citent systématiquementun autre facteur : le stress pro-fond. Antoine Filissiadis est unde ceux-là. Auteur d’un best-sel-ler intitulé « Va au bout de tes rê-ves », il anime depuis 25 ans unstage du même nom. « 7.000 à8.000 personnes ont déjà suivimes stages, raconte-t-il. Quel quesoit le changement visé, pourmoi, seule l’insatisfaction profon-de permet de franchir le pas. C’estseulement alors qu’on est prêt àprendre des risques. Tant qu’onne va pas assez mal, on ne bougepas et on préfère continuer avec

ce qu’on a. » Mais attention auxcoups de tête. « Tout plaquerpour changer de vie comprendbeaucoup de risques, avertit Ma-rie-Christine Hollo. Il vautmieux préparer son changementde cap car lorsqu’on arrive à unpoint de non-retour, on ne voitplus les opportunités, on est dansla survie. » Et une fois la déci-sion prise, la recette est « sim-ple » : « Une fois votre rêve déter-miné – ce qui est le plus difficile àfaire –, demandez-vous pourquoivous voulez vraiment cela : est-cevotre rêve et non une idée d’au-tres ?, conclut Antoine Filissia-dis. Puis allez voir ce qui se faitdéjà dans le domaine pour savoirsi votre rêve est réaliste. Enfin, sicelui-ci vous intéresse toujours,foncez et voyez si vous y prenezdu plaisir. Si c’est oui, alors vousêtes dans le bon ! » ■

LILIANE FANELLO

UNE ANNÉE qui commence, c’est le temps des bonnesrésolutions. Pour certains, le moment de choisir une autre voie.

« Tant qu’on ne va pas assezmal, on ne bouge paset on préfère continueravec ce qu’on a. »

M ichel Colas a été responsa-ble de production dans un

bureau de courtage pendant prèsde 20 ans. « À la fin, je m’en-nuyais », raconte-t-il. Pour luipermettre de mieux gérer lestress dû à ses responsabilitésprofessionnelles, il découvre lapratique du yoga. Et très vite, ilconstate des changements dansson comportement. Il accrochetellement qu’il décide de suivre,parallèlement à son travail, uneformation pour devenir profes-seur de yoga. Pour le plaisir…« Je rêvais de donner des cours deyoga mais je voyais peu d’ouver-tures pour pouvoir en vivre. »

Puis c’est la douche froide : à48 ans, il est licencié. « Là je mesuis dit que plus jamais mon sortn’allait dépendre d’un em-ployeur ! » Mais quoi faire ? Trèsvite le yoga apparaît comme uneévidence, « une envie irrépressi-ble, voire une question vitale ».Alors il se tâte, se lance d’aborddans les cours collectifs pour par-ticuliers. Mais pas assez rentable.

Puis à force de rencontres op-portunes et de mûres réflexions,son projet se concrétise : ce serale yoga en entreprises, qu’il entre-prend il y a un an. Et la sauceprend assez vite. « Au début, lors-que j’assistais à des réunionsavec des chefs d’entreprise, monprojet faisait sourire, se souvient-

il. Maintenant, j’ai la chanced’avoir de belles références et onne sourit plus. »

Le démarrage n’a pourtant pasété facile. Surtout pour son entou-rage, qui ne comprenait pas seschoix. « Au départ, cela a été durpsychologiquement pour ma fa-mille, qui était habituée à un au-tre train de vie. Avec deux adoles-cents, ce n’était pas évident de de-voir réduire les loisirs. De plus,autour de moi on ne prenait pascette activité au sérieux. Au débutcela me faisait douter, mainte-nant cela me fait sourire. »

Aujourd’hui, à 50 ans, MichelColas se sent « comme un jeunede 20 ans, plein d’énergie car jeréalise un rêve ! Je travaille beau-coup, mais sans stress, et j’ai ga-gné en qualité de vie ». Pour lui,le plus dur a été de trouver le cré-neau qui allait lui permettre de vi-vre décemment de sa passion.Mais il est extrêmement con-fiant. Il a reçu plusieurs proposi-tions d’emploi mais les a refu-sées.

« L’an prochain, je pense que jegagnerai même mieux ma vieque lorsque j’étais cadre, se ré-jouit-il. Quand on a un projet an-cré au plus profond de soi, il fauts’accrocher car cela ne peut paséchouer. Je suis intimement con-vaincu que ça ne peut que mar-cher. » ■ L.F.

MICHEL COLAS était cadre dans une société de courtage. Après un licencie-ment, il a choisi de proposer aux entreprises des séances de yoga. © A.V.

E couter (et voir) David Gas-par et Bianca Garcia, couple

dans la vie comme au travail, ra-conter leur parcours est dignedes meilleurs films d’aventures.En tout cas, si quelqu’un leuravait dit, il y a tout juste un an,qu’ils seraient aujourd’hui pro-priétaires d’une épicerie fine surla fameuse place Verte à Spa, ilsl’auraient pris pour un fou.

Reprenons dans l’ordre. En2006, le couple travaille pourune entreprise réputée. Elle auservice clientèle. Lui comme chefde projets. Le travail leur plaît.Mais un changement de direc-tion annonce un vent de réorgani-sations, et tous deux préfèrentcommencer à chercher un autreemploi. Début 2007, une idée seprécise : tant qu’à changer, au-tant faire quelque chose qui leurplaît. David Gaspar a une pas-sion : la gastronomie. Nourri auxlivres de recettes et biographiesde grands chefs, mais complète-ment autodidacte, il décide de selancer dans l’épicerie fine. Le cou-ple commence à étudier minu-tieusement la question. Aprèsavoir même envisagé d’acheterune roulotte pour sillonner lesmarchés, il décide : ce sera uneépicerie à Spa. C’est là que les cho-ses s’accélèrent : chez un fournis-seur, une Spadoise leur recom-mande une adresse. Ils s’y ren-

dent… mais se trompent d’établis-sement. Là, ils expliquent tout demême leur projet aux propriétai-res, qui prennent leurs coordon-nées. Quelques mois plus tard,ceux-ci recontactent le couple :leur commerce est à vendre, épi-cerie fine et service traiteur. Da-vid et Bianca ne mettent pas long-temps à se décider, juste pours’assurer qu’ils n’ont pas besoind’un accès à la profession. Et ilsfoncent. Plan financier, banque,hypothèque de la maison, et dansla foulée, ils donnent ensembleleur démission… On est en mai2007. « Nous avons démissionnéavant même d’avoir l’accord dela banque, raconte David, maisnous voulions être prêts pour lesfêtes de fin d’année. Il faut savoirprendre des risques pour réaliserquelque chose. »

Malgré un CV qui ne joue pasen leur faveur (un licencié ensciences politiques et une em-ployée administrative), leur dé-termination vaudra son pesantd’or, au point de convaincre jus-qu’à la très sélecte maison pari-sienne Fauchon de leur faire con-fiance. « Aujourd’hui certains an-ciens collègues nous disent qu’onles fait rêver. Quand je pense quela direction affirmait que ceuxqui quittaient la société avaientpeur de relever des défis. » ! ■ L.F.

DAVID GASPAR ET BIANCA GARCIA ont quitté un emploi stable dans une entre-prise réputée pour ouvrir une épicerie fine à Spa. © AUDE VANLATHEM

I l est de ces personnes pourqui le défi du virage profes-

sionnel est une sorte de secondenature… Katty Noël est de celles-là. Après un bref passage endroit à l’ULB, elle se fait engagercomme administrative dans unemaison de repos. C’était il y aquinze ans. Très vite, une possibi-lité de « monter en grade » seprésente, mais pour cela il lui fau-dra se reconvertir en éducatricespécialisée en gérontologie. Ellesuit des cours la journée, elle tra-vaille la nuit, et gravit petit à pe-tit les échelons et devient respon-sable d’une équipe.

Mais en décembre 2005, la di-rection annonce la vente de lamaison de repos. « Je m’atta-chais trop aux personnes et les dé-cès étaient chaque fois trèsdurs. » Elle décide alors de pren-dre une année sabbatique.« Mais après un mois, j’en avaisdéjà marre. J’étais trop gênéed’être au chômage. »

Sans savoir vraiment quelle di-rection prendre, elle feuillette lesjournaux et tombe sur une an-nonce pour une formation en dé-légation commerciale. Pourquoipas ? Elle postule, est sélection-née. « Il a fallu faire des conces-sions car un ménage, deux en-fants, et des travaux à préparer,ce n’est pas facile tous les jours.Mais je voulais réussir, je n’al-

lais pas là pour perdre montemps ». Pour son stage en entre-prise, deux options s’offraient àelle. Soit la délégation médicale,vu ses études en gérontologie,soit suivre sa passion pour le vin.Elle avait en effet, quelques an-nées plus tôt, suivi des coursd’œnologie pour le plaisir. Finale-ment, une opportunité d’entreren stage chez un distributeur re-nommé de vins se présente à elle.Elle fonce. « J’ai eu des doutes,c’est sûr, mais je les ai rapide-ment mis de côté. Il faut avancer.C’est quand on pense qu’on a desdoutes ! » Soutenue par son en-tourage, elle change donc decap… et de culture. « Au début,moi qui venais du social, j’avaisdu mal avec les clients pour quiseul le financier comptait. Main-tenant, je m’y suis faite. » Elle s’yest tellement bien habituée quela société l’a engagée et que ses ré-sultats ne cessent de grimper.« En octobre dernier, j’étais clas-sée quatrième sur douze commer-ciaux. Je suis très fière car j’ai dé-marré sans aucun portefeuille declients. En plus, je suis la seulefemme dans l’équipe commercia-le, et la plus jeune. » Dans un mi-lieu où les clients sont en majori-té masculins, elle ne cache pasavoir dû régulièrement « se justi-fier ». « Mais je n’aime pas per-dre. » ■ L.F.

Ils ont choisi de changer de vie

KATTY NOËL était éducatrice spécialisée en gérontologie. Elle est aujourd’hui laseule commerciale d’un distributeur renommé de vins. © AUDE VANLATHEM

Carrière / Un virage professionnel radical est souvent affaire de passion

« Il faut avancer. C’est quandon pense qu’on a des doutes ! »

« Le plus dur a été de trouvercomment vivre décemment »

« Certains anciens collèguesdisent qu’on les fait rêver »

Semaine 02/2008

3*références

www.references.be 1RE