Chapitre VI La dynamique de la stratification sociale

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Chapitre VI

La dynamique de la stratification sociale

I - Les sociétés modernes sont structurées par de nombreuses inégalités

• Définition : « Une inégalité, c’est une différence qui se traduit en termes d’avantages et de désavantages et qui fonde une hiérarchie ».

1) Les inégalités économiques ne se

réduisent pas aux inégalités de salaires : • Les inégalités de salaires :

– Doc. 1, 2 p. 146

• Les inégalités de revenus : 3 p. 146, 9 et 10 p. 149

• Les inégalités de patrimoine : – Doc. 4 p. 147

2) Les inégalités sociales ne sont pas seulement la conséquence des inégalités

économiques :

Doc. 5 à 8 p. 147

• Conclusion I :

Les inégalités font système, elles interagissent.

Exercice p. 150

II - Les différentes approches de la

stratification sociale :

1) L’analyse marxiste : Doc. 14 p. 151

2) L’analyse wébérienne : Doc. 15 p. 152

• Selon Weber, il existe 3 sortes de hiérarchies qui correspondent à l’ordre économique, à l’ordre social et à l’ordre politique. Il y a des correspondances entre ces trois ordres mais chacun possède une certaine autonomie. – Dans l’ordre économique, les critères sont les conditions extérieures de vie (richesses, propriété)

– L’ordre social est fondé sur le prestige.

– Dans l’ordre politique, le critère est le

pouvoir détenu par les individus.

3) Les analyses empiriques- Warner a réalisé une enquête sur une petite ville (17 000 habitants) du Massachusetts, qui a été rebaptisée Yankee City par Warner. Cette enquête a été réalisée entre 1930 et 1935.

- Définition d’une classe selon Warner : “par classe, il faut entendre certaines catégories de la population qui, selon l’opinion générale, se trouvent placées dans leurs rapports respectifs, en situation inférieure ou supérieure ».

• Les PCS : Doc. 13 p. 151

III - Les inégalités évoluent 1) Les inégalités se sont globalement réduites au XXè siècle :

La seconde révolution française (1965-1984) selon H. Mendras :Cette période a donne lieu à des changements sociaux massifs dans :

- les modes de vie, - les rapports dans le couple - entre les sexes, - les représentations sociales, - les normes et les habitudes du quotidien.

=> mentionnons la croissance du revenu, historiquement exceptionnelle; => le développement scolaire sans précédent; => la construction d’un Etat-providence dont l’extension portait à terme la couverture des besoins de santé et de logement et, peu à peu, les retraites de l’ensemble de la société;=> la disparition des taudis urbains; => l’ouverture de la consommation de masse et ‘accès de fractions de plus en plus larges de la société à l’électroméager, l’automobile, la télévision, le téléphone, les vacances, etc;=> La figure de la société française en fut totalement transformée : fin des paysans, intégration des ouvriers au sein de la société de consommation, tertiarisation, hiérarchie économique moins marquée, développement des catégories cadres et professions intermédiaires, produit une mobilité ascendante.

Louis Chauvel, Le destin des générations, PUF, 1998

• La salarisation : doc. 17 p. 153

• La tertiarisation : doc. 18 p. 153

• La qualification : doc. 19 p. 153

2) Ce qui a conduit à l’émergence d’une

vaste classe moyenne : • Le modèle de la toupie d’Henri Mendras : doc. 20 p. 154

– Atténuation des disparités de revenus, de patrimoines, de loisirs (contredite par évolutions récentes)

– Homogénéisation des styles de vie, avec diffusion des biens de conso. courants

– Vaste classe moyenne regroupant la plupart des cadres, des professions intermédiaires, des employés et une partie des ouvriers.

– Il y aurait un fort sentiment d’appartenance à la classe moyenne

3) Cependant on peut craindre aujourd’hui une remontée des inégalités :• Louis Chauvel conteste la vision

simpliste de la société selon Mendras : il faut parler des classes moyennes au pluriel.

• Doc. 24 p. 156

• Doc. 23 p. 156

Le renouveau de la polarisation de la société depuis les années 1980 remet en cause le concept de « moyennisation »

• « Bobos » et « travailleurs pauvres » : de nouvelles catégories ? Doc. 21 p. 155

• - Les inégalités de patrimoine se sont beaucoup accrues depuis 20 ans du fait de la montée du prix des actifs patrimoniaux (immobilier, titres boursiers). Cependant, les fluctuations boursières peuvent mettre en cause certaines hausses acquises ces dernières années.

• - Les inégalités de consommation n’ont pas disparu non plus : certains biens restent socialement sélectifs (lave-vaisselle, ordinateurs, DVD, etc) - Fracture numérique

• et les vacances ne sont pas du tout les mêmes selon les groupes sociaux.

• De plus, les modes de consommation diffèrent encore ; ainsi, si tout le monde regarde la télé, les groupes sociaux ne regardent pas la même chose (Star Academy ou Arte)

• Précarité et chômage conduisent à un creusement des écarts ;

• Le cens caché de Daniel Gaxie

=> On assisterait plutôt à un processus de polarisation de la société entre des groupes extrêmes : richesses croissantes pour les uns et pour les autres, dégradation des conditions de vie, de travail et une précarité qui se généralise…

Conclusion : Le retour des classes sociales ?

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La spirale des classes sociales

Présentation réalisée par Pascal Binet à partir de la conclusion de l’article de Louis Chauvel

“Le retour des classes sociales”Revue de l’OFCE n°79

Octobre 2001

Lorsque le texte est en violet, c’est qu’il s’agit d’une citation de l’article .

Lorsque le texte est en noir, c’est qu’il s’agit d’un résumé de l’article, ou d’un commentaire.

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La spirale des classes sociales

“la théorie de la fin des classes sociales s’est le plus souvent fondée sur le constat de l’effondrement de la conscience de classes (ou de leur identité collective) pour en inférer la disparition des inégalités objectives qui la sous-tend, alors que ces deux dimensions sont sinon indépendantes l’une de l’autre, en tout cas liées d’une façon non mécanique. Une autre erreur manifeste de la théorie de la fin des classes est de croire en la linéarité de l’histoire sociale : parce qu’une tendance a été vraie lors des Trente glorieuses, beaucoup pensent qu’elle doit se prolonger encore 30 ans après, au même rythme. Il s’agit là d’une des plus grandes sources d’erreurs dans les diagnostics sociologiques. L’histoire du XXe siècle est celle des fluctuations respectives de la facette objective (les inégalités structurées) et subjective (les identités collectives) des classes sociales.”Louis Chauvel, page 39

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La spirale des classes sociales

Autrement dit, ce n’est pas parce que la conscience de classe disparaît que les inégalités objectives qui la faisaient exister ont elles aussi disparu.

Ce n’est pas non plus parce que la conscience de classe s’est amoindrie au cours des trente glorieuses qu’elle va finir par disparaître.

Louis Chauvel voit plutôt les évolutions conjointes des inégalités et de la conscience de classe comme une spirale :“L’histoire du XXe siècle est celle des fluctuations respectives de la facette objective (les inégalités structurées) et subjective (les identités collectives) des classes sociales.”

Voyons la représentation qu’il en fait.

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La spirale des classes sociales

On peut représenter horizontalementl’intensité des inégalités

et verticalement celle des identités collectives, c’est-à-dire de la conscience de classe.

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La spirale des classes sociales

Plusune société se

trouve à droite, plus

elle correspond à une structure inégalitaire,

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La spirale des classes sociales

et plus elle est en haut, plus elle correspond à une forte identité collective des classes sociales.

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La spirale des classes sociales

Directionnellement, nous avons ainsi quatretypes repérables.

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La spirale des classes sociales

1/ En haut à droite, nous avons une situation marquée par des inégalités fortes, mobilisées par une conscience de classe marquée : on est en présence d’un système de classes « en soi et pour soi ».

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La spirale des classes sociales

2/ En haut à gauche, les inégalités sont faibles, mais la conscience de classe forte ; on peut faire l’hypothèse que cette situation ne peut se constituer sans une histoire préalable de revendications abouties.

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La spirale des classes sociales

3/ En bas à droite, c’est la situation inverse, où les inégalités font exister des conditions de classes fortement opposées, sans que la conscience de ces classesn’existe ; il s’agit typiquement d’une situation d’aliénation du prolétariat.

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La spirale des classes sociales

4/ En bas à gauche, il s’agit plutôt (directionnellement et à la limite) de la situation d’une société sans classe : sans inégalité ni identité.

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La spirale des classes sociales

Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

La situation de classes enlutte (1) est conflictuelle et confronte au risque d’une conflagration sociale,

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La spirale des classes sociales

Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

sauf à trouver une autre issue négociée avec la diminution des inégalités économiques (2).

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La spirale des classes sociales

Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

A partir de la position (1), l’issue (4) par la perte de la conscience de classe ne paraît pas très vraisemblable, puisque, face à des inégalités intolérables, les identités de classe doivent en toute logique sereconstituer — mais la question est bien celle-ci : comment les sociétésinégalitaires arrivent-elles à tolérer leurs inégalités ?

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Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

L’égalisation des conditions objectives qui caractérise le passage de (1) à (2) est de nature à dissoudre la conscience de classe et à amoindrir la force des identités qui s’étaient constituées à des stades antérieurs del’histoire sociale, d’où un passage ultérieur à la position (3) ;

(1)(2)

(3)

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Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

À ce moment de l’histoire sociale, les élites sont tentées de reconstituer les inégalités qui leur sont favorables, en insistant notamment sur l’inefficacité des dépenses publiques, la désincitation que provoque l’impôt et la protection sociale, par ailleurs fort coûteuse… La faible conscience de classe aidant, les inégalités se reconstituent.

(3) (4)

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Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

Cette configuration n’est pas non plus un point d’arrivée ultime : les victimes du nouveau partage sont appelées tôt ou tard à prendre conscience de l’injustice du sort qui leur est fait.

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La spirale des classes sociales

Louis Chauvel montre ensuite comment cette spirale des classes sociales s’est produite en France et aux États-unis. Nous nous concentrerons sur le cas de la France, avant de laisser l’auteur conclure par un peu de prospective.

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Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

Il est possible de partir du cas de la France préindustrielle de 1830, marquée par des inégalités économiques très fortes, mais où l’identité du prolétariat est encore loin d’être constituée.1830

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Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

1830

1890

La suite du siècle fut bien la montée en puissance de cette identité ouvrière et l’entrée dans le jeu politique du marxisme.

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Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

1830

1890

1950

A partir des Trente glorieuses et de l’édification d’un système social-démocrate,

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Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

1830

1890

1950

1970

…les inégalités ont été fortement régulées, sans que la conscience de classe ne se soit dissoute pour autant.

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Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

1830

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1950

1970

1982

En définitive, il faut attendre le ralentissement économique des années 1970 et 1980 pour voir s’atténuer la conscience de classe, alors que les inégalités ont cessé de diminuer.

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Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

1830

1890

1950

1970

1982

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et le discours inverse marque des points dans le débat public. La reconstitution d’inégalités plus fortes est alors en route.

Comme Ulysse et les siens repris par la tempête devant Ithaque, c’est là que s’éloigne le rêve de la société sans classes, parce que le discours égalitariste perd de ses soutiens,

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Consciencede

classe

+

_Inégalités

+_

1982

2000

Louis Chauvel ne donne pas d’explication concernant les “esses” situées entre la situation de 1982 et celle de 2000. On peut cependant penser qu’il s’agit des évolutions des inégalités liées aux alternances politiques de 1986, 1988, 1993, 1997 ayant entraîné des modifications fiscales (CSG, CRDS, impôt sur la fortune, baisse de l’impôt sur le revenu, prime à l’emploi…), dans un contexte d’accroissement de la précarité de l’emploi, et d’un “tassement” continu de la conscience de classe.

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L’histoire nous apprend que les générations suivantes ont souvent en horreur les manquements, les errements, les réalisations et le bilan des générations précédentes, et l’individualisme atomisé — la parodie de système d’autonomie et de liberté dans laquelle vit la classe populaire des grands pays occidentaux — pourrait finir par se révéler sous son vrai jour : l’élément de dyssocialisation par lequel les inégalités se reconstituent sans que l’on ait à demander la justification de cette croissance des inégalités. Le problème est que la vénération de l’autonomie appelle à un diagnostic sur les libertés réelles dont jouissent effectivement les différents groupes constitutifs de la population.

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Ce diagnostic montre que beaucoup sont exclus de cet accès à l’autonomie réelle, et que cette exclusion a quelque chose à voir avec la notion de classes sociales. Lorsque le mythe de cette autonomie pour tous aura vécu, pour révéler la permanence d’inégalités structurées, d’autant plus violentes qu’elles sont situées hors du champ de la conscience, un retour des classes sociales dans le champ politique pourrait avoir lieu. En attendant, les classes sociales sont une réalité tangible, mais vidées par l’histoire récente de contenu subjectif, et posée hors des représentations collectives.

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Les rapports sociaux les plus violents sont souvent les plus silencieux, ceux devant lesquels il n’existe pas de représentations constituées ni de discours organisés. Les tendances des Trente glorieuses ont fait des classes sociales un objet sociologique dépassé, mais ces dernières décenniessemblent leur redonner un contenu et des contours plus stables. Après une période de purgatoire, des objets démodés peuvent retrouver une jeunesse inattendue, ce dont nous pourrons juger dans quelques années.Louis Chauvel

“Le retour des classes sociales”Revue de l’OFCE n°79

Octobre 2001

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