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Infortune des imposteurs

Jean-Pierre Dufreigne

L'Express,9 octobre 1997, page 115.Un essai mne grand raffut dans Paris:Impostures intellectuelles, dAlan Sokal. Ce physicien amricain y moque no philo, psycho, socio, mytho, ethno et intellologues au motif que leurs mtaphores scientifiques sont des plus vaseuses. La mtaphore est une forme suprme dexpression et lon sait que les pense-mi, pense-moi crivent en agrg, langue assassine du dfunt franais. A ce congrs des Illisibles, on inviterait volontiers le nime livre bcl cette anne par Madeleine Chapsal, graphomane distingue:Ils lont tue. Tu qui? Diana, pardi. On y apprend, et les bras vous en tombent quand les premires pages vous choient des mains, comment Madeleine en sa thbade rtaise a connu la mort de la Lady. On lapprend par le menu. Celui du petit djeuner de Chapsal aux aubettes du Dimanche Fatal. Pas pu aller plus loin que la premire biscotte, tant la tartine tait dj rance. Enfin parat le brlot, le dtournemant denfance, la trahison du Mythe. Plus bouleversifiant que Derrida et Lacan, voiciLes Infortunes de la Belle au bois dormant. La rvolution en marche. De nos barboteuses faisons table rase (mtaphore hardie). Perrault et les frres Grimm nous ont menti: le Prince veille la Belle par un baiser, quils disaient! Baiser, peut-tre, mais la voix active. Dans cesInfortunes, le Prince est fru dHistoire dOet entame les travaux pratiques en labo. Lauteur, Anne Rice (Entretien avec un vampire), et lditeur, Robert Laffont, sont scientifiquement irrprochables. Ici, la mcanique des corps rpond aux rgles de la multiplication des treintes variables restreintes, et sous les fesses rptes le popotin de la Belle se soumet aux lois de la thermodynamique: il senflamme. Sokal va-t-il crier au Grimm de lse-chastet?

Jean-Pierre Dufreigne

L'Express, 1997.