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ENTRER DANS L'AGE ADULTE : la préparation et l’accompagnement des jeunes
en fin de mesure de protection
Actes de la journée du 11 décembre 2009
Introduction, Marie-Paule Martin-Blachais, directrice générale du GIP Enfance en Danger
Je suis heureuse de vous accueillir à cette journée de réflexion sur les processus d’accompagnement à
l’âge adulte des publics pris en charge en protection de l’enfance. Cette dernière associe des acteurs
de l’Etat, des départements et du secteur associatif. A ce jour, elle représente pour les collectivités
locales une dépense de 65 milliards d’euros et prend en charge plus de 250 000 mineurs et jeunes
majeurs.
La loi du 5 mars 2007 définit les champs et les périmètres de la protection de l’enfance incluant les
dispositifs de prévention, mais incluant aussi les exigences internationales des droits de l’enfant,
notamment en matière d’intérêt supérieur de l’enfant, de droits et de besoins fondamentaux.
L’autonomie et l’insertion des jeunes issus de dispositifs de protection de l’enfance croisent les
politiques en faveur de la jeunesse au titre du droit commun. Le poids des dépenses publiques ne
saurait interroger son efficience dans l’intérêt premier des jeunes concernés. A ce titre, nous ne
pouvons que remarquer la faiblesse des productions françaises sur le champ du devenir de ces adultes
qui ont bénéficié de ces accompagnements pendant leur minorité. L’organisation d’une telle journée
permettra le partage et la diffusion des connaissances en leur état actuel ainsi que des initiatives
professionnelles innovantes.
L’engagement récent des décideurs des politiques publiques concernant l’accompagnement de la
jeunesse dans ses processus d’acquisition de l’autonomie et de l’insertion se manifeste à travers un
certain nombre de rapports : rapport produit par la mission sénatoriale, rapport du Haut Commissariat à
la jeunesse, ainsi qu’une dynamique d’évaluation de la politique de la protection de l’enfance devrait
conduire à une synergie de l’articulation, de l’accessibilité entre les dispositifs de droit commun et les
accompagnements psycho-sociaux et éducatifs de ces jeunes afin de créer une synergie et une
mutualisation des réflexions et des prospectives.
Je vous souhaite une journée fructueuse et vous remercie d’être venus assister aussi nombreux à la
restitution de ces travaux, initiés en 2007 et conduits par l’Oned. Je souhaite également remercier ceux
et celles qui ont contribué, tant par leur apport dans le cadre du groupe de travail que par l’accueil de
nos équipes et les présentations de leur expérience, à l’avancée de ces travaux.
Le devenir des jeunes issus de la protection de l’enfance : état de la recherche sur
le devenir adulte d’anciens jeunes protégés. Présentation du projet ELAP
Isabelle Fréchon, Ined
J’ai choisi de survoler l’historique des études sur le devenir adulte des enfants placés et le projet ELAP
et de me concentrer principalement sur les recherches françaises. Pour plus d’informations, il existe une
revue de littérature sur ce thème.
Les études sur le devenir adulte des enfants placés ont débuté au milieu des années 50 avec 4 études
étrangères en Finlande, Hollande, aux Etats Unis et au Canada. A notre connaissance, plus aucune
recherche n’a été effectuée avant les années 80
C’est l’ époque à laquelle, en France, on commence à s’intéresser à ce sujet avec d’une part la thèse
de Jean Sawras qui étudie le devenir de 108 jeunes garçons anciennement placés en foyer de semi-
liberté et l’étude de Dumaret qui étudie le devenir de 148 jeunes placés en Village d’enfants. Il faut
attendre après 1990 pour que, REGULIEREMENT en France des études se mettent en place sur ce
thème.
L’année 1990 marque un tournant ou plutôt une prise de conscience de l’importance de ce thème
avec l’étude de Corbillon Assailly et Duyme qui a largement été valorisée et s’est fait l’écho dans le
milieu de la protection de l’enfance notamment pour son taux de reproduction de placement
particulièrement faible (5 à 6%)
A partir de cette date, plusieurs études verront le jour en France et peut-être moins à l’étranger,
probablement parce qu’ils ont restreint leur champs d’observation sur la période du leaving care, cette
transition entre l’accueil en protection de l’enfance et la période d’accès à l’autonomie bien plus tôt que
nous. Nous y reviendrons
les études sur le devenir sont tellement éparpillées géographiquement et dans le temps et, -car
chaque époque mais aussi chaque pays a sa propre politique de protection de l’enfance - qu’il est
difficile de les comparer entre elles.
En nous limitant aux études françaises, se distinguent les études départementales, – l’échantillon
d’étude comprend d’anciens placés par le département quelque soit le type de placement-, et des
études plus locales, -dans la plupart des cas il s’agit du devenir des jeunes tous passés par un
établissement, un service de placement familial ou bien une association en particulier.
Les méthodes d’enquête en France sont relativement homogènes maintenant dans la mesure où elles
reprennent fréquemment deux phases de recueil de données : une étude des données archivées afin
de mieux connaître la population étudiée, les personnes retrouvées et celles qui n’ont pu être
retrouvées ; une enquête en face-à-face ou par questionnaire postal visant à mieux connaître la
situation présente de la personne et, pour certaines, visant à reconstituer le parcours depuis la sortie de
prise en charge. Ces études ont un objectif commun : mieux connaître la situation sociale et familiale
de personnes qui ont connu une enfance difficile – comme une réponse aux inquiétudes des personnes
qui se sont occupées de ces jeunes pendant tout ou partie de leur enfance ou adolescence –
inquiétudes partagées par l’opinion publique.
Les quelques résultats présentés ici sont parfois difficilement interprétables tant ils sont conditionnés
par l’âge des enquêtés : regarder la situation sociale ou familiale à 20 ans n’est pas la même chose
qu’à 30 et encore moins à 50 !
Mise en garde sur le problème de comparabilité
Avec qui comparer les résultats ? En France, il n’existe pas de groupe de contrôle mais toujours des
comparaisons partielles et lorsque c’est possible avec le reste de la population.
Niveau d’études et diplôme obtenu
Les non diplômés sont plus nombreux parmi ceux élevés en foyer (Sawras, Moutassem et Frechon)
sauf lorsqu’il s’agit d’institutions ayant l’obligation de scolarité à l’entrée (Hubert)
En France : 5 à 9% ont obtenu un diplôme supérieur ou égal au bac
29% à 42% ont un diplôme dans l’enseignement professionnel
L’acquisition de diplôme est fonction de la durée de prise en charge : si un jeune a connu un parcours
long sans rupture en milieu familial il a plus de chance d’avoir fait des études supérieures.
Activité professionnelle :
Elle est évaluée entre 40 et 75% mais il faut faire attention au contexte du marché de l’emploi. Il
apparaît principalement que l’entrée sur le marché de l’emploi est souvent contraint : les proportions
apparaissent relativement fortes dès la sortie de placement (alors qu’en population générale au même
âge les jeunes sont encore étudiant. En revanche, cette proportion n’augmente pas au fil des années. Il
faut aussi noter l’importance des mères au foyer dans les trajectoires professionnelles féminines.
Le logement
L’âge d’observation des jeunes et le contexte de l’époque est très important
1980 : Sawras → 62% des jeunes rencontrés avaient un logement stable en HLM (âge moyen 25 ans)
1990 : Corbillon Assailly et Duyme → 30 à 45% sont accédant à la propriété (attention ils avaient
presque tous plus de 28 ans)
Les études les plus récentes montrent qu’à la sortie la situation résidentielle est chaotique avec des
nombreux déménagements et 50% hébergés + 20% pris en charge mais qu’au moment de l’enquête
(age moyen 25 ans) près de 7/10 avaient un logement stable.
Les études sur la sortie du placement notent une situation résidentielle chaotique pour les jeunes
majeurs où les hébergements transitoires sont fréquents et mal vécus. Cette classe d’âge coïncide,
dans la population générale, avec la période de décohabitation juvénile où la solidarité familiale est très
sollicitée.
Relations sociales
Plusieurs résultats constatent un plus faible réseau relationnel qu’en population générale (Sawras,
Dumaret Corbillon Auscher, Frechon, Hubert). Les relations amicales prennent une place importante
dans un contexte d’absence ou de faiblesse des solidarités familiales (toutes les études française le
montre). Le sentiment d’isolement est plus élevé dans les situations de placements discontinus
(Gheorghui) et il justifie, pour certains anciens placés, le maintien des liens avec les travailleurs sociaux
qui les ont suivis. (Dumaret)
Santé et suivi social
On note des problèmes d’ordre psychiatriques qui varient de 12 à 33%. La proportion est forte pour
deux raisons : d’une part, les auteurs des études (Festinger, dumaret, Frechon) indiquent que ces
troubles existaient déjà avant la sortie (voire même avaient motivé en partie le placement) mais aussi
que cette population est plus sensible aux questions de santé. → le temps du placement a permis une
familiarisation avec le soutien psychologique, les jeunes sont donc maintenant capables de se faire
aider.
Suivi social : environ un quart des anciens placés sont suivis par des équipes sociales (credoc
Dumaret, Frechon Fernandez Hubert) Cet accompagnement est souvent lié à des difficultés financières
et d’adaptation dans la vie quotidienne. Ces accompagnements ont généralement lieu au moment de
l’entrée dans la vie active et affective. Ce constat, par de nombreuses équipes sociales, a justifié la
création de services de suite et d’aides aux jeunes majeurs et aux anciens.
Le devenir observé au niveau de la famille
La famille d’affiliation : quasiment toutes les études françaises ont montré les effets pernicieux des
rencontres conflictuelles, irrégulières ou instables avec les parents. D’où par conséquence
l’importance de leur régulation.
le lien est plutôt meilleur avec les enfants qui ont connu un parcours long en famille d’accueil
qu’en institution, mais aussi que, malgré la rupture des liens au moment du placement voire au moment
de la sortie, ils peuvent se reconstruire par la suite (souvent lors de la maternité). Enfin notons que dans
le cas de parcours long en famille d’accueil, les études ont mis en évidence que les jeunes faisaient un
choix relationnel prioritaire à l’âge adulte : soit les parents, soit la famille d’accueil, rarement les deux.
(Dumaret et Mouhot).
Concernant les fratries : c’est un sujet peu travaillé jusqu’à présent, qui demanderait un
approfondissement. Il est difficile à traiter, les fratries des enfants placés étant étendues par les demi- et
quasi fratries. L’étude de Dumaret sur les villages d’enfants montre que la solidarité des aînés à la
sortie du placement est soulignée ainsi que l’importance des relations fraternelles à l’âge adulte.
Concernant ceux qui ont vécu en foyer, les liens résistent à peu près à des séparations courtes au
moment de l’adolescence, beaucoup moins en cas de séparation longue ou de discontinuité dans les
placements. (Frechon)
La famille de procréation
Dépend de l’âge des enquêtés → les proportions d’ex placés en couple varient entre 39 et 80% Elle
est plus importante chez les femmes que chez les hommes qui se mettent en couple en moyenne deux
ans après les femmes (comme en pop générale)
Les divorces et séparation conjugales sont importants comparativement à l’âge des enquêtés mais les
premières mises en couples sont précoces et coïncident souvent avec la sortie : pour beaucoup le
conjoint est la solution de remplacement en cas de liens rompus avec la famille d’origine. De ces
premières unions « béquilles » les jeunes ont tendance à s’en séparer et la remise en couple n’est pas
systématique. Il faut noter que souvent un premier enfant est issu de ces unions.
Justement concernant les enfants : cela dépend tellement de l’âge et du sexe des enquêtés que les
proportions varient considérablement d’une étude à une autre : entre 14 et 82% ! Dans les faits ces
proportions ne veulent rien dire. Il faudrait interroger uniquement des personnes d’une quarantaine
d’année pour commencer à avoir une idée des proportions d’ex-placés ayant débuté leur descendance.
Plus intéressant : entre 90 et 100% des ex placés avec enfants ont la garde de ceux-ci, ce qui est
important par rapport à la fréquence des séparations conjugales et des divorces.
Deux résultats sont récurrents, quelle que soit la méthode d’enquête ou la période enquêtées :
- l’importance de la continuité dans le placement
- la période difficile de la sortie.
Depuis les années 80, les chercheurs anglo-saxons étudient cette période critique de la sortie. Elle est
aujourd’hui au centre des préoccupations des politiques, ainsi que de certains chercheurs français.
Etudier le devenir adulte des jeunes est un thème central en sociologie de la jeunesse. L’entrée dans
l’âge adulte peut se définir comme le moment où l’on atteint certains marqueurs de transitions comme le
premier emploi, le premier logement ou la création de sa propre famille1.
Les récents travaux s’accordent à dire que l’allongement de cette période de la vie est davantage lié au
prolongement de la dépendance financière des jeunes envers leurs parents qu’à un véritable départ
retardé du nid familial2. Olivier Galland a d’ailleurs mis en évidence dès la fin des années 80 la
désynchronisation des étapes de cette transition. L’allongement des études, la difficulté d’accéder au
premier emploi, la nécessité, selon les milieux sociaux, soit de rester chez les parents, soit de vivre
ailleurs mais en dépendant toujours financièrement de ceux-ci, le report de la vie en couple et de la
naissance d’un enfant sont les principales étapes qui ne se déroulent plus aux mêmes moments de la
1 Bendit R., Hein K., Biggart A., Autonomie retardée et négociée : l’émancipation résidentielle des jeunes Européens,
Politiques sociales et familiales, n°97, septembre 2009, p.5. 2 Villeneuve-Gokalp C., Le départ de chez les parents: définitions d'un processus complexe, Économie et statistique, n° 304-305, 4/5 1997, p. 149-162
vie3. Ceci est vrai dans bon nombre de pays occidentaux bien que les modèles de politiques sociales
viennent nuancer ces types de transitions4.
La France se démarque des autres pays européens par l’importance accordée aux études initiales,
véritable clé pour l’accès à une insertion professionnelle qui n’évoluera que très peu par la suite. A la
différence des pays scandinaves où le temps de la jeunesse est vécu comme une expérience où les
jeunes mêmes sortis des études vont continuer à se former par l’expérience professionnelle, le système
français ne valorise que très peu les formations continues5. France et Québec connaissent tout autant
le problème du chômage des jeunes mais la transition professionnelle au Québec laisse plus de place
aux acquisitions par les savoirs et les expériences professionnelles (job d’été, subvention salariales de
stages privés…)6.
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Pierrine Robin : plusieurs résultats me semblent intéressants à retenir : d’une part, la méthodologie pour
conduire ces enquêtes ; le sentiment de solitude des jeunes sortants, qui ne s’inscrivent pas forcément
dans des actions citoyennes, par exemple dans le vote
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Une responsabilité particulière à l’égard des jeunes sortant de la protection de l’enfance : présentation du travail de l’Oned depuis 2007, Pierrine Robin Cette thématique a donné lieu à la rédaction d’un rapport public, disponible sur le site de l’Oned,
oned.gouv.fr, sous la rubrique publications. Le point de départ était le constat d’une accession différée,
plus longue et plus difficile des jeunes en protection de l’enfance au monde adulte dans la population
générale. Ils doivent faire preuve d’autonomie plus rapidement, affronter toutes les transitions
qu’implique ce passage en même temps tout en disposant d’un soutien familial plus faible, et présentant
davantage de vulnérabilité, comparé à la population générale. Les risques sont multiples : exclusion,
déshérence, désaffiliation.
L’intérêt de l’Oned pour cette problématique remonte à 2007, lors d’un séjour d’études au Québec, ainsi
qu’à la présentation de Martin Goyette du Programme de Qualification des Jeunes, au Québec, qui
accompagne les jeunes vers l’autonomie. La rencontre avec la FNADEPAPE et SOS Villages d’Enfants
a également attiré notre attention sur cette thématique, qui s’est donc inscrite dans notre programme
d’activités en 2008-2009.
3 Galland O., Sociologie de la jeunesse, Paris, Colin, 2001, pp.149-153 4 Bidart C. (Dir.), Devenir adulte aujourd’hui, perspectives internationales, Paris, l’Harmattan 2006, 231 p. ; Van de Velde C., Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe, Paris, le Puf, coll. Le lien social, 2008, 278 p. 5 Van de Velde C., Ibid., 2008; 6 Lima L., L’insertion dans les politiques sociales, France Québec, In Bidart C. (Dir.), Ibid., 2006, p. 64.
Cette préoccupation est é également partagée au niveau européen : des actions portant sur l’insertion
des jeunes, sont préparées par la Commission, de même que le Conseil de l’Europe soutient plusieurs
projets. Au niveau national, cette thématique fait l’objet de divers travaux au Haut- Commissariat à la
Jeunesse.
Comme en fait état le rapport de l’Oned, intitulé Le soutien à la transition à l’âge adulte des jeunes
sortant de la protection de l’enfance, la transition est perçue comme un statut dynamique et paradoxal.
Il implique un processus subjectif et intérieur propre à chaque individu. Ce passage à l’âge adulte croise
diverses notions : indépendance qui relève de la capacité d’agir sur différents champs ; d’autonomie,
soit la possibilité de se donner à soi-même ses propres lois. Un exemple éclairant : la législation
allemande stipule que l’autonomie, l’esprit critique et la capacité de faire ses propres choix sont les
principaux buts de la protection de l’enfance.
Ce processus de passage à l’autonomie interroge des interactions multiples entre passé, présetn et
futur de la prise en charge, dans le sens où les actions mises en place pour l’enfant atteignant l’âge de
18 ans sont peu de choses au regard de tout ce qui peut être travaillé en amont, pendant la période
d’accueil et pendant la période de transition.
Pour travailler cette question, un appel d’offre a été ouvert en 2008 par l’Oned, qui a abouti au
cofinancement de deux recherches : l’une, menée notamment par l’association Jean Coxtet, sur les
pratiques d’accompagnement en fin de prise en charge ; l’autre menée par le laboratoire Eris, sur
l’influence du placement à l’âge adulte.
En parallèle, nous avons mené un travail pluri-institutionnel et pluridisciplinaire, rassemblant des conseil
généraux, des associations, al Fondation d’Auteuil, la DPJJ…qui présenteront, au cours de cette
journée, des recommandations issues du rapport et certains aspects issus des dispositifs.
Nous avons également visités divers dispositifs, dont il sera question aujourd’hui. Ces visites nous ont
permis, à travers un ancrage pratique, d’illustrer le rapport avec des éléments pragmatiques. Nous
avons enfin conduit des entretiens sur un petit échantillon de 11 jeunes, dont le point de vue nous
paraissait important. Ils sont issus du Loiret, de la Fondation d’Auteuil et de Essor 93. Le rapport
cherche à croiser les points de vue des jeunes et ceux des professionnels afin de repérer l’apparition
d’une synergie entre ces points de vue ou de divergence.
Ce matin, seront également présentés d’autres programmes, notamment celui de l’ONG Amici dei
Bambini et celui de la fédération SOS Kinderdorf qui cherchent à croiser le point de vue des jeunes et
des professionnels, afin d’observer ce qui remonte d’une approche ascendante et non uniquement
descendante.
Le point de départ de ce rapport était un diagnostic partagé portant sur les mutations sociétales qui
conduisent à une accession différée et peu accompagnée des jeunes vers le monde adulte. Le passage
à l’âge adulte a perdu de son statut d’évidence. Il est difficile de déterminer le début, d’en indiquer la fin.
Les transitions de l’école vers la professionnalisation, de la famille d’origine vers la famille élective, du
logement familial vers le nouveau logement sont devenues difficiles et délicates, en raison d’un
allongement de la période de la jeunesse, des études, de la dépendance financière accrue des jeunes
vis-à-vis de leur famille. La population générale présente donc un hachage des situations une disparité
des parcours. Il est possible d’accéder à un logement indépendant avant de revenir chez sa famille
d’origine. Il est possible d’accéder à une situation avant de revenir à des études, de construire une
famille avant de revenir à une situation individuelle.
Les parcours biographiques sont donc incertains, ce qui provoque un climat d’incertitude chez les plus
jeunes, et une difficulté, au sein de la société, à associer les notions de jeunesse et progrès.
Dans notre système d’Etat-providence corporatiste qui fait reposer le coût de cette transition sur la
famille., contrairement aux systèmes nordique où le financement de cette période de la vie est
institutionnalisé : les jeunes disposent de droits de tirage , leur permettant d’alterner des périodes de
d’études et d’insertion professionnelles, mais aussi des stages… financés par l’Etat. La solidarité
familiale s’explique par le fait qu’il existe peu d’aides pour les jeunes dans la population générale, d’une
part. D’autre part, dans la structure française, il existe une certaine rigidité du lien entre diplôme et
insertion, excessivement peu de droit à l’erreur. Aussi la solidarité familiale s’explique par la nécessité
de s’intégrer socialement, à travers ses études et peu de droit à l’erreur ou de possibilités de retour en
arrière. L’expérience professionnelle est peu valorisée, le diplôme permet l’insertion.
Peu d’aides sont disponibles pour les jeunes pris en charge en protection de l’enfance. Ils doivent faire
face aux transitions plus rapidement que la population générale, alors qu’ils y sont moins préparés et
bénéficient de moins de support familial et social. Ils sont donc confrontés à des injonctions
paradoxales. Ils doivent faire face aux diverses transition (accueil vers autonomie, logement individuel
et construction individuelle ou familiale) de façon simultanée et non graduellement. Ils cumulent les
facteurs de risques : problèmes d’insertion, de logement, de formation, de santé physique et psychique,
d’identité et de citoyenneté. Cela peut se traduire par un sentiment de solitude, un état dépressif, voire
aller jusqu’au passage à l’acte délinquant.
La France dispose d’une législation spécifique pour jeunes sortants de la protection de l’enfance,
fondée sur les décrets du 18 février 1975 et du 2 décembre 1975. Cette législation comporte cependant
des incohérences et des insuffisances : imprécisions des attributions de contrats jeunes majeurs et de
leur financement, problèmes d’articulation entre les dispositifs, d’émiettement et, par conséquent, effets
d’exclusion et d’éviction des jeunes ayant des difficultés à s’insérer dans un dispositif particulier. Cette
situation est d’autant plus critique que les âges de passage à la vie adulte peuvent paraitre
incohérents, avec une sortie de l’école à 16 ans, la majorité juridique à 18 ans, une fin de prise en
charge à 21 ans et l’accès aux minimas sociaux à 25 ans. Se pose également la question de la façon
d’atteindre les jeunes les plus en difficulté. Avec les contrats jeunes majeurs, se pose la question de
savoir si l’on favorise les jeunes suivant déjà un parcours d’insertion ou faut-il s’intéresser aux jeunes
les plus en difficulté. Selon les dispositifs, les réponses diffèrent.
Le groupe de travail, à partir de ces constats, a commencé à travailler sur des recommandations,
arguant que la protection de l’enfance a des responsabilités particulières face à ces jeunes sortants :
Sur la population générale, le financement de cette période interroge l’équité entre les générations, ainsi
que l’équilibre des relations entre l’Etat, la famille et l’individu. Le risque est de faire reposer cette
responsabilité sur l’Etat à un moment où ce dernier est en difficulté, ou, à l’inverse, de faire reposer cet
aspect sur la famille. Pour les jeunes de la protection de l’enfance, cette question se pose de façon
différente : ils bénéficient d’une suppléance familiale au cours de leur minorité, qui doit se poursuivre au
cours de leur majorité. Le groupe de travail faisait état d’obligation alimentaire vis-à-vis de ces jeunes
au même titre que les parents envers leurs enfants, du fait de leur histoire institutionnelle et du peu de
soutien dont ils disposent.
Des tensions apparaissent entre risque de réponses partielles et risque de réponses massives qui
peuvent se révéler stigmatisantes. Il existe donc une tension entre droit commun et droit spécifique. Les
jeunes doivent donc disposer d’un ensemble de droits spécifiques, tant que le droit commun ne prendra
pas en charge l’ensemble des difficultés des jeunes sortants.
Ces jeunes doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement spécifique tant durant l’accueil (au cours
duquel de nombreuses données se jouent telles que l’insertion, aussi il est peu efficace de ne travailler
sur ces aspects qu’au moment de la sortie), qu’au cours de la préparation du départ et de
l’accompagnement à la vie adulte, de manière transversale et continue
C’est autour de ces thématiques que s’organisent notre journée avec pour chacune, la présentation des
recommandations du groupe et des illustrations par des exemples pratiques. Pour plus de clarté, nous
traiterons ce matin des réponses transversales et continues au niveau des dispositifs avant
d’appréhender les réponses au niveau des actions socio-éducatives durant les différents temps de
l’accueil à la sortie
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Des dispositifs décloisonnés au service de la cohérence des parcours Christian Polge, Fédération de l’Entraide protestante Le groupe de travail propose trois recommandations majeures dans le cadre des dispositifs :
- La cohérence et la continuité des parcours lors de l’accès à l’âge adulte.
- L’articulation entre droit commun et droits spécifiques
- L’importance du dialogue des cultures entre protection de l’enfance et insertion
L’objectif est de parvenir à décloisonner les dispositifs afin dans le cadre de la cohérence des parcours.
L’intérêt de ces recommandations est de travailler au décloisonnement des dispositifs en place, de
manière à ce que les jeunes qui en bénéficient suivent une démarche cohérente.
Parmi des dispositifs en protection de l’enfance, il a parfois été nécessaire de construire,
essentiellement au cours des années 70, lors du changement de majorité où, des jeunes gens et des
jeunes filles, pris en charge par l’ASE, risquaient d’être brutalement exclus de la protection de l’enfance
avec l’abaissement de l’âge de la majorité de 21 à 18 ans. Devant cette situation, le secteur de la
protection de l’enfance a cherché des outils pouvant être développés pour continuer d’apporter à ces
jeunes, au-delà de leur majorité, une possibilité d’accompagnement et d’aide au soutien. Il s’agissait
d’apaiser les craintes, mais également de prendre en compte cette date spécifique des 18 ans à la fois
symbolique, mais également juridique. Certains jeunes décident à ce moment là de quitter le dispositif,
en considérant qu’ils sont suffisamment matures pour décider seuls.
Au fil du temps, cette action de soutien a permis de se demander ce qu’il est possible de faire avant 18
ans pour préparer la sortie, mais aussi, lala possibilité de prise en charge entre 18 et 21 ans. Dans ce
cas, que se passe-t-il après 21 ans ?
Cet aspect s’est accentué avec l’augmentation du nombre de jeunes arrivant dans un dispositif, âgés de
17 à 19 ans, ce qui implique un temps d’accompagnement relativement court. De même que l’a
recommandé le rapport de la mission sénatoriale, notre groupe de travail préconise, entre autre, de
mettre l’accent sur l’accompagnement des jeunes dès 16 ans, afin de les aider à préparer l’accès à la
majorité, en termes économique et professionnel, mais également de conditions de vie.
Est également soulignée l’importance de mettre en place des dispositifs de soutien au-delà de 21 ans.
Nous sommes bien conscients, comme cela a été dit, que les jeunes restent davantage et plus
longtemps dans le cadre familial. Or, pour les publics pris en charge en protection de l’enfance, nous
avons l’impression que, pour eux, il faudrait accélérer le temps, et que, malgré leurs difficultés, ils soient
confrontés plus rapidement que les autres au problème de l’autonomie.
Cette recommandation d’intervenir avant 16 ans et au-delà de 21 ans devrait accorder davantage de
cohérence au parcours, et le rendrait plus fluide, en laissant plus de temps aux jeunes pour construire
leur trajectoire d’insertion. L’ensemble des responsables de dispositifs défendent l’idée que les dates
d’anniversaires symbolique (16 ans, la fin de la scolarité obligatoire, 18 ans, la majorité, 21 ans la fin de
la prise en charge) ne deviennent pas des dates fatidiques de rupture.
Première recommandation du rapport : Concevoir le passage à l’âge adulte comme un parcours
marqué par la date symbolique et juridique des 18 ans mais qui se prépare dès 16 ans et peut
continuer au-delà de 21 ans.
Cette recommandation est largement partagée par les jeunes qui regrettent d’avoir été peu préparés la
vie adulte, d’avoir dû effectuer des choix à courts termes, notamment en ce qui concerne leur formation,
par défaut, en craignant de ne pouvoir être accompagnés après 21 ans.
Cette préparation doit-elle se faire dans cadre de dispositifs spécifiques qui leur seraient réservés ou se
conçoit-elle dans des dispositifs de droit commun ? Les responsables des services de protection de
l’enfance ont eu tendance à soutenir la construction de dispositifs spécifiques, réaction fort
compréhensible devant la situation de grande fragilité psychologique et de grande précarité. Il me
semble que cela a pu, dans certains cas, conduire au développement de dispositifs parallèles qui se
contrarient parfois, voire conduisent à la stigmatisation du bénéficiaire. Il a d’ailleurs été reproché à ces
bénéficiaires d’avoir plus d’avantages que les jeunes vivant dans des familles précaires. Ces propos
bien qu’un peu excessifs étaient de nature à nous interroger sur le dispositif.
L’une des faiblesses d’un dispositif spécifique est certainement d’être limité dans le temps, et finalement
peu, voire pas du tout, adapté au quotidien. Les jeunes interrogés ont souligné le manque d’articulation
entre les dispositifs de droit commun et de droit spécifique. Nous préconisons donc de fédérer toutes
les ressources sur un territoire, notion importante dans le cas présent dans la mesure où elle
correspond à une réalité économique et sociale, en direction de tous les jeunes et non uniquement
ceux pris en charge en protection de l’enfance, en articulant les dispositifs de droit commun et les
dispositifs de droit spécifique.
Il est nécessaire de rappeler que le dispositif de droit commun est conçu comme premier et celui de
droit spécifique comme subsidiaire ou complémentaire du droit commun si ce dernier se révèle
insuffisant. Cette articulation rend disponible les ressources sur un territoire à l’ensemble des jeunes,
garantit l’accessibilité aux dispositifs, et permet une approche globale. Cela permet ainsi au jeune de
passer d’un système à l’autre sans être stigmatisés. Il reste néanmoins nécessaire d’adapter les
dispositifs de droit commun aux besoins spécifiques de jeunes sortants de la protection de l’enfance.
Parmi plusieurs exemples, nous pouvons citer, pour les jeunes sortant de la protection de l’enfance qui
souhaitent continuer leurs études, avec le maintien des bourses d’étudiants pendant l’été, ainsi qu’en
organisant l’ouverture des résidences étudiante pendant cette période. Il s’agit typiquement d’un
dispositif de droit commun prenant en compte les situations des jeunes issus de la protection de
l’enfance.
Deuxième recommandation : Etablir des passerelles entre droit spécifique et droit commun tout
en maintenant un accent éducatif spécifiques pour les jeunes sortant de la protection de
l’enfance et en adaptant les dispositifs de droit commun aux besoins spécifiques des jeunes
sortants.
Il est important de rappeler que tant que les dispositifs de droits commun ne répondront pas
aux besoins spécifiques des jeunes sortant de la protection de l’enfance, le maintien de
dispositifs d’accueil transitoire est nécessaire.
Troisième préconisation : L’articulation entre dispositifs de droit commun et de droits spécifique
nécessite un dialogue entre les professionnels des champs de la protection de l’enfance et de
l’insertion. Il est nécessaire de faire dialoguer ces cultures qui s’organisent, semble-t-il, selon des
logiques quelque peu différentes.
Le développement des dispositifs conduits par les professionnels de la protection de l’enfance
impliquent une approche éducative et sociale qui privilégie le soutien individuel et le développement de
l’individu. Le dispositif de droit commun, conduit par les professionnels de l’insertion, repose sur une
logique d’intégration au marché de l’emploi qui fait appel à des mesures collectives. La protection
s’appréhende dans une logique de processus individuel, l »insertion dans une logique de résultats. Ces
deux logiques ne sont pas contradictoires et les programmes qui s’attachent à mutualiser les
connaissances des professionnels de l’insertion et de la protection de l’enfance conduisent à faire
évoluer les pratiques des uns et des autres.
Pour qu’un tel dispositif s’adapte aux besoins, il doit être construit, porté, évalué par des professionnels
qui doivent accepter de confronter le risque de confronter leurs pratiques à celles des autres, et donc le
dialogue et l’interpellation. Cette exigence doit être au cœur de nos métiers, quel que soit notre champ
d’intervention.
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Présentation d'une expérience : le Contrat de Soutien à l’autonomie des Jeunes (CSAJ) de Loire-Atlantique, Alice Métois, Conseil Général de Loire-Atlantique Le CSAJ, mis en place depuis la fin de l’année 2004, est né d’une volonté politique, et destiné à une
partie de la population en situation de précarité et ne disposant pas de soutien économique ou familial.
Concernant les jeunes, il s’agit de ceux qui ne peuvent compter sur leur famille, en raison de rupture, de
conflits, mais également des jeunes disposant d’une famille aimante et entourante, mais disposant de
moyens financiers très modestes et qui ne peut, de ce fait, les aider à poursuivre leurs études, leur
formation, leur scolarité.
Au départ, le CSAJ s’adresse à un public de 18-25 ans. Il n’est pas forcément connu de l’ASE, mais
davantage connu du public des missions locales, qui présente d’importante difficultés, et de certains
services sociaux spécialisés qui ne prennent pas forcément en charge les jeunes issus de la protection
de l’enfance, mais des jeunes ayant également de graves difficultés.
Le concept évolue : le CSAJ comporte aujourd’hui deux volets, l’un concernant les jeunes de 16 à 25
ans qui ne peuvent compter sur la solidarité familiale, soit du fait d’une situation trop précaire, soit du
fait d’une défaillance familiale pour x ou y raisons ; l’autre concerne des jeunes pris en charge par la
protection de l’enfance et qui continuent à l’être dans le cadre du CSAJ. Malgré des modalités
différentes, ce contrat porte le même nom quelle que soit la situation.
Le contrat jeune majeur existe toujours : un jeune âgé de 18 à 21 ans a toujours la possibilité d’être
accueilli et protégé au titre de la protection de l’enfance, en foyer socio-éducatif, en famille d’accueil ou
en lieu de vie. Le circuit de décision change cependant et les conditions d’attribution sont différentes.
Fonctionnement du circuit de décision :
La décision est prise sur dossier, par une commission d’attribution des aides, qui décide de la poursuite
d’une prise en charge, que ce soit de la protection de l’enfance ou dans le cadre d’un CSAJ d’insertion
qui combine un accompagnement par un professionnel (AS… ) et, souvent , une aide financière qui
garantit une sécurité minimum afin de poursuivre un parcours scolaire, une formation... Ces
commissions sont constituées de professionnels des missions locales, qui sont au cœur du projet
depuis ses débuts, les professionnels de l’ASE, de foyers de jeunes travailleurs, du logement, de la
formation. Ces regards croisés sur une même situation permettent de la travailler et d’aborder une
décision, toujours prise par le président de la commission qui est, toujours un conseiller général.
Dans ces conditions, sont abordées toutes les situations, qu’elles relèvent ou non, de la protection de
l’enfance, ce qui permet d’interroger un certain nombre de pratiques. Certains nous disent qu’ils
accueillent des jeunes en errance et en galère, qui ne bénéficient pas des mêmes aides que les jeunes
pris en charge au titre de la protection de l’enfance. Aussi, l’une des questions est bien sûr de travailler
les différences de prise en charge. Ces cultures se sont donc rencontrées et ont produit des rapports de
forces très intéressants pour le département. Le suivi est rigoureux afin de parvenir à harmoniser les
pratiques à travers les problématiques que nous repérons en commun. Et les professionnels de
l’insertion ont appris à mieux connaitre les prises en charge en protection de l’enfance, tandis que ceux
de la protection de l’enfance connaissent mieux les dispositifs de droit commun, à pouvoir se passer le
relais si nécessaire, par exemple sur les formations …
Ce contrat permet de travailler également sur la cohérence des parcours. Il est fréquent qu’un jeune en
protection de l’enfance soit accueilli jusqu’à 19 dans un foyer socio-éducatif et qu’à partir de là, il se
sente prêt à intégrer un foyer de jeunes travailleurs, parce que sa situation professionnelle a évolué.
Etant toujours en formation, il peut basculer sur le CSAJ Formation avec un accompagnement par le
professionnel le plus qualifié dans son cas, l’aide financière qui lui permettra de se loger et
l’accompagnement social qui lui permettra de s’intégrer.
Dans l’autre sens, des jeunes quittent la protection de l’enfance pour des raisons diverses, pour
acquérir une expérience de la vie plus autonome par exemple et qui s’inscrivent dans un CSAJ avec
une aide financière, en vivant chez des amis, ou en ayant des petits boulots. Pour certains, l’autonomie
est arrivée trop rapidement, est difficile. Le dispositif leur permet de revenir dans une protection et une
prise en charge éducative au titre de la protection de l’enfance.
Au-delà de 21 ans, les jeunes peuvent encore bénéficier de cette aide sociale et de ce soutien financier,
dans ce cadre. Les jeunes peuvent donc ne pas avoir un parcours linéaire, ils ont droit à l’erreur, sans
être pénalisés. Bien sûr, ce processus ne s’est pas mis en place sans heurts les professionnels de
l’ASE doivent beaucoup argumenter pour obtenir des aides.
Les Contrats CSAJ durent 6 mois en général, renouvelables. Pour les jeunes en protection de l’enfance,
ces contrats peuvent être plus longs. Cela dépend aussi des situations des jeunes. Lorsque certains
sont en cours d’études diplômantes, nous faisons des contrats de septembre à juillet. Le jeune est
l’acteur principal de son projet, c’est lui qui demande et explique ce dont il a besoin.
Nous essayons aussi de faire en sorte qu’en atteignant 18 ou 21 ans, les jeunes ne se retrouvent pas
dans des situations de rupture. Aussi, il est nécessaire d’anticiper, de travailler le plus en amont
possible pour connaitre le mieux possible ce qui se fait pour l’ensemble des jeunes. Nous essayons
d’aller davantage à la rencontre des maisons de quartier, des associations sportives, culturelles, de
loisirs. Nous essayons d’avoir une approche plus large et de ne pas nous cantonner à des dispositifs
spécifiques de prise en charge éducative traditionnelle.
Ce type de dispositif, pour notre département, offre une remarquable qualité d’observation et
d’évaluation. Il permet de mieux connaître le public qui en bénéficie. Ce dernier est majoritairement
féminin, peu ou pas qualifié, extrêmement vulnérable. Cela nous permet aussi de mieux imaginer les
réponses que nous pouvons lui apporter de manière collective, et pas uniquement au titre de la
protection de l’enfance. Le CSAJ a pour philosophie de faire bénéficier tous les jeunes du droit
commun, ce qui profitera également aux jeunes de la protection de l’enfance, et permettra à l’ensemble
des jeunes de 16 à 25 ans, en situation difficile, d’être soutenus. Nous n’excluons pas bien sûr, les
spécificités de la prise en charge des jeunes en protection de l’enfance. En effet, l’aide au logement,
mais aussi les questions de soins et de santé psychique nous préoccupe énormément. La mise en
partage de ces questions avec des partenaires nous permet d’aller vers une meilleure cohérence et une
réponse plus structurée aux jeunes qui éprouvent davantage de difficultés lors du passage à l’âge
adulte.
P. Robin : D’autres départements ont également mis en place des contrats d’accompagnement à
l’autonomie, tel que le Conseil général de l’Isère qui a choisi une approche similaire.
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Favoriser la participation des jeunes : acteurs de la prise en charge et de la recherche Sylvie Delcroix, SOS Village d’Enfants Favoriser la participation individuelle et collective dès l’enfance et la renforcer dans un
continuum en direction des jeunes majeurs avec des projets, des recherches et des évaluations
impliquant les usagers
Cette recommandation du groupe de travail concerne l’ensemble de la durée de la prise en charge et
c’est peut-être la seule précision évidente dans son intitulé, tant on peut s’interroger sur ce que
recouvre le terme « participation ».
Avant donc de tenter de le décliner concrètement puis de passer la parole à deux collègues qui
évoqueront des expériences internationales, quelques mots sur la genèse de la notion de
participation.
Cette notion émerge avec le mouvement des droits de l’homme dont se saisissent les organisations
internationales et européennes pour reconnaître à l’enfant une place de sujet & citoyen, porteur de
droits. Le mineur se voit accorder un rôle d’acteur participatif s’appuyant sur des droits en termes
d’information, d’expression et d’association aux décisions le concernant. Le Conseil de l’Europe est
particulièrement engagé sur ce thème de la participation des jeunes, comme l’évoquera V. Lerch,
notons simplement ici que ce dernier présente, dans plusieurs de ses recommandations, la participation
des jeunes comme rien moins qu’essentielle à l’organisation et à la cohésion sociales ou même à
l’amélioration de la démocratie.
Qu’en est-il alors en France et dans le champ de la protection de l'enfance ?
Sans entrer dans le détail de débats plus ou moins anciens, traversés par des controverses sur la
possibilité, ou non, pour l’enfant d’exercer ses droits de manière indépendante, on observe que la
focale « droits de l’enfant » est, dans le champ de la protection de l'enfance en France, pour le moins
très en retrait.
Malgré des avancées réelles, la reconnaissance de droits aux enfants est empreinte d’ambiguïté, elle
est faite de successions d’avancées et de reculs, à l’exemple du décret d’application de mars 2004, sur
les conseils de vie sociale qui reprend aux mineurs une large part de la possibilité de parole que leur
accordait la loi du 2 janvier 2002, en excluant de cette obligation la plupart des établissements de
protection de l'enfance.
Au final, la notion de participation des usagers pourtant assez consensuelle et régulièrement invoquée
en travail social, demeure en France, une référence très floue dans le champ de la protection de
l'enfance, les droits de protection primant nettement sur les droits libertés.
Dans sa réflexion sur l’accès à l’autonomie, le groupe de travail note la préparation insuffisante de
jeunes qui, à leur majorité, quittent un statut de bénéficiaires de protection, pour entrer dans un
dispositif de contractualisation dont ils deviennent les principaux acteurs. Les jeunes rencontrés pour la
préparation de ce rapport témoignent clairement que ce changement, le plus souvent brutal, est source
d’anxiété et les soumet à une forte pression à la réussite. Propos qui font d’ailleurs écho aux
inquiétudes autour d’un paradigme de la participation qui mettrait en difficulté les plus vulnérables, avec
un impératif fort de performance individuelle. Les professionnels entendus ne disent pas autre chose
lorsqu’ils évoquent des objectifs qui plus qu’ambitieux seraient quasiment inatteignables ; à l’exemple
d’une injonction d’insertion professionnelle et économique entre 18 et 21 ans qui, pour le moins,
contraste avec les données observées dans la population générale.
Fort de ce constat, le groupe pense qu’une attention particulière doit être apportée tout au long du
placement, au développement de la participation et pas seulement en préparation à la sortie.
Et de fait, si la participation est vue comme un processus d’apprentissage, à tous les âges et tous
les niveaux, les pratiques professionnelles pendant le placement peuvent s’appuyer sur de nombreux
instruments de participation, à la fois en termes individuels et collectifs. Je vais en décliner certains,
en faisant référence à des dispositifs évoqués dans le groupe de travail mais aussi, à plusieurs reprises,
à des comparaisons avec l’Allemagne, conduites par P. Robin et H. Milova qui fournissent des
exemples pratiques.
Participation individuelle :
Entendue ici au sens où elle concerne la situation et le parcours de chaque enfant.
Evaluation initiale de la situation : l’obligation d’entendre l’enfant dans toutes les procédures
administratives et judiciaires le concernant, est inscrite dans la loi. Dans sa thèse sur l’évaluation de la
maltraitance, Pierrine Robin, met en évidence les différences d’approches entre la France et
l’Allemagne. Elle montre qu’au-delà de l’information de l’enfant, encore rare en France, nos voisins vont
plus loin dans la mise en oeuvre de ce principe, en associant lors de « conférence d’aide » les usagers,
enfants et parents, à l’évaluation de la situation et au choix du lieu de placement. Dans un mouvement
similaire qui s’amorcerait en France on peut citer le département du Rhône qui s’inspire de cet exemple
ou encore le récent appel à projets de la Fondation pour l’Enfance sur la question de l’aide apportée
aux enfants pour qu’ils soient entendus lors des procédures.
Elaboration et mise en oeuvre du projet pour l’enfant : Là encore, en Allemagne, la législation,
influencée par une forte tradition de prise en compte de l’usager, prévoit que le mineur participe à des
réunions de synthèse annuelles. En France, à l’opposé, l’absence des jeunes dans les temps de
réunions est le plus souvent justifiée par l’inégalité des rapports entre enfants et professionnels. Mais
comment justifier alors que cette absence perdure dans le cas de la mise en oeuvre des contrats
Jeunes Majeurs ? On peut cependant penser que la loi de mars 2007 en imposant le projet pour
l’enfant, va peu à peu permettre l’instauration de modalités de participation du jeune, dont des exemples
montrent qu’elle influe sur son adhésion au cours placement.
Scolarité, formation, orientation : même si les données disponibles sur cette question sont quasiment
inexistantes dans le champ de la protection de l'enfance, les professionnels comme les jeunes disent la
place que les problèmes rencontrés dans la scolarité, prennent au quotidien, dans l’enfance mais aussi
à l’âge adulte. Les jeunes doivent mieux comprendre les attentes de l’école mais aussi pouvoir exprimer
leurs avis. Le livre d’or de la consultation nationale de la Défenseure des enfants pointe d’ailleurs le fait
que l’école est un sujet inépuisable pour les adolescents qui considèrent que leur parole n’y est pas
suffisamment prise en compte. Par ailleurs, dans un modèle social caractérisé par une grande rigidité
du lien diplôme / emploi, les choix de formation et d’études sont déterminants pour le futur statut
individuel. Rendre le jeune acteur de son parcours est donc un enjeu fondamental et pour ce faire il doit
avoir droit à l’erreur. Il devrait aussi être encouragé pour développer ses propres compétences voire
pour engager des activités et projets innovants comme le propose le programme PAKT en Allemagne.
Je ne détaillerais pas le travail autour de la compréhension de l’histoire & de l’analyse des ressources
familiales qui là aussi peut renforcer le jeune en tant qu’acteur de ses choix futurs, puisque cet aspect
sera évoqué avec la présentation de l’Association Samuel Vincent dans l’après midi.
Participation collective
La vie quotidienne offre une multiplicité d’actes qui permettent responsabilisation et apprentissage
progressif. Ainsi en est-il des tâches ménagères courantes mais aussi de la gestion d’un budget ou
encore de l’organisation de moments festifs …. Assez facilement mobilisés dans le cadre des prises en
charge en famille d’accueil ou dans des structures proposant un mode de vie de type familial (comme
les villages d'enfants, lieux de vie …), ils semblent beaucoup moins exploités en institutions. H. Milova
cite pourtant des exemples observés dans des foyers allemands où les jeunes ont des domaines de
responsabilité précisément définis. Elle évoque comme élément clé de la régulation de la vie de groupe,
les réunions au cours desquelles les jeunes organisent la répartition des tâches. Le rapport à l’usager
est dissocié des figures traditionnelles de l’aide et les interactions sont constituées de négociations qui
si elles peuvent être fastidieuses pour les professionnels, se rapprochent néanmoins d’une vie familiale
où se développent aptitudes à négocier, à régler des conflits, à faire des choix …
La définition de règles de vie collective,
Dans le « vivre avec » du placement, les enfants peuvent être associés y compris à la définition de
règles de vie. Au sein de SOS Villages d'Enfants, nous avons par exemple l’expérience de débats en
groupes d’expression qui ont conduit à des modifications de règlements intérieurs. Plus largement, nous
constatons que, au travers de cette instance, les enfants et jeunes saisissent au fil du temps, la
possibilité de s’exprimer et de construire une parole collective, distanciée de leur situation et doléance
individuelles. Ils s’ouvrent à l’extérieur, initient des projets, des actions de solidarité avec les plus
jeunes, dans le voisinage mais aussi parfois bien au-delà. Bref, ils progressent sur le chemin de la
citoyenneté, dont I. Fréchon notait que nombre d’anciens placés s’y investissaient peu.
Participation et représentation dans des instances, des projets
Si les professionnels du dispositif d’action socio-éducatif (DASEC), au Havre, constate que la
participation des jeunes est plus aisée lorsqu’ils vivent dans un collectif plutôt qu’en autonomie,
l’expérience innovante des associations départementales d’entraide des personnes accueillies à la
protection de l'enfance (ADEPAPE), avec leurs « commissions jeunes majeurs » montre qu’il est
possible de mobiliser les jeunes même lorsque la réalité de vie de groupe est moins prégnante. Cette
expérience, qui sera présentée dans l’après-midi, mise sur l’apprentissage de la prise de responsabilité,
sur la compréhension des modalités de prise de décision, l’expérience de la construction
d’argumentaires …
Savoir-faire également mobilisés au travers de projets, initiés ou non par les jeunes. Ce point sera
concrètement illustré que ce soit par V. Lerch au sujet de la campagne de SOS Villages d’Enfants
International ou des partenariats avec le Conseil de l’Europe associant des jeunes en cours d’accueil ou
récemment sortis. Et par Filippo Agostino qui présentera ensuite une recherche européenne sur et avec
les jeunes sortants.
Je vais donc être brève sur la question de l’évaluation et de la recherche sur laquelle le groupe de
travail s’est cependant penché. J’ajouterai simplement que, dans un contexte où se développent à la
fois l’intérêt de la recherche en général pour la parole des enfants et les pratiques d’évaluation de
dispositifs, le groupe de travail préconise qu’une attention particulière soit portée : à la période
entourant la sortie et à la prise en compte du point de vue des jeunes sur l’efficacité de l’aide.
Dans les évaluations internes et externes que les établissements se doivent de mettre en œuvre, les
jeunes ont naturellement toute leur place puisque la finalité de ces évaluations est l’appréciation des
réalisations au regard de leur bien-être et de leurs besoins. La recherche doit pouvoir explorer de
nouvelles méthodologies, comme celle de la recherche entre pairs dont une expérience anglaise
soutenue par le fonds social européen montre qu’elle peut se révéler riche en termes de production de
connaissances mais aussi comme tremplin pour des jeunes.
Pour conclure, ces quelques exemples d’instruments montrent qu’il n’existe pas un modèle unique de
participation mais qu’il est au contraire possible de déployer des modalités multiples, multiformes,
formelles ou informelles. La mise en action combinée des approches de participation individuelle et
collective, centrées au plus près du développement individuel et social du jeune, contribue à renforcer la
mission de protection tout autant qu’à réduire l’écart d’interprétation sur droits et devoirs, entre
professionnels et jeunes.
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Comparaison en Europe et en Asie Centrale, SOS Kinderdorf International Véronique Lech Notre projet reprend la conception anglo -saxonne de Leaving care. Notre objectif est de parvenir à
changer la loi en amtière de sortie d’accompagnement dans certains de ces pays.
Nous travaillons dans 15 pays : Albanie, Allemagne, Autriche, Azerbaijan, Bosnie & Herzégovine,
Bulgarie, Croatie, Fédération russe, République tchèque, Estonie, France, Géorgie, Kirghizstan,
Pologne, Ouzbékistan. Nous analysons les situations de certains pays. Nous avons découvert, par
exemple, que la fin de prise en charge en protection de l’enfance en Albanie est à 14 ans. Nous
cherchons donc à retarder la fin de la prise en charge jusqu’à, au moins, 18 ans et à créer des
structures appropriées pour les jeunes de 14 à 18 ans.
Concernant la participation des jeunes, il apparait que participation individuelle et participation collective
sont extrêmement liées. Il est difficile d’impliquer les jeunes collectivement s’ils ne sont pas impliqués
individuellement, dans leur parcours. Nous avons par exemple créé un réseau de jeunes en
Azerbaïdjan, qui compte aujourd’hui 80 participants. Il a été difficile d’impliquer les jeunes venant
d’institutions, en raison justement de l’inexistence de cette culture de la participation au sein de
l’institution, qui fait peur aux dirigeants de ces institutions. Les jeunes eux-mêmes avaient des difficultés
à s’exprimer sans l’aval d’un représentant de l’institution.
Concernant notre projet, un jeune est membre du comité de pilotage de notre projet et participe à toutes
les réunions. Il est épaulé par un conseil international de jeunes, comptant 2 jeunes par pays. Nos
contacts se font, pour le moment par email, mais une première réunion aura lieu en mars 2010. Au
niveau national, chaque comité de pilotage national compte au moins un ou deux jeunes. Chaque
équipe nationale compte soit une équipe de jeunes en tant que telle, soit des jeunes répartis dans
l’équipe.
Les projets, au niveau national dépendent de ce que les jeunes décident de faire. Ainsi, la semaine
prochaine aura lieu en Albanie un forum présentant les résultats du travail mené par l’équipe nationale.
Les intervenants seront tous des jeunes et nous espérons que les gens du ministère seront présents.
Le risque est, bien évidemment que les jeunes qui présenteront ces résultats ne soient pas pris au
sérieux, mais nous considérons que nous devons prendre ce risque, afin de voir les réactions. Autre
initiative de ces jeunes : filmer les conditions de vie des jeunes de 14 à 18 ans vivant dans les
pensionnats pour filmer leurs conditions de vie au ministère.
Le Conseil de Europe est notre partenaire dans ce projet. Nous avons déjà organisé deux réunions de
jeunes avec eux, l’une sur les modalités de participation des jeunes dans le travail du Conseil de
l’Europe, de quelle manière il peut les impliquer dans le processus décisionnel.
En 2005, le Conseil de l’Europe avait sorti une recommandation sur les jeunes placés et nous avons
donc travaillé avec les jeunes pour savoir quelle pourrait être leur rôle dans la mise en place de cette
recommandation. Nous venons également de réaliser une bande dessinée sur cette recommandation et
d’autres recommandations de SOS Village d’Enfants et des fédérations internationales des familles
d’accueil. Elle est disponible sur notre site.
Nous avons eu une autre réunion avec le Conseil de l’Europe concernant la sortie de
l’accompagnement en octobre 2009. Le Conseil des Etats baltique, qui travaille également sur ce sujet,
a sorti un rapport sur la sortie de placement dans les Etats baltiques, thématique qu’ils vont continuer à
travailler jusqu’en 2011. Une conférence a été organisée à Vilnius, en octobre, où les discours
d’ouverture et de fermeture étaient assurés par les jeunes, qui ont également fait des présentations
dans chaque séminaire, des messages vidéo pour être sûrs de se faire entendre. Pendant 3 jours, nous
avons préparés les jeunes à réaliser ces présentations. Les messages de leur part étaient simples et
directs.
En général, nous cherchons à soutenir les réseaux pour qu’à la fin, des projets durables soient installés
dans les pays, au moins dans un ou deux pays. Nous soutenons également un réseau européen de
jeunes en placement: Power4Youth: www.power4youth.net.
Parmi les leçons apprises :
- Ecoute et flexibilité : impliquer des jeunes suppose d’être prêts à les écouter, à les aider et à
trouver les ressources pour mettre en place leur projet. C’est pour nous un défi d’être à la
hauteur des projets qu’ils nous proposent
- Un cadre protecteur pour toute activité faite avec eux. S’ils participent à une réunion, il faut
les préparer à répondre à des questions qui peuvent paraitre indiscrètes ou les pousser à parler
de leur propre parcours. Ils ont en effet une certaine expertise en matière de placement et ne
sont pas là pour parler de leur vie privée ou susciter la sympathie. Il est donc important de les
préparer, de les écouter après leur présentation ;
- Travailler sur les aspects positifs, de les aider à voir ce qui a fonctionné, ce qui peut être
renforcé, à identifier les aspects positifs et ne pas se concentrer seulement sur les aspects
négatifs ;
- Identifier les bénéfices qu’ils vont retirer de leur participation à ce projet (apprendre à se
présenter, avantage sur leur CV…)
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Les jeunes sans famille et leur accompagnement vers une vie adulte : le projet de recherche européen Life after institutional care Filippo Agostino L’association Amici dei Bambini (www.aibi.it, www.childout.org ) qui, depuis 1986, travaille avec les
enfants et les adolescents sans famille, a conduit dans cinq pays européens (Italie, France, Lettonie,
Bulgarie et Roumanie) une recherche sur les jeunes sans famille sortant des systèmes de protection de
l’enfance.
La recherche a souligné les principaux points faibles des systèmes:
- Peu de prise en compte de ces cas de figure spécifiques,
- Manque de préparation individuelle et spécifique,
- Nécessité d’améliorer la collaboration entre tous les acteurs impliqués
- Nécessité de modifier l’âge de la sortie.
Elle a donné lieu à la publication d’un ensemble de lignes directrices afin de favoriser leur insertion
sociale (www.childout.org).
Dans le cadre de ce projet, les jeunes sont au cœur de la réflexion permettant de développer des
stratégies d’accompagnement à la sortie des systèmes de la protection de l’enfance.
Une vingtaine de jeunes sans famille de 17 à 25 ans - provenant d’Italie, de Roumanie, de Bulgarie, de
République Moldave, d’Ukraine et de Lettonie et issus de différents établissements de protection de
l’enfance – ont été conviés à Bucarest (Roumanie) en avril 2009 et à Bologne (Italie) en décembre 2009
pour parler de ce sujet et d’établir des recommandations sur l’accompagnement à la sortie.
Les jeunes de nationalités différentes ont ainsi eu l’opportunité d’expérimenter un travail collectif. Ils ont
donc fait l’expérience d’un engagement participatif et responsable.
Pour mieux se préparer à ces rencontres, les jeunes se sont mobilisés : ils ont cherché, dans leur ville, les
services sur le territoire qui peuvent participer à la concrétisation de leur insertion sociale.
En Italie, le projet a abouti à la réalisation d’un cd-rom en italien (www.childout.org/cd) pour les jeunes
sortants des systèmes de protection de l’enfance. Le cd-rom propose de nombreuses informations, de
sites web, de contacts et de recommandations sur les services locaux (spécifiques ou non) pour trouver
un travail, un logement, un conseil sanitaire, etc.
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Débat autour des présentations de la matinée
Q. : Coup d’Pouce, association de protection de l’enfance (Meuse)
Vous ne voyez que des professionnels pour mener l’approche éducative et sociale des jeunes sortantde
l’ASE. En effet, en 30 ans d’activité, je me suis rendu compte que, parfois, le professionnel ne peut tout
assurer tout seul.
C. Polge : Il me semble que vous faites allusion à la possibilité d’associer d’autres professionnels mais
également des bénévoles. La capacité de mobilisation la plus importante est indispensable, et c’est
même un gage de réussite, mais il est nécessaire, pour cela, que des professionnels formés et qualifiés
accompagnent et de soutiennent ces bénévoles. Professionnels et bénévoles sont complémentaires,
mais il me semble qu’aujourd’hui, la majorité du dispositif s’appuie sur des professionnels
Coup d’Pouce, association de protection de l’enfance (Meuse)
Cependant, concernant les enfants de l’ASE, la concrétisation de la loi s’appuie sur des associations de
protection de l’enfance.
De la salle : Pourquoi avez-vous éprouvé le besoin de dissocier le contrat CSAJ entre insertion et
ASE ? Combien de CSAJ sont signés chaque année et comment se répartissent-ils entre insertions et
jeunes de l’ASE ? Quel est montant touché par chaque jeune ? Quel est le montant versé par le Conseil
Général ? Quelle est la proportion de filles et de garçons ?
A. Métois : La différence entre insertion et ASE sert juste à expliquer qu’il existe deux volets pour un
même contrat d’autonomie des jeunes. Les modalités de soutien sont différentes mais l’objectif de ce
dispositif est de rapprocher ces deux mondes, aider la protection de l’enfance à s’intégrer davantage
dans l’insertion professionnelle. Les missions locales ne servent pas uniquement à l’insertion
professionnelle comme le montre le rapport Schwartz.
En 2008, environs 800 jeunes ont bénéficié d’un CSAJ, ils étaient 900 l’année précédente. Environs
360 jeunes ASE bénéficient d’un contrat CSAJ, depuis le début du dispositif. Le nombre de jeunes au
titre de l’insertion a diminué car l’entrée dans le monde du travail se fait plus facilement depuis 2006. En
2009, le dispositif est plus largement sollicité par ces jeunes en recherche d’emploi, en formation
professionnelle ou sans soutien familial.
La proportion de filles représente 57 à 60% des effectifs. Comme dans nos dispositifs d’ aide aux
jeunes ou de fonds pour le permis de conduire, il s’agit d’un public plus capté. Plusieurs explications
apparaissent : les femmes sont toujours plus précarisées dans le monde du travail et, sans doute, la
démarche de contractualisation leur apparaît plus facile. Par ailleurs, le public du CSAJ représente de
nombreux jeunes en intérim, qui parvient à subvenir à ses besoins. Or les femmes ne bénéficient pas
de cette possibilité. Aujourd’hui, il est vrai que l’intérim est en crise.
L’aide financière maximum est de 455 euros/mois, plafonné au RSA sans abattement du forfait
logement. Elle est cumulable avec lune aide du fonds d’aide au jeune, par exemple dans le cadre d’une
formation spécifique ou une installation au logement. Elle est compatible avec les aides des
associations, par exemple, La Maternelle, qui, dans notre département, offre des secours ponctuels,
pour un projet précis, qui s’adresse aux jeunes de l’ASE. L’idée est d’avoir recours à ces différents
dispositifs. Dans le cas d’un jeune est boursier ou stagiaire en formation professionnelle, nous voyons
ensuite s’il a besoin d’une rallonge via le CSAJ.
Le coût du CSAJ pour le département, hors protection de l’enfance (i.e., les 360 jeunes de l’ASE qui
bénéficient d’un CSAJ et vivent en établissement ou en lieu de vie, ce qui représente un coût supérieur
portant sur la PE). , représente 750 000 euros environs pour cette année. Ce budget est consacré aux
aides financière directement versées aux jeunes.
Q : Existe-til des passerelles, pour le financement des professionnels, avec la Région ?
A. Métois : Au-delà de 21 ans, la prise en charge en protection de l’enfance n’est plus possible ; de 21 à
25 ans, le CSAJ propose une aide financière, ayant toujours le même plafond.
Le professionnel référent qui suit le jeune dans le cadre de son contrat peut être le conseiller de la
mission locale, l’AS du secteur… Il ne reçoit pas de financement spécifique pour son accompagnement,
cela fait partie de son travail. Il s’agit de la formalisation d’un accompagnement qui peut exister déjà de
fait, avec une aide financière.
CG Loire Atlantique : Les missions locales sont payées en fonction du nombre de dossiers traités, pour
instruire les dossiers et organiser leur passage en commission.
Q : D’après la présentation d’I. Fréchon, 5 à 9% des jeunes obtiennent le bac et 30 à 40% obtiennent un
diplôme de l’enseignement professionnel. Or l’enseignement professionnel permet d’aller jusqu’au bac
et au-delà. Ce résultat me surprend.
I. Fréchon : Il s’agit de résultats non cumulés. Nous avons demandé quel était le dernier diplôme obtenu
d’une part et nous posons la question 5 à 10 ans après l’obtention de ce diplôme. Donc pour 30 à 40%
des sondés, le dernier diplôme obtenu est un diplôme d’enseignement professionnel, pour 5 à 9%, il
s’agit du bac et plus. Sur un petit échantillon de 68 jeunes filles, 16% ont obtenu un diplôme plusieurs
années après la sortie de leur dernière prise en charge. Il faut également savoir que ces jeunes qui ont
pu reprendre des études, par la suite, ont pu mettre en place un système de solidarité familiale, qu’il
s’agisse soit de liens avec leurs parents, soit de leur conjoint qui a pu subvenir à leur besoin alors qu’ils
reprenaient des études.
Q : Serait-il possible alors de préciser le niveau d’enseignement professionnel dont vous parlez ?
IF : Nous n’avons pas précisé BEP et CAP. En effet, il s’agit dune étude de long terme, certains
diplômes datent de 1980, époque où la nomenclature n’était pas la même, ce qui rend la comparaison
particulièrement difficile.
Q : De façon très pragmatique, comment se passe le passage à 18 ans d’un enfant accueilli par
exemple dans une MECS, au dispositif que vous proposez ?
A.Métois : De manière symbolique, le passage est moins marqué que lorsqu’il y avait le contrat jeune
majeur où le jeune était reçu par l’inspecteur avec son référent. Concrètement, le référent explique au
jeune ce qui va se passer. Parfois le référent commence à expliquer la suite des évènements, le type de
contrat à un groupe de jeunes, ce qui va changer pour eux à la majorité. Les deux approches,
individuelles et collective sont possibles en fonction des collègues, pour expliquer les conditions de leur
nouveau statut et le type de contrat qu’ils peuvent demander. La prise en charge ne change pas
obligatoirement. Il peut rester dans le même type d’institution, ou d’accueil familial à l’âge de 18 ans. Il
lui est simplement demandé de formaliser par écrit sa demande et que son dossier sera examiné en
commission.
Le référent, lorsqu’il explique le changement qui arrive à l’âge de 18 ans fait tout un travail de
pédagogie, autour de ce qui change pour le jeune, de ce qui va lui arriver… Certains collègues tentent
aujourd’hui des expériences collectives, notamment pour les jeunes accueillis par des assistantes
familiales. Ils en réunissent une dizaine, expliquent les choix qui s’ouvrent à eux.
Q : Est-ce que ce dispositif permet une pris en charge physique à l’ASE des jeunes qui ne sont pas
connus des services sociaux ?
A. Métois : oui, il le eprmet, bien que nous ne l’ayions pas mesuré de prime abord. Sur les 360 jeunes
ASE, entre 60 et 70 par an n’étaient pas pris en charge au titre de la protection de l’enfance, comme
mineurs. Cela signifie que la rupture pour ces jeunes intervient à 18 ans. Nous avons tenté de dresser
leur profil et avons trouvé qu’un certain nombre de ces jeunes se sont trouvés dans une situation de
rupture familiale importante à la majorité. Cela concernait également nombre de jeunes femmes
d’origine maghrébines prises dans des conflits familiaux très forts à ce moment-là. Ces jeunes se
retrouvaient sans ressources et en très grande difficulté et sont arrivés dans ces dispositifs de
protection de l’enfance par ce biais. La question est bien sûr de savoir si la protection de l’enfance est
ce qui convient le mieux à ces jeunes, ou sont-ils dans la recherche d’un logement, d’un boulot… ?
Avec le CSAJ, nous avons cherché à construire un dispositif entre deux, avec un renforcement de
l’accompagnement social et un hébergement en foyer de jeunes travailleurs. Cela nous conduit à des
prises en charge plus adaptées. Il s’agit de proposer un entre deux, même si je sais que, dans d’autres
départements, les jeunes ne peuvent être accueillis en protection de l’enfance après leur majorité..
Q : Je travaille en CHRS, accueillant des femmes de 18 à 30 ans. Il me semble que ce discours autour
des aides financières ne sert à rien. Lorsque nous recevons des jeunes sortant de protection de
l’enfance avec un pécule d’environs 500 euros, elles arrivent dans une autre dispositif. L’arrivée en
CHRS relève d’un contrat pour intégrer un dispositif adulte, financé par la Ddass et l’Etat. Les femmes
se retrouvent avec une aide à l’insertion de 200 euros/mois, pour se nourrir, se vêtir, avoir une certaine
hygiène. Nous ne pouvons faire plus. Nous souhaitons créer des liens avec les partenaires, d’une part
pour aider ces jeunes filles, les aider à devenir autonomes. Mais nous souhaitons également travailler
avec vous en amont pour préparer ces jeunes et les aider à venir dans ces dispositifs. Il est nécessaire
d’éviter ces ruptures permanentes créées par ces structures et que ces jeunes puissent prendre leur
autonomie.
De plus, il arrive souvent que les jeunes femmes, à l’issue de leur prise en charge en CHRS doivent
retourner en foyer de jeunes travailleurs, ce qu’elles vivent de manière régressive, ne comprennent pas
elles ont donc besoin d’échanger…Nous avons donc un gros travail commun à élaborer ensemble pour
assurer le meilleur passage possible à l’âge adulte.
Q : Je travaille dans un centre d’hébergement pour les jeunes de 18 à 25 ans à Paris. 40% de jeunes
arrivent sous contrat jeunes majeurs. Or nous constatons que nombre d’entre eux se retrouvent en
centre d’hébergement d’urgence à l’issue de leur contrat jeune majeurs et doivent tout recommencer
après la fin de leur contrat.
Q : Concernant les travaux de recherches, a-t-il été possible d’interroger parents sur l’accompagnement
dont ils ont pu bénéficier lors du placement ? Nous avons parlé de rupture, il existe de nombreux
travaux sur les jeunes, mais les jeunes font partie d’une histoire de famille. Pour aider ces jeunes, ne
faut-il pas également envisager la manière dont ces familles ont été accompagnées, notamment en cas
de rupture, de placement… Il arrive souvent que les travailleurs sociaux suivent des enfants, et donc
leurs parents. Au fur et à mesure que les enfants sont placés, des déménagements, des changements
d’équipe, y-a-t-il une personne garante du lien entre la famille et l’enfant, au-delà des
déménagements ?
PR : Dans la Drôme, une étude a été réalisée sur les enfants sortant de l’ASE, entre 18 et 25 ans. Elles
partent de la parole du jeune à qui il est demandé de citer 5 personnes ayant compté pour lui dans son
parcours et qu’il sera possible de réinterroger. Au départ, l’idée de cette étude était d’interroger le jeune,
le professionnel et les parents. Or, à ce moment de transition, entre 18 et 25 ans, pas un seul jeune ne
parle de ses parents biologiques. Des jeunes ont indiqué n’avoir plus aucun contact avec les parents,
soit ils refusaient que nous prenions contact avec eux à ce moment-là, peut-être parce qu’il s’agit d’une
période conflictuelle (prise d’autonomie, fin de l’adolescence). Nous avons donc interrogé des référents
ASE, des professionnels et seulement deux parents.
IF : Emilie Potin, qui soutient sa thèse le 18 décembre 2009, a interviewé des jeunes, leur famille
d’accueil ou les éducateurs, les parents. Elle montre clairement qu’il s’agit de 3 trajectoires menées en
parallèle. Dans les parcours longs, on se rend compte que les parents, au bout d’un moment, ont leur
vie à côté, ont d’autres enfants, ont pu créer une autre famille et ne sont pas toujours là lors de la sortie.
Le temps de la sortie n’est pas le moment le plus opportun de solidarité familiale et de lien avec les
parents. Nombre de jeunes arrivent à l’ASE vers 14 15 ans, en conflit avec leurs parents, qui perdurent
quelques années après la sortie. Ils ne peuvent donc à ce moment-là, compter sur la solidarité familiale,
les liens se recréent plus tard.
Vous vous interrogiez sur ce qui est travaillé avec les parents, pendant le temps du placement. Cela
dépend de ce qui est mis en place. Certaines prises en charge ne travaillent pas avec les parents le
temps du placement, pour permettre au jeune de se reconstruire ensuite. Il s’agit de choix locaux.
AC. Dumaret : Il existe de nombreux travaux avec les parents d’enfants confiés à l’ASE mais ces
enfants sont jeunes, et il s’agit de situations particulières (placements familiaux thérapeutiques ou
spécialisés). Ils sont demandeurs pour eux-mêmes et pour le suivi de l’enfant. Le travail de Marie-Pierre
Mackiewicz dans les pouponnières montre que plus le temps du placement est long, plus le risque de
décrochage des parents est important.
Q : Qui porte la parole de l’enfant, de l’usager de l’ASE ? Certains, comme moi, ont été placés et, par le
biais d’associations d’anciens, notamment dans le cadre des ODPE, peuvent représenter la parole de
l’enfant que nous allons chercher.
Q : Disposez-vous d’une certaine visibilité dans les cas de rupture les plus significatives pour les jeunes
en protection de l’enfance et les autres ?
A. Métois : Environs 20% des jeunes qui bénéficient d’un CSAJ au titre de la protection de l’enfance le
rompent avant son terme, soit de leur propre fait, soit, plus rarement, sur décision de la commission. En
effet, le droit à l’erreur est reconnu. Nous essayons ensuite de travailler sur des questions du type : ce
projet est-il réaliste ? Il n’en reste pas moins que les jeunes de protection de l’enfance rompent
davantage leur contrat que les autres. Peut-être s’agit-il d’une question de continuité : pourquoi faut-il
que quelque chose change puisque la prise en charge ne change pas forcément ?
Cependant, lorsqu’ils tiennent leur contrat sur plusieurs années, la sortie est positive en termes
d’insertion professionnelle et sociale. Le contrat dure plus longtemps, ils acquièrent plus de maturité.
Sur 190 parcours de jeunes ASE et hors ASE, les jeunes ASE sortaient avec 70% de résultat positifs en
termes d’accès à la vie professionnelle ou à un diplôme. Le travail qui est mené avec eux est donc un
travail de qualité, même si cela prend plus de temps.
Q : Cette présentation met en évidence le problème de la gouvernance des dispositifs. Ces derniers
sont souvent cloisonnés en raison de leur appartenance à une organisation du département, de l’Etat…
etc… Comment imaginer aujourd’hui une organisation sur un territoire donné qui pourrait être pilotée
par un acteur ayant compétences pour créer du lien entre l’ensemble des dispositifs et qui pourrait
intégrer l’ensemble de l’accompagnement social, éducatif, d’aide économique.
De la salle : Je suis d’accord avec vous, mais nous ne pouvons rajouter de nouvelles strates à des
organisations déjà complexes. Notre dispositif fonctionne car nous accueillons des jeunes sortant de
protection de l’enfance. Il suffit de faire de l’étayage en amont, de préparer ces sorties et d’expliquer
aux jeunes ce que peut être une prise en charge dans un CHRS, afin qu’ils puissent se le représenter.
En termes de financement, majeurs, ils disposent des filières de droit commun.
Q : Les attentes des jeunes qui sortent de protection de l’enfance portent autour de la sécurisation et
notamment du logement. Cette question doit être davantage travaillée. Si les jeunes issus de l’ASE sont
reconnus prioritaires dans le cadre du DALO, ce qui n’étonnera personne, ils doivent cependant
présenter de nombreuses garanties. De nombreux jeunes, en raison de ces difficultés, doivent retourner
dans leurs familles, à leur majorité, alors qu’ils ont pu être accueillis pendant plusieurs années, lorsqu’ils
étaient mineurs. En Isère nous cherchons des solutions, mais c’est compliqué. Nous souhaitons que ce
public soit donc reconnu comme prioritaire.
Q : L’un des référents du jeune peut-il être référents CHRS ? De plus, existe-t-il d’autres dispositifs pour
les jeunes ? Les jeunes de 18 ou 21 ans ont besoin d’un renforcement éducatif intense, ils n’ont pas fini
d’être éduqués. Or ils arrivent dans les structures ayant le moins de moyens, tels que les CHRS. Ils
demandent des contrats jeunes majeurs parce qu’ils n’ont pas de travail, pas de formation achevée…
Q : Les besoins des jeunes n’ont pas changé depuis que j’ai commencé à travailler en foyer, en 1981.
Ils ont besoin d’un appartement, malheureusement il devient difficile de se loger. En Seine-Saint-Denis,
des centaines de familles sont logées dans des hôtels par l’ASE. Cela coûte des millions. Les jeunes
ont besoin d ‘un logement, d’un travail d’une vie sociale pour avoir un réseau. Or les moyens sont de
plus en plus restreints.
En AEMO judiciaire, nous venons d’être confrontés à une situation dramatique : un jeune en grande
difficulté psychotique, qui vient d’une cité très difficile de Seine Saint Denis. La PJJ nous a envoyé ce
jeune en juin car elle ne peut plus financer ce qui est mis en place les aides de soutien aux jeunes.
Ainsi, 4 jeunes pris en charge par la PJJ qui ont d’importants problèmes familiaux et qui ont besoin de
soutien ne sont plus pris en charge. Ce jeune n’a plus d’aide. A l’ASE du 93, les juges de Bobigny ne
font plus de PJM, d’aide aux jeunes majeurs. Un délai de 3 mois pour que l’ASE prenne en compte nos
demandes. Nous n’avons pas le temps de demander des PJM. Les jeunes doivent défendre un projet,
être dynamiques. Or ceux dont nous nous occupons ne sont pas dynamiques, ils n’ont plus le goût de
vivre.
Aussi, je me demandais quelles sont les relations entre le CSAJ et l’ASE ?
A.Métois : notre service fait partie de l’ASE. La politique d’insertion des jeunes fait partie de la politique
solidarité insertion.
CG Loire Atlantique : Lorsque les PJM ont cessé, nous n’avons pas voulu les transformer en CSAJ. La
transformation des PJM en CSAJ se fait en fonction de l’intérêt de l’enfant.
∞∞∞∞∞∞ ∞∞∞
Préconisations du groupe de travail :Le temps de l’accueil,
Isabelle David-Lairé, Fondation d’Auteuil
Les recherches internationales et européennes montrent que l’efficacité du travail d’accompagnement à
la vie adulte est d’abord liée à la qualité des suppléances antérieures (Stein et Munro, 2008). Prenant
acte de ces résultats, le groupe de travail préconise de porter attention durant la prise en charge à la
stabilité et à la continuité de l’aide, à offrir un espace de réflexivité à l’enfant sur ses liens pluriels
d’attachement, et à favoriser les expériences plurielles « d’autonomie accompagnée » durant l’accueil.
Porter attention durant la prise en charge à la stabilité et à la continuité de l’accueil pour
permettre à l’enfant de s’inscrire dans des apprentissages
Les recherches en Australie et en Angleterre montrent que les résultats sont meilleurs quand le
placement a été stable. La stabilité de la trajectoire7 permet de développer un sens positif d’identité, un
sentiment d’attachement, une inscription dans des enseignements (Stein Munro, 2008). Les recherches
anglo-saxonnes montrent notamment que l’éducation et le diplôme dépendent plus de la stabilité du 7 Une étude sur les trajectoires de prises en charge en protection de l’enfance dans deux départements montre
qu’en moyenne les enfants connaissent trois placements et, pour 25% d’entre eux, quatre placements ou plus
(Frechon, 2009).
placement, de sa longueur et du support de l’entourage dans les études que du travail
d’accompagnement à la sortie (Stein Munro, 2008, Goyette, 2007). De même, en France, les
recherches quantitatives ont pu montrer que la proportion de diplômes était plus élevée chez les enfants
qui ont des supports familiaux et une expérience longue de placement (Dumaret, 2008).
D’où l’idée de favoriser la continuité et la stabilité de l’accueil pour permettre à l’enfant de s’inscrire dans
les apprentissages, de réaliser une formation diplômante qui facilitera son insertion à la sortie. La
continuité des parcours peut être programmée et évaluée dans le cadre du projet pour l’enfant, nouvel
outil créé dans la loi du 5 mars 20078.
Aider l’enfant durant la prise en charge à développer une analyse réflexive sur son histoire
familiale et ses liens d’attachement pluriels
Le développement d’un sens positif d’identité est également lié aux liens d’attachement créés pendant
le placement, à la compréhension par le jeune de son histoire familiale, et à la manière dont il perçoit
son influence sur sa propre biographie (Stein, 2005).
Quant à savoir ce qui donne de meilleurs résultats à la sortie entre le maintien des liens avec la famille
biologique durant l’accueil et/ou le support à l’investissement de liens avec le lieu d’accueil, cette
question épineuse n’a pas trouvé de réponses dans la recherche (Greg, 2000)9.
En l’absence de résultats effectifs, les pratiques en la matière sont plus guidées par des théories
implicites, des positionnements idéologiques, l’évolution des valeurs dans le travail social et des
législations. Du fait de la législation en vigueur, centrée sur l’autorité parentale qui favorise le retour en
famille, le choix est fait dans la pratique dans la majorité des cas de maintenir les liens biologiques. Il
reste que cette question est non résolue dans la recherche comme dans la pratique.
Néanmoins un consensus s’opère dans la recherche comme dans la pratique sur la nécessité d’offrir
pendant l’accueil un espace de réflexivité à l’enfant afin qu’il puisse comprendre son histoire familiale et
appréhender les liens qu’il a construits durant l’accueil, pour parvenir à se réapproprier sa propre
biographie.
Favoriser les expériences plurielles « d’autonomie accompagnée » durant la prise en charge
8 Un travail de l’Oned est actuellement en cours sur cette question.
9 Certes, dans les situations de placements courts, les recherches ont montré que de faibles contacts avec la
famille biologique faisaient chuter les chances d’un retour au domicile familial (Millham et al., 1993). En
revanche, les recherches sur les placements de long terme, ont produit des résultats mitigés. Barth and Berry
(1988) ne trouvent pas de différences significatives dans le nombre de ruptures entre les enfants pour lesquels
des contacts avec la famille biologique ont été maintenus et ceux pour lesquels ce n’est pas le cas. Tandis que
dans une étude sur plus de 1000 placements, Fratter (1991) montre que le maintien des liens avec les parents
biologiques constitue un facteur de protection et permet de meilleurs résultats. Plus récemment Quinton (1997)
n’a pu trouver aucune preuve d’une meilleure adaptation ou de meilleur résultat scolaire pour les enfants pour
qui les contacts avec la famille biologique ont été maintenus.
S’appuyant sur des expériences innovantes, le groupe de travail préconise également de favoriser,
durant la prise en charge, des expériences plurielles « d’autonomie accompagnée » afin que
l’autonomie ne soit pas une simple injonction mais un principe éducatif travaillé tout au long de la prise
en charge. La mise en situation permettra au jeune de prendre confiance en lui par l’expérimentation.
Il est important que l’autonomie soit travaillée tant pour les jeunes en institution que pour les jeunes en
famille d’accueil. On notera que la tâche peut être moins aisée pour ces derniers du fait de la relation
particulière qui peut les lier à l’assistante familiale d’une part, et d’une moins grande présence de
dispositifs d’expérimentation de l’autonomie qui leur soient spécifiquement adressés d’autre part.
Présentation d’une expérience : appartement Le Charlemagne, Association Samuel Vincent,
Nîmes, Marc Joubert
Le dispositif que je vais vous présenter a pour objectif de préparer l’adolescent à la majorité, à partir de
différentes structures. Dans le cadre de la MECS Samuel Vincent, est mené un travail sur le repérage
familial avec l’adolescent. Je tiens à remercier Monsieur Polge, ancien directeur de la maison d’enfants
Samuel Vincent, qui a initié ces pratiques.
Je suis chef de service éducatif sur un service adolescent qui compte 12 prises en charge et sur un
service de jeunes majeurs qui accompagne en moyenne 60 situation chaque année depuis plus de 20
ans. Nous avons accompagné environs 700 jeunes majeurs, dont 10 % sont issus du service
adolescents de la Maison d’enfants Samuel Vincent. Pour cela, nous avons institué un rite de passage
à la majorité. Le jour de ses 18 ans, l’adolescent quitte l’appartement ou le studio pour mineurs et il est
accompagné dans un appartement ou un studio pour majeurs. Ce même jour, il change d’équipe
éducative. Cette méthode pourrait paraitre quelque peu abrupte, mais elle est accompagnée et
expliquée dès la prise en charge de l’adolescent. L’acquisition progressive de l’autonomie vise à
garantir la stabilité du placement et le maintien du lien, facteurs nécessaires à l’acquisition de
compétences.
Pour y parvenir, nous avons développé des outils s’inscrivant autant que possible dans des cadre de
droit commun. Le service du Charlemagne prend en charge deux adolescents et adolescentes de 15 à
18 ans. Ils peuvent être accompagnés dans le cadre d’un hébergement, de modalités SRPMN ou en
accueil de jour. Ils peuvent être hébergés dans différents lieux, en chambre individuelle dans un
appartement collectif, en studio, en foyer de jeunes travailleurs. Ce service est ouvert toute l’année.
Ce service éducatif est composé de cinq éducateurs à temps plein, un mi-temps et un mi-temps de
psychologue. La nuit est assurée par un veilleur. La structure est composée de deux appartements
réunis, situés au 4ème étage d’un immeuble locatif, à proximité du centre-ville de Nîmes, ce qui facilite
les déplacements et les réponses qu’offre la ville en termes de transports en commun (arrêts de bus,
gare SNCF, services publics). Ce cadre de vie est proche du fonctionnement qui va être celui des futurs
jeunes majeurs.
Dans l’appartement, la crise de l’adolescent ou la théâtralisation aura des conséquences directes sur
l’ensemble du groupe, sur la place de l’institution. Le rappel doit être fait par l’éducateur, mais
également par les autres adolescents qui souhaitent préserver leur image. Le lendemain, le regard ou
les plaintes du voisin concernant les nuances dont il est victime prend une autre dimension et les met à
leur place de citoyen.
Dans cet appartement, est pris en compte le travail scolaire, les centres d’intérêts de chacun.
L’inscription dans un club extérieur, leur participation à des soirées culturelles en ville est privilégiée. Ils
peuvent recevoir des amis et partager leur repas avec eux. A partir de sorties à thèmes, de
déplacement en groupe puis seuls, ils sont amenés à se retrouver dans des lieux où il y a du monde, où
ils doivent attendre, poser des questions. Pour la recherche d’emploi, l’adolescent est également
accompagné dans un premier temps afin de repérer ses difficultés. Ils sont amenés à prendre en
charge leur santé. En effet, jusque-là, ils n’ont fait qu’exécuter les commandes. Les adolescents en
familles d’accueil ou en établissement sont bien soignés et à jour de leurs vaccinations, mais ils ne sont
pas capables de téléphoner pour prendre rendez-vous et de passer la porte du cabinet médical.
L’éducateur n’est pas toujours présent dans l’appartement. Il peut participer à des réunions ou à des
rendez-vous à l’extérieur. Ces absences permettent de mesurer comment l’adolescent se prend en
charge et gère la frustration de en pas avoir de réponse immédiate.
Une autre étape vers la citoyenneté consiste à utiliser trois studios situés à proximité de cet
appartement, mais dans des lieux bien distincts. La distance donne aux adolescents une autonomie
quasi-complète, mais permet un passage quotidien de l’équipe éducative et facilite les interventions
rapides quand cela se révèle nécessaire.
Le passage en studio est un principe lié à une certaine autonomie : se lever le matin pour aller en cours,
gérer les relations extérieures, mais il faut être conscient que rien n’est totalement acquis chez un
adolescent.
Le studio représente la liberté, mais aussi l’apprentissage de la solitude, ce qui peut être complexe pour
un adolescent, qui peut en ressentir une grande souffrance. Il faut donc être vigilant. Il doit gérer de
nombreux éléments dont il ne prend pas vraiment conscience : entretenir le studio, ne pas perdre ses
clefs, se faire respecter. L’allocation lui permettant de prendre en charge sa nourriture, l’entretien du
studio, l’argent de poche sont versés au début de la prise en charge, chaque semaine.
Progressivement, selon l’évolution du jeune, elles sont versées globalement. Le studio permet
également d’initier le jeune aux dépenses d’eau, d’électricité, à travers la relève et le suivi réguliers des
compteurs avec l’adolescent.
Le studio permet également de vivre différemment les relations familiales : l’adolescent peut diminuer le
temps passé en famille, ce qui, dans de nombreuses situations, apaise les conflits. Il peut également les
inviter dans son studio.
Nîmes compte 4 foyers de jeunes travailleurs, ayant des seuils de tolérance, une population et un
encadrement différents. Ces éléments sont pris en compte pour héberger les adolescents ayant des
difficultés à gérer un minimum d’autonomie ou des difficultés à vivre seul. La diversité de ces outils
permet d’adapter les réponses d’apprentissage progressif, d’éviter des ruptures, de maintenir le lien.
Lorsque ces structures ne sont pas adaptées et pour ne pas tomber dans l’exclusion, nous avons, à
plusieurs reprises proposé d’autres solutions : à partir du lieu de vie du jeune, hébergement chez des
amis, en couple, ou en squat.
Sur 86 jeunes majeurs accompagnés en 20007 et 208, 30 ont un parent décédé, 5 ne connaissent pas
leur mère ou leur père ; Ces chiffres donnent une idée de leur isolement à moins de 21 ans. Le contact
avec les parents est parfois maintenu à bout de bras par les équipes, les injonctions des juges.
Certaines relations sont tendues, d’autres rompues. Certains parents sont isolés loin de leur lieu
d’origine. Ils peuvent refuser que leurs enfants prennent contacts avec certains membres de la famille.
Les adolescents ont peu de relations amicales fiables. Je me suis retrouvé à plusieurs reprises à
l’enterrement de jeunes de 20-23 ans, avec seule la mère et le travailleur social, mais sans un ami ni un
autre membre de la famille.
L’hébergement gratuit chez un copain s’inscrit rarement dans la durée et ne reste pas longtemps gratuit.
Pour avancer dans son apprentissage, l’adolescent doit prendre conscience de sa situation, repérer son
cadre social, savoir comment il se situe, d’où il vient, et trouver un intérêt à son histoire. Si l’adolescent
a réfléchi sur son histoire familiale, ses carences, les ouvertures possibles de sa place au sens large,
s’il se sent acteur de son histoire, il améliora sa confiance en lui. Pour s’y intéresser, nous avons mis en
place une « fiche d’investigation » et lui proposons un accompagnement particulier à partir de ce
support écrit. Ce service est proposé au cours des trois premiers mois de son arrivée dans le service
adolescent, au moment jugé opportun par l’éducateur, quand se met en place un climat de confiance.
L’éducateur est attentif à toute réflexion sur la famille, qui peut avoir lieu au cours d’un moment de
discussion ou d’un repas ou d’une activité. Cela peut être un moyen d’engager un dialogue sur ce qui
suit : « veux-tu que nous en parlions ? ». L’entretien a lieu dans le bureau, lorsque deux éducateurs
sont présents, afin que l’entretien ne soit pas interrompu. A partir du schéma de l’arbre généalogique,
adapté à la situation du jeune, s’engage l’entretien. Pour libérer la parole, l’éducateur retranscrit les
propos de l’adolescent, ce que ce dernier perçoit de son parcours, de son environnement familial, qu’en
dit-il ? Progressivement, tous les aspects sont abordés : les compagnons de ses parents qui ont compté
pour lui, leur profession, la naissance de demi-frères et sœurs, les décès, ceux qu’il voit, ceux qu’il ne
voit plus, ceux qu’il aimerait voir, l’approche de la scolarité, redoublements, échecs scolaires fait
souvent référence à des déménagements multiples. A partir de l’écrit, il se positionne. Par exemple : ma
mère est fâchée avec ma grand-mère, mais pas moi. Il développe et existe en tant qu’identité propre et
se réapproprie son histoire.
L’éducateur parle souvent d’une bulle qui se crée au cours de cet entretien, d’un moment privilég ié.
L’adolescent sait qu’on lui donne la parole et que ce qu’il dit nous intéresse, sa parole nous intéresse. Il
sait que ce travail va servir à l’équipe et sera un support pour l’aider à avancer. A partir de cet écrit, il
verbalise son inquiétude ou son projet de vie : « il est hors de question que je devienne comme mes
parents ? Vais-je être capable de fonder une famille ? Vais-je reproduire ce que j’ai vécu ? ». Il peut
poursuivre ce travail de repérage seul, avec nous, ou avec un psychologue afin de trouver un sens à
une histoire compliquée, à travers laquelle le non-dit, le secret, l’interdit peuvent parsemer le chemin.
Ce travail souvent conduit à questionner la famille. Il est arrivé que le contact soit rétabli avec des
oncles, tantes ou cousins éloignés. Dans d’autres cas, ils ont mené des démarches pour consulter leur
dossier à l’ASE.
La place de l’adolescent est également abordée à d’autres niveaux, ses amis, ses goûts : comment se
perçoit-il ? que dit-il de lui ? Qu’aime-t-il ? Les adolescents sont souvent sans réponse et c’est sur ces
points que le dialogue peut s’engager.
Dans un contexte où les jeunes adultes restent chez leurs parents jusqu’à l’âge de 23 ans et parfois
plus, nous devons démontrer, au sein des institutions, nous devons aider les adolescents à acquérir
autant que compétences et de confiance en eux pour continuer à construire leur autonomie.
La préparation du départ et la transition vers l’âge adulte
Marie-Françoise Bellée Van Thong, Conseil Général du Val d’Oise
Les préconisations du groupe de travail décrivent la situation idéale. Nous sommes conscients qu’il n’en
va pas de même dans la vie réelle, dans un contexte de raréfaction des moyens et de réorganisations
des compétences autour de la protection de l’enfance et de la prise en charge des jeunes.
Un consensus s’opère dans la recherche comme dans la pratique sur la nécessité de porter une
attention particulière au temps de la transition entre le départ du lieu d’accueil à la minorité et
l’accompagnement à la vie adulte en développant les outils d’évaluation des capacités d’autonomie du
jeune, en favorisant les sorties graduelles et en développant les possibilités de retours ponctuels.
Développer les outils d’évaluation partagée des capacités d’autonomie des jeunes pour mettre
en résonance les points de convergence et de divergence entre l’éducateur et le jeune
En vue de préparer et d’identifier le moment du départ du lieu d’accueil à la minorité10, il peut être utile
de développer des instruments d’évaluation des capacités d’autonomie du jeune, en s’inspirant des
outils d’évaluation étrangers, tel que ? notamment ? l'outil d’évaluation des aptitudes à la vie
quotidienne d'Ansell-Casey (ACLSA).
Favoriser les départs progressifs, avec des possibilités de retours, adaptés au parcours
biographique des jeunes
Le groupe de travail s’accorde sur la nécessité de favoriser les départs progressifs du lieu d’accueil
durant la minorité pour aller vers l’accompagnement à la vie adulte. La Fédération nationale des
assistants familiaux et la FNADEPAPE ont toutes deux plaidé l’idée d’adapter le moment du départ au
10
L’étude ELAP1 d’Isabelle Frechon (2009) réalisée sur le département de Paris a montré que le dernier lieu
d’accueil était pour les plus gros effectifs le suivant :
29% la famille d’accueil
38% le foyer (dont 8% en lieux de vie ou établissement spécialisé)
13% l’hébergement autonome (dont FJT, Studio associatif, hôtel…)
17% le placement un Internat scolaire
3% un tiers digne de confiance à la famille pour lieu de dernier placement
1% le « placement » chez les parents
parcours biographique des jeunes en tenant compte de leur cursus scolaire et de formation et en
s’extrayant des dates d’anniversaire et des dates de fin de mesure. Sans transgresser le cadre
juridique, il s’agit de garantir la continuité de la prise en charge au jeune en ne faisant pas peser la
menace d’une décision au jour de la majorité. Ce qu’il faut éviter, c’est que la date de fin de mesure soit
un couperet et coïncide avec un changement brutal et non préparé de prise en charge. Néanmoins, à
18 ans, le changement de statut paraît fondamental et symbolique, relié à la législation, et au droit du
jeune de décider ou non de continuer une prise en charge, qui se fera de ce fait dans un autre cadre
juridique. Le groupe de travail recommande également de développer les possibilités de retours
ponctuels en accueil après des expérimentations personnelles.
« Se séparer sans se perdre», permettre une réflexion sur le lien et la question identitaire
La question de la séparation et des choix d’avenir est une question sensible pour le jeune comme pour
le professionnel. L’ambivalence des professionnels et des institutions qui accompagnent un jeune
presque majeur vers son autonomie est certaine. D’un côté, l’autonomie est présentée comme une
injonction forte, elle est présente dans tous les projets d’établissements, et est un concept majeur du
travail social ces dernières années. De l’autre, permettre à un jeune, que l’on a parfois accompagné des
années, avec lequel un lien fort a pu se créer, de s’autonomiser, est quelque chose qui peut être
difficile, voire douloureux. Comme les parents face à leur enfant qui grandit et veut s’émanciper de leur
tutelle, les professionnels du travail social sont confrontés à leurs propres émotions et craintes lors du
départ d’un jeune. Eux aussi doivent préparer ce départ, en analysant leurs pratiques, en changeant
leur posture professionnelle, pour permettre au jeune d’aller réellement vers son autonomie.
Présentation de l’expérience du Val d’Oise et de son évaluation, Le D²EFI et l’outil d’observation
partagé
Patricia Fiacre et Evelyne Clech
P. Fiacre, chargée d’études CEDIAS-CREAHI d’Île-de-France
Pour évaluer le D²EFI, un outil d’observation partagé a été élaboré. Cet outil permet d’une part de faire
le point sur la situation dans tous les domaines de vie (activité de jour, logement, vie familiale, loisirs,
santé) et d’autre part de définir des objectifs et des actions à mettre en œuvre dans chacun de ces
domaines.
L’outil remplit deux fonctions :
Il vise à définir à quelles conditions, un projet de formation ou d’insertion professionnelle peut
être élaboré et mis en œuvre en tenant compte de chacun des domaines de vie qui
apparaissent en lien avec l’insertion professionnelle (logement, santé, relations familiales,
loisirs…).
En observant chaque situation individuelle à deux moments différents (mars-octobre 2009) et
(avril- septembre 2010), nous pourrons voir l’évolution des projets en fonction de la mobilisation
ou non du dispositif D²EFI.
La méthode d’évaluation qui est de fait une méthode « active » puisqu’elle contribue à l’élaboration des
projets individuels repose sur l’observation partagée.
L’observation partagée consiste à croiser plusieurs regards disciplinaires (éducatif, social, médical,
pédagogique, judiciaire, parental) sur une même situation en abordant tous les pans de la vie du mineur
c'est-à-dire ses conditions de vie, sa scolarité, ses relations familiales, sa santé, son parcours
institutionnel, ses projets. L’observation partagée est distincte de l’observation clinique. En effet, l’outil
est construit de manière à favoriser l’échange entre le jeune et les différents professionnels. Il n’utilise
pas de termes techniques appartenant à une discipline et ne demande pas d’avis cliniques sur la
situation (pas de diagnostic, pas de d’évaluation psychologique…). Il permet de faire le point sur les
interventions qui ont eu lieu et celles qui ont manqué le cas échéant et demeurent nécessaires au
regard de la situation du jeune.
Trois principes président à une démarche d’observation partagée :
1. Que les participants définissent ensemble ce qu’il est nécessaire d’échanger.
2. Utiliser un langage compréhensible par tous
3. La même importance est accordée à toutes les observations (éducateur, parent, médecin,
jeune lui-même, enseignant).
Evelyne Clech , CG du Val d’Oise
Qui porte ce dispositif ?
D²EFI prend appui sur le schéma départemental de l’enfance, schéma élaboré dans le Val d’Oise
depuis plusieurs années, conjointement entre le Conseil Général et la Direction Départementale de la
Protection Judiciaire de la Jeunesse et
Enrichi du label d’expérimentation sociale dans le cadre de l’appel à projets 2008 du Haut Commissariat
aux Solidarités Actives contre la Pauvreté et au Commissariat à la Jeunesse.
Qu’est-ce que D²EFI ?
Il s’agit de soutenir les jeunes sont confiés à nos deux institutions et qui sont en difficulté dans leur
insertion professionnelle afin de leur permettre d’accéder à plus d’autonomie par une stabilité
professionnelle et matérielle.
Pour cela nous allons nous appuyer sur les structures d’orientation, de formation, d’insertion existantes
sur le département, en créant autour de ces jeunes une synergie partenariale et un accompagnement
engagé : du jeune lui-même, du référent éducatif et de la structure qui va l’accueillir.
D²EFI, ce n’est pas en soit un dispositif de plus : c’est de la mobilisation, de la mise en réseau d’un
partenariat spécifique pour permettre à des jeunes de se re-mobiliser, de reprendre confiance en eux,
de découvrir ce dont ils sont capables, de retrouver le plaisir de réussir pour se réinscrire dans un
processus et surtout de rejoindre le droit commun.
A qui s’adresse D²EFI ?
* Il faut avoir entre 16 et 21 ans ;
* Bénéficier d’une prise en charge ASE ou PJJ dans le cadre d’un accueil ou d’une mesure de milieu
ouvert ;
* Etre déscolarisé ou non-inscrit dans un parcours de formation ou d’insertion professionnelle. Mais il
s’adresse aux jeunes qui souhaitent être accompagnés dans leur projet d’insertion professionnelle, il
faut donc un certain volontariat de la part du jeune. Dans cette idée, c’est un accès et une sortie à tout
moment.
Comment D²EFI fonctionne t’il ?
Par :
Un état des lieux ressources disponibles en terme de partenaires et de dispositifs pour le mettre
à disposition des intervenants éducatifs et des structures d’accueil :
c’est l’objectif de l’annuaire / guide de ressources ;
l’animation de ce réseau pour que se formalise des passerelles, des aménagements aux règles
d’admission ou de maintien, plus d’accessibilité des lieux de formation :
c’est adapté pour un temps les dispositifs aux difficultés et aux besoins du jeune ;
développer le principe de l’évaluation partagée avec le jeune pour qu’il s’approprie son
parcours et qu’il repère ses atouts et ses appuis :
c’est un engagement pluriel : le jeune, sa famille s’il est mineur, le référent éducatif qui
l’accompagne, la ou les structures qui vont l’accueillir ;
Soutenir l’évolution des pratiques professionnelles :
c’est donner de l’information, mettre en lien, donner les conditions de se connaître dans
ses particularités, élaborer des actions de formation sur les dispositifs pour mieux
soutenir le jeune dans son projet.
Accompagnement à la vie adulte : Développer un nouveau rapport au jeune adulte sortant
Marie-Thérèse Leman, Conseil général du Loiret
Préconisation ONED : l'accompagnement à l'âge adulte
Garantir « une sécurité de base » au moment du départ
Mettre en place des actions de soutien à l'âge adulte intenses, souples, avec des référents
spécialisés, appuyés de réseaux de bénévoles ou de parrainages
Développer un travail éducatif centré sur l'accompagnement d'un jeune, acteur de son projet.
Travailler sur l'avenir du jeune en développant des liens d'interactions et de synergie entre les
différents champs d'autonomie
Développer un nouveau rapport à l'usager, dissocié des figures traditionnelles de l'aide
Le soutien au passage à l'âge adulte: une responsabilité particulière à l'égard des jeunes sortants
Pour la population des jeunes sortants des dispositifs de protection de l'enfance, les pouvoirs publics,
qui ont été amenés à jouer un rôle de suppléance familiale vis-à-vis de ces enfants, ont une
responsabilité particulière à leur égard.
Cependant, la nature de ce soutien après la minorité pose un certain nombre de questions, dans le
sens où il implique de continuer une action éducative avec une personne qui n'est plus un enfant. Cela
suppose une posture nouvelle dans l'approche de cet accompagnement. D'où l'idée que le soutien à
l'âge adulte nécessiterait de développer un nouveau rapport à l'usager, dissocié des figures
traditionnelles de l'intervention psycho-socio-éducative.
L'ambivalence des professionnels et des institutions qui accompagnent un jeune presque majeur vers
son autonomie est certaine. D'un côté, l'autonomie est présentée comme une injonction forte, elle est
présente dans tous les projets d'établissements, et est un concept majeur du travail social ces dernières
années. De l'autre, permettre à un jeune, que l'on a parfois accompagné des années, avec lequel un
lien fort a pu se créer, de s'autonomiser, est quelque chose qui peut être difficile, voire douloureux.
Comme les parents face à leur enfant qui grandit et veut s'émanciper de leur tutelle, les professionnels
du travail social sont confrontés à leurs propres émotions et craintes lors du départ d'un jeune. Eux
aussi doivent préparer ce départ, en analysant leurs pratiques, en changeant leur posture
professionnelle, pour permettre au jeune d'aller réellement vers son autonomie.
Cette même ambivalence peut se retrouver du côté du jeune, pour qui la prise d'autonomie va
interroger son identité. «L 'éloignement, explique P. Jeammet, va être une source de grande
interrogation sur la qualité de ce que l'on a à l'intérieur de soi. (...) Il interroge l'adolescent sur son
identité» (Jeammet, 1997). C'est une période d'essais et d'erreurs, une période de mutations, de
changements et donc une période de crise où l'adolescent va remettre en question ses identifications
de l'enfance au vu des nouvelles que lui propose la société. Le conflit identitaire découle de cette
démarche. Sa volonté de changer et sa résistance au changement vont s'affronter. Ceci va participer à
le déstabiliser. C'est en ce sens qu'Erikson précise que «l'adolescence n'est pas une maladie mais une
crise normative. » Cette étape peut avoir une résonnanee particulière pour les jeunes sortants de
dispositifs de protection de l'enfance qui ne disposent pas toujours de références stables, ni des mêmes
ressources en ternies d'identification, de représentation, de ressemblance ou de dissemblance.
C'est pourquoi il parait important de préparer les jeunes comme les professionnels au départ. 11 est
nécessaire d'une part que les professionnels connaissent mieux les autres outils dont le jeune pourra
bénéficier simultanément ou après sa prise en charge au titre de I'ASE (Mission locale, associations de
quartier, partenaires du champ du logement, de la santé, etc ....), et d'autre part que les établissement
et services permettent une réflexion et une analyse de la pratique autour de cette question spécifique
de la fin de prise en charge.
L'accompagnement à la vie adulte
Il ressort de la littérature sur le sujet et des travaux du groupe, l'intérêt de proposer un
accompagnement à la vie adulte individualisé et sécurisant en développant un nouveau rapport à
l'usager dissocié des figures traditionnelles de l'aide.
Une distinction peut également être introduite ici entre les jeunes pour qui le soutien de la parentèle de
la famille d'accueil est acquis et peut se révéler plus efficient que tout dispositif mais aussi lourd de
responsabilités pour cette dernière et les jeunes ayant essentiellement vécu en institution pour qui le
réseau amical et familial élargi sera le support essentiel de la sortie avec les risques que l'appui soit
aussi précaire que la situation. D'où l'idée de renforcer l'accompagnement à la vie adulte pour ces deux
types de publie.
Développer un nouveau rapport à l'usager, dissocié des figures traditionnelles de l'aide, en se
centrant sur le jeune en tant que sujet
Les projets étudiés convergent pour proposer un rapport à l'usager dissocié des figures traditionnelles
de l'intervention.
Les projets mettent l'accent sur la demande et l'accord du jeune. Il s'agit de se recentrer sur le jeune
pour l'entendre dans l'expression de ses choix, de ses projets, en l'accompagnant au besoin dans leur
réalisation. Les professionnels ne sont plus dans « le faire pour» mais dans « le faire avec ».
Le jeune est considéré comme un sujet de droit, dans une relation de moins en moins
dissymétrique, plus équilibrée avec l'institution ou le référent, basée sur le volontariat, fondée
sur une approche participative et proactive qui fait du jeune l'acteur de ses choix. C'est dans ce
sens notamment qu'au Conseil général du Loiret, nous avons élaboré un référentiel
d'accompagnement du jeune majeur.
Ce paradigme participatif repose sur l'idée que le jeune adulte est un acteur de son développement et
de sa prise en charge. Le but poursuivi est pédagogique pour une plus grande acceptation par le jeune
des décisions mais aussi politique avec l'idée de démocratiser les décisions et de donner plus de
légitimité à l'intervention.
En ce sens, le rapport à l'usager est défini dans le cadre d'une approche contractuelle, où les deux
parties définissent en commun les objectifs à réaliser. En effet, construit dans une logique de
prolongement de la protection, le dispositif d'accompagnement des jeunes majeurs a progressivement
évolué vers une logique de contractualisation.
Référentiel du LOIRET:
Depuis 2005, le CG du Loiret s'est engagé dans l'expérimentation de la feuille de parcours en protection
de l'enfance. En étudiant les situations des jeunes majeurs, il a été envisagé la mise en place d'un
référent spécialisé pour les jeunes majeurs (au 1er décembre 2007). La réflexion menée a conduit à
l'élaboration d'un référentiel «Jeune majeur» et d'un cahier technique
Points essentiels
La transition
Devenu majeur, le jeune doit passer d'un espace «protecteur » à un monde ouvert et potentiellement
(illimité » dans l'espace social. L'accompagnement personnel dans le cadre du contrat d'aide et
d'accompagnement jeune majeur doit être considéré comme un espace de transition pour aider le jeune
à:
- découvrir le monde professionnel,
- - rendre possible des projets,
- - renforcer l'estime de soi ou la restaurer.
La majorité, (le vertige de la liberté) peut créer un état de sidération quine per/net pas la réflexion ou le
recul pour construire un projet, l'attrait de «faire ce qu'on a envie de faire sans entrave » l'emportant sur
le concret.
Ce contrat «jeune majeur» apporte la reconnaissance d'un temps transitoire nécessaire pour que le
jeune puisse assumer sa majorité et accéder au statut d'adulte.
Par cet outil, le référent n'est plus lié au jeune par le même rapport de responsabilité. D'une relation
dissymétrique du fait de la position mineur/adulte, se substitue une relation plus égalitaire,
complémentaire et contractuelle.
Avec la majorité, le travail du référent est de se recentrer sur le jeune pour l'entendre dans l'expression
de ses choix, de ses projets et pour l'accompagner au besoin dans leur réalisation. La majorité vient, en
quelque sorte, dégager le jeune de cette dépendance aux projets qui sont faits pour lui, même s'ils sont
construits avec lui. II est acteur responsable de ses choix.
Fonction, rôles, positionnement du référent accompagnant les jeunes majeurs
Si le référent Protection11 ne se repositionne pas dans la relation d'aide éducative, il risque de
maintenir le jeune dans une dépendance (par rapport à ses représentations) et d'empêcher la création
chez lui d'une confiance construite peu à peu en vérifiant ses propres capacités Il est opportun
d'organiser une césure dans la prise en charge et marquer la différence d'où la nécessité de transférer
la prise en charge à un référent spécialisé
La majorité redéfinit les règles dans la relation aidant/aidé en particulier lorsque le jeune majeur n'est
pas dans une demande, de protection, d'accompagnement, de soutien individuel, éducatif,
psychologique ou d'un besoin explicite d'aide autre que matérielle. Une demande autre que matérielle,
contribue à légitimer la fonction d'accompagnement du référent.
Lorsque le jeune majeur commence à vouloir sortir de ce besoin'< d'assistance », d'aide, de soutien
individuel, qu'il commence à prendre conscience, savoir ce qu'il veut et ce qu'il ne veut pas, à exister
avec ses choix qui peuvent être différents de ceux que le référent avait envisagé, se posent pour le
référent les questions de sa fonction, de ses interventions.
Ce pourrait être pour le jeune majeur, et à l'inverse des intentions d'autonomisation affichées par la
mission, un maintien dans une situation de dépendance au désir de l'autre, au projet que les autres ont
pour lui, dans son intérêt.
La relation d'aide dans ce contexte est d'éviter la dépendance et organiser la séparation, le risque étant
donc voir l'aide donnée créer chez celui qui la reçoit une dépendance chronique à cette aide, d'où
l'injonction d'avoir à éviter une telle dépendance, et, pour ce faire, d'organiser la séparation au fil même
de l'aide.
C'est la question de la fin des prises en charge qui est posée. Une fin de prise en charge trop précoce
ou mal préparée peut effacer tout le bénéfice de l'aide reçue, parfois de façon irréversible.
11
Référent Protection Référent des équipes en Unité territoriale de Solidarité assurant le suivi des mineurs confiés ou pris en charge par
I'ASE.
Du référent Protection au référent spécialisé jeunes majeurs:
Il s'agit d'opérer un changement d'attitude dans la relation d'aide pour faciliter l'accès à l'indépendance
du jeune majeur.
• d'évoluer d'une fonction de référent Protection très prégnante, agissant dans l'intérêt du mineur,
dans un contexte de protection, de besoin/dépendance vers une fonction plus distanciée, moins
prégnante qui laisse la place au jeune majeur pour avancer, dans un contexte rassurant, vers un
équilibre et des choix qui lui conviennent.
• d'assumer ce conflit naissant du désir du jeune de s'affirmer dans ce qu'il est, ce qu'il veut, en
dehors de ce que l'on pense être bien pour lui ou dans son intérêt.
Il peut s'agir pour le jeune majeur mais aussi pour le référent, de rejouer autrement, une sorte de
séparation symbolique qui n'a pas toujours pu se jouer entre lui et ses parents. Autrement dit, il s'agit
pour le référent de savoir exister dans sa fonction "en dehors du besoin qu'il aurait que [autre ait besoin
de lui". La finalité de sa mission est d'aider le jeune majeur à ne plus avoir besoin de son aide sans pour
autant être dans une rupture d'aide du service de l'aide sociale à l'enfance.
La désignation d'un référent spécialisé place la relation d'accompagnement sur cet aspect, en
permettant au jeune majeur de se sentir dégagé de tout sentiment de gratitude ou de culpabilité. Il peut
ainsi se sentir rassuré dans l'idée que le référent spécialisé ne veut rien pour lui que le jeune ne pourrait
vouloir pour lui même.
Ce dont il s'agit, c'est bien de favoriser les possibilités d'adaptation permettre de se débrouiller tout
seul ou en faisant appel à d'autres, de composer avec les exigences de la réalité et réussir à
répondre à ses besoins de façon satisfaisante.
Mais c'est aussi permettre d'atteindre le plus haut degré d'autonomie (ce qui implique non de faire à la
place, mais d'accompagner pour aider à faire ses propres choix).
Pour réaliser ces objectifs, l'outil principal réside dans un accompagnement qui s'appuie sur des
capacités d'écoute active, d'empathie et de non-jugement, de respect et d'authenticité. Des
capacités à s'adapter rapidement et à savoir discerner les besoins des personnes au-delà de
leur demande initiale, et de maîtriser ses émotions.
Ainsi, on pourrait considérer la relation d'aide éducative intervient dans l'ici et le maintenant, et peut se
définir comme un processus en six étapes:
- créer tout d'abord un lien de confiance,
- écouter et observer,
- démontrer de la compréhension,
- identifier le besoin d'aide,
- amener la personne à reconnaître et à accepter son besoin
- soutenir la personne dans l'action.
Pour le jeune majeur
Il s'agit de son accès à son autonomie, à l'expression de ses désirs, à la reconnaissance de sa parole,
au respect de ses choix. TI s'agit d'apprendre à agir en dehors de toute projection des professionnels et
de trouver assurance et confiance en lui, en ses ressources, par la capacité éprouvée à trouver
personnellement des réponses à ses questions, des solutions à ses problèmes par le biais
incontournable de l'expérimentation, de ses expériences, de ses erreurs, échecs et réussites, à devenir
un citoyen
Le contrat comme outil pour le jeune et le référent.
Les buts recherchés sont : l'autonomisation l'insertion la socialisation tin jeune majeur.
Pour avancer vers ces finalités, un projet va être défini avec des objectifs en ternie de scolarité, de
projet ou d'activité professionnels, de logement indépendant, de gestion de budget, d'inscription dans
une activité sociale... , et des moyens seront mis en place pour les atteindre.
L'ensemble de ces objectifs (avec des étapes), organise la relation qui unit le service ASE, le référent et
le jeune majeur, par le contrat venant singulariser pour chaque situation, les modalités de la mise en
oeuvre de la mesure d'aide et d'accompagnement..
Un changement de direction dans la trajectoire d'insertion du jeune ne s'accompagne pas forcément
d'un changement dans sa situation de besoin et dans son droit à la mesure d'aide. Un changement
d'objectifs et de moyens de les atteindre invite à repenser, à revoir les termes du contrat mais pas
forcément la mesure d'aide. Le contrat est un outil de travail évolutif.
En général, le premier contrat est d'une durée de 6 mois maximum quand les projets ne sont pas
construits. C'est une période de ((tâtonnement» pour le jeune qui se trouve dans une période
d'indécision devant cette « nouvelle liberté de choix ». Ce temps doit être mis à profit pour faire émerger
les ((compétences », et les capacités du jeune et de prendre la mesure de ses besoins.
CONCLUSION
Ainsi nous avons construit un référentiel pour l'accompagnement des jeunes majeurs par un référent
spécialisé, qui s'appuie sur la notion de soutien avec bienveillance mais également avec lucidité.
Il s'agit de pour le référent spécialisé:
d’être vigilant pour saisir sans intrusion, sans violence, les moments où le jeune s'ouvre à
l'autre pour manifester sa volonté/capacité à aborder telle ou telle problématique qui le
préoccupe,
de faire vivre le contrat comme un outil de responsabilisation, de négociation, de discussion et
de contrôle de l'accompagnement, au service des buts d'autonomisation, et d'insertion sociale
et professionnelle,
de mesurer les risques d'en faire un contrat enfermant, une obligation à être et à agir, univoque,
et n'être qu'un moyen de pression.
Se dégager au mieux de ses attitudes projectives (prendre la mesure des projets/désirs qu'il
nourrit pour le jeune majeur) pour permettre au jeune majeur de sortir du dilemme que lui offre
cette forme de relation qui peut générer de l'ambivalence,
L'accompagnement d'un jeune majeur par le référent spécialisé est réalisé en étroite collaboration et en
complémentarité avec les référents de suivi jeunes majeurs dans les lieux d'hébergement mais ce serait
insuffisant s'il ne s'inscrivait pas dans un partenariat avec les dispositifs d'insertion, les différents
organismes de droit commun.
Accompagner c'est en quelque sorte passer de la relation d’aide à la relation d'être
Présentation de l’expérience de la FNADEPAPE,
Jean-Marie Muller, FNADEPAPE
Je tiens en premier lieu à remercier l’équipe de l’Oned, et particulièrement Paul Durning, qui a
beaucoup œuvré pour que participent les usagers de la protection de l’enfance, ainsi que Madame Oui,
et les membres du groupe de travail.
Je les remercie surtout de donner une parole publique au grand nombre de ceux qui vivent leur passé
comme stigmatisant. J‘ai l’honneur de représenter, puisque je l’ai moi-même été, ceux qui sont placés
dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance. La Fnadepape regroupe 75 associations départementales,
nous recouvrons quasiment tout le territoire, à travers des associations plus ou moins actives. Nous
souhaitons relancer notre propre mouvement autour de cette problématique. Notre congrès qui se
déroulera en mars 2010 donnera suite à ce qui se passe aujourd’hui.
Nous ne couvrons pas le Morvan et assez peu la région parisienne, malgré la présence d’une
délégation qui se développe rapidement. Notre fédération, qui existe depuis 50 ans, repose donc sur
des associations de province. Elle s’est créée autour de la question de la sortie des jeunes de la
protection de l’enfance en 1958. En effet, un journal de cette époque avait publié un article selon lequel
les jeunes sortant de la Ddass avaient toutes les chances de devenir des gibiers de potence ou des
prostituées. Encore aujourd’hui, il arrive que la presse répète ce type de propos.
Nos associations ont été inscrites dans le code de la famille et de l’aide sociale en 1943 au moment où
étaient représentées les associations des familles, les UDAF. Nos associations représentaient les sans-
familles. Il est vrai que la notion des sans famille a largement évolué. Nos associations, qui étaient des
associations de pupilles de l’Etat sont devenues, en 1984 les anciens admis à l’Ase. Récemment, nous
avons changé notre label. Nos associations portent sur l’entraide des personnes accueillies en
protection de l’enfance, ce qui nous confère un label plus large et une certaine ouverture. Les
associations départementales accueillaient déjà toutes les personnes sortant des services d’aide à
l’enfance. Ces associations ont des noms qui rappellent leur histoire : la Maternelle, les Tremplins, le
Coupd’Pouce, l’Envol. Je voudrais remercier Cecilia, jeune majeure rencontrée en début de semaine en
Meurthe-et-Moselle qui fait ses études à Paris et, ayant appris que nous intervenions aujourd’hui est
venue à la journée.
En ce qui me concerne, je me rappelle parfaitement que la veille de mes 21 ans, il m’a été signifié que
je devais partir. 35 années de militance ont suivi. C’est peut-être ce qui m’a décidé à devenir travailleur
social. J’ai donc fait de cette question du placement : de l’abandon au placement, au déplacement, à la
recherche d’histoire, aux retrouvailles, aux pertes d’illusion. Les associations d’entraide sont là pour
participer à l’effort d’insertion sociale des personnes admises ou ayant été admises.
Cette appellation nous impose de tenir une place d’acteur dans le dispositif. Nous y avons beaucoup
pensé ces dix dernières années, au sein de la Fédération, à partir de notre expérience qui nous permet
de siéger à de nombreux endroits où se travaillent les problématiques d’adoption, d’accès aux origines.
Echanger avec des ainés qui ont vécu le même type d’histoire peut avoir une valeur à mettre en avant.
Avec notre entrée au conseil d’orientation de l’Agence d’évaluation sociale nous permet de défendre
notre point de vue et donner la parole aux usagers, actions que nous menons régulièrement depuis
plusieurs années. Nous considérons que les usagers de la protection de l’enfance sont les enfants pris
en charge. Certes, les familles doivent être considérées, mais elles ne sont considérées que parce que
les enfants sont pris en charge. Nous continuons à dire que le véritable statut de protection de l’enfance
est d’être pupilles de l’Etat. Nous sommes d’ailleurs très inquiets lorsque nous entendons des propos
selon lequel la disparition des pupilles de l’Etat serait le « Zéro défaut de la protection de l’enfance ». Il
faut prendre garde aux chemins de traverse franchis trop rapidement.
Nos associations ont également pour mission de témoigner. Nous voulons apprendre aux jeunes à être
fiers de ce qu’ils sont, de ne pas avoir honte de leur passé et d’oser dire d’où ils viennent. Il est très
difficile, me semble-t-il de s’inscrire dans l’avenir si l’on n’ose pas dire d’où l’on vient.
L’accompagnement des jeunes majeurs est un élément qui nous semble important. En effet, les jeunes
de notre fédération ont pris la parole au cours de notre congrès qui se tenait à Nice, l’année dernière.
Parmi les points qui leur semblaient essentiels :
- quel était le sens d’une injonction à l’autonomie dès l’âge de 18 ans, alors que les jeunes dotés
de parents que nous qualifierons d’adéquats, restent bien plus longtemps en famille. Au cours
d’un travail mené avec la Fédération des Mutuelles de France, nous avons vu que les jeunes
de la population générale restaient dans leur famille jusqu’à l’âge de 23, 24, 25 ans. Il existe
donc un véritable décalage avec ce qui est demandé aux jeunes de la protection de l’enfance.
Alors qu’ils ne bénéficient d’aucun soutien parental, il leur est demandé d’être plus autonomes,
plus rapidement que tous les autres.
- Que penser de l’ambition d’un projet construit entre 16 et 18 ans lorsque nous savons quelles
sont les incertitudes liées à cette période, ayant pour seul horizon l’autonomie à 18 ans ? Quel
projet peut développer un jeune sachant qu’il n’a que deux ans devant lui ?
- Que penser de la disparité de traitement des situations des jeunes entre départements ?
- Que penser du droit à faire des études pour des jeunes de l’ASE qui obtiennent leur bac,
souvent à l’issue d’études laborieuses, à l’âge de 20 ans, sachant qu’ils doivent avoir déterminé
leur voie professionnelle avant l’âge de 21 ans s’ils sont dans un département mettant en
œuvre des actions entre 18 et 21 ans ? En effet, nous avons constaté que certains
départements ne font pas le minimum légal entre 18 et 21 ans. Peut-être que la loi de mars
2007 permettra de changer les choses.
- Que penser de la surreprésentation des jeunes issus de l’ASE dans les phénomènes d’errance
des jeunes ?
- Que penser des chances de réussite des études ou de tout projet pour des jeunes confrontés à
des soucis de logement et de subsistance permanents ?
- Que penser des têtes bien pensantes qui refusent une aide sociale particulière aux jeunes issus
de l’ASE en France et se contentent de renvoyer au droit commun, sous le prétexte que des
associations comme les nôtres seraient discriminantes ? La discrimination existe bien avant, au
moment où votre famille ne peut vous aider. C’est à ce moment-là que l’enfant est stigmatisé et
non à 18 ou 21 ans. A l’âge de la majorité, la compensation de ce qui s’est passé au cours de
l’enfance est un juste retour des choses.
- Que penser de l’égalité des chances pour ceux qui, bien qu’élevés par le Conseil général se
retrouvent mis en perspective pour redevenir clients du CG au titre d’un revenu de solidarité
actif ?
- Que penser des dates anniversaires de 18 et 21 ans qui se transforment en dates fatidiques ?
Je parle de ces fameuses dates fatidiques depuis 10 ans et suis heureux que le rapport l’ait
repris. Je considère également que ces dates, pour beaucoup, deviennent fatales à l’ambition
de leurs projets.
- Ne devrait-on pas pouvoir bénéficier du RSA dès 21 ans ? Pour autant, nous ne prônons pas
une extension du RSA en dessous de 25 ans. En effet, la contractualisation nous semble une
démarche intéressante.
Les associations départementales permettent la reconnaissance entre pairs, entre personnes qui ont
vécu la même chose. Ce temps de 18 à 21 ans est un temps de passage, souvent défavorable. Ainsi,
en Meurthe-et-Moselle, deux jumelles qui bénéficiaient de contrats jeunes majeurs nous racontaient que
l’une disposait presque du double du montant que sa sœur, en racontant à l’éducateur spécialisé ce
qu’il avait envie d’entendre. Heureusement, tous les travailleurs ne pratiquent pas de cette manière.
Nous sommes également favorables au droit commun pour tous les jeunes issus de la protection de
l’enfance ou non, la même égalité des chances, la même possibilité d’être accompagnés. Tant que cela
ne sera pas le cas, et il reste encore un long chemin à parcourir, le rapport Hirsch n’apportant pas de
véritable réponse à ce sujet, la politique des réseaux prévaudra. Aussi, pourquoi notre association
n’agirait-elle pas comme un lobby pour défendre la cause des jeunes qui sortent des services ?
Nous établissons nos observations à partir du travail réalisé par les commissions jeunes fédérales. Il
nous semble en effet important que les jeunes deviennent acteurs. Nous avons une commission au
niveau national et des commissions jeunes dans nombre de départements. Ces jeunes actualisent les
positions que nous pouvons défendre sur les dispositifs.
L’expérience dont Monsieur Gamoury fera part se déroule en Moselle, depuis 20 ans. Le département a
confié à l’ADEPAPE de ce département, les crédits nécessaires à l’aide des jeunes majeurs au-delà de
21 ans. Les crédits seuls ne suffisent pas : il faut ajouter les bénévoles, grâce à qui s’expriment non
seulement la solidarité, mais également la fraternité, qui est nécessaire pour la réussite et le
dynamisme de ce type de structure.
En Meurthe-et-Moselle, l’observation porte sur 1200 jeunes aidés en 20 ans par l’association, 85 à 92%
de réussite aux diplômes, dont des diplômes universitaires, même si les jeunes aidés choisissent des
formations qui vont des CAP jusqu’à des DEA. Il me semble que l’un d’eux est aujourd’hui professeur
de médecine dans un centre important de Nancy.
Le jour de la sortie est celui où les études sont terminées, et il n’y a pas de limites à la durée des
études. Il s’agit d’un crédit de 170 000 euros par an, alloué par le Conseil général sur le budget
Solidarité Insertion. Cela représente 400 à 700 euros de mensualités, ce qui est suffisant pour ne pas
avoir de problème de subsistance après intervention du droit commun et de l’allocation de bourses
universitaires etc… Nous gardons toujours contact avec certains. 360 jeunes de l’ASE âgés de 18 à 21
ans, en effectifs continus, sont accompagnés par l’association. Ils sont en général tirés vers des études
supérieures. En effet, si nous leur disons, comme aux jeunes de la population générale, tu peux prendre
ton temps pour faire tes études, cela n’ouvre pas les mêmes perspectives que de rappeler à un jeune
que sa fin de prise en charge est à 18 ans et qu’il n’a plus beaucoup de temps devant lui pour faire ses
choix.
Pour les plus démunis, l’association a également développé des contrats d’objectifs avec les foyers de
jeunes travailleurs, avec les CAVA, les CHRS. Chaque fois qu’un jeune en CAVA gagne un euro,
l’association apporte un euro. En effet, nous doublons la mise. Les jeunes en CAVA ne sont pas
beaucoup payés et doubler la mise comme nous le faisons, permet de mettre le pied à l’étrier.
Le président de l’Association des Départements de France, que nous avons rencontré récemment, à
salué par écrit nos positions « novatrices et courageuses ». Nous avons recréé une nouvelle
association dans l’Est, qu’un président a subventionné à hauteur de 200 euros pour l’année, ce qui
témoigne du respect qu’il porte aux jeunes sortant de la protection de l’enfance.
Le rapport de l’Oned soutient notre ambition de tracer des parcours. Il est capital dans la mesure où il
met en lumière et amplifie ce que nous rappelons depuis des années. Nous avons élaboré une
plateforme destinée aux présidents des Conseils généraux, -que vous trouverez en annexe-, établie par
plusieurs générations d’anciens autour de la question du passage de l’adolescence placée à la majorité
et à la vie adulte,
Il y a 30 ans, les jeunes sortants que nous étions se posaient des questions sur leurs origines qui leur
avaient été cachée. Aujourd’hui, les jeunes sortants sont plus insécurisés que nous ne l’étions à
l’époque, car le soutien parental est encore largement défaillant à cet âge, mais heureusement, ils ont
des fratries avec lesquelles ils peuvent partager ce passé.
Témoignage d’une prise en charge
Abdel Gamouri, trésorier de l’ADEPAPE de Meurthe-et-Moselle
J’ai été pris en charge par l’Ase entre 2 et 18 ans. Je suis issu d’une fratrie de 6 frères et sœurs, tous
placés en foyer ou en famille d’accueil.
J’étais en foyer, lorsque j’ai atteint 18 ans. Nous avions appris à devenir autonomes, à préparer les
repas, à faire la lessive. Nous savions cependant que le Conseil général continuerait de nous suivre et
de nous aider par la suite.
J’ai su 4 mois avant mes 18 ans que j’allais devoir quitter le foyer. J’étais en 1ère à l’époque, à Longwy
et je devais partir pour Nancy à 120 km. Même si je préférais faire ma terminale dans la ville où j’avais
grandi, nous n’avions pas le choix à l’époque. Pour préparer ce départ, j’ai visité un foyer de jeunes
travailleurs à Nancy, avec mon éducateur du foyer. Ma transition du foyer vers le Conseil général s’est
globalement bien passée, contrairement à d’autres de mes frères, plus âgés. L’un de mes frères avait
fait une demande de BTS et était sur liste d’attente. Lorsqu’il a su qu’il était pris, il a quitté le foyer en
quelques jours, ce qui nous avait choqué. Pour ma part, j’ai eu la chance de préparer de départ en
quelques mois.
Un autre de mes frères, en famille d’accueil était suivi pas une assistante sociale. Cette dernière est
partie alors qu’il atteignait 18 ans et la transition s’est mal passée avec sa remplaçante. La transition
avec le Conseil général et l’obtention d’un contrat jeune majeur n’en a été que plus compliquée.
De 18 à 21, j’ai été suivi par le Conseil général, avec plusieurs contrats au cours de ces trois ans. J’ai
obtenu mon bac à cette période, suivi d’un BTS. En terminale à Nancy, j’étais logé dans un foyer de
jeunes travailleurs et lorsque je suis devenu étudiant, j’étais logé dans un CROUS. Ainsi, j’ai eu une
expérience plutôt positive. Les contrats durent normalement quelques mois, mais en prouvant mon
sérieux au travailleur social, j’ai obtenu un contrat jeune majeur d’un an, ce qui, à ma connaissance,
n’existait pas.
Pour mes frères, en revanche, la situation n’a pas toujours été aussi favorable. Ainsi au moment de la
signature du contrat jeune majeur, l’allocation du mois en cours n’est versée que le mois suivant pour
des questions de trésorerie et de mise en place. Comment réagir quand la paye du mois est versée un
mois plus tard ? Il nous était reproché de ne venir que pour réclamer de l’argent. Or, le CG n’avait pas
compris que, pour nous, il ne s’agissait pas d’un complément de revenus mais que nous en avions
besoin pour vivre, pour payer le lycée privé où nous faisions nos études, qui nous relançait sans cesse
lorsque nous étions en retard pour payer. Ce genre de problèmes tels que le versement parfois
irrégulier d’allocations, qui ne semble pas grand-chose pour les travailleurs sociaux, pour nous est
beaucoup plus difficile à gérer car nous ne disposons d’aucun revenu par ailleurs. Or nous avons
besoin de payer le loyer… Cela arrive encore actuellement en Meurthe-et-Moselle. Aussi, je proposerai
que, pour un jeune pris en charge, le contrat soit signé un mois avant afin que l’allocation tombe le mois
auquel elle est nécessaire.
Un autre de mes frères n’a, quant à lui, pas perçu d’allocation pendant un mois. En effet, s’agissant de
contrats de 2 à 3 mois, le versement est fait le mois suivant la signature. En l’occurrence, il y a eu un
décalage et un mois n’a pas été payé. Imaginez qu’on vous retire un mois de salaire. Il s’agit de petites
choses qui rendent la vie d’autant plus difficile pour ceux qui n’ont aucune ressource.
A partir de 21 ans, l’ai été aidé par l’ADEPAPE, une association composée de bénévoles. Les jeunes
aidés par cette association s’engagent par la suite à aider les jeunes qui arrivent ensuite. L’approche
est donc totalement différente de celle du Conseil général. En effet, lorsque je rencontre des jeunes et
leur explique que j’ai été dans la même situation qu’eux auparavant, cela les soulage de voir qu’il est
possible d’avoir des projets et qu’on peut réussir. Ils savent que nous allons continuer à les aider avec
l’association.
L’une de nos tâches majeures maintenant est de prévenir l’ensemble des foyers du département, du
moins, le réseau mis en place, de l’existence des associations départementales de la FNADEPAPE, et
que nous pouvons relayer le Conseil général. L’association fonctionne grâce à nous, des bénévoles,
l’approche est donc différente, ce dont les jeunes sont conscients et qu’ils apprécient. En effet, nous
sommes en foyer, puis suivis par le Conseil général. Aussi vient un moment où nous avons envie de
sortir de ce système de structures sociales. Il est question d’une association, et nous avons l’impression
d’acquérir davantage d’autonomie en sortant du système d’éducateurs, d’assistantes sociales. Cela
permet aussi aux jeunes d’avancer…
L’association m’a largement aidé. Grâce à elle, j’ai pu suivre une formation de comptable, à l’issue
duquel j’ai trouvé un emploi dans un cabinet d’experts-comptables. Le département compte de
nombreux diplômes de l’enseignement supérieur, qui vont du BEP à des bacs + 4 ou + 5. Dans
l’ensemble, les résultats sont bons.
Nous organisons également des rencontres animations jeunes, rassemblant les jeunes qui ont été
aidés, autour de différents thèmes, afin de faire remonter les informations sur la situation et le
déroulement des différentes étapes dans toutes les structures et au conseil général pour faire avancer
les choses.
Débat
Q : En quoi le dispositif mis en place dans le Loiret est différent d’un contrat jeune majeur ?
MT Leman : D’un point de vue organisationnel, les équipes qui assurent le suivi des enfants mineurs
n’assurent pas le suivi des jeunes majeurs. Après deux ans d’expérience, des jeunes majeurs viennent
nous dire combien ils sont contents qu’on s’occupe d’eux et non de leur famille ou de leurs parents. Le
positionnement professionnel est important. Il faut savoir se décaler et adopter une position particulière,
ce qui est difficile pour le personnel de l’ASE, dont la mission d’accompagnement et de suivi des
enfants est particulière. En effet, ces enfants ne peuvent plus vivre dans leur famille pour différents
motifs, mais ils restent au centre d’un contexte familial et d’une séparation. Arrivé à l’âge de 18 ans,
après avoir vécu des mesures de protection de l’enfance qui n’ont pas forcément été choisies, ou parce
que les parents ne peuvent plus agir après un certain nombre de passages à l’acte, il est compliqué de
continuer à entendre parler de sa famille. Le positionnement professionnel est important car il doit se
dégager lui-même d’une position de suppléance parentale vers un accompagnement de jeunes
adultes. L’accompagnement à l’autonomie n’est pas vraiment similaire au travail sur les problématiques
de séparation familiale. C’est la principale particularité de l’accompagnement des jeunes majeurs.
Il existe aussi des difficultés variées selon que les jeunes majeurs sortent de structures collectives, de
logements autonomes, de foyer de jeunes travailleurs et de familles d’accueil. Il a été longuement
question, ce matin, de la continuité des parcours est importante, de même que la durée et la cohérence
des actions. Oui et non. Les enfants qui vivent en famille d’accueil et deviennent adolescents
rencontrent des problèmes propres à cette période de la vie et sont parfois en difficulté dans ces
mêmes familles d’accueil à l’adolescence.
Lorsque nous avons mis en place cet accompagnement-là, nous avons commencé avec les MECS,
puisque c’était plus facile d’organiser les sorties de structures collectives. En famille d’accueil, entrent
en jeu l’affection et l’affectivité tissée au cours des années et la famille d’accueil agit parfois comme si le
jeune était son enfant. Nous avons parfois des jeunes sortis d’une famille d’accueil pour intégrer une
structure collective nous disent qu’ils vont enfin pouvoir souffler avec une espèce d’obligation de
gratitude envers la famille d’accueil dont ils ont un peu de mal à se dégager. Ce temps-là de transition
est donc plus compliqué à vivre pour les jeunes qui sont en famille d’accueil que pour les jeunes qui
sont en institution. Ils sont parfois plus isolés. Les jeunes en structure collective peuvent compter sur au
moins un(e)ami(e), ce qui n’est pas forcément le cas pour les jeunes en famille d’accueil. Nous n’avons
pas encore beaucoup de recul mais certaines représentations sont largement liées à des
représentations affectives qui, dans la réalité sont finalement plus des inconvénients que des
avantages.
Q d’un directeur d’association en protection de l’enfance : les associations sont le fait de bénévoles et je
souhaite rappeler que les associations en protection de l’enfance œuvrent au service des jeunes en
protection de l’enfance. Certes il existe des décalages dans le versement des allocations, mais nous,
système associatif, le reprenons à notre compte et nous faisons rembourser par le conseil général. Le
cœur de notre mission reste les jeunes. Je tiens à le rappeler car j’ai l’impression que seules comptent
les collectivités et que cela manque de militantisme.
La difficulté de la sortie des établissements a été soulignée. Symboliquement, lorsque le jeune a été
placé longtemps dans un établissement, il a besoin de rejouer la séparation, la même que les
adolescents jouent avec leurs parents. Aussi, certains refusent les mesures jeunes majeurs pour cette
raison. Nous savons qu’il peut s’agir d’une réaction à son histoire et préférons lui laisser 6 mois de
réflexion, ce qui fonctionne très bien avec le conseil général de Côte-d’Or. Nous aurions donc tout
intérêt à partager nos initiatives, certaines pouvant facilement être mises en place.
Concernant le logement, outre les difficultés d’accès au logement, par exemple en région parisienne, le
jeune doit être également prêt à affronter le sentiment de solitude qui peut exister.
JM Muller : Le jeune, à 18 ans, perçoit le changement de prise en charge du fait de la
contractualisation. A 21 ans, le changement est perçu à travers le changement d’interlocuteur qui pose
les bases de façon différente, avec des contrôles a posteriori. Les dates des 18 et des 21 ans servent
de points de repère. Il s’agit d’un temps de passage, qui doit être scandé.
MT Léman : les missions sociales des conseils généraux évoluent au fur et à mesure. Les missions de
protection de l’enfance changent également : les enfants arrivent de plus en plus tard dans les mesures
de protection. Nous recevons plus d’adolescents arrivant entre 16 et 18 ans que d’enfants qui nous sont
confiés. Nous devons réfléchir aux moyens de les accompagner pour les aider à devenir des citoyens, à
exister et non pas seulement à les insérer. Il s’agit d’une frange de population vulnérable prise en
charge par l’ASE au titre des contrats jeunes majeurs qui fait la jonction entre 18 et 20 ans, lorsqu’un
autre dispositif se met en place pour ces populations.
Nous sommes heureux de compter nombre d’associations qui se préoccupent de cette population en
difficulté. Les référents jeunes majeurs que nous avons mis en place sont des personnes ressources, il
s’agit d’un fil rouge, qui marque la continuité et la transition. Cette personne de référence ne doit pas
être la même qui a pris l’enfant en charge lorsque la famille n’a plus pu s’en occuper mais qui puisse
marquer le relais avec d’autres structures.
Q : Il est intéressant de voir que les préconisations formulées ne vont pas forcément dans le sens des
pratiques. Il serait intéressant de mettre en débat les différentes pratiques : le référent jeune majeur, le
passage à l’âge de 18 ans… Comment permettre aux jeunes de participer davantage au processus. J’ai
entendu la recommandation de les associer. Or en tant que jeune issu de l’ASE, avez-vous le sentiment
que cette participation a été suffisante ? Cela vous a-t-il posé problème une fois arrivé à l’âge adulte ?
Par ailleurs, il me semble qu’il faudrait revenir sur la place du père. En effet, au cours d’une recherche
sur une maison d’enfant, certains jeunes nous avaient dit que le rôle du père avait été fondamental à la
sortie ? Est-ce que cela revient dans les témoignages ? Comment est-ce pris en compte dans les
structures ? Il me semble que c’est assez marginalisé malgré les témoignages des jeunes.
Enfin, les collègues étrangers ont souligné la question des genres et des origines socioculturelles. Or je
n’ai pas entendu, dans les recommandations, ni dans les témoignages si ces questions de genre et
d’identité culturelle posaient des difficultés et comment elles étaient prises en compte.
JM Muller : Nombre de jeunes qui font partie de ces cohortes qui nous arrivent sont issus de
l’immigration, certains présentent d’importants problèmes pour rester sur le territoire français, la
question n’ayant pas été réglée depuis leur minorité.
A 18 ans, se pose la question de la contractualisation, qui implique un rapport de forces quelque peu
inégal : l’un est adulte, l’autre sort de l’enfance. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé, en
tant qu’association d’usagers, que des bénévoles de l’association puissent être aux côtés du jeune
majeur pour les soutenir et les appuyer. Dans notre département où nous sommes actifs, des
travailleurs sociaux disent au jeune qu’il fera preuve d’autonomie s’il ne vient pas nous voir. Or, il me
semble que l’idéal, pour le jeune serait d’être accompagné au cours de ces premières
contractualisations pour être soutenu, mais également pour ouvrir des voies, donner de l’ambition au
jeune et le rassurer s’il craint l’échec. Or nous avons encore beaucoup d’efforts à faire.
A.Gamouri : Personnellement, je me suis senti particulièrement redevable de l’aide apportée par
l’association. Ayant compris qu’il s’agissait de bénévoles qui prenaient sur leur temps libre pour m’aider,
je me suis senti redevable et j’ai voulu faire la même chose pour aider d’autres jeunes. Motiver d’autre
jeunes pour entreprendre cette démarche de bénévolat est loin d’être évident.
JM Muller : il s’agit de la question de la dette envers l’association. Comment démontrer sa
reconnaissance. En l’occurrence, devenir trésorier d’une Adepape comme Abdel se traduit par de
nombreux soucis, des heures de travail en plus, absolument pas honorifique. Il faut faire les comptes et
parler aux jeunes lorsqu’on se rend à l’association. Dans les associations où les jeunes sont devenus
acteurs du dispositif, ce sont eux, qui atteignent la trentaine aujourd’hui qui prennent le relais, et
s’investissent auprès des jeunes qui arrivent. L’un des aspects du rapport traite de la citoyenneté, tout
comme Abdel qui, par cet investissement, rembourse ce dont il se sent redevable. C’est un schéma que
nous proposons là où c’est possible.
Q : Un aspect n’a pas été abordé, il s’agit de l’approche ethnologique du public. Nous recevons, en
CHRS, de nombreuses jeunes femmes d’origine subsaharienne, arrivées comme mineurs étrangers
isolés, prises en charge par l’ASE et qui ont obtenu des papiers. Lorsque nous travaillons avec elles,
qu’elles arrivent à l’âge de 18 ans, et que nous abordons la question de la contractualisation, elles
deviennent sujet. Or il s’agit de populations pour lesquelles la notion de sujet n’a pas le même sens, ni
la même représentation que celui que nous lui conférons. Certes, notre rôle est de les aider à devenir
autonomes. Nous devrions peut-être réfléchir sur les pratiques, les outils, le vocabulaire qui n’est pas
adapté à ce type de population qui fonctionne sur la notion de communauté, certaines étant mandatées
par leur famille pour permettre à un village en Afrique de survivre.
Concernant la terminologie utilisée. Il a été à de nombreuses reprises question de sortir. Il me semble
que le mot sortie est assez angoissant, car il signifie aussi « mettre dehors » N’aurions-nous pas intérêt
à utiliser le mot « entrée » pour signifier le passage vers autre chose, qui donne une dimension de
parcours, de continuité et ne crée pas d’angoisse supplémentaire.
Anne Oui : je vous remercie pour vos interventions et vos questions qui rejoignent des questions que
nous nous sommes posé au cours de ce travail. La question des jeunes migrants s’est posée au groupe
de travail. Nous l’avons écartée volontairement, considérant que le public des mineurs étrangers isolés
était un public à part qui posait de nombreuses questions difficiles et risquait d’e concentrer l’ensemble
des débats. Il s’agit cependant d’une question de fond à traiter, en lien avec notre sujet.
La question étymologique autour du terme « sortir » nous a également beaucoup fait travailler. Même si
nous avons pris la mauvaise habitude de parler de sortie, vous remarquerez que notre rapport s’intitule
« Entrer dans l’âge adulte ».
De la salle : pour compléter l’intervention de la personne en CHRS, nous nous sommes rendu compte
que les jeunes de 18 à 25 ans représentent entre 20 et 25% des publics accueillis en CHRS. La FNARS
au niveau national et régional travaille sur ces questions. La question d’accompagnement global, social,
individualisé est également largement travaillé, entre les associations, les structures d’accueil côté
mineurs et majeurs.
Q, chargé de mission sur la question des jeunes majeurs, CG 04 : Il me semble sue nous avons assez
peu parlé aujourd’hui d’un danger qui pèse sur les jeunes majeurs dans les mois ou les années à venir,
en l’occurrence la baisse des financements des conseils généraux. Il s’agit d’une réalité dans nombre
de départements, dont le mien, comme le révèle une petite enquête que j’ai menée dans toute la
France. J’ai été éducateur en protection de l’enfance et dois aujourd’hui faire des coupes sombres
parmi les effectifs de jeunes majeurs.
En tant que professionnel de l’ASE, je tiens à rappeler que nous ne pouvons stigmatiser. Pas un enfant
pris en charge n’a un parcours identique à un autre. Pour certains, le choix d’un établissement convient,
pour d’autres, le choix d’une famille d’accueil convient mieux. Dans les Alpes-de-Haute-Provence,
aujourd’hui, j’ai dénombré 25 contrats jeunes majeurs. Suite aux difficultés financières de la PJJ, le
Conseil général voit arriver un certain nombre de grands adolescents qui vont venir enrichir la cohorte
des jeunes majeurs. Mon enquête porte sur une cinquantaine de jeunes adultes, déjà sortis, encore
dans le dispositif ou qui vont y entrer. Tous ceux qui sont arrivés à l’ASE sortaient d’une famille : 95%
d’entre eux sortent sans famille. Ces familles ont été en grande difficulté, d’un point de vue
psychologique, social, souvent maltraitante. Cependant, certaines ont des compétences à trouver. Or
aujourd’hui, dans mon département, nombre de ces adolescents quittent l’ASE sans bénéficier d’un toit
familial. Il n’est pas question d’affection mais de toit familial sous lequel s’abriter.
Anne Oui : Financièrement parlant, il est vrai que la période est très difficile. Aussi, pour savoir
comment soutenir cette population, nous avons décidé de nous concentrer sur les expériences et les
initiatives qui disposent de moyens de soutien des actions, voire une mutualisation des moyens. En
effet, dans certains départements, ont été rassemblés le FAJ, l’aide aux jeunes majeurs, afin de faire
exister ces dispositifs. Certes, les fonds sont nécessaires, mais il est parfois crucial de rationnaliser les
fonds existants, de travailler autrement.
MF Bellé Van Thong : dans le Val d’Oise, l’existence de dispositifs repose entièrement sur la
mutualisation du réseau, du partenariat. Il n’y a donc de financement ni du Conseil général, ni de la
PJJ. Les seules dépenses spécifiques sont celles de l’évaluation, comme le rappelait l’intervention du
CREAI et un poste de coordinateur afin de faciliter le démarrage de l’opération.
JM Muller : la question de la mutualisation est posée par les Adepapes qui voient les subventions
issues des Conseils généraux baisser, comme si les jeunes pris en charge étaient responsables de la
crise, ce qui pose des questions de fond. Dans les départements les plus volontaires, nous n’avons pas
encore ressenti les effets de la crise. Nos associations reposent sur le travail des bénévoles, aussi, les
coûts directs sont les aides versées aux jeunes. Au cours des quatre années comprises entre 21 et 25
ans, les coûts évités peuvent être sujets à débat. En effet, il y aurait une véritable réflexion à mener sur
ces coûtés évités et ce qui est versé au titre du RSA. Il me semble que nous pouvons retrouver les
mêmes personnes dans des situations encore plus graves quatre ans plus tard.
MT Leman : Globalement, selon les départements, les prises en charge jeunes majeurs représentent 8
à 10% des enfants sortant de l’ASE, chiffre stable depuis une dizaine d’année. Nous avons remarqué
que les jeunes ayant la possibilité d’accéder à l’autonomie, mais qui ne sont pas indépendant
financièrement, restent plus tardivement dans les dispositifs d’aide. En effet, la crise financière a eu des
effets. Nous sommes, dans le Loiret préoccupés par la protection de l’enfance et les budgets consacrés
aux jeunes majeurs et à la formation sont pris en charge par l’insertion et non par l’ASE. Se lon
l’organisation des départements, les budgets ne sont pas répartis de la même manière.
Bilan et mise en parspective
Annick Camille Dumaret, CERMES- Inserm-U.750
Nous avons entendu au cours de la matinée, des propos soulignant la précarisation et
l’appauvrissement des jeunes adultes, la prolongation de la scolarité, de plus de plus d’élèves
parvenant jusqu’au bac, le passage à l’âge adulte est plus flou et moins linéaire qu’autrefois, entraînant
une plus grande dépendance des jeunes adultes. s
Puisque c’est aussi une des missions de l’ONED de participer au développement et à la diffusion de
travaux, cette présentation sera plus axée sur quelques études : situation des jeunes adultes, ayant ou
non bénéficié d’accompagnements à la sortie.
Notamment issue des pays anglo-saxons, la littérature internationale, à travers de très nombreuses
recherches sur la sortie des placements, montre nettement les risques de marginalisation de ces
populations, souffrant d’un passage à l’âge adulte plus difficile pour ces jeunes que pour leurs pairs,
notamment pour certains groupes discriminés. Ainsi, aux Etats-Unis, les différents groupes ethniques
(selon la terminologie anglo-saxonne) sont mentionnés (white americans, hispanic americans, afro-
americans…). En France, nous parlons des mineurs étrangers isolés.
Au cours de la journée, nous avons également vu que les sorties de protection de l’enfance sont
différentes selon le type de prise en charge et semblent plus faciles en famille d’accueil qu’en institution,
bien qu’il ne s’agisse pas toujours des mêmes publics. Ces résultats sont à moduler en fonction des
histoires familiales, des caractéristiques individuelles et des vécus antérieurs à l’admission.
J’ai listé les difficultés auxquelles ces jeunes sont confrontés. Les chiffres seront disponibles dans le
numéro spécial de Société Jeunesse en Difficulté qui sera bientôt disponible, ainsi qu’un numéro de la
revue internationale Education Familiale.
Certains problèmes sont identiques à ceux des jeunes issus de la population générale (sorties sans
diplômes, absence de valorisation de potentialités, crainte de l’avenir notamment pour les jeunes issus
des milieux socio-économiques défavorisés qui ne bénéficient pas de support familial, encore moins
financiers. D’autres obstacles sont davantage liés à leur situation d’anciens placés : contextes familiaux
difficiles, voire inexistants, obérant le sentiment d’appartenance voire d’affiliation, ruptures, séparations,
morbidité très élevée dans ces population (parents, frères et sœurs), ce qui rend d’autant plus difficile
la création d’un contexte relationnel familial et amical, problèmes de santé mentales corrélés aux
négligences lourdes et mauvais traitements, corrélés à une souffrance psychique liée au placement lui-
même. Le logement représente une difficulté majeure : des travaux anglais montrent que cette
population compte 20% de SDF parmi ceux sortant des placements.
En France, plusieurs études sur les trajectoires à la sortie et d’autres à plus long terme notent la
diminution des problèmes avec le temps. Les problèmes majeurs ont lieu au cours des premières
années : hospitalisations psychiatriques, déménagements au cours des 3 premières années surtout
(Frechon et le 93 pour la France, Dumaret avec l’étude Grancher et maintenant SOS Villages
d’enfants).
Les premières recherches qualitatives (Stein en Grande Bretagne…) ont montré que les jeunes
demandaient des aides concrètes pour faire face aux problèmes de la vie quotidienne, et à profiter des
consultations dans les services médico-sociaux) et se sont attachées à démontrer des effets positifs
mentionnés dans les études :
1) sur les placements : continuité du placement et des services, théorie de l’attachement…
2) sur la période qui entoure la sortie : tous les résultats convergent pour souligner la nécessité de
prolonger les accompagnements et supports d’aide.
Toutes les études démontrent l’importance de nouer des liens stables avec des adultes, afin de
favoriser le modèle identificatoire. « Pas de qualitatif, sans affectif ». pour s’inscrire dans les
apprentissages.
La Midwest evaluation (travaux de Courteney et autres), démarrée en 1999, fait pendant avec le travail
ELAP. Il s’agit de l‘une des rares études prospectives ayant permis un suivi des jeunes placés par
décision judiciaire (pour abus et négligence) dans une importante fondation privée américaine. Ces
données ont été comparées avec celles d’une enquête nationale auprès de grands adolescents. Il
s’agit d’une étude difficile à mettre en œuvre, avec plus de 80% de répondants à chaque vague
d’enquête.
Les jeunes sont interrogés à 19 ans, alors que les jeunes viennent de sortir : la situation est difficile par
rapport à leurs pairs, dans tous les domaines, mais la majorité garde une perception positive de ce qui a
été fait pour eux. Deux points positifs émergent : certains ont un support relationnel existant sur lequel il
faut jouer tant qu’ils sont en placement. Les jeunes toujours placés à 19 ans sont dans une meilleure
situation que ceux ayant quitté le système auparavant ;
A 21 ans : soit environ 2 ans après la sortie, malgré de nombreux problèmes de logements et de
situation de SDF, nous constatons une légère amélioration : moins d’arrestations, moins de jeunes
condamnés, mais 7% de jeunes incarcérés. Une précarité économique plus importante que dans la
population générale (50% ont un travail, contre 2/3 dans le reste de la population, un salaire moins
élevé, une santé plus fragile, moins d’assurance santé. plus de recours aux aides sociales.
Si 4 jeunes sur 10 se plaignent d’avoir manqué d’aide mais l’amélioration des situations est notée pour
plus de la moitié d’entre eux. Pourquoi dans certains Etats, les programmes ne sont-ils pas utilisés,
alors qu’ils sont importants pour les jeunes ayant connu le plus de difficultés pendant leur placement ?
Or quelqu’un a remarqué au cours de la journée, que certains jeunes n’accèdent pas encore, ou au prix
d’importantes difficultés, aux contrats jeunes majeurs.
D’autres études ont porté sur des programmes s’adressant à des jeunes placés pour de longues
durées :
- Une étude porte sur les jeunes évalués à 23 ans : plus ceux-ci sont sortis tard du placement ou
ont utilisé les services par la suite, mieux ils s’en sortent. Peut-être que selon le type de
placement dont ils ont bénéficié, les jeunes ont une meilleure information sur les aides et
l’assistance dont ils peuvent disposer, ce qui développe leur capacité à demander de l’aide
- Une autre étude portait sur les jeunes ayant été placés et atteignant l’âge de 30 ans, certains
souffrant de problèmes psychiatriques et d’autres, non. Si les jeunes souffrant de troubles
psychiatriques sont dans des situations plus difficiles, deux facteurs sont majeurs : l’estime de
soi et le niveau d’éducation.
Parmi les travaux français, certaines études se sont orientées sur des devenirs à long terme (environs
20 ans) de ces jeunes.
SOSVE : étude longitudinale dans le passé qui apporte des informations intéressantes sur l’insertion
actuelle et la qualité de vie des anciens placés ainsi que sur les relations entre l’entrée dans l’âge adulte
et 15-20 ans après. Les plus de 40 ans sont ceux qui ont le moins bénéficié d’aides à la sortie.
130 jeunes ayant vécu au moins 3 ans en Village d’enfants et sortis depuis 3 ans et plus ont été
sélectionnés et étudiés entre 23-50 ans : 123 sont en vie (80% de répondants, soit 103 personnes) ; 73
interviews d’adultes, d’une une heure et demie, réalisées par des psychologues).
Etude comportant des informations de sources multiples :
- Les jeunes ayant un bac professionnel et plus ont eu plus facilement accès à l’indépendance
que les non diplômés.
- Plus de 6 jeunes sur 10 avaient bénéficié d’aides institutionnelles, surtout les moins de 35 ans,
- des diplômes d’enseignement général et professionnel ont été obtenus grâce à la prolongation
des prises en charge (contrats Jeunes majeurs et aides spécifiques de l’institution :
appartement des adolescents et jeunes majeurs, aide financière, aides personnelle de la mère
SOS au moment de la sortie, aide des frères et des sœurs déjà sortis qui ont hébergé les plus
jeunes…)
La situation de ces jeunes vers 24-25 ans est évaluée pour 114 des répondants (soit plus de 9/10) :
- accès à l’indépendance (financière et logement individuel) pour les 2/3 des jeunes,
- indépendance acquise avec difficulté pour 24% (en majorité des hommes)
- 11% ne sont pas indépendants.
Il apparaît que 2 facteurs ont un effet sur l’indépendance vers 24-25 ans : les diplômes acquis et la
gravité des troubles psychiques qui reflètent la maltraitance (expliquer pourquoi).
Il est donc nécessaire d’identifier tôt les problèmes de ces jeunes dans les placements, afin de mettre
en place au plus vite les soins appropriés : psychiatriques, psychologiques, peut-être d’autres type de
soins à inventer pour ces adolescents qui n’acceptent qu’avec difficulté les suivis psychiatriques.
D’autant plus que les troubles psychiatriques et comportementaux sont très liés, travailler sur ces
aspects améliore l’apprentissage et permet d’obtenir plus de diplômes. Chez SOS Village d’enfants, les
prolongations des suivis de 18 à 20 ans ont permis d’obtenir ¼ des diplômes.
Concernant le devenir à long terme de ces anciens des villages d’enfants (plus de la moitié sont sortis
depuis 20 ans), nous nous sommes intéressés, en dehors de l’insertion socioprofessionnelle et
familiale, à leur qualité de vie actuelle. Globalement, le groupe des anciens des VE ne se distinguent
pas du groupe de référence PACA du même âge (les 25-49 ans) quant à l’évaluation de leur état de
santé sauf pour l’évaluation de l’incapacité et à un moindre degré, la sociabilité.
Les événements de vie du passé ont, cependant, un impact important, notamment la pérennisation des
facteurs de vie difficile et le cumul des facteurs de risques (effets des maltraitances et des carences
graves sur la santé mentale, et par conséquent, sur l’insertion générale). Leur qualité de vie (santé
physique, mentale, estime de soi, sociabilité) est altérée de façon significative par les problèmes de
santé mentale pendant le placement ou en fin d’adolescence dans la période qui entoure la sortie.
Tous les indicateurs de santé (sauf l’incapacité) sont significativement liés aux problèmes psychiques
graves au moment de la fin des prises en charge. Cela se traduit par davantage d’anxiété lors de la vie
adulte et des problèmes de dépression.
Aussi, l’observation des troubles en début puis en fin de placement peut être un bon critère
d’évaluation, qui est utilisé aux pays bas pour les études des jeunes des résidences. Ceux dont les
troubles ont disparus en cours de prise en charge jouissent d’une meilleure santé physique et mentale,
de moins de dépression…
J’ai entendu à plusieurs reprises l’importance de la préparation à la sortie : il s’agit notamment de
développer la sociabilité, de travailler sur la communication, l’expression des émotions,
développer ;’estime de soi, les apprentissages à l’autonomie, renforcer le réseau relationnel par des
interventions individualisées (en fonction de l’histoire, des handicaps de chacun) et des interventions
multidimensionnelles. Autre point capital que pose le droit commun : prolonger le soutien existant pour
ces jeunes au mois et idéalement au-delà de 21 ans, pour assurer une sécurité de base, transitionnelle
pour les plus fragiles. Ceux qui ont été le plus aidés par SOS Village d’Enfants sont ceux qui avaient le
plus de difficultés d’insertion et de santé. Il est nécessaire de développer les partenariats, et faire
travailler ensemble l’école, la santé, le bien-être, l’insertion professionnelle.
La loi de 2002 oblige à une évaluation interne au bout de 5 ans ou externe au bout de 7 ans. Les
Conseils généraux ont mis en place des expériences, qui peuvent être évalués par les CREAI, les
universités avec les masters et les masters pro.
Il faut intégrer les jeunes dans l’évaluation des projets de recherches et d’intégration. Peut-être vont-ils
apporter d’autres éléments pour nous aider à construire ces outils à partager, dont parlait Madame
Bellée Van Thong. Nous constatons, depuis 15 ou 20 ans, la prise en compte de la parole des usagers,
ainsi que celle des professionnels.
Il existe des moyens en France, mais il faut être tenace et trouver les financements nécessaires. Ceci
dit, les dispositifs de prévention certes ont un coût, mais ce coût est toujours moindre que la réparation
qui viendra après.
Conclusion Anne Oui L’objectif de cette journée était de parvenir à faire émerger le débat. Les nombreuses questions
montrent que la réflexion doit se poursuivre. Pour 2010, nous suivrons le projet d’études Elap, avec
l’équipe d’Isabelle Fréchon. Nous allons également être attentifs à suivre ce qui est réalisé dans le
cadre participatif et la façon dont les jeunes en protection de l’enfance peuvent être sollicités pour
participer à leur prise en charge.
L’Oned est associé à une réflexion par le Haut Commissariat à la jeunesse, autour de la concrétisation
de la proposition n°16 du Livre vert de la jeunesse, portant sur l’aide matérielle aux jeunes sortant de la
protection de l’enfance.
Parmi les évènements à suivre, le congrès de la FNADEPAPE, ieu de réflexion sur l’accompagnement
des jeunes dans leur passage à l’âge adulte. Doit également être pris en compte toute les expériences
menées sur le terrain, que nous serions heureux de continuer à suivre et à valoriser.
Nous vous remercions pour cette journée et vous souhaitons un bon retour.
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