Flore intestinale et obésité

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Médecine des maladies Métaboliques - Juin 2007 - Vol. 1 - N°2

Correspondance :

Fabrizio AndreelliService de diabétologie-endocrinologie-nutritionCHU Bichat-Claude-Bernard46, rue Henri-Huchard 75877 Paris cedex 18fabrizio.andreelli@bch.aphp.fr

D ans le développement de l’arse-

nal thérapeutique contre l’obé-

sité, ont été pris en compte de

nombreux déterminants du poids et de

la balance énergétique. S’il est vrai qu’il

existe une susceptibilité génétique à

l’obésité commune, l’épidémie actuelle

d’obésité ne peut être attribuée aux seuls

aspects génétiques. Les modifications

du mode de vie avec une plus grande

disponibilité d’une nourriture plus acces-

sible, plus calorique et plus palatale, et

à l’inverse, une diminution de l’activité

physique quotidienne, sont des déter-

minants importants. Cependant, d’autres

déterminants de la survenue de l’obésité

commune sont suspectés, représentant

de potentielles cibles thérapeutiques.

Des travaux récents mettent ainsi en

avant quelques particularités de la flore

intestinale.

Le méta génome du corps humain est

composé à la fois du génome humain

codé par nos 46 chromosomes, mais

également des génomes des trillions de

microbes qui le colonisent. Ces gènes

déterminent de nombreuses fonctions,

dont des activités enzymatiques com-

plémentaires à celles déterminées par les

gènes humains.

Des travaux récents ont exploré les

relations potentielles entre cette vaste

population microbienne et la régulation

du poids, mettant notamment en évi-

dence, la différence entre la flore intes-

tinale des patients obèses et des sujets

minces.

Dans un premier travail, ont été étudiés

par séquençage de l’ARN ribosomal

16S des selles, le microbiote intestinal

de 12 sujets obèses et de 12 sujets de

poids normal, puis des 12 sujets obè-

ses, soumis à un régime hypocalorique

pendant un an, soit pauvre en graisse,

soit pauvre en hydrates de carbones [1].

De ce travail, plusieurs conclusions ont

pu être obtenues. La flore bactérienne

retrouvée dans les selles humaines

est constituée en majorité par deux

familles dénommées Bactéroidetes et

Firmicutes. Ces deux familles sont pré-

dominantes dans le microbiote intesti-

nal humain, représentant plus de 90 %

de la flore intestinale. Dans les selles

de sujets obèses, avant toute modifica-

tion calorique, la famille Firmicutes est

prépondérante par rapport aux sujets

de poids normal. Lors des modifica-

tions caloriques, et ceci quel que soit

le type de régime suivi, l’abondance

de la famille Bacteroidetes augmente

dans les selles des sujets obèses et,

celle des Firmicutes décroît de manière

significative. Enfin, cette modification

de la proportion relative des familles

bactériennes observée dans la popu-

lation obèse est corrélée au pourcen-

tage de la perte de poids et non à la

modification de la teneur en calorie du

régime.

Une seconde étude, publiée dans

Nature en décembre 2006, consistait à

caractériser le microbiote intestinal pré-

levé dans le caecum de souris obèses

Ob/Ob, hétérozygotes Ob/+ et contrô-

les +/+ d’une même portée par séquen-

çage de l’ADN [2]. De même que chez

l’humain, on retrouve une augmentation

du ratio Firmicutes/Bacteroidetes chez

les souris obèses par rapport aux sou-

ris minces. D’autre part, les enzymes

codées par le génome microbien des

souris Ob/Ob, représenté en majeure

partie par la famille Firmicutes, cataly-

sent la phase initiale de la dégradation

des polysaccharides non digestibles

(glycoside hydrolase), conférant alors

une capacité accrue d’extraction calo-

rique des aliments. D’ailleurs, l’analyse

calorimétrique des selles révèle que les

Flore intestinale et obésitéA. Yazigi, F. AndreelliService de diabétologie-endocrinologie-nutrition, CHU Bichat-Claude-Bernard, Paris.

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fèces des souris Ob/Ob ont significa-

tivement moins d’énergie par rapport

à ceux des souris non Ob/Ob de leur

fratrie, et des taux plus élevés de pro-

duits de fermentation [2 ].

Enfin, la transplantation (par gavage

oral) de microbiote de souris obèses

Ob/Ob chez des souris vierges de flore

intestinale (souris C57Bl6 dépourvues

de germe, ou souris « germ free ») induit,

après une période de deux semaines,

une augmentation de la masse grasse,

sans majoration de la consommation

alimentaire. En revanche, les souris

« germ free » receveuses de microbiote

de souris minces (flore Bacteroidetes)

ne subissent qu’une prise de poids

modeste [3 ].

Au total, ces données suggèrent que les

différences de composition du micro-

biote intestinal induisent, chez le sujet

obèse, une meilleure extraction calorique

des nutriments avec, au final, une prise

de poids significative.

Plusieurs questions restent encore cepen-

dant en suspens : nous savons qu’il existe

de nombreux systèmes régulateurs de la

balance énergétique, telle que la leptine,

l’insuline, les incrétines, qui induisent

une régulation de la prise alimentaire en

fonction des apports énergétiques. Le

microbiote est-il également régulé par ces

signaux neuroendocriniens ? Comment et

pourquoi la composition de la flore intes-

tinale est elle régulée ? Existe-t-il des

mécanismes d’adaptation du microbiote

et de sa capacité d’extraction calorique,

aux situations de jeûne ?

Ces observations très originales, ouvrent

une nouvelle voie thérapeutique, via la

manipulation de la flore intestinale pour

le traitement ou la prévention de l’obésité

humaine.

Références[1] Bajzer M, Seeley RJ. Physiology: obesity and

gut flora. Nature 2006;444:1009-10.

[2] Turnbaugh PJ, Ley RE, Mahowald MA, et

al. An obesity-associated gut microbiome with

increased capacity for energy harvest. Nature

2006;444:1027-31.

[3] Ley RE, Turnbaugh PJ, Klein S, Gordon JI.

Microbial ecology: human gut microbes associa-

ted with obesity. Nature 2006;444:1022-3.

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